In Vivo #9 FR

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NUMÉRO SPÉCIAL CHUV-EPFL

Penser la santé

N° 9 – JUILLET 2016

BIO-INFORMATIQUE / SANTÉ DIGITALE / IMPRESSION 3D

INGÉNIEURS ET MÉDECINS

UNE ALLIANCE EN PLEIN ESSOR

INTERVIEW Patrick Aebischer et Pierre-François Leyvraz MÉDECINE PERSONNALISÉE Un projet d’envergure en Suisse occidentale REPORTAGE Les nouvelles techniques d’imagerie du CIBM Edité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO HUMAIN AUGMENTÉ


«Les infographies sont rigoureuses, ingénieuses et plaisantes à regarder.»

«Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution.» Johanna M., Carouge

Dominique G., Vufflens-la-Ville

«Chaque article est pertinent!» Béa B., Danemark

ABONNEZ-VOUS À IN VIVO «Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs.» Swissnex, Brésil

«Super mise en page!» Laure A., Lausanne

«Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j'enseigne.» Isabelle G., Lausanne

«Fort intéressant!» Hélène O., Lausanne

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Le magazine est gratuit. Seule une participation aux frais d’envoi est demandée (20 francs).


IN VIVO / N° 9 / JUILLET 2016

SOMMAIRE

FOCUS

19 / COLLABORATION Ingénieurs et médecins, une alliance en plein essor La fusion des savoirs pour innover PAR JULIEN CALLIGARO ET WILLIAM TÜRLER

MENS SANA

30 / INTERVIEW Patrick Aebischer et Pierre-François Leyvraz PAR BERTRAND TAPPY

34 / DÉCRYPTAGE Du labo du chercheur au brevet PAR YANN BERNARDINELLI

38 / TENDANCE Big data: comment partager les données en toute confiance PAR SAMUEL SOCQUET

41 /INNOVATION L’union fait la médecine personnalisée En 2012, les travaux de Grégoire Courtine, spécialiste en réhabilitation de la moelle épinière à l’EPFL, ont permis à des rats paralysés de remarcher. Grâce à une collaboration avec le Département des neurosciences cliniques du CHUV notamment, des essais sur l’homme devraient pouvoir commencer cette année.Ce projet symbolise les recherches que mènent conjointement chercheurs et médecins, thème central de ce numéro de «In Vivo», spécialement conçu par le CHUV et l’EPFL (Mediacom).

ALAIN HERZOG / EPFL

PAR SAMUEL SOCQUET


SOMMAIRE

68

48

52 CORPORE SANO

IN SITU

46 / APERÇU

08 / HEALTH VALLEY

Aux origines de la schizophrénie

Un outil pour fabriquer des mini-organes

PAR GENEVIÈVE RUIZ

58

Mon médecin, ce robot PAR ERIK FREUDENREICH

52 / PROSPECTION Les comportements qui font mouche PAR GENEVIÈVE RUIZ

54 /

DÉCRYPTAGE

Tout est bon dans l’ADN

2

Evaluer la santé des poumons par téléphone

CURSUS

70 / CHRONIQUE Dix numéros, 1’000 abonnés

PAR CARINE NEIER

72 / PORTRAIT

58 / EN IMAGES

La diététicienne Muriel Clarisse

L’imagerie sous toutes ses formes

74 / TANDEM

PAR MARIELLE SAVOY

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14 / AUTOUR DU GLOBE

Patrick Omoumi et Igor Letovanec

DR, ERIC DÉROZE, ALAIN HERZOG / EPFL, CIBM

48 / INNOVATION


Editorial

AMICALEMENT NÔTRES

PATRICK DUTOIT

BÉATRICE SCHAAD Responsable éditoriale

3

Leurs parcours respectifs rappellent le générique de la série culte britannique «Amicalement vôtre». Ils ont étudié la médecine l’un à Genève, l’autre à Lausanne. L’un se passionne pour les neurosciences, l’autre pour le système locomoteur. Puis l’un part à Brown aux Etats-Unis durant presque dix ans, mais tous deux se retrouvent pourtant dans le même hôpital, au CHUV, dès les années 1990. Une même intuition va fonder leur collaboration: Pierre-François Leyvraz, actuel directeur général du CHUV, et Patrick Aebischer, président de l’EPFL, nourrissent très tôt la conviction que l’innovation émanera de la collaboration des sciences du vivant et de celles de l’ingénierie. Dans les années 1990, Patrick Aebischer travaille d’arrache-pied au développement d’un système d’encapsulation de cellules génétiquement modifiées pour lutter contre le Parkinson. Pour trouver de nouveaux matériaux, il collabore avec le Poly de l’époque. Quelques années plus tôt, PierreFrançois Leyvraz, orthopédiste, a fondé un groupe de recherche à l’EPFL, avant d’y devenir le directeur de l’Institut de biomécanique translationnelle puis Professeur titulaire tout en étant également Professeur au CHUV. Devenus respectivement les directeurs de deux grands navires, ils décloisonnent, jettent des ponts entre les disciplines. Tous deux férus d’histoire, de lettres et sensibles aux arts, ils ne se limitent pas au fait de rapprocher les sciences de la vie et de l’ingénieur, mais ils les entourent par les Humanités grâce à une collaboration fructueuse avec l’Université de Lausanne. Avec son recteur, Dominique Arlettaz, le triumvirat est convaincu que les progrès de la médecine et de l’ingénierie doivent se penser aussi au travers du prisme de la philosophie, de la sociologie ou de l’histoire des sciences. Dans le même temps, l’un construit une ville des sciences au bord du lac, l’autre toujours en lien avec le recteur, un campus hospitalo-universitaire sur les hauts de Lausanne, au Biopôle d’Epalinges. Entre ces deux sites, une ligne de métro dans laquelle tous trois encouragent les jeunes scientifiques à embarquer pour mêler leurs savoirs. On ne compte plus les chercheurs et cliniciens qui chaque jour vont et viennent sur cette voie et qui incarnent le futur de la science (voir p. 19). Grâce à ces trois personnalités, la région regroupe désormais de fortes compétences, non seulement dans la recherche médicale et les biotechnologies, mais aussi dans les micro et nanotechnologies ou les technologies médicales. Cette pluridisciplinarité constitue aujourd’hui un des atouts parmi les plus précieux de la région. Pierre-François Leyvraz, Patrick Aebischer et Dominique Arlettaz illustrent à quel point la science ne peut se penser à l’échelle d’une seule institution ou même d’un canton. Qu’elle n’a de sens que si elle se réfléchit en faisant fi des frontières géographiques ou mentales, que si elle se joue des barrières et des luttes de territoires. Le progrès scientifique repose sur la vivacité de cerveaux mais aussi sur des histoires d’amitié. ⁄


POST-SCRIPTUM LA SUITE DES ARTICLES DE «IN VIVO» IL EST POSSIBLE DE S’ABONNER OU D’ACQUÉRIR LES ANCIENS NUMÉROS SUR LE SITE WWW.INVIVOMAGAZINE.COM

IMMUNOTHÉRAPIE IV n° 1

p. 19

Talon d’Achille du cancer Des chercheurs de Harvard, du MIT et du University College London ont découvert un marqueur commun à la surface de toutes les cellules tumorales. Ces protéines mutées pourraient constituer une cible idéale pour le système immunitaire des patients. Les chercheurs envisagent deux voies: la multiplication en laboratoire de cellules immunitaires qui auraient reconnu la «cible» pour les réinjecter dans l’organisme du patient et la fabrication d’une sorte de «vaccin» contre le cancer. /

CELLULES SOUCHES IV n° 2

p. 64

Avancée zurichoise Des chercheurs de l’ETH Zurich ont réussi à reprogrammer des cellules souches provenant des tissus graisseux d’une personne en cellules bêta productrices d’insuline, une découverte prometteuse dans la lutte contre le diabète. Les scientifiques ont introduit dans les cellules souches un «logiciel» génétique agissant de manière très précise sur différents facteurs nécessaires à la maturation des cellules bêta. /

4

AUTISME

BOTOX ET MIGRAINE IV n° 4

p. 52

IV n° 6

p. 60

Un pas de plus vers la reconnaissance

Lancement d’une étude sans précédent

L’usage du Botox dans le traitement de la migraine fait désormais l’objet de recommandations officielles de l’Académie américaine de neurologie. Des études ont apporté des preuves supplémentaires de l’action bénéfique de la substance, une neurotoxine qui paralyse temporairement les muscles, bloquant les terminaisons nerveuses qui déclenchent la douleur, pour soigner ces céphalées. /

Une vingtaine d’institutions médicales américaines ont lancé au mois d’avril la plus vaste étude sur l’autisme jamais réalisée. Le but de cette initiative est de rassembler des informations, notamment l’ADN, de 50’000 personnes atteintes d’autisme et de leur famille. On pense que les causes de ces troubles, inconnues à l’heure actuelle, s’expliquent par un mélange de facteurs génétiques et environnementaux. Certains scientifiques estiment que jusqu’à 350 gènes pourraient être impliqués. /

HÉPATITE C IV n° 5

p. 28

Traitement à moins de 300 dollars Un essai clinique va débuter cet été en Malaisie et en Thaïlande afin d’évaluer l’efficacité d’une nouvelle combinaison thérapeutique pour guérir l’hépatite C. Cette association d’antiviraux à action directe (ADD), une initiative de l’organisation Drugs for neglected diseases (DNDi), coûte moins de 300 dollars pour un traitement de trois mois. Il s’agit d’un prix bien inférieur à celui des nouveaux médicaments proposés, qui atteint plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de dollars. /

PRÉCISION Le supplément infographique In Extenso 8, sur les bienfaits des vitamines, recommande les meilleurs aliments à consommer régulièrement sous forme de pyramide alimentaire. Concernant les matières grasses, l’huile de colza, l’huile d’olive et le beurre (1x/jour 10 g) présentent les meilleurs avantages d’un point de vue nutritionnel. L’huile de soja ne figure pas dans cette liste. /


POST-SCRIPTUM

DROGUES IV n° 7

p. 30

L’ONU change de cap

MUJAHID SAFODIEN / AFP

A l’occasion d’une session spéciale sur le problème mondial de la drogue au mois d’avril, les pays membres de l’ONU ont adopté de nouvelles recommandations qui mettent l’accent sur la prévention et le traitement plutôt que la répression. Margaret Chan, la directrice de l’OMS, a préconisé «d’élargir les politiques de lutte contre la drogue, qui se concentrent presque exclusivement sur l’application de la justice criminelle, en adoptant une approche de santé publique». /

CHIRURGIE FŒTALE IV n° 7

p. 53

Tumeur du poumon supprimée David Baud, du CHUV, et Luigi Raio, de l’Inselspital de Berne, des spécialistes de la chirurgie fœtale, sont parvenus à faire régresser une tumeur pulmonaire qui menaçait la vie d’un fœtus en comprimant son cœur. Durant l’intervention, les médecins ont utilisé un laser pour coaguler les vaisseaux qui nourrissaient la tumeur, ce qui a permis sa résorption. Il s’agit de la première opération de ce type en Suisse. Le bébé est né en bonne santé le 13 avril dernier. /

5

FAT TAX IV n° 3

p. 42

Nouvel impôt en Afrique du Sud L’Afrique du Sud est le premier Etat africain à envisager l’introduction d’un impôt sur les boissons sucrées. Le ministre des Finances, Pravin Gordhan, a proposé cette mesure à l’occasion de son discours sur le budget au mois de février, pour une entrée en vigueur en 2017. La mesure vise à lutter contre l’épidémie de surpoids qui touche le pays. Selon l’OMS, un Sud-Africain sur quatre est obèse. Une étude du Human Sciences Research Council de Johannesburg estime qu’un Sud-Africain sur cinq consomme une quantité excessive de sucre. /


Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de «Health Valley». Dans chaque numéro de «In Vivo», cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte décrit la surface terrestre en trois dimensions, sans végétation ni constructions. Elle a été générée par Swisstopo, le centre de géoinformation de la Confédération.

IN SITU

HEALTH VALLEY Tour d’horizon de l’innovation médicale en Suisse romande.

LAUSANNE

P. 08

La start-up SUN bioscience fabrique des mini-organes in vitro.

MEYRIN

P. 12

OFFICE FÉDÉRAL DE TOPOGRAPHIE

Covance est le plus grand laboratoire d’essais cliniques au monde.

6


IN SITU

HEALTH VALLEY

NEUCHÂTEL

P. 11

Un centre de l’obésité a été inauguré.

SION

P. 11

Un nouveau laboratoire consacré aux neuroprothèses ouvre à la Suva.

ÉPALINGES

P. 10

Mymetics développe un vaccin contre le paludisme. 7


IN SITU

HEALTH VALLEY

Un outil pour fabriquer des mini-organes Produire in vitro des organes miniatures ne relève plus de la science-fiction. La start-up lausannoise SUN bioscience se démarque dans ce domaine en plein essor.

Sylke Hoehnel et Nathalie Brandenberg, cofondatrices de la startup lausannoise SUN bioscience, enchaînent les succès. Ces derniers mois, leur projet a séduit l’organisation californienne de soutien à la création d’entreprises Founder.org et la Commission fédérale pour la technologie et l’innovation (CTI), avec à la clé plus de 700’000 francs de fonds. Les deux jeunes scientifiques de l’EPFL ont aussi attiré l’attention du magazine américain Forbes, qui les a intégrées à sa liste des personnalités de moins de 30 ans les plus prometteuses. «Cela nous donne une visibilité incroyable», s’enthousiasme Nathalie Brandenberg. SUN bioscience est active dans la fabrication in vitro de mini-organes, un des domaines des sciences de la vie les plus en vue du moment. Concrètement, la start-up a mis au point une plateforme qui permet la culture de cellules souches (des cellules indifférenciées qui se caractérisent par leur capacité à engendrer des cellules spécialisées) en trois dimensions et à large échelle. Cette innovation répond à l’un des principaux problèmes que rencontrent les chercheurs: les techniques actuelles utilisent un espace en deux dimensions qui ne correspond pas à la réalité du corps humain. La jeune entreprise se distingue également pour avoir développé un substrat mou et modulable qui recrée l’environnement des cellules, alors que ce type de travaux s’effectue aujourd’hui sur des surfaces plastiques dures et peu adaptées. 8

PHILIPPE GÉTAZ

TEXTE SOPHIE GAITZSCH

Le nouvel outil est destiné aux laboratoires, aux instituts de recherche et aux entreprises pharmaceutiques. «Les organes miniatures créés grâce à notre plateforme pourront être utilisés pour mieux comprendre comment les cellules réagissent aux maladies et pour tester l’effet des médicaments sur différentes pathologies», expliquent Sylke Hoehnel et Nathalie Brandenberg. «Le recours aux mini-organes permet, d’une part, de réduire les tests sur les animaux, et, d’autre part, d’obtenir de meilleurs résultats. Il s’agit d’une situation doublement gagnante», souligne pour sa part Marcus Textor, l’expert de la CTI pour les domaines des micro et nanotechnologies qui a évalué la start-up. La technologie de SUN bio­­science se positionne également dans le domaine de la médecine personnalisée. En utilisant des cellules prélevées sur un patient, il est possible de recréer in vitro son

profil spécifique, et donc d’évaluer de manière précise quel traitement sera le plus efficace pour lui. Un aspect que Marcus Textor juge également très prometteur. «Si l’on prend l’exemple du cancer du sein, de nombreuses patientes ne retirent pas de bénéfice de traitements standards, mais en subissent les effets secondaires. Les mini-organes augmentent les chances d’identifier la bonne combinaison du premier coup. Cela représente un avantage de taille pour le patient et permet de réaliser des économies en évitant des thérapies coûteuses qui ne sont pas efficaces.» SUN bioscience prévoit de lancer la commercialisation de son produit dans le courant de l’année. Plusieurs clients potentiels, dont des groupes de recherche à l’Institut des sciences de la santé de Nestlé et l’Université de Berne, ont déjà manifesté leur intérêt. ⁄


HEALTH VALLEY

LYSIA FORNO / SCIENCE PHOTO LIBRARY

IN SITU

3 QUESTIONS À

ÉRIC BONVIN

Modélisation de la maladie de Parkinson CERVEAU Une équipe de scientifiques de l’EPFL

est parvenue à reproduire le développement des corps de Lewy, un dépôt de protéines dans les neurones qui caractérise la maladie de Parkinson, chez les animaux. Cette découverte a permis de créer des modèles de cellules et de souris ayant la capacité de simuler l’évolution de la maladie de Parkinson de manière plus précise. Ces nouveaux modèles pourront contribuer à la recherche et au développement de médicaments. L’étude, à laquelle des chercheurs californiens et britanniques ont également participé, a été publiée dans la revue américaine PNAS.

L’HÔPITAL DU VALAIS AUTORISE L’ASSISTANCE AU SUICIDE DEPUIS CE PRINTEMPS. LES EXPLICATIONS DE SON DIRECTEUR.

1

EN QUOI CONSISTE LA DÉCISION DE L’HÔPITAL DU VALAIS?

La mission de l’hôpital est de soigner. Mais il doit pouvoir entendre la détresse de ses patients et apporter une réponse aux demandes d’aide au suicide qui sont formulées dans ses murs. Nous avons introduit la possibilité d’une exception à notre mission lorsque la volonté de mourir d’une personne ne peut s’exercer ailleurs, car elle ne peut plus quitter l’hôpital. Après avoir entendu personnellement le patient, notre comité d’éthique clinique peut suggérer aux soignants de le soutenir afin qu’il fasse appel à une association de son choix pour concrétiser sa démarche. Les soignants ne participent pas directement à l’aide au suicide. D’AUTRES HÔPITAUX ROMANDS ONT ADOPTÉ DES DIRECTIVES SIMILAIRES DEPUIS DES ANNÉES. POURQUOI AGIR MAINTENANT?

2

L’OBJET

CHAUSSURE INTELLIGENTE Des chercheurs de l’EPFL et des HUG ont développé une semelle gérant électroniquement la pression exercée sous la voûte plantaire. L’objectif: soulager les ulcères caractéristiques du diabète et permettre leur cicatrisation pour éviter les surinfections.

En Valais, canton qui est encore très attaché à ses valeurs religieuses, la question de l’assistance au suicide a soulevé beaucoup de débats et de craintes. Elle nous préoccupe depuis longtemps, mais nous avons dû attendre qu’elle soit abordée sur le plan politique et que les travaux de la Commission cantonale d’éthique médicale soient rendus publics pour pouvoir agir.

3

À COMBIEN DE DEMANDES D’AIDE AU SUICIDE ÊTES-VOUS CONFRONTÉ?

Cette situation ne survient pas plus d’une ou deux fois par an. Souvent, les personnes qui ont adhéré à Exit ou Dignitas veulent avoir cette liberté, mais n’y ont pas recours. A mes yeux, cela reflète un manque de confiance dans le fait que la médecine sera là pour les soutenir humainement lors de souffrances extrêmes. Il s’agit d’un signal qu’il faut prendre en compte. / Eric Bonvin dirige l’Hôpital du Valais depuis 2012.

9


IN SITU

START-UP ALLERGIES

L’appareil de dépistage de la société lausannoise Abionic, qui a remporté de nombreux prix d’innovation, est désormais utilisé dans les pharmacies. Il permet de détecter rapidement les cinq allergies respiratoires les plus répandues – acariens, chien, chat, bouleau et graminées – grâce à une seule goutte de sang.

LEVÉE DE FONDS

Anergis, une société d’Epalinges spécialisée dans la désensibilisation aux allergies, a levé 5 millions de francs auprès de ses investisseurs existants. Cette somme servira à financer une phase d’études cliniques pour AllerT, un traitement rapide contre l’allergie au bouleau. Les tests débuteront cet automne sur 450 patients pour des résultats attendus au troisième trimestre de 2017.

CÉCITÉ

L’EyeWatch, développé à Lausanne, est le premier implant oculaire capable de contrôler la quantité de liquide présent dans un œil atteint de glaucome, l’une des principales causes de cécité dans le monde. Il sera commercialisé par la start-up Rheon Medical, qui prévoit de lancer le produit sur le marché d’ici à 2017.

BIOPHARMACIE

L’entreprise biopharmaceutique GeNeuro, basée à Plan-lesOuates, est entrée à la Bourse de Paris mi-avril. Elle a ainsi levé 33 millions d’euros. GeNeuro propose une nouvelle approche dans le traitement des maladies auto-immunes, notamment de la sclérose en plaques, en cherchant à bloquer à la source des composantes inflammatoires et neurodégénératives de la maladie.

10

HEALTH VALLEY

«Nous avons découvert une nouvelle maladie génétique.» ANDREA SUPERTI-FURGA PROFESSEUR ORDINAIRE À L’UNIL ET AU CHUV. CETTE PATHOLOGIE, PAS ENCORE BAPTISÉE, CAUSE UN RETARD DE DÉVELOPPEMENT INTELLECTUEL ET UN TROUBLE DE LA CROISSANCE OSSEUSE. ELLE EST LIÉE À UNE MUTATION AU NIVEAU DU GÈNE NANS (N-ACETYLNEURAMINIC ACID SYNTHASE), LUI-MÊME RESPONSABLE DE LA SYNTHÈSE DE L’ACIDE SIALIQUE, QUI JOUE UN RÔLE CLÉ DANS LA CROISSANCE DU CERVEAU.

