Penser la santé N° 17 – AVRIL 2019
HYPERLONGÉVITÉ
LES DÉFIS DU QUATRIÈME ÂGE SUPER-AÎNÉS / AUTONOMIE / TRANSHUMANISME
SPIRITUALITÉ Des chapelles hospitalières toujours plus inclusives SANG Un programme pour éviter les pénuries LIGAMENT CROISÉ Comment un skieur se réathlétise Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO AU CREUX DE L'OUÏE
« Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution. » Johanna M., Carouge
«Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution.» Johanna M., Carouge
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Isabelle G., Lausanne
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IN VIVO / N° 17 / AVRIL 2019
SOMMAIRE
FOCUS
19 / DOSSIER Hyperlongévité : les défis du quatrième âge PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT
MENS SANA
30 / INTERVIEW « Des points ou des icônes ne suffisent pas à modifier nos comportements » PAR ERIK FREUDENREICH
34 / TENDANCE Les pharmacies entrent dans la bataille numérique PAR AUDREY MAGAT
37 / PROSPECTION Cerveau : l’électricité à la rescousse PAR YANN BERNARDINELLI
41 / DÉCRYPTAGE Chapelle en reconversion spirituelle
44 / COULISSES Sortir les résultats négatifs de l’angle mort PAR JEAN-CHRISTOPHE PIOT
Capable de vivre jusqu’à 200 ans, la baleine boréale est le mammifère qui a l’espérance de vie la plus longue. Dans un article paru en 2014 dans la revue Cell Reports, des scientifiques postulent qu’elle possède des mécanismes de prévention de maladies liées à l’âge comme certains cancers.
FLIP NICKLIN MINDEN PICTURES/NEWSCOM
PAR GARY DRECHOU
SOMMAIRE
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54 IN SITU
48 / PROSPECTION
7 / HEALTH VALLEY
Prévenir le sida comme on le traite PAR SYLVAIN MENÉTREY
La Suisse latine, championne des visites aux urgences
52 / INNOVATION
15 / AUTOUR DU GLOBE
Pas de sang à perdre PAR CHLOÉ THOMAS-BURGAT
54 / TENDANCE De l’alimentation fermentée au microbiote urbain PAR CAROLE EXTERMANN
58 / APERÇU Le vagin libéré des intox PAR PATRICIA MICHAUD
62 / EN IMAGES La réathlétisation de Justin Murisier PAR SYLVAIN MENÉTREY
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Peu de médecins, mais des idées
CURSUS
69 / CHRONIQUE Les vertus de l’ancienneté
70 / PORTRAIT Caroline de Watteville
ED JONES/AFP, FRANÇOIS WAVRE, ANDREASHORN
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CORPORE SANO
Éditorial
AÎNÉS SOIENT-ILS
GARY DRECHOU Responsable éditorial
« Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. »1 Mais qu’ils connaîtront peut-être. Près d’un garçon sur cinq et près d’une fille sur quatre nés en 2017 fêteront leurs 100 ans, selon l’Office fédéral de la statistique. Mieux vaut donc l’admettre dès maintenant : nous avons un pied dans l’âge canonique. Là où nous envisagions jusqu’à présent l’existence en trois temps – jeunesse, vie active et vieillesse – un quatrième se profile, qui remet en question nos modèles. C’est l’objet du Focus de ce numéro et de plusieurs « ricochets » en chroniques : Benoît Dubuis sur les opportunités d’innover (lire p. 11), Danielle Bouchard sur la formation des professionnels de la santé (lire p. 67), ou encore Antonio Racciatti sur les vertus de l’ancienneté (lire p. 69). L’avenir appartient-il aux plus de 80 ans, nonagénaires, centenaires et « super-centenaires » ? Selon Statistique Vaud, d’ici à 2040, le nombre de 65 ans et plus dans le canton va s’accroître de près de 75%, passant de 125’800 à 218’000 personnes. Parmi eux, les 80 ans et plus vont quasi doubler, passant de 36’000 personnes à 70’000 personnes. Pour le CHUV, l’adaptation au vieillissement de la population constitue d’ailleurs le premier enjeu stratégique des années à venir. En langue institutionnelle, il s’agit d’« intégrer de manière explicite la prévention du déclin fonctionnel dans la clinique, la formation et la recherche », tout en rendant l’hôpital plus « senior-friendly »2. Au Canada, d’où je viens, on parle peu de personnes âgées, mais volontiers d’« aînés ». Ce n’est qu’un choix de mot, me direz-vous, mais ça change la sémantique. Avec des aînés, voire des super-aînés, on est déjà moins dans l’addition des années. L’accent porte sur la valeur de ces années, qui invite au lien social – comme une entorse à l’isolement, meilleur ami du déclin. Dans le même esprit, lorsqu’ils ont créé leur gouvernement du Nunavut, en 1999, les Inuits de l’Arctique canadien ont baptisé l’un de leurs ministères emblématiques « Ministère de la culture, de la langue, des aînés et de la jeunesse ». La volonté, pour ce peuple millénaire qui se projetait dans l’avenir, était que les aînés et la jeunesse soient « indissociables »3. Lorsqu’on évoque les défis de la longévité, ne s’agit-il pas aussi d’inventer des lendemains plus liants ? Si nous devons vieillir ensemble, dans ce « ménage » à quatre générations, il faudra bien « que l’on s’aime et qu’on aime la vie », comme l’a chanté Aznavour jusqu’à ses 94 printemps. / La Bohème, Charles Aznavour et Jacques Plante (paroles), 1965 Plan stratégique du CHUV 2019-2023 3 « Le territoire est une source de guérison », interview de Piita Irniq, In Vivo en ligne, rubrique Spécial Web
HEIDI DIAZ
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Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de « Health Valley ». Dans chaque numéro d’In Vivo, cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été réalisée par la graphiste Mónica Gonçalves.
IN SITU
HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.
NEUCHÂTEL P. 6
Novostia développe des valves cardiaques d’une durée de vie inégalée.
LAUSANNE P. 6
Dexter, le robot de Distalmotion, servira bientôt de bras droit aux chirurgiens.
DENSITÉ DE LA POPULATION, EN 2016
Source : Atlas statistique de la Suisse
GENÈVE P. 9
Habitants par km2 de la surface totale
Nous sommes naturellement enclins à la paresse, selon une étude genevoise.
> 5000,0 2000,0 – 4999,9 1000,0 – 1999,9 500,0 – 999,9 300,0 – 499,9 200,0 – 299,9 150,0 – 199,9 100,0 – 149,9 50,0 – 99,9 < 50
MARTIGNY P. 8
Onze start-up exploitent les données patients anonymisées d’une assurance maladie.
Population Suisse : 8’419’550 198’979 99’489 49’745 24’872 < 1000 Pour des raisons de lisibilité, la taille des symboles ayant une valeur inférieure à ±1000 a été augmentée. 4
IN SITU
HEALTH VALLEY
START-UP CELLULES
« Nous allons ‘ obliger ’ les cliniciens et les chercheurs à se parler. Les rencontres improbables sont à la source de découvertes. »
SEED Biosciences rejoint l’incubateur StartLab du Campus Biopôle lausannois. La start-up développe un robot de pipetage qui permet d’isoler avec précision des cellules à une rapidité trois fois supérieure aux solutions préexistantes. L’entreprise a remporté 130’000 francs en fin d’année comme finaliste du prix Venture Kick.
FRANCO CAVALLI PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’ISREC, LORS DE L’INAUGURATION DU CENTRE DE RECHERCHE CONTRE LE CANCER AGORA À LAUSANNE, EN OCTOBRE DERNIER.
CHIRURGIE
MÉDECINE DE PRÉCISION
Sur le parc d’innovation de l’EPFL, SUN Bioscience produit des tests de médicaments sur des micro-organes cultivés à partir de cellules de patients. Des ingénieurs du CSEM, à Neuchâtel, sont parvenus à industrialiser ce service que la société a mis sur le marché.
VALVES CARDIAQUES
Novostia, établie sur le parc technologique Neode à Neuchâtel, a terminé dans le trio de tête du prix BCN Innovation. La start-up développe des valves cardiaques de nouvelle génération qui n’ont plus besoin d’être changées tous les dix à douze ans et ne nécessitent pas la prise continue d’anticoagulants.
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Les promesses de la plasticité cellulaire
DÉCOUVERTE Le diabète est dû à une incapacité des cellules β du pancréas à sécréter de l’insuline. Des chercheurs de l’Université de Genève (Unige) ont montré comment une partie des cellules α et δ, qui produisent habituellement d’autres hormones, peuvent prendre le relais des cellules β endommagées. Ils ont alors découvert un phénomène de plasticité cellulaire inconnu jusqu’ici, qui pourrait concerner bon nombre de nos cellules. Ces résultats permettent d’envisager des thérapies inédites qui feraient appel aux capacités régénératrices du corps.
L’OBJET
UN SOUTIEN CONFORTABLE À LA MOBILITÉ Huit étudiants ont imaginé le coussin gonflable « Self-up », récompensé par le Challenge Debiopharm-Inartis 2018. L’ergonomie du coussin permet aux personnes âgées ou à mobilité réduite de se relever d’une chaise avec plus d’aisance. Issus de l’ECAL, de l’EPFL et de l’IMD, les concepteurs ont reçu une enveloppe de 25’000 francs. Le concours récompense des solutions pratiques qui améliorent la qualité de vie des patients.
En pour cent, la part de jeunes Romands qui s’estiment cyberdépendants, selon une étude MIS Trend consacrée à la cyberaddiction commandée par la chaîne Couleur 3 de la RTS. L’étude se concentre sur des individus âgés de 15 à 35 ans. 13% d’entre eux estiment que cette cyberdépendance se révèle inquiétante. Par ailleurs, Addiction Suisse a récemment lancé un nouveau site internet de prévention et de conseil, adressé aux parents affectés par une dépendance : www.parentsetaddiction.ch
DR
Distalmotion a terminé la conception de Dexter, son robot-chirurgien, qui conjugue rapidité et endurance dans les tâches répétitives telles que les sutures. Il pourrait réduire très nettement les coûts en chirurgie. Le robot est en attente de certification européenne pour mi-2019. Ses fabricants vaudois prévoient de le proposer à la location et non à la vente.
IN SITU
HEALTH VALLEY
DR, MORAD HEGUI
La Suisse latine, championne des visites aux urgences Au Tessin et dans plusieurs cantons romands, le taux de recours aux urgences des hôpitaux est supérieur à la moyenne helvétique. Comment expliquer ces différences régionales ? AMBULATOIRE L’encombrement des urgences préoccupe le parlement, qui s’apprête à débattre d’une taxe de 50 francs à régler à l’arrivée. Dans ce contexte, le nouveau rapport de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) apporte un précieux éclairage en révélant de grandes disparités régionales. Cinq cantons latins – Tessin, Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura – enregistrent des taux de recours compris entre 254 et 296 visites pour 1000 habitants, largement au-dessus de la moyenne suisse de 197 consultations. Principale explication de ces différences cantonales : l’effet de substitution. « Les cantons dans lesquels le taux de recours aux services d’urgences hospitaliers est élevé enregistrent un taux de recours aux cabinets médicaux plus bas pour les cas d’urgence, et inversement », explique la responsable de l’étude, Clémence Merçay. Parfois, le recours aux services d’urgences hospitaliers est même encouragé par l’organisation du système de santé local, comme à Neuchâtel, où les services de garde médicale sont implantés au sein de l’hôpital. Il existe quelques cantons pour lesquels les deux formes de consultations d’urgences – garde médicale et hôpital – se révèlent élevées (Tessin, Vaud, Bâle, Fribourg et Jura) et d’autres dans lesquels elles sont particulièrement basses (Nidwald, Appenzell Rhodes-Extérieures et Intérieures). Des habitudes d’ordre culturel pourraient être en jeu, avance Peter Suter, président du Swiss Medical Board. « Dans les cantons de la Suisse orientale et de la Suisse centrale, on a traditionnellement l’image du paysan de montagne robuste qui ne va pas à l’hôpital pour une plaie ouverte. » À l’inverse, les hôpitaux, notamment les centres universitaires, jouissent d’un haut niveau de confiance parmi la population romande et surtout tessinoise. « Dans ces cantons, on se dit souvent que, quand 7
TEXTE : BLANDINE GUIGNIER
EN HAUT : PETER SUTER, PRÉSIDENT DU SWISS MEDICAL BOARD ; EN BAS : JÉRÔME COSANDEY, DIRECTEUR ROMAND D’AVENIR SUISSE.
on a un problème, il vaut mieux se rendre là où on est pris en charge tout de suite, avec les meilleures technologies. » Davantage de « Walk-in-Clinics » Augmentation du délai d’attente, risque de voir des patients repartir sans consultation, insatisfaction ou encore violence… François Sarasin, médecin-chef des services des urgences des HUG, a dressé la liste des conséquences négatives d’un engorgement dans une présentation de 2017 sur l’augmentation des consultations ambulatoires aux urgences en Suisse (+32% entre 2007 et 2011). Comment dans ce contexte assurer la qualité de la prise en charge tout en maintenant les coûts à un niveau acceptable ? Peter Suter estime que les cabinets annexes à l’hôpital ou les « Walk-in-Clinics » sans rendez-vous permettent d’évacuer les cas moins critiques des services d’urgences. « Le personnel infirmier effectue un premier tri et les patients sont redirigés vers un cabinet ou un centre dans la même localité, où peuvent exercer des médecins installés et des médecins internes en formation. » Il prône également la centralisation des urgences. « On peut se demander si des urgences à Yverdon ou à Appenzell – à 30 minutes du CHUV ou de l’hôpital de Saint-Gall – doivent être ouvertes toute la nuit, nécessitant la disponibilité d’un personnel médical et soignant qualifié. Ces ressources sont chères et manquent un peu partout en Suisse. » Selon Jérôme Cosandey, directeur romand d’Avenir Suisse, pour l’organisation du système de santé, il est très utile de connaître la proportion de personnes qui viennent de leur propre initiative aux urgences. Suivant les estimations de l’Obsan, cette part s’élève à environ 88%. « En saisissant bien la demande dans chaque région, on peut optimiser les processus de triage en amont de l’entrée à l’hôpital. » /
IN SITU
HEALTH VALLEY
3 QUESTIONS À
NICOLAS LOEILLOT
À L’INSTAR D’AUTRES ASSURANCES COMME SWISS RE, LE GROUPE MUTUEL SE LANCE DANS L’EXPLOITATION DES DONNÉES DE SES PATIENTS. INTERVIEW DE SON RESPONSABLE DE L’INNOVATION.
