INFERTILITÉ www.invivomagazine.com
Penser la santé N° 11 – AVRIL 2017
INFERTILITÉ
QUAND LA SCIENCE CRÉE LA VIE
IN VIVO N° 11 – Avril 2017
NOUVELLE LÉGISLATION / SPERMATOZOÏDES ARTIFICIELS / SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE
CYBERATTAQUES Les hackers visent les hôpitaux ALEXANDRE JOLLIEN Les risques d’une médecine déshumanisée ALZHEIMER Le casse-tête des chercheurs Edité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LE POUVOIR DE L’OEIL
«Les infographies sont rigoureuses, ingénieuses et plaisantes à regarder.»
«Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution.» Johanna M., Carouge
Dominique G., Vufflens-la-Ville
«Chaque article est pertinent!» Béa B., Danemark
ABONNEZ-VOUS À IN VIVO «Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs.» Swissnex, Brésil
«Super mise en page!» Laure A., Lausanne
«Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j'enseigne.» Isabelle G., Lausanne
«Fort intéressant!» Hélène O., Lausanne
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IN VIVO / N° 11 / AVRIL 2017
SOMMAIRE
FOCUS
21 / INFERTILITÉ Quand la science crée la vie Les nouveaux enjeux de la procréation médicalement assistée PAR YANN BERNARDINELLI ET HANNAH SCHLAEPFER
MENS SANA
32 / INTERVIEW Patrick Bodenmann: «La vulnérabilité n’a pas de frontières» PAR BERTRAND TAPPY
36 / DÉCRYPTAGE A l’hôpital, les virus peuvent aussi être informatiques PAR JULIE ZAUGG
40 / TENDANCE Une clinique en un clic PAR JADE ALBASINI ET HANNAH SCHLAEPFER
43 / COULISSES Carence d’«Eurêka» au féminin PAR JADE ALBASINI
Les prisons se font des cheveux blancs PAR PATRICIA MICHAUD
L’Américaine Nadya Suleman a donné naissance à des octuplés en 2009 suite à l’implantation de plusieurs embryons par insémination artificielle dans son utérus. Cette grossesse multiple a suscité la controverse et soulevé le débat autour des limites éthiques de l’application de la procréation médicalement assistée.
NANCY PASTOR / POLARIS
46 / PROSPECTION
SOMMAIRE
54
59 CORPORE SANO
IN SITU
50 / INNOVATION
11 / HEALTH VALLEY
Alzheimer: le casse-tête des chercheurs
De l’importance de bien dormir
PAR YANN BERNARDINELLI
54 / PROSPECTION Quand les poumons partent en fumée
17 / AUTOUR DU GLOBE Une caméra pour les signes vitaux
09
56 / APERÇU
CURSUS
Duper son cerveau pour mieux se concentrer
71 / CHRONIQUE
59 / EN IMAGES
La recherche, c’est aussi une question de temps
Une ambulance pour les nouveau-nés
72 / TANDEM
PAR LAETITIA WIDER
PAR WILLIAM TÜRLER
66 / INTERVIEW Alexandre Jollien décrypte les risques d’une médecine déshumanisée PAR BERTRAND TAPPY
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Eva Favre et Anne Fishman collaborent pour faire évoluer les pratiques soignantes
GILLES WEBER, PR MICHEL BRAUANER / ISM / SCIENCE PHOTO LIBRARY, SANDRO BACCO
PAR PAULE GOUMAZ
Editorial
LA FEMME, UN HOMME COMME LES AUTRES
PATRICK DUTOIT
BÉATRICE SCHAAD Responsable éditoriale
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Le nombre de femmes qui choisissent d’étudier la médecine n’en finit pas d’augmenter. Et pourtant, à mesure que le niveau hiérarchique s’élève, à partir des médecins cadres, leur nombre diminue et devient rarissime au niveau des chefs de service ou des Professeurs ordinaires. De fait, concilier maternité et prise de responsabilité en clinique ou en recherche reste un casse-tête qui peut paraître insoluble. Depuis l’époque des suffragettes se pose la question de savoir s’il faut laisser faire la nature si l’on ose dire, en tablant sur le fait que les plus batailleuses accéderont à des postes à responsabilité ou s’il s’agit d’aider par diverses mesures volontaristes le rééquilibrage de la représentation dans ces postes. Dans le domaine de la médecine et de la recherche, il n’est plus tabou de reconnaître que les femmes ont besoin d’être soutenues dans leur souhait de combiner vie privée et carrière professionnelle. Même ceux qui étaient opposés au système des contingents, il y a à peine cinq ans, le réclament désormais (lire p. 29). Signe que les mentalités évoluent, les institutions sanitaires développent des mesures pour encourager les femmes. Au CHUV, dans le nouveau règlement de la promotion hospitalière, il est désormais écrit noir sur blanc que la maternité ne doit en aucun cas représenter un obstacle dans une carrière. Ce principe de base s’accompagne d’idées originales comme l’encouragement du job-sharing à des postes à haute responsabilité, ou la possibilité de capitaliser ses heures supplémentaires pour prolonger un congé maternité. Enfin, un pool de professionnelles sera bientôt mis sur pied où les femmes pourront être employées durant leur grossesse si leur métier habituel est trop pénible. Dans le monde académique, les idées pullulent également pour revisiter les critères de promotions et les adapter à la réalité des femmes. Les chiffres sont éloquents: en 2016, près de 600 femmes ont été promues au CHUV. Près de 60% du total des promotions les ont concernées. Dans les institutions académiques, on voit aussi la balance pencher lentement de l’autre côté: entre 2011 et 2015, les engagements professoraux de femmes sont passés de 15,4% à 25%. Sans ces initiatives, c’est toute la société qui perd l’investissement fait pour les former. Des femmes qui arrêtent des carrières prometteuses faute d’appui alors même que s’annonce une sévère pénurie de professionnels de la santé. Enfin, la vraie égalité sera atteinte le jour où les hommes bénéficieront de mesures qui leur permettront de vivre pleinement leur paternité, sans qu’ils aient eux aussi à se battre pour l’obtenir. Ce jourlà, pour paraphraser Simone de Beauvoir, l’homme sera enfin devenu une femme comme les autres. ⁄
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CANCER
GÉNÉTIQUE
ANIMAUX
IV n° 1
p. 19
IV n° 6
IE n° 6
p. 56
Nouvelle piste thérapeutique
Venin de serpent antidouleur
Crispr-Cas9 contre le cancer
Plus les tumeurs sont dures, plus elles ont tendance à être malignes et à proliférer. Des chercheurs de l’Université Paris Diderot ont mis au point un système permettant de les assouplir, ce qui les rend plus vulnérables à la chimiothérapie. Cette nouvelle technique consiste à injecter dans les tumeurs des nanotubes de carbone qui chauffent lorsqu’ils sont visés par un rayon laser. Sur des souris, les scientifiques ont constaté une réduction de la rigidité et du volume des tumeurs après seulement deux sessions du traitement. /
Des chercheurs de l’Université australienne du Queensland ont étudié le fonctionnement du venin du serpent corail bleu. Ce venin agit directement sur la zone du cerveau qui gère la douleur. Son action cible plus particulièrement les canaux sodiques (des récepteurs à l’origine de la transmission de la douleur) via une toxine appelée calliotoxine. En récupérant la calliotoxine et en la purifiant, les scientifiques estiment qu’il est possible de mettre au point un antidouleur ultra-puissant. /
Une équipe de scientifiques chinois a utilisé pour la première fois la technique de modification génétique CrisprCas9 sur un être humain. Les chercheurs de l’Université du Sichuan ont injecté des cellules modifiées à un patient souffrant d’un cancer des poumons. Les «ciseaux génétiques» ont permis de supprimer le gène codant pour la protéine PD-1, dont la fonction est de réduire l’activité immunitaire. De nouveaux essais cliniques sont prévus en 2017. /
NAISSANCE
CERVEAU IE n° 7
IE n° 3
Neurosciences et fromage
Le Royaume-Uni autorise la procréation à partir de l’ADN de trois parents. La technique, qui combine les ADN de deux femmes et d’un homme, sera utilisée dans un but thérapeutique. Elle consiste à retirer de l’ovule la mitochondrie défectueuse pour la remplacer par une mitochondrie saine provenant de l’autre femme. L’ovule est ensuite fécondé par le sperme, puis implanté dans l’utérus. /
Des neuroscientifiques français ont décrypté le dégoût du fromage. Ils ont examiné par IRM le cerveau de personnes confrontées à l’odeur et à la vue de différents types d’aliments. Chez celles qui n’aiment pas le fromage, ils ont observé que le pallidum ventral, activé en cas de faim, était totalement inactif lors de la présentation de fromage alors qu’il était activé par tous les autres types d’aliments. /
4
ECO ANIMAL ENCOUNTERS / TOM CHARLTON
Trois parents pour un bébé
POST-SCRIPTUM
SUPER-BACTÉRIES IV n° 8
p. 40
«Cannibales» à la rescousse
NEUROSCIENCES IV n° 9
p. 25
Victoire sur la paralysie Une équipe internationale de chercheurs, dont le neuroscientifique de l’EPFL Grégoire Courtine, en tandem avec la neurochirurgienne du CHUV Jocelyne Bloch, a permis à des macaques paralysés d’une jambe de retrouver leur mobilité. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature. /
5
LEMOINE / SCIENCE PHOTO LIBRARY
Des chercheurs britanniques des Universités Imperial College London et de Nottingham ont trouvé un nouvel allié pour lutter contre les bactéries résistantes aux antibiotiques: les bactéries elles-mêmes. Ils ont utilisé la Bdellovibrio bacteriovorus pour détruire la bactérie Shigella, responsable de diarrhées aiguës. Les scientifiques ont mené leur expérience sur des larves de poisson zèbre. Ils ont injecté à ces dernières une dose létale de Shigella, puis une colonie de Bdellovibrio. Ils ont ainsi observé que la population de Shigella décroissait voire disparaissait, permettant à la plupart des larves de survivre. /
VACCINS IV n° 7
p. 40
Rougeole mortelle La rougeole a tué 134’200 personnes en 2015, pour la plupart des enfants de moins de 5 ans, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela correspond en moyenne à 367 décès par jour. Malgré l’existence d’un vaccin peu coûteux et efficace, la rougeole reste l’une des premières causes de mortalité chez les jeunes enfants, souligne l’OMS. Un plan d’action mondial adopté en 2012 fixait pour objectif l’élimination de toute transmission endémique de la maladie d’ici à 2015 dans quatre des six régions OMS (Afrique, Amériques, Europe, Méditerranée, Asie-Pacifique). Or seules les Amériques ont pour l’instant atteint ce but. /
Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de «Health Valley». Dans chaque numéro de «In Vivo», cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été réalisée par le graphiste Sandro Bacco.
IN SITU
HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.
RENENS
P. 09
MindMaze est la seule start-up suisse valorisée à 1 milliard.
LAUSANNE
P. 11
Un livre lève le voile sur les mystères du sommeil.
LAVIGNY
P. 10
Un nouveau service est créé pour traiter les victimes d’AVC ou de traumatisme crânien.
GENÈVE
P. 10
SANDRO BACCO
La start-up PregLem s’apprête à com mercialiser Esmya, un médicament contre les fibromes utérins.
6
7
HEALTH VALLEY
JOSE LUIS CALVO / SHUTTERSTOCK
IN SITU
3 QUESTIONS À
NASRI NAHAS
À ÉPALINGES, LE PARC SCIENTIFIQUE BIOPÔLE S’AGRANDIT: IL POURRA ACCUEILLIR 2’000 PERSONNES D’ICI À 2019, CONTRE 1’100 AUJOURD’HUI.
1
SIX BÂTIMENTS SE TROUVENT DÉJÀ SUR LE SITE. D’AUTRES SONT-ILS PRÉVUS?
Nous avons encore près de 100’000 m2 de surface constructible. Un septième bâtiment de 9’000 m2 sera inauguré en début d’année 2018. Nous avons d’ores et déjà reçu de très bons dossiers de sociétés qui souhaitent s’y installer. Le centre Ludwig dédié à l’ingénierie immunitaire en oncologie sera, lui, construit par le CHUV en 2020.
2
EST-CE QUE LE BIOPÔLE SOUHAITE MISER EN PRIORITÉ SUR CES SPÉCIALITÉS?
Nous essayons de nous spécialiser dans les domaines qui sont déjà ancrés dans le canton de Vaud: l’oncologie, l’immunologie, la médecine personnalisée et digitale, la nutrition et la neurologie. Les besoins des entreprises actives dans les sciences de la vie sont très spécifiques, notamment au niveau du matériel requis. A cet effet, nous annoncerons bientôt un concept novateur d’incubateur pour les start-up, qui répondra à ces besoins.
3
VOUS ÊTES À LA TÊTE DU BIOPÔLE DEPUIS 2015. QUEL BILAN EN TIREZ-VOUS?
Nous avons réussi à établir une vision d’écosystème et de mixité. Parmi les 50 sociétés présentes, nous avons autant de grandes entreprises que de start-up. Aussi, nous sommes à la croisée de la recherche académique, des instituts et des cliniques. Nous leur apportons un esprit de communauté et encourageons les collaborations et le benchmarking. Nous organisons par exemple des workshops et des conférences thématiques. En regroupant tous ces acteurs sous le même toit, nous avons également une force de frappe qui nous permet de leur négocier des prix préférentiels. / Nasri Nahas, généticien de formation, est le directeur du parc scientifique du Nord de Lausanne.
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Deux Lémaniques primés
PRIX THÉODORE OTT Andrea Volterra de l’UNIL et Christian Lüscher de l’UNIGE sont les lauréats du prix Théodore Ott 2017, grâce à leurs travaux remarquables en neurosciences. Andrea Volterra est récompensé pour sa recherche sur les astrocytes (cellules du système nerveux central, photo ci-dessus) alors que les travaux de Christian Lüscher ont permis de neutraliser in vivo les modifications pathologiques causées par la dépendance aux drogues dans le cerveau de souris. Le prix de 30’000 francs chacun est décerné par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM).
537,8
En millions de francs, la somme levée par les biotechs et medtechs romandes en 2016, auprès d’investisseurs privés ou sur les marchés financiers.
IN SITU
HEALTH VALLEY
Mind MindMaze, première licorne de Suisse La spin-off de l’EPFL MindMaze s’est fait une place dans le cercle très fermé des «licornes», ces jeunes pousses valorisées à plus d’un milliard, grâce à l’entrée du conglomérat indien Hinduja Group dans son capital. SON POTENTIEL S O N F O N DAT E U R SON PROJET L’aventure de MindMaze commence en 2007 avec la publication dans la revue «Science» d’un article de Tej Tadi nommé «Video Ergo Sum» – Je vois donc je suis. Le concept: faciliter et accélérer la rééducation après un AVC par des exercices en réalité augmentée. Le patient est plongé dans des conditions réelles et ses performances s’affichent sous forme de scores à l’écran, comme dans un jeu vidéo. Ceci motive le patient à répéter des gestes qui sont d’habitude lassants et favorise une réhabilitation accélérée. Deux modèles sont commercialisés actuellement: un dispositif pour les hôpitaux et un appareil portable.
9
Tej Tadi naît en 1981 en Inde, dans une famille de médecins. Il arrive à l’âge de 23 ans dans la région lausannoise pour poursuivre ses études d’ingénieur à l’IMD puis à l’EPFL. Passionné d’interfaces graphiques, il utilise la réalité virtuelle durant son doctorat pour numériser la marche humaine pour des robots ou des avatars. Brillant scientifique, Tej Tadi a aussi un esprit d’entrepreneur, décrit par ses pairs comme charismatique et convaincant. En fin d’année 2016, il est nommé entrepreneur émergent de l’année par le prix EY.
Les investisseurs ne s’y trompent pas: le développement de MindMaze a un potentiel énorme. D’ici à la fin de l’année, Tej Tadi annonce vouloir vendre plus d’un millier de sa version portable et envisage un chiffre d’affaires de 10 à 15 millions de francs pour 2017. Sur le long terme, il ambitionne d’implanter ses machines dans chaque hôpital de chaque pays. Il s’apprête aussi à lancer une application pour entraîner son cerveau, destinée aux personnes en bonne santé.
S O N I M PAC T Tej Tadi aurait pu choisir d’utiliser sa technologie pour d’autres domaines, tels que les jeux vidéo. Mais il a constaté un véritable manque à combler en matière de réhabilitation suite aux AVC. MindMaze répond donc à un besoin et compte bien révolutionner la médecine de demain. Aujourd’hui, les machines de MindMaze sont déjà opérationnelles au CHUV, à la clinique romande de réadaptation de la SUVA à Sion, mais aussi en Angleterre, en Allemagne et dans des pays d’Asie.
IN SITU
HEALTH VALLEY
«La neuroréhabilitation devient le fer de lance des neurosciences»
START-UP FIBROME
PregLem, start-up de biotech à Genève, a réussi toutes les étapes de négociation avec les autorités européennes en vue de la commercialisation de son médicament phare, Esmya. Ce traitement de fibromes chez les femmes entre 30 et 50 ans – unique alternative contre la chirurgie – est désormais disponible en Europe.
PHILIPPE RYVLIN EN JANVIER 2017, DANS LE JOURNAL «24 HEURES», LE CHEF DU DÉPARTEMENT DES NEUROSCIENCES CLINIQUES DU CHUV S’EST RÉJOUI DE LA CONVENTION SIGNÉE PAR L’INSTITUT LAVIGNY, LE CHUV ET LA FACULTÉ DE BIOLOGIE ET DE MÉDECINE DE L’UNIL. CELLE-CI PRÉVOIT LA NAISSANCE DU SERVICE UNIVERSITAIRE DE NEURORÉHABILITATION (SUN), QUI PERMETTRA UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES VICTIMES D’AVC ET DE TRAUMATISME CÉRÉBRAL.
ANTICORPS
La start-up vaudoise ADC Therapeutics, spécialisée dans les anticorps oncologiques, a levé 104 millions de francs. D’ici à 2020, elle espère mettre sur le marché ses premiers médicaments contre la leucémie et certains types de lymphome.
En milliards de francs, le montant des exportations en 2016 des quelque 1’000 start-up, PME et grosses entreprises qui composent la Health Valley.
ROBOT LAUNCH
ViDi Systems, basé à VillazSt-Pierre, a gagné le prix international Robot Launch. La start-up fondée par le docteur en neurosciences Reto Wyss est spécialisée dans les logiciels d’analyse d’images, notamment dans les domaines de la médecine et de la pharmacologie.
RÉCOMPENSE
Abritée au sein du Parc d’innovation de l’EPFL, Xsension fait partie des six start-up récompensées par MassChallenge Suisse. Elle a reçu un prix de 50’000 francs, qui l’aidera à développer la première plateforme capable d’obtenir les données biochimiques d’un individu à la surface de la peau.
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Revaloriser les soins infirmiers L’APPLICATION
SMARTWATCH AUX URGENCES Les montres intelligentes pourraient améliorer la surveillance des malades à l’hôpital. Des chercheurs de l’EPFL et de l’Ecole polytechnique de Turin ont en effet conçu une application qui connecte une smartwatch aux données métaboliques des patients en soins intensifs. La montre au poignet, le médecin urgentiste est ainsi renseigné en continu sur l’état de santé de ses patients et alerté en cas d’anomalies.
INITIATIVE Il manque en Suisse 10’000 infirmières et infirmiers. Afin de revaloriser la profession et encourager les jeunes à s’y engager, l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) a lancé en début d’année une initiative populaire. Au programme, plus d’autonomie, des salaires appropriés et davantage de possibilités de formations continues. L’initiative a été validée par la Chancellerie fédérale. La récolte des signatures a commencé.
IN SITU
HEALTH VALLEY
De l’importance de bien dormir Deux spécialistes du CHUV publient un livre pour tout comprendre sur le sommeil, un domaine de recherche dont la Suisse est l’un des leaders mondiaux. PUBLICATION Un Suisse sur quatre souffre
de troubles du sommeil. Ce n’est donc pas une surprise si le livre Je rêve de dormir suscite l’intérêt. En trois mois, l’ouvrage s’est vendu à 10’000 exemplaires, selon les coauteurs José Haba-Rubio et Raphaël Heinzer, médecins au Centre d’investigation et de recherche du sommeil (CIRS) du CHUV. «Nous ne voulions pas d’un énième livre de recettes qui explique comment bien dormir, raconte José HabaRubio. Il manquait un ouvrage qui rapporte des données scientifiques et les explique de manière accessible à tous.» L’ouvrage synthétise les connaissances actuelles sur le sommeil en s’appuyant sur des études internationales, mais aussi sur la recherche effectuée en Suisse. «Nous sommes l’un des pays pionniers en matière d’études sur le sommeil», affirme Raphaël Heinzer, fondateur du CIRS. La Suisse se situe en effet chaque année entre la première et la deuxième place mondiale, en termes de publications scientifiques sur le sommeil par habitant. Au CHUV, la problématique prend toujours plus d’importance: fondé il y a 10 ans, le CIRS employait quatre personnes à ses débuts. Il en compte désormais 20, chargées de 6’000 consultations par année. Etude sur plus de 2’000 personnes Le CIRS a aussi conduit l’étude HypnoLaus. De 2009 à 2012, le centre a équipé 2’000 Lausannois d’électrodes afin d’analyser leur sommeil. «C’est la plus grande étude épidémiologique sur le sujet en termes de population générale, se félicite José Haba-Rubio. Elle a permis de fournir les données de base requises pour définir un sommeil standard d’une population. Nous avons été invités aux Etats-Unis, en Australie ou au Mexique pour présenter nos résultats.» En croisant les données d’HypnoLaus avec celles de sa grande sœur, la cohorte générale CoLaus, les chercheurs ont pu s’intéresser aux liens entre le repos et la tension artérielle, le diabète ou encore les problèmes psychiatriques. 11
TEXTE STEVE RIESEN
CI-DESSUS: RAPHAËL HEINZER ET JOSÉ HABA-RUBIO, AUTEURS DE «JE RÊVE DE DORMIR», PARU EN 2016 AUX ÉDITIONS FAVRE.