97% La diminution de la transmission du parasite «Plasmodium falciparum», à l’origine du paludisme, grâce au vaccin candidat de la société Mymetics, basée à Epalinges. Il s’agit du résultat d’une étude préclinique.

27 En millimètres, la longueur d’un implant pour lutter contre Alzheimer développé à l’EPFL. Placé dans le tissu sous-cutané, le mécanisme diffuse des anticorps capables d’éliminer les protéines Abeta, dont l’accumulation est l’une des causes de la maladie.

Découverte genevoise contre l’hépatite B

VIRUS Une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l’Université de Genève a élucidé l’une des techniques de survie du virus de l’hépatite B. Ces résultats, publiés dans la revue Science, permettent d’imaginer de nouveaux traitements contre la maladie. Concrètement, les chercheurs ont détecté l’existence d’une petite protéine, appelée «protéine X», qui attaque le mécanisme de défense des cellules infectées. La découverte genevoise pourrait aussi concerner d’autres virus, comme l’herpès et le papillomavirus humain. Selon l’OMS, l’hépatite B affecte 240 millions de personnes dans le monde et tue près de 800’000 personnes chaque année.

Retrouver le toucher après une amputation

PERCEPTION Un patient amputé de la main a pu différencier au toucher des surfaces lisses et rugueuses grâce à un doigt artificiel connecté chirurgicalement aux nerfs de son bras. Cette avancée a été rendue possible grâce à une technologie développée notamment à l’EPFL. Elle ouvre de nouvelles perspectives dans le développement de prothèses bioniques permettant une perception sensorielle.


IN SITU

HEALTH VALLEY

MAUX DE TÊTE

CANCER

Le nouveau Centre suisse du cancer, issu d’un partenariat entre le CHUV, l’UNIL, l’EPFL et la Fondation ISREC, sera inauguré en 2018. Il sera installé à Lausanne, à côté du CHUV, dans un bâtiment flambant neuf. Le projet a nécessité un investissement de 80 millions de francs et pourra accueillir entre 250 et 300 chercheurs. Il vise à rassembler une communauté d’experts sur un seul site et à favoriser les échanges entre disciplines, mais aussi entre chercheurs et cliniciens.

Environ 10% des Suisses souffrent de migraines, 20% de céphalées de tension. Le CHUV ouvrira cet automne un centre destiné aux personnes affectées par des maux de tête handicapants. La nouvelle structure regroupera les diverses compétences en la matière et permettra une meilleure coordination entre les experts, qui travaillent aujourd’hui de manière souvent cloisonnée. Les maux de tête peuvent en effet avoir des origines très diverses: neurologiques, ORL ou encore musculo-squelettiques.

CENTRES SPÉCIALISÉS Plusieurs structures regroupant des experts de différents horizons pour lutter contre une pathologie ciblée sont en train de voir le jour en Suisse romande. Tour d’horizon.

INFERTILITÉ

Les HUG ont inauguré ce printemps leur nouveau laboratoire de procréation médicalement assistée. Baptisé FertisupportHUG, il propose une prise en charge globale des problèmes d’infertilité en centralisant les consultations, les investigations, les analyses et les traitements, en particulier la fécondation in vitro. Toujours plus de couples recourent à la procréation médicalement assistée. Entre 2002 et 2010, leur nombre a doublé en Suisse, pour atteindre plus de 6000 par an.

OBÉSITÉ

L’Hôpital neuchâtelois et le Centre neuchâtelois de psychiatrie ont créé un centre pour le suivi des patients souffrant d’obésité. L’objectif: réunir tous les métiers concernés par la prise en charge de cette maladie et des troubles du comportement alimentaire qui y sont associés. Le centre rassemblera des médecins, des chirurgiens, des psychiatres, des psychologues et des diététiciens. L’obésité touche 11% de la population en Suisse – une tendance en hausse – et concerne de plus en plus d’adolescents et de jeunes adultes.

Développement en Valais

LA MOLÉCULE

DEBIO 1143 HERMINE BLANQUART

Cet inhibiteur oral des IAPs (protéines inhibitrices de l’apoptose) vient de recevoir la désignation de médicament orphelin par la FDA. Cette appellation offre des facilités règlementaires et financières pour développer des thérapies contre des maladies rares. Destiné au traitement du cancer de l’ovaire, Debio 1143 a été mis au point par la société lausannoise Debiopharm. 11

NEUROPROTHÈSES L’EPFL poursuit son développement en Valais dans le domaine de la santé. Fin août, un nouveau laboratoire sera inauguré, grâce à l’engagement de la Fondation Defitech, et complètera les activités des équipes du Centre de neuroprothèses travaillant à Sion, à la Suva, et sur le site hospitalier valaisan. Le robot développé par le professeur Grégoire Courtine (lire p. 25) y sera également installé.


IN SITU

HEALTH VALLEY

ÉTAPE N° 9

MEYRIN

SUR LA ROUTE

COVANCE

Dans chaque numéro, «In Vivo» part à la rencontre des acteurs de la Health Valley. Meyrin est la destination de cette édition.

Le plus grand laboratoire d’essais cliniques Covance, leader mondial de l’analyse thérapeutique, vient d’inaugurer un nouvel espace à Meyrin (GE). TEXTE: BERTRAND TAPPY

Située à un jet de pierre de l’aéroport de Genève, l’entreprise américaine Covance est installée en Suisse depuis 1992. Cette multinationale, rachetée par le groupe LabCorp début 2015 (qui revendique 50’000 employés pour un chiffre d’affaires annuel de 8,5 milliards de dollars), est tout simplement le leader mondial de la centralisation d’essais cliniques. Une place de choix qui explique la croissance de sa base suisse, qui est passée de 20 collaborateurs à plus de 700. Chaque jour, des milliers de tubes de sang prélevés arrivent par avion dans leslaboratoires. Fragilité du sang humain oblige, les échantillons doivent faire le trajet en moins de 48 heures, même s’ils viennent du fin fond de la Russie. «C’est un défi technique gigantesque, explique Ramon Roig, directeur de l’innovation sur l’Europe. Si vous ajoutez la rigueur à laquelle nous sommes soumis pour garantir les résultats en suivant des procédures identiques à tous nos autres centres dans le monde, vous réalisez le challenge qu’est le nôtre.» 12

Pour y parvenir, l’entreprise a d’ailleurs récemment inauguré un nouvel espace pour son laboratoire central de plus de 4500 m2, en très grande partie automatisé. «Le volume que nous traitons est tel (les chiffres sont confidentiels, ndlr) que, malgré l’automatisation de nos opérations, nous continuons toujours à engager de nouvelles personnes», affirme Jean-Marc Leroux, General Manager pour l’Europe. Les profils des professionnels recherchés ont également beaucoup évolué, vers des analystes de données et apprentissage automatique. «D’ici à quelques années, la médecine va passer d’un mode réactif – soigner quelqu’un qui est malade – à un mode prédictif voire préventif, conclut JeanMarc Leroux. L’un de nos axes stratégiques consiste donc maintenant à réfléchir comment les professionnels de la santé devront être accompagnés dans l’utilisation de ces nouvelles technologies, du diagnostic à la prescription de médicaments.» Un objectif des plus ambitieux pour celle que l’on surnomme déjà la «Google of Blood». ⁄


IN SITU

HEALTH VALLEY

,

BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech

Cultivons l’impatience!

DR

La sagesse populaire loue la patience et nous rappelle à l’envi que l’impatience est mauvaise conseillère… mais avons-nous réellement le temps d’attendre? Dans un monde qui s’accélère, clairement non! Cette accélération d’un monde qui va déjà à 100 à l’heure, nous la vivons pleinement en ce moment en Suisse romande et plus précisément dans le canton de Vaud avec le développement fulgurant d’UniverCité qui, après avoir rassemblé une communauté de plus de 200 innovateurs, s’est doté d’un makerspace unique qui bénéficie à tout l’écosystème régional et fut l’aimant qui attira le MassChallenge. Ce rassemblement de talents, d’inspirateurs et de faiseurs est une chance incroyable pour notre région de redécouvrir le pouvoir du temps et la nécessité d’aller plus vite, beaucoup plus vite, et de vivre au temps du monde de demain.

Le rêve de la modernité c’est que la technique nous permette d’acquérir la richesse temporelle. L’idée qui la sous-tend est que l’accélération technique nous permette de faire plus de choses par unité de temps. Et c’est bien ce que la technique a permis: les voitures roulent de plus en plus vite, nous permettant dans le même laps de temps de nous consacrer à d’autres activités. Mais que faisons-nous de ce temps gagné? Arrivons-nous à adapter nos rythmes et cycles de travail, d’innovations et de commercialisation, à cette nouvelle richesse temporelle qui nous est offerte? Le temps de diffusion d’une innovation n’a cessé de se réduire. Si 35 ans ont été nécessaires pour que le frigo s’impose, le téléphone portable n’a pris que 15 ans pour se généraliser et internet moins de 10 ans. Pour ce qui est des dernières innovations digitales, nous nous demandons encore comment nous pouvions vivre sans elles il y a encore quelques mois. Nous sommes tous rattrapés par cette spirale accélératrice et entraînés par cette économie participative que personne n’imaginait il y a quelques mois encore. Que nous soyons complices ou victimes, rappelonsnous que, du point de vue de la dynamique de l’innovation, l’ère du bon intel 086 est bien loin et qu’aujourd’hui, nous n’avons tout simplement plus le choix. N’agissons pas et nous serons exclus. La Suisse a raté le virage de la biotech, mais nos grandes entreprises ont su rebondir en acquérant des sociétés qui les ont remises dans la course: Genentech pour Roche, Chiron pour Ciba-Geigy. Ratons le virage de la santé digitale, qui acquerra Google ou Amazon pour se remettre en selle? Personne! Hors de prix!

En première lecture, je redécouvre les écrits parlant de l’accélération du monde, qui nous rappellent ce que signifie la lenteur: une richesse de temps. Une lenteur qui correspond à un état dans lequel on dispose de suffisamment de temps pour faire ce que l’on doit faire, au temps qui nous reste après avoir tout fait. Je ne suis pas nostalgique quand on me vante l’état de lenteur, nous expliquant que c’est cet état quand il nous reste encore du temps disponible librement… Par contre, il nous faut nous rappeler qu’en allemand, Muße (qui signifie le loisir, la créativité) est le contraire de l’ennui. «La lenteur, La lenteur n’est plus une option et la sagesse devra c’est le sentiment de ne pas être sous la pression s’en accommoder… ou nous aurons tout le temps de d’une urgence, de ne pas être obligé de faire une méditer sur notre grandeur passée. ⁄ chose sans en avoir le temps.» Dans ce contexte, la richesse temporelle n’est ni l’ennui, ni une EN SAVOIR PLUS décélération contrainte, mais elle est avant tout un www.bioalps.org la plateforme des sciences élément d’autonomie à la fois personnelle, de la vie de Suisse occidentale et temporelle. 13


IN SITU

GLOBE

IN SITU

AUTOUR DU GLOBE Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde.

55.6%

Le taux d’accouchements par césarienne au Brésil, l’un des plus élevés au monde. A l’autre bout du spectre, le Niger, le Tchad et l’Ethiopie affichent une proportion de 1,6%, une situation due à un manque de structures de soins. L’OMS estime que le taux de césariennes qui permet de prévenir le décès de la mère ou de l’enfant se situe entre 10% et 15%.

Un paralysé retrouve l’usage de sa main NEUROSCIENCES Un jeune tétraplégique américain a pu mouvoir ses mains paralysées à l’aide d’un système informatique piloté par son cerveau. Le logiciel est capable de rétablir la communication entre le cerveau et les muscles sans passer par la moelle épinière endommagée. Une puce transmet les pensées du tétraplégique à un ordinateur qui les décode et envoie les ordres aux muscles du bras. Les résultats de cette première médicale, réalisée par l’Université d’Etat de l’Ohio et l’institut de technologie Battelle Memorial à Colombus, également dans l’Ohio, ont été publiés dans la revue Nature.

«L’un des problèmes de l’univers des biotechnologies est le manque de femmes ayant un rôle de leader.» JENNIFER DOUDNA LA BIOLOGISTE AMÉRICAINE A REÇU LE PRIX L’ORÉAL-UNESCO POUR LES FEMMES ET LA SCIENCE 2016. AVEC LA CHERCHEUSE FRANÇAISE EMMANUELLE CARPENTIER, ÉGALEMENT LAURÉATE, ELLE A MIS AU POINT CRISPR, UN MÉCANISME MOLÉCULAIRE QUI PERMET DE «RÉÉCRIRE» LE GÉNOME, OUVRANT LA VOIE À DE NOUVEAUX TRAITEMENTS CONTRE LES MALADIES GÉNÉTIQUES.

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HEALTH GLOBE VALLEY

UNIVERSITY OF WASHINGTON

IN SITU

ÉVALUER LA SANTÉ DES POUMONS PAR TÉLÉPHONE  INNOVATION  Des chercheurs de l’Université de Washington ont mis au point SpiroCall, une technologie qui permet de remplacer un examen avec un spiromètre (un appareil qui mesure le volume d’air expiré) par un coup de téléphone. Il suffit au patient de composer un numéro et de souffler dans le combiné. Le micro de l’appareil envoie le son à un serveur, puis un algorithme décrypte la qualité du souffle et la pression de l’air. Les écarts de résultat entre le matériel médical utilisé actuellement et SpiroCall sont inférieurs à 6,2%, et entrent ainsi dans les critères de fiabilité de l’American Thoracic Society (différentiel inférieur à 10%).

IO LECT É S LA VO IN VI Le cerveau expliqué à mon petit-fils JEAN-DIDIER VINCENT, SEUIL, 2016

Avec ses 100 milliards de neurones et son organisation en multiples soussystèmes interconnectés, le cerveau est sans doute l’objet le plus compliqué de l’univers. Le neuropsychiatre et neurobiologiste français Jean-Didier Vincent entreprend d’expliquer cet organe à son petit-fils. Un exposé qui retrace aussi bien les anciennes conceptions du cerveau que les découvertes les plus récentes.

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Miracle Morning: Offrez-vous un supplément de vie!

Matthew Herper

CHAL ELROD, FIRST, 2016

Le journaliste Matthew Herper couvre les sciences et la médecine pour le magazine américain Forbes avec un accent sur le marché de la pharma. Ultra-actif sur la toile, il affiche plus de 45’000 tweets sur son compte Twitter, qui rassemble plus de 60’000 followers. Son blog sur le marché des médicaments, The Medicine Show, est considéré comme essentiel par de nombreux observateurs du secteur.

Richard Branson, patron de Virgin, Anna Wintour, directrice de Vogue US, et Tim Cook, CEO d’Apple, ont un point commun: ils démarrent leur journée par une ou deux heures rien qu’à eux. Un temps pour faire du sport, méditer, se cultiver... Le best-seller du coach américain Hal Elrod, sorti en français ce printemps, explique pourquoi se lever tôt constitue le «meilleur moyen pour améliorer tous les domaines de la vie d’une personne».

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FIL TWITTER, 65’000 FOLLOWERS

ES NIQU HRO ES C L S R VE IENS M SU R LE S L E.CO É OS S VID GAZIN O MA E T LE NVIV .I W WW

My Beautiful Broken Brain DOCUMENTAIRE , NETFLIX, 2016

En 2011, à l’âge de 34 ans, la réalisatrice londonienne Lotje Sodderland subit un AVC qui la laisse incapable de parler, lire, écrire ou penser de manière cohérente. My Beautiful Broken Brain revient sur l’accident vasculaire de la jeune femme et le chemin qu’elle a parcouru depuis, dans un nouveau monde saturé de flashs de couleur et de sons inédits. Le film se base en grande partie sur les images que Lotje Sodderland a elle-même filmées grâce à son smartphone.


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ÉLÉPHANT THÉRAPIE En Thaïlande, dans la région de Nakhon Ratchasima, le jeune éléphant Plai Kwan Mueang reste couché pour interagir avec des enfants aveugles et autistes. Ils le touchent, le nourrissent, écoutent les sons que l’animal émet et montent sur son dos, dans le cadre d’un projet mis en place il y a sept ans par Alongkot Chukeaw, le directeur du Fonds de conservation et de recherche des éléphants thaïlandais (Thai Elephant Research and Conservation Fund). Grâce aux vertus thérapeutiques du grand mammifère, ce programme vise à aider les jeunes atteints de plusieurs handicaps à maîtriser leurs émotions et à développer des compétences qui leur permettront de mieux s’intégrer dans la société. Leur condition physique et leur gestuelle sont aussi entrainées. RUNGROJ YONGRIT / KEYSTONE / EPA

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L’INFORMATION EN CONTINU Tout savoir sur les Sciences de la vie et l’innovation. Des rubriques pour vous: Agenda, Innovation, People, Science, etc. L’actualité de nos entreprises, de nos hautes-écoles, de nos organismes de soutien à l’innovation sur un seul site.

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24.10.2014 14:52:54


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COLLABORATION

STÉTHOSCOPE OU ALGORITHME, MÊME COMBAT /

Le partenariat entre médecins et ingénieurs donne naissance à de nouveaux métiers et à des thérapies novatrices.

CREDIT: CMCS @EPFL – AUTHOR: S. ROSSI

Modélisation électromécanique du cœur, réalisée par la Chaire de modélisation et calcul scientifique (CMCS) de l’EPFL.

/ PAR

JULIEN CALLIGARO ET WILLIAM TÜRLER

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CHIFFRES A Lausanne, les ponts sont multiples entre l’hôpital universitaire et l’école polytechnique:

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études scientifiques signées par des chercheurs issus des deux institutions ont été publiées entre 2011 et 2015.

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orsque Idris Guessous évoque son groupe de travail, il n’hésite pas à le comparer à une famille. «A la création de GIRAPH (Geographic Information Research and Analysis in Public Health), en 2013, mon collègue Stéphane Joost et moi-même formions un couple scientifique, raconte le médecin et épidémiologue. La famille s’est ensuite agrandie et se compose aujourd’hui également d’enfants et d’amis que sont les étudiants et les collaborateurs.» La particularité de ce tandem? L’un est médecin agréé à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (lire portrait en p. 23) et l’autre est spécialiste des systèmes d’information géographique à l’EPFL.

brevets ont été déposés en 2015 par la Faculté des Sciences de la vie de l’EPFL. 5 start-up ont aussi été créées et 7 licences ont été accordées.

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1007

étudiants étaient inscrits à la Faculté des Sciences de la vie de l’école polytechnique en 2015. Ils étaient 364 en 2005.

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300

millions de francs suisses seront attribués ces trente prochaines années au Ludwig Institute for Cancer Research de Lausanne. Le CHUV, l’EPFL et l’UNIL collaborent au sein de cet institut, qui mène des recherches contre le cancer.

Cet exemple n’est pas un cas isolé: aujourd’hui, médecine et ingénierie collaborent de plus en plus pour innover. Piergiorgio Tozzi travaille depuis dixhuit ans avec des ingénieurs. Ce médecin associé au Service de chirurgie cardiaque du CHUV a conçu avec ces derniers un dispositif médical pour améliorer le traitement chirurgical de l’insuffisance de la valve mitrale – une petite structure du cœur qui évite le reflux du sang du ventricule gauche vers l’oreillette gauche. Après quatre ans de développement, le praticien espère l’implanter chez un patient pour la première fois cette année. 20

DEUX LANGUES DIFFÉRENTES Certains prérequis sont nécessaires pour qu’une collaboration soit réussie: «La passion, la curiosité et l’ouverture d’esprit», indique Piergiorgio Tozzi. Cela ne garantit pourtant pas que tout se passe à merveille. Selon le chirurgien cardiaque, «ingénieurs et médecins parlent deux langues différentes. Le monde des premiers est précis et fait de certitudes, tandis que celui des seconds est rempli de rebondissements.» Une différence qui peut compliquer la discussion, en tout cas les premiers temps. Mais qui est facilement surmontable: «Le tout est d’être patient et diplomate», sourit le spécialiste.