HUMAIN AUGMENTÉ Silke Pan a testé la nouvelle version de l’exosquelette Twiice développé à l’EPFL. L’ancienne trapéziste, aujourd’hui paraplégique, a apprécié la légèreté de la technologie lausannoise. Celle qui s’est illustrée en escaladant de nombreux cols des Pyrénées en vélo handbike a aussi vanté le gain en autonomie fourni par le dispositif d’assistance à la marche, que les usagers peuvent enfiler et utiliser sans aide extérieure.
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Le Groupe Mutuel collecte depuis toujours des données sur les usages du système de santé par les Suisses. Jusqu’à présent, elles étaient utilisées pour des rapports analytiques, utiles mais limités. En 2018, nous avons mis en place une stratégie de big data à travers notre projet InnoPeaks, afin d’utiliser ces données, préalablement anonymisées, à des fins de prédiction et de prévention. À terme, nous espérons que nous serons en mesure de modéliser les meilleurs chemins de guérison de certaines pathologies et d’en informer nos patients.
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LE DISPOSITIF
SONDER LA PEUR DE L’INCONNU Des chercheurs du Laboratoire de génétique comportementale de l’EPFL ont développé le programme de réalité virtuelle VRTIGO, dont la mission est de révéler pourquoi certains individus craignent l’inconnu davantage que d’autres. Un casque et des capteurs mesurent les réactions du sujet soumis à différentes situations anxiogènes. L’expérience a été testée auprès du grand public lors du dernier Festival international du film de Genève GIFF. 8
COMMENT UTILISEZ-VOUS LES DONNÉES QUE VOUS ACCUMULEZ SUR VOS ASSURÉS ?
COMMENT COLLABOREZ-VOUS AVEC LES START-UP DU PROJET INNOPEAKS ?
Nous avons sélectionné onze start-up internationales dans le but de trouver des solutions aux nombreux défis du système de santé suisse et définir notre stratégie à venir. Leurs apports sont variés : d’une solution pour diminuer les coûts des opérations chirurgicales de la colonne vertébrale à l’analyse instantanée des rapports médicaux, en passant par la blockchain comme outil de sécurisation du dossier de santé.
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EST-CE LE RÔLE D’UNE CAISSE MALADIE QUI EST EN TRAIN DE CHANGER ?
Grâce à de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle et à une meilleure compréhension de nos assurés par le big data, nous nous voyons comme une plateforme intelligente qui permettra de dispenser des conseils et recommandations pertinents pour chacun. Le but est de devenir un partenaire de santé efficient au quotidien. /
DR
Exosquelette testé et approuvé
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MIEUX COMPRENDRE LE CERVEAU
PLUSIEURS PROJETS ET ÉTUDES RÉCENTS CHERCHENT À EXPLORER LES MÉANDRES DE CET ORGANE SI COMPLEXE.
LA PARESSE EXPLIQUÉE
ATLAS NUMÉRIQUE EN 3D
Des chercheurs de l’Université de Genève (Unige) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont étudié l’activité neuronale de personnes devant choisir entre l’activité physique et la sédentarité. Ils ont observé que le cerveau sollicitait des ressources beaucoup plus importantes pour échapper à une attirance naturelle vers la minimisation de l’effort. Les résultats de l’étude renvoient à l’idée que nos ancêtres devaient éviter les efforts physiques inutiles afin d’augmenter leurs chances de survie.
Aussi fascinante que soit l’exploration de la planète avec Google Earth, il est aujourd’hui possible de visiter l’intérieur du cerveau d’une souris. Dans le cadre du Blue Brain Project mené à l’EPFL, et pour la première fois au monde, un atlas numérique libre d’accès permet à chacun de visualiser n’importe quelle aire du cerveau de l’animal, cellule par cellule. Les données peuvent être téléchargées gratuitement en vue d’effectuer de nouvelles analyses et modélisations. Cet outil révolutionnaire offre aux neuroscientifiques des informations jusqu’ici inaccessibles sur les principaux types de cellules, leur nombre et leur position dans l’ensemble des 737 régions du cerveau.
VERTIGE ET TROUBLES DE L’ÉQUILIBRE Né d’une collaboration entre l’Hôpital du Valais et la Clinique romande de réadaptation, le Centre valaisan vertige et troubles de l’équilibre a ouvert en octobre dernier. Il offre des prestations jusqu’alors inexistantes dans le canton.
Alternative prometteuse à la morphine
BOJAN VUJICIC XXXX
DOULEUR L’efficacité de la morphine pour abaisser le niveau de douleur ne souffre aucune remise en question. En revanche, ses effets secondaires, en particulier la dépendance, demeurent problématiques. Des chercheurs français de l’Université Paris-Saclay ont isolé un peptide appelé enképhaline que l’organisme produit lors de sensations douloureuses. Son usage sur des rats démontre un effet plus puissant que la morphine sans générer d’addiction. Le groupe pharmaceutique Stragen Pharma, basé à Genève, a lancé des essais cliniques en 2018.
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HEALTH VALLEY
ÉTAPE N° 17
LAUSANNE
SUR LA ROUTE
LUNAPHORE
Dans chaque numéro, In Vivo part à la rencontre des acteurs de la Health Valley. Lausanne est la destination de cette édition.
Détecter un cancer en quelques minutes La start-up Lunaphore a développé une technologie permettant d’identifier rapidement des tissus cancéreux. TEXTE : TIAGO PIRES
La nouvelle génération d’outils de détection du cancer développés par Lunaphore est entrée en phase d’industrialisation après de longues années de recherche. La technologie de la start-up vaudoise augmente la précision et réduit largement le temps d’analyse de biomarqueurs spécifiques de tissus cancéreux. La spin-off de l’EPFL concurrence la technique actuelle des laboratoires, dite d’immunohistochimie, qui localise les protéines dans les cellules d’une coupe de tissu à l’aide de marqueurs spécifiques. Lunaphore a recours pour sa part à la technique microfluidique. Des puces dotées de minuscules canaux servent à colorer des tissus afin de mieux les observer. « Notre méthode d’analyse obtient des résultats en moins de quinze minutes. Elle fait gagner de nombreuses heures, voire parfois des jours, par rapport aux solutions traditionnelles de détection des cancers », explique Déborah Heintze, co-fondatrice de la société. La rapidité du kit de diagnostic ouvre des perspectives 10
dans l’optique de la médecine de précision, car elle permet aux laboratoires et aux hôpitaux de multiplier les tests afin d’analyser différents marqueurs. Pour l’heure, la technologie de la jeune société se destine à la recherche en immuno-oncologie et dans l’analyse des tissus dans les situations d’urgence comme les opérations chirurgicales. « Avec notre technologie, un chirurgien pourra, durant une intervention, obtenir par exemple une information spécifique sur le type de la tumeur cancéreuse et sa propagation dans le corps. » Son innovation vaut à l’entreprise de nombreuses récompenses, comme le Swiss Technology Award reçu en novembre dernier dans la catégorie « Start-up ». Lunaphore veut se servir de cette visibilité pour commercialiser sa plateforme de diagnostic cette année. La start-up a signé un partenariat avec le laboratoire pharmaceutique italien Menarini qui distribuera le produit sur le marché européen. ⁄
IN SITU
HEALTH VALLEY BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de la Fondation Inartis et directeur du Campus Biotech.
L’OR GRIS DE L’ÉCONOMIE DU VIEILLISSEMENT
inartis.ch republic-of-innovation.ch healthvalley.ch
TEXTE : BENOÎT DUBUIS
En Suisse, une personne sur trois aura plus de 65 ans en 2060. Ce vieillissement sans précédent entraîne une augmentation croissante de la prévalence de maladies associées. En tête de pont se trouvent les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson…) qui touchent aujourd’hui plus de 2% de la population suisse – un pourcentage qui ne cesse d’augmenter. Pourtant, les traitements curatifs manquent actuellement. Dans ce domaine, mentionnons AC Immune. Cotée au Nasdaq, l’entreprise vaudoise est aujourd’hui l’un des leaders dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Nos institutions académiques ont également beaucoup œuvré pour comprendre les bases du fonctionnement du cerveau et donc également ses dysfonctionnements, notamment sur le site de Campus Biotech à Genève. Et au-delà du secteur de la recherche ? Aujourd’hui, le but est moins d’ajouter des années à la vie que de la vie aux années. Que ce soit le millieu médical, l’industrie pharmaceutique, les entreprises dédiées à la production de biens et de services pour l’autonomie des personnes âgées ou le monde de la nutrition, nombreux sont ceux qui s’inscrivent aujourd’hui dans le domaine de la « silver economy ». Ce marché était estimé à environ 4 billions de francs en 2015 et croîtra avec un rythme annuel de 5% au cours des prochaines années.
Martin Parr, Switzerland. Alps. The Matterhorn, 1990.
Ce phénomène concerne aussi les petites entreprises spécialisées à l’image de DomoSafety ou encore de Tremor, actives dans le canton de Vaud. Ces deux sociétés offrent des solutions innovantes pour nos seniors en améliorant leur qualité de vie.
L’écosystème d’innovation en place est bien entré dans Le potentiel est d’autant plus grand que le pouvoir le domaine de la « silver economy », avec une attitude très d’achat des seniors devrait rester supérieur à celui helvétique qui privilégie l’efficience à la lumière. Il suffit pour le comprendre de regarder le nombre grandissant des actifs. La « vieillesse » est ainsi en train de de prix et de compétitions dédiés à l’innovation dans ce devenir la « matière première » d’un développement économique local axé sur la prise en charge domaine, à l’instar du Challenge Debiopharm-Inartis, qui offre les moyens financiers nécessaires à la concrétisation des personnes âgées. Elle est pourvoyeuse d’idées dans ce secteur. d’emplois qui auront l’avantage de ne pas être délocalisables aisément. L’édition 2018 a notamment remis son premier prix au projet Self-up, un coussin autoextensible, dédié aux personnes âgées à mobilité réduite (voir p. 6). L’appel à projets pour la prochaine édition est ouvert jusqu’au 30 avril 2019 – challenges. inartis.ch – et devrait livrer son lot d’innovations qui façonneront l’industrie de demain. / 11
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DES ZÉBRURES CONTRE LES PIQÛRES De nombreux ethnologues se sont intéressés à la dimension culturelle des peintures corporelles de communautés indigènes de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d’Australie et d’Afrique. Une équipe de biologistes des universités de Budapest en Hongrie et de Lund en Suède a postulé que ces ornementations avaient également une fonction sanitaire. En plaçant côte à côte un mannequin beige, un mannequin brun et un mannequin zébré noir et blanc dans un champ en Hongrie, ils ont découvert que le modèle à rayures était dix fois moins attirant pour les taons que le modèle brun, et deux fois moins que l’alter ego beige. Les rayures blanches sur un corps brun agissent donc comme un puissant répulsif contre les parasites, ce qui, outre les piqûres, permet de limiter la transmission d’agents pathogènes véhiculés par ces insectes. La recherche complète est parue en janvier 2019 sur le site de Royal Society Open Science. PHOTO : GABOR HORVATH
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GLOBE
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INDE Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde. Nouvelle étape en Inde.