Un problème de société La recherche sur les troubles du sommeil en est toutefois encore à ses débuts en matière de solutions concrètes, qu’elles soient pharmacologiques ou technologiques. «C’est un domaine très jeune, rappelle Raphaël Heinzer. La science s’y intéresse depuis environ 50 ans seulement. Avant cela, nous n’étions même pas capables d’enregistrer le sommeil ni de déterminer ses différentes phases.» Considéré comme une solution miracle par beaucoup, le somnifère est souvent déconseillé sur le long terme par les spécialistes, à cause de ses effets secondaires et les problèmes d’accoutumance. Le CIRS pratique la thérapie cognitivocomportementale, dont l’objectif est de réapprendre au cerveau à dormir. «Les insomniaques chroniques dorment mal depuis si longtemps que leur cerveau a peur d’aller au lit, explique José Haba-Rubio. L’une des techniques est par exemple de limiter le temps passé au lit. Souvent, nos patients se forcent à aller se coucher tôt s’ils ont une journée importante le lendemain, par exemple. Mais en faisant cela, ils n’arrivent pas à s’endormir pendant des heures. En se couchant le plus tard possible, le patient va au lit lorsqu’il est vraiment fatigué. Petit à petit, le cerveau associe à nouveau le lit avec le sommeil.» Au-delà du cerveau, c’est peut-être bien notre société tout entière qui devrait réapprendre à dormir, selon les deux coauteurs du livre. «Nous vivons dans une société hyperproductive qui valorise l’activité, constate Raphaël Heinzer. On considère le sommeil comme une perte de temps, alors que c’est une fonction biologique essentielle! Nous sommes aujourd’hui à une période de l’humanité où l’on dort le moins, mais cela a un prix au quotidien: perte de productivité, accidents, stress. Sur le long terme, le manque de repos peut également favoriser les risques cardiovasculaires ou l’obésité.» Le sommeil est donc comme le travail: bon pour la santé! ⁄
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HEALTH VALLEY
500’ 000 L’OBJET
LUNETTES DE SOMMEIL Elles ressemblent à s’y méprendre à des lunettes de soleil classiques. Et pourtant, les lunettes de la start-up genevoise Goodnight ont été conçues pour aider à mieux dormir. Inventées par un optométriste et un ingénieur en optique, celles-ci filtrent les ondes des écrans et lumières LED qui ont un impact négatif sur la mélatonine, l’hormone qui déclenche le sommeil.
Le nombre de téléchargements du livre «Primary Surgery», réédité par le médecin du CHUV Michael Cotton. Il a été rendu disponible gratuitement sur Internet, grâce à l’aide de la fondation américaine Global-Help.org. L’ouvrage donne les clés aux médecins du monde entier pour effectuer des actes de chirurgie urgentes dans des régions défavorisées.
Un biologiste suisse récompensé PRIX ROBERT WENNER La Ligue contre le cancer a décerné le prix Robert Wenner, doté de 100’000 francs, au biologiste Mikael Pittet. Basé à Boston, le Lausannois de 41 ans a mis en évidence un moyen pour rendre des tumeurs résistantes sensibles à une immunothérapie. Depuis 1983, le prix Robert Wenner est destiné à soutenir des scientifiques de moins de 45 ans actifs dans la recherche sur le cancer.
CHIRURGIE THORACIQUE Les services de chirurgie thoracique des HUG et du CHUV ont officialisé la création du Centre universitaire romand de chirurgie thoracique. Ce rapprochement a pour but de garantir une prise en charge optimale des patients, d’augmenter le potentiel de recherche et de coordonner la relève des chirurgiens thoraciques en Suisse romande. Les chefs des deux services, Hans-Beat Ris (CHUV) et Frédéric Triponez (HUG), dirigeront le centre conjointement.
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ANNA JURKOVSKA / SHUTTERSTOCK
Un nouveau centre au CHUV
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HEALTH VALLEY
ÉTAPE N° 11
SUR LA ROUTE
LAUSANNE
Dans chaque numéro, «In Vivo» part à la rencontre des acteurs de la Health Valley. Lausanne est la destination de cette édition.
QGEL
Culture de cellules en 3D La spin-off lausannoise QGel a mis au point un hydrogel de synthèse pour cultiver des mini-organes. TEXTE: MANUELA ESMERODE
En décembre 2016, on apprenait que QGel, une spin-off de l’EPFL active dans le domaine biomédical, venait de lever 12 millions de dollars de fonds. Pourquoi un tel intérêt de la part des investisseurs? C’est que l’entreprise installée sur l’Innovation Park fabrique un produit qui pourrait changer durablement la recherche médicale, en particulier la façon de tester à grande échelle des traitements contre le cancer. Fondée en 2009 par Colin Sanctuary, ingénieur biomédical, et Matthias Lütolf, directeur de l’Institut de bioingénierie de l’EPFL, la société a mené des recherches pendant plusieurs années pour mettre au point QGel, un hydrogel de synthèse qui reproduit la matrice extracellulaire (ECM), ce réseau de molécules présent autour des cellules de tous les tissus conjonctifs, animaux ou végétaux. L’ECM joue un rôle fondamental dans le développement des cellules, permettant par exemple la communication intercellulaire ou l’échange de nutriments. «Comme l’ECM, notre QGel est complexe et modulable selon différents paramètres, explique Colin Sanctuary, CEO de l’entreprise. Nous parvenons ainsi à recréer 13
in vitro un environnement dans lequel les cellules se comportent comme elles le feraient dans le corps.» En novembre 2016, une étude du Prof. Lütolf, publiée dans Nature, illustrait la façon dont l’utilisation de QGel permettait d’influencer le développement de cellules souches – en l’occurrence intestinales – de sorte qu’elles forment des organoïdes, des mini-organes qui, lorsqu’ils sont issus de cellules cancéreuses, sont appelés «tumoroïdes». C’est là tout le potentiel de ce gel: il peut être fabriqué en série et remplace les gels à base animale utilisés jusque-là, donnant la possibilité de tester rapidement de grandes quantités de traitements sur les tumoroïdes cultivés en laboratoire. Que prévoit l’entreprise de faire de ses 12 millions? «Nous allons investir dans la R&D, répond Colin Sanctuary. L’étude publiée en novembre a prouvé que nous disposions d’une technologie unique; notre objectif est désormais d’aider des acteurs de la santé – laboratoires de recherche et entreprises pharmaceutiques – à en tirer parti pour améliorer la recherche de nouveaux traitements contre le cancer.» /
IN SITU
HEALTH VALLEY
BENOÎT DUBUIS Président de la Fondation Inartis
Le désir est le point de départ de tout succès
C’est aussi un cap important avec désormais près de 1’000 sociétés et 25’500 hauts diplômés actifs qui travaillent chaque jour à l’élaboration des stratégies médicales de demain. Cela intègre les chercheurs, mais également les entrepreneurs, les industriels, les façonniers, les innovateurs en design produit, les prestataires de services et les energizer de tous types.
UN DÉSIR À ENTRETENIR Ce terreau particulièrement fertile doit cependant être entretenu, régulièrement défriché, enrichi à la fois par des sources de financement nouvelles, par des idées autant incrémentales que de rupture et par des compétences toujours renouvelées qui profitent à tous et justifient nos différentes initiatives. «Le moteur est là, mais il a besoin de carburant», soulignait Pierre Maudet, président de la Conférence des directeurs de l’économie publique (CDEP) de Suisse occidentale lors de la rencontre du 1er décembre entre la Health Valley et les politiques helvètes. «Ce carburant, c’est aux politiques de le fournir sous la forme de bonnes conditions-cadres. Elles ne sont pas idéales en ce moment, surtout depuis que le peuple a approuvé l’initiative de l’UDC «contre l’immigration de masse» le 9 février 2014. Il faut déplafonner ce contingent pour attirer des talents du monde entier», a-t-il livré, en épilogue de son discours.
Cet écosystème multiculturel doit également être, vivre et grandir en se structurant autour de ses acteurs clés afin de ne pas dépérir. Henri Ford a dit UN DÉSIR DEVENU RÉALITÉ un jour à ses investisseurs: «Se réunir est un début, En comparaison internationale, les Sciences de rester ensemble est un progrès, travailler ensemble la vie apportent aujourd’hui une valeur capitale à est la réussite.» La Health Valley a su aujourd’hui la Suisse, qui se positionne à la troisième place trouver les bons canaux pour se réunir, elle devra mondiale pour sa croissance en termes de valeur structurer demain les moyens de rester ensemble, ajoutée brute (GVA). Un même indice qui a été afin de travailler de manière synergique après-demain en hausse de plus de 12% sur les dix dernières pour transformer les espoirs en promesses, changer années, et qui augure une progression de les promesses en projets et amener les projets vers des 4,4% par an d’ici à 2020. C’est ainsi que les médicaments et solutions à même de prendre en charge Sciences de la vie représentent aujourd’hui un des patients, assainir certaines régions du monde et quart de la valeur totale des exportations de éradiquer des maux qui limitent la croissance mondiale Suisse occidentale avec un montant cumulé de et menacent la sécurité sanitaire de notre planète. 17 milliards de francs enregistré en 2016, ce qui en fait un secteur industriel essentiel sur lequel la région doit bâtir son futur. 14
DR
«Je suis impressionné. Je vous félicite d’avoir réalisé cet écosystème fantastique», s’est réjoui Johann Schneider-Ammann le 1er décembre dernier en contemplant la carte de la Health Valley et surtout en réalisant toute l’énergie positive qui est mise dans le développement de l’écosystème régional. Il est vrai que 2016 fut une année faste: près de 550 millions de francs sont venus soutenir le monde entrepreneurial des Sciences de la vie dans la région, des entrées en Bourse remarquées ont été réalisées, dont celles d’AC Immune et de GeNeuro et la première licorne suisse est née sous le nom de MindMaze.
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HEALTH VALLEY
Quatre projets ont été soutenus et deux grands prix ont été attribués à un masque médical transparent, imaginé par une conteuse en milieu hospitalier frustrée de ne pouvoir communiquer toutes ses émotions avec les patients; et à un cinquième mur, un environnement entourant le lit du malade, La vraie valeur d’un projet ne réside pas dans cocon personnalisable qui recrée un univers et ce qu’il est, mais bien dans ce qu’il représente rétablit une intimité pour le patient hospitalisé. comme rupture. Ce qui compte, ce n’est pas la Au vu du succès remporté, une nouvelle édition valeur de l’ampoule, c’est celle de la lumière. Que de ce Challenge est lancée. Elle fera une fois la lumière soit sur la Health Valley, pour 2017 et encore appel à l’intelligence collective. Celle bien plus encore. d’étudiants, d’artistes, de retraités, de patients, d’entrepreneurs, la vôtre nous l’espérons… … ET NOUS COMPTONS SUR VOUS! Réalisez vos désirs en envoyant votre projet avant le 30 avril. A la base de chaque succès de la Health Valley, passés et à venir, mais également de toute réussite, il y a une Le MassChallenge, le plus important accélérateur énergie, un savoir-faire… un désir. international de start-up, qui a la force d’agir de manière totalement indépendante, ne prend Et fort de ce désir, je crois à l’impossible, car avec la aucune participation dans les projets qu’il volonté et l’intelligence, l’impossible devient accompagne et propose un programme possible. Le désir est au cœur de toutes nos d’accélération de quatre mois pour les actions, celles qui ont permis d’atteindre des innovateurs les plus ambitieux. Sa mission: sommets, celles qui ont permis de fédérer cette donner aux hommes et aux femmes qu’il communauté, celles qui permettent de poursuivre accompagne les clés de la réussite entreprece chemin, un chemin sur lequel chaque pas est neuriale avec des sessions d’enseignement, une victoire, le dernier menant au succès. du coaching personnalisé et de la mise en relation avec le milieu financier et industriel. Il y a une année, je vous parlais de deux initiatives aux noms évocateurs, qui avaient La première édition du MassChallenge précisément pour but de vous permettre de en Suisse, rassemblant près de 70 projets, réaliser vos désirs: les Challenges Inartis et s’est achevée en novembre 2016 honorant le MassChallenge. 13 sociétés et distribuant plus de 400’000 francs de prix. L’impact a été POUR QUE VOS DÉSIRS SE RÉALISENT direct pour notre territoire puisque Les Challenges Inartis sont destinés plus de 50 emplois directs ont été créés, à percevoir et à stimuler l’émergence 30 contrats entre start-up et industriels de nouveaux projets… en redonnant du sens ont été conclus et cinq sociétés étranaux idées de chacun. Ils sont là pour gères se sont installées définitivement accompagner l’intelligence collective, et sur le sol romand. Sur le plan financier, pourquoi pas vos désirs? ces mêmes entreprises ont reçu près de 15 millions de francs suisses en C’est dans cet état d’esprit et avec l’envie de l’espace des quatre mois d’été, ce qui soutenir concrètement les personnes est particulièrement remarquable hospitalisées que la première édition du pour une initiative de ce type. Challenge Debiopharm Inartis dotée de 50’000 francs a été lancée sur la thémaUne deuxième édition du MassChaltique de «La qualité de vie du patient en lenge est ouverte. De spectateurs, cours de traitement». devenez acteurs de la dynamique en place. Rejoignez-nous, rejoignezEN SAVOIR PLUS les et créez de la valeur pour notre www.healthvalley.ch écosystème régional. ⁄ www.inartis.ch 15
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GLOBE
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AUTOUR DU GLOBE
BMJ / BRITISH SOCIETY OF GASTROENTEROLOGY
Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde.
L’HÉPATITE C ENFIN VISIBLE AU MICROSCOPE INNOVATION Des chercheurs de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sont parvenus à observer le virus de l’hépatite C au microscope. Cette avancée ouvre la voie à un vaccin contre la maladie qui touche de manière chronique 130 à 150 millions d’individus et cause chaque année 700’000 décès dans le monde. Contrairement aux autres virus, celui de l’hépatite C est particulièrement difficile à voir. En cause: son aptitude à détourner la machinerie du foie pour prendre l’apparence d’une simple particule lipidique.
Nouvelle pilule high-tech
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RECHERCHE Une équipe du MIT a développé un nouveau type de pilule à libération prolongée active pendant deux semaines après avoir été avalée. Le prototype a été testé avec un traitement contre la malaria. Cette découverte se profile comme une amélioration importante
dans le cas de pathologies qui demandent une prise régulière de médicaments, une situation qui peut vite devenir difficile à gérer ou mener à des oublis de la part du patient. Elle sera particulièrement utile dans les cas de personnes âgées ou souffrant de maladie mentale.
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L’OBJET
UNE CAMÉRA POUR LES SIGNES VITAUX La start-up britannique Oxehealth a créé un programme qui parvient à mesurer des signes vitaux comme le rythme cardiaque, la fréquence respiratoire ou le taux d’oxygène dans le sang avec une simple caméra numérique. Ce nouveau type de monitoring à distance a l’avantage d’être beaucoup moins invasif que les électrodes et capteurs munis de câbles employés actuellement.
«La pollution empêche les enfants d’atteindre leur plein potentiel intellectuel.»
Le nombre de mutations organe affecté. Avec un qui surviennent en une paquet quotidien, le année dans chaque nombre de mutations cellule pulmonaire chez annuelles induites par les personnes qui fument le tabac atteint 97 dans un paquet de cigarettes les cellules du larynx, par jour, selon une étude 39 dans celles du internationale publiée pharynx, 23 dans la cavité dans la revue «Science». buccale, 18 dans la vessie Et il ne s’agit pas du seul et 6 dans le foie.
DAVID BELLINGER DE NOUVELLES ÉTUDES METTENT EN LUMIÈRE LES CONSÉQUENCES DE LA POLLUTION SUR LE CERVEAU. LE PROFESSEUR DE NEUROLOGIE À LA HARVARD MEDICAL SCHOOL, AUTEUR DE NOMBREUSES RECHERCHES SUR LES EFFETS DE L’EXPOSITION À CERTAINS PRODUITS CHIMIQUES CHEZ LES ENFANTS, INSISTE SUR LA VULNÉRABILITÉ DES PLUS JEUNES («SCIENCE ET VIE», JANVIER 2017)
N ECTIO L É S A L IN VIVO Autisme
La fille de Brest
Le guide des vaccins
La méthode scientifique
VALERIO ROMAO ÉDITIONS CHANDEIGNE, 2016
FILM D’EMMANUELLE BERCOT SORTIE DVD EN MARS 2017
GUIDE PEUT ÊTRE COMMANDÉ ONLINE, EN VERSION ÉLECTRONIQUE OU PAPIER
FRANCE CULTURE DU LUNDI AU VENDREDI DE 16H À 17H OU EN PODCAST
Dans un contexte de défiance record, le magazine Science et Vie consacre un hors-série à la grande aventure des vaccins, «sans tabou ni dogme». Il revient sur l’émergence de ces traitements, livre un reportage dans une usine de fabrication et décortique les prochains défis à relever. Dans un registre plus pratique, la publication contient un guide qui examine individuellement chaque vaccin.
Cette émission radiophonique décortique chaque jour l’actualité scientifique avec des spécialistes invités. Elle aborde régulièrement des sujets de santé et de médecine. L’équipe de journalistes s’est ainsi récemment penchée sur les limites du corps humain, la génomique et la manipulation du vivant ou encore la frontière entre drogue et médicament.
Ce roman de l’écrivain portugais Valerio Romao raconte la lutte au quotidien d’un jeune couple de Lisbonne pour son fils atteint d’autisme. Cette fiction, qui découle de l’expérience personnelle de l’auteur, dresse un constat sans appel sur l’absence de structures adaptées, le manque d’accompagnement, la solitude et le désarroi des parents. Elle se veut aussi une réflexion universelle sur la parentalité, la transmission et le couple.
Ce film de la réalisatrice française Emmanuelle Bercot revient sur l’affaire Médiator. Dans son hôpital de Brest, la pneumologue Irène Frachon découvre un lien entre des morts suspectes et la prise de ce médicament antidiabétique fréquemment prescrit comme coupe-faim. La fille de Brest suit le parcours de la lanceuse d’alerte, interprétée par l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen, de l’isolement des débuts de son combat à l’explosion médiatique. R
U HRONIQ S LES C OM N S VE R AZINE.C LES LIE G A M NVIVO WWW.I
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ES ET LE
S VIDÉO
S SU
http://boutique.science-etvie.com/le-guide-desvaccins.html
www.franceculture.fr/ emissions/la-methodescientifique
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PAS À PAS Suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à marcher. Pour les aider à recouvrir leurs fonctions motrices, l’ingénieur irlandais Conor Walsh (ici à gauche, entouré de son équipe) a développé un exosquelette souple: conçu comme une combinaison textile, l’accessoire est équipé d’un moteur à la taille, qui génère de l’énergie, transmise par des câbles jusqu’aux mollets. Ce système permet au patient d’être accompagné dans ses mouvements, ce qui lui donne la force qui lui fait défaut. Destiné dans un premier temps à la rééducation, l’exosquelette pourrait à terme être utilisé au quotidien par des personnes à mobilité réduite. Il sera commercialisé d’ici à trois ans. Pour son «exosuit», le chercheur de l’Université d’Harvard a reçu le «Prix Rolex à l’esprit d’entreprise» en novembre 2016. IMAGE: ROLEX / FRED MERZ
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FOCUS
INFERTILITÉ
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QUAND LA SCIENCE CRÉE LA VIE
Un embryon humain composé de 16 cellules posé sur la pointe d’une épingle, vu par microscopie électronique à balayage.
DR YORGOS NIKAS / SCIENCE PHOTO LIBRARY
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Grâce à la médecine et à l’assouplissement de la loi, les couples infertiles ont aujourd’hui plus de chance de concevoir un enfant. Mais le parcours reste sinueux et extrêmement éprouvant.
/ PAR
YANN BERNARDINELLI COLLABORATION
HANNAH SCHLAEPFER 21
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FOCUS
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e 25 juillet 1978, tous les regards étaient braqués sur l’hôpital d’Oldham, au nord-est de Manchester (UK). Ce jour-là est née Louise Brown, le premier «bébé-éprouvette» au monde, c’est-à-dire conçu par fécondation in vitro (FIV). Depuis, des millions d’enfants ont vu le jour aux quatre coins du monde grâce à cette technique de procréation médicalement assistée (PMA), qui s’est progressivement sophistiquée. En 2009, c’est à Genève que la première naissance par fécondation assistée in vivo a eu lieu. Très médiatisés, ces événements ont redonné espoir aux couples infertiles. Au point, parfois, de leur laisser croire qu’il suffit de consulter pour enfanter.
Pour le spécialiste, la démocratisation de la FIV a également eu un impact négatif sur la recherche dans le domaine: «Son succès limite les investissements pour développer d’autres techniques et raréfie les fonds de recherche attribués à la médecine reproductive», déplore-t-il. Car, malgré son efficacité dans de multiples cas, elle ne permet pas de répondre à tous les problèmes de fertilité. D’autres avancées sont aujourd’hui attendues, notamment celles qui concernent la production «artificielle» de spermatozoïdes et d’ovocytes (lire point 2, p. 25).