Pour avoir côtoyé les deux corps de métiers, Jacques Fellay admet qu’il existe «une distance naturelle entre la médecine et les sciences de l’ingénieur. Il y a pourtant aujourd’hui une nécessité à la raccourcir, car les bénéfices à en tirer pour les patients sont immenses: de grandes innovations naîtront de ces collaborations.» Ce chercheur en génomique à l’EPFL est au cœur de ce mariage: infectiologue de formation, il a rejoint l’école polytechnique lausannoise en 2011 et travaille en contact direct avec des ingénieurs en


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science et technologie de l’information. Ensemble, ils cherchent à cartographier le génome humain pour déterminer si des différences en son sein influencent les réponses du corps face à des infections. Il garde aujourd’hui un poste à 10% au CHUV, ce qui lui permet d’être au carrefour des deux mondes. Jacques Fellay pratique une recherche dite «translationnelle», qui vise à traduire les découvertes de laboratoire en applications concrètes au bénéfice des patients. Le chirurgien cardiaque Piergiorgio Tozzi est formel: sa science ne peut plus se passer de ces interactions. «Lorsque les médecins cernent un problème «sur le terrain», ils peuvent demander l’aide des ingénieurs pour développer une solution à ce problème.» L’avantage est double: les praticiens fournissent l’idée aux ingénieurs, tandis que ces derniers la mettent en application. «Ils trouvent d’ailleurs très gratifiant de travailler sur des données de santé», ajoute l’épidémiologue Idriss Guessous.

PAS SEULEMENT LES MÉDECINS Ces alliances sont la plupart du temps le fruit du hasard. Médecins et ingénieurs se côtoient lors de colloques ou de semestres d’études à l’étranger – notamment aux Etats-Unis, où les étudiants en médecine font de la recherche translationnelle directement dans les services cliniques pour leur travail de thèse et s’aperçoivent qu’il existe des synergies entre les deux approches. Quelques praticiens sont aussi directement abordés par des ingénieurs désireux de trouver une application clinique à leurs produits. C’est ce qui est arrivé à l’ergothérapeute Julien Moncharmont, qui a été contacté par Andrea Biasiucci, ingénieur biomédical et cofondateur de la spin-off de l’EPFL Intento. Ensemble, ils ont développé une technologie de stimulation électrique fonctionnelle pour des patients hémiplégiques. «Il s’agit d’électrodes placées sur le bras qui créent une série de contractions, permettant de reproduire le mouvement fonctionnel du membre (par exemple saisir et lâcher un verre), explique Julien Moncharmont. Grâce à cette technique, les patients atteints d’une hémiplégie chronique ont un espoir de pouvoir bouger leur bras et de l’utiliser dans leurs activités quotidiennes.» Le projet pilote a été mené l’automne dernier sur une douzaine de patients et les résultats sont considérés comme concluants. 21

CES NOUVEAUX MÉTIERS, ENTRE INGÉNIERIE ET MÉDECINE INGÉNIEUR BIOTECH Sa mission est d’inventer de nouvelles matières, énergies ou bactéries pour des industries œuvrant dans le domaine chimique, agroalimentaire ou encore pharmaceutique. Ses inventions doivent apporter des solutions à des problèmes techniques liés à la conception ou à la réalisation de produits.

SPÉCIALISTE EN SANTÉ DIGITALE Il contribue au développement de nouvelles technologies numériques au service de la santé. Elles doivent permettre aux individus de mieux connaître et gérer leurs données médicales et offrir aux professionnels la possibilité de personnaliser les traitements et rendre les soins plus efficaces.

BIO-ÉTHICIEN Il étudie les questions morales qui se posent dans le cadre du développement de nouvelles pratiques médicales. Dans un hôpital, il pourra être chargé de déterminer la capacité d’un patient à faire un choix éclairé. S’il travaille pour un gouvernement ou une ONG, il tentera de favoriser la mise en place de politiques de santé éthiques.

DÉVELOPPEUR DE NOUVEAUX APPAREILS MÉDICAUX Son rôle consiste à imaginer des dispositifs ou des instruments innovants qui permettront d’améliorer ou de simplifier les procédures médicales. Ses inventions doivent servir à prévenir ou traiter des affections et des maladies. Il pourra par exemple concevoir les robots médicaux de demain.


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BIO-INFORMATICIEN Il conçoit des logiciels qui aideront à développer des médicaments, à améliorer le contrôle qualité dans l’agroalimentaire ou encore à préserver la biodiversité. Il doit décrypter les attentes des chercheurs et les traduire sur le plan informatique, par exemple en modélisant des structures de protéines ou en annotant des génomes.

DÉVELOPPEUR DE NOUVELLES TECHNOLOGIES DE DIAGNOSTIC Il est chargé de concevoir des techniques qui donneront l’opportunité de diagnostiquer de nouvelles pathologies ou simplifieront les recherches pour reconnaître certaines maladies. A titre d’exemple, il pourrait s’attacher à trouver des solutions pour dépister à moindres coûts certains maux qui touchent les pays pauvres.

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UNE EXPANSION RAPIDE En pleine explosion aujourd’hui, le rapprochement entre médecine, soins et ingénierie n’est toutefois pas une tendance nouvelle. «Dès l’Antiquité, des techniciens développaient des procédés se rapprochant de l’ingénierie pour le domaine médical, notamment des prothèses orthopédiques, explique Vincent Barras, historien de la médecine au CHUV. C’est pourtant seulement à la fin du XIXe siècle que cette coopération est devenue explicite, lorsque les médecins sont allés au contact du personnel de type ingénieur afin de développer de nouvelles techniques.» Les radiologues collaborent par exemple depuis 1899 – date à laquelle les rayons X ont été découverts – avec des physiciens. Le rôle de ces derniers est bien établi: ils sont responsables des aspects techniques concernant la production et l’utilisation des rayonnements ionisants dans le but d’assurer la sécurité du patient et du personnel. «Nous assistons pourtant aujourd’hui à la généralisation de ce phénomène», constate Jacques Fellay. Les nouveaux spécialistes nés de la fusion entre technologie et médecine deviendront indispensables aux généralistes. «Bio-ingénieurs ou bio-informaticiens seront bientôt des acteurs incontournables de notre système de santé», assure Jacques Fellay. Une interaction entre chercheurs et praticiens d’autant plus essentielle que l’arrivée des nouvelles technologies modifie la façon de travailler des médecins: certaines entités – notamment celle de l’épidémiologue Idris Guessous – ont d’ailleurs déjà intégré des spécialistes en programmation ou en santé digitale au sein de leur équipe. /

Encourager les collaborations Pour soutenir la coopération entre plusieurs groupes menant des recherches interdisciplinaires, le Fonds national suisse (FNS) possède un programme de recherche nommé Sinergia. En 2015, le FNS a financé 42 nouveaux projets Sinergia pour un total de 63,8 millions de francs. 26% des requêtes soumises (126 au total) concernaient les domaines des mathématiques, des sciences naturelles et de l’ingénierie, et 54% ceux de la biologie et de la médecine. La formation supérieure met également en avant ce mariage des sciences. Les hautes écoles de Bâle, du Tessin et de Zurich ont d’ailleurs décidé de s’associer pour ouvrir une nouvelle filière d’études en médecine dès 2017. Les étudiants effectueront leur bachelor à l’ETH Zurich et leur Master en médecine dans l’une des universités partenaires. Ils pourront notamment se spécialiser en informatique médicale ou en imagerie biomédicale. Du côté de l’Université de Lausanne (UNIL), une passerelle entre les filières Biologie/Bio-ingénierie et la Médecine existe depuis 2012. «Nous avons l’intention de la renforcer, indique Giorgio Zanetti, directeur de l’Ecole de médecine de l’UNIL. Cela permettra une meilleure intégration des compétences dont nous avons besoin.» 22


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«In Vivo» a rencontré neuf collaborateurs du CHUV et de l’EPFL qui incarnent, par leur projet et leur parcours, le mariage de la médecine et des sciences. PHOTOS: HEIDI DIAZ

IDRIS GUESSOUS Responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG et médecin agréé à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.

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L’ESSOR DE LA GÉOMÉDECINE

dris Guessous est persuadé que les connaissances acquises lors de ses études de médecine ne suffisent pas pour accomplir son travail de façon optimale. «Les données individuelles n’expliquent pas tout, détaille le médecin adjoint responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle aux HUG et médecin agréé à la PMU de Lausanne. Les facteurs environnementaux et contextuels jouent également un rôle dans l’état de santé des patients. Mais pour étudier ces éléments, d’autres outils que ceux dont nous disposons sont nécessaires.» Après avoir pratiqué la médecine interne générale aux HUG et au CHUV et effectué un PhD en épidémiologie aux Etats-Unis, il a monté en 2013 le groupe de travail GIRAPH avec Stéphane Joost, un spécialiste des systèmes d’information géographique de l’EPFL. Le but de cette collaboration: comprendre les effets de l’environnement urbain et humain sur la santé.

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«Les deux approches scientifiques sont complémentaires, explique Idris Guessous. Même si nous avons un parcours différent, l’ambition de la réussite scientifique nous unit.» Cette coopération entre médecins et spécialistes des systèmes d’information géographique n’a pourtant pas démarré sur les chapeaux de roue: ils étaient deux à l’origine du projet. «Mais peu à peu, la famille s’est agrandie, se souvient Idris Guessous. Les ingénieurs trouvent d’ailleurs très gratifiant de travailler sur des données de santé.» Une entente qui a permis de réaliser, en janvier 2016, une carte de Lausanne révélant que l’urbanisme et le voisinage ont une influence sur l’obésité. «Un médecin ne doit pas avoir honte de chercher de l’aide auprès d’autres spécialistes», assure l’épidémiologue.


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LEE ANN LAURENT-APPLEGATE Directrice de l’Unité de thérapie régénérative du CHUV

AU SECOURS DE LA PEAU

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ee Ann Laurent-Applegate a participé, en collaboration avec des ingénieurs et biologistes de l’EPFL, à l’élaboration de la seconde génération de pansements biologiques pour grands brûlés. Leur particularité: empêcher les bactéries de proliférer sur les brûlures – véritables nids pour les microbes – et ainsi réduire les décès liés aux infections. La technologie se base sur un bandage dégradable fait de collagène animal et de cellules dites «progénitrices», qui ont la capacité de se multiplier de manière importante. «J’accueille des ingénieurs et biologistes tous les jours au bloc opératoire, s’enthousiasme la directrice de

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l’Unité de thérapie régénérative du CHUV. Travailler avec des personnes issues de métiers différents est une expérience fascinante. Cela oblige à se dépasser: je n’utilise pas les mêmes mots lorsque je parle à un médecin ou à un ingénieur.» La collaboration entre praticiens et spécialistes n’est pas une nouveauté pour Lee Ann Laurent-Applegate. Arrivée en Suisse en 1989, cette biologiste de formation est née aux Etats-Unis et y a fait toutes ses études. «Outre-Atlantique, médecins et spécialistes – tels qu’ingénieurs ou biologistes – sont habitués à travailler en réseau, remarque-t-elle. A l’époque, on

n’observait par contre pas le même phénomène en Europe.» En assistant à un congrès, alors qu’elle venait d’être nommée professeur assistant au Baylor College of Medicine à Houston, elle rencontre un représentant de l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer. Elle décide alors de venir s’établir en Suisse pour neuf mois afin de travailler sur le cancer de la peau. Elle n’est plus jamais repartie.


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GRÉGOIRE COURTINE Chercheur en neuro-réhabilitation à l’EPFL

TRAITER LES TROUBLES MOTEURS

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euroscientifique de 41 ans, Grégoire Courtine dispose à la fois d’un background en physique et en médecine. Dans ses laboratoires à l’EPFL, à Lausanne, à Genève et bientôt à Sion, à la SUVA, il travaille sur les traumatismes de la moelle épinière avec une équipe pluridisciplinaire. Il y a quelques années, grâce à des agents pharmacologiques et à une stimulation électrique, celle-ci est parvenue à faire remarcher des rats paralysés. Concrètement, les chercheurs ont développé une neuro-prothèse électrochimique faisant passer le réseau neuronal de la moelle épinière de l’état de sommeil à un état fonctionnel, puis un nouveau système robotique chargé de soutenir le rat dans toutes les directions. Après plusieurs mois de travail, une restructuration de certaines connexions a pu être observée. En améliorant les algorithmes et les interfaces, l’équipe a ensuite créé un système plus sophistiqué et mis sur pied des expériences sur des primates avec des résultats prometteurs.

Une plateforme destinée aux êtres humains, permettant notamment de lire l’activité des muscles en temps réel, a aussi pu voir le jour. Les premiers essais cliniques devraient avoir lieu cette année. A terme, l’objectif consiste à développer des thérapies pouvant minimiser les troubles moteurs de patients atteints de la moelle épinière, mais aussi d’AVC ou de sclérose en plaques. Grégoire Courtine se voit comme «un chef d’orchestre qui permet à des gens parlant des vocabulaires différents de se comprendre». Dans cette optique, il recommande vivement de s’inspirer de la proximité géographique immédiate qui lie les chercheurs et les médecins sur différents campus aux Etats-Unis, notamment à Harvard ou à l’Université de Californie (UCLA). Il ressent d’ailleurs personnellement au quotidien «l’éclatement» en cours à Lausanne, EPFL et CHUV n’étant pas basés sur les mêmes sites. «Il faudrait davantage amener la recherche dans les hôpitaux», dit-il. VOIR CONFÉRENCE TED DE GRÉGOIRE COURTINE SUR WWW.INVIVOMAGAZINE.COM

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PATRICE JICHLINSKI Chef du Service d’urologie du CHUV

L’UROLOGIE HIGH-TECH

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’est en 1994 que l’urologue Patrice Jichlinski a collaboré pour la première fois avec des chercheurs de l’EPFL. Il travaillait alors sur l’utilisation des lasers pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate dans le cadre d’une étude réunissant l’école polytechnique ainsi que les services d’urologie du CHUV et des HUG. A cette occasion, l’EPFL a soutenu et renforcé les connaissances sur les interactions laser-tissu – sur le plan technique et fondamental – au sein des équipes d’urologie des deux hôpitaux universitaires. Depuis lors, le chef du Service d’urologie du CHUV n’a cessé de s’intéresser au mariage entre chercheurs et praticiens. «Déjà dans les années 1990, l’hôpital encourageait les employés à collaborer avec les réseaux de recherche existants», se souvient-il. Il a par la suite développé, toujours de concert avec des chercheurs de l’EPFL, une technique de fluorescence pour la détection des cancers de la vessie. Ce produit fait aujourd’hui l’objet d’un brevet. Egalement chef du Département des Services de chirurgie et d’anesthésiologie depuis 2012, Patrice Jichlinski a effectué toutes ses études à Genève. Il continue aujourd’hui de travailler main dans la main avec des chercheurs, cette fois-ci du Centre for Cancer Research de l’Université de Lausanne, au sujet de l’immunothérapie du cancer de la vessie. «Leur travail est bénéfique à la médecine», assure le chirurgien. Selon lui, les outils développés par les scientifiques, notamment les ingénieurs, participent aussi à améliorer la formation médicale, car ils élargissent la palette de l’instrumentation chirurgical. Jusqu’à aujourd’hui, toutes les collaborations auxquelles il a participé ont été concluantes. «Tout repose sur la cohésion du groupe: si une personne n’est plus motivée, tout le travail jusqu’alors effectué peut s’effondrer en peu de temps.»


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BRIGITTE JOLLES-HAEBERLI Directrice du Swiss Biomotion Lab du CHUV, professeure à l’UNIL et à l’EPFL

DES PROTHÈSES INTELLIGENTES

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rigitte Jolles-Haeberli a suivi une formation d’ingénieur EPFL en microtechnique et dispose d’un diplôme et d’un Doctorat en médecine. Elle obtient à Toronto une sous-spécialisation en chirurgie de l’arthrose, puis poursuit, à Lausanne, une spécialisation en chirurgie orthopédique et en traumatologie. Aujourd’hui, en tant que chirurgienne, elle pose le matin des prothèses de hanche ou de genou sur ses patients. L’après-midi, elle se consacre à la recherche. A côté de ses fonctions de professeure à l’Université de Lausanne et à l’EPFL, elle dirige le Swiss Biomotion Lab au CHUV. Ce laboratoire d’analyse du mouvement, où travaillent médecins et ingénieurs main dans la main, se consacre aux moyens de repousser et e mieux traiter l’arthrose. Pour ce faire, diverses techniques de pointe sont utilisées, notamment en termes de réalité virtuelle, dans l’optique de changer les axes d’appuis des gens pour soulager leurs douleurs arthrosiques.

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Brigitte Jolles-Haeberli – avec Julien Favre, Charles Baur et Simon Henein – travaille sur une semelle plantaire sur mesure permettant de changer les axes de force sur les articulations et pouvant se modifier automatiquement au fil du temps. La scientifique travaille également sur une autre innovation qui sera prochainement commercialisée: une prothèse de genou «intelligente». Munie de capteurs, celle-ci peut fournir des informations non connues actuellement au médecin, depuis l’intérieur du genou. A terme, la même technique pourrait être utilisée pour les hanches ou les épaules. «Lier les savoirs techniques et médicaux permet de rendre imaginable ce qui ne l’était pas au départ», souligne la chirurgienne, en ajoutant qu’à côté de ces deux compétences, il ne faut pas en oublier une troisième: la biologie, qui va permettre d’accroître encore prochainement les connaissances à une échelle plus petite.


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IOANNIS XENARIOS Directeur de l’Institut suisse de bioinformatique

SOIGNER DEPUIS SON CLAVIER

A

près un doctorat à l’Institut de biochimie et à l’Institut Ludwig (LICR) de l’Université de Lausanne, Ioannis Xenarios, 48 ans, a fait un post-doctorat en bio-informatique aux Etats-Unis à l’Université de Californie (UCLA). Il a pu établir la première base de connaissance sur les interconnexions entre protéines, une base de données devenue par la suite un standard international. Il a ensuite travaillé sept ans chez Merck Serono au développement de divers algorithmes en génomique et en protéomique. Aujourd’hui, il dirige entre Lausanne et Genève pour le compte de l’Institut suisse de bioinformatique (SIB) deux

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groupes (Vital-IT et Swiss-Prot) réunissant plus de 120 professionnels aux profils variés. On trouve aussi bien des bio-informaticiens que des médecins, des ingénieurs, des physiciens, des spécialistes du génome ou des mathématiciens. «Nous essayons de réunir les bonnes compétences pour rendre nos projets réalisables», dit-il. Parmi les résultats des recherches des deux groupes, on peut mentionner un test prénatal sans amniocentèse réalisé directement à partir du sang de la maman. Ce produit est aujourd’hui utilisé en Suisse et reconnu par la LAMal. Les différentes bases de données mises au point par les équipes

de Ioannis Xenarios ont une portée aussi bien locale qu’internationale – UniProtKB/Swiss-Prot, la base de données mondiale contenant la connaissance de toutes les protéines, est par exemple utilisée chaque mois par plus de 500’000 personnes à travers le monde. Au-delà de la supervision de différentes recherches, Ioannis Xenarios participe également à diverses collaborations avec l’industrie et avec le secteur académique. Depuis deux ans, il travaille avec le CHUV à la mise en place d’outils permettant d’analyser les variations génétiques au sein de la population. Le projet a notamment permis de former directement les médecins aux techniques de la bio-informatique.


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RETO MEULI Chef du Département de radiologie médicale du CHUV

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L’IMAGERIE EN MOUVEMENT

pécialiste en imagerie par résonance magnétique (IRM), Reto Meuli, 60 ans, dispose à la fois d’un diplôme d’ingénieur physicien et de médecin. Durant les années 1980, alors basé aux Etats-Unis, il assiste à l’émergence de cette technologie qui permet d’obtenir des vues de l’intérieur du corps humain. «Grâce aux progrès de l’informatique, les techniques de résonance magnétique ont connu un essor important entre les années 1980 et le début des années 2000, explique-t-il. Désormais, ce domaine se heurte à certaines limites physiques. Par exemple, en matière d’informatique, il n’est pas demandeur d’une puissance de calcul supplémentaire. Aujourd’hui, l’un des principaux enjeux se situe dans l’imagerie fonctionnelle, qui permet de mesurer la fonction d’un organe.» Une méthode qui permet donc de voir le cerveau travailler, le cœur battre ou observer l’effet d’un médicament sur un individu. Pour Reto Meuli, cela ne fait aucun doute: «Dans les années à venir, l’imagerie aura un rôle de plus en plus important à jouer dans la médecine personnalisée.» Grâce à son parcours et sa double formation, le médecin parvient à faire le lien entre les besoins des patients du CHUV et les trouvailles des ingénieurs de l’EPFL, qui travaillent par exemple au Centre d’imagerie biomédicale (CIBM). «Mon rôle est de comprendre et de formuler ces besoins afin d’obtenir des applications concrètes bénéficiant directement aux malades.» Pour le scientifique, il est important de travailler en suivant les philosophies propres à ces deux mondes. Il rappelle, en outre, qu’il est crucial de laisser une certaine spontanéité aux chercheurs, ceci en tenant évidement compte des contraintes économiques importantes qui existent dans ce domaine. 28

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OLIVIER MICHIELIN Médecin au Département d’oncologie du CHUV et chef de groupe à l’Institut suisse de bioinformatique

LA BIO-INFORMATIQUE AU SERVICE DE L’ONCOLOGIE

A

près ses études en physique à l’EPFL, Olivier Michielin, 47 ans, a suivi une formation complète de médecin. Il a également fait une thèse PhD entre Harvard et Strasbourg sous la supervision de Martin Karplus, prix Nobel de chimie en 2013. Ensemble, les deux hommes ont développé des techniques de simulation permettant de comprendre comment les lymphocytes reconnaissent les tumeurs. Par la suite, Olivier Michielin a poursuivi ses recherches dans cette voie avec son équipe à Lausanne. «Nous sommes allés au-delà de la compréhension des mécanismes de reconnaissance et avons pu modifier le récepteur des lymphocytes afin de les rendre plus performants pour reconnaître les tumeurs.» Ces «super lymphocytes» ont d’ores et déjà démontré leur efficacité sur les souris. Des essais cliniques sont

prévus dès 2017 au CHUV sur des patients atteints de mélanome. Une étude qui pourrait ouvrir la porte à de nouveaux traitements pour d’autres cancers. A côté de son travail de médecin, qui représente l’essentiel de son activité au sein du Service d’oncologie du CHUV et de ses travaux de recherche qui le placent à mi-chemin entre la médecine et l’ingénierie moléculaire, Olivier Michielin est également chef de groupe à l’Institut suisse de bioinformatique (SIB) à Lausanne. «Nous essayons d’amener la bio-informatique dans l’oncologie, dit-il. Nous n’en sommes qu’au début, mais c’est là que se trouve l’un des enjeux pour le futur de notre discipline. Cela permettra par exemple de gérer au mieux des grandes masses de données pour le bien du patient.» (lire p. 38).