80%
C’est la proportion de femmes indiennes qui accouchent désormais à l’hôpital, selon l’Institut national indien des statistiques. Il y a dix ans, ce nombre était d’environ 40%. Ce sont chaque mois « quasiment un millier de femmes » qui ne meurent plus de complications liées à la grossesse, rapporte le quotidien Hindustan Times.
Un hôpital sur rails
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Simulateur de chirurgie orthopédique INNOVATION Avec un ratio d’un pour 1000 habitants, l’Inde manque cruellement de médecins (pour comparaison, la Suisse en compte quatre fois plus). Pour accompagner la formation d’aspirants médecins, le sous-continent a présenté son premier simulateur ouvert en chirurgie orthopédique. Basée sur l’intelligence artificielle, cette unité octroie une expérience similaire à celle d’un bloc opératoire sans mettre en danger la vie des patients. Le simulateur sera notamment utilisé pour s’exercer aux interventions sur la colonne vertébrale, les chirurgies du genou, les traumatismes et les traitements de base.
DANISH SIDDIQUI
MOBILITÉ Depuis 1991, le train « Lifeline Express » sillonne l’ensemble du territoire indien afin de prodiguer des soins dans des régions reculées. Géré par l’ONG indienne Impact India Foundation, le convoi médical est composé de sept wagons bleu clair. Le train offre gratuitement des diagnostics médicaux et des opérations sur place en ophtalmologie, en otologie, en lien avec le mouvement, la correction des becs-de-lièvre, le traitement de l’épilepsie ou encore des problèmes dentaires. L’équipe d’une vingtaine de bénévoles réalise ainsi une dizaine de missions de trois à quatre semaines sur l’année. Selon l’association, près de 1,2 million de patients ont été traités dans le train-hôpital.
IN SITU
GLOBE
Peu de médecins, mais des idées L’Inde mise sur la technologie pour pallier la pénurie de personnel soignant. Des solutions astucieuses émergent pour combattre les maladies chroniques.
ANANTHA VARDHAN
E-MÉDECINE Près de 6 millions d’Indiens sont morts en 2015 d’une maladie chronique, selon des chiffres de l’OMS. Ces pathologies sont la cause de deux décès sur trois, l’un des taux les plus élevés au monde. Il s’agit principalement de maladies cardiaques ou pulmonaires, de cancers ou de diabètes. Le gouvernement indien a lancé un programme de santé publique dont l’objectif est de réduire de 25% les décès liés à ces maladies d’ici à 2025. Il prévoit de créer de nouveaux centres de soins et d’élargir la couverture des plus défavorisés par l’assurance maladie. Dans un pays en manque de professionnels de santé, la technologie est également appelée à la rescousse. « L’Inde a un besoin urgent de soins de qualité et abordables, ce qui ouvre de nombreuses opportunités aux entreprises du secteur medtech », abonde Devraj Jindal, médecin et porte-parole au Centre des maladies chroniques de la Fondation pour la santé publique de l’Inde (PHFI). L’application mPower Heart est une réponse à l’urgence en termes de maladies chroniques. Elle permet d’enregistrer toutes les informations d’un patient (rythme cardiaque, pression sanguine, taux de sucre, etc.) sur un smartphone. Un professionnel de la santé peut ensuite consulter les données à distance, adapter le traitement et fournir une prescription médicale. L’application stocke les
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informations dans un serveur externalisé qui alimente un large répertoire de données médicales, accessible partout en Inde. Des algorithmes se saisissent de ces mégadonnées. Leurs analyses peuvent orienter médecins et infirmières dans la prise de décision. « La majorité de la population indienne vit en zone rurale alors que les meilleurs services de santé ne sont disponibles que dans les villes, explique Devraj Jindal. Ce type de solution se révèle donc crucial pour donner un accès aux soins aux populations vivant dans les villages. De plus, si les infirmières peuvent s’en servir, la technologie se présente comme une solution à la pénurie de médecins diplômés. » Autre exemple de technologie qui s’attaque aux défis de la santé dans ce pays, le colposcope de poche développé par des spécialistes indiens de l’Université Duke (États-Unis). L’appareil a pour but de réduire la mortalité due au cancer du col de l’utérus, cause du décès de près de 70’000 Indiennes chaque année. Cette version portable de l’instrument se compose d’une longue structure inspirée d’un tampon hygiénique, équipée d’une caméra qui scrute le col de l’utérus. Outre sa petite taille qui le rend mobile, l’appareil présente l’avantage de coûter 30 fois moins cher qu’un colposcope standard. L’État du Tamil Nadu souhaite en doter certains centres de santé cette année. ⁄
IN SITU
GLOBE
L’OBJET
3 QUESTIONS À
SWETHA SURESH
CETTE SPÉCIALISTE DE L’INNOVATION ANALYSE LE POTENTIEL DE SON PAYS D’ORIGINE.
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QUELS SONT LES DÉFIS QUI SE POSENT À L’INDE EN TERMES DE SANTÉ ?
Les défis sont nombreux, à l’exemple du nombre de victimes de maladies chroniques comme le diabète et le faible taux de médecins par habitant. Le pays doit également améliorer l’accessibilité aux infrastructures médicales. Environ 75% d’entre elles sont situées en ville, alors que plus que deux tiers des Indiens habitent dans des zones rurales.
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Créée en 2015, la start-up Doxper de Bangalore permet aux médecins de numériser instantanément les informations concernant les patients et les prescriptions à l’aide d’un stylo numérique intelligent et d’un papier encodé qui remplacent un ordinateur. À mesure que le clinicien retranscrit l’état du patient, le stylo et le papier enregistrent les informations et les envoient vers le cloud auquel seuls le médecin et le patient ont accès. Ils peuvent ainsi consulter les informations sur mobile ou les transférer vers d’autres cliniques ou collègues. Pour l’heure, Doxper est utilisé par plus de 800 médecins et cliniciens dans cinq villes indiennes.
IO CT
COMMENT LA SUISSE ET L’INDE COLLABORENT-ELLES DANS CE DOMAINE ?
Nous considérons la Suisse comme un leader de la technologie médicale. Nos deux pays bénéficieront du codéveloppement de dispositifs médicaux et de solutions de santé mobiles compatibles, notamment avec l’Internet des objets. La technologie de haute qualité issue d’une telle collaboration répondra aux besoins des populations et sera exploitable dans des conditions difficiles. /
Fous de l’Inde
Mon docteur indien
DE RÉGIS AIRAULT, PAYOT ET RIVAGES, 2016
UN FILM DE SIMON BROOK, 2012, DISPONIBLE SUR ARTE BOUTIQUE
L’Inde rend-elle fou ? De même que certains Japonais souffriraient d’un « syndrome de Paris » lorsqu’ils sont confrontés à la grossièreté et à l’impolitesse, certains Occidentaux doivent être rapatriés d’Inde en raison de troubles psychiatriques. Un sentiment d’étrangeté et de perte de contact avec la réalité les saisit. Le psychiatre Régis Airault, qui a officié au consulat de France à Bombay, analyse les causes de cette sorte d’envoûtement.
En marge des succès de ses start-up, l’Inde continue d’influencer le monde avec sa médecine traditionnelle ayurvédique. Ce film met en scène l’initiation d’un cancérologue français à cette approche, sur invitation d’une de ses patientes qui a soigné son cancer en partie grâce à la médecine ayurvédique.
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R É OS S U LES VID OM 0 U ES ET RONIQ AZINE.C H G C A S M NVIVO VERS LE WWW.I S LIENS DR
Swetha Suresh accompagne les start-up suisses dans leur entrée sur le marché indien, entre autres à travers les Camps d’internationalisation d’InnoSuisse pour l’Inde.
N
LE SÉ VO LA VI IN
COMMENT RÉPONDRE À CES BESOINS ?
On voit émerger de nombreuses initiatives dans le domaine de la santé numérique. Que ce soit dans le secteur de la santé mobile ou de la télémédecine, des plateformes sont créées en vue d’améliorer l’accessibilité à des soins de qualité à un coût abordable. Ces interfaces couvrent autant le curatif que la prévention, les soins en hôpitaux que les traitements à domicile.
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STYLO INTELLIGENT
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POST-SCRIPTUM LA SUITE DES ARTICLES DE IN VIVO IL EST POSSIBLE DE S’ABONNER OU D’ACQUÉRIR LES ANCIENS NUMÉROS SUR LE SITE WWW.INVIVOMAGAZINE.COM
VACCINS
DÉPRESSION
IV n° 7
p. 39
Prophylaxie controversée Le vaccin de Sanofi/Pasteur contre la dengue, cette maladie tropicale mortelle transmise par les moustiques, a reçu un avis favorable à sa commercialisation en Europe à l’automne dernier. Les résultats des études à trois ans ont démontré une réduction de 60,3% des cas de dengue symptomatique, mais les premières utilisations ont soulevé des controverses. Aux Philippines, les autorités l’ont accusé d’avoir causé la mort de dizaines d’enfants, ce que Sanofi récuse. /
CANCER
SHUTTERSTOCK
IV n° 1
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SMARTER MEDICINE p. 19
IV n° 16
p. 19
Quand les champignons et le LSD guérissent
Palmarès 2019 des médicaments inutiles
Longtemps après les recherches pionnières de Timothy Leary, le LSD et la psilocybine (la substance provoquant des hallucinations dans certains champignons) sont de nouveaux envisagés comme traitements contre la dépression. La renommée Johns-Hopkins School of Medicine de Baltimore a lancé un projet de recherche avec ces produits récemment. Les antidépresseurs montrent un impact chez seulement 60% des patients. Les traitements à base d’hallucinogènes seraient plus doux et moins addictifs. /
Le site Prescrire.org a actualisé sa liste de médicaments inutiles, voire dangereux, à écarter des soins. L’évaluation de la rédaction tient compte de la balance bénéfice-risques et repose sur une recherche documentaire méthodique. Parmi les six nouveaux médicaments déconseillés, le site pointe le relaxant musculaire en baume Décontractyl, l’antihistaminique Toplexil ou l’inhibiteur de sécrétions gastriques Cimétidine Mylan et ses génériques. /
SUPER-BACTÉRIES IV n° 8
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L’immunothérapie, ça marche
Des IST résistantes en Europe
Des chercheurs de deux hôpitaux londoniens ont fêté une première réussite d’un traitement d’immunothérapie en combinaison avec une chimiothérapie dans un cas de cancer du sein triple négatif, un type de cancer particulièrement agressif et difficile à soigner. Ce traitement expérimental a démontré qu’il était possible de faire agir le système immunitaire de sorte qu’il attaque de manière ciblée les cellules tumorales. /
Le « pire cas au monde » de super-gonorrhée a été diagnostiqué en 2018 chez un Britannique qui a eu des rapports sexuels en Asie du Sud-Est. Deux nouveaux cas ont été relevés depuis. Si ces patients ont finalement pu être traités de leur infection résistante aux antibiotiques traditionnels, ce développement en Europe inquiète les autorités sanitaires qui conseillent plus que jamais le port du préservatif. /
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FOCUS
HYPERLONGÉVITÉ
HYPERLONGÉVITÉ : LES DÉFIS DU QUATRIÈME ÂGE
/ Les centenaires n’ont jamais été aussi nombreux. L’apparition d’un quatrième âge dans les pays riches ravive les fantasmes d’immortalité, tout en obligeant la médecine à développer de nouvelles pratiques.
/ PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT
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FOCUS
L
HYPERLONGÉVITÉ
e record mondial de longévité de Jeanne dans les pays « développés », qui nous confronte à une Calment, décédée à l’âge canonique de nouvelle étape de vie : le « quatrième âge ». Il est désormais possible pour quatre 122 ans, était-il une imgénérations de coexister. La proposture ? Le débat fait portion de « vieux vieux » – perrage entre les médecins qui ont CHIFFRES sonnes âgées au-delà de 90 ans authentifié l’âge de la supercen– n’a jamais été aussi élevée dans tenaire française et une équipe les nations riches. Le nombre de de chercheurs russes qui a souUne catégorie inventée dans centenaires a ainsi presque doulevé l’ hypothèse que sa fille les années 1980 pour parler des seniors âgés sans qu’elle blé entre 2000 et 2017, selon Yvonne, décédée en 1934 selon définisse un âge précis. l’Office fédéral de la statistique, les registres d’état civil, aurait passant de 784 à 1510 (0,18% de usurpé l’identité de sa mère pour / la population). Les experts prééviter de payer des frais de sucvoient que près d’un garçon sur cession. Si la supercherie se cinq et une fille sur quatre nés en confirmait, l’Américaine Sarah Coûts liés aux soins à domicile, alors que ceux des EMS s’élèvent 2017 fêteront leurs 100 ans. Si Knauss, disparue en 1999 à à 8000 millions. pour certains spécialistes, 119 ans, serait couronnée, à titre comme le généticien français posthume, doyenne de l’huma/ Jean-Louis Serre, la longévité a nité. La doyenne en exercice se obligatoirement une limite et le nomme, elle, Kana Tanaka. Elle La doyenne suisse, Alice plafond de l’espérance a déjà été a fêté ses 116 ans le 9 mars derSchaufelberger-Hunziker, qui vit atteint, d’autres, comme les chernier à Fukuoka, au Japon. dans un home de Winterthour, a fêté cheurs italiens Elisabeth Barbi son anniversaire en janvier 2019. et Francesco Lagona, souteMême si le phénomène des sunaient dans la revue Science percentenaires – ces personnes qui dépassent l’âge de 110 ans – demeure encore sta- en 2018 que le risque de mort se stabilise à partir de tistiquement rare, la polémique remet en lumière la 105 ans, créant ce qu’ils appellent un « plateau de question de la longévité, en augmentation continue mortalité ».