Parallèlement aux progrès de la science, la loi évoOr, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), en lue aussi en la matière: en juin 2016, les Suisses ont 2014 seuls 37,1% des femmes traitées en Suisse sont accepté la modification de la loi sur la procréation tombées enceintes. Dans 72% des cas, cette grossesse médicalement assistée (LMPA), assouplissant les a abouti à une naissance. «Le taux de succès d’une FIV contraintes et augmentant les chances de mener se situe aux environs des 30% en moyenne, précise une grossesse à terme (lire p. 26). Des voix s’élèvent également pour améliorer l’enNicolas Vulliemoz, responsable cadrement psychologique des de l’Unité de médecine de la repatients et des patientes tout au production (UMR) au CHUV. Ce FAUX-SEMBLANTS long d’une prise en charge qui chiffre dépend grandement de En médecine, infertilité reste coûteuse d’un point de vue l’âge maternel: il atteint 40 à 50% et stérilité n’ont pas le même sens. financier, mais aussi sur le plan avant 30 ans et retombe à 10-15% La stérilité est l’inaptitude définitive à procréer. L’infertilité émotionnel. au-delà de la quarantaine.» se réfère à une absence de conception temporaire.
1 DES CAUSES PLURIELLES ELLE, LUI ET LE COUPLE Contrairement aux idées reçues, l’infertilité ne touche pas que les femmes. «L’infertilité féminine est en cause dans seulement 30% des cas, indique Nicolas Vulliemoz. Les hommes sont responsables d’un autre tiers et l’infertilité dite «de couple» du troisième tiers. Quant aux 10% restants, ils échappent pour l’instant à nos connaissances.» Chez les femmes, le réservoir d’ovocytes (les cellules sexuelles qui deviennent des ovules) est déterminé à la naissance. Leur maturation prend fin à la ménopause. L’âge est donc un facteur d’infertilité. «Le dysfonctionnement des ovaires, l’obstruction des voies d’entrée des spermatozoïdes à destination de l’ovocyte ou encore 22
l’endométriose sont d’autres causes courantes de difficulté à concevoir», précise Nicolas Vulliemoz. C’est l’absence, le nombre insuffisant ou l’anomalie des spermatozoïdes qui sont les causes principales de l’infertilité chez l’homme. «Un spermogramme définit si la morphologie, la mobilité et le nombre des spermatozoïdes sont satisfaisants, précise Laurent Vaucher, urologue à l’UMR et à la Clinique de Genolier (VD). Toutefois, cet examen ne renseigne pas sur la fécondité des spermatozoïdes, c’est un simple indicateur.» Les partenaires d’un couple peuvent avoir des analyses dans la norme et pour autant être en situation d’infertilité. «Dans ce cas, il y a probablement un cumul de facteurs négatifs, indique l’urologue. Deux résultats d’analyse moyens chez les deux partenaires sont souvent plus problématiques que des éléments forts chez l’un uniquement. Pour l’heure, nous ne comprenons pas totalement ces phénomènes d’infertilité de couple.»
QUAND SOIGNER REND INFERTILE Des traitements peuvent aussi anéantir les possibilités de procréer. Les produits de chimiothérapie ou de
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«ENVISAGER UNE VIE SANS ENFANTS EST MOINS STIGMATISÉ QUE PAR LE PASSÉ» La baisse de la fécondité dans les pays occidentaux est en constante progression. La sociologue Laura Bernardi en explique les causes. PROPOS RECUEILLIS PAR
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YANN BERNARDINELLI
L’évolution des normes et des comportements est-elle aussi responsable? lB Envisager une vie sans enfants est moins stigmatisé que par le passé. Les individus attachent plus d’importance à la réalisation personnelle qu’à la famille. Depuis la normalisation de la contraception, la sexualité est moins associée à la reproduction. Décider d’avoir un enfant passe donc par le choix d’interrompre un comportement par défaut, la contraception, pour pouvoir procréer. C’est une révolution copernicienne dans le processus de décision menant à la parentalité. iv
Un nombre grandissant de couples ne réalise pas leurs souhaits de fécondité. Quelles en sont les raisons? lB Les couples reportent souvent leur parentalité à plus tard, car elle est perçue comme difficilement conciliable avec la formation ou l’entrée dans le marché du travail. Une des raisons de ce report est iv
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La solution est-elle politique? lB Oui, la politique peut améliorer la compatibilité entre parentalité, formation, travail et loisirs. Les limites d’âge pour les emplois et la formation doivent s’assouplir, salaires et congés parentaux doivent être rendus équitables entre les genres. De plus, les frais et horaires de garde et de scolarité doivent demeurer compatibles avec ceux des deux parents qui travaillent. iv
l’augmentation de la durée des formations supérieures et le fait que de plus en plus de femmes les suivent. A cela, il faut ajouter la précarité prolongée avant le premier emploi susceptible d’assurer les moyens pour créer une famille. Quelle est la situation en Suisse? lB Elle n’est pas bonne! Ici, c’est surtout le coût par enfant qui limite leur nombre par famille. iv
LAURA BERNARDI EST SOCIOLOGUE À L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
ÉRIC DÉROZE
es comportements en matière de fécondité ont énormément évolué au cours du XXe siècle. Dès 1900, le nombre moyen d’enfants par femme résidant en Suisse a fortement diminué, passant de 3,7 à 1,8 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1938, ce taux remonte pour atteindre 2,6 en 1945. Depuis 1975, il est stable, fluctuant entre 1,5 et 1,6 pour l’ensemble des femmes. Les explications de Laura Bernardi.
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radiothérapie par exemple, toxiques pour les cellules reproductrices, peuvent induire une infertilité transitoire ou définitive chez les deux sexes. En Suisse romande, le Réseau romand de cancer et fertilité (RRCF) soutient les patients concernés. Des techniques sont aujourd’hui disponibles pour préserver la fertilité, notamment celles de la congélation des gamètes (ovules et spermatozoïdes) avant les traitements. Pour les femmes, la congélation d’ovocytes par vitrification est un progrès majeur, estime Sébastien Adamski, responsable de la banque de sperme de l’UMR. «Grâce à elle, le succès des grossesses après congélation atteint les mêmes taux que ceux obtenus avec des ovocytes frais. La vitrification prévient la formation de cristaux qui endommage l’ovocyte.» (voir notre reportage photo sur la cryoconservation
dans In Vivo n° 1 ou sur www.invivomagazine.com). La congélation de spermatozoïdes est proposée depuis longtemps, mais reste problématique pour les jeunes garçons. «Ils n’ont pas encore de spermatozoïdes matures, indique Sébastien Adamski. En cas de traitement toxique, il est toutefois possible de prélever du tissu testiculaire immature et de le préserver en attendant l’arrivée hypothétique d’un protocole de maturation des cellules reproductrices.»
CONTRACEPTION EN CAUSE Certaines méthodes de contraception peuvent également être impliquées. La vasectomie, qui consiste à couper les canaux permettant aux spermatozoïdes de migrer, est une technique contraceptive très fiable, qui ne change en rien la faculté érectile ni l’éjaculât chez l’homme. L’éjaculât ne contient juste plus de
«NOUS AVONS OPTÉ POUR LE DON D’OVOCYTES À L’ÉTRANGER» P. et B*., un couple de Genevois, s’est rendu en Espagne pour bénéficier d’un don d’ovocytes. Ils racontent leur parcours, qui a abouti à la naissance d’un petit garçon.
Leur nouveau médecin a proposé des alternatives: «Il a découvert que je souffrais d’endométriose et m’a opérée. Les espoirs étaient alors réels, mais lorsqu’il a vu l’état de mes ovocytes lors de la troisième FIV, il a été très clair: adoption ou don d’ovocytes. Après sept années de combat, nous voulions nous laisser encore une chance et avons opté pour l’Espagne.» Là-bas, le plus déroutant a été l’exposition à la «médecine
business». «Pour nous faire traiter, nous avons fait la queue comme chez le boucher.» L’organisation relative à ce type de déplacement est compliquée. «Il faut prendre congé, subir les effets secondaires des traitements hormonaux et gérer le quotidien avec le travail sans pouvoir en parler. D’autant plus que les deux premiers transferts se sont soldés par un échec puis, enfin, le troisième a fonctionné!» Après un important travail sur elle-même, la mère a bien vécu le don, puis la grossesse. Le couple a investi plus de 60’000 francs pour l’ensemble des traitements. Ce n’est pas l’absence de prise en charge financière qui l’interroge: «Mais pourquoi donc le don de sperme est-il autorisé en Suisse alors que celui d’ovocytes ne l’est pas?» (lire p. 29)
*NOMS CONNUS DE LA RÉDACTION.
DR
Dans le berceau, le bébé de 8 mois tente ses premiers retournements sous l’œil attentif de ses parents. Le bonheur régnant contraste avec la décennie semée d’embûches qui a mené à cet instant. «Ça a duré une éternité, raconte la jeune maman. Après trois ans de tentatives sans tomber enceinte, mon compagnon et moi avons consulté un spécialiste de la médecine reproductive en Suisse. Nos tests étaient corrects, hormis un nombre restreint de spermatozoïdes. Trois inséminations artificielles plus tard, nous n’avions toujours pas d’explications médicales. C’est lorsque nous sommes passés aux FIV que le biologiste a découvert la faiblesse de mes ovocytes.
Comme le médecin restait positif, nous avons retenté une FIV, sans succès. Le manque d’explications nous a poussés à consulter ailleurs.»
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cellules reproductives. «Il faut toujours considérer une vasectomie comme irréversible, prévient Laurent Vaucher. Dans les faits, on arrive facilement à relier les canaux aux testicules, ce qui permet à nouveau le passage des spermatozoïdes. Par contre, la vasectomie peut avoir des conséquences sur la spermatogenèse, qui n’est plus garantie à 100%.» Quant à la pilule contraceptive féminine, elle a à de nombreuses reprises été accusée de favoriser la stérilité féminine. Pour Nicolas Vulliemoz, il est clair qu’elle ne péjore pas la fertilité des femmes. Il faut simplement observer une période sans contraception. Laurent Vaucher indique «qu’une augmentation des œstrogènes (une hormone sécrétée par les ovaires et contenue dans certaines pilules contraceptives) est clairement observée dans les nappes phréatiques – car véhiculée par l’urine des femmes. Si la dose est trop élevée, cela peut poser des problèmes chez l’homme, car ce sont des perturbateurs endocriniens qui agissent sur la production de spermatozoïdes.»
2 AVANCÉES TECHNOLOGIQUES: AU-DELÀ DE LA FIV DES PROGRÈS SOUS LE COUP DE LA LOI Pour répondre aux défauts de fertilité, la médecine possède un arsenal qui s’orchestre autour de la FIV. Dans certains cas, les troubles de la spermatogenèse ou de l’ovulation peuvent être corrigés par la prise de médicaments; pour induire l’ovulation chez la femme, des hormones lui sont administrées. Une insémination artificielle de spermatozoïdes dans l’utérus est dans certains cas nécessaire. En Suisse, les assurances remboursent trois inséminations. En cas d’échec, une FIV (non remboursée) est tentée dans la majorité des scénarios. Les ovocytes imprégnés sont mis en culture pour obtenir des embryons. Trois sont choisis aléatoirement (standards suisses actuels) pour être transférés dans l’utérus. En cas d’infertilité masculine, les ovocytes ne sont plus incubés, mais injectés avec un seul spermatozoïde (injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde, ICSI). 25
VRAI / FAUX «Les dons de sperme sont anonymes»
FAUX En Suisse, les enfants issus de dons peuvent obtenir l’identité du donneur dès l’âge de 18 ans. Avant la conception, un donneur est attribué en fonction de l’ethnicité, la couleur des cheveux et des yeux. Chaque pays dispose de sa législation: certaines banques de sperme étrangères proposent des photos, voire les pages Facebook des donneurs, en fonction du prix payé par les receveurs. «La fertilité mondiale est en baisse»
FAUX C’est la fécondité qui est en
baisse, soit la réalisation du désir d’enfant. Bien qu’il soit reconnu que les hormones et les pesticides causent une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes, «leurs taux restent néanmoins largement au-dessus de la valeur pour parler d’infertilité», précise Laurent Vaucher. Une étude publiée dans la revue PLOS en 2012 le confirme. Réalisée entre 1990 et 2010, elle indique qu’il n’y a pas de baisse de fertilité mondiale, sauf en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. «La greffe d’un utérus est possible»
VRAI En 2015, le premier enfant
issu d’une mère ayant reçu une greffe d’utérus est né en Suède. L’étude, publiée dans The Lancet, rapporte que la mère a été transplantée d’un utérus ménopausé donné par une amie de 61 ans. Un an après la transplantation, la mère a recouru à une FIV avec ses propres ovocytes et les spermatozoïdes de son mari. «C’est une technique très complexe, qui comporte de nombreux risques. On doutait de sa faisabilité, ce qui rend cette première médicale importante», précise Nicolas Vulliemoz. «Un donneur de sperme peut être le père biologique de centaines d’enfants»
FAUX En Suisse, les dons sont limités à huit enfants par donneur afin de ne pas favoriser la consanguinité.
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La nouvelle loi sur la LPMA, votée en 2016, va per- de souris, qui ont donné naissance à des sourimettre, une fois son application effective, la culture ceaux», indique Laurent Vaucher. de 12 embryons, de les congeler et de pouvoir effectuer un diagnostic préimplantatoire, sous des condi- Un domaine de recherche moins avancé vise à génétions strictes. «Nous préserverons les futurs bébés rer des spermatozoïdes à partir de cellules souches de certaines maladies génétiques, mais surtout de la moelle ou de la peau chez l’animal. «Certaines de ces techniques pourraient nous pourrons sélectionner les bien aboutir dans quelques anembryons avant leur transfert, nées. Néanmoins, le processus ce qui rendra les traitements de maturation est plus complus efficaces et diminuera le plexe chez l’homme que chez taux de grossesses multiples. la souris», précise Sébastien Cette nouvelle loi permettra Adamski. d’atteindre les standards inLe nombre de naissances en 2016. ternationaux de la PMA en Il s’agit de 43’759 garçons et 41’889 filles. La production de gamètes artifiSuisse, tout en restant un ciels permettrait de ne plus dégarde-fou nécessaire», se répendre des dons. «Les donneurs jouit Nicolas Vulliemoz. de sperme ne sont pas assez L’âge moyen de la mère nombreux, regrette Sébastien A l’international, la recherche à la naissance de l’enfant en 2016. Adamski. Quant à ceux d’ovoavance et pourrait offrir à cytes, ils sont tout simplement terme des solutions compléinterdits en Suisse.» mentaires. Une avancée attendue est la production de En 2014, le nombre de couples Une situation qui contraint de cellules génératrices de sperayant eu recours à la fécondation «in vitro». Cela a permis multiples couples helvétiques matozoïdes in vitro. «Plusieurs la naissance de 1’955 enfants. à se rendre à l’étranger pour groupes de recherche internabénéficier d’un tel don (lire tétionaux ont annoncé avoir moignage p. 24). reproduit des spermatozoïdes
LA FÉCONDITÉ EN SUISSE
85’648 31,9
6’269
28’483
Le nombre d’accouchements par césarienne en 2015, ce qui équivaut à plus d’un accouchement sur trois. SOURCE: OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE
Lexique ENDOMÉTRIOSE Il s’agit d’une maladie gynécologique qui tient son nom de l’endomètre, tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus. Chez certaines femmes, un tissu semblable à l’endomètre s’étend à l’extérieur de la cavité utérine, provoquant de fortes douleurs, des saignements, des adhérences, des kystes ovariens, augmentant ainsi le risque d’infertilité. FÉCONDATION IN VITRO Lors de cette procédure médicalement assistée, la fécondation entre l’ovocyte et le spermatozoïde a lieu hors du corps de la femme, dans une éprouvette, en laboratoire, soit in vitro. L’embryon issu de cette manipulation est ensuite implanté dans l’utérus de la mère.
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FÉCONDATION IN VIVO Lors de cette procédure médicalement assistée, un ovocyte et un spermatozoïde sont prélevés avant d’être directement implantés dans l’utérus. La fécondation a ainsi lieu au sein du corps de la femme, soit in vivo et non en laboratoire. OVOCYTE Cellule féminine produite par les ovaires. Les ovocytes deviennent des ovules après maturation. SPERMATOGENÈSE Ce processus désigne la production de spermatozoïdes. Il débute à la puberté et s’effectue au sein des testicules.
LPMA La Loi sur la procréation médicalement assistée réglemente les méthodes – telles que la FIV – permettant d’induire une grossesse artificiellement. En Suisse, cette loi date de 1998, mais a été modifiée en 2016. Elle permet aujourd’hui de prélever jusqu’à 12 ovocytes et d’effectuer un diagnostic pré-implantatoire (DPI) sur les embryons afin de détecter une possible anomalie avant de les implanter dans l’utérus. Le DPI a pour but de n’implanter que des embryons sains et d’optimiser ainsi les chances de grossesse pour les couples en difficulté.
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LE PROCESSUS DE FÉCONDATION Avec ou sans assistance médicale, un embryon s’implante dans l’utérus une dizaine de jours après la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule.
Trompe de Fallope
Ovaire
Utérus Endomètre
PROCESSUS NATUREL
Col de l’utérus
Vagin
JOUR 0 Fécondation
JOUR 2 2 cellules
JOUR 8-9 Implantation
JOUR 3-4 8 cellules
PROCESSUS IN VITRO
JOUR 0 Fécondation
JOUR 2 2 cellules
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JOUR 3-4 8 cellules
Lors d’une fécondation «in vitro», l’ovule est fécondé par un spermatozoïde hors de l’utérus. Celui-ci se transforme en pré-embryon, qui est alors injecté dans l’utérus. S’il s’implante, il poursuivra son développement comme lors d’une grossesse qui n’a pas nécessité d’assistance médicale.
INFOGRAPHIE: BENJAMIN SCHULTE
TRANSFERT DE L’EMBRYON
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«LA MÉDECINE NE SOIGNE PAS LA DIFFICULTÉ ÉMOTIONNELLE» La Genevoise Pascale de Senarclens* livre un témoignage issu de son expérience personnelle et des conférences-débats consacrées au désir d’enfant menées par son association. «C’est mon compagnon de l’époque qui avait un fort désir d’enfant – plus que moi, je le reconnais. Quelque part, c’est la découverte de ma situation d’infertilité qui m’a donné envie de procréer. Cette envie est vite devenue problématique, une sorte de frustration causée par des performances féminines non accomplies, je ne me sentais plus femme, comme handicapée. Ça a été très dur de subir l’omniprésence de
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quelque chose que je ne désirais pas vraiment.» Une première consultation auprès d’un spécialiste a lieu en 2013. Pendant un an, la jeune femme enchaîne les traitements. «Ce fut un processus émotionnel compliqué fait de solitude, d’incompréhensions et de souffrances auxquelles la médecine n’a absolument pas pallié.» Dans ces conditions, le couple décide de ne pas s’acharner et stoppe tous traitements. «C’est un choix rare, que j’attribue à mon très modéré désir d’enfant, car il est tout autre pour la majorité des femmes. Enfanter est si central qu’elles sont prêtes à tout. S’il y a arrêt des traitements, il survient après énormément de
souffrances, d’argent dépensé, parfois de séparation, voire de dépression. A travers mon association, j’ai organisé de nombreux cercles de femmes sur ce thème et régulièrement les participantes parlaient des attitudes inappropriées des médecins. J’entends par là, un manque d’empathie et de la dureté, cette impression que l’on est des voitures qui passent chez le garagiste. C’est une forme de maltraitance émotionnelle qui fait presque systématiquement partie des parcours et cela me révolte.» *PASCALE DE SENARCLENS EST DIRECTRICE DE L’ASSOCIATION GENEVOISE BLOOM AND BOOM QUI ŒUVRE NOTAMMENT POUR L’ÉMANCIPATION DES FEMMES.
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3 ENTENDRE LA SOUFFRANCE UN ENCADREMENT PSYCHOLOGIQUE NÉCESSAIRE Au-delà de la prise en charge médicale, les spécialistes recommandent vivement aux couples de suivre un encadrement psychologique. C’est d’ailleurs une prestation imposée par la LPMA avant, pendant et après les traitements. «Le chemin n’est pas simple, prévient Danièle Besse, conseillère en santé sexuelle à l’UMR. Lors de la recherche des causes de l’infertilité, l’un ou l’autre des partenaires peut se sentir responsable, voire coupable, ce qui peut questionner le couple.» De plus, une fois le diagnostic posé, un traitement plus ou moins complexe va être proposé. «Les couples ne s’attendent pas forcément aux effets des traitements sur leur corps et leur sexualité. Ils sousestiment l’éventualité d’un échec. La PMA est une succession d’attente, d’espoir et de revers qui, telles des montagnes russes, mettent le psychisme à rude épreuve», précise-t-elle. «Souvent, les couples se sentent mal écoutés, voire pas soutenus par la médecine», indique Estelle Métrot, spécialiste de l’accompagnement en préconception entre Genève et Paris, et auteure de l’ouvrage 1001 fécondités. Il est crucial d’associer à l’innovation médicale des espaces d’écoute.» La souffrance peut affecter les deux membres du couple. «Certaines ne se sentent femmes que si elles peuvent être mères», indique Danièle Besse. Les hommes associent plus facilement la fertilité à la virilité, et de ce fait, peuvent mal vivre l’infertilité.» Estelle Métrot précise que malgré tout la médecine reproductive sollicite beaucoup plus le corps de la femme. «Beaucoup plus d’examens sont proposés à la femme lors de l’exploration et du traitement. C’est elle que l’on va stimuler, ponctionner et qui ouvre son corps au regard des autres régulièrement.» Face, entre autres, à un soutien inapproprié, la Genevoise Pascale de Senarclens a d’ailleurs choisi de mettre fin aux traitements (lire témoignage ci-contre). «La technologie ne comble pas l’impact émotionnel.» /
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OVULATION CONNECTÉE Les smart technologies peuvent aussi aider à procréer. C’est un bracelet connecté conçu en Suisse qui se démarque sur le marché: basé sur des mesures physiologiques corrélées aux variations du taux d’hormones (pouls, sommeil, température, etc.), l’accessoire de la start-up zurichoise Ava prédit les périodes d’ovulation. Validé par la FDA, il sera prochainement commercialisé en Suisse. La société Ava a par ailleurs levé 9,7 millions de dollars en novembre 2016. Le montant sera principalement investi dans la recherche et les études cliniques. Il y aurait déjà huit bébés Ava amenés à naître en 2017.