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ALAIN FARRON Chef du Service d’orthopédie et traumatologie du CHUV

L’IMPRESSION 3D EN CHIRURGIE

«I

l y a quelques décennies, les chirurgiens orthopédistes préparaient les os pratiquement à l’œil nu pour pouvoir ensuite placer une prothèse, indique Alain Farron. Mais afin de suivre les progrès de la médecine, il a fallu trouver des moyens techniques pour tailler les os de façon plus précise.» Dans le cadre d’une collaboration avec l’EPFL et l’industrie privée, l’équipe du chef de Service d’orthopédie et traumatologie du CHUV a participé au développement de nouveaux outils le permettant: l’impression 3D et la chirurgie assistée par ordinateur. «L’association entre ingénieurs et chirurgiens orthopédistes est plus

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que nécessaire, confie Alain Farron. Nous avons autant besoin d’eux qu’ils ont besoin de nous.» Le médecin travaille en contact direct avec ces spécialistes. Ensemble, ils développent et impriment en 3D des instruments adaptés à chaque patient qui permettent de positionner les prothèses de manière optimale. Après avoir accompli ses études de médecine à l’Université de Lausanne en 1984 et sa formation post-graduée au CHUV ainsi qu’à l’Hôpital cantonal de Fribourg, Alain Farron part en 1996 travailler quelque temps à Philadelphie. C’est suite à ce voyage qu’il développe la collaboration avec les

ingénieurs de l’EPFL. «Le contact entre les deux mondes peut être difficile au début, explique-t-il. Mais après des années passées à travailler ensemble, nous avons défini un langage commun.» Selon le médecin, les contacts entre ingénieurs et chirurgiens orthopédistes ne pourront que s’intensifier à l’avenir. Il cite en exemple le nouveau Balgrist Campus de Zurich, où les ingénieurs développent des outils que les chirurgiens utilisent le lendemain.


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«Nous nous sommes rencontrés au début des années 1990. Nous discutions déjà du potentiel que la médecine pouvait tirer d’une collaboration plus étroite avec le monde de l’ingénierie.» PATRICK AEBISCHER ET PIERRE-FRANÇOIS LEYVRAZ

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INTERVIEW

PATRICK AEBISCHER ET PIERRE-FRANÇOIS LEYVRAZ Entre anecdotes,

progrès fulgurants et bouleversements à venir, les directeurs de l’EPFL et du CHUV ont accepté de nous livrer les raisons qui les ont amenés à faire collaborer étroitement les deux institutions.

PROPOS RECUEILLIS: BERTRAND TAPPY PHOTO: ERIC DÉROZE

«On ne parlera plus d’être malade ou sain, mais bien de gérer sa santé» venu me voir pour me parler de la création Le soleil brille enfin sur le campus de l’Ecole polytechnique, de son labo de biomécanique à l’EPFL, et de après s’être fait désirer de longues semaines. Mais à l’EPFL, tout le potentiel que la médecine pouvait tipeu de personnes se prélassent: pendant que les étudiants rer d’une collaboration plus étroite avec le sont cloués sur leurs chaises pour réviser une dernière fois monde de l’ingénierie.» leurs examens, le personnel administratif et le corps enseignant s’attellent à la montagne de paperasse qui accomUne intuition que le Docteur Leyvraz d’alors pagne la fin d’une année académique. avait eue loin du Centre hospitalier universitaire vaudois. A des milliers de kilomètres même, au Nous avons rendez-vous dans le bâtiment CE qui abrite centre de New York: «Quand j’ai vu le premier la direction, où Patrick Aebischer nous accueille en Macintosh en vente chez Macy’s au début des ancompagnie du directeur du CHUV, Pierre-François nées 1980, j’ai réalisé que la technologie pouvait déLeyvraz. Dès les premiers instants, la complicité qui sormais transformer la médecine, que nous allions lie les deux hommes saute aux yeux. Ils se passer d’une vision statique au dynamique. En renconnaissent depuis plus de vingt ans et partagent la trant en Suisse, je suis tout de suite allé voir mon chef même vision – et les mêmes interrogations – de service: je voulais rencontrer les professeurs de concernant les bouleversements qui secouent le l’Ecole polytechnique pour concrétiser cette idée. C’était monde de la santé. Une complicité forgée dès totalement nouveau, et j’ai eu la chance d’avoir un supéleur première rencontre: «Je m’en souviens rieur qui s’est laissé convaincre et m’a donné carte blanche. parfaitement, raconte Patrick Aebischer. Concrètement, il m’a dit ‘Débrouille-toi’, sourit le directeur C’était au début des années 1990, je rentrais du CHUV. J’ai dû convaincre des gens, et surtout trouver un tout juste des Etats-Unis. Pierre-François est

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ler, affirme Pierre-François Leyvraz. Cette ouverture est vitale pour notre centre universitaire. Mais il est clair que pour un radiologue ou un orthopédiste qui souhaiterait faire de la recherche, le double profil est nécessaire. Les Prof. Meuli et Jolles (voir p. 24 et 28) en sont les preuves vivantes. Mais ces profils sont exceptionnels, notre mission consiste simplement à favoriser les mouvements dans ce nouveau contexte. Car encore une fois, on ne parle que de 10 à 15% du corps médical. Nous aurons toujours besoin de praticiens. Mais même eux devront se familiariser avec les nouveaux outils. Pas besoin de connaître comment cela fonctionne, mais juste de savoir comment ça marche!»

langage commun avec les ingénieurs, qui n’ont pas été emballés par mon idée, jusqu’à ce que je leur donne un exemple pratique de défi à relever avec les prothèses de genou.»

IL Y A PLUS DE 30 ANS, VOIR UN MÉDECIN DESCENDRE DE LA COLLINE DU BUGNON POUR SE RENDRE DANS UNE AUTRE ÉCOLE QUE CELLE DE MÉDECINE ÉTAIT UN SPECTACLE RARISSIME LA FIN DU CLOISONNEMENT

Il y a un peu plus de 30 ans, voir un médecin descendre UN NOUVEAU PARADIGME de la colline du Bugnon pour se rendre dans une autre POUR LA FORMATION école que celle de Médecine était un spectacle rarissime, Intelligence artificielle, médecine personnalisée, pour ne pas dire unique. «Aujourd’hui, voir des biolorobotique... Derrière les promesses déjà mille fois gistes, des médecins et des ingénieurs qui travaillent formulées se cachent des bouleversements encore ensemble paraît d’une évidence indiscutable, embryonnaires. Qui du médecin ou de continue Patrick Aebischer. Grâce aux passel’ordinateur fera le diagnostic? Où transiBIOGRAPHIES relles que nous avons posées, la science n’est teront les données des patients? «Nous plus vue comme une série de blocs, mais Patrick n’en sommes qu’aux balbutiements, récomme un ensemble, un système, qui néces- Aebischer a pond Patrick Aebischer. La technologie site la création de plusieurs profils. C’est achevé une s’impose partout, par exemple avec la téléformation en dans cette optique que j’ai développé les médecine et en médecine dans les pays en voie de déveSciences de la vie à l’EPFL. L’idée n’est évi- neurosciences loppement.» Et le patient là-dedans? demment pas de faire concurrence à la Fa- dans les années «Quand il se retrouvera entouré de proculté de biologie et médecine. D’ailleurs la 1980 en Suisse fessionnels toujours plus spécialisés et romande. Après Biologie ne s’est pas vidée, alors que notre plusieurs années nombreux, des profils – appelons-les intésection représente la deuxième filière la plus aux Etats-Unis, grateurs – seront indispensables pour acpopulaire ici. En favorisant ce mélange, nous puis au CHUV, compagner le patient tout au long de sa favoriserons également la création de nou- il a pris ses prise en charge, et garder une vision glofonctions à la veaux projets innovants. Un ingénieur qui vit Présidence de bale des soins fournis», prédit Pierresix mois au sein d’un service clinique ne de- l’EPFL en mars François Leyvraz. Une vision partagée par viendra pas médecin, néanmoins il saisira 2000. son homologue de l’école polytechnique nettement mieux le contexte et les besoins lausannoise. «Soignants, biologistes, ingéDepuis 2008, du monde des soins.» nieurs et médecins se rapprochent. Mais Pierre-François nous n’avons pas encore défini le dénomiLeyvraz est le De là à considérer que tous les médecins directeur général nateur commun. Nous imaginons égaledoivent troquer leur stéthoscope pour des du CHUV. Il ment que les changements de carrière sea auparavant imprimantes 3D, il y a un pas que les deux été à la tête de ront plus fréquents. On ne pourra plus hommes ne veulent surtout pas franchir: l’Hôpital orthocomme maintenant laisser un docteur «L’important c’est que chacun arrive à se par- pédique de la faire son FMH puis s’en aller.» Suisse romande et chef du Service d’orthopédie et de traumatologie de l’appareil locomoteur de l’Hôpital orthopédique et du CHUV.

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INTERVIEW

vue d’ensemble… «Les cours MOOCs que nous proposons Lors de sa visite sur le campus de l’EPFL, le sont de fabuleux intégrateurs du savoir, se réjouit Patrick CEO de Google Eric Schmidt ne cachait pas Aebischer. Mais pour que l’étudiant s’y retrouve, il sera essenles ambitions du géant de l’informatique dans tiel d’imaginer de nouveaux profils d’enseignants qui lui perle domaine de la santé. Des moyens colossaux mettent de reconstruire l’image dans sa globalité…» qui permettent à la technologie d’avancer bien plus vite que la réflexion des pouvoirs publics. Pour Pierre-François Leyvraz et Patrick Aebischer, le temps presse. «Demain, on ne pourra probablement plus soigner un cancer sans la génomique, continue PierreFrançois Leyvraz. La technique continue à avancer plus vite que les mentalités. Comment imaginer aujourd’hui les bouleversements sociaux, juridiques ou encore éthiques lorsque notre capacité à lire le génome transformera 750’000 Vaudois en 750’000 malades en attente? Où il sera – PATRICK AEBISCHER peut-être possible de rendre visite à ses arrière-arAu moment de conclure l’entretien, nous avons logirière grands-parents, à la retraite depuis soixante quement demandé aux deux professeurs quel serait ans et toujours rentiers? On ne parlera plus d’être leur choix de cursus s’ils devaient entamer leurs études malade ou sain, mais bien de gérer sa santé.» en 2016: «Je deviendrais organiste, une passion que j’ai depuis tout petit, plaisante tout d’abord le direc«IL FAUDRA TOUJOURS DES MAÎTRES» teur du CHUV. En fait, je n’ai su que lors de mon Ce monde aux contours encore flous, les scientipremier stage que je voulais devenir médecin. Aufiques ne l’esquissent que depuis quelques années jourd’hui, je ferais donc le même choix, mais en acdurant lesquelles la médecine a connu plus de bouquérant une base plus solide en biologie.» Quant à leversements que durant les siècles précédents. DePatrick Aebischer, le choix est clair: «Je serais étuvant cette accélération, il convient toutefois de ne pas diant à l’EPFL en Sciences de la vie pour aborder la céder à la tentation de revoir complètement la mamédecine via l’angle de la technologie; j’ai eu la nière de former les médecins. «Que ce soit clair: la révélation sur le tard! Toutefois, je dois avouer que technologie ne sera jamais la voie royale pour la meilmon expérience en tant que méleure des carrières, avertit Pierredecin est irremplaçable: avoir François Leyvraz. J’ai toujours HEALTH VALLEY autant de responsabilités tous les lutté pour que les cliniciens aient Pour les deux hommes, l’Arc lémajours, sans jamais pouvoir se repoaussi la possibilité de devenir pro- nique ne doit pas se voir plus grande ser sur ses lauriers fut la meilleure fesseurs, car il est important de ne que le bœuf. «Nous ne pourrons pas école de management que l’on pas se disperser. Le chirurgien être les plus forts en tout, continue puisse imaginer!» Plus que jadoit d’abord rester un chirurgien. Patrick Aebischer. Contrairement à des géants comme Harvard, qui mais, l’humilité demeure donc la Et pour qu’il apprenne son travail peuvent investir large, nous devons valeur la plus sûre pour l’avenir de de la meilleure des manières, il nous focaliser sur nos points forts. la médecine. ⁄ faut – et il faudra toujours – des Heureusement, nous avons la chance maîtres, comme l’était César Roux de concentrer les forces en Biologie, à son époque.» Médecine et Technologie dans un tout petit rayon, comme à Zurich.» Et puis, au fil de la discussion, les mêmes mots reviennent: organi- Pierre-François Leyvraz voit égalesation en systèmes, besoin d’une ment l’avenir avec optimisme: «Je suis soufflé par le changement de mentalité qui s’est opéré dans la région en une trentaine d’années. L’Arc lémanique s’est découvert un potentiel et une fierté. Ce qui a permis d’amener de nouveaux cerveaux. Si on ajoute la stabilité politique et les nombreux investisseurs, ce biotope est des plus favorables!»

«UN INGÉNIEUR QUI VIT SIX MOIS AU SEIN D’UN SERVICE CLINIQUE (...) SAISIRA NETTEMENT MIEUX LES BESOINS DU MONDE DES SOINS.»

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D u lab o du cherche ur a u breve t TEXTE YANN BERNARDINELLI

L

es institutions universitaires sont le bassin des plus grandes découvertes. Celles-ci donnent parfois lieu à des avancées technologiques révolutionnaires pouvant améliorer le sort de millions de personnes, comme la pénicilline. En outre, certaines de ces trouvailles peuvent devenir extrêmement lucratives. Les académiciens sont donc les mieux placés pour générer des

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PHILIPPE GÉTAZ

Pour transformer une idée en produit disponible sur le marché, chercheurs et cliniciens doivent s’assurer de suivre une procédure stricte, notamment pour protéger leur invention. Voici comment.

DE L’IDÉE AU RACHAT: L’HISTOIRE DE FLOWATCH

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E xpe rtise Pendant les années 1990, le laboratoire de Nikolaos Stergiopulos (en photo) s’intéresse à une maladie cardiaque congénitale: la malformation septale. Comme la paroi qui sépare les deux ventricules n’est pas refermée, les bébés naissent avec un trou dans le cœur qui empêche la circulation du sang dans l’organisme et augmente la pression pulmonaire.

produits novateurs. Pourtant, peu réussissent. Il y a de multiples raisons à ce paradoxe, mais la principale réside dans le fait qu’une trouvaille ne constitue pas une invention: de sinueuses étapes séparent la pénicilline, découverte par Louis Pasteur en 1877, des premiers usages cliniques suite à sa purification et synthèse par Howard Florey soixante ans plus tard. DE L’IDÉE AU PRODUIT

Une découverte reste l’étape incontournable de l’élaboration d’un produit, mais également la plus problématique. Sylvain Lengacher, responsable du transfert de technologie au pôle de recherche NCCR-Synapsy, constate que «les chercheurs se


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UNITED ARCHIVES TOPFOTO

En l’absence de brevet, l’attribution de la découverte de la pénicilline a souvent été source de controverse. En 1952, en Pologne, l’antibiotique était distribué en masse aux familles des soldats.

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suffisent de la découverte d’un mécanisme physiologique ou d’une nouvelle molécule. Pour la plupart, le travail est fait dès que leur histoire est sous presse.» A priori, le chercheur pense connaissances et transmission du savoir, mais rarement produit. «Les chercheurs oublient souvent de protéger leurs inventions avec une demande de brevet avant la publication. Malheureusement, les publications bloquent la possibilité de déposer un brevet et signent l’arrêt définitif du transfert de technologie.»

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2.

Ide n tification Cette malformation nécessite une opération à cœur ouvert dès la naissance. A l’époque, la stratégie de traitement consistait en la pose d’une valve pour abaisser la pression, mais celle-ci n’était pas modulable. Les chirurgiens devaient réajuster l’obturation en répétant les interventions. Pour le laboratoire de l’EPFL, c’était une limitation clinique à combler.

Publier est toutefois vital pour les chercheurs sous peine de voir leurs financements coupés et leurs carrières stoppées. Pourtant, comme le rappelle Adam Swetloff de l’Office du transfert de technologie (TTO) de l’EPFL, « l’innovation est inscrite dans les missions de l’EPFL». La loi sur les hospices du CHUV, quant à elle, mentionne dispenser des prestations dans le domaine du transfert technologique. Pour aider leurs chercheurs et médecins à passer de l’idée au produit, les institutions se sont dotées de bureaux spécialisés, le PACTT à l’UNIL-CHUV et le TTO à l’EPFL. Il est pourtant possible de concilier valorisation et recherche, à l’image du laboratoire de Nikolaos Stergiopulos, professeur ordinaire à l’EPFL. Il a fait du transfert technologique une priorité et divisé son laboratoire en deux parties: une dédiée à la recherche fondamentale et l’autre à la recherche appliquée. «Une des start-up issues de notre laboratoire est née d’une thèse de doctorat. Nous avons simplement retardé les publications

et gardé l’idée au laboratoire plus longtemps.» Toutefois, toutes les disciplines ne sont pas égales face à l’innovation. «Pour breveter une invention liée à la biologie, il faut un apport technique et l’identification d’une application concrète pour l’industrie, selon la loi européenne», précise Adam Swetloff.

Sylvain Lengacher ajoute qu’«un dispositif médical (prothèse, appareil, équipement, instrument ou logiciel) sera plus rapide à amener sur le marché qu’un médicament qui nécessite des essais cliniques beaucoup plus longs». Un biologiste fondamental est donc a priori dans une situation moins favorable qu’un ingénieur médical. BREVETER PUIS VALORISER

Une fois l’invention développée en laboratoire, les chercheurs doivent contacter les bureaux de transfert de technologie. «Cette étape est obligatoire non seulement parce que les institutions possèdent les propriétés intellectuelles, mais aussi, et surtout, parce que dans beaucoup de domaines un développement vers un produit commercial est possible, mais uniquement s’il existe une protection juridique adéquate», précise Stefan Kohler, directeur du PACTT. D’abord, les offices Tr a n s fer t de transfert déterminent la nouveauté et l’inventivité, en En créant la start-up d’autres termes la brevetabilité. EndoArt SA en 1998, Puis, «s’il y a un impact Nikolaos Stergiopulos et son équipe développent financier potentiel ou un une bride implantable bénéfice sociétal évident, le autour de l’artère pulPACTT dépose un titre de monaire. La position de propriété intellectuelle». serrage est ajustable à

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distance et hors chirurgie grâce à un système électromagnétique. Plus besoin de multiples opérations: les temps d’hospitalisation et les décès sont réduits, la technologie Flowatch est née.