4e âge
1200 millions 111 ans
TECHNOPROPHÉTIES Depuis toujours, la vie éternelle fait l’objet de fantasmes, qu’il s’agisse de la Fontaine de Jouvence, présente dans le Jardin d’Éden, dont l’eau serait source de régénération, ou des recherches scientifiques liées au transhumanisme. À l’aide de médicaments, d’hormones, de cryonie (conservation d’êtres vivants à très basse température), ou même du « téléchargement de la conscience », les protagonistes de ce mouvement entendent améliorer la condition de l’espèce humaine, voire nous rendre immortels. Le célèbre biogérontologue britannique Aubrey de Grey estime que pour éviter la mort, il s’agit d’en éradiquer les causes. C’est un programme de cette nature auquel Google s’attelle en investissant dans le développement de robots microscopiques qui « nageraient » dans le corps pour combattre les maladies. De tels desseins déstabilisent notre conception traditionnelle de la vie, car 20
c’est bien la certitude de la mort qui la structure. « La mort fait partie de notre être dans le monde, de notre condition humaine. S’en défaire signifie renoncer à notre humanité », considère le philosophe français Franck Damour, critique du transhumanisme. S’inscrivant dans une perspective philosophique traditionnelle, il soutient qu’être humain « signifie avoir la mort comme horizon et, à la fois, refuser la mort. Cette contradiction est l’équation même de la vie humaine ! ». Son collègue Jean-Michel Besnier souligne le paradoxe qu’il y a à désirer une immortalité qui neutralise la part symbolique conférant un sens humain à nos existences de mortels : « Les promesses attachées aux progrès biotechnologiques permettraient un fonctionnement sans usure de nos métabolismes biologiques. Le vivant en nous subsisterait, mais qu’en serait-il de l’humain ? Les technoprophètes du transhumanisme se moquent bien de l’aventure humaine ayant donné sens et attrait à la culture. Que seraient la littérature ou la musique sans la mort ? Nous n’aimons plus la vie, si nous ne la pensons plus qu’en termes d’algorithmes. »
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HYPERLONGÉVITÉ
« MON TRAIT DEMEURE SÛR » Certains indépendants poursuivent leur activité professionnelle au-delà de l’âge de la retraite. À 85 ans, Robert Saudino, architecte à Ascona, parle de la pratique de son métier dans un corps vieillissant. D’une part, parce que je me sens moins infaillible. De l’autre, parce que le travail s’est complexifié. Autrefois, pour un projet, nous avions trois classeurs, aujourd’hui, pour le même dossier, nous en avons une vingtaine, à cause de la bureaucratie. Sinon, je dessine comme je l’ai toujours fait, mon trait demeure sûr. Mon studio s’est adapté à la technologie, mais moi, je continue à manier le crayon. Quant à ma vue, avec des lunettes, elle est parfaite.
PROPOS RECUEILLIS PAR
ANDRÉE-MARIE DUSSAULT
in vivo Pourquoi travaillezvous encore à un âge où la plupart des gens se sont retirés de la vie active ? robert saudino Il s’agit d’un choix, ce n’est pas par nécessité. Je travaille toujours parce que des clients continuent à me faire confiance, parce que je m’investis dans des projets qui m’intéressent, par passion. Dans ma profession, comme chez les avocats, si vous êtes honnête et faites un bon travail, vous pouvez travailler très longtemps. Bien sûr, si j’étais maçon, je n’aurais pas le même discours et je n’aurais certainement pas continué jusqu’à présent. J’estime que le fait d’avoir beaucoup d’expérience bénéficie à ma clientèle. Ces décennies de métier me permettent notamment de mieux gérer les étapes qui précèdent l’exécution.
Vous associez votre bonne santé au travail ? rs Ma forme est certainement liée au fait que j’exerce une activité qui me passionne. Je me trouve en meilleure santé que mes amis qui ont abandonné leur profession. Ma santé me permet d’avoir un bon rythme de travail. Certes, il n’est plus le même qu’il y a 10 ou 15 ans. Autrefois, je travaillais six jours par semaine, dix à douze heures par jour. Désormais, je me contente de cinq jours et de sept
FLAVIA LEUENBERGER
iv
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Jusqu’à quand entendezvous travailler ? rs Jusqu’à ce que Dieu me le permette ! Cela dit, si je trouve quelqu’un pour reprendre mon studio à des conditions raisonnables, je suis prêt à le céder. Tout en continuant à suivre des projets. Le travail a toujours constitué une grande partie de ma vie. Je suis bien au bureau, c’est ma seconde maison. iv
à huit heures quotidiennes. Depuis toujours, je fais une petite sieste après le repas de midi. Cela me permet de recharger mes batteries. Quels sont les autres changements survenus ces dernières années en ce qui vous concerne ? rs J’évite d’assumer la direction des travaux sur les chantiers, un travail assez exigeant physiquement que j’assurais jadis. Je délègue beaucoup plus, même si je demeure responsable de ce qui se passe sur le terrain. Évidemment, mon cerveau et le dynamisme que j’avais il n’y a pas si longtemps ne sont plus les mêmes. Je peux avoir de petits oublis ou être distrait plus facilement. Je dors moins la nuit, notamment à cause d’inquiétudes. iv
Dans une vie, quel sens a le travail ? rs Pour l’être humain – selon ma philosophie personnelle – le travail est la chose la plus importante tout au long de sa vie. Celui-ci le stimule, lui permet de satisfaire ses ambitions et de faire évoluer sa condition. Dans l’identité d’une personne, la profession joue un rôle important. Elle lui donne un statut, un rôle social. Pour moi, travailler a toujours été fondamental – tout autant que la famille – et continue de l’être. / iv
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convalescence moins longue que celle suivant la chirurgie conventionnelle. » D’autres hôpitaux perfectionnent ces techniques dites mini-invasives particulièrement adaptées aux personnes âgées, comme la thoracoscopie uniportale VATS offerte à Berne et au Tessin notamment. Celle-ci permet la résection des tumeurs pulmonaires à l’aide d’une incision d’à peine quelques millimètres. Si jusqu’aux années 1970, l’augmentation de l’espérance de vie s’expliquait par la diminution du nombre de morts prématurées, aujourd’hui, elle est principalement due à la baisse de la mortalité chez les plus de 65 ans grâce à la science. Expert en démographie et vieillissement, l’Américain James Vaupel affirme d’ailleurs dans ses nombreux travaux que 75 ans, c’est le nouveau 65. Les personnes âgées de 75 ans ont le même niveau de santé que celles dix ans plus jeunes il y a 50 ans.
TECHNIQUES MINI-INVASIVES Loin de l’utopie d’immortalité, les technologies permettent déjà, plus modestement, d’améliorer la qualité de vie et la prise en charge médicale des patients âgés. Au CHUV, on réalise par exemple l’exploit de remplacer une valve du cœur sans ouvrir la poitrine. Appelée TAVI, cette technique a le grand avantage d’épargner une opération à cœur ouvert très risquée pour une personne âgée. Elle consiste à amener une nouvelle valve à travers une toute petite ouverture (le plus souvent effectuée dans une artère de la jambe, mais, s’il y a obstruction, elle peut être amenée par les artères du cou, par exemple) qui écrase la valve aortique malade. « Elle est notamment utilisée auprès des 75 ans et plus, plus fragiles et, souvent, souffrant de comorbidités, les rendant plus vulnérables, indique Stéphane Fournier, chef de clinique au service de cardiologie du CHUV. Cette intervention a aussi l’intérêt d’impliquer une 22
ADAPTER LA MÉDECINE La majorité des spécialités médicales doit désormais composer avec une population de patients âgés toujours plus importante. « Celles-ci ont été imaginées pour une patientèle plus jeune, souffrant d’une seule pathologie. Tout d’un coup, on se retrouve face à des individus qui en cumulent trois ou quatre en même temps », constate Christophe Büla. La prise de conscience et l’adaptation sont variables, même si de nouvelles sous-spécialités (ortho-gériatrie, onco-gériatrie, etc.) se développent. De même, encore peu d’essais cliniques intègrent des sujets âgés avec plusieurs pathologies. Si par ailleurs, certaines inter ventions sont techniquement
PETER SEARLE
Le biogérontologue autodidacte Aubrey de Grey mène le projet SENS (stratégies à mener pour réduire le vieillissement), qui vise l’extension radicale de l’espérance de vie.
« Les soins médicaux contribuent effectivement en Suisse à l’espérance de vie de 81 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes », confirme le Prof. Christophe Büla, chef du services de gériatrie et réadaptation gériatrique du CHUV. Celui-ci souligne que le revers de cette augmentation du nombre d’années de vie est l’apparition de pathologies chroniques multiples à un âge avancé : insuffisance cardiaque et/ou rénale, diabète, hypertension artérielle, arthrose, etc. Il rappelle au passage que les femmes vivent plus longtemps, mais connaissent une morbidité plus importante.
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PROGRESSION DE SIX PATHOLOGIES AVEC L’ÂGE (en Suisse) 70
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Sources : Swiss Medical Forum, Forom Ecoute, UCBA, Alzheimer Suisse, OBSAN
20,5
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35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95
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ATTAQUES CÉRÉBRALES
TROUBLES DU SOMMEIL
DÉMENCE Terme générique qui regroupe plus d’une centaine de maladies qui affectent les fonctions cérébrales
HANDICAP VISUEL Incapacité à lire ou à reconnaître des visages malgré le port de lunettes
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PRESBYACOUSIE Déficience auditive liée à l'âge
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FRACTURE DE LA HANCHE
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PROLONGER LA VIE DES GREFFES D’ORGANES
L’allongement de l’espérance de vie pose des problèmes inédits pour les transplantations. Des recherches visent à limiter l’obsolescence de ces organes. TEXTE : CHARLOTTE MERMIER
Les principales causes de décès des patients greffés sont le rejet et les infections. Après une transplantation, le système immunitaire du receveur s’attaque inévitablement à l’organe transplanté, reconnu comme étranger à l’organisme. Cette réaction peut provoquer des lésions suivies d’une perte progressive de fonction qui équivaut à un rejet. « Les traitements immunosuppresseurs ont pour but de limiter ces attaques, explique le Prof. Manuel Pascual, médecinchef du Service de transplantation d’organes du CHUV et directeur médical du Centre universitaire romand de transplantation. Mais, si l’immunosuppression est trop puissante, elle affaiblit le système immunitaire de manière globale et le risque d’infections ou de certaines tumeurs augmente. » C’est la raison pour laquelle des stratégies alternatives sont à l’étude. L’une d’elles consiste à « éduquer » le système immunitaire de manière à ce qu’il considère l’organe greffé comme faisant partie de l’organisme en induisant une tolérance à ce corps étranger.