DON D’OVOCYTES: UNE INTERDICTION QUI FAIT DÉBAT Autorisé dans 20 pays européens, le don d’ovocytes demeure à ce jour interdit en Suisse. Voilà pourquoi plusieurs centaines de couples helvétiques se rendent chaque année à l’étranger pour y recourir (lire témoignage p. 24). Plusieurs parlementaires ont déjà soulevé la question, qui n’a pour l’heure pas trouvé de réponse: pourquoi interdire le don d’ovocytes alors que le don de sperme a été légalisé en 2001 avec l’entrée en vigueur de la première Loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA)? En 2014, l’ancien conseiller national Jacques Neirynck (PDC/VD) déposait une initiative parlementaire afin d’autoriser la pratique. Le projet sera finalement abandonné en 2016. «Il n’y avait pas d’opposition sur le fond, commente Isabelle Chevalley (PVL/VD). Mais pour donner accès au don d’ovocytes, il faut modifier plusieurs lois. Certains parlementaires ont estimé à l’époque que c’était trop compliqué. Ce n’est pas un argument valable de mon point de vue.» En mars dernier, la conseillère nationale cosignait une motion pour demander au Conseil fédéral de légaliser le don d’ovocytes. S’il y consent, l’entrée en vigueur pourrait avoir lieu dans deux ans au plus tôt. «Un scénario très optimiste», selon Isabelle Chevalley.
FOCUS
PROPOS RECUEILLIS PAR
YANN BERNARDINELLI
INFERTILITÉ
INTERVIEW «TRANSFÉRER UN EMBRYON EST QUELQUE CHOSE DE MAGIQUE»
Nicolas Vulliemoz évoque sa vision de la médecine reproductive et analyse les nouveaux défis d’une pratique qui mêle éthique, technologies et rapports humains.
Qu’est-ce qui vous a conduit à la médecine reproductive?
Comment vivez-vous le fait que la PMA soulève beaucoup de questions éthiques et soit loin d’être approuvée à l’unanimité?
in vivo
iv
C’est un stage Erasmus à Bristol (GBR) qui m’a précipité dès la quatrième année de médecine dans la gynécologie-obstétrique. Un professeur très expérimenté et proche de la retraite qui avait participé aux premiers essais de fécondations in vitro avec celui qui l’a mise en place, le Prix Nobel Robert Edwards, m’a totalement captivé. La procréation médicalement assistée (PMA) est vite devenue une véritable passion, qui s’est avérée plus que fidèle à mes attentes. Le mélange des technologies et des rapports humains rend ce métier incroyablement vivant. Recevoir une photo du bébé de nos patients n’a pas de prix!
nv C’est un des intérêts de mon travail, ça le rend encore plus intéressant. Je le vis très bien, car transférer un embryon restera toujours quelque chose de magique. Je respecte l’avis des gens, mais il faut être contre pour les bonnes raisons. Les raisons religieuses en sont une, une mauvaise compréhension des traitements ne devrait pas. Je ne suis pas là pour vendre, mais pour proposer des options médicales à des situations d’infertilité. Il faut savoir démystifier un certain nombre d’aspects liés à la PMA et accepter les opinions.
nicolas vulliemoz
La loi suisse évite suffisamment les dérapages éthiques?
iv
Un expert en reproduction Nicolas Vulliemoz est le médecin responsable de l’Unité de médecine de la reproduction depuis avril 2015. Il a développé au CHUV une consultation multidisciplinaire d’endométriose qui permet un suivi individualisé des patientes. Il coordonne également le Réseau romand de cancer et fertilité, qui aide les patients suivant un traitement oncologique à préserver leur fertilité. Nicolas Vulliemoz a auparavant travaillé à l’Hôpital cantonal de Fribourg, à l’Université de Columbia (USA) et à l’Université d’Oxford (UK).
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nv Tout à fait, la LPMA (Loi sur la procréation médicalement assistée) est une bonne chose et limite les abus. Le cadre suisse reste strict, même avec la nouvelle loi. Dans notre unité, des colloques sont en place pour discuter des questions éthiques et légales. Il arrive que nous devions refuser des traitements si, après une évaluation multidisciplinaire, nous estimons que les parents ne seront pas à même d’élever leur enfant jusqu’à la majorité, car c’est dans la loi.
La PMA n’est-elle pas une médecine business qui exploite à souhait le désir de fécondité des couples?
iv
nv Oui, c’est le risque. Comme la LAMal et les complémentaires ne remboursent pas la FIV, les patients peuvent effectuer les traitements où ils veulent. De plus, c’est une activité qui s’est beaucoup développée dans le privé, à tel point que les gens ne savent pas forcément qu’elle se
FOCUS
INFERTILITÉ
pratique également dans les hôpitaux universitaires. Ceux-ci sont essentiels pour la recherche et la formation ainsi que pour l’approche éthique. iv
Les coûts sont-ils les mêmes?
Oui, il faut compter entre 8’000 et 10’000 francs pour un cycle de FIV, les prix sont à peu près les mêmes dans les différents centres en Suisse. Les stimulations ovariennes (12 mois) et trois inséminations sont remboursées jusqu’à l’âge de 40 ans. nv
Pensez-vous qu’un jour les assurances rembourseront?
iv
nv Je l’espère, car les prix sont une véritable barrière aux traitements. A mon avis, elles rembourseront un jour, mais selon des critères stricts d’âge, de poids et de tabagisme par exemple.
Entreprendre un traitement n’est pas anodin. Prenez-vous en compte le soutien des patients lors des traitements?
iv
nv Oui, c’est extrêmement important. La LPMA spécifie d’ailleurs qu’il doit y avoir une assistance psychologique. Ici, notre unité a mis en place des infirmières spécialisées et des psychologues. Tous nos patients sont adressés à ces spécialistes. Le plus grand échec pour la médecine reproduc31
GILLES WEBER
Nicolas Vulliemoz, médecin responsable de l’Unité de médecine de la reproduction du CHUV.
tive est que des patients ayant effectué des traitements sans succès n’aient pas été accompagnés suffisamment. iv On entend beaucoup parler de la congélation d’ovocytes dans les médias, elle est entre autres financée par Facebook pour leurs employés carriéristes. Avez-vous des demandes de congélation d’ovocytes par choix personnel? nv Oui, c’est la réalité des sociétés modernes. Nous avons beaucoup de demandes, mais nous ne voulons pas que cela devienne un business pour autant. Nous évaluons la pertinence et n’hésitons pas à refuser les cas où les bénéfices du traitement sont trop faibles. Par exemple, à 44 ans c’est inconcevable! iv
Les enfants de la PMA sont-ils plus fragiles?
Près de quarante ans après le premier bébééprouvette, il existe assez de recul et d’études sérieuses pour connaître les conséquences à long terme d’une naissance par PMA. Au niveau cognitif, il n’y a aucune différence. Par contre, un risque augmenté de développer certaines malformations du cœur ou des voies urinaires est observé. Ces malformations sont néanmoins rares et leurs causes ne sont pas connues avec précision. ⁄ nv
MENS SANA
«Si nous voulons vraiment aider le patient, quel qu’il soit, cela ne doit pas dépendre des éventuelles affinités que son médecin a – ou n’a pas – avec la problématique des patients vulnérables.» PATRICK BODENMANN
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INTERVIEW
PATRICK BODENMANN En août 2016, il devenait professeur associé de la Faculté de biologie et médecine de Lausanne. L’occasion de présenter ce professionnel au parcours atypique et aux convictions fortes, aujourd’hui titulaire de la première Chaire de médecine des populations vulnérables du pays. INTERVIEW: BERTRAND TAPPY PHOTO: GILLES WEBER
«La vulnérabilité n’a pas de frontières» tine avant de revenir en Suisse. J’ai tout de Chaque jour, le médecin côtoie l’injustice: qu’elle touche l’ensuite été frappé par les écarts de moyens et fant, la personne âgée, le natif, l’étranger, l’homme ou la d’accès aux soins des habitants, selon qu’ils femme, la maladie frappe souvent au hasard, sans se préochabitent un quartier huppé ou dans la rue. Je cuper de savoir si l’humain qu’elle atteint a été toute sa vie revois les bureaux de mon père, situés en haut d’une générosité infinie ou d’une cruauté sans bornes. d’un bâtiment luxueux construit juste à côté d’un bidonville où les gens n’avaient absolument Imaginez maintenant quel doit être le monde qu’a choisi rien. Ce contraste m’a profondément marqué. Patrick Bodenmann, qui ajoute à ces malheurs aléatoires ceux qui ont été créés par la main même de l’être humain: pauvreté, discrimination raciale ou sexuelle, sans IV Avant d’aller plus loin, il serait peut-être nécompter les guerres et l’exil. «La vulnérabilité n’a pas cessaire de définir ce que vous entendez par de frontières», assène dès le départ de l’entretien le «population vulnérable». Qui est-ce que cela médecin, aujourd’hui professeur associé au sein de concerne? PB Nous sommes tous à risque d’être à un la première chaire suisse du domaine. Sa voix est moment donné vulnérables: c’est ce que les auteurs posée et douce, un ton qui cadre parfaitement avec en particulier issus de l’éthique médicale – définissent la modestie d’un homme qui a décidé de consacrer comme étant la vulnérabilité générale. Ils la dissa vie à ceux qui n’osent parfois même plus detinguent de la vulnérabilité spéciale chez celui ou celle mander de l’aide. qui a peu ou pas de ressources, de capabilités, de compétences pour y faire face. Ainsi il y a un groupe de populations vulnérables sujettes à ce type de vulnérabilité IN VIVO A quel moment de votre jeunesse s’est dans laquelle s’entremêlent – en plus de la maladie –des fait le déclic de la médecine? PATRICK BODENéléments de précarité sociale, économique, statutaire, etc. MANN Dès mon plus jeune âge, j’ai accompaCe terme est consacré dans la littérature médicale anglogné mon père – cadre chez Nestlé – et ma saxonne depuis plus de trente ans. famille, dans différents pays d’Amérique la-
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INTERVIEW
Evidemment, on pense tout de suite aux requérants d’asile, mais cela reviendrait à réduire notre travail à un statut. Ce terme englobe aussi les minorités sexuelles, parfois victimes de traite, la population carcérale, des personnes dont le réseau social est quasi inexistant et qui sont des usagers réguliers du Service des urgences ou qui ne sont plus en mesure de payer leurs soins. Et je ne suis pas exhaustif.
«NOUS PROLONGEONS LA MISSION HISTORIQUE DE LA POLICLINIQUE, CRÉÉE VOILÀ 130 ANS»
de la santé publique, etc; certaines de nos publications ont paru dans de très bons périodiques (BMJ open, PLOS One, JGIM, Lancet, etc.).
Vos travaux visent l’égalité des soins? Je préfère plutôt parler d’équité. Chaque patient a son histoire, et tout le monde n’a pas besoin de la même chose. Des soins équitables nécessitent une approche centrée sur les besoins spécifiques de chaque patient. Et c’est notamment ce à quoi s’emploie la PMU dont c’était la mission initiale il y a 130 ans, lors de sa création. IV
PB
IV Qu’est-ce qui changé en 130 ans? PB En premier lieu, l’interdisciplinarité. Le mythe du «vulnérabologue» médecin seul n’existe pas! Nous travaillons aujourd’hui avec des soignants, des collaborateurs de l’administration, des assistants sociaux. Sans eux, notre travail ne serait que très partiel, voire très superficiel! Fréquemment, le médecin n’est qu’en seconde ligne de la prise en charge de ces patients particulièrement fragiles et vulnérables.
IV Revenons à vous. Pourquoi avez-vous choisi de rester à Lausanne à la fin de vos études, au lieu de faire carrière dans l’humanitaire? PB J’attribue en IV Des situations extrêmement complexes. C’est ce qui vous attire? PB Je dirais que la volonté de particulier mon choix aux rencontres faites durant mes études. Notamment celle du Prof. Alain Pécoud, changer les choses doit être nécessairement extrêqui fut le directeur de la Policlinique médicale unimement forte chez tout professionnel qui décide versitaire jusqu’en 2011. Lorsque je lui ai fait part de de se dévouer à ce type de médecine sociale. mon envie de rester à la PMU, il m’a enQuand on fait ce choix de carrière, ce n’est couragé non seulement à continuer et jamais par hasard. Il faut de la ténacité, des BIOGRAPHIE améliorer la prise en charge des populaconvictions et une réelle passion. Médecin adjoint tions vulnérables, mais aussi et surtout à à la Policlinique œuvrer localement et au niveau internaIV Les laboratoires, la recherche, le bloc… médicale univertional à la reconnaissance de ce travail. Cela ne vous a jamais tenté? PB C’est inté- sitaire (PMU) de ressant que vous opposiez les deux. Dans Lausanne, Patrick Bodenmann notre domaine, il y a également énormé- est responsable IV Un projet que vous avez mené à bien, ment de publications, de recherches de du Centre des avec la création de cette chaire… PB C’est grande qualité qui sont menées. Nous avons populations vulune étape importante, mais ce n’est pas un eu des financements du Fonds national nérables depuis sa aboutissement. Grâce à cette reconnaiscréation en 2000. suisse de la recherche, de l’Académie suisse Il a été nommé sance de l’Université, nous pouvons maindes sciences médicales, de l’Office fédéral professeur associé tenant approcher les cliniciens, mais aussi
à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, titulaire de la nouvelle Chaire de médecine des populations vulnérables dès le 1er août 2016.
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les enseignants et les chercheurs d’autres institutions, nationales ou internationales, avec une légitimité accrue. Mais nous sommes encore trop peu à nous préoccuper réellement de cette problématique.
IV De quoi faire peur aux médecins qui n’ont pas l’habitude?
On touche ici, selon moi, un point essentiel: si nous voulons vraiment aider le patient, quel qu’il soit, cela ne doit pas dépendre des éventuelles affinités que son médecin a – ou n’a pas – avec la problématique des patients vulnérables. Il faut une structure forte avec des professionnels compétents, notamment en termes de compétences cliIV Vous regrettez un manque d’intérêt de la niques transculturelles. part de vos collègues médecins? PB Je ne dirais pas les choses comme ça. Certains services, de par leur activité, ne sont pas aussi exposés IV Quel est votre regard sur la situation suisse en généque d’autres que je considère comme étant la ral, et vaudoise en particulier? PB Avec ses différences première ligne de soins: Gynécologie, Urgences, cantonales et ses 26 systèmes sanitaires différents, l’orgaPsychiatrie, Pédiatrie… Au sein de la Cité hospinisation suisse est extrêmement complexe, en particulier talière lausannoise, nous avons la chance d’avoir pour la prise en charge des populations vulnérables. pour chacune de ces disciplines un ou plusieurs Nous avons la chance que notre Département de tutelle «spécialistes» de la question des populations vul(DSAS), ainsi que le Service de la santé publique soient nérables. Mais ce n’est pas le cas partout. Pour les extrêmement sensibles à cette problématique; nous médecins installés, nous sommes encore une nosommes le seul canton à avoir une médecin cantonale tion assez floue. adjointe pour les populations vulnérables. Sur la question – très actuelle – des mineurs non accompagnés par exemple. nous avons pu voir que le IV Vous œuvrez encore dans l’ombre... DSAS a voulu réagir très vite. Au niveau Vous aimeriez en sortir? PB C’est ce qui fédéral également, nous sommes très réest en train de se produire, notamment gulièrement consultés au sein de groupes chez les jeunes étudiants de médecine et de travaux notamment via l’OFSP. C’est, médecins en formation. Je vois énormé- EN SAVOIR PLUS là encore, une chance immense qui nous ment d’initiatives très positives auprès de Visionnez la leçon permet de donner une assise supplémenMETIS (Mouvement des étudiants-tes inaugurale du Prof. Bodenmann sur taire à nos développements. travaillant contre les inégalités sociales www.invivomagazine.com d’accès à la santé, ndlr) metislausanne.com IV Certes. Mais que ce soit par la gauche ou la droite, la récupération politique IV Cela veut-il dire que chaque hôpital de votre activité doit être un risque de devrait avoir un «champion des poputous les instants… PB Faire le travail lations vulnérables»? qu’est le nôtre ne sera jamais anodin. PB Je souhaiterais un mélange de quelques Nous devons apporter des preuves objectives spécialistes formés et la sensibilisation de l’ensemble des issues de nos recherches. Lorsque notre action professionnels. Aujourd’hui encore, trop de patients à est mise en lumière, nous devons régulièrement l’histoire «hors du commun» sont transférés aux services nous justifier, ce qui engendre une importante sociaux ou directement à notre équipe. Parfois, j’ai même dépense d’énergie et de temps. D’où le besoin l’impression que la consonance du nom de famille suffit de former davantage de professionnels, afin pour leur orientation. Mais je peux comprendre que la sique nous soyons capables d’assurer ensemble tuation ne soit pas facile à saisir dans le cadre de la prise en une équité clinique et les développements charge. Imaginez: les personnes qui ont fui la guerre en exacadémiques nécessaires, dans le cadre faciYougoslavie lorsqu’ils avaient 40 ans ont 60 ou 70 ans aulitateur et porteur de cette nouvelle chaire. ⁄ jourd’hui. Et pour eux, c’est un âge extrêmement avancé! Cela n’est pas sans conséquences sur la manière dont nous devons échanger avec ces patients.
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à l ’ h ô p i ta l , l e s v i r us p e u v e nt aus s i ê t r e i n f o r m at i q u e s TEXTE JULIE ZAUGG
Les établissements de soins ne sont pas à l’abri des cyberattaques. Les hackers sont en quête de données médicales, qui valent leur pesant d’or sur le dark web web.
L
es banques, les supermarchés et les particuliers sont régulièrement visés par des cyberattaques. On le sait moins, mais les hôpitaux aussi. Une étude réalisée aux Etats-Unis par l’Institut de recherche Ponemon a montré que 90% des organisations de santé du pays avaient subi au moins une intrusion informatique en 2015. Les tentatives sont plus nombreuses encore. En Suisse, un hôpital universitaire va essuyer, en moyenne, 11’000 tentatives d’attaques informatiques de toutes sortes par jour, selon l’association Ingénieur Hôpital Suisse. Si les hôpitaux sont devenus une cible attrayante pour les hackers, c’est qu’ils sont souvent très mal protégés. Martin Darms, un ingénieur informatique qui dirige une PME dans le canton de Zoug, a développé un indexe de vulnérabilité des hôpitaux et s’en est servi pour effectuer une analyse des serveurs de sept établissements suisses dans le cadre d’une thèse de master.
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* /= de
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Quatre d’entre eux présentaient des vulnérabilités plus ou moins importantes. Les pires manquements ont été découverts sur leurs réseaux internes: logiciels antiques, mots de passe standards ou serveurs de test non protégés. Les hôpitaux sont en retard, reconnaît Franck Calcavecchia, en charge de la sécurité informatique pour les Hôpitaux universitaires de Genève. «Si la sécurité informatique a été prise en compte très tôt dans le monde financier, ce n’est pas le cas dans celui de la santé», juge-t-il. Car ce n’est pas son cœur de métier. «Pour les soignants, l’urgence ce n’est pas de savoir si les réseaux sont L e s o bj ect i f s bien protégés, des hackers mais de s’occuper des patients», note Solange Ghernaouti, spécialiste de la cybercriminalité à l’Université de Lausanne.
<=] #1 La demande de rançon
On privilégie la rapidité et l’efficacité des outils informatiques, au détriment de leur sûreté. Et on omet les précautions les plus basiques. «Combien de fois me suis-je retrouvée seule dans une salle de soins à côté d’un ordinateur allumé?» interroget-elle.
Le Hollywood Presbyterian Medical Center a été le premier hôpital victime d’un ransomware. L’établissement a perdu l’accès à tous ses fichiers en février 2016 après qu’un virus les eut encryptés. Il a dû s’acquitter de la somme de 17’000 bitcoins (environ 15 millions de francs) pour les récupérer. «Cela a créé un précédent, note Daniel Gougerot, du CHUV. Depuis, de nombreux autres hôpitaux ont été ciblés.» Trois autres établissements américains, dans le Kansas, en Californie et dans le New Jersey, ont également versé les sommes demandées.
qui enregistrent automatiquement les signes vitaux a également accru le nombre d’informations stockées par les hôpitaux, et donc de cibles pour des personnes malveillantes. Autre écueil, les appareils médicaux sont encore trop souvent dépourvus de toute protection contre les virus et autres malwares, alors qu’ils sont désormais connectés à des réseaux informatiques. «Les fournisseurs de ces équipements ont pris beaucoup de temps à réagir pour les rendre résistants aux cyberattaques», relève Daniel Gougerot, responsable de la sécurité des systèmes d’information au CHUV. PHISHING ET VOLS INTERNES
Le mode d’intrusion privilégié des hackers est le phishing, soit l’envoi d’un e-mail qui contient un lien menant vers un faux site web. «Le but est de faire installer un logiciel à la victime, pour pouvoir instrumentaliser son ordinateur afin de mener l’attaque», détaille le responsable du CHUV. Ces e-mails peuvent contenir des informations très personnelles glanées sur les réseaux sociaux afin d’endormir sa méfiance. Mais la méthode utilisée peut aussi être plus terre-à-terre. Un rapport publié en 2014 a montré que 68% des vols de données médicales effectués aux Etats-Unis depuis 2010 ont eu lieu suite à la perte ou au vol d’un laptop ou d’un smartphone. Le cabinet Independant Security Evaluators, basé à Baltimore, est pour sa part parvenu à accéder au réseau informatique d’un hôpital en hackant un kiosque d’information situé dans le hall d’entrée.