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4.

précise Sylvain Lengacher. A Il faut, dès lors, valoriser ce stade, il est donc essentiel les brevets pour éviter qu’ils de trouver des investisseurs ne remplissent inutilement R é o r i en ta ti o n pour obtenir un capital-risque les armoires des universités, (venture-capital). Compte indique Sylvain Lengacher. Le marché européen tenu des sommes injectées, Pour ce faire, deux solutions: ne comptant que 1’000 ils deviennent majoritaires créer une start-up ou octroyer implants potentiels au sein de la compagnie et si des licences aux industriels. par année, la start-up l’aventure se poursuit, il y a de «Le rôle du PACTT est cherche de nouvelles fortes chances que la start-up déterminant dans le processus applications pour assurer son dévelopsoit rachetée. «Lors d’offres de de dialogue avec les entrepement. A l’époque, le grands groupes, il est difficile prises», indique Stefan Kohler. cerclage gastrique pour d’éviter le scénario du rachat Ce processus se fait souvent l’obésité morbide est dès que nous ne sommes plus dès le dépôt d’une demande très courant et nécessite les propriétaires de l’entrede brevet pour évaluer l’intérêt des perfectionnements. prise. Personnellement, je du marché. Le PACTT négocie Endoart crée Easyband, un cerclage gastrique trouve au contraire idéal de alors les licences avec les ajustable s’inspirant de la pouvoir garder une société partenaires industriels et technologie de Flowatch. et de la faire croître», confie s’assure que le cadre légal est Nikolaos Stergiopulos. respecté. «Le retour financier ne doit pas être le but principal. Pour le Octrois de licences, collaboration avec PACTT, l’image de l’institution et les droits les entreprises ou rachat de start-up, des chercheurs priment sur les revenus les retours nets par valorisations sont lors des négociations.» Les licences sont partagés comme suit: «10% pour le généralement proposées aux chercheurs PACTT, 30% pour l’UNIL-CHUV, désireux de développer eux-mêmes leurs 30% pour le laboratoire de recherche technologies dans le cadre d’une start-up, «uniquement si leur ambition est accompa- et 30% pour les inventeurs», précise Stefan Kohler. Dans un monde idéal, gnée d’un plan d’affaires crédible et d’une les retours devraient servir à alimenter perspective de financement». les institutions qui pourraient ainsi soutenir la recherche, et la boucle serait LE SOMMET DE L’ICEBERG bouclée. Adam Swetloff précise toutefois Pour les start-up, l’étape d’après consiste que «les retours financiers ne couvrent à obtenir une autorisation de mise sur le pas la totalité du budget de recherche marché, ce qui peut impliquer d’une institution». de coûteux essais cliniques selon le type de produit. Afin Finalement, le vrai bénéficiaire du transfert de les aider financièrement, Rachat de technologie semble donc être la société, de nombreux outils et bourses qui peut ainsi profiter d’un nouveau produit existent au niveau local La société décroche – traitement ou appareil médical – et de la et national. Si ces jeunes 38 millions de venturecréation de nouveaux emplois. ⁄ entreprises y parviennent, capital et compte jusqu’à 27 employés. En 2007, la les montants dépensés compagnie californienne jusque-là ne représenteront Allergan la rachète pour que le sommet de l’iceberg, 120 millions. Allergan «soit seulement 10% du coût revendra Flowatch dans des futures études cliniques», la foulée avant que

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l’entreprise ne soit abandonnée en 2012, faute de marchés.

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TENDANCE

BIG DATA:

COMMENT PARTAGER LES DONNÉES EN TOUTE CONFIANCE TEXTE: SAMUEL SOCQUET ILLUSTRATION: FLORE KUNST

Une quantité massive de données relatives à la santé des patients est stockée dans les hôpitaux. Avec l’aide de l’EPFL, le CHUV apprend à en tirer profit tout en les protégeant.

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«Le

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TENDANCE

«Big data» a le potentiel de faire de la médecine une science plus exacte», pouvait-on lire en 2015 dans le bulletin de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM). La question des données massives est au cœur de la médecine personnalisée (lire p. 41). Un jour, ces informations numériques permettront certainement de proposer des thérapies extrêmement ciblées. «En tant que tel, ces données n’ont qu’une valeur très limitée, avertit pourtant Vincent Mooser, chef du Service de biomédecine et du Département des laboratoires du CHUV et responsable de la Biobanque institutionnelle de Lausanne (BIL). Ce n’est qu’à partir du moment où nous avons la capacité de convertir les données brutes en informations, puis en connaissances, qu’elles deviennent utiles. Pour cela, il faut notamment des outils de «text mining» (extraction de connaissances) pour analyser les dossiers médicaux, mais aussi des outils bio-informatiques pour déterminer quelles variations du génome font cliniquement sens... Complexité supplémentaire, ces outils doivent être en mesure de travailler sur des cohortes de millions d’individus afin d’isoler un profil biologique particulier.» D’où provient cette masse de données qui composent le Big data? Elles sont issues de la clinique, des analyses (génétiques par exemple) et de la recherche, d’où leur très grande hétérogénéité. Un des défis majeurs est donc leur interopérabilité: il s’agit par exemple de faire en sorte que les hôpitaux de Genève (HUG) et de Lausanne (CHUV) puissent mettre leurs données en commun. Or en la matière, tout reste à faire, constate Christian Lovis, chef du Service des sciences de l’information médicale des HUG. «Prenez une donnée très simple

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Scala, un langage Big data «made in Switzerland» Un centre consacré au développement du langage de programmation Scala vient d’être fondé au sein de l’EPFL. Créé en 2004 par Martin Odersky, professeur au sein de l’école, cet outil a déjà convaincu plus de 500’000 utilisateurs dans le monde, notamment Twitter, IBM, The Swiss Stock Exchange, le New York Times... Langage libre et open source, Scala est facilement maniable et peut se greffer sur des systèmes existants. Il a aussi la particularité de pouvoir s’adapter à des projets de grande ampleur, ce qui le rend particulièrement intéressant pour le domaine du Big data.

comme le poids d’un patient. Il en existe de toutes sortes: poids à la naissance, avant traitement, après dialyse, à sec, etc. Aujourd’hui, on n’est pas capables d’unifier de manière automatique les poids des patients dans les hôpitaux en Suisse, faute de formats de données similaires.» Sur le plan national, un pas sera franchi en 2017 dans le traitement des informations médicales, avec la Loi fédérale sur le dossier électronique du patient. Mais le défi est planétaire, car les équipes devront pouvoir accéder aux données du monde entier, par exemple pour trouver un cas de mutation génétique rare qui a déjà été traité ailleurs. Une autre partie des données est fournie par les citoyens. «Le mouvement du quantified self («mesure de soi») est une lame de fond qui ne va pas s’arrêter, estime Jean-Pierre Hubaux, du Laboratoire pour les communications informatiques et leurs applications de l’EPFL. Aujourd’hui, des bracelets mesurent votre activité physique, vos dépenses caloriques, votre sommeil, puis envoient les données sur votre smartphone. Demain, la tentation sera grande de connecter nos smartphones aux capteurs que l’on portera sur ou dans le corps (pacemaker, pompe à insuline, appareils auditifs, etc.). A terme, les chercheurs utiliseront le smartphone pour recueillir les données des cohortes épidémiologiques, par exemple pour mesurer l’impact de l’exposition à certains polluants.» PROTÉGER LES DONNÉES

Le secret médical est à la base de la relation de confiance avec le médecin. Or, les données du Big data n’ont de sens que si elles peuvent être partagées avec les chercheurs du monde entier... Comment faire pour protéger l’anonymat du patient? Jusqu’à présent, on utilise avant tout le codage des échantillons médicaux.


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TENDANCE

Jean-Pierre Hubaux a été mandaté pour concevoir avec ses équipes les systèmes de protection de la BIL, la biobanque du CHUV. Le chercheur souligne que «protéger les données médicales est une question très complexe. Le cryptage des données (en transit ou stockées), notamment utilisé dans la finance, est efficace mais il n’existe pas de système sûr à long terme, car les ordinateurs seront toujours plus puissants. Si des données, encryptées en 2016, sont volées ou copiées, il sera plus facile d’en casser le chiffrement en 2036. Face à cette incertitude, plusieurs groupes de recherche, y compris le nôtre, se sont attaqués à ce problème épineux. Une autre technique, le traitement statistique, consiste à bruiter les données pour empêcher leur ré-identification, mais il y a de fortes réticences, car on perd en précision.» Nicolas Rosat, responsable du domaine Recherche & IT au sein de la Direction des systèmes d’information (DSI) du CHUV, travaille également sur la partie informatique de la BIL. En termes de sécurité des données, il évalue les solutions que proposent Jean-Pierre Hubaux et son équipe. Il souligne qu’au sein de la DSI, la protection des données est appréhendée de manière globale, selon une méthodologie de gestion de risques et d’analyse des menaces. «Le cryptage n’est qu’un moyen parmi d’autres pour protéger nos données, qu’elles soient biologiques ou non. En fonction de la menace, nous utilisons toutes les techniques disponibles: le masquage, le codage de l’identité, le contrôle de la divulgation statistique (indiquer par exemple une tranche d’âge plutôt que l’âge exact), etc. Les interconnexions de plus en plus grandes entre les réseaux créent de nouvelles menaces extérieures. Nous nous y préparons en accompagnant le CHUV vers l’informatique de demain.» ⁄

INTERVIEW «IL NOUS FAUT DES DONNÉES INTERPRÉTABLES» Pour Christian Lovis, l’enjeu réside dans la capacité à extraire du sens de ce déluge d’informations numériques. En matière de Big data, le secteur public est souvent accusé d’être en retard sur le privé… cl C’est largement erroné! Pour ce qui est des données en tant que telles, et du codage de la sémantique de ces données (c’est-à-dire leur interprétabilité), le secteur public a même une avance certaine sur le privé. En Suisse, les hôpitaux publics sont largement informatisés. Or, si vous n’avez pas les données, vous ne pouvez pas faire avancer la recherche. Certaines sociétés privées vendent des programmes présentés comme des outils de Big data, mais en réalité ce sont surtout des outils de traitement de données traditionnels adaptés aux grands volumes. iv

Le volume des données définit-il le Big data? C’est ce que certains veulent nous faire croire. Mais lorsque j’étais en poste aux Etats-Unis, il y a près de 20 ans, la base de données des vétérans de l’US Army sur laquelle je travaillais comptait déjà 40 millions de dossiers patients et personne ne parlait de Big data. On sait depuis longtemps stocker des masses de données, il suffit de mettre les financements nécessaires. Le vrai défi n’est pas tant le stockage que l’interprétabilité des données, et donc la sémantique et l’interopérabilité. Quel sens est-on capable d’extraire de ces données pour répondre à des questions? Par exemple, proposer au citoyen des moyens préventifs et thérapeutiques adaptés à son cas. iv

cl

Que manque-t-il aux chercheurs pour pouvoir interpréter les données du Big data? cl Beaucoup de choses! Outre les problèmes d’interopérabilité et de sémantiques dans des sources hétérogènes, il faut développer la capacité des systèmes à représenter les contextes et supporter, à l’avenir, des questions que l’on ne se pose pas encore aujourd’hui. Et également trouver le moyen d’ajouter une donnée à d’immenses bases sans avoir à tout recalculer: c’est l’analyse incrémentale; ou encore traiter des données dans des bases séparées: l’analyse distribuée; ce sont deux types d’analyse pour lesquels nous sommes assez démunis. La résolution de ces questions représente une opportunité immense pour la recherche. iv

CHRISTIAN LOVIS EST MÉDECIN-CHEF DU SERVICE DES SCIENCES DE L’INFORMATION MÉDICALE DES HUG ET PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION EUROPÉENNE D’INFORMATIQUE MÉDICALE.

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INNOVATION

L’UNION FAIT LA MÉDECINE PERSONNALISÉE

TEXTE: SAMUEL SOCQUET ILLUSTRATION: JOËLLE FLUMET

Cinq institutions de l’Arc lémanique ont lancé un vaste programme de coopération scientifique baptisé Health 2030. Objectif: réunir forces et compétences pour mettre sur pied la médecine de demain.

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«C’est un projet qui réunit 2,5 millions de chercheurs.» C’est ainsi que Didier Trono, professeur au laboratoire de virologie et génétique de l’EPFL, se plaît à décrire la nouvelle initiative lémanique baptisée «Health 2030». «Des scientifiques, mais aussi tous les citoyens de Suisse occidentale sont impliqués.» Ensemble, ils contribueront au développement de la médecine personnalisée. Cette approche, aussi appelée «médecine de précision», vise à établir des traitements qui tendent au «surmesure» pour chaque patient. Elle accorde aussi une place essentielle à la prévention, par l’identification des risques de maladies à des stades précoces. «La médecine personnalisée implique des moyens considérables et des compétences multiples. Elle ne peut s’envisager qu’au niveau régional, voire national», explique Philippe Moreillon, vice-doyen de l’Université de Lausanne, et membre du trio de coordination de «Health 2030», aux côtés de Didier Trono et Denis Hochstrasser, vice-recteur de l’Université de Genève. Ce projet a été initié en 2015 par l’UNIL, l’UNIGE, l’EPFL, le CHUV et les HUG. La coopération, élargie cette année à Berne, est qualifiée par Philippe Moreillon de «remarquable». «C’est l’un des rares projets où l’on réunit toutes les compétences de Suisse occidentale.» RÉUNIR LES MEILLEURS EXPERTS

L’objectif: regrouper les moyens financiers et développer les savoir-

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INNOVATION

faire qui permettront de créer des outils performants pour développer une médecine personnalisée de qualité. Les meilleurs experts du génome seront ainsi regroupés dans un centre de séquençage, localisé à Genève et conçu par les HUG et l’EPFL, où seront envoyés les échantillons d’ADN de toute la région – voire au-delà.

Denis Hochstrasser rappelle que la santé personnalisée ne se limite pas à la génétique: «Il est vrai que ce mouvement a été poussé par les progrès réalisés dans le séquençage du génome à haut débit, mais la génétique n’est qu’un des outils utilisés, aux côtés de la protéomique ou de la métabolomique (l’analyse des composés organiques présents dans une

ANALYSER DE MULTIPLES FACTEURS

Un autre centre, probablement à Zurich, réalisera la protéomique, c’est-à-dire l’analyse des protéines (car parfois deux organismes ont exactement les mêmes gènes; pour comprendre ce qui les distingue, il faut s’intéresser à l’expression des gènes, soit les protéines). A Lausanne, le CHUV dispose depuis 2013 de la Biobanque institutionnelle lausannoise (BIL), où sont déjà rassemblés les échantillons biologiques de près de 30’000 personnes, malades ou non, qui ont donné leur consentement pour une utilisation à des fins de recherche. La BIL pourra centraliser les échantillons des partenaires et, une fois les budgets disponibles, ces dizaines de milliers d’ADN pourront être séquencés. Quant à l’UNIL, elle prendra en charge les questions épidémiologiques et éthiques. «Les sciences sociales ont une place évidente, de l’anthropologie à l’éthique en passant par la psychologie, le droit ou la sociologie. Les évolutions actuelles forcent à l’interdisciplinarité, ce qui est une très bonne chose», se réjouit Philippe Moreillon.

LES CHEVILLES OUVRIÈRES DE L’INITIATIVE HEALTH 2030 1

Philippe Moreillon occupe le poste de vice-doyen à l’UNIL. Il a auparavant travaillé au CHUV comme chef de la Division des agents antimicrobiens, puis au Service des maladies infectieuses. En 2002, il a été nommé directeur de l’Institut de microbiologie fondamentale de l’UNIL.

Roberto G.

2

Vice-recteur de l’Université de Genève et chef du Département de médecine génétique et de laboratoire, Denis Hochstrasser est actuellement en charge du Campus Biotech. Il est l’un des cofondateurs de l’Institut suisse de bioinformatique et fondateur scientifique de plusieurs start-up. 3

Didier Trono est professeur au laboratoire de virologie et génétique de l’EPFL. Formé à la médecine interne et maladies infectieuses dans les années 1980, il travaille pendant plusieurs années aux Etats-Unis. De retour en Europe, il dirige la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL de 2004 à 2012.

Susanne E.

David Y.


MENS SANA

INNOVATION

cellule). Par ailleurs, la médecine de précision ambitionne d’analyser l’ensemble des facteurs qui influencent l’état de la santé d’une population, qu’ils soient génétiques mais aussi écosystémiques (microbes et toxiques) et comportementaux (hygiène, alimentation, activité physique).» Si l’on ajoute les déterminants socio-affectifs (environnement familial, profes-

sionnel...), on comprend le défi auquel sont confrontés médecins et ingénieurs dans l’interprétation de ces données massives appelées «Big data» (lire article p. 38). CANCERS ET ALLERGIES

Très concrètement, que peut attendre le patient d’un tel projet de coopération? Si l’on se cantonne à l’analyse du séquençage

de l’ADN (qui n’est, rappelons-le qu’un des aspects de la médecine personnalisée), c’est en oncologie que les applications seront les plus immédiates, indique Didier Trono. «Sur la base de la signature moléculaire de la tumeur, nous sommes d’ores et déjà capables de stratifier certaines thérapies, c’est-à-dire d’assigner un traitement préférentiel à une tumeur.

Djian W. Lukas N.

Emily D. Josianne G.

Melinda M.

Michel N.

Björn D.

Afanasy T.

Louis S.

Fatma H. Désirée F.

1 2

Ludovica E.

3

Joëlle F.

L’initiative lémanique nommée Health 2030 a été lancée par les Universités de Genève et de Lausanne, l’EPFL, les HUG et le CHUV. Didier Trono de l’EPFL, Denis Hochstrasser des HUG, et Philippe Moreillon, de l’UNIL, en sont les trois piliers.

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MENS SANA

INNOVATION

L’idée n’est plus de diagnostiquer, par exemple, un cancer du poumon, mais d’identifier les mutations d’une tumeur, qui peuvent se retrouver à l’identique dans d’autres formes de cancer. Cela permet de proposer des thérapies plus efficaces. Nous savons aussi détecter les particularités immunologiques de la tumeur, que l’on peut cibler grâce à l’immunothérapie. On est enfin capables d’identifier certains facteurs de risques génétiques, comme le montre l’histoire d’Angelina Jolie, qui a subi une ablation préventive des seins à 37 ans après avoir découvert qu’elle était porteuse du gène BRCA2 qui prédispose au cancer du sein et des ovaires.» Outre l’oncologie, l’allergologie est un domaine où le projet Health 2030 devrait être porteur, signale Philippe Moreillon: «Les allergies sont un vrai problème de santé publique. On pourra à terme élargir notre champ d’action, notamment en croisant les données du patient avec celles fournies par l’Office fédéral de l’environnement.»

A long terme, la population pourra bénéficier des informations issues de l’analyse de ces données. «Le jour où, en temps réel et sur l’ensemble de la Suisse romande, nous pourrons informer les habitants de la concentration en micro-particules ou détecter la présence d’allergènes, et que l’on recoupera ces informations avec les pathologies observées localement, nous pourrons intervenir pour supprimer les causes. Ce genre d’applications, envisageable dans le futur, relèvent d’un savoir-faire qu’il convient de développer», s’enthousiasme Didier Trono. On s’achemine donc vers un couplage clinique-recherche, dans lequel les enseignements issus de la recherche seraient appliqués à la clinique en temps quasi-réel. «Les défis sont immenses, avertit Denis Hochstrasser. Outre les questions techniques, médicales, éthiques, légales, il faudra aussi reconsidérer la formation des praticiens et adapter l’information des patients.» La révolution du système de santé aujourd’hui en place est ainsi en marche. ⁄

UN RÉSEAU DANS UN RÉSEAU Au niveau national, une initiative d’encouragement de la médecine personnalisée a aussi été créée. Baptisé Swiss Personalized Health Network (SPHN), ce réseau vise à «valoriser le potentiel de données de santé biologiques personnelles, comparables dans tout le pays, au profit de la gestion individuelle de la santé et de la maladie ainsi que de la recherche», détaille Peter Meier-Abt, président de l’Académie suisse des sciences médicales, qui assure la coordination du projet durant la phase de mise en place 2017 à 2020. Le réseau occidental Health 2030 participera au SPHN. «Pour que la Suisse puisse s’établir dans le domaine de la recherche en «Personalized Health», les efforts doivent être conjugués dans l’ensemble du pays, avec la participation de tous les partenaires y compris des institutions non médicales telles que les autorités politiques, les institutions de promotion de la recherche, les caisses maladie et l’industrie», estime Peter Meier-Abt. 44


MENS SANA

CHRONIQUE

MARCEL SALATHÉ Directeur du Digital Epidemiology Lab de l’EPFL

Ne laissons pas une situation de monopole se créer autour des données médicales Longtemps, les ordinateurs ont dominé certains domaines comme les mathématiques, mais lamentablement échoué dans d’autres où nous autres, êtres humains, excellons. Il y a encore une dizaine d’années, il était presque impossible pour un ordinateur de comparer les images de différents animaux et de les classer dans des catégories (un chat avec les chats, un chien avec les chiens, etc.), ce dont est parfaitement capable un enfant de 2 ans. Cependant, la recherche en intelligence artificielle a fait d’énormes progrès ces dernières années, si bien que les ordinateurs peuvent aujourd’hui réaliser ce type d’opérations tout aussi bien, si ce n’est mieux, que nous. Pour couronner le tout, ils sont infiniment plus rapides.

Dans le monde entier, les grandes entreprises du numérique lancent désormais des logiciels libres reposant sur l’intelligence artificielle, accélérant encore les rapides progrès dans ce domaine. L’intelligence artificielle se développe grâce aux données, et s’il est une ère qui fait la part belle aux mégadonnées, c’est bien la nôtre: individuellement et collectivement, nous recueillons des quantités de données impressionnantes sur toutes les dimensions de notre vie. De notre ADN jusqu’au nombre de pas que nous effectuons par jour, il ne coûte presque rien de collecter des données sur nous-mêmes. Et lorsque des centaines de millions de personnes s’y mettent, d’énormes quantités de données sont créées, lesquelles peuvent servir de base à l’apprentissage de l’intelligence artificielle. Mais qui les détient?