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« On pourrait alors diminuer les médicaments, voire peut-être les supprimer complètement, et on se retrouverait dans la situation du ‘vieillissement’ normal d’un organe. Si la recherche avance, cette stratégie ne sera probablement pas utilisable chez l’être humain avant dix ou quinze ans », prédit Manuel Pascual. Dans l’intervalle, la prise régulière d’un traitement immunosuppresseur adapté reste donc cruciale pour que l’organe greffé fonctionne bien et longtemps. « Ces quinze dernières années, d’énormes progrès ont été faits pour trouver la juste dose entre prévention du rejet et absence d’infections », explique Manuel Pascual. Néanmoins, un organe greffé n’atteindra en principe jamais une durée de vie équivalente à celle qu’il aurait eue chez le donneur. « Toutes les greffes n’ont pas la même espérance de vie : un poumon dure en moyenne six à dix ans, un rein quinze à vingt ans, précise Christian Van Delden, responsable de l’Unité d’infectiologie de transplantation des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). L’organe qui survit le mieux
est le foie. » L’état de santé général et l’hygiène de vie du donneur comme du receveur ont également une grande influence sur la qualité et donc la longévité de la greffe, ainsi que les facteurs de risques usuels : hypertension, obésité, alcool ou tabac. « Le manque d’organes nous oblige à les accepter de plus en plus âgés ou ‘marginaux’ (ndlr. prélevés sur des personnes souffrant de pathologies comme le diabète et l’hypertension) », explique Manuel Pascual. L’emploi de ces organes de moindre qualité, associé à l’augmentation de l’espérance de vie, pourrait-il rendre nécessaire une éventuelle seconde transplantation chez un même patient, avec les risques et les coûts financiers que ces opérations complexes impliquent ? « Cela arrive rarement, mais il faut mentionner que l’alternative serait de rester en liste d’attente avec les complications liées au traitement de dialyse (pour le rein), ou de décéder en liste d’attente faute d’avoir trouvé un organe à temps (pour le cœur, poumon ou foie) », souligne Manuel Pascual. /
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Source : Office fédéral de la statistique
ÉVOLUTION DE L’ESPÉRANCE DE VIE EN SUISSE 82,1
84,2
85,4
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81,4
1997
possibles – comme l’alimentation par sonde chez des patients atteints de démence – elles posent des questions éthiques au personnel médical, selon le spécialiste en gériatrie du CHUV. « Nous pouvons prolonger la durée de vie d’un individu, mais qu’en sera-t-il de sa qualité de vie ? Est-ce pertinent d’utiliser la chimiothérapie, qui implique des effets secondaires, pour gagner six mois chez une personne de 94 ans, ou est-il plus judicieux d’investir dans sa qualité de vie ? » Ces questions sensibles liées à l’acharnement thérapeutique divisent les professionnels qui souhaitent utiliser toutes les options disponibles pour prolonger la vie d’un patient même très âgé, et ceux qui avancent que l’on en fait trop, qu’audelà d’un certain âge, diverses pistes thérapeutiques ne devraient plus être envisagées. Dans ce débat, n’est-ce pas finalement au patient de trancher ? La réflexion porte désormais sur les façons de mieux respecter l’autonomie des patients âgés et leurs vœux en matière de santé et de fin de vie (lire interview p. 28). « Une des caractéristiques des aînés est qu’ils ont des états de santé et des préférences très hétérogènes. Des gens du même âge, souffrant des mêmes pathologies, ont des souhaits différents. Certains veulent continuer à vivre coûte que coûte, d’autres en ont assez. Certains réclament même le suicide assisté, mais ils restent minoritaires. » La dépendance intervient dans les mois qui précèdent la mort. Par un ensemble d’actions de prévention promus par la gériatrie, comme l’activité physique, une bonne nutrition, ou encore l’engagement social, cette phase peut être réduite. La dépendance n’est en effet pas une fatalité. « Une récente étude danoise sur les centenaires actuels montre que par rapport à ceux d’il y a 20 ans, non seulement ceux-ci sont en meilleure forme physique et cogni25
(en années)
2007
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tive, mais que près de la moitié sont indépendants au quotidien. Cela bouscule notre idée toute faite de l’individu très âgé en totale perte d’autonomie », explique Christophe Büla. L’hôpital cherche aussi à s’adapter globalement à une patientèle toujours plus âgée. Chercheur en soins infirmiers à l’Université de Lausanne, Cédric Mabire a développé un projet sur les valeurs des soignants relatives à la prise en charge de cette population âgée. « Nous avons interrogé 80 membres du personnel soignant de services où il y a une forte proportion de seniors. Le but est de partager des valeurs communes afin d’améliorer nos pratiques de soins. » Ces analyses ont mis en évidence l’importance de l’adaptation de l’environnement hospitalier et de l’offre de soins éthiques à des personnes (« plutôt qu’à des maladies portées par des patients »). « L’hôpital est construit autour de la maladie aiguë, regrette Cédric Mabire. Le système n’est pas orienté selon la prise en compte des maladies chroniques, toujours plus répandues, ni adapté aux seniors au niveau structurel et organisationnel. » À titre d’exemple, le spécialiste évoque les panneaux indicatifs qui devraient être plus fréquents et écrits en caractères plus gros, pour faciliter l’orientation des seniors. Ou encore l’accès aux personnes à mobilité réduite qui devrait être favorisé, notamment en évitant les marches pour accéder à l’ascenseur. Il indique également que le personnel devrait parler plus lentement, plus fort et prendre le temps d’expliquer. Le rythme de l’hôpital, la cadence imposée posent également problème, tant au personnel soignant qu’aux patients. « Tout se fait trop rapidement : les repas, la toilette, les prises de médicaments… À l’ hôpital, tout le monde reconnaît que la pression d’un rythme soutenu est en inadéquation avec les besoins des
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seniors. » Le respect de l’autonomie du patient âgé passe par des gestes très simples. « Par exemple, plutôt que de lui mettre des comprimés dans la bouche, donner au patient la boîte de médicaments, le laisser contrôler si c’est le bon, le sortir et le prendre lui-même. En une semaine, une personne qu’on infantilise ou materne démesurément peut perdre la capacité physique et mentale de le prendre seule », explique Cédric Mabire.
MÉLANGER LES GÉNÉRATIONS Contrairement à ce que l’on imagine, la majorité des 90 ans et plus vit à domicile, comme le souligne Alain Huber, secrétaire romand de Pro Senectute. « Les personnes très âgées souhaitent être aidées et soignées à domicile, et, si possible, mourir chez elles. Pour les y maintenir le plus longtemps possible, il est important de travailler en réseau, avec les parents, les proches, les voisins et les organisations sociales. » Actuellement, le nombre de places en EMS serait de toute façon insuffisant pour accueillir davantage de résidents. La disponibilité future variera selon les cantons et les communes. « De nouvelles formules alternatives d’hébergement existent, fait valoir Alain Huber, comme celles où des étudiants logent chez des aînés et font des heures de ménage, ou encore les foyers de jour qui accueillent les personnes atteintes de démence, permettant de décharger les proches. » Pro Senectute œuvre en faveur des droits des seniors à divers niveaux. L’association se mobilise notamment contre l’âgisme – la discrimination à l’encontre des personnes âgées –, thème sur lequel elle prévoit un symposium en novembre 2019. « Un exemple parmi tant d’autres est celui des coûts supplémentaires que les personnes âgées doivent payer si elles n’ont pas d’accès à internet pour faire leurs paiements. » En outre, des études comme celle menée par la Haute école spécialisée de Berne montrent une progression inquiétante de la précarité chez les seniors, avec une part de 12% qui avait recours aux prestations complémentaires en 2015, alors que cette proportion n’était que de 5,9% en 1999 en Suisse. « Nous avons régulièrement des cas de personnes qui ont besoin de lunettes parce qu’elles les ont perdues ou brisées et qui n’ont pas les moyens de les remplacer », illustre Alain Huber. 26
Ne pas avoir de lunettes adaptées, ou d’appareil auditif pour les personnes qui souffrent de perte d’audition, peut avoir des conséquences psychosociales fâcheuses. « Les gens attendent en moyenne sept ans avant de consulter pour des troubles d’ouïe et s’appareiller : c’est trop », relève Alain Huber. La maladie est souvent à l’origine de la solitude, un autre défi de taille après 75-80 ans. « La surdité rend une réunion au café avec des copains pénible. La réduction de la mobilité isole également. On ne sort plus lorsqu’il pleut ou il neige. Même chose avec la perte de la vue et de l’équilibre. On se sent plus vulnérable, on s’enferme chez soi. » Un phénomène renforcé, à moins d’avoir un réseau plus jeune, par le fait qu’à 85 ans, les amis du même âge disparaissent. Il est toutefois possible de maintenir une bonne condition physique longtemps. « Quelques entraînements des muscles, simples et réguliers, peuvent avoir un effet bénéfique », conseille Alain Huber.
FINANCER LA LONGÉVITÉ Outre les nombreux défis sociosanitaires, la gageure incontournable liée au vieillissement des populations se pose en termes de financement des assurances sociales. D’autant que l’écart entre le nombre d’actifs et de retraités décroît constamment avec l’arrivée massive des baby-boomers à la retraite. Le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus correspond actuellement à près de 18% de la population en Suisse. En 2050, elles en représenteront 27%. Avec cette évolution, les dépenses en soins liées à la dépendance, qui concernent notamment le très grand âge, montent en flèche. En Suisse, l’ensemble des soins liés à la dépendance équivaut aujourd’hui à 1,5% du PIB. « Selon les projections, nous estimons qu’en 2030, ils compteront près du double », indique Christophe Courbage, professeur à la Haute École de gestion de Genève. Les soins à domicile s’élèvent actuellement à 1200 millions de francs annuels, tandis que les coûts en institution frôlent les… 8000 millions. « Si l’on ne fait rien rapidement, on va droit dans le mur », prévient l’économiste. En effet, les coûts liés aux soins de dépendance à la charge des familles risquent d’augmenter significativement, alors que la Suisse est déjà le pays où ces dépenses sont les plus salées. « Il y a un risque d’exposer les proches à la pauvreté », avertit Christophe Courbage.
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ESPÉRANCE DE VIE À 65 ANS
(en années)
22,9 20 Suisse
PAYS OÙ L'ON VIT LE PLUS LONGTEMPS
24,4 19,6 Japon
PAYS EUROPÉEN OÙ L'ON VIT LE PLUS LONGTEMPS 23,6 19,4 Espagne
PAYS EUROPÉEN OÙ L'ON VIT LE MOINS LONGTEMPS 17,7
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Source : OCDE
Russie 65
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Actuellement, le financement des dépenses liées à la dépendance pour la population plus âgée provient essentiellement de l’assurance maladie et de l’AVS. De nouvelles façons de les financer sont débattues. « Une d’entre elles consiste en une ‘récupération sur héritage’, c’est-à-dire la déduction des subventions liées à la dépendance de l’héritage à laisser, à certaines conditions. » Dans certains cantons alémaniques, l’option d’une banque de points liée aux soins informels existe déjà. « Qui offre des soins gagne des 27
points qui lui permettront à son tour de bénéficier de soins lorsqu’elle ou il en aura besoin », explique Christophe Courbage. Une autre idée est de créer une assurance-dépendance publique qui permette de dissocier la dépendance des autres risques, comme en Allemagne, en Autriche et au Japon. D’autres pays mettent en place des incitations pour promouvoir l’aide informelle, par exemple en fournissant des indemnités publiques à une personne qui quitte son emploi durant une certaine période afin de s’occuper d’un proche. Ailleurs, comme en France, aux États-Unis ou à Singapour, la dépendance peut être financée à travers la valeur de la maison de l’individu, grâce à des produits financiers qui permettent de monétariser des biens immobiliers, tels que des viagers ou des hypothèques inversées. Enfin, l’assurance-dépendance privée (une assurance à laquelle on cotise en vue de couvrir les éventuels frais liés à la dépendance), un tout petit marché en Suisse, est appelé à s’étendre. « Aux États-Unis où il est plus développé, les enfants encouragent leurs parents à s’assurer ainsi. En effet, les frais relatifs à la dépendance peuvent sérieusement grever un héritage », relève Christophe Courbage. Au-delà des questions pratiques, l’allongement de la durée de la vie, la grande vieillesse – un état qui varie selon les individus et les cultures – et son sens doivent encore être compris et apprivoisés. L’anthropologue français Frédéric Balard met en évidence à quel point la réalité est plurielle, selon des facteurs comme l’époque, la culture, les conditions économiques. Dans certaines sociétés, les centenaires sont honorés, comme au Japon où on les appelle « trésors vivants ». En revanche, dans d’autres réalités, ils se sacrifient. Comme dans le film La Ballade de Narayama, Palme d’or à Cannes en 1983, où dans un village pauvre et isolé du XIXe siècle, la coutume appelée ubasute voulait que les habitants atteignant 70 ans aillent mourir volontairement au sommet de la montagne Narayama. Notre société prospère et technologique permet de prolonger l’espérance de vie plus que jamais auparavant. Faire en sorte que ce quatrième âge soit valorisé, que les personnes qui le traversent soient écoutées, entourées et appréciées, sans que leur vieillesse soit niée comme dans les fantasmes du transhumanisme, c’est l’un des défis éthiques les plus intéressants qui se pose à notre humanité. / Événement : La clinique La Source organise le 6 juin 2019, au Palais de Beaulieu à Lausanne, le colloque intercantonal « Les enjeux du vieillissement en Suisse et à l’étranger » où il sera question, entre autres, de la sarcopénie, cette maladie gériatrique caractérisée par une diminution de la capacité musculaire, de l’évolution des pratiques dans les hôpitaux, du principe d’autodétermination du patient ou encore de la formation tout au long de la vie.