= def .keyboard L’avènement du dossier électronique du patient, des banques de données génétiques et des appareils médicaux
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«Les établissements de santé sont souvent assez bien protégés contre les attaques venues de l’extérieur, mais ils ont tendance à négliger le risque interne, celui posé par
MENS SANA
DÉCRYPTAGE
un employé frustré», juge Tomas Bucher, le président de l’association Ingénieur Hôpital Suisse. Une simple clé USB glissée dans un ordinateur suffit pour extraire des données ou introduire un malware sur le réseau hospitalier. REVENTE DE DONNÉES MÉDICALES
Mais pourquoi s’en prendre à un lieu dont le but premier est de prodiguer des soins? «La menace principale à laquelle nous avons affaire, ce sont les attaques par ransomware», dit Daniel Gougerot. Dans ce genre d’agression, une organisation criminelle va encrypter les données d’un hôpital, puis lui demander de lui verser de l’argent – le plus souvent en bitcoins – pour récupérer l’accès à ses systèmes. «Cela peut aller très loin: certains groupes ont mis sur pied des hotlines au cas où la victime ne saurait pas comment faire un versement en bitcoins», détaille-t-il. Le CHUV a vécu sa première attaque de ce type début 2015 et en a subi deux ou trois depuis. «Mais nous avons pu les stopper avant que nos données ne soient prises en otage», précise-t-il. Les hackers qui s’en prennent aux hôpitaux sont aussi en quête d’informations. «Les données médicales ont beaucoup de valeur, souligne Frank Calcavecchia. Sur le dark web, elles se revendent dix fois plus cher que les numéros de carte de crédit.» Ces données peuvent servir à usurper l’identité de quelqu’un pour obtenir des médicaments, déposer des demandes de remboursement abusives auprès de l’assurance maladie ou à récolter des prestations sociales indues. «En France, une femme s’est servie de données de santé usurpées pour recevoir des aides sociales au nom de 19 paires de jumeaux», raconte Solange Ghernaouti.
enfant atteint d’une maladie en phase terminale et qui recevraient un e-mail qui affirme qu’il a été sélectionné pour participer à un nouvel essai clinique prometteur, fait remarquer Rick Kam, qui dirige le cabinet de sécurité informatique ID Experts, à Portland, aux Etats-Unis. Ils ne vont pas se montrer aussi prudents qu’ils le seraient en temps normal.» Elles sont aussi confidentielles. «Les informations sur le traitement subi par un VIP ou un politicien peuvent aisément être L e vo l revendues à d e données un journal à m é dicales sensation ou L’assureur maladie américain Anthem a subi une utilisées pour le cyberattaque en décembre 2014 qui a permis à faire chanter», un groupe de hackers de mettre la main sur une note Frank base de données contenant des informations Calcavecchia. médicales sur 78,8 millions de patients. La brèche Cela peut aussi n’a été découverte que près de deux mois plus toucher M. ou tard lorsqu’un employé de la firme a remarqué que son identifiant avait été utilisé par quelqu’un Mme Tout-led’autre pour effectuer des recherches dans monde. Peu de ce répertoire. Certaines des données volées gens veulent ont été mises en vente sur le dark web. voir publiés les résultats d’un test de grossesse ou de sida.
#2 LZ
:1 Y ddict()){ø} Ces informations ont d’autant plus de valeur qu’elles touchent à des questions très émotionnelles. «Imaginez les parents d’un
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Les conséquences d’un tel vol de données peuvent être ressenties loin en aval. Aux Etats-Unis, certaines banques et assurances rachètent ce type de données et s’en servent pour évaluer le risque posé par leurs clients. Elles ne vont pas octroyer un prêt ou conclure une assurance vie avec quelqu’un atteint d’un cancer fatal. APPAREILS MÉDICAUX HACKÉS
Plus grave, les cyberattaques peuvent cibler les appareils médicaux connectés.
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«Les machines à IRM, les pompes à insuline, les pacemakers et les défibrillateurs sont autant de machines qui peuvent être hackées, que ce soit pour délivrer la mauvaise dose d’un médicament, pour les désactiver ou pour falsifier un résultat, avec des conséquences potentiellement mortelles», relève Billy Rios, un expert de la sécurité informatique américain qui travaille pour le groupe WhiteScope à San Francisco.
LZK1d #3 L e s a b o ta g e d’objets c o n n ect é s
En mai 2014, Billy Rios, un expert de la sécurité informatique américain qui travaille pour le groupe WhiteScope à San Francisco, écrit aux autorités sanitaires américaines pour les mettre en garde: il a trouvé d’importantes failles dans la pompe à infusion PCA 3 Lifecare de Hospira. «J’ai découvert une vulnérabilité qui permet à quelqu’un de prendre le contrôle de cet appareil à distance, relate-t-il. Cela lui permettrait d’administrer une dose de médicament trop importante ou trop faible.» Ou même d’éteindre la pompe. Suite à cette découverte, la plupart des hôpitaux ont cessé d’utiliser ces appareils.
Parfois, c’est l’hôpital tout entier qui est attaqué. «Les portes, les systèmes de chauffage et de ventilation, l’alimentation en électricité et le traitement des eaux sont
désormais contrôlés au moyen d’outils informatiques qui pourraient en théorie faire l’objet d’une cyberattaque», dit Tomas Bucher. En Grande-Bretagne, des hackers ont pris le contrôle du système de verrouillage des portes d’un hôpital. Ce genre d’attaque peut être l’œuvre d’un employé mécontent qui veut nuire à la réputation d’un établissement ou d’une organisation criminelle qui veut extraire une rançon. Mais les hôpitaux ne sont pas à court de solutions. «Il faut effectuer des sauvegardes régulières des données, souligne Daniel Gougerot. Si un hacker les prend en otage, on a une copie.» Au CHUV, cette opération est réalisée une fois par heure. Autre mesure: compartimenter les divers réseaux. «C’est le modèle du sous-marin: si un caisson a un problème, on peut le fermer et il n’impacte pas le reste de la machine», ajoute Franck Calcavecchia. Le système qui contrôle les défibrillateurs doit par exemple être maintenu à l’écart de celui utilisé pour prendre les rendez-vous. «Il faut aussi mettre en place des journaux qui répertorient toutes les personnes à avoir consulté des données sensibles, poursuit Daniel Gougerot. Cela permet de repérer les comportements suspects.» Plus généralement, on doit limiter l’accès à ce type d’informations aux personnes qui en ont vraiment besoin. L ’ at t e i n t e Moins il y a de à l a r é p u tat i o n gens en possesAu printemps 2014, Community Health Systems, sion d’informaune entreprise qui gère 206 hôpitaux aux Etatstions sensibles Unis, s’est fait ravir les dossiers de 4,5 millions de et moins les patients. Parmi les informations volées figuraient hackers auront des numéros de sécurité sociale, des dates de de cibles à naissance et des adresses mais pas de données médicales ou financières. Une analyse de frapper. ⁄
" end 39
#4
l’attaque a révélé qu’elle était l’œuvre de hackers à la solde du gouvernement chinois, ce qui laisse supposer que le but premier était de porter atteinte à la réputation de cette entreprise et de perturber son fonctionnement.
TEXTE: JADE ALBASINI, HANNAH SCHLAEPFER ILLUSTRATION: STEPHAN SCHMITZ
MENS SANA
TENDANCE
UNE CLINIQUE EN UN CLIC
Au même titre que les comparateurs d’hôtels, la plateforme Medigo connecte patients et hôpitaux à travers le monde. Avec le même succès?
C
A
hoisir une intervention médicale au meilleur prix comme on choisirait une chambre d’hôtel, c’est le défi que s’est lancé Medigo.com, une start-up berlinoise fondée en 2014. La plateforme donne ainsi accès à 800 cliniques dans 35 pays. L’internaute n’a plus qu’à sélectionner l’intervention qu’il désire parmi les 900 procédures médicales disponibles. Une dialyse rénale à Majorque? 373 francs. Une rhinoplastie à Istanbul? 2’332 francs. Sur chaque page, les photos de l’établissement et du personnel médical sont censées permettre aux internautes de se familiariser avec chaque hôpital. Medigo comptabilise 40’000 visites depuis son lancement, toutes langues confondues. La plateforme ne souhaite toutefois pas dévoiler le nombre de patients qui ont déjà réservé un traitement par son intermédiaire. En Suisse, dix centres médicaux sont partenaires de la plateforme. Parmi eux, les cliniques Bois-Cerf et Cecil de
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UN SECTEUR EN PLEIN ESSOR Se faire soigner à l’étranger pour accéder à des soins non proposés ou trop onéreux dans son pays: le tourisme médical séduit de plus en plus de consommateurs à travers le monde. Le secteur pèse déjà plusieurs milliards de dollars, et devrait augmenter de 25% par an sur la prochaine décennie, selon une étude de 2016 de Visa et Oxford Economics.
Lausanne. Contacté directement par Medigo, le groupe privé zurichois Hirslanden, à qui appartiennent les deux cliniques, tire un bilan nuancé de cette collaboration. «Nous avons accueilli un certain nombre de patients venus de l’étranger, mais l’impact de Medigo est difficilement quantifiable. La majorité des cas traités au sein de nos cliniques proviennent encore du réseau de nos médecins», précise Claude Kaufmann, responsable communication. VERS LA LIBÉRALISATION
Comment comprendre l’émergence d’une plateforme telle que Medigo? «Avec Internet, les frontières n’existent plus et cela vaut aussi dans le domaine de la santé, explique Karim Boubaker, médecin cantonal vaudois. En Suisse, la tendance au tourisme médical demeure toutefois marginale. Je n’ai connu que quelques cas concernant des soins dentaires ou de la chirurgie esthétique. La plupart du temps les patients s’étaient rendus à l’étranger pour des raisons économiques.» Il faut dire que les primes d’assurance maladie n’ont cessé d’augmenter depuis l’instauration de l’assurance obligatoire, la LAMal, en 1996 (lire p. 42).
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TENDANCE
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D’ailleurs, pour les assurances maladie, rembourser des interventions promulguées à l’étranger permet des économies non négligeables. Jusqu’ici, le principe de territorialité de la LAMal ne permettait pas aux assurances de rembourser les prestations médicales administrées hors du territoire suisse – sauf en cas d’urgence. En 2016, le Parlement fédéral a fait un pas en direction des assureurs en adaptant, en partie, la LAMal. Désormais, l’assurance de base rembourse certains traitements médicaux fournis à l’étranger en zone frontalière. «Si le patient désire se faire soigner à l’étranger et que la qualité des soins est garantie, je ne vois pas le problème, remarque Karim Boubaker. Je m’inquiéterai le jour où un assureur obligera les patients à aller recevoir des traitements à l’étranger pour économiser, mais nous n’en sommes pas encore là.» QUESTION DE CONFIANCE
La médecine n’est pas qu’une question de coût, rappelle Claudine Burton-Jeangros, spécialiste en sociologie de la santé et de la médecine de l’Université de Genève. «La santé n’est pas un simple bien de consommation, contrairement aux établissements hôteliers. Jusqu’à aujourd’hui, le besoin d’être en contact intime avec son médecin perdure.» Dans le secteur du tourisme médical, ce besoin de confiance doit donc être pris en considération. En témoigne Ivan de Weber, cofondateur de SwissMedFlight, une agence de tourisme médical basée entre Genève et Budapest: «Les personnes qui souhaitent tenter l’expérience d’un soin ou d’une intervention à l’étranger ont besoin de quelqu’un qui les aide dans leurs démarches.» Son entreprise ne propose que des établissements dans la capitale hongroise. «Cela nous permet de connaître personnellement chaque
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DES TARIFS TOUJOURS PLUS ÉLEVÉS Les coûts de la santé ne cessent d’augmenter en Suisse. De 26 millions en 1990, le prix du système de santé s’élevait à 71 millions en 2014, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Parallèlement, les primes d’assurance maladie ont augmenté depuis l’instauration de l’assurance maladie obligatoire, la LAMal, en 1996. A titre d’exemple, avec la franchise la plus basse, un adulte vaudois payait au minimum par mois 355 francs en 2006. Pour les mêmes prestations, il aura déboursé 420 francs en 2016 d’après les chiffres de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Une augmentation due aux progrès techniques et au vieillissement de la population, selon l’OFSP.
médecin avec qui nous collaborons et de miser sur un véritable rapport de confiance.» MÉDECINE 2.0
Ce n’est pas le cas de la plateforme Medigo. «Nous sélectionnons les cliniques et hôpitaux selon une liste de critères internes allant des certifications ISO à la réputation par les pairs», explique Ugur Samut, CEO et cofondateur. Par ailleurs, pour toute demande de traitement, le patient doit remplir un questionnaire sur son état de santé. Son dossier médical est ensuite transmis à la «Care Team» de Medigo. Composée d’une dizaine de personnes (dont un médecin), elle assiste les internautes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par e-mail ou téléphone. Lorsqu’elle s’est assurée que les informations médicales transmises par le patient sont complètes, elle le met en relation avec la clinique. Ces précautions suffisent-elles à garantir un soin de qualité? Pour Stéphane Koch, conseiller indépendant en stratégie digitale à Genève, des options supplémentaires amélioreraient le sentiment de fiabilité de Medigo. «Il faut davantage de statistiques, dévoiler le nombre de recommandations. Les clients devraient être obligés de noter la clinique et le médecin après chaque intervention afin de mettre en place une représentation plus pointue.» A ceci s’ajoute un déficit de fiabilité quant au suivi post-opératoire. Si Medigo dit prendre contact avec les patients après leur intervention, Ivan de Weber met en garde: «C’est l’aspect le plus complexe lors d’un soin à l’étranger. Parfois les patients n’osent pas recontacter leur médecin après avoir été traité ailleurs.» Et Karim Boubaker de souligner: «Lorsque des patients ont des complications par la suite, c’est le système de santé suisse qui paie.» Si la médecine a un coût, la santé, elle, n’a pas de prix. ⁄
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COULISSES
CARENCE D’«EURÊKA» AU FÉMININ TEXTE JADE ALBASINI
A l’ère de l’égalité des genres, et malgré de nombreuses initiatives, l’équilibre entre hommes et femmes dans la recherche fondamentale et clinique n’en est encore qu’au stade de genèse. Explications.
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lors que les femmes sont de plus en plus nombreuses sur les bancs universitaires, un nombre restreint d’entre elles poursuit une carrière académique. En 2015, à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’Université de Lausanne (UNIL), on ne compte que 11,6% de femmes à des postes de professeurs ordinaires. Ce manque de représentativité féminine dans les postes académiques de haut niveau semble s’expliquer par la difficulté de combiner maternité, vie de famille et vie professionnelle dans un milieu très concurrentiel. En Suisse romande, une amorce progressiste apparaît quand même. «Il y a cinq ans, le bain machiste était bien présent, mais la tendance change», affirme François Pralong, vice-doyen pour la relève académique à la FBM et chef du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV.
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Petit pas vers la parité
Un doux changement visible grâce aux dernières statistiques réalisées par le Bureau de l’égalité de l’UNIL. De 2011 à 2015, le pourcentage de femmes dans les engagements professoraux, tous titres confondus, est passé de 15,4% à 25%. Un chiffre prometteur, mais qu’il faut nuancer, selon Susy Wagnières, cheffe de projets au Décanat de la FBM au sein de la Commission Pro-Femmes. «Si nous parlons du pourcentage total de la représentation féminine à des postes académiques clés, soit de professeurs associés et ordinaires, celui-ci n’a augmenté que de 12,9% à 15,7% sur ces quatre ans.» Reste qu’à l’échelle de la FBM, le progrès est significatif. «La situation évolue dans la bonne direction, lance Christine Sempoux, coprésidente de la Commission Pro-Femmes et professeure ordinaire à l’Institut universitaire de pathologie. Il faut laisser le temps à la vague de femmes d’arriver au sommet de la pyramide étroite de la recherche. Elles commencent à grimper aux postes cadres comme professeures associées», ajoute François Pralong. Nicole Déglon est l’une d’entre elles. Professeure associée au Département des neurosciences cliniques et directrice du Laboratoire de neurothérapies cellulaires et moléculaires (LNCM) du CHUV, elle confirme que les choses évoluent. «Lors des séances, je me retrouve de moins en moins entourée uniquement par des collègues masculins. Les choses se modifient, au rythme de la Suisse.» Une mutation bienvenue mais encore loin de la parité.
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COULISSES
Formatés dès l’enfance Pour comprendre ces résultats, il faut analyser les biais qui subsistent dans une société intrinsèquement genrée. Des «différences comportementales» entre candidats masculins et féminins perdurent. «Les hommes sont des fonceurs, alors que les femmes se remettent davantage en question. Ce trait de personnalité masculine est un atout lors d’un entretien d’embauche, mais personnellement, je pense que l’on gagnerait beaucoup à avoir plus de scientifiques qui se questionnent davantage sur ce qu’ils font», constate François Pralong. Eprise de biologie, Nicole Déglon avoue qu’elle a hésité avant de choisir la voie académique. «J’ai pris une année sabbatique après ma thèse. Est-ce que je me lance dans ce genre de carrière? Est-ce que je bifurque dans une autre filière? La passion l’a finalement emporté», se souvient la scientifique. Mais de nombreuses femmes doutent. «Elles se demandent si elles peuvent combiner vie privée et professionnelle. Elles craignent que ce ne soit impossible», commente Christine Sempoux. Cette mère de famille souhaite, grâce aux programmes de soutien mis en place par la Commission Pro-Femmes, ainsi qu’au mentoring entre femmes, leur prouver le contraire. «Le potentiel de chercheuses entre 30 et 50 ans est incroyablement riche. Mais la pression sociale, suscitée par le regard porté sur les mamans qui s’investissent dans leur travail de manière intensive, est encore trop forte.»
15,7% DE FEMMES AU SEIN DU CORPS PROFESSORAL DE LA FACULTÉ DE BIOLOGIE ET MÉDECINE DE L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE EN 2015.
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Elsa Juan, postdoctorante en neurosciences, accuse cette même société de formater les enfants dès leur plus jeune âge, freinant ainsi les écolières à la notion de prise de risque. «Depuis petits, on entraîne les garçons à tout essayer, alors qu’on pousse les filles à valoriser le résultat.» Pour oser la carrière de chercheur, il vaut mieux apprendre à gérer les échecs. «Que les femmes oublient leur quête de légitimité!» clame la chercheuse. Gagnante du concours ma «thèse en 180 secondes» en 2016 – une compétition majoritairement masculine –, Elsa Juan ne comprend pas pourquoi les femmes ne s’engagent pas plus activement. «Je me passerais bien de certaines remarques sexistes de mes homologues, mais je suis très bien intégrée dans mon laboratoire.»
«Publish or perish» Autre frein souvent invoqué, l’évolution des activités des chercheurs. La carrière académique – et ce pour les deux sexes – est soumise à des critères de titularisation de plus en plus élevés: capacité à soulever des fonds, publications dans des revues scientifiques, enseignement, création d’un réseau solide et pure recherche, les attentes sont multiples et exigeantes. Sous le poids de cet environnement rigide, les femmes subissent d’autant plus le référentiel temporel imposé par les facultés. «Les postdocs ont cinq ans pour confirmer leur poste de titulaire. Les chercheurs ont souvent entre 28 et 35 ans, l’âge où les femmes pensent à fonder une famille. Face à une compétition internationale accrue, c’est délicat de remplacer une chercheuse à la pointe de son domaine pour un congé maternité», précise François Pralong. Nicole Déglon connaît très bien les exigences de son milieu. «J’ai lu que 70% des chercheurs ont déjà pensé à abandonner leur poste, car leur cahier des charges s’éloignait de la science pure. Si vous ajoutez le paramètre femme à ces facteurs de performance, vous comprenez à quel point la situation semble injouable pour mes consœurs.»
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COULISSES
COMMISSION PRO-FEMMES: DATES CLÉS
1991 1999 2013 NAISSANCE
PREMIÈRES BOURSES FÉMININES
De même, la difficulté à gravir les échelons académiques réduit les chances d’accéder à des responsabilités au niveau clinique. «Pour être nommé à un poste de chef-fe de Département ou de Service à l’hôpital, il faut avoir un rang professoral, en principe celui de professeur ordinaire», explique Susy Wagnières. Alors pour changer la donne, la FBM et la Commission Pro-Femmes se repensent, guidées par des initiatives nouvelles. Cette dernière met à disposition différents outils pour attirer les chercheuses et proposer des solutions durables pour penser une science plus féminine et engagée. Des bourses de soutien au programme de mentoring entre femmes, en passant par des subventions en cas de congé parental afin d’avoir les ressources pour engager un(e) remplaçant(e) qui puisse faire avancer le projet de la scientifique pendant son absence, les propositions ne manquent pas. En outre, d’autres propositions novatrices sont également débattues afin d’offrir un meilleur accès aux métiers académiques. «Dans les procédures de nomination, il faudrait par exemple tenir compte du nombre de publications scientifiques par rapport au nombre d’années effectives en poste et non par rapport à l’âge
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PLAN D’ACTIONS POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES
afin de ne pas pénaliser les femmes qui ont mis leur carrière entre parenthèses le temps d’un ou plusieurs congés maternité», intervient Christine Sempoux, coprésidente de la Commission Pro-Femmes. Une autre idée est d’évaluer séparément des listes de candidatures masculines et féminines lors de mise au concours de postes professoraux. «On inviterait le même nombre de candidats de chaque sexe afin d’éviter l’effet 1 femme face à 4 postulants masculins», lâche François Pralong, vice-doyen à la relève. Le concept plus controversé des quotas entre aussi dans la conversation. «J’étais un farouche opposant des contingents mais j’ai changé d’avis, car il faut vitaliser un système qui ronronne», ajoute ce père de cinq filles. Favoriser le temps partiel, en proposant à la tête d’un laboratoire deux codirecteurs et codirectrices à 60%, avec un temps dédié à la transmission de témoin correspondrait aussi aux nouvelles attentes de la génération Y, en quête d’équilibre entre vie privée et professionnelle. La coprésidente de la Commission Pro-Femmes rêve en secret d’un système de crèche beaucoup plus flexible, à l’image de certains projets aux Etats-Unis, qui seraient mieux adaptés aux exigences que requiert l’investissement scientifique. Un win-win pour l’innovation et la famille. ⁄
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PROSPECTION
LES PRISONS SE FONT DES CHEVEUX BLANCS
SOBLI / SABINE WUNDERLIN
LE NOMBRE DE DÉTENUS ÂGÉS DE PLUS DE 60 ANS A TRIPLÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS SUISSES DE PRIVATION DE LIBERTÉ. PLÉBISCITÉES PAR LES RESPONSABLES DE L’ENCADREMENT DE CES PRISONNIERS SENIORS, LES MESURES SPÉCIFIQUES PEINENT À SUIVRE.