Désormais, nous pouvons développer des logiciels capables d’«apprendre» à quoi ressemble un chat. Et bien sûr, cet apprentissage ne se limite pas aux images de félins. Il peut L’intelligence artificielle est bien établie. être élargi à toutes les situations possibles et Votre moteur de recherche favori repose sur imaginables. Dans le cadre d’une récente étude, elle. La carte qui vous permet d’aller d’un point un ordinateur a, par exemple, appris à identi- A à un point B le plus rapidement possible aussi. fier les types de cancer de la peau d’après une Les marchés opèrent selon des décisions prises simple image – et en définitive, il s’est avéré par l’intelligence artificielle. Bientôt, elle sera le plus efficace qu’un dermatologue de l’hôpital fondement de nombreux diagnostics médicaux. de Stanford. Etonnamment, il est très simple Quiconque contrôle les données contrôle égalede créer un tel logiciel, notamment grâce au ment l’intelligence artificielle. Plutôt que de voir mouvement «open source». ce pouvoir concentré entre les mains d’une poignée d’acteurs commerciaux, j’espère que nous saurons créer un environnement dans lequel nous serons tous maîtres de ces nouvelles technologies – praPROFIL Marcel Salathé est profesticiens, chercheurs, entreprises et patients. Pour seur associé à l’EPFL, où ce faire, les parties prenantes doivent s’unir afin de il dirige le Digital Epidetrouver des moyens d’ouvrir les données médicales miology Lab. Il est l’auteur à la communauté au sens large. Faute de quoi notre de «Nature, in Code» et cofondateur de PlantVillage, système médical risque à l’avenir d’être dirigé par une une plateforme d’échange élite disposant d’un accès exclusif aux données. ⁄ de connaissances sur les maladies végétales.

ROEL FLEUREN

EN SAVOIR PLUS

www.natureincode.com

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AUX ORIGINES DE LA SCHIZOPHRÉNIE Les facteurs génétiques et environnementaux impliqués dans la schizophrénie sont de mieux en mieux connus. Des études conjointes entre le CHUV et l’EPFL pourraient permettre de développer de nouveaux médicaments. TEXTE: GENEVIÈVE RUIZ

D

epuis près de quinze ans, à Lausanne, des psychiatres travaillent avec des neuroscientifiques afin de mieux comprendre la schizophrénie. Cette collaboration, relativement unique au monde, a déjà permis des avancées prometteuses. «Il peut paraître logique que les neuroscientifiques et les psychiatres travaillent ensemble, explique Kim Do Cuénod, professeure au Centre de neurosciences psychiatriques du CHUV. Mais cette situation est rare. Notre collaboration nous a permis de confronter rapidement les résultats des neurosciences aux problèmes des patients.» Grâce à elle, la chercheuse a pu montrer que les symptômes de la schizophrénie étaient en lien avec le stress oxydatif. «Le système nerveux, qui pèse 2% du poids de notre corps mais consomme 25% de l’oxygène, est particulièrement IN CORPORE SANO

SCHIZOPHRÉNIE La schizophrénie est une maladie psychique en lien avec une perte de contact avec la réalité. Elle touche environ 0,7% de la population et se manifeste au début de l’âge adulte. Elle se caractérise par des idées délirantes, des hallucinations, une désorganisation de la pensée, ainsi que par une modification de la façon qu’on a d’éprouver et d’exprimer ses émotions. Contrairement à des idées reçues, la schizophrénie ne concerne pas le dédoublement de la personnalité et ne rend pas les personnes plus agressives.

vulnérable au stress oxydatif, poursuit Kim Do Cuénod. Nous avons pu observer un déficit du système antioxydant dans le cerveau des patients atteints de schizophrénie, soit par imagerie cérébrale, soit par une analyse du liquide céphalo-rachidien.» Ce travail est conduit dans le cadre d’une collaboration étroite avec le Centre d’imagerie biomédicale de l’EPFL, où sont conduites les mesures d’imagerie qui permettent entre autres d’observer la concentration d’antioxydants dans le cerveau animal et humain, ainsi que les connexions intracérébrales.

U

n des facteurs à l’origine de la schizophrénie aurait donc dans certains cas une origine génétique qui empêcherait un contrôle de l’équilibre oxydatif du cerveau. Ce qui a

des conséquences en cascade, comme, par exemple, une détérioration de la myéline, cette gaine isolante qui entoure les cellules nerveuses. Ce déficit perturbe la conductivité des fibres nerveuses et entraîne des problèmes de synchronisation entre les différentes parties du cerveau. «Cette découverte pourrait faire partie d’un profil de biomarqueurs et permettre de confirmer un diagnostic de schizophrénie, affirme Kim Do Cuénod. Actuellement, ce diagnostic est établi uniquement sur la base des symptômes cliniques.» Mais ces connaissances ouvrent surtout des pistes prometteuses pour


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ERIC DÉROZE

ACTIVITÉ CÉRÉBRALE D’UN CERVEAU SAIN (À GAUCHE) VERSUS UN CERVEAU SCHIZOPHRÈNE (À DROITE)

SCIENCE PHOTO LIBRARY

KIM DO CUÉNOD

C

de nouveaux traitements. La es traitements ouvrent chercheuse lausannoise et son également de nouvelles équipe travaillent sur un groupe voies dans la prévende 60 patients suivis dans le tion de la maladie. Service de psychiatrie générale «Nous savons maintenant que depuis 2008, parmi lesquels les causes de la schizophrénie une partie a pris un médicarésident dans un ensemble ment contre le stress oxydatif. complexe de facteurs environneLes résultats sont prometteurs: mentaux, psychiques et géné«Nous avons observé tiques, explique STRESS OXYDATIF une amélioration des Philippe Conus, chef Pour qu’une cellule capacités cognitives du Service de psychiafonctionne de façon et des symptômes trie générale du CHUV. optimale, il faut un hallucinatoires chez Si l’on pouvait détecter équilibre entre les radicaux libres et des patients définis les sujets à risque, les antioxydants. en fonction d’un nous pourrions leur On nomme cela la marqueur redox proposer un traitement balance redox. sanguin», raconte préventif, qui amélioreLorsqu’il y a un déséquilibre redox, Kim Do Cuénod. Or, rait l’équilibre oxydatif cela peut entraîner ces troubles cognitifs de leur cerveau.» Ces une situation de sont encore assez découvertes donnent stress oxydatif. Si mal traités par la prise ce stress perdure beaucoup d’espoir à sur le long terme de neuroleptiques, Philippe Conus: «La les seuls médicaments et/ou a lieu durant psychiatrie a certes fait des phases clés du donnés aux schizobeaucoup de progrès développement phrènes à l’heure dans la prise en charge cérébral (gestation ou premières années des patients schizoactuelle, qui ont de de la vie), il peut plus de nombreux phrènes et leur qualité causer des lésions effets secondaires, de vie. Avant, nous sur les membranes notamment au niveau des cellules, les avions 700 lits pour eux protéines et l’ADN. métabolique. ici à l’Hôpital de Cery CORPORE SANO

APERCU

CAUSES DE LA SCHIZOPHRÉNIE La plupart des spécialistes sont maintenant d’accord pour dire que la schizophrénie est la résultante d’une multitude de facteurs génétiques, environnementaux et psychologiques. Les recherches ont par exemple mis en évidence le gène de vulnérabilité DISC-1, dont l’altération a été détectée dans une grande famille écossaise dont de nombreux membres ont été diagnostiqués schizophrènes. Durant la grossesse, des infections comme la grippe, des carences alimentaires ou un stress psychologique sévère ont été mis en lien avec un risque accru de schizophrénie. Des mauvais traitements durant l’enfance, comme des abus psychologiques ou sexuels augmentent la prévalence de la maladie, de même que la consommation de haschisch avant l’âge de 14 ans.

et il n’en reste actuellement plus que 95. Les gens vivent soit chez eux, soit dans un foyer.» Mais pour le spécialiste, ces résultats, obtenus grâce à une combinaison de neuroleptiques et de prise en charge psychothérapeutique, ne sont pas suffisants. «Parmi les patients qui subissent une première crise psychotique, 30% en guériront, 30% seront dans une situation intermédiaire et 30% feront de nombreuses rechutes.» L’identification de bio-marqueurs et le développement de stratégies d’intervention précoce pourraient donc améliorer ce tableau. ⁄


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SCIENCE PHOTO LIBRARY

Mon médecin, ce robot

E

ffectuer une suture de manière complètement autonome: c’est la prouesse réalisée il y a quelques semaines aux Etats-Unis par le robot chirurgien Star (Smart Tissue Autonomous Robot). L’approche utilisée par la machine pour reconnecter des segments de l’intestin – une intervention fréquemment utilisée pour enlever des tumeurs cancéreuses du colon – s’est même avérée CORPORE SANO

meilleure que les procédés employés par les chirurgiens humains. «En éliminant l’intervention humaine, des robots autonomes pourront potentiellement réduire les complications et améliorer la sûreté et l’efficacité des interventions chirurgicales sur des tissus mous», estiment les chercheurs de l’Université George Washington en charge du projet. Pour l’heure, ce type d’intervenINNOVATION

tion reste un cas isolé: machines et médecins collaborent toujours étroitement. Le fer de lance de l’intrusion technologique en salles d’opération est le robot Da Vinci. Mis au point par la compagnie américaine Intuitive Surgical, il est utilisé pour des opérations minimalement invasives, principalement au niveau de l’abdomen: plutôt que d’ouvrir la cavité abdominale ou la cage


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Dans les salles d’opération, les robots assistent toujours plus les chirurgiens. A l’EPFL, plusieurs start-up développent de telles machines. Tour d’horizon.

TEXTE: ERIK FREUDENREICH

thoracique, le chirurgien procède à de petites incisions qui permettent d’introduire ses instruments et de les amener jusqu’à la zone à opérer. Vendu à plus de 3’000 exemplaires à travers le monde depuis son lancement il y a une quinzaine d’années, avec un coût compris entre 1 et 2 millions de francs, Da Vinci se présente sous la forme CORPORE SANO

de deux parties distinctes: d’une part, un appareillage doté de quatre bras manipulateurs (dans sa dernière version) que l’on installe au-dessus du patient. Les bras, équipés d’instruments chirurgicaux et d’une caméra endoscopique, sont ensuite manipulés à distance via une console de pilotage derrière laquelle s’installe le chirurgien. «Le robot permet de réaliser des opérations INNOVATION

chirurgicales de manière plus intuitive, grâce à une vision haute définition en trois dimensions et un surcroît de stabilité qui permet d’effectuer des gestes extrêmement précis», explique Nicolas Demartines, chef du Service de chirurgie viscérale du CHUV. DÉVOIEMENT MARKETING

Concernant les avantages de la robotique pour le patient, le


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spécialiste se montre plus réservé. «Les études ont prouvé que pour le traitement du cancer, qui est mon domaine d’expertise principal, la robotique médicale est tout aussi bonne que la chirurgie conventionnelle ou laparoscopique. Mais elles n’ont pas encore pu démontrer qu’elle était meilleure pour le moment, parce qu’on préfère utiliser la robotique pour des opérations plus faciles, plus spectaculaires en termes de marketing. Il y a un vaste champ d’investigation sur ses bénéfices qui demeure inexploré. Par ailleurs, la robotique n’a connu que peu d’évolutions techniques majeures depuis son apparition dans le milieu des années 1990. En revanche, les aspects positifs que sont l’ergonomie et le confort du chirurgien lors de l’opération méritent d’être relevés.» Une situation dont la start-up lausannoise KB Medical ne veut pas se satisfaire. Cette spinoff de l’EPFL vient d’obtenir la certification européenne pour son assistant robotique, baptisé AQrate. Un projet que la start-up a lancé il y a quatre ans, après avoir été approchée par John Duff, docteur au sein du Service de neurochirurgie du CHUV, en vue de trouver une solution technologique inédite au défi que représente la chirurgie des vertèbres cervicales. «Nous avons abordé la mise au point de notre produit avec une approche fondamentalement différente de ce qui existe actuellement sur le marché, CORPORE SANO

souligne Jean-Marc Wismer, son CEO. Contrairement au Da Vinci, notre appareil ne réplique pas les mouvements du chirurgien, mais lui offre une assistance pour garantir la précision de la trajectoire lorsqu’il effectue un percement ou vient placer des vis dans les vertèbres.» Concrètement, AQrate est un bras robotisé au bout duquel le médecin insère son instrument. Il saisit ensuite la poignée de son instrument et l’amène à la position désirée, intuitivement, un peu comme s’il s’agissait d’un exosquelette. Le système est doté d’un capteur lui permettant de suivre tous les mouvements et de donner un retour de force. «Une fois l’instrument en place, le robot va maintenir la trajectoire de manière extrêmement rigide, permettant ainsi un percement et un placement des vis précis malgré la contrainte des tissus tendant à faire dévier cette trajectoire.» S’ADAPTER AU CHIRURGIEN

Une solution qui garantit une précision de la trajectoire du geste, malgré les contraintes liées aux instruments ou aux tissus qu’ils doivent traverser, et permet de diminuer les risques de lésion au niveau des artères ou de la moelle épinière du patient en particulier lors d’approches mini-invasives. «L’autre différence majeure de notre approche, c’est que notre robot s’intègre dans le processus opératoire traditionnel; c’est le robot qui s’adapte au geste du chirurgien et non l’inverse, INNOVATION

précise Jean-Marc Wismer. Nous venons de terminer une étude clinique sur 24 patients, avec des médecins ayant chacun des techniques opératoires différentes. Notre robot a pu être rapidement utilisé par chacun de ces chirurgiens, qui n’ont pas eu à adapter leur pratique à la machine.» Fort du marquage CE, préalable indispensable à une commercialisation, AQrate va être déployé dans l’année qui vient dans un nombre limité d’hôpitaux. «L’idée est de continuer à acquérir une expérience en collaboration avec ces centres médicaux pour nous assurer qu’il n’y ait pas d’erreurs de jeunesse et pouvoir constater les techniques les plus appropriées dans une utilisation quotidienne. La commercialisation à grande échelle devrait débuter dès 2018, sous la forme d’une collaboration avec un grand groupe disposant déjà d’une force de vente et de support sur le terrain appropriée.» Les développements de la robotique médicale ne se limitent plus seulement à la chirurgie. Le Département des neurosciences cliniques du CHUV emploie le robot Erigo, pour favoriser le réveil de patients en phase de coma. Développé par la start-up zurichoise Hocoma, l’appareil permet également de stimuler le rétablissement des fonctions neurologiques de personnes victimes d’une attaque cérébrale ou d’un traumatisme crânien.


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La Suisse à la pointe de la robotique médicale effectue des mouvements du bras devant lui, tout en ayant les yeux bandés. Le dispositif robotique analyse et reproduit ces mouvements derrière le patient, lui touchant le dos. La session terminée, les sujets rapportent spontanément avoir senti une présence derrière eux.

ERIGO Le robot Erigo, de la start-up zurichoise Hocoma, favorise le réveil des patients en phase de coma. Il permet également de stimuler le rétablissement des fonctions neurologiques des personnes victimes d’une attaque cérébrale ou d’un traumatisme crânien.

FANTÔMES EN LABORATOIRE

Autre exemple au laboratoire de sciences neurocognitives de l’EPFL dirigé par le Prof. Olaf Blanke. L’un des projets sur lesquels travaille actuellement son équipe vise à mieux comprendre les fonctions cérébrales impliquées lors des hallucinations expérimentées par certains patients atteints d’affections neurologiques ou psychiatriques, telles que la maladie de Parkinson ou la schizophrénie. A cet effet, les chercheurs ont développé un système robotique visant à répliquer le «sentiment de présence» dont peuvent souffrir certains malades. L’expérience se déroule de la manière suivante: le sujet

KB MEDICAL SA, HOCOMA

AQRATE La start-up lausannoise KB Medical a développé le robot AQrate: un bras robotisé qui garantit une orientation précise et un maintien extrêmement rigide lors du placement d’implants ou de vis dans les vertèbres. AQrate devrait être commercialisé en 2018.

CORPORE SANO

INNOVATION

«Cette expérience nous permet d’étudier l’état du cerveau dans un état hallucinatoire de manière contrôlée, et donc de façon plus précise, explique Giulio Rognini, le scientifique en charge de l’étude, menée en collaboration avec le CHUV. Dans l’immédiat, nous essayons de voir comment notre système robotique pourrait contribuer à développer de nouveaux outils de diagnostic. A plus long terme, nous aimerions aussi l’utiliser de manière thérapeutique pour réduire les épisodes hallucinatoires, par exemple sous la forme d’un appareil portatif.» Pour le chercheur de l’EPFL, les développements en matière de «cognetics», soit l’interfaçage entre fonctions cognitives et robotiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. «Les travaux du Prof. Blanke ont montré que bien des fonctions complexes du cerveau, telles que la perception de notre corps, sont basées sur des stimuli tactiles. Un jour, il devrait être possible de fournir à une personne amputée la sensation que sa prothèse de bras fait vraiment partie de son corps via une interface neuronale.» ⁄


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TEXTE GENEVIÈVE RUIZ

LES COMPORTEMENTS QUI FONT MOUCHE EN COLLABORATION AVEC L’UNIL, L’EPFL ÉTUDIE LES COMPORTEMENTS D’ANIMAUX ET LES COMPARE À CEUX DE L’HOMME. AVEC DES RÉSULTATS SURPRENANTS.

D

es cygnes qui s’unissent pour la vie, des termites kamikazes qui se sacrifient pour éliminer des prédateurs ou des manchots qui mettent leurs petits à la crèche… Autant de comportements qui rappellent ceux des humains. Pour l’éthologue Roland Maurer, professeur à l’Université de Genève, «l’observation des animaux et la reconstruction de l’évolution de leurs comportements représentent une corde de plus pour comprendre l’être humain. Mais il ne faut pas oublier que ce dernier subit de nombreuses influences culturelles.» Certains traits fondamentaux se retrouvent dans une grande partie du règne animal. Les soins donnés aux petits par exemple sont le plus souvent le fait des femelles. «Ils peuvent parfois être apportés par les deux parents, mais rarement par les mâles seuls, comme chez les hippocampes.» LA COMMUNICATION CHEZ LES MOUCHES

Une recherche menée conjointement par le Centre intégratif de génomique de la Faculté de CORPORE SANO

biologie et médecine de l’UNIL et le Laboratory of Intelligent Systems de l’EPFL pourrait faire avancer les connaissances dans le domaine de la transmission des informations face à un danger. Pour y parvenir, les chercheurs ont étudié des essaims de mouches: «Notre objectif était de comprendre comment les mouches se transmettaient une information face à une menace, explique Pavan Ramdya, de l’UNIL. Nous les avons confrontées à du gaz CO2, qui représente un signal de danger pour elles. Nous avons observé qu’elles se transmettaient cette information grâce à de petites touches sur les pattes. Il n’y a pas de hiérarchie, chaque mouche touche une de ses congénères et petit à petit l’essaim change de direction.» Pavan Ramdya et ses collègues sont parvenus à localiser les circuits neuronaux permettant ce comportement social. Cette découverte représente un premier pas pour mieux comprendre les dynamiques qui orchestrent d’autres groupes d’animaux. «Nous pourrons par exemple mieux comprendre comment se transmet l’informaPROSPECTION

tion au sein des bancs de poissons ou des groupes d’oiseaux migrateurs, confie le chercheur. Et à plus long terme, au sein des foules humaines afin de prévenir le phénomène des foules meurtrières.» LES FOURMIS, PLUS EFFICACES QUE L’HOMME

Laurent Keller, myrmécologue et directeur du Département d’écologie et d’évolution de l’Université de Lausanne, observe quant à lui les fourmis depuis une trentaine d’années. Avec son équipe, il a même étudié les déplacements et les interactions de 900 fourmis sans interruption pendant 41 jours, grâce à des codes-barres fixés sur chacune d’elles. Il a notamment décrypté leur méticuleux système de défense contre les parasites: les individus parasités, par exemple par certains champignons, doivent quitter la colonie pour être nettoyés. Les fourmis évitent ensuite les contacts entre les sous-groupes contaminés de la colonie, avec ceux qui ne le sont pas. «Elles procèdent à ces actions de façon


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Lorsqu’elles sont exposées à un signal de stress en groupe, les mouches drosophiles adoptent un comportement plus adéquat que leurs pairs isolés.