FOCUS
PROPOS RECUEILLIS PAR
STÉPHANIE DE ROGUIN
HYPERLONGÉVITÉ
INTERVIEW « AUJOURD’HUI, ON VEUT DE PLUS EN PLUS MAÎTRISER SA FIN DE VIE »
Ralf Jox et Eve Rubli Truchard ont émis des recommandations sur la prise en charge pour la fin de vie des personnes âgées dans un livre blanc. Ils évoquent quelques pistes d’avenir ici.
in vivo Dans quel but la chaire de soins palliatifs gériatriques que vous codirigez a-t-elle été créée en 2016 ? ralf jox En raison du vieillissement de la population, mais aussi parce que les causes de décès évoluent. On dénombre de plus en plus de maladies chroniques, de combinaisons de plusieurs maladies (ce que l’on appelle multimorbidité) et de démence. Les buts de la chaire sont de mener des projets de recherche sur ces questions, de former les médecins, les soignants et d’autres professionnels de la santé, tout en travaillant avec le monde politique et l’opinion publique afin de promouvoir les intérêts des seniors dans leur dernière période de vie. eve rubli truchard Les progrès de la médecine permettent aujourd’hui d’aider un patient à vivre non seulement plus longtemps, mais, faut-il l’espérer, avec une meilleure qualité de vie. Pour cela, il faut des connaissances de la personne âgée et des soins en fin de vie. Le but n’est pas de créer une nouvelle spécialité, mais de se demander quel professionnel est à même de traiter telle ou telle question, tout en prenant garde à ce que le réseau primaire, c’est-à-dire le médecin traitant et les centres médico-sociaux, conserve son rôle central.
Prof. Ralf Jox Palliativiste, neurologue et éthicien, il codirige la chaire de soins palliatifs gériatriques à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’Université de Lausanne (UNIL). Dre Eve Rubli Truchard Cette interniste gériatre codirige la chaire de soins palliatifs gériatriques. Elle travaille également dans le Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du Département de médecine du CHUV. 28
À quel moment du parcours d’un patient les soins palliatifs sont-ils prescrits ? rj Jusqu’ici, les soins palliatifs ont surtout été sollicités lors des derniers jours avant le décès, dans ce que l’on appelle la phase terminale. De nombreuses mesures peuvent être mises en place en amont, comme préparer des réactions rapides et adéquates aux symptômes sévères en crise aiguë. Les soins palliatifs peuvent être introduits dès le diagnostic d’une maladie grave comme un cancer. Il est possible de traiter la maladie et ses causes, de soulager la souffrance, d’améliorer la qualité de vie, de prévenir des crises psychosociales et de préparer des décisions à prendre dans le futur. iv
Cette intervention précoce des soins palliatifs donne-t-elle davantage de pouvoir de décision au patient ? ert Oui, et c’est un point très important. Aujourd’hui, de nombreuses personnes veulent maîtriser leur fin de vie, de la même manière que leur vie en général. Une façon de le réaliser est que le patient puisse discuter et transmettre par oral ou écrit ses souhaits et volontés, y compris ce qu’il ne voudrait absolument pas dans ses soins futurs. Ainsi, l’ensemble des professionnels respectera au mieux ses choix, si un jour le patient perd sa capacité de discernement. rj Cette méthode, que l’on dénomme Advance Care Planning (projet de soins anticipé), est bien développée en Australie, en Amérique du Nord, en Allemagne et dans le canton de Zurich. Nous essayons d’adapter et de préparer une telle approche pour la Suisse romande. iv
Comment agissez-vous sur le plan politique ? Nous avons déjà entamé une collaboration avec le Service de la santé publique, le Réseau Santé Région Lausanne, et d’autres acteurs politiques. Dans le Livre blanc1 que nous avons récemment rédigé avec des collègues, nous relevons par iv
rj
FOCUS
HYPERLONGÉVITÉ
exemple que le temps de parole accordé au patient lors de sa visite chez son médecin de famille est très peu valorisé avec le système de rémunération Tarmed. Il est en effet très strictement compté. Cette tarification ne favorise pas un accompagnement en fin de vie adéquat. Prend-on davantage en compte le facteur humain ? ert La médecine permet des miracles, mais est-ce vraiment toujours ce que le patient âgé souhaite ? Nous avons la mission d’éviter l’acharnement thérapeutique. Nous devons élargir le débat avec des questions plus éthiques : avons-nous répondu aux besoins du patient avec des objectifs de soins qui font vraiment sens ? Quelle est son autonomie dans les choix qui lui sont proposés ? Lorsque nous pouvons expliquer en détail à un patient les options qui s’offrent à lui, il n’est pas rare qu’il dise : « J’ai bien vécu ma vie, elle peut s’arrêter. » Certains ne veulent plus d’intervention ni de traitements agressifs. Ils préfèrent choisir la qualité de vie par rapport à sa quantité. Le personnel médical doit pouvoir entendre ce souhait et proposer des options qui vont dans ce sens. Sur ce plan, il reste beaucoup de chemin à faire. rj D’autres problèmes se posent, comme celui de la solitude de nonagénaires qui vivent isolés à domicile. Quel soutien apporter à des personnes qui n’ont plus d’activité reconnue et valorisée par la société, mais qui ont parfois encore de longues années à vivre ? Ces questions sociétales influencent profondément la médecine. iv
Quelles sont vos pistes à ce sujet ? Il est essentiel d’écouter et de comprendre où en est le patient dans ses différentes étapes de vie, de parler ensuite des options qui s’offrent à lui, d’inclure les proches si le patient le souhaite ou s’il n’a plus la possibilité de s’exprimer avec sa pleine capacité de discernement. Puis, il s’agit de construire un projet de soins comprenant les dimensions bio-psycho-sociales et spirituelles qui ait du sens pour le patient et ses proches. rj Pour vraiment assurer la qualité de vie des seniors jusqu’à la mort, il faut davantage créer des espaces iv
ERIC DÉROZE
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sociaux dans les EMS et dans les communes qui valorisent la dignité de ces personnes vulnérables et facilement discriminées. Comment aborder la question de la mort avec les patients, alors que notre finitude reste un tabou ? ert Osons en parler ! Il n’est pas rare que des professionnels du corps médical ou infirmier n’aient pas connu de décès dans leur entourage proche. C’est comme si la mort était centralisée en des lieux spécifiques, dans les EMS et dans quelques services hospitaliers. rj Afin d’alléger ce tabou, nous pouvons nous inspirer d’initiatives mises en place à l’étranger : en NouvelleZélande, le programme « Conversations that count » propose des discussions de manière décontractée – par exemple autour d’un barbecue – sur la fin de vie et un projet de soins anticipé. Le projet australien « Dying To Know Day » cherche à stimuler la conversation autour des soins palliatifs, de la mort et de la perte. Ailleurs, débats ou documentaires télévisés sont courants. Enfin, les cartes américaines « Go Wish » questionnent les personnes sur la façon dont elles souhaiteraient être prises en charge en fin de vie. Une version adaptée existe en Suisse romande et en France, mais cet outil reste peu connu. / iv
1 Soins palliatifs gériatriques en Suisse romande. État des lieux et recommandations, Prof. Ralf J. Jox, Prof. Sophie Pautex, Dre Eve Rubli Truchard, Sylvie Logean, novembre 2018.
MENS SANA
« Les objets connectés sont basés sur une motivation purement personnelle. »
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MENS SANA
INTERVIEW
MARIA DEL RIO CARRAL Cette psychologue étudie l’impact des objets connectés dans le domaine de la santé. Pour In Vivo, elle revient sur les interrogations liées à ces technologies. INTERVIEW : ERIK FREUDENREICH PHOTO : HEIDI DIAZ
« Des points ou des icônes ne suffisent pas à modifier nos comportements » le comparant à celui d’autres usagers : le Alimentation, sommeil, activité physique ou sexuelle : plus de nombre de pas que l’on fait en une journée, 300’000 applications de santé sont aujourd’hui télécharla quantité de calories consommées, la quageables sur les téléphones portables. Un marché qui devrait lité du sommeil… C’est un outil qui soulève atteindre une valeur de 151 milliards de francs d’ici à 2025, toutes sortes de questions : comment se définit selon une étude du cabinet Grand View Research. Mais aula frontière entre santé et maladie ? Est-ce delà de ces chiffres faramineux, quel est l’impact réel de ces qu’une personne doit être considérée comme outils sur la santé de leurs utilisateurs ? Peuvent-ils aider n’étant pas en « bonne santé » parce qu’elle ne à répondre aux défis actuels en matière de santé pubouge pas et qu’elle n’utilise pas son application blique ? Maria del Rio Carral, chercheuse en psychologie d’alimentation de manière régulière ? Nous avons de la santé, a publié une série d’articles scientifiques qui encore peu de recul sur l’impact que ces outils vont analysent ce phénomène en plein boom depuis une avoir à un niveau plus sociétal, sur la manière de dizaine d’années. Elle revient ici sur les espoirs et les définir la santé ou la maladie. Mais il est certain que craintes que soulève cette quantification de soi. ces données posent une norme. IN VIVO Qu’est-ce qu’on entend par objet connecté ? MARIA DEL RIO CARRAL Dans le domaine de la santé, IV Les compagnies d’assurances se trouvent d’ailleurs cela désigne l’usage d’un smartphone pour réen première ligne pour promouvoir leur usage. MDRC colter des indices physiologiques du corps qui On assiste peu à peu à une prise de position dans ce sens deviennent des données numériques traitées de la part de certaines compagnies d’assurances, comme si par une application. À travers des algoces objets connectés étaient devenus les gardiens ou les rithmes, celle-ci va permettre de faire un garants d’une « bonne santé ». Mais je ne pense pas que ces retour immédiat sur l’état de santé tout en technologies suffisent pour répondre aux besoins de santé
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INTERVIEW
complexes de la société d’aujourd’hui. La logique sous-jacente IV Qui sont les utilisateurs actuels de ces de ces objets est basée sur une motivation purement indivioutils ? MDRC On peut distinguer quatre caduelle. Ils utilisent les systèmes de récompense et d’autotégories principales : les patients amenés, vu efficacité employés de longue date en psychologie de la santé, leur état de santé, à gérer une maladie chrovia des approches visant un changement de comportement nique, à surveiller leurs symptômes et leurs individuel. Par exemple, si l’on se sent capable d’arrêter de fonctions vitales au quotidien ; les sportifs qui fumer, il y a plus de chances que l’on y arrive. Mais ces morécoltent des données dans le but de mesurer dèles considèrent les comportements comme si on pouvait leur performance ; des individus « tout venant » les isoler d’autres pratiques sociales, toujours contextualiqui, par curiosité, souhaitent changer un comsées. Alors que fumer va souvent de pair avec l’envie de boire portement ou améliorer leur performance. Enun verre de vin, une association qui nous fait ensuite préféfin, il y a les adeptes du mouvement du quantirer regarder un film plutôt que d’aller faire du sport. Cerfied self, une pratique qui consiste à récolter le tains spécialistes estiment qu’il serait plus efficace de cibler maximum de données sur soi-même pour optiles pratiques sociales que de responsabiliser les individus. miser sa vie quotidienne, dans le but de mieux se connaître. Au niveau suisse, dans le cadre de l’étude que nous avons menée à Planète Santé, environ 50% des utilisateurs interrogés ont indiqué utiliser les objets connectés pour mesurer leur activité physique, 23% pour gérer leur alimentation, 11% en raison d’une maladie chronique et 16% pour d’autres raisons comme la contraception, la mesure du taux d’alcoolémie ou le sommeil.
« ON ATTEND SOUVENT D’ÊTRE MALADE OU À RISQUE POUR CHANGER D’ATTITUDE. »
IV On note un fort pourcentage d’abandon par les utilisateurs après quelques mois ? Comment cela s’explique-t-il ? MDRC Les promoteurs de ces objets IV Quel est le fait le plus surprenant observé jusqu’ici dans vos travaux ? MDRC Deux tiers des ainsi que d’autres acteurs dans le domaine de la santé adhèrent à la promesse selon laquelle les nouvelles personnes interrogées lors d’une de nos enquêtes technologies vont révolutionner nos vies. Or, nos comdisent ne pas disposer d’un objet connecté et ne portements ne sont pas simplement modifiables en pas vouloir en utiliser à l’avenir. Un fait d’autant étant récompensés par des points ou des icônes. Il est plus étonnant qu’il s’agit d’un sondage que nous bien beau de compter les calories, mais comment va-t-on avons mené lors d’une édition du salon Planète gérer une invitation au restaurant ou un dîner chez des Santé consacré à la santé digitale. Un certain amis ? Dans le cadre d’une étude réalisée auprès de nombre de personnes indiquaient qu’elles sefemmes utilisant une application pour perdre du poids, raient prêtes à l’utiliser en cas de maladie, sur nous avons noté que certaines d’entre elles décident de ne prescription de leur médecin. On en revient au pas l’utiliser le week-end. D’autres choisissent constat qu’il est très difficile de faire la prode l’utiliser de manière secrète, en ne monmotion de la santé dans notre société. Les BIOGRAPHIE trant pas devant autrui le fait qu’elles s’en gens attendent souvent d’être malades ou à Docteure en servent au quotidien, ou en ne partageant pas risque pour changer d’attitude. Cela reflète psychologie, Maria del Rio leurs données au sein d’une communauté la complexité de l’être humain, dont les Carral est l’aucomportements sont inévitablement so- teure de plusieurs virtuelle. On voit aussi qu’il y a une diversité ciaux, ancrés dans une culture, un moment études consacrées d’usages, qui est influencée par notre état affectif, toujours changeant : en cas de déhistorique ainsi qu’une biographie person- à l’usage de technologies digitales prime passagère, les utilisateurs vont ranger nelle. C’est quelque chose que la technolo- dans le domaine l’objet dans un tiroir. gie ne parvient pas encore à saisir. de la santé.