TEXTE PATRICIA MICHAUD
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La prison de Lenzbourg, dans le canton d’Argovie, est le seul établissement helvétique qui dispose d’une unité adaptée aux détenus de plus de 60 ans.
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n 1985, les prisons helvétiques abritaient quelque 55 détenus âgés de plus de 60 ans. Trente ans plus tard, ce chiffre a plus que triplé, pour atteindre 203, selon l’Office fédéral de la statistique. Et le vieillissement de la population carcérale suisse ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin: en 2030, le nombre de seniors derrière les barreaux pourrait s’élever à pas moins de 600 individus. Si l’on inclut dans la statistique les détenus âgés de 50 ans et plus, les chiffres sont encore plus parlants: en trois décennies, leur nombre a bondi de 236 à 691. Plusieurs facteurs expliquent la forte progression du nombre de détenus âgés dans le pays: hausse de l’espérance de vie moyenne et rebond de la criminalité parmi les seniors, mais aussi restriction des libérations et sévérité accrue des peines (par exemple les mesures d’internement). Une tendance qui se dessine «parallèlement au besoin sécuritaire accru de la société», relève le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire (CSFPP).
UN PROJET PIONNIER QUI FAIT (LENTEMENT) DES ÉMULES Douze cellules légèrement plus spacieuses que la moyenne, des douches accessibles aux fauteuils roulants mais aussi une structure globalement adaptée aux seniors, que ce soit au niveau de l’équipement ou des activités et formations proposées: inaugurée en mai 2011, l’unité «60plus» de la prison de Lenzbourg (AG) a constitué une petite révolution dans l’univers carcéral helvétique. Depuis, plusieurs établissements de privation de liberté planchent sur des projets similaires. Dans le canton de Zoug, les responsables de la prison de Bostadel évoquent eux aussi depuis quelques années la mise sur pied d’une unité pour détenus âgés. Elle pourrait prendre la forme d’un quartier d’une trentaine de places au sein du complexe existant, voire même d’un nouveau bâtiment comportant pas moins de 60 places ad hoc. Dans le canton de Genève, la future prison des Dardelles pourrait elle aussi accueillir des infrastructures spéciales pour les aînés. Quelque 45 places réparties dans trois quartiers de l’établissement sont évoquées.
I DAVANTAGE DE PROBLÈMES PSYCHIQUES
SOBLI / SABINE WUNDERLIN
Sachant qu’une personne de 50 ans en détention se trouve dans le même état de santé qu’une personne de 60 ans en liberté, le vieillissement des détenus a de quoi provoquer des sueurs froides parmi les professionnels responsables
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de leur prise en charge. C’est la Prof. Bernice Elger, de l’Université de Bâle, qui a établi cette comparaison interpellante dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Fonds national suisse. La chercheuse a par ailleurs constaté que – tout comme leurs codétenus moins âgés –, les prisonniers seniors souffrent de deux fois plus de maladies que la moyenne des habitants du pays. Les plus fréquentes sont celles touchant le système musculosquelettique, les tissus conjonctifs, la circulation, les glandes endocriniennes et le métabolisme. «Sans oublier les pathologies d’ordre psychique, qui sont elles aussi beaucoup plus nombreuses derrière les barreaux», précise Bruno Gravier, chef du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires du CHUV. II UNE VIE GLOBALEMENT PLUS RISQUÉE
Pourquoi vieillit-on plus vite en prison? «Une constellation de facteurs explique ce phénomène», répond le Prof. Gravier. On peut notamment citer «la perte des liens sociaux, l’isolement, la restriction des mouvements et la péjoration de l’hygiène de vie». Sans oublier l’exposition au tabac – «en préventive, on partage parfois sa cellule avec un fumeur» –, ainsi que la consommation accrue – même si elle est interdite – d’alcool, voire de stupéfiants. «La prison, c’est un lieu où l’on prend globalement davantage de risques qu’à l’extérieur.»
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Si l’on ajoute à cela les maladies spécifiquement liées à l’âge, ainsi que la perte progressive de mobilité des détenus seniors, le vieillissement de la population carcérale présente un défi non négligeable. En effet, aussi bien l’équipement des établissements que l’accompagnement des prisonniers ont été conçus pour des personnes relativement jeunes et en bonne santé. «Prenez le cas d’un détenu en fauteuil roulant: la grande majorité des prisons suisses ne dispose pas de douches sans seuil ou de cellules assez spacieuses.» Pour l’heure, une seule prison, celle de Lenzbourg (AG), a inauguré une division spécialisée pour les aînés. La prolifération de ce modèle tarde à se produire à l’échelle nationale (lire encadré p. 47). Et l’équipement des prisons ne constitue de loin pas la seule inéquation avec les besoins d’une population carcérale vieillissante. Au niveau de la loi aussi, la Suisse peut mieux faire. Bruno Gravier cite l’exemple du travail: «Le Code pénal l’impose pour l’ensemble des détenus.» Officiellement, il n’y a donc pas de retraite pour les détenus. Dans les faits, certains cantons ont procédé à des aménagements. En terres vaudoises, une règle interne prévoit certes l’encouragement du travail après 65 ans, mais selon des modalités adaptées à l’âge. III MOURIR DANS LA DIGNITÉ
Si la recette miracle pour faire face à cette transformation de la population carcérale n’existe pas
(encore), les spécialistes de l’encadrement des détenus s’accordent à dire que séparer ces derniers en fonction de leur âge ne constitue pas une solution. «J’ai visité aux Etats-Unis des prisons hébergeant uniquement des seniors. C’est l’horreur: les gens y vivotent dans l’attente de leur mort», rapporte Bruno Gravier. Le chef de service du CHUV prône plutôt la création au sein des établissements pénitentiaires traditionnels d’espaces spécialement conçus pour les aînés, dotés d’aménagements et d’accompagnements ad hoc. Même son de cloche du côté du CSFPP, qui relève en outre la nécessité de formations spécifiques pour le personnel des prisons. Reste la délicate question de la fin de vie des détenus très âgés ou malades. Une étude menée par des chercheurs des Universités de Berne et Fribourg, elle aussi financée par le Fonds national suisse, a montré que les établissements pénitentiaires du pays sont très mal préparés à la mort de leurs habitants, ainsi qu’à la prise en charge de la période la précédant. Parallèlement, les personnes incarcérées expriment de fortes craintes de ne pas pouvoir terminer leur vie dignement. La recherche conclut que les prisons helvétiques devraient être en mesure de faire ponctuellement appel à des soignants spécialisés, voire d’avoir recours aux soins palliatifs. Quant aux détenus désireux de mourir hors univers carcéral, leur régime de détention devrait pouvoir être assoupli dans cette dernière phase de vie. ⁄
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CHRONIQUE
MARTIN WINCKLER Médecin, romancier et essayiste
Il revient au patient de choisir les soins qu’il reçoit.
On voudrait croire qu’une personne vouant sa vie et son énergie au soin est toujours bienveillante. Mais c’est une idée reçue et une dangereuse illusion. Car si l’empathie (aptitude à imaginer la souffrance de l’autre) et l’altruisme (comportement visant à apporter de l’aide à autrui) sont très communs, tous les humains n’en sont pas également doués. Quant aux valeurs religieuses ou scientifiques invoquées par les soignants, elles ne garantissent ni la «bienveillance» ni la «bienfaisance» de leurs actes: l’Eglise catholique interdisait la dissection des cadavres et autorisait celle des condamnés à mort; les médecins nazis et ceux des goulags menaient des expériences sur leurs prisonniers «pour faire avancer les connaissances médicales»; les psychiatres français des années 1960 testèrent maintes molécules sur des patients non consentants afin de «faire progresser la thérapeutique». Tous avaient oublié – ou omis – de d’abord ne pas nuire.
Il n’existe à ce jour aucun moyen de savoir à coup sûr ce que l’autre ressent sans le lui demander; seule la personne souffrante peut dire comment elle souffre, et quels soins lui font du bien. Par conséquent, soigner c’est tout faire pour que la personne qui souffre se sente mieux (ou moins mal) après avoir reçu des soins. Et accepter d’entendre, parfois, que ces soins ne l’ont pas soulagée. De même, seule la personne concernée peut dire ce qui (ou qui) lui fait du mal. Et on peut délivrer des soins avec les meilleures intentions du monde en étant tout à fait maltraitant. Car la maltraitance ne réside pas dans les intentions, mais dans l’attitude du professionnel de santé.
CLAUDE GASSIAN
La maltraitance commence chaque fois qu’un soignant entretient ou accentue les sentiments de dépendance, de vulnérabilité, de détresse et d’indignité de la personne qui a fait appel à lui. On peut en effet se sentir maltraité par les regards, les attitudes, les remarques, les paroles ou… le déni de ce qu’on ressent. Le point commun de toutes les maltraitances, c’est le refus de voir en Naguère encore mues par les valeurs celui qui souffre un sujet autonome et compétent. des médecins, les définitions et la pratique La maltraitance commence dès qu’on disqualifie du soin exigent aujourd’hui un profond les perceptions des patients. changement de paradigme. Pour d’abord ne pas nuire, il faut donc demander sans cesse «Qu’est-ce que vous voulez et qu’est-ce que vous ne voulez pas?» et entendre les réponses! Il faut soutenir et accompagner le patient dans ses choix et PROFIL Sous le pseudonyme de ses incertitudes sans exiger de les comprendre ou Martin Winckler, Marc d’y adhérer. Il faut faire passer les perceptions et les Zaffran, médecin généraliste aspirations du soigné avant nos conceptions du soin. français, alimente plusieurs Pour d’abord ne pas nuire, il faut reconnaître que blogs, notamment L’école des soignants, une plateforme le sujet du soin, c’est toujours le patient. ⁄ participative sur le monde médical, qu’il a lui-même créée. Il est aussi l’auteur de divers ouvrages, dont le remarqué Les Brutes en blanc, en octobre 2016.
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À LIRE
«Les Brutes en blanc, pourquoi y a-t-il tant de médecins maltraitants?» Flammarion, octobre 2016. https://ecoledessoignants.blogspot.ch
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ALZHEIMER: LE CASSE-TÊTE DES CHERCHEURS Malgré un nombre important de projets de recherche sur cette maladie neurodégénérative, un traitement n’est pour l’heure pas disponible. Tour d’horizon des pistes aujourd’hui suivies.
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TEXTE: YANN BERNARDINELLI
a maladie d’Alzheimer touche 119’000 personnes en Suisse et 47 millions dans le monde. Cette augmentation s’explique par le vieillissement de la population et non par une progression de la maladie. Aujourd’hui, les possibilités offertes par la médecine se limitent à l’atténuation des symptômes. Plusieurs études cliniques menées sur des produits à même de stopper sa progression se sont soldées par des échecs. Malgré ce bilan, les chercheurs ne baissent pas les bras et poursuivent leurs investigations. IN CORPORE SANO
PAS QU’UNE PERTE DE MÉMOIRE
La maladie d’Alzheimer est une maladie chronique évoluant pendant des dizaines d’années sans symptômes apparents, ou alors très discrets, assimilés au simple effet du vieillissement. Comme d’autres démences, elle se caractérise par la baisse des capacités cognitives. «Le terme Alzheimer a tendance à être utilisé comme un fourre-tout pour désigner les démences liées à l’âge. Or, il s’agit d’une maladie définie par des symptômes précis et qui ne doit pas être confondue avec d’autres, même si elles sont proches ou associées», précise Jean-François Démonet, neurologue et directeur du Centre Leenaards de la mémoire du CHUV (CLMC).
La première de ses spécificités est l’apparition de lésions du tissu cérébral. A long terme, elles conduisent à la mort des cellules nerveuses et à une atrophie du cerveau. La conséquence est l’apparition de déficits cognitifs comme les facultés de réflexion, de mémorisation et de planification. Le neurologue ajoute que la région du cortex appelée hippocampe est atteinte de manière précoce avec un effet direct sur la mémoire épisodique (nouveaux événements) et sur les facultés d’orientation dans l’espace. La dégradation est progressive: des plaques formées d’agrégats de protéine bêta-amyloïde (encadré 1) s’accumulent anor malement entre les cellules. De plus, les neurones se remplissent d’enchevêtrements de fibres dus à une protéine dénommée Tau (lire p. 57). Des facteurs génétiques sont à l’origine de deux formes distinctes de la maladie. La forme familiale est rare et se déclare de manière précoce, entre 30 et 65 ans, alors que la forme sporadique se manifeste après 65 ans. «Malgré cette différence
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SIMON FRASER / MRC UNIT, NEWCASTLE GENERAL HOSPITAL / SCIENCE PHOTO LIBRARY
A droite, une coupe transversale de cerveau sain. A gauche, l’organe est atteint de la maladie d’Alzheimer, d’où sa plus petite taille et des ventricules (les «fissures» tout autour de la coupe) plus profondes.
temporelle, la maladie semble avoir les mêmes caractéristiques moléculaires liées à Tau et aux bêta-amyloïdes», poursuit JeanFrançois Démonet. Des mutations génétiques sont responsables de la forme familiale alors que les origines de la forme sporadique sont plus nombreuses. Elles peuvent également être génétiques. CORPORE SANO
LE COMBAT CONTRE L’AMYLOÏDE
Tenter de diminuer l’accumulation et la propagation des plaques de bêta-amyloïde par immunothérapie a été la stratégie la plus exploitée ces dernières décennies. Des anticorps sont créés pour reconnaître le bêta-amyloïde, puis le système immunitaire entame la dégradation des plaques et INNOVATION
freine la progression de la maladie. Malheureusement, comme d’autres produits par le passé, le Solanezumab du laboratoire pharmaceutique américain Eli Lilly vient d’être abandonné lors des essais cliniques de phase 3 (novembre 2016). Lors de cette dernière étape avant la demande d’autorisation de mise sur le marché, le traitement n’a
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pas montré un ralentissement significatif du déclin cognitif chez les malades. Ces échecs à répétition suggèrent peut-être que le bêta-amyloïde est une mauvaise piste pour combattre la maladie. La société lausannoise AC Immune y croit encore. Elle a développé le Crenezumab, un anticorps qui diffère sensiblement des autres produits: «Premièrement, il vise un spectre plus large du métabolisme du bêtaamyloïde, explique Eva Schier, responsable de la communication au sein de l’entreprise. D’autre part, il ne s’agit pas du même type d’anticorps. Les études cliniques négatives ont montré que la réponse immunitaire induite générait des effets secondaires
très encourageants publiés dans «Nature» en septembre 2016. «L’essai clinique de cette molécule est d’ailleurs en cours au CLMC», indique Jean-François Démonet. Néanmoins, le rôle du bêtaamyloïde dans la maladie d’Alzheimer reste controversé. «Des personnes âgées saines d’esprit sont remplies de plaques amyloïdes dans leur cerveau», souligne Jean-Yves Chatton, neuroscientifique et responsable de plateforme d’imagerie UNILCHUV. Il existe une corrélation claire entre bêta-amyloïde et la maladie, mais «corrélation n’est pas causalité», précise Nicolas Toni, chercheur en neurosciences à l’Université de Lausanne.
LA CLÉ SERAIT DE DÉTECTER LA MALADIE AVA N T L E S P R E M I E R S SIGNES COGNITIFS sérieux. Les doses ont dû être réduites jusqu’à n’avoir plus d’effet sur la maladie, menant à l’arrêt des investigations. Nos résultats montrent beaucoup moins d’effets secondaires et nous pouvons maintenir des doses efficaces.» De plus, l’Aducanumab, de la société américaine Biogen, a obtenu des résultats cliniques CORPORE SANO
L’enjeu consiste donc à identifier les mécanismes initiaux de la maladie, à ce jour inconnus. LES PISTES ALTERNATIVES
D’autres pistes sont suivies pour élucider ces mécanismes avec la perspective de développer de futurs traitements. Jean-Yves Chatton vient d’obtenir une bourse de la Fondation Synapsis INNOVATION
à cet effet. Le neuroscientifique compte prévenir la mort neuronale en se basant sur deux observations. Premièrement, le métabolisme énergétique cérébral, c’est-à-dire la manière dont le cerveau utilise l’énergie nécessaire à son fonctionnement, est déréglé. Deuxièmement, un type de cellules présentes dans notre cerveau, les astrocytes, sont moins touchées par la maladie que les neurones. «Nous allons les utiliser pour protéger les neurones. Comme les astrocytes participent à la distribution de l’énergie aux neurones, elle peut être augmentée en modifiant génétiquement les astrocytes», indique Jean-Yves Chatton. De telles démarches ont déjà montré un effet neuroprotecteur en laboratoire. Quant à Nicolas Toni, il tente d’identifier les facteurs qui stimulent la régénération des neurones. Car lorsque Alzheimer se déclare, un trop grand nombre d’entre eux sont déjà morts. «Pour guérir, il faudrait les remplacer!» indique le chercheur. Si le cerveau peut régénérer une partie de ses neurones grâce à la neurogenèse, spécialement dans l’hippocampe, cette capacité régénératrice est limitée et ne perdure pas avec le vieillissement. «Nous avons identifié la D-Serine. Sa sécrétion est contrôlée par les astrocytes et elle améliore la survie des jeunes neurones.» De même, des chercheurs s’intéressent aux lésions vasculaires cérébrales observées chez les patients Alzheimer. Afin de déterminer
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L ’ AT T E I N T E DU TISSU CÉRÉBRAL DR M. GOEDERT / SCIENCE PHOTO LIBRARY
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La théorie des plaques
L’architecture cellulaire de Tau
Le bêta-amyloïde naît de la découpe d’une protéine appelée APP (Amyloid Protein Precursor), normalement présente dans le cerveau. Celle-ci, située dans la membrane des neurones, est importante pour le développement et la survie de ces derniers. Un dysfonctionnement du mécanisme de découpe entraîne la production accrue du bêta-amyloïde, qui finit par former les plaques (1) accusées d’être à l’origine de la mort neuronale puis des pertes cognitives associées à l’Alzheimer.
En temps normal, le rôle de la protéine Tau est de maintenir l’architecture des microtubules, des «rails» qui assurent le transport des nutriments et autres molécules indispensables aux neurones. Suite à des modifications chimiques, la protéine devient «collante» et s’agglutine (2), provoquant la dégé nérescence neuronale.
s’il existe un lien de cause à effet, un projet européen nommé CoStream impliquant des partenaires suisses vient d’être lancé. Giovanni Frisoni, responsable du Centre de la mémoire des HUG, y participe et précise qu’il ne s’agit pas d’AVC au sens habituel, mais d’une affection des petits vaisseaux. «Les lésions sont lentes et progressives et causent la perte de neurones», dit-il. CORPORE SANO
Les chercheurs pensent que l’amyloïde qui se dépose dans la paroi des vaisseaux pourrait expliquer en partie ces lésions. LA COURSE AU DIAGNOSTIC
La clé serait de détecter la maladie avant les premiers signes cognitifs pour stopper sa propagation. Pour améliorer le dépistage, une équipe de chercheurs à Bonn, en INNOVATION
Allemagne, a développé un test de navigation dans un labyrinthe virtuel qui permettrait de déterminer si le patient présente des risques dès 30 ans. Des tests similaires sont utilisés au CLMC. «La mémoire est une sorte de navigation, tester les capacités d’orientation est plus efficace que de faire apprendre une liste de mots aux patients, explique le directeur Jean-François Démonet. Si la mémoire épisodique est clairement inexistante au stade avancé, en détecter les défauts au stade précoce est plus délicat.» Pour ce faire, le centre participe au développement de tests de plus en plus sensibles en utilisant la réalité virtuelle. Mais un problème de taille est lié au diagnostic: Alzheimer peut être confondue avec d’autres démences générant des troubles cognitifs similaires. Il est capital de les distinguer selon JeanFrançois Démonet. Pour ce faire, le CLMC a mis en place des équipes multidisciplinaires en charge de l’ensemble des pathologies du cerveau âgé. Ces disciplines se situent à l’interface entre clinique et recherche et incluent la neuropsychologie, la biologie, la neurologie, la gériatrie, la psychiatrie, l’imagerie cérébrale et les prestations médico-sociales aux patients et leurs familles. Les progrès technologiques ne font donc pas toute l’innovation autour de la maladie d’Alzheimer: une prise en charge clinique renouvelée y joue également un grand rôle. ⁄
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TEXTE PAULE GOUMAZ
QUAND LES POUMONS PARTENT EN FUMÉE SURNOMMÉE «MALADIE DU FUMEUR», LA BRONCHO-PNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUSIVE SERA LA TROISIÈME CAUSE DE MORTALITÉ DANS LE MONDE EN 2030. PRÉSENTATION D’UNE MALADIE RESPIRATOIRE PEU CONNUE.