NICOLE R. FULLER / SCIENCE PHOTO LIBRARY

plus méthodique et rationnelle que l’homme», observe Laurent Keller. Le chercheur constate en effet que lors des dernières menaces de pandémies comme la grippe H1N1 de 2009 par exemple, certaines actions pour contrôler les déplacements des populations n’étaient pas basées sur des faits scientifiques. Par extension, ces constats permettent de questionner les mesures prises pour lutter contre les pandémies. UNE RÈGLE D’ALTRUISME UNIVERSELLE

Laurent Keller n’étudie pas que les fourmis. Avec Dario Floreano, professeur de robotique à l’EPFL, il a aussi observé les comportements de centaines de générations de robots afin de percer les secrets de l’altruisme. «Notre objectif était d’illustrer la règle CORPORE SANO

de Hamilton, qui explique pourquoi certains membres d’une communauté se sacrifient pour que leurs proches parents puissent se reproduire. En effet, si ces comportements altruistes se sont répandus dans l’espèce au cours de l’évolution, c’est que les bénéfices reproducteurs indirects qu’en retiraient les altruistes étaient supérieurs aux coûts en reproduction directe qu’ils subissaient. Il s’agit d’un comportement observé chez les fourmis et les abeilles notamment, où certains individus sont infertiles et consacrent leur vie à la reproduction d’autres individus. Cet altruisme n’apparaît qu’en cas de proximité génétique.» Les chercheurs ont créé des groupes de robots équivalents à des clones complets, des frères et sœurs, des cousins ou PROSPECTION

à des individus sans lien de parenté. L’expérience a montré que dans les lignées de robots composés d’individus proches génétiquement, des comportements altruistes apparaissaient progressivement au cours des générations. Ils n’apparaissaient que rarement, voire pas du tout, dans les lignées de robots moins apparentés entre eux. De plus, ces comportements augmentaient l’efficacité reproductive du groupe. Cette recherche a permis de créer un algorithme de l’altruisme qui sert désormais à créer de la coopération entre tous les types de robots. Surtout, cette expérience apporte une illustration de plus à la règle de Hamilton, très difficile à observer dans la pratique. Elle s’applique par ailleurs aussi à l’être humain, plus altruiste avec ses proches génétiques qu’avec les autres individus. ⁄


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Tout est bon dans l’ADN

A

TEXTE CARINE NEIER

HEIDI DIAZ

Autrefois considérées comme inutiles, des régions du génome humain semblent en réalité jouer un rôle primordial dans l’apparition de certaines pathologies.

«Ces découvertes révolutionnent la perception du génome.» – Ana Marques, professeure assistante à l’UNIL

CORPORE SANO

DÉCRYPTAGE

T, C, G, ATGTATCGGTAA... ainsi s’égrène le génome humain, longue liste de 3,2 milliards de nucléotides, ces lettres chimiques qui le composent. Notre «livre de la vie», en quelque sorte, que des milliers de scientifiques à travers le monde tentent d’interpréter. Si l’on connaît déjà les fonctions et dysfonctionnements de nombreux gènes, une zone sombre de notre génome commence seulement à dévoiler ses secrets: l’ADN «poubelle» («junk DNA» en anglais), baptisé ainsi depuis les années 1960, car il semblait ne jouer aucun rôle.


Avec l’aide de nouvelles techniques de séquençage plus rapides et abordables, le monde scientifique se pencha donc sur la soupe aux 3 milliards de lettres de l’ADN poubelle. Les découvertes qui découlèrent de ces tentatives de décryptage «ont changé la façon dont on pense le génome», ajoute Ana Marques. LIRE, TRADUIRE ET EXÉCUTER Au surnom d’ADN poubelle, les scientifiques qui l’étudient aujourd’hui préfèrent le terme d’ADN «non codant», «qui est plus précis et plus juste», clarifie Philipp Bucher, chef d’un groupe de recherche en génomique computationnelle à l’EPFL. Un terme dont la définition s’oppose à celle de l’ADN dit codant, c’est-à-dire qui contient les instructions nécessaires à la production des protéines – des molécules variées essentielles au fonctionnement des cellules (voir schéma ci-contre). CORPORE SANO

DÉCRYPTAGE

n

co d

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ne

A (o RN u co m d es an sa t ge r) no

Le séquençage des génomes est un outil précieux pour analyser nos liens de parenté avec le règne du vivant. L’être humain partage par exemple plus de 95% de son ADN avec le chimpanzé, son parent le plus proche. La mouche ou le poulet possèdent des séquences équivalentes à 60% des gènes humains codants pour des protéines. Parmi les invertébrés – qui incluent entre autres les pieuvres, les crabes et les insectes – l’humain se rapproche le plus du botrylle étoilé, un animal marin de 3 millimètres vivant en colonies.

C’est en 2003, suite au premier séquençage du génome humain, que s’engage un débat sur la réelle fonction de l’ADN poubelle. Ce projet monumental de plus d’une décennie révèle que seuls 2% de notre matériel génétique sont occupés par des gènes. Si le reste de notre génome apparait de prime abord comme une vaste étendue dépourvue de sens, les chercheurs durent se raviser lorsqu’ils découvrirent des séquences en réalité primordiales dans l’ADN poubelle. «Nous savons aujourd’hui que plusieurs de ces régions influencent le fonctionnement des cellules, des maladies ou notre comportement. Et nous en découvrons sans cesse de nouvelles», raconte Ana Marques, professeure assistante à la Faculté de biologie et médecine de l’UNIL.

AR N

Des cousins plus ou moins éloignés

ADN NON CODANT

FAITS SURPRENANTS SUR LE GÉNOME

ADN CODANT

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De l’ADN à la protéine L'ADN codant contient l'information nécessaire à la production des protéines, qui est transmise par le biais d'une molécule intermédiaire: l'ARN messager (ou codant). L'ADN non codant est lui aussi souvent transcrit en ARN, mais cet ARN n'est pas impliqué dans la fabrication des protéines. Si ses fonctions sont encore méconnues, on sait aujourd'hui qu'il influence certaines maladies et le fonctionnement des cellules.

Génome humain

2%

ADN codant

98%

ADN non codant


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UN CHEF D’ORCHESTRE INDISPENSABLE Le rôle de l’ADN non codant, bien que plus flou que celui de son confrère, n’est pas sans importance. C’est par exemple l’ADN non codant qui permet de comprendre une des révélations surprenantes du séquençage du génome humain: le fait que l’être humain possède le même nombre de gènes que le «Caenorhabditis elegans», un petit vers transparent de 1 millimètre. «Nos cellules contiennent toutes la même information génétique, mais celle-ci n’est pas exécutée partout de la même façon», indique Ana Marques. C’est grâce à un système de régulation très précise que les 37 billions de cellules de notre corps peuvent chacune remplir un rôle spécifique, comme celui de neurone ou de cellule immunitaire. Et c’est ainsi que, suivant leur orchestration, 20’000 gènes peuvent définir un vers ou un organisme plus complexe tel l’être humain. C’est là que l’ADN non codant entre en scène: il joue un rôle majeur dans la régulation des gènes et, par ce biais, dans notre physiologie et notre santé. «Nous savons aujourd’hui que de nombreuses maladies complexes sont liées à des variations dans l’ADN non codant, souligne Ana Marques. C’est un domaine de recherche très prometteur: élucider son fonctionnement va nous permettre de comprendre des maladies qui nous laissaient perplexes jusqu’à présent.»

code génétique.» Mais pourtant le processus de déchiffrage s’avère ardu, et les ARN non codants dont on connaît les fonctions sont encore rares: «On ignore s’ils ont tous une fonction, ou si certains – ou même la majorité – ne sont finalement que du bruit de fond généré par la machinerie cellulaire», détaille Ana Marques. FOUILLER DANS L’ADN POUBELLE Pour identifier les séquences intéressantes dans l’amas de données du génome humain, les chercheurs utilisent des techniques variées, allant de l’infor­matique au travail en laboratoire. En comparant des génomes animaux, ils peuvent isoler les séquences restées identiques chez différentes espèces. «Lorsqu’une séquence est fonctionnelle, elle a de meilleures chances d’être conservée pendant le cours de l’évolution sans être altérée», explique Ana Marques.

Philipp Bucher fait également preuve d’enthousiasme: «Lorsque nous aurons décrypté l’ADN non codant, nous pourrons prédire la part des variations entre individus – comme la taille – qui sont dues à des différences dans leur CORPORE SANO

DÉCRYPTAGE

Toujours plus, toujours mieux? Si la complexité des êtres vivants corrèle souvent avec la taille de leur génome, il existe des exceptions surprenantes à cette règle. Titulaire du record du plus long génome, le Polychaos dubium – un organisme microscopique – possède 200 fois plus d’ADN que l’Homme! La proportion d’ADN codant ou non pour des protéines varie également entre les espèces: le génome de la plante carnivore Utricularia gibba ne contient que 3% d’ADN non codant, contre 98% chez l’Homme.


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Tous pareils, tous différents? En moyenne, le génome de deux êtres humains choisis au hasard est identique à 99,5%. Nos traits individuels – comme la couleur de nos yeux – sont inscrits dans les 15 millions de nucléotides restants. Une variation d’un seul nucléotide peut avoir un effet considérable, comme dans le cas de la bêta-thalassémie, une maladie héréditaire liée à une mutation dans le gène de l’hémoglobine.

D’autre part, comparer les génomes de patients à ceux de la population moyenne permet d’identifier des séquences potentiellement liées à leurs maladies. Une fois une région sélectionnée, l’étape suivante est d’en rechercher la fonction, par exemple en observant les effets de sa suppression dans des cellules in vitro ou dans des souris.

«Le défi est que nous ignorons le code qui régit les ARN non codants. Nous cherchons donc à l’élucider», annonce Ana Marques. Alors que les protéines suivent un code simple de trois lettres, qui une fois déchiffré permit facilement de retrouver les gènes correspondants, l’affaire est moins sûre pour les explorateurs de l’ADN poubelle: «Il existe en fait de nombreux types d’ARN non Des kilomètres codants, avec potentiellement d’ADN par heure chacun un code différent. La clé du décryptage sera probablement Mises bout à bout, de cesser de les considérer comme toutes les séquences un groupe uniforme. Mais il se d’ADN contenues dans une cellule humaine pourrait aussi que nous ne trouformeraient une chaîne vions aucun code.» de 2 mètres de long. Le corps humain est une véritable usine à matériel génétique: chaque minute, un million de kilomètres d’ADN est recopié par les centaines de millions de cellules qui se divisent dans sa moelle épinière.

Malgré cette incertitude, les chercheurs persévèrent à avancer dans la lecture, lettre par lettre, du génome humain. Dans l’espoir, un jour, de mieux comprendre et de mieux soigner. ⁄

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DÉCRYPTAGE

UNE ALLIANCE PROLIFIQUE Projet d’envergure, le décryptage du génome humain est, depuis ses débuts, un effort scientifique collectif. Les universités, grandes écoles et hôpitaux romands collaborent sur de nombreux projets dans le domaine. Pour élucider les origines génétiques de l’autisme, le CHUV s’est, par exemple, associé à l’UNIL et à un laboratoire américain. Une étude parue en août 2015 apportant de nouvelles perspectives sur l’orchestration du génome réunissait des généticiens de l’EPFL, de l’UNIL et de l’UNIGE. Un de ses auteurs, Bart Deplancke de l’EPFL, participe également à LIMNA, une plateforme dédiée au métabolisme. Celle-ci rassemble des contributeurs du CHUV, de l’EPFL et de l’UNIL, dont plusieurs appréhendent le métabolisme sous l’angle de la génétique.


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L’IMAGERIE SOUS TOUTES SES FORMES Innovation Le long de l’Arc lémanique, les différents pôles du Centre d’imagerie biomédicale développent des technologies de pointe pour faire progresser la médecine. Gros plan sur quelques-unes de leurs recherches. TEXTE: MARIELLE SAVOY REPORTAGE PHOTO: CIBM ET PHILIPPE GÉTAZ

Ils sont basés à Genève, à Lausanne ou à Renens et travaillent dans l’ombre des hôpitaux et des laboratoires. Les scientifiques du Centre d’imagerie biomédicale (CIBM) sont les ouvriers d’une structure de recherche de pointe mise en place par l’EPFL, les universités de Lausanne et de Genève ainsi que le CHUV et les HUG. Leur mission: développer des méthodes d’imagerie qui permettront de faire avancer la connaissance des pathologies. Pour ce faire, ils travaillent aussi bien avec des animaux qu’avec des êtres humains: «Nous pouvons facilement imiter les pathologies humaines sur des rongeurs, précise Nicolas Kunz, collaborateur scientifique du CIBM. Ils ont également l’avantage d’être des modèles plus stables que les hommes, dans le sens où leur état dépend de moins de facteurs externes, comme les facteurs environnementaux par exemple.»

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UN IRM 5 FOIS PLUS PUISSANT QUE DANS LES HÔPITAUX

Avec un champ magnétique de 14 Tesla, le plus puissant scanner du CIBM (ici à droite) offre des prises de vue de très haute précision (en comparaison, les IRM généralement utilisées dans les hôpitaux ont des champs magnétiques de 1,5 ou 3 Tesla). Mais cette machine est réservée aux petits animaux tels que rats et souris – le diamètre du tunnel ne mesure que 12 centimètres. «Il est techniquement très compliqué de produire des champs magnétiques aussi intenses qui permettent de couvrir l’étendue d’un corps humain», explique la chercheuse Ileana Jelescu. A l’EPFL, l’IRM consacrée aux hommes a un champ de 7 Tesla (ici à gauche). CORPORE SANO

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DIFFUSION

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Plusieurs employés du CIBM mènent des recherches destinées à faire avancer la connaissance du cerveau. A partir d’images prises par IRM de diffusion, une technique basée sur le déplacement de l’eau dans les tissus biologiques, Nicolas Kunz a réalisé une représentation informatique colorée du réseau de connexions d’un cerveau de rat (ci-dessus). «En cas de tumeur, par exemple, on pourrait observer les connexions pour déterminer comment le cerveau se remodèlera après l’ablation.» De son côté, Ileana Jelescu utilise l’IRM fonctionnelle pour détecter les régions du cerveau qui s’activent lors de différents stimuli (à droite, en rouge).

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CORRECTION DES MOUVEMENTS

Les scanners de très haute définition sont particulièrement sensibles aux mouvements involontaires du patient, qui altèrent la qualité du cliché. Pour résoudre ce problème, le chercheur Daniel Gallichan a développé une technique d’observation des volumes de graisse dans le cerveau. Elle permet de déterminer les mouvements survenus durant l’examen pour pouvoir ensuite corriger les images. Ci-dessus, on aperçoit une nette différence entre la reconstruction initiale de ce cliché d’artères cérébrales (en haut) et la reconstruction après correction de mouvement (en bas).

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BALAYAGE

Deux séances de balayage pour une durée totale de deux heures. Il s’agit du temps nécessaire pour réaliser ce rendu 3D d’un cerveau entier, avec une résolution de 350 microns. «Nous n’aurions jamais pu obtenir ce genre d’image sans la correction de mouvement (voir légende 3 p. 61), même avec un patient bénévole très habitué à se trouver dans un scanner», assure Daniel Gallichan.

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IMPRESSION 3D

La technique de correction de mouvements appelée «3D FatNav» a permis la modélisation 3D d’un hippocampe. «Cette partie du cerveau indispensable à la mémoire est l’une des premières régions cérébrales à subir les dommages de la maladie d’Alzheimer», indique Daniel Gallichan. Etre à même de l’observer dans les détails pourrait donc permettre des avancées médicales intéressantes.

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SUPERPOSITION

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Pour des observations encore plus précises, les scientifiques du CIBM ont imaginé des représentations combinant les deux principaux types de clichés produits par les IRM. Les informations différentes ou complémentaires apparaissent alors en couleur. «Certaines régions du cerveau pourraient être plus aisément identifiables grâce à cette combinaison. C’est le cas des structures situées au centre du cerveau sur cette représentation. Il serait difficile de les identifier avec un seul contraste», détaille Daniel Gallichan. CORPORE SANO

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PBTZ169 C 20H 23F 3N 4O 3S

C 20H 23F3N 4O 3S UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE: BERTRAND TAPPY

Pour l’industrie pharmaceutique, les maladies sont d’autant plus intéressantes qu’elles touchent beaucoup de patients, issus si possible de milieux et de pays riches, et qu’elles permettent de mettre sur le marché des nouveautés rapidement rentables… La tuberculose multirésistante est clairement exclue de cette caste prestigieuse. Maladie notoire des populations défavorisées, contagieuse et souvent mortelle, la tuberculose fut longtemps redoutée dans nos sociétés occidentales. Alors que les campagnes de vaccination, d’hygiène et d’antibiothérapie ont largement eu raison de ce bacille sous nos latitudes (malgré la persistance régulière de cas favorisée par les migrations, l’infection VIH ou les traitements immunosup-

Une nouvelle molécule capable de soigner la tuberculose pourrait bientôt être commercialisée. presseurs), celui-ci continue à faire des ravages dans les pays les plus pauvres. Et les traitements disponibles n’ont guère évolué: les anti-tuberculeux administrés aujourd’hui datent essentiellement des années 1940 à 1970! Conséquence de ce manque d’innovation et d’une administration parfois maladroite des traitements, le bacille évolue. Il n’est plus exceptionnel de voir des cas de tuberculose résistante à tous les antituberculeux disponibles. Face au manque d’incitation du secteur privé, le Prof. Stewart Cole – ancien directeur scientifique de l’Institut Pasteur de Paris et maintenant professeur à l’EPFL – a patiemment mis

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au point une molécule, baptisée PBTZ169, capable de détruire la version résistante du bacille en s’attaquant à sa paroi. Le projet, lancé depuis maintenant plus de sept ans, a déjà bénéficié de plusieurs financements, dont le Fonds national et la Fondation Bill & Melinda Gates. «Le mécanisme d’action n’est pas révolutionnaire, explique le Prof. Thierry Buclin, chef de la Division de pharmacologie clinique du CHUV et partenaire scientifique de la recherche. On le retrouve notamment dans la pénicilline. Ce qui est par contre différent, c’est la démarche publique et quasi philanthropique adoptée par Stewart Cole dans son projet baptisé IM4TB (pour Innovative Medicines

ZOOM

For Tuberculosis, ndlr). Au contraire des pharmas gardant longtemps le secret sur leurs travaux, tout est fait ici «à ciel ouvert». Ce qui n’empêche pas de déposer des brevets au fur et à mesure de la recherche… Ce modèle me paraît illustrer un retour remarquable de la recherche pharmaceutique vers le secteur public.» Pour financer les prochaines étapes de ce développement, dont des tests cliniques qui nécessitent de gros investissements, Stewart Cole travaille notamment avec une entreprise russe et continue à rechercher des financements pour IM4TB, avec l’aide de l’EPFL et de l’UNIL-CHUV, afin de pousser le PBTZ169 jusqu’à sa commercialisation. Et d’écrire sur la tuberculose un nouveau chapitre de l’Histoire de la médecine. ⁄


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VINCENT ADATTE

Infirmier cadre, chargé des projets stratégiques à la Direction des soins du CHUV

L’hôpital moderne est une start-up géante en recherche d’innovation, à l’écoute du marché et de la satisfaction de ses usagers.

L’hôpital public comme une institution au service d’une patientèle captive, caractérisée par ses lourdeurs administratives… Si cette représentation existe encore dans certains esprits, il est temps de la réviser!

SAM-CHUV

Soumis à une forte concurrence et à un impératif de maîtrise des coûts, l’hôpital d’aujourd’hui repense en profondeur ses fonctionnements. Plus question que chacun propose les mêmes services à quelques dizaines de kilomètres de distance. Plus question non plus de réaliser les mêmes missions que les autres mais moins bien, ou à un coût supérieur. Il s’agit désormais de trouver sa place sur une carte sans cesse redessinée par les mutations successives du monde de la santé.

Enfin, ils monitorent les résultats sur un tableau de bord dont les cadrans parlent de satisfaction, de qualité et d’efficacité des soins dispensés, de variables économiques et organisationnelles. Le vieillissement de la population, le cancer ou la santé des migrants, par exemple, apparaissent comme des questions posées à la société tout entière. L’hôpital développe des réponses avec parfois dix ou vingt ans d’avance. Pour y parvenir, chaque acteur du monde de la santé est invité à adopter une approche proactive et à s’interroger: «Où est-il pertinent d’aller? Quels sont les besoins actuels et à venir? Quels savoirs et technologies les plus récents peuvent être mobilisés? Comment s’assurer que nous aurons les compétences individuelles et collectives requises pour les satisfaire? Que puis-je entreprendre dans ce sens et avec qui collaborer?»

L’innovation comporte souvent une prise de risque. Les professionnels animés d’un solide Tout entrepreneur qui ambitionne de lancer esprit entrepreneurial s’attachent à en minimiser sa start-up sur le marché doit préalablement la part et à analyser les éventuels échecs… tout identifier les besoins, réunir les compétences comme dans une start-up. C’est également un nécessaires au développement d’un produit processus, elle se nourrit d’une vision et l’alimente fini innovant et conforme aux attentes, et en retour. Elle s’appuie sur les savoirs, sur des financer ses activités. Même s’ils produisent données tangibles, mais mobilise simultanément avant tout du service, les soignants l’intuition et la volonté de proposer des solutions s’en inspirent et portent une attention inédite à celles et ceux qui en ont besoin. Innover, c’est à l’environnement dans lequel ils évoluent. inventer un lendemain qui n’existe pas encore. ⁄ Les besoins en santé constituent le cœur de leur «marché». Les professionnels prédisent et anticipent leur évolution et développent leurs compétences pour y répondre.