La jeune femme d’origine mexicaine est actuellement maître assistante au sein de l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne. 32
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INTERVIEW
IV Vous avez mené une revue de la littérature scientifique sur le sujet des objets connectés. Avec quelles conclusions ? MDRC Actuellement, une majorité des auteurs scientifiques dans le domaine se montrent enthousiastes. Ils formulent l’espoir que la technologie va permettre de faire face aux défis de santé publique, notamment une réduction des coûts via la gestion individuelle de sa propre santé. La littérature existante tend à envisager un futur où l’on utilisera ces objets pour mieux partager qui l’on est et mieux se connaître soi-même. Une vision qui part du postulat que les individus ont envie de changer de comportement et d’aller mieux.
« DES AUTEURS ESTIMENT QUE LA ‘ SANTÉISATION ’ PROVOQUE DES RÉACTIONS INVERSES : CERTAINES PERSONNES VONT FUMER POUR S’OPPOSER À CES INJONCTIONS. »
Est-ce qu’il existe le risque d’aller vers une forme de Cependant, il existe aussi un courant minori« dictature du bien-être » ? MDRC Tout à fait. Plusieurs taire, plus critique, provenant de la sociologie, la études récentes en psychologie montrent d’ailleurs l’imphilosophie, l’anthropologie et parfois la psychopact des réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram logie, qui soulève des craintes liées à la protection sur les normes alimentaires ou du corps « parfait » selon de la vie privée. En donnant accès à nos données, le genre, notamment auprès des jeunes adolescentes, nous travaillons en quelque sorte pour les grandes qui se trouvent peut-être dans une situation plus vulcompagnies comme Apple. Certains de ces auteurs nérable. critiquent la standardisation des comportements qui est promulguée par les objets connectés : est-ce IV Quelle influence les objets connectés ont-ils sur que cette normalisation n’engendre pas un risque la pratique des médecins ? MDRC La technologie d’exclusion, voire à terme des primes d’assurance peut certainement contribuer au développement de plus élevées pour ceux qui refusent ce suivi ? la médecine « 4P » (personnalisée, préventive, prédictive et participative). Toutefois, il faut faire en sorte qu’elle soit introduite avec un processus proIV Certains auteurs dénoncent la tendance au gressif d’éducation et de socialisation du patient de « h ealthism » (« santéisation » ) de notre société. la part des médecins, de la même manière que ces Qu’entendent-ils par-là ? MDRC Ce néologisme imaderniers doivent expliquer les effets secondaires giné par l’économiste américain Robert Crawford déliés à la prise d’un médicament. Depuis quelques signe l’importance accordée aujourd’hui au maintien années, on voit se développer l’utilisation d’imd’une bonne santé, au détriment d’autres aspects et plants dans le domaine médical qui servent par activités de la vie quotidienne. Avec pour conséquence exemple au suivi en continu de patients diabéle fait que toute personne qui ne ferait pas de la santé sa tiques ou des personnes présentant un risque priorité de vie serait vue comme étant anormale dans nos cardiaque. Parmi les questions qui restent en sociétés actuelles. D’un choix propre à chacun, la santé suspens, il y a celle de savoir si les médecins est devenue l’affaire de tous. Nous sommes submergés par auront le temps de consulter les données de des discours qui disent qu’il faut manger sainement ou tous les patients à risque ? Je souhaite approêtre en bonne santé. Des auteurs estiment que cette « sanfondir cet aspect lors d’un prochain projet de téisation » provoque des réactions inverses : certaines perrecherche, en cours d’élaboration, dans le sonnes vont continuer à fumer leur paquet de cigarettes domaine des maladies cardiovasculaires. ⁄ quotidien pour s’opposer à ces injonctions.
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TEXTE : AUDREY MAGAT ILLUSTRATION : PATRIC SANDRI POUR IN VIVO
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TENDANCE
LES PHARMACIES ENTRENT DANS LA BATAILLE NUMÉRIQUE
Prix avantageux et confort de commande dopent le commerce de médicaments en ligne. Le conseil personnalisé reste pourtant essentiel dans ce secteur.
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n novembre 2018, le groupe genevois Pharmacie Principale s’alliait au belge Newpharma pour lancer Apo24.ch, son guichet électronique de vente de produits de parapharmacie destinés aux clients suisses. La chaîne de huit officines physiques y propose des médicaments aux tarifs européens avantageux. Elle emboîte le pas à d’autres acteurs importants du secteur comme Amavita, Sun Store ou Zur Rose, qui se sont engouffrés depuis plusieurs années sur le marché prometteur de la vente de médicaments sur internet, en dépit des limites posées par la loi fédérale sur la vente de produits thérapeutiques. Celle-ci interdit en principe la vente sans contact direct entre le pharmacien et le client, mais, dans la pratique, les cantons peuvent délivrer des dérogations à des fournisseurs sous certaines garanties. Zur Rose, le leader du marché suisse, a ainsi obtenu une autorisation de la part du canton de Thurgovie. Comme les frontières cantonales ne sont pas contrôlées, elle peut, de facto, envoyer ses médicaments dans tout le pays. COMPTE DE PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE
Le mode de réception du médicament
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GARE AUX CONTREFAÇONS L’OMS révélait en 2010 que 50% des médicaments vendus en ligne sur des sites non officiels sont des faux. L’usager s’expose à un conditionnement falsifié, à une date de péremption modifiée, à un dosage inadéquat, voire à un principe actif absent. « Les sites illégaux de vente de médicaments peuvent avoir une apparence trompeuse : ils paraissent suisses, conformes, sérieux, mais sont en réalité des portails de trafic », avertit Nicolas Fotinos, collaborateur scientifique de la division contrôle du marché des médicaments chez Swissmedic. Les prix trop attractifs sont un signal d’alerte, tout comme les sites proposant des médicaments sans ordonnance médicale.
dépend cependant de sa classification. Chez Zur Rose, pour ceux sous ordonnance, soit le patient, soit son médecin fournit la prescription originale à la pharmacie en ligne. Après vérification par des pharmaciens agréés, le site envoie les médicaments au domicile du client. « Les patients avec des ordonnances à long terme peuvent ensuite commander leurs médicaments via leur compte de prescription électronique », précise Lisa Lüthi, porte-parole de la société thurgovienne. En revanche, les médicaments en vente libre, tels que l’ibuprofène ou le paracétamol, commandés en ligne, doivent être retirés dans une officine afin d’assurer un conseil personnalisé. Les produits de droguerie comme les soins corporels, les pastilles pour la gorge ou les compléments alimentaires sont sans conditions. Outre des tarifs plus bas qu’en officine classique – Zur Rose avance des prix 12% meilleur marché pour les médicaments en vente libre –, les pharmacies en ligne mettent en avant le confort du patient. Internet évite un déplacement aux personnes à mobilité réduite. Le Prof. Farshid Sadeghipour, chef du service de pharmacie du CHUV, fait cependant valoir
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TENDANCE
que la cyberpharmacie ne doit pas devenir un automatisme. « Pour les personnes âgées, aller chercher leurs médicaments en personne leur permet d’entretenir un lien social essentiel à leur longévité », assure-t-il. Se rendre physiquement en pharmacie permet également d’obtenir des indications sur la posologie, concernant d’éventuels effets secondaires ou des risques d’interactions avec un autre traitement. SHOP-IN-SHOP
« En pharmacie, le conseil est gratuit, et il est toujours préférable de discuter avec un professionnel de la santé », souligne le pharmacien-chef. Selon lui, « internet peut surtout être un outil servant au développement de l’éducation thérapeutique du patient, en lien avec son rôle d’acteur de son traitement, par des vidéos explicatives ou des informations complémentaires ». « La santé est bien trop précieuse pour que l’on accepte de ne la confier qu’à de seuls avatars et algorithmes, déclare de son côté Marcel Mesnil, secrétaire général de pharmaSuisse, l’organisation faîtière des pharmaciens. Néanmoins, il est important de continuer à développer de nouveaux canaux d’achat, notamment pour les personnes âgées, les patients chroniques et les malades qui souhaitent être soignés chez eux; trois catégories de patients qui seront encore plus nombreux à l’avenir. » Pionnière de ce pivot vers la Toile, Zur Rose, fondée en 1993, était à l’origine un grossiste, basé à Steckborn, au bord du lac de Constance. Dès 2001, elle s’est lancée dans la livraison de médicaments par correspondance. L’entreprise s’est aussi étendue à l’Allemagne, parvenant à s’imposer comme le leader européen de la vente en ligne. Son alliance avec Migros, en 2017, lui a permis d’ouvrir des enseignes physiques dans les supermarchés orange, des « shop-in-shops » qui ont tout d’une
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KITS À FAIRE VÉRIFIER PAR UN MÉDECIN Cholestérol, allergies, carences ou fertilité : la vente de kits d’autodiagnostics en pharmacie a progressé de 50% en 2017. Il suffit de prélever une goutte de sang, de la mélanger au diluant et d’agiter pour tester son intolérance au gluten. Le résultat est connu en dix minutes. Attention cependant : cet autotest n’est pas un diagnostic. « L’expression intolérance au gluten est ambiguë, car les personnes présentent des symptômes non spécifiques, qui peuvent correspondre à plusieurs conditions très différentes. L’autotest vise en fait à poser un diagnostic de maladie cœliaque, (ndlr. maladie de l’intestin causée par une réaction immunitaire). Une démarche clinique rigoureuse est nécessaire pour le confirmer, il est donc toujours préférable de consulter un médecin », prévient Murielle Bochud, co-directrice adjointe d’Unisanté – Centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne.
officine classique. « Les clients ont des besoins croissants en matière d’achat : les produits peuvent donc être commandés en ligne, récupérés en magasin ou livrés à domicile. Grâce aux shop-in-shops, l’achat des produits de première nécessité chez Migros peut donc être associé à celui d’articles de pharmacie », explique la porte-parole de l’entreprise. AMAZON EN POINT DE MIRE
Les officines physiques redoutent cette concurrence en ligne. En 2018, la Suisse comptait 1800 pharmacies sur son territoire. Deux grands groupes dominent le secteur : BENU et Galenica (qui détient près de 500 pharmacies, dont les chaînes Amavita et Sun Store). La vente en ligne devrait favoriser une plus forte concentration : « Les grandes chaînes pharmaceutiques ont le quasi-monopole du marché, et maintenant les groupes alémaniques peuvent même livrer les patients romands, c’est terrible pour les pharmacies de quartier », déplore Laurent Santini, créateur du site de semainiers sur mesure Dosepharma et bon observateur du secteur. Ce mouvement n’en est qu’à ses débuts, car des groupes de plus en plus imposants se profilent. « Amazon s’intéresse de très près au marché de la santé et des médicaments », avertit Marcel Mesnil. Le géant d’internet a obtenu des licences pour vendre des médicaments dans douze États américains. Sur son site français, il se contente pour l’instant de vendre des produits de droguerie. « Pour survivre dans ce contexte, les officines indépendantes doivent élargir leur offre de services afin d’avoir également une présence digitale et de proposer une possibilité de ‘ Click & Collect ’ à leurs clients/ patients », estime Marcel Mesnil. Le futur passera aussi par de nouvelles prestations comme la vente de kits d’autodiagnostics. /
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PROSPECTION
CERVEAU : L’ÉLECTRICITÉ À LA RESCOUSSE L’ÉLECTRICITÉ N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI PRÉSENTE POUR TRAITER LES TROUBLES DU SYSTÈME NERVEUX. QU’ELLES SOIENT INNOVANTES OU RÉACTUALISÉES, LES TECHNIQUES DE STIMULATION CÉRÉBRALE SAUVENT DES VIES.