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a bronchopneumopathie chronique obstrusive (BPCO) se développe pendant des années à l’insu des personnes qui en sont atteintes. Elle touche près de 400’000 individus en Suisse, où le tabac en est la cause principale. Chez les non-fumeurs, la pollution atmosphérique avec ses microparticules est un facteur de risque bien documenté ces dernières années. «L’inhalation de la fumée ou de substances irritantes conduit à une inflammation et à un rétrécissement des bronches, ce qui provoque une obstruction bronchique et, par conséquent, le diagnostic de BPCO, explique Alban Lovis, médecin associé au Service de pneumologie du CHUV. Ce même phénomène induit un emphysème pulmonaire, soit la destruction et la dilatation des alvéoles. Celles-ci sont alors incapables d’extraire l’oxygène de l’air inhalé pour qu’il soit ensuite distribué dans le corps.» CORPORE SANO
UN DIAGNOSTIC TROP TARDIF
Une difficulté à respirer au moindre effort, des expectorations et une toux chroniques constituent généralement les symptômes de la BPCO. Mais ils se manifestent insidieusement et très progressivement: au début, les malades ne s’en aperçoivent pas, puis ils s’en accommodent. «Au lieu de monter la rue du Petit-Chêne à Lausanne à pied, ils prennent le métro, illustre le pneumologue. Ils se disent que leur essoufflement est lié à l’âge.» Ces symptômes devraient pourtant les alerter, car ils signifient souvent le début d’une spirale descendante. Pour ne plus être capables, dans les cas graves, d’avancer de plus de quelques pas. «Hors d’haleine, les malades font de moins en moins d’efforts, poursuit Alban Lovis. Ils ne sortent plus faire leurs courses, se nourrissent moins et perdent leur masse musculaire. Ils s’isolent aussi socialement, car ils n’ont plus la force, par exemple, de monter une rampe d’escaliers.» PROSPECTION
Fragilisés, ces malades souffrent souvent d’infection des voies respiratoires. Ils sont davantage affaiblis jusqu’à encourir un risque de décès. «En général, résume le spécialiste, ces patients viennent nous consulter lorsqu’à 60 ans, ils sont déjà gravement atteints, avec une capacité pulmonaire détruite à plus de 50%.» Le spécialiste recommande de consulter son médecin de famille en cas de tabagisme, même en l’absence des premiers symptômes. Il peut effectuer une spirométrie, un test de mesure de la respiration, et conseiller son patient sur les aides au sevrage. «N’oublions pas qu’un fumeur sur deux meurt des conséquences directes du tabac, rappelle le spécialiste. Seulement 20% des fumeurs développent une BPCO. Mais dans leur cas, il est essentiel d’éviter un diagnostic trop tardif, car l’atteinte des alvéoles et des bronches est irréversible.»
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RÉDUIRE LE POUMON POUR MIEUX RESPIRER
UNE MEILLEURE CONDITION PHYSIQUE
SCIENCE PHOTO LIBRARY
Supprimer la cigarette est la première mesure à prendre pour enrayer la destruction des poumons. Ensuite, des bronchodilatateurs, médicaments qui élargissent les bronches, aident les patients à mieux respirer. Mais l’accent est mis sur une prise en charge globale. Un programme de réhabilitation, organisé par exemple à l’Hôpital de Rolle sur plusieurs semaines, permet aux patients de retrouver une meilleure qualité de vie. Ils bénéficient d’exercices et de conseils sur la nutrition pour reconstituer leur masse musculaire, ainsi que d’un soutien psychologique. «Les malades remontent doucement la pente, souligne Alban Lovis. En augmentant leur capacité respiratoire, ils reprennent confiance et se déplacent plus facilement.» Cette nouvelle hygiène de vie doit toutefois être poursuivie au quotidien, pour que les symptômes de la BPCO CORPORE SANO
ne progressent plus. Dans une minorité de cas, ce programme de réhabilitation est complété par un traitement de réduction de volume pulmonaire, par chirurgie ou par endoscopie (voir encadré). Selon l’Organisation mondiale de la santé, 64 millions de personnes souffrent actuellement de BPCO dans le monde et ce chiffre devrait encore augmenter, ce qui en fera la troisième cause de mortalité en 2030. «Dans les pays en voie de développement, cette maladie est principalement provoquée par la combustion du bois et du charbon à l’intérieur des maisons, utilisés pour la cuisine et le chauffage, conclut Alban Lovis. En Suisse, par contre, nous payons les conséquences du boom du tabagisme.» Même s’il tend à diminuer, les effets de ce tueur silencieux vont encore se faire sentir sur de nombreuses années. ⁄
PROSPECTION
Chez les malades souffrant d’un emphysème pulmonaire sévère, il est possible de recourir à une réduction de volume pulmonaire. «La destruction des alvéoles conduit à une perte de l’élasticité du poumon, explique le chirurgien thoracique Michel Gonzalez. Il se dilate et ressemble à un ballon incapable de se vider.» Cette bulle d’air comprime les tissus pulmonaires sains environnants et le diaphragme, qui ne peut plus assurer ses mouvements d’inspiration et d’expiration. Il s’agit alors de réduire le volume du poumon altéré. Cette intervention est réalisée par les chirurgiens thoraciques ou les pneumologues. Les premiers retirent les parties malades du poumon via des incisions dans le thorax. Tandis que les seconds introduisent par voie endoscopique des valves, qui laissent sortir le tropplein d’air du poumon, ou encore des coils, petits ressorts qui compriment la zone pulmonaire malade. «Ces traitements améliorent la respiration, donc le bien-être des patients, conclut le chirurgien. Mais ils sont palliatifs et ne vont pas restaurer les parties abîmées du poumon. Pour prévenir la BPCO et ses méfaits, il faut revenir à la base, c’est-à-dire bannir la cigarette!»
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DUPER SON CERVEAU POUR MIEUX SE CONCENTRER TEXTE: LAETITIA WIDER
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a ritournelle est un grand classique: passer des heures à surfer sur internet, de vidéos de chats rigolos en profils Facebook, consulter son smartphone à la moindre notification ou s’égarer dans une partie de Candy Crush alors même qu’un dossier des plus urgents attend d’être empoigné. A l’issue d’une journée à cumuler les petits égarements de l’attention, c’est pourtant souvent un désagréable sentiment de culpabilité et de frustration qui surgit. Avec l’avènement des technologies mobiles, d’internet et des réseaux sociaux, l’être humain se retrouve pour la première fois de son histoire face à une offre pléthorique de sollicitations, d’informations et donc de potentielles sources de distraction quel que soit l’endroit où il se trouve, y compris au travail. «A des degrés divers, tout le monde a une tendance à la CORPORE SANO
procrastination, explique Paul Matusz, chercheur au Laboratoire d’investigation neurophysiologique du CHUV. L’attention, la capacité à filtrer ce qui nous paraît important de ce qui ne l’est pas, est le fruit d’une interaction complexe entre plusieurs grands réseaux du cerveau. Trois forces, souvent antagonistes influencent notre concentration: les habitudes, les émotions et les intentions. Cette tension génère des conflits internes et des contradictions dans le comportement. Il en résulte de la distraction, c’est-à-dire la difficulté à aligner les priorités des différentes parties du cerveau.» A la fin des années 1980, l’Italien Francesco Cirillo, aujourd’hui développeur de logiciels, est étudiant. Observant ses propres difficultés de concentration dans ses révisions, ainsi que celles de ses comparses, il se met intuitivement à utiliser son minuteur de cuisine, en forme de tomate, pour séquencer ses plages de APERCU
travail. Et cela fonctionne! Il met au point une méthodologie, troublante de simplicité, la technique «pomodoro». Elle compte aujourd’hui de très nombreux adeptes, notamment parmi les étudiants, les chercheurs et autres travailleurs indépendants.
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t si la méthode est efficace, c’est qu’elle permet de découper un objectif en tâches précises réalisables à court terme. Car la concentration consiste à maintenir actifs les neurones situés dans le cortex préfrontal, le siège de l’attention, pour qu’ils gardent en mémoire le but du moment. Ce dernier doit donc avoir été clairement défini, et ne pas être trop long, car l’activité de ces neurones est fragile. Attention toutefois, les nombreuses applications «pomodoro» pour smartphone ne seraient pas aussi efficientes que le bon vieux timer de cuisine.
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CIRILLO COMPANY
ALESSANDRO ZOCC
MINUTEUR «POMODORO»
FRANCESCO CIRILLO
LES GRANDS RÉSEAUX DU CERVEAU
«Quand on utilise un timer, il C’est l’habitude que va prendre occupe l’espace auditif et visuel, le cerveau à se concentrer constate Paul Matusz. On plusieurs fois dans une journée l’entend décompter le temps, sur une tâche précise, à reconon le voit bouger. C’est une naître exactement quand la stimulation multisensorielle récompense va tomber qui rend qui nous rappelle chaque cette méthode efficiente. C’est seconde que nous devons nous un moyen de duper son cerveau concentrer. C’est beaucoup plus pour le garder attentif.» efficace qu’un stimulus qui serait ne bonne uniquement soit audio, soit attention est visuel. Le simple fait ainsi une de devoir manipuler LA TECHNIQUE question ou regarder son POMODORO 1. Identifier un objectif et d’équilibre entre les smartphone pour le découper en tâches différents systèmes vérifier la minuterie 2. Décider de la tâche du cerveau. Sans être peut également à effectuer une recette miracle, être un facteur de 3. Régler le pomodoro la technique pomodistraction.» Toutefois (minuteur) sur 25 minutes doro offre donc un pour que la méthode 4. Travailler sur la tâche outil pour mieux soit vraiment efficace, jusqu’à ce que le ressentir et canaliser il faut y habituer le minuteur sonne et la noter sur une feuille les contraintes cerveau, l’entraîner de papier comme exercées par ces comme un muscle. terminée nombreux «distrac«Finalement peu 5. Prendre une courte teurs». «L’évolution importe la durée pause (5 minutes) 6. Recommencer va bien plus lentedes pomodori, du 7. Tous les quatre ment que le progrès moment que c’est pomodori prendre technologique, mais toujours la même, une pause un peu il paraît probable que 10, 25 ou même plus longue (15-30 minutes) le cerveau finira par 45 minutes.
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Les habitudes Les neurones des cortex sensoriels sont capables de détecter rapidement les événements habituellement importants. Ils gardent en mémoire des perceptions qu’ils associent à des actions, par exemple: nourrituremanger, crayon-écrire, sonnerie-répondre. Les émotions Le système limbique enregistre en permanence des associations entre l’objet ou l’action et le ressenti. Si ce dernier est agréable ou non, il donne une certaine valeur à cette association. Les intentions Situé dans le lobe frontal, le système de décision stabilise la perception sur l’information la plus pertinente et aide à choisir l’action adéquate. Il doit souvent effectuer un arbitrage entre plusieurs objectifs. Ce qui complique la prise de décision puisque c’est une source de distraction.
s’adapter à la multiplication des stimuli de notre époque contemporaine.» ⁄ LIRE LA VERSION LONGUE SUR WWW.INVIVOMAGAZINE.COM
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«In Vivo» vous fait découvrir dans chaque numéro les travaux d’une équipe de chercheurs de la Faculté de biologie et médecine de Lausanne
RICHARD BENTON
Professeur au Centre intégratif de génomique
Le radar sensoriel des mouches TEXTE: JADE ALBASINI
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ichard Benton et son équipe de chercheurs s’attèlent depuis plusieurs années à déchiffrer le comportement de la «Drosophila melanogaster», plus communément appelée «la mouche du vinaigre». La comprendre, c’est comprendre ses cousins les moustiques, premiers vecteurs de maladies humaines. «La drosophile, à l’aide de récepteurs cachés dans ses antennes, s’adapte aux fluctuations météorologiques, explique le professeur de biologie du Centre intégratif de des drosophiles, leur nez en quelque sorte, précise génomique de l’UNIL, qui vient le directeur de l’étude. Mais ces récepteurs ne de publier une étude sur le sujet transmettent pas uniquement des sensations dans le magazine scientifique olfactives: ils envoient également des données «eLife». Elle possède des sur la différence de concentration des molécules senseurs performants qui de l’eau.» Ces informations permettent aux détectent non seulement les mouches de s’adapter avec précision aux odeurs, mais également l’humichangements environnementaux pour survivre. dité et les changements de température.» Cette découverte Une révélation conséquente qui ouvre la porte significative – réalisée en à des recherches plus approfondies. «Ce n’est association avec les Universités que le début! Il nous faut de Brandeis et de Harvard aux peau comme d’autres répulsifs découvrir comment ces senseurs Etats-Unis – bouleverse à son d’insectes qui interféreraient sont activés», se réjouit Richard échelle la biologie sensorielle. Benton. Une mine d’informations avec la fonction des capteurs et réduiraient leur capacité à adaptable ensuite à d’autres Une porte ouverte à d’autres détecter les signaux d’humidité espèces, comme chez la femelle recherches émis par l’Homme», imagine anophèle, un moustique qui a Appartenant à une grande famille déjà transmis le paludisme à près par exemple le chercheur. ⁄ de protéines, ces capteurs de 500 millions d’humains. «Pour sensibles activent une série de DROSOPHILA MELANOGASTER éviter les morsures, nous pourrions neurones en fonction des stimuli (MEIGEN, 1830) développer des inhibiteurs externes. «On savait que les PAR NICOLAS GOMPEL antennes étaient l’organe sensoriel chimiques à appliquer sur la DROSOPHILA SPECIES STOCK CENTER
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UNE AMBULANCE POUR LES NOUVEAU-NÉS
TEXTE: WILLIAM TÜRLER REPORTAGE PHOTO: GILLES WEBER
NÉONATOLOGIE Depuis le début d’année 2017, un nouveau système médical a été mis en route pour transporter les bébés. «In Vivo» a suivi le transfert d’un tout jeune patient de Lausanne à Morges.
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Le Service de néonatologie du CHUV contient la seule unité de soins intensifs néonatals pour les cantons de Vaud, Valais, Fribourg et Neuchâtel. Ce qui correspond à un bassin d’environ 16’000 naissances par année. Lorsqu’un nouveau-né présente des problèmes nécessitant une prise en charge de soins intensifs, les médecins traitants font appel en urgence à l’équipe de transport de ce service hautement spécialisé pour continuer le traitement au CHUV. «Environ 250 à 300 de ces transports en urgence sont effectués chaque année, explique Matthias Roth-Kleiner, médecin-chef au Service de néonatologie. Une fois le patient stabilisé après des jours, voire des semaines de prise en charge au CHUV, un retransfert vers l’hôpital le plus proche du domicile des parents est envisagé et discuté avec ces derniers et les pédiatres de cet établissement. Ces transferts doivent aussi se faire avec ce même équipement très spécifique. Le nombre important de transports de nouveau-nés malades justifie qu’une ambulance soit dédiée spécifiquement à cette activité, la baby-rescue.»
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AU CHUV
Après une phase plus ou moins longue de prise en charge, le patient a atteint une stabilité qui permet la suite du traitement dans un hôpital proche du domicile des parents. Le patient est emballé et placé au chaud dans l’incubateur de transport.
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LE DÉPART
L’incubateur de transport correspond à la plus petite unité de soins intensifs, qui est en plus mobile. Il peut assurer le transport d’un petit patient soit dans l’ambulance, soit dans l’hélicoptère ou même dans les avions de la Rega, les Swiss Air-Ambulances.
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L’ARRIVÉE
A l’hôpital de destination, un rapport des informations médicales se fait entre l’équipe de transport et le personnel qui va reprendre et continuer la prise en charge du patient. Ensuite, le nouveau-né sera sorti de l’incubateur et placé dans son nouveau lit.
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DANS L’AMBULANCE
L’emplacement des équipements permet à l’équipe de transport une surveillance du patient comme s’il était hospitalisé aux soins intensifs néonatals. Grâce à un amortisseur très performant et une fixation spécialement développée pour ces patients, le nouveau-né peut être transporté en toute sécurité. Si nécessaire, l’accès au patient reste possible par des hublots.
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À DESTINATION
La nouvelle équipe médicoinfirmière va prendre connaissance du patient par un examen clinique d’entrée, puis le connecter avec les appareils de surveillance. Le hublot sera fermé pour que le petit patient puisse continuer à rester au calme et au chaud.
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NOM NÉMATODE C. ELEGANS
A
vec sa gracieuse robe transparente, le nématode C. elegans remporte le titre de l’organisme le plus observé au sein de la communauté scientifique. Ce minuscule ver limpide, qui prolifère par milliers sur les plaques des laboratoires, ne met que deux jours et demi pour atteindre sa taille adulte. Véloce et facile à vivre, il se nourrit de bactéries naissantes accumulées sur le compost issu de la décomposition de fruits. Grâce à ses attributs de «bon élève» parmi les objets d’étude de la biologie moléculaire, son «père», le chercheur sud-africain Sydney Brenner, a remporté le prix Nobel de physiologie et médecine en 2002. Ses découvertes sur CORPORE SANO
TAILLE 1 MM DE LONG CARACTÉRISTIQUES TRANSPARENT, HERMAPHRODITE, CYCLE DE VIE DE 2 JOURS ET DEMI
Le nématode c. elegans Le petit ver cristallin est le chouchou des biologistes pour la majorité des analyses «in vitro». TEXTE: JADE ALBASINI
FAUNE & FLORE
le code génétique ont été possibles grâce à l’aide active de ce minuscule mollusque d’1 millimètre de longueur. «Le nématode C. elegans a été le premier organisme dont le génome a été séquencé en 1998, car il était bien plus simple à décrypter que celui de l’être humain. C’est le pionnier de la lecture de l’ADN», mentionne la docteure Alexandra Bezler du Département écologie et évolution de la Faculté de biologie et médecine de Lausanne. 19’099 gènes ont finalement été décodés, dont 40% présentant des équivalents avec le patrimoine génétique humain. Ce miroir «simplifié» de notre génome – le ver n’a que 300 neurones contre 86 à 100 milliards chez l’humain – est l’outil idéal pour les études neurobiologiques. «Il permet d’analyser de manière plus simple le fonctionnement du cerveau. Par exemple, grâce à ses molécules de vieillissement similaires à celles de l’Homme, des chercheurs l’utilisent pour mieux comprendre ce phénomène.» ⁄
MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE, RALF J. SOMMER, JÜRGEN BERGER / MAX PLANCK INSTITUTE FOR DEVELOPMENTAL BIOLOGY.
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j’échange régulièrement sur le sujet. «UNE MÉDECINE quiL’hôpital, à mes yeux, ne se réduit pas à un lieu qui répare, qui guérit. C’est aussi DÉSHUMANISÉE un endroit qui incarne ce que j’appelle le «tragique universel»: quand j’y passe, FERAIT je suis frappé par le nombre de personnes et portent avec eux les blessures D’IRRÉPARABLES quide lay défilent vie et peut-être des histoires de séparation… l’hôpital est pour moi essentiellement DÉGÂTS» un lieu d’accueil avant d’être un lieu de soins qui subit d’énormes pressions. En ce sens, je suis toujours frappé par l’accueil du bâtiment principal. Ce qui s’y passe ne peut être réduit à des chiffres ou des objectifs de rentabilité. J’y vois, au cœur même du tragique, beaucoup de joie.
INTERVIEW: BERTRAND TAPPY
Le CHUV accueille l’écrivain et philosophe Alexandre Jollien pour un cycle de conférences intitulé: «La sagesse espiègle ou le «oui» au tragique de l’existence». L’occasion pour «In Vivo» de l’interroger sur les liens qu’il tisse entre bonheur, philosophie, méditation et hôpital. IN VIVO D’où
IV Est-ce
grâce à la philosophie que vous parvenez à voir cela? A. J. Je pense que ces expériences nous montrent à quel point il est nécessaire d’épouser le réel sans chercher à mobiliser toute une armada de concepts. Souvent, quand on se demande pourquoi quelque chose nous arrive, c’est parce que l’on s’accroche à un but, un objectif quelconque. Et c’est très souvent décevant.
vous est venue l’idée de ce cycle de conférences? ALEXANDRE JOLLIEN J’avais depuis longtemps le désir de creuser le questionnement autour du corps et de la maladie. Pas en tant que simple pathologie, mais en englobant ce que Nietzsche appelait la «grande santé»: comment faire avec les blessures, le handicap, etc. Ou encore les addictions, qui sont si nombreuses à notre époque entre le sexe, l’alcool, les jeux électroniques et j’en passe et qui témoignent de la difficulté d’aller bien dans un monde qui est très dur.
les médias ou les entreprises, on parle de plus en plus de méditation de pleine conscience, de détox, etc. Justement pour «vivre mieux». Quel est votre sentiment face à cela? A. J. Il y a toujours un risque d’instrumentaliser la méditation pour en faire un produit marketing. C’est oublier que sa vocation première est de nous mettre en face de notre esprit pour comprendre ses lois et se dégager peu ou prou des mécanismes qui nous rendent dépendants, tristes et esclaves. A mes yeux, la méditation offre IV Et pourquoi le choix du CHUV? une sorte de boîte à outils tout A. J. Tout d’abord, c’est une histoire d’amitié en permettant d’expérimenter avec le Prof. Jean-Bernard Daeppen, avec un abandon, un lâcher-prise.
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IV Dans
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«L’hôpital ne se réduit pas à un lieu qui guérit: c’est aussi un endroit qui incarne le tragique universel.»