CORPORE SANO

CHRONIQUE


CURSUS

CHRONIQUE

sein de la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne (à laquelle le CHUV est étroitement lié) et qui a Bertrand Tappy accepté de collaborer avec Responsable éditorial nous sur la création de au CHUV nouvelles pages. Dès la prochaine édition, vous découvrirez donc de oilà bientôt trois nouvelles catégories d’articles (regroupées ans que In Vivo dans cette rubrique CURSUS) qui tente de retransprésenteront la face cachée de la recherche crire de manière fidèle et pertinente ainsi que des travaux de chercheurs qui tentent de comprendre les secrets du le dynamisme de monde du vivant. Plus quelques surprises… la Suisse occidenQuoi qu’il en soit, nous espérons que tale en matière ces nouveautés vous plairont: n’hésitez d’innovation médicale: au lit du patient pas à nous donner votre avis sur notre ou dans les laboratoires, le domaine de la site internet www.invivomagazine.com santé ne cesse de surprendre et d’esquisser et sur les réseaux sociaux, que ce soit sur les lignes d’un avenir que nous nous Facebook, Twitter… et même Google+! efforçons de questionner avec vous. Ce message est également pour nous Arrivant bientôt à l’étape symbolique l’occasion de vous remercier pour votre de la 10e édition, il nous semblait maintefidélité et la qualité des retours que vous nant opportun d’élargir encore l’ouverture nous faites régulièrement parvenir. Nous de notre lorgnette et nous pencher arrivons prochainement à un autre chiffre davantage sur les avancées effectuées en symbolique, à savoir le 1’000e abonné. recherche fondamentale: un domaine souvent caché aux yeux du grand public Un jalon que nous n’imaginions pas – car fournissant davantage de publicafranchir avant plusieurs années, et tions scientifiques que de promesses de qui nous donne aujourd’hui l’envie de nouveaux médicaments – mais qui permet continuer à rencontrer et présenter souvent aux chercheurs de remettre en ceux qui font l’hôpital de demain. ⁄ question des phénomènes qu’ils pensaient connus depuis longtemps. Là encore, l’Arc lémanique possède des forces remarquables, notamment au

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PATRICK DUTOIT

CURSUS

UNE CARRIÈRE AU CHUV

Dix numéros, 1’000 abonnés

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CURSUS

ACTUALITÉ

Plateformes collaboratives dévoilées

Désensibiliser aux allergies plus rapidement

HUMAN BRAIN PROJECT

RECHERCHE

Des milliers de chercheurs à travers le monde sont impliqués dans le Human Brain Project (HBP), l’ambitieux projet de recherche piloté par l’EPFL, qui a pour but de simuler un cerveau humain complet par ordinateur. Pour qu’ils puissent travailler de concert, six plateformes informatiques ont été mises en place et dévoilées fin mars 2016. CM

Prédire les complications de la méningite L’analyse génétique d’une protéine produite par les cellules immunitaires permet de prédire si une personne souffrant de méningite bactérienne aura un bon ou un mauvais pronostic. Une équipe du Service des maladies infectieuses du CHUV le démontre dans une étude publiée dans la revue PNAS. Ces recherches visent à réduire les complications et la mortalité de ces redoutables infections. CM INFECTIOLOGIE

Une nouvelle méthode de désensibilisation aux allergies a vu le jour au CHUV. En cours de tests, elle pourrait ouvrir la voie à des traitements de désensibilisation beaucoup plus rapides. Cinq injections sur deux mois au lieu d’injections hebdomadaires, puis mensuelles durant trois ans. C’est l’objectif visé par une nouvelle méthode de désensibilisation aux allergies, des réactions anormales et excessives du système immunitaire, générées par certaines substances, les allergènes. Ces derniers induisent une production excessive d’anticorps, qui croient à tort lutter contre un envahisseur. Cette surproduction peut provoquer des désagréments et parfois des complications graves chez les personnes allergiques. Le Prof. François Spertini et son équipe du Service d’immunologie et allergie du CHUV, qui travaillent sur le sujet depuis plus de dix ans, ont découvert qu’en découpant les allergènes

en morceaux suffisamment petits, ils ne sont plus reconnus par les anticorps mais peuvent tout de même stimuler les cellules immunitaires. Ainsi, à force d’être en contact avec ces fragments d’allergènes, les cellules immunitaires peuvent être désensibilisées. Reste à savoir si cette stratégie de désensibilisation peut concrètement se traduire par une suppression des réactions allergiques. Pour répondre à cette question, les chercheurs se sont concentrés sur le pollen de bouleau. Un produit basé sur ces petits morceaux d’allergènes a été développé, testé sur les souris, puis sur les humains afin d’en démontrer la bonne sécurité et l’efficacité. Publiés dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, les premiers résultats confirment la diminution de l’allergie. «Nous allons à présent mener des études sur des populations plus larges», se réjouit le Prof. Spertini. CM

EN SAVOIR PLUS

www.invivomagazine.com

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CURSUS

PORTRAIT

A

UNE CARRIÈRE AU CHUV

Diététicienne, Muriel Clarisse accompagne les patients avant, pendant et après leur intervention du by-pass gastrique. TEXTE: LAETITIA WIDER, PHOTOS: ERIC DÉROZE

utour de la table, elles sont cinq. La réserve du début fait rapidement place à un climat de confidences. Après tout, elles ont vécu la même expérience: une intervention du by-pass gastrique. On se raconte alors les petits bonheurs: la perte de poids, le goût retrouvé du shopping ou l’essoufflement, qui pour certaines n’est déjà plus qu’un mauvais souvenir. On partage aussi les petits, et les plus grands, tracas générés par la réduction de son estomac à la taille d’un godet de crème à café.

Ce cours postopératoire de 6 heures réparties sur trois séances hebdomadaires est une étape indispensable pour ces patients. Il a lieu trois mois après leur opération. En bout de table, à la fois médiatrice et animatrice de ce rendez-vous, Muriel Clarisse, écoute, explique, conseille et rassure. Plus de 50% de son activité de diététicienne à la Consultation de prévention

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et traitement de l’obésité du CHUV consiste à accompagner les personnes désireuses d’entamer une démarche chirurgicale. Elle les suit dès la phase préopératoire en animant notamment une séance d’information conjointement avec un médecin, une infirmière et une psychologue, mais aussi des cours d’éducation alimentaire et de préparation à la chirurgie. «C’est une intervention qu’on ne peut pas prendre à la légère, explique la diététicienne. Il faut s’y préparer pendant au moins une année, car la vie de ces patients se métamorphose ensuite durablement. Une évaluation psychologique fait également partie de la préparation.» Perte de poids, transformation physique, modification des habitudes alimentaires, la réduction de l’estomac entraîne de nombreux changements dans la vie de ceux qui choisissent cette voie, et il faut s’y préparer pour en tirer les meilleurs bénéfices.

Lors de l’hospitalisation, Muriel Clarisse intervient également pour gérer la phase de réalimentation, elle passe voir les patients dans leurs chambres, et les appelle à la maison deux semaines plus tard. Le suivi se poursuit avec le cours postopératoire, des bilans diététiques à 12 et 18 mois postopératoires et des consultations individuelles au besoin. En dehors des patients by-pass, la diététicienne de 41 ans anime des cours de diététique et reçoit en consultation individuelle des personnes souhaitant modifier leur alimentation. Formée à l’Ecole de diététiciennes de Genève et après quelques années de recherche dans le domaine de l’ostéoporose, c’est en 2003 qu’elle a rejoint la Consultation de prévention et traitement de l’obésité. Depuis, la demande de prise en charge a augmenté, et la Consultation s’est agrandie. «Aujourd’hui, les gens se sentent plus concernés par leur alimentation. On est là pour les aiguiller, et leur faire prendre conscience de certains de leurs comportements avec la nourriture. C’est avant tout un métier relationnel où chaque patient arrive avec son histoire et son unicité. C’est extrêmement varié et donc passionnant!» ⁄


CURSUS

UNE CARRIÈRE AU CHUV

Muriel Clarisse anime les formations avant et après la chirurgie du by-pass gastrique. Des espaces où les patients peuvent échanger sur leurs expériences.

Pour aider les patients à modifier leur comportement alimentaire et à mieux évaluer les quantités, la diététicienne utilise des reproductions d’aliments en plastique.

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IGOR LETOVANEC

TANDEM

PATRICK OMOUMI


CURSUS CURSUS

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UNE CARRIÈRE AU CHUV

umeurs confrontation avec les Patrick Omoumi et Igor Letovanec rares qui de l’imagerie sont chargés d’une étape cruciale de données concernent et de discussion avec la prise en charge des patients dans autant les os que le radiologue pour les tissus mous, les le Centre des sarcomes: le diagnostic. les lésions osseuses sarcomes peuvent notamment pourrait TEXTE: BERTRAND TAPPY, PHOTOS: PHILIPPE GÉTAZ représenter pour les mener à une erreur.» médecins un véritable casse-tête lorsqu’il s’agit de les identifier: il existe en effet plus de 160 types Les cas de chaque patient pris en charge au de tumeurs qui se développent aux dépens de Centre des sarcomes sont passés en revue lors différents tissus (os, muscle, tendon, etc.). «Ce du colloque hebdomadaire. «On peut résumer cancer demande dès le départ une prise en charge en disant qu’une partie des diagnostics repose dans un centre spécialisé», avertit Patrick Omoumi. sur un dialogue entre la vision macroscopique Ce médecin arrivé au CHUV il y a environ trois ans du radiologue et la vision microscopique du est en charge de l’imagerie musculosquelettique. pathologiste, détaille Patrick Omoumi. Nos deux Les radiologues sont en effet en charge d’une étape regards combinés permettent ainsi aux oncologues particulièrement sensible, à savoir la réalisation et aux chirurgiens d’établir une thérapie adaptée. d’images de la tumeur ainsi que la réalisation de L’expérience est primordiale dans ce type de la biopsie. «Lorsqu’il y a suspicion d’un sarcome pathologie. C’est pour cette raison que nous et qu’il faut par conséquent extraire une partie sommes organisés en centre spécialisé comme de la tumeur pour l’analyser, le prélèvement doit au CHUV, où plus de 52% des patients que nous être effectué selon une méthode bien précise prenons en charge viennent d’un autre canton. afin d’éviter que la tumeur ne se répande et pour Il peut cependant arriver exceptionnellement que donner un maximum de chance au patient.» des doutes persistent sur un cas. Dans ce genre de situations, nous envoyons les images radioloUne fois le prélèvement effectué, les analyses de giques et les lames histologiques dans un centre pathologie peuvent commencer. «Comme les de référence mondiale – au MGH de Boston méthodes pour réaliser la biopsie ont évolué, notamment pour se donner un maximum de on peut désormais accéder à presque toutes les chances d’arriver au bon diagnostic.» tumeurs. En revanche, les échantillons sont beaucoup plus petits, explique le pathologiste Igor Une fois le diagnostic posé, la main est passée Letovanec, spécialisé dans les domaines musculosensuite au chirurgien – l’intervention reste le seul quelettique et thoracique. Cela rend l’intervention traitement efficace en ce qui concerne le sarcome moins pénible pour le patient, mais le travail du – et à l’oncologue pour la prise en charge du pathologiste en devient plus complexe. Dans ce patient. En 2015, le Centre des sarcomes a pris en contexte, la radiologie permet d’apporter des charge 80 nouveaux patients, dont neuf enfants: informations supplémentaires. Une absence de avec un taux de survie à une année de 95%. ⁄

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CURSUS

Les champignons ont la vie dure L’Institut de microbiologie du CHUV a identifié des molécules capables d’annuler la résistance aux agents antifongiques chez certains champignons responsables de 400’000 décès chaque année à travers le monde. Ces nouveaux médicaments permettent de prolonger l’utilisation de ces antifongiques et facilitent ainsi la guérison des personnes infectées. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature. CM MICROBIOLOGIE

Nouveau Master Les hôpitaux suisses possédant un service de chirurgie cardiaque ont décidé, en collaboration avec les sociétés médicales spécialisées, de lancer un nouveau Master en perfusion cardiovasculaire. Cette technique, indissociable de la chirurgie cardiaque, permet le maintien de la circulation sanguine lors des interventions et nécessite la présence de personnes compétentes. Cette nouvelle formation continue donnera accès à un diplôme fédéral reconnu. CM

Comprendre la septicémie chez les grands brûlés L’analyse des exsudats, les liquides biologiques qui s’écoulent des plaies des grands brûlés, a permis au Centre romand des grands brûlés du CHUV et à l’Université de Genève de comprendre comment se déclenche une septicémie liée aux brûlures. Ce type d’infection est la première cause de maladie et décès chez les grands brûlés. Dans une étude publiée dans la revue mSphere de l’American Society for Microbiology, les chercheurs expliquent que les exsudats contiennent des molécules immunitaires capables de détruire certaines bactéries, mais ils favorisent aussi le développement de Pseudomonas aeruginosa, un redoutable pathogène dont la virulence et la résistance aux antibiotiques peuvent être modulées par certains facteurs présents chez l’hôte. Les équipes tentent à présent de créer un milieu de culture artificiel afin de mieux contrer ces infections. CM

INFECTIOLOGIE

Un tandem pour les soins palliatifs Depuis le 1er mai 2016, le Prof. Ralf Jox, palliativiste, neurologue et éthicien, et la Dre Eve Rubli Truchard, gériatre au CHUV et directrice du Centre universitaire de traitement et réadaptation de Sylvana, dirigent en tandem la nouvelle chaire de soins palliatifs gériatriques à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Financée en partie par des dons privés, cette chaire est une première au niveau mondial. Elle a pour objectifs de développer les soins palliatifs gériatriques comme une discipline académique, de contribuer à la formation de tous les professionnels de la santé et d’améliorer les soins de santé pour les personnes âgées en fin de vie, notamment hors de l’hôpital. MM NOMINATION

ERIC DÉROZE

FORMATION

ACTUALITÉ

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CURSUS

UNE CARRIÈRE AU CHUV

MIGRATION

Après les Pays-Bas, la Chine et les Etats-Unis, Ron Stoop s’est installé à Lausanne pour mener des recherches sur les neurosciences psychiatriques. Pouvez-vous nous décrire votre parcours? J’ai reçu une formation en biophysique médicale aux Pays-Bas durant laquelle j’ai effectué une partie de mon master à l’Université de Pékin. Fasciné par la culture chinoise et le progrès scientifique, j’y suis retourné pour étudier la langue chinoise et suivre durant deux ans le cursus de biophysique à l’Université de Tsinghua, l’équivalent chinois du MIT. J’y ai rencontré Mu-ming Poo, une personne très active dans les développements scientifiques en Chine et professeur à la Columbia University à New York. Il m’a invité à poursuivre mes études dans cette université avec une thèse PhD en neurosciences.

GILLES WEBER

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous installer à Lausanne? J’ai rencontré ma future femme à New York, qui faisait un post-doc après sa formation en biologie à Lausanne. Nous sommes rentrés ensemble en Suisse. Après un post-doc de deux ans chez Glaxo Wellcome à Genève, j’ai eu la chance de trouver un poste de chercheur débutant au Département des neurosciences fondamentales à l’UNIL et j’ai ensuite rejoint le Centre de neurosciences psychiatriques à Cery en 2004.

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NOM Stoop PRÉNOM Ron AU CHUV DEPUIS 2004 TITRE Professeur associé UNIL-CHUV à Cery

En quoi consistent vos activités aujourd’hui? Je suis professeur associé UNIL-CHUV à Cery où je gère un groupe de recherche d’une quinzaine de personnes pour étudier les bases neuronales des troubles émotionnels comme l’anxiété et la peur. Il y a 20 ans, un petit noyau neuronal, appelé amygdale, était identifié comme jouant un rôle crucial dans l’apprentissage de la peur. Dans l’amygdale, nous avons ensuite découvert que l’ocytocine, une hormone endogène relâchée par le cerveau pour stimuler l’allaitement, l’accouchement et le soin parental, peut diminuer la peur grâce à ses effets dans l’amygdale. Cette découverte a suscité un intérêt mondial et a mené de grands groupes pharmaceutiques, comme Roche, à développer de nouveaux médicaments ciblant les récepteurs de l’ocytocine. ⁄ WT


BACKSTAGE INTERVIEW Les directeurs de l’EPFL et du CHUV ont posé devant l’objectif du photographe Eric Déroze (p. 30)

ERIC DÉROZE, HEIDI DIAZ

FOCUS Neuf collaborateurs du CHUV et de l’EPFL ont présenté leur activité, à cheval entre les sciences de la vie et la médecine.

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CONTRIBUTEURS

LAETITIA WIDER

Samuel Socquet est journaliste et écrivain. Il a réalisé de nombreuses enquêtes de société pour la presse magazine et est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages. Pour «In Vivo», il s’est intéressé à la problématique du Big data (p. 38) ainsi qu’à la médecine personnalisée dans l’Arc lémanique (p. 41).

Journaliste et réalisatrice indépendante, Laetitia Wider collabore régulièrement avec le CHUV que ce soit au bout d’une plume ou derrière l’objectif d’une caméra. Pour «In Vivo», elle a dressé le portrait de Muriel Clarisse, un diététicienne qui suit les patients ayant subi un by-pass gastrique (p.68).

DR

SAMUEL SOCQUET

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JULIEN CALLIGARO Diplômé en science politique de l’Université de Genève, Julien Calligaro est journaliste chez LargeNetwork. Dans ce numéro de «In Vivo», il a réalisé le dossier principal sur le rapprochement entre médecine et sciences de l’ingénierie (p. 19).

CARINE NEIER Suite à des études en sciences pharmaceutiques à Zurich, Carine Neier a rejoint l’agence LargeNetwork début 2016 pour s’occuper du magazine «Technologist». Pour «In Vivo», elle s’est penchée sur les mystères de la génétique et de l’ADN «poubelle» (p. 54).


IN VIVO

Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com

ÉDITION

CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE LargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6 redaction@invivomagazine.com 1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com ÉDITEURS RESPONSABLES

Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz pour le CHUV Madeleine Von Holzen et Lionel Pousaz pour l’EPFL DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE

Bertrand Tappy

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION

Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean

DIRECTION DE PROJET

Melinda Marchese

REMERCIEMENTS

DIRECTION GRAPHIQUE Alexandre Armand, Marie Bertholet, Francine Billote, Diana Bogsch et Sandro Bacco Valérie Blanc, Gilles Bovay, Virginie Bovet, Darcy Christen, Muriel Cuendet Teurbane, Stéphanie Dartevelle, Diane De Saab, RÉDACTION Noémie Delèze, Frédérique Decaillet, Muriel Faienza, LargeNetwork (Julien Calligaro, Yann Bernardinelli, Erik Freudenreich, Sophie Gaitzsch, Marisa Figueiredo, Pierre Fournier, Serge Gallant, Melinda Marchese, Charlotte Mermier, Carine Neier, Geneviève Ruiz, Marielle Savoy, Katarzyna Gornik-Verselle, Aline Hiroz, Joëlle Isler, Samuel Socquet, William Türler), Bertrand Tappy, Laetitia Wider. Nathalie Jacquemont, Nicolas Jayet, Emilie Jendly, Anne-Renée Leyvraz, Cannelle Keller, Elise Méan, RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE Laurent Meier, Brigitte Morel, Thuy Oettli, Manuela Palma de Figueiredo, Odile Pelletier, Bogsch & Bacco, Sabrine Elias Ducret Fabienne Pini-Schorderet, Isabel Prata, Sonia Ratel, Marite Sauser, COUVERTURE Dominique Savoia Diss, Jeanne-Pascale Cœur de souris qui figure disséqué, immergé dans une solution, puis capturé par la technique Simon, Elena Teneriello, Aziza Touel, d’imagerie DTI (diffusion tensor images). Image courtesy: Luke Xie PhD, Russell Dibb PhD, Laure Treccani, Céline Vicario, G. Allan Johnson PhD, Center for In Vivo Microscopy, Duke University Medical Center, Durham, Vladimir Zohil et le Service de NC and Chunlei Liu PhD, Brain Imaging and Analysis Center, Duke University Medical Center, communication du CHUV. Durham, NC. PARTENAIRE DE DISTRIBUTION

BioAlps

IMAGES

SAM (Eric Déroze, Heidi Diaz, Patrick Dutoit, Philippe Gétaz, Gilles Weber), Joëlle Flumet, Flore Kunst MISE EN PAGE

Bogsch & Bacco pour LargeNetwork TRADUCTION

Technicis IMPRESSION

PCL Presses Centrales SA TIRAGE

20’500 exemplaires en français 4’500 exemplaires en anglais Les propos tenus par les intervenants dans «In Vivo» et «In Extenso» n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur. SUIVEZ-NOUS SUR: TWITTER: INVIVO_CHUV FACEBOOK: MAGAZINE.INVIVO



IN EXTENSO

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