BARNEVELD, WILHELM VAN. 1787. MEDIZINISCHE ELEKTRIZITÄT : AUS DEM HOLLÄNDISCHEN ; MIT DREI KUPFERTAFELN. LEIPZIG : SCHWICKERT
TEXTE : YANN BERNARDINELLI
Gravure de 1787 représentant un bain d’électricité. 37
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lacer des électrodes sur le crâne d’un patient et lui administrer des électrochocs : la technique réveille des souvenirs de mauvais traitements en psychiatrie dignes du film Vol au-dessus d’un nid de coucou, de Miloš Forman. La stimulation électrique est pourtant de plus en plus présente dans l’arsenal médical, que ce soit la stimulation cérébrale profonde (SCP) contre la maladie de Parkinson ou l’électroconvulsivothérapie (ECT) contre les dépressions persistantes. La mauvaise réputation de ces thérapies appartient désormais au passé grâce à des approches plus rigoureuses et scientifiques. Avec le progrès des neurosciences, leurs mécanismes d’action sont maintenant mieux compris.
DE L’E-BAIN À L’E-CHOC
Prof. Vincent Barras, historien de la médecine à l’Institut des humanités en médecine (CHUVUNIL). Les bienfaits de l’électricité sur le corps humain sont pressentis et des établissements proposant des bains d’électricité ouvrent leurs portes. L’électricité intéresse la médecine pour les maladies dites nerveuses comme la « neurasthénie », mais pas encore pour traiter la « folie ». La médecine aliéniste — ancêtre de la psychiatrie actuelle — s’intéresse au concept du choc, en faisant l’hypothèse qu’une « secousse » peut en quelque sorte remettre les idées en place : injection de la malaria pour obtenir des pics de fièvre, pratique du coma insulinique ou de chocs médicamenteux. L’idée est de provoquer une sorte de crise épileptique afin de réajuster les foyers aberrants qui seraient à l’origine de la crise. Parallèlement à ces tentatives thérapeutiques héroïques, les connaissances de la physiologie du système nerveux progressent, en particulier via la stimulation électrique expérimentale du système nerveux. La découverte du potentiel d’action — modèle électrique de la conduction nerveuse — en est un bon exemple. « Forts de ces connaissances, les psychiatres vont tenter d’utiliser l’électricité, en la liant au concept du choc, pour traiter les patients », poursuit Vincent Barras. Les premiers électrochocs sont appliqués avec succès à un patient souffrant de schizophrénie en
1938, sans son consentement puisqu’il n’est nullement d’usage de le demander à cette époque. Par la suite, la technique est utilisée pour différentes pathologies mentales, en particulier la dépression grave. Elle est aussi testée dans certaines situations où la limite entre l’idéologie et les conceptions scientifiques n’est pas nettement tranchée ; lors de visées répressives. « L’électrochoc a été considéré comme le symbole des abus de la psychiatrie dès les années 1950. Il a par ailleurs été remis en question sur le plan thérapeutique avec l’arrivée des premiers neuroleptiques dans ces mêmes années », indique Vincent Barras. Leurs effets secondaires ont alors été jugés bien moindres et l’ECT quelque peu délaissée. Mais, tout au long de cette période, certains psychiatres sont restés convaincus de l’efficacité de la technique, y compris en Suisse, et ont continué à la faire évoluer.
RETOUR DES ECT C’est dans les années 1950 que les trois principaux groupes de psychotropes (neuroleptiques, antidépresseurs et anxiolytiques) ont été découverts. Ils ont profondément modifié les traitements psychiatriques. Pour la première fois, des médicaments efficaces venaient compléter les traitements psychothérapeutiques basés sur la parole. Depuis, peu d’innovations thérapeutiques majeures ont vu le jour en psychiatrie. C’est dans ce contexte
BURGER/PHANIE
Il faut remonter au XVIIIe siècle, lorsque les lois de l’électricité sont énoncées, pour voir apparaître la première utilisation de l’électricité à des fins thérapeutiques ou de bien-être. « À l’époque, l’électricité est vue comme un fluide animal qui parcourt les nerfs. Le véritable secret de la vie ! » raconte le
PROSPECTION
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que les ECT intéressent à nouveau comme objet de recherche, puisque leur efficacité est, dans certaines situations cliniques, restée supérieure à celle des médicaments. Si elles n’ont jamais été entièrement abandonnées au CHUV, depuis 2013, les ECT sont effectuées dans une unité spécialisée, sous l’impulsion du Prof. Armin von Gunten et du Dr Jean-Frédéric Mall, responsable de l’Unité ECT du Département de psychiatrie. Ce dernier explique ainsi la méthode : « Deux électrodes sont placées sur le crâne du patient et une décharge électrique stimulant certaines zones du cerveau est appliquée pour induire une crise épileptique. C’est le seul point commun avec les années 1930. »
être proposée de façon précoce lorsqu’une réponse rapide est nécessaire. Le patient est désormais traité sous anesthésie. La technicité a également évolué, alors que « les paramètres électriques utilisés à l’époque pouvaient provoquer des effets secondaires importants. Aujourd’hui, les protocoles ne sont plus les mêmes et ils sont adaptés à chaque patient. » Ces évolutions ont limité les effets secondaires, qui se résument principalement, selon le Dr Mall, à des pertes de mémoire à court terme, « totalement réversibles ». L’ECT fonctionne pour d’autres pathologies psychiatriques comme la bipolarité ou la schizophrénie.
L’ECT est toujours effectuée avec le consentement du patient et peut
Si les mécanismes d’action de l’ECT ne sont pas encore totale-
LES NEURONES RENOUVELÉS
ment compris, les neurosciences ont remarquablement progressé pour cartographier précisément le cerveau et attribuer à chaque réseau de neurones des rôles dans les fonctions cognitives, motrices et sensorielles et leurs maladies associées. Le Prof. Bogdan Draganski, neurologue au Service de neurologie et directeur du laboratoire de neuroimagerie LREN au sein du Département de neurosciences cliniques du CHUV, se veut rassurant : « L’ECT ne détruit pas le cerveau, bien au contraire ! » L’hippocampe, structure cérébrale reconnue pour être impliquée dans la dépression, perd des neurones pendant la phase dépressive. Grâce à l’imagerie cérébrale, le chercheur a pu démontrer que cette diminution de volume est atténuée : « L’ECT stimule la naissance de nouveaux neurones – la neurogenèse – selon un coefficient de dix ! »
DROIT AU BUT La stimulation cérébrale profonde (SCP) a une cible neurobiologique plus précise que l’ECT. Elle consiste à implanter une électrode au cœur des zones cérébrales dysfonctionnelles pour moduler les voies neuronales par stimulation. La technique est efficace pour la maladie de Parkinson et les douleurs chroniques, mais elle pourrait également avoir des effets sur les dystonies, les troubles obsessionnels compulsifs, l’épilepsie, la dépression, l’addiction, les troubles du comportement alimentaire ou encore le
Stimulation cérébrale profonde en traitement de la maladie de Parkinson.
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PROSPECTION
ÉLECTROTHÉRAPIES FUTURISTES Afin de faire progresser les électrothérapies qui traitent les maladies mentales et neurodégénératives, il s’agit de mieux comprendre quels types de neurones sont impliqués et dans quelles régions cérébrales ils se situent, pour pouvoir les moduler spécifiquement. Si l’utilisation de l’électricité pour stimuler les voies neuronales à titre expérimental permet de « dégrossir » la question, elle n’est pas l’outil idéal en raison de son manque de spécificité. En effet, les champs électriques émanant d’une électrode déposée dans un tissu cérébral contenant une grande variété cellulaire vont inévitablement stimuler plusieurs types de cellules en même temps. Il existe néanmoins des outils génétiques destinés à la recherche qui permettent de manipuler artificiellement et de manière spécifique l’activité des réseaux de neurones en imitant l’effet de l’électricité par la lumière : l’optogénétique. Grâce à elle, le groupe de Christian Lüscher, professeur en neurosciences à l’Université de Genève, a identifié les voies neuronales impliquées dans l’addiction à la cocaïne. En soumettant ces voies
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neuronales à des protocoles de stimulation lumineuse de type SCP, les chercheurs sont parvenus à supprimer l’addiction chez des souris de laboratoire. « Nous sommes même allés plus loin ! Grâce aux résultats obtenus avec l’optogénétique, nous avons pu mettre en place un protocole de SCP électrique en combinaison avec une substance pharmacologique faisant appel à la plasticité neuronale pour contrer l’addiction sur le long terme chez la souris », ajoute le Prof. Lüscher. Une étude en phase préclinique sur le primate, étape précédant les essais sur l’humain, est en cours. L’optogénétique est déjà testée sur l’homme dans un autre contexte. Le groupe de recherche de Botond Roska, de l’Institut Friedrich Miescher, à Bâle, l’utilise en effet pour soigner la rétinite pigmentaire, une maladie rare pouvant mener à la cécité. Grâce à l’envoi de lumière à travers l’œil, les chercheurs parviennent à atteindre le système nerveux central sans avoir recours à l’électricité ni à une chirurgie invasive comme celle pratiquée pour la SCP. L’étude est actuellement en phase clinique.
syndrome de Gilles de la Tourette. Une liste impressionnante d’applications possibles qui laisse à penser que tout est traitable par la SCP. La Prof. Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au CHUV, acquiesce : « La technique semble marcher pour beaucoup de neuropathologies, mais seuls les effets sur les douleurs chroniques et les pathologies du mouvement qui comprennent la maladie de Parkinson, les tremblements et la dystonie sont actuellement reconnus, donc remboursés par les assurances. » Les mécanismes cellulaires et moléculaires restent incertains, mais le ciblage des voies neuronales est clairement au cœur de cette technique. Pour preuve, les neurochirurgiens doivent ajuster l’emplacement des électrodes au millimètre près pendant ou après l’opération. « Les électrodes de stimulation sont désormais directionnelles, elles permettent de modifier l’orientation du champ électrique sans déplacer l’électrode. À l’avenir, nous pourrons même enregistrer l’effet de la stimulation en temps réel afin de personnaliser le traitement pour chaque patient », précise Jocelyne Bloch. Une technique en adéquation avec les approches neuroscientifiques, dont les applications futures pourraient aller bien au-delà des maladies du tremblement. Certains voient dans la SCP un moyen d’augmenter les aptitudes humaines. De quoi, peut-être, alimenter l’imaginaire d’une nouvelle génération de cinéastes. /
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DÉCRYPTAGE
Chapelle en reconversion spirituelle Alors que le CHUV entreprend de transformer sa chapelle œcuménique en un lieu de spiritualité « enraciné et ouvert », d’autres hôpitaux romands font également évoluer leurs espaces de prière et de recueillement. TEXTE : GARY DRECHOU
s
protestante – tout avait été pensé pour y ous la voûte, la fresque est accueillir différentes sensibilités religieuses. belle. Signée de l’artiste Daniel Vingt ans plus tard, le lieu amorce une Schlaepfer, elle met en valeur, nouvelle mue et devrait être rebaptisé. sur un fond bleu nuit au motif de l’Arbre de vie, 480 points USAGERS ET COUTUMES lumineux constitués de fibre Si le timing est calqué sur les travaux optique. Nous sommes dans prévus dans le bâtiment hospitalier le bâtiment principal du CHUV, au 8e étage, et le déménagement de la bibliothèque quelque part entre la bibliothèque universiuniversitaire voisine, « la taire et les auditoires. Inaugurée LA CHAPELLE réflexion de fond est liée en 2001 par des offices de prière DU CHUV EN à l’évolution des besoins et du chrétienne, juive et musulmane, 3 DATES CLÉS rôle des aumôniers, désormais la chapelle œcuménique des accompagnants spirituels », « Hospices cantonaux », ouverte répond Isabelle Lehn, direcaux patients, aux visiteurs et aux trice des soins du CHUV et collaborateurs, n’a rien de taperesponsable du projet. C’est à-l’œil. La pancarte indiquant La chapelle est installée l’entrée de ce qui devait être à dans le nouveau bâtiment qu’avec la Charte de Bangkok, adoptée en 2005, l’OMS inclut l’origine une salle de cinéma est hospitalier du CHUV. la dimension spirituelle dans presque confidentielle. Quant Auparavant, elle se trouvait de l’autre côté de sa définition du concept de aux signes confessionnels, ils la rue du Bugnon, santé, aux côtés des dimensions sont discrets et amovibles. Entre en face de l’ancien hôpital biologiques, psychologiques 1998 et 2001, dans le cadre cantonal : un tunnel reliait et sociales. Une prise en charge d’une première transformation les deux bâtiments, qui de la chapelle – jusqu’alors permettait aux bénévoles globale de la personne passe
1982
de pousser les lits des patients assistant aux célébrations. Le décor – très protestant – comprend notamment un lutrin avec Bible, une table de communion et deux appliques en fer forgé agrémentées d’une tuile.
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1998– 2001
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donc dorénavant par l’intégration de la spiritualité