BYUN SOONCHOEL
ALEXANDRE JOLLIEN
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IV Derrière
les conférences que vous Quand ma femme est tombée enceinte, tenez au CHUV se cache un projet j’ai moi-même vécu la peur d’avoir un enfant de livre. Pouvez-vous nous en dire plus? handicapé. La médecine n’est pas touteA. J. Je suis très heureux de faire les confépuissante et c’est le rôle de la philosophie rences au CHUV. Pour moi, l’oralité est plus et de bien d’autres disciplines que de spontanée, plus vivante que l’écrit. Les sept révéler les risques et les limites et d’inviter conférences ont pour vocation de défricher à toujours s’émerveiller devant la grandeur la thématique du tragique de l’existence. Le de l’homme. mot tragique n’est pas synonyme de tristesse, IV Nous voici déjà à la fin de notre rencontre. de lourdeur, de drame, il évoque plutôt Je vous laisse le dernier mot… le caractère éphémère de la vie, la mort, A. J. Pour accéder à la joie, il y a, je pense, une certaine solitude liée à notre condition trois piliers: d’abord pratiquer une voie humaine et pour beaucoup la maladie. Nous spirituelle pour sortir du mode pilotage avons beaucoup à apprendre des personnes automatique, être bien entouré et enfin touchées par la maladie et par les individus pratiquer une vraie générosité. Et si nous dits en marge ce qu’est la grande santé, celle commencions par ralentir. Personnellement, qui englobe tout, même nos pathologies. c’est le handicap et la souffrance qui m’ont Heidegger en son temps avait déjà dénoncé conduit à la philosophie et à la spiritualité la technologisation du monde. Ecouter sa et je pense que ces trésors de l’humanité mise en garde, c’est résister à ce monde peuvent éclairer la pratique de l’art médical qui met de plus en plus de personnes sur la et plus généralement la vie en commun touche. Récemment, les médias rapportaient aujourd’hui. Une médecine déshumanisée l’histoire d’une fille atteinte d’un mal incurable ferait d’irréparables dégâts. ⁄ qui a décidé de se faire cryogéniser en attendant que la science puisse la guérir. De grandes questions s’ouvrent… comment réagirait-on si un de nos proches demandait le même traitement? VENEZ ÉCOUTER ALEXANDRE JOLLIEN IV Nous
voilà en plein cœur des question nements menés actuellement dans l’hôpital, avec notamment la question de l’acharnement thérapeutique… A. J. Oui et c’est passionnant, car cela nous montre à quel point l’être humain peut se sentir perdu face au tragique. Pour fuir la mort, il est tentant de recourir à plein de «béquilles»: la religion ou des méthodes de développement personnel, la consommation… sans parler du fait que nous sommes de plus en plus seuls. Il faut fuir comme la peste les réponses catégoriques. Personnellement, je ne sais pas. Qui sait si je serais là pour vous répondre si ma mère et mon père avaient dû être confrontés au choix délicat de la possibilité d’un avortement. CORPORE SANO
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Ouvertes à tous, ces conférences emmènent le public à la recherche de l’abandon et de la joie avec l’aide des philosophes et des maîtres spirituels. Vous pouvez assister à une seule ou plusieurs conférences. 20 AVRIL La sagesse du corps ou la grande santé selon Nietzsche 11 MAI Les philosophes, le sexe et le tragique
1ER JUIN Le tragique et dieu 15 JUIN Vivre le tragique ensemble
Les conférences ont lieu à l’auditoire César Roux à 18h. Le prix d’entrée est de 20 CHF (15 CHF pour les collaborateurs CHUV), L’encaissement s’effectuera à l’entrée de l’auditoire. Inscription par mail à com.event@chuv.ch
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BÉATRICE PERRENOUD Infirmière spécialisée, Docteure en sciences de l’éducation
La science doit être au service de l’Humain
La nature même des savoirs issus de la recherche peut induire de la confusion. Certaines études se contredisent, le doute scientifique est omniprésent et les recommandations pas toujours claires. Il y a aussi la question du contexte: ce qui fonctionne bien au Liban ou à Singapour pour prévenir la dénutrition des personnes âgées produira-t-il les mêmes résultats à Lausanne? Pas toujours.
Il suffit de penser un instant à l’impact de l’invention des lunettes optiques sur nos vies pour se rendre compte des bénéfices considérables de l’évolution de la science. Certains savoirs scientifiques semblent toutefois plus faciles à intégrer au quotidien que d’autres. Dans le domaine des soins de santé, l’«evidence-based practice» (EBP) consiste à dispenser des prestations cliniques fondées sur des savoirs scientifiques. Elle permet une utilisation plus efficiente des ressources disponibles, l’amélioration de la qualité des soins et des résultats obtenus, ainsi qu’une possible diminution des coûts. L’utilisation des données probantes par les professionnels semble toutefois se heurter à bon nombre de barrières invisibles. Des études estiment par exemple que 45% des soins dispensés ne sont pas conformes aux standards les plus récents et qu’un délai de 17 ans s’écoule entre la publication de preuves scientifiques et l’actualisation des pratiques qui en découle.
Enfin, le facteur lié à la complexité humaine est probablement le plus déterminant. Lorsque la recherche produit une amélioration technologique des performances des batteries de smartphones, la production s’aligne instantanément. Lorsqu’elle démontre que telle mesure est plus efficace qu’une autre pour prévenir la survenue d’infections ou de plaies d’alitement à l’hôpital, chaque professionnel doit se l’approprier et examiner la pertinence d’un éventuel changement de pratique en regard de son contexte, de son propre jugement et des spécificités de la population qu’il soigne. Des logiques différentes peuvent entrer en concurrence et les soignants doivent aussi savoir reconnaître les quelques situations où agir autrement est nécessaire. C’est notamment le cas lorsque le bénéfice attendu est remis en question ou lorsque les valeurs et choix du patient s’y opposent.
PHILIPPE GÉTAZ
La science doit être au service de l’Humain, mais le passage de l’un à l’autre en matière de soins de santé est souvent très complexe et nécessite un travail intellectuel exigeant. Faut-il pour autant y renoncer? Non. Car enfin, qui voudrait aujourd’hui se priver de lunettes! ⁄
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CHRONIQUE
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PERGONAL® PERGONAL UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE: BERTRAND TAPPY
L’histoire des médicaments regorge d’anecdotes, qui vont de l’exploitation de découvertes fortuites à des succès péniblement obtenus au terme de longues années de recherche dans d’obscurs laboratoires. Et puis il y a celle du Pergonal, à nulle autre pareille. Tout commence dans les années 1950, peu après la fin de la Seconde guerre mondiale. Les chercheurs de l’Institut Serono à Rome réalisent que l’hormone gonadotrophine (secrétée par notre cerveau et grande timonière de notre activité reproductrice) pourrait aider de nombreuses femmes à lutter contre l’infertilité. Or, cette hormone est un peptide (une séquence de nombreux acides aminés), et le seul moyen qu’on connaît alors pour en produire consiste à le purifier à partir d’une
Quand le Saint-Esprit vient au secours de la Conception source naturelle (l’insuline était ainsi obtenue à partir de pancréas de porcs récupérés dans les abattoirs). Pour la gonadotrophine, la source tombera du ciel, ou plutôt du Ciel: en effet, l’hormone étant retrouvée en quantités substantielles dans l’urine des femmes ménopausées, l’entreprise romaine obtient d’importants investissements du «Banco di Santo Spirito», l’institut financier du Vatican, et passe un accord avec l’Eglise catholique pour récolter… l’urine des religieuses qui vivent dans les couvents de la Péninsule! L’hormone purifiée extraite des milliers de litres récoltés fournit le médicament, qui connaîtra un immense
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ZOOM
succès commercial et fera la fortune de Serono. Il sera entre autres utilisé par la mère de Louise Brown, premier «bébé-éprouvette» né en 1978. L’entreprise sera reprise par Pietro Bertarelli, son directeur financier. Son fils Fabio la transférera à Genève dans les années 1970 puis la transmettra à Ernesto pour le succès que l’on sait. Le mode de production de la gonadotrophine sera ultérieurement remplacé par un procédé synthétique pour donner naissance au Gonal F, son successeur actuel. Là encore, un détail surprendra plus d’un non-spécialiste: «Comme pour une majorité de peptides pharmaceutiques, ce sont des cellules
ovariennes de hamster chinois, assez faciles à manipuler génétiquement et surtout très productives, qui en assurent la fabrication, explique Thierry Buclin, chef de la Division de pharmacologie clinique du CHUV. De nombreux médicaments sont ainsi issus du génie génétique, comme les insulines actuelles ou les interférons, que l’on utilise contre certaines infections virales ou la sclérose en plaques.» Non remboursé par l’assurance maladie de base, le Gonal F conserve un rôle central dans la médecine de la reproduction, capable de repousser certaines limites du possible en matière de fertilité, pour autant que l’on ait de la chance, mais aussi les moyens matériels d’assumer un désir d’enfant inassouvi. ⁄
CURSUS
CHRONIQUE
La recherche, c’est aussi une question de temps
convoitées s’apparente à un vrai chemin de croix. Une situation compliquée qui explique en partie le fait que Jocelyne Bloch la recherche académique Médecin adjointe au Service n’est pas le premier choix de neurochirurgie et présidente des nouveaux médecins. de la commission Pépinière C’est précisément dans cette optique que le CHUV et l’UNIL ont créé l’an avoriser la recherche»: derrière passé le programme de soutien «Pépinière» encourageant les chefs des différents services ce slogan qui sonne cliniques à faire remonter les profils et les comme une proprojets qui méritent un coup de projecteur. messe électorale S’il est validé par une commission formée se cache un défi de taille pour un centre d’un représentant de chaque département universitaire. Conditions de travail, clinique et de recherche, le projet recevra financement, rayonnement… Les facteurs l’équivalent d’un financement de 50% de sur lesquels le CHUV peut avoir une temps de travail du lauréat sur deux ans, influence pour voir aboutir les projets de publication de ses cliniciens sont nombreux. pour lui permettre de dégager un temps Mais le plus ambitieux reste sans aucun «protégé» afin qu’il puisse mener sa recherche sans entraves. doute la faculté pour l’hôpital de savoir Cette année, trois projets ont été reconnaître le plus tôt possible ceux dont retenus: Chantal Berna Renella en le travail mérite un «coup de pouce», au anesthésiologie (investigations sur le risque de voir la source des talents se tarir, système nerveux central et la résistance voire s’en aller sous d’autres latitudes. Au au stress chez les patients présentant des début de leur formation, les médecins ont douleurs neurogènes chroniques), Noémie la possibilité de s’inscrire à un programme Boilat Blanco au Service des maladies de MD-PHD qui est un excellent premier infectieuses (développement d’un algotremplin pour se lancer dans la recherche. rithme décisionnel visant à réduire la Et bien plus tard, à des échelons professoraux, lorsque le médecin a prouvé sa solidité consommation d’antibiotiques chez un patient consultant leur généraliste pour une scientifique, il existe plusieurs programmes infection des voies respiratoires) et François soutenant leurs travaux. Il en va fort Kuonen de notre Service de dermatologie différemment si l’on se penche sur ceux qui (travail in vitro et in vivo murin sur le profil se situent dans la phase intermédiaire: on invasif du carcinome basocellulaire). Les pense notamment aux chefs de clinique et trois premiers chapitres d’une histoire que aux jeunes médecins cadres, pour qui la nous espérons fort luxuriante! ⁄ voie menant aux bourses de recherche tant
CURSUS ERIC DÉROZE
UNE CARRIÈRE AU CHUV
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ANNE FISHMAN
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UNE CARRIÈRE AU CHUV
va Favre est Aux soins intensifs, Eva Favre et Anne d’engager un procesinfirmière sus constructif avec le Fishman travaillent de concert pour clinicienne team médico-infirmier faire évoluer les pratiques soignantes. pour s’assurer que, spécialisée (ICLS), tandis qu’Anne TEXTE: BERTRAND TAPPY, PHOTOS: GILLES WEBER dans sa fonction, Eva Fishman est infirmière puisse mettre au mieux cheffe de service. Ce binôme mérite notre son profil au service de notre mission.» La princiattention, car il est emblématique d’une profonde pale intéressée ajoute: «L’élément nouveau, c’est transformation des soins infirmiers initiée en 2011. la culture scientifique qui vient s’additionner aux L’Institut universitaire de formation et de recherche compétences déjà très spécialisées dont disposent en soins de Lausanne créé quatre ans plus tôt mes collègues infirmières aux soins intensifs. Et libérait alors sur le marché romand sa première comme tout changement culturel, cela ne peut ni volée de professionnels titulaires d’un Master en se faire seul ni en quelques jours. Nous commençons sciences infirmières, les infirmières cliniciennes donc par apprendre à nous connaître: développer spécialisées. «L’ICLS offre des soins à des patients un langage commun, gagner en confiance, qui ont des besoins de soins complexes, explique remporter des succès ensemble.» Eva Favre. En plus du rôle clinique qui reste prioritaire, nous exerçons un rôle de conseil C’est dans les situations complexes qu’intervient auprès des équipes de soins dans le service. principalement Eva Favre. «Les patients qui Pour cela, il faut mobiliser les résultats issus de effectuent un long séjour aux soins intensifs la littérature scientifique, établir des liens entre constituent un vrai défi, notamment parce que les concepts théoriques et la réalité du terrain leur parcours est ponctué de nombreuses décisions et participer activement aux projets cliniques. à la fois très sensibles et dans lesquelles une Un véritable agent de changement au sein quantité importante d’informations et d’enjeux du système de santé.» s’entremêlent», explique Anne Fishman. «L’ICLS est par exemple en mesure de renforcer la capacité des Eva Favre a terminé son master en 2013, pour être autres membres de l’équipe infirmière à apporter aussitôt engagée en tant qu’ICLS au Service de des éléments déterminants pour la prise de décision médecine intensive adulte du CHUV. Débute alors lorsque toutes les disciplines sont réunies autour son intégration progressive dans l’organisation du de la table.» Et Eva Favre de conclure: «De par leur service, phase au cours de laquelle l’accompagneformation et leur proximité avec les bénéficiaires de ment managérial joue un rôle clé. Anne Fishman soins et leurs proches, les infirmières sont d’excelconfirme: «Eva apporte à l’équipe des compétences lentes expertes du patient. Actualiser leurs pratiques pointues et complémentaires à celles dont nous en s’appuyant sur des bases solides contribue à disposions, mais personne ne pouvait connaître à rendre encore plus décisive leur contribution pour l’avance son rôle exact puisqu’elle est la première les patients, et la science peut apporter beaucoup ICLS chez nous. Ma responsabilité est donc de réponses à leurs questions!» ⁄
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ACTUALITÉ
Les nouveaux visages de la gériatrie Le Service de gériatrie et réadaptation gériatrique n’a cessé de s’agrandir et de recruter de nos nouveaux spécialistes ces dernières années dans le but d’offrir une prise en charge toujours plus large et adaptée aux patients âgés. Le service compte aujourd’hui 250 collaborateurs, 123 lits et 4 unités: soins aigus aux seniors, réadaptation gériatrique, gériatrie ambulatoire et communautaire ainsi qu’une filière de soins aigus aux seniors. Chaque unité adopte une approche interdisciplinaire pour répondre à la complexité et aux besoins spécifiques des patients âgés. Elle permet également un encadrement socio-médical sur le long terme, tant à l’hôpital qu’à domicile.
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BÜLA
PRÉNOM
CHRISTOPHE
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Chef de service
SOINS
LANG PIERRE-OLIVIER FONCTION Médecin cadre
Après ses études de médecine à l’Université de Lausanne (UNIL), il se spécialise en gériatrie à l’Université de Californie de Los Angeles. Il enseigne aujourd’hui aux étudiants de l’UNIL, mais aussi aux professions paramédicales et assume des mandats pour des institutions publiques. En 2003, il devient médecinchef du Service et dirige aujourd’hui les quatre unités qui offrent une prise en charge interdisciplinaire pour répondre à la complexité des besoins du patient âgé.
BOSSHARD WANDA FONCTION Médecin cadre
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PRÉNOM
PRÉNOM
Ancien privat-docent des HUG, il est aujourd’hui professeur associé à l’Université Anglia Ruskin de Cambridge. Spécialiste en médecine interne et en gériatrie, il est depuis avril 2015 responsable de l’Unité de soins aigus aux seniors, qui accueille annuellement près de 600 patients âgés atteints de pathologies somatiques aiguës.
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Diplômée de l’UNIL, elle a travaillé dans plusieurs hôpitaux, dont le Service de médecine interne du CHUV. Ancien médecin-cheffe à l’Hôpital de Lavaux, elle est responsable depuis février 2017 de l’Unité de réadaptation gériatrique. Elle s’occupe ainsi chaque année de plus de 1’300 patients dans les 95 lits du CUTR Sylvana afin de les aider à retrouver leur indépendance.
CHASSAGNE PHILIPPE FONCTION Médecin cadre NOM
PRÉNOM
Ancien médecin-chef du Service de gériatrie du Centre hospitalouniversitaire de Rouen, il a rejoint le CHUV en mai 2016. Spécialiste en médecine interne et en gériatrie, il dirige à la fois la Filière de soins aigus aux seniors (équipe mobile intra-hospitalière) du Service de gériatrie et l’Unité de gériatrie ambulatoire et communautaire.
HEIDI DIAZ, OLIVIER MAIRE, GIILLES WEBER, DR
CURSUS
CURSUS
ACTUALITÉ
Zika sous la loupe
Comprendre les mécanismes de la peur et l’anxiété
Une équipe de la maternité du CHUV a mené une étude sur l’impact de Zika chez la femme enceinte. Parmi 500 porteuses du virus, huit ont présenté des fœtus avec des malformations. Imperceptibles lors de l’amniocentèse, elles n’ont été détectées qu’à la moitié de la grossesse. Zika peut donc se rendre invisible dans les premières semaines de grossesse. Des résultats qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement du virus.
L’Unité de recherche sur la neurobiologie vient d’obtenir un financement pour deux projets originaux.
DÉCOUVERTE
Nouveau directeur adjoint Oliver Peters est le nouveau directeur général adjoint du CHUV depuis le 1er janvier 2017. L’ancien cadre de l’OFSP avait déjà travaillé au sein de l’hôpital en tant que directeur administratif et financier. Sa mission consiste à développer l’efficience clinique à l’intérieur de l’hôpital et avec les partenaires externes, organiser l’exploitation des nouvelles infrastructures hospitalières et gérer les relations du CHUV dans le réseau cantonal, intercantonal et national. SÉBASTIEN KAULITZKI / SHUTTERSTOCK
NOMINATION
NEUROSCIENCES
Quels sont les mécanismes neurobiologiques à la base de la peur et de l’anxiété? Comment sont réglés les seuils de la peur et les réactions de notre corps? C’est à ce genre de questions que l’Unité de recherche sur la neurobiologie du Centre de neurosciences psychiatriques, dirigée par le Prof. Ron Stoop, essaie de trouver des réponses. Deux projets de l’unité ont obtenu un financement: le premier, soutenu par la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI), a pour objectif de tester l’efficacité de nouvelles molécules réceptrices d’ocytocine utilisées dans le traitement de l’anxiété et de certains troubles du spectre de l’autisme. Les effets de ces composants, développés par l’entreprise Roche, seront comparés avec les effets de l’ocytocine produite naturellement dans le cerveau de rongeurs, particulièrement dans
Amygdale
les zones du cerveau impactées par l’anxiété, la peur et les attitudes sociales. Le second, qui a reçu un financement de la Communauté européenne (fonds Marie Curie), est un projet de recherche translationnelle entre cliniciens du Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé du CHUV (SUPAA) et chercheurs de l’Université de Cape Town. Le projet vise à tester si l’hyper-anxiété éprouvée par des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer peut être causée par une neuro-dégénérescence de l’amygdale, région du cerveau particulièrement active pendant les moments d’angoisse.
EN SAVOIR PLUS
www.chuv.ch/cnp-anxiete
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IN VIVO
Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com
ÉDITION
CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch LargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6 redaction@invivomagazine.com 1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com ÉDITEURS RESPONSABLES Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE
Bertrand Tappy REMERCIEMENTS
RESPONSABLES DE LA PUBLICATION
Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET
Melinda Marchese
Alexandre Armand, Francine Billote, Valérie Blanc, DIRECTION GRAPHIQUE Gilles Bovay, Virginie Bovet, Darcy Christen, Muriel Cuendet Teurbane, Stéphanie Dartevelle, Diana Bogsch et Sandro Bacco Diane De Saab, Frédérique Décaillet, Muriel Faienza, Marisa Figueiredo, Pierre Fournier, RÉDACTION Katarzyna Gornik-Verselle, Aline Hiroz, Joëlle Isler, LargeNetwork (Jade Albasini, Yann Bernardinelli, Clément Bürge, Manuela Esmerode, Nicolas Jayet, Emilie Jendly, Eric Joye, Sophie Gaitzsch, Melinda Marchese, Patricia Michaud, Steve Riesen, Hannah Schlaepfer, Cannelle Keller, Simone Kühner, William Türler, Julie Zaugg), Paule Goumaz, Bertrand Tappy, Laetitia Wider. Anne-Renée Leyvraz, Elise Méan, Laurent Meier, Eric Monnard, Brigitte Morel, Thuy Oettli, Manuela Palma de Figueiredo, Odile Pelletier, RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE Isabel Prata, Sonia Ratel, Myriam Rege, Bogsch & Bacco, Sabrine Elias Ducret Marite Sauser, Dominique Savoia Diss, Jeanne-Pascale Simon, Elena Teneriello, COUVERTURE Aziza Touel, Vladimir Zohil et le Service de Macrophotographie d’un embryon humain vivant, âgé de 7 semaines, mesurant environ 3 cm. communication du CHUV. R. Bevilacqua – CNRI / Science Photo Library PARTENAIRE DE DISTRIBUTION
BioAlps
IMAGES
SAM (Eric Déroze, Heidi Diaz, Patrick Dutoit, Philippe Gétaz, Gilles Weber), Sandro Bacco, Benjamin Schulte, Stephan Schmitz
MISE EN PAGE
Bogsch & Bacco pour LargeNetwork TRADUCTION
Technicis IMPRESSION
PCL Presses Centrales SA TIRAGE
18’000 exemplaires en français 2’000 exemplaires en anglais Les propos tenus par les intervenants dans «In Vivo» et «In Extenso» n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.
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IN VIVO N° 11 – Avril 2017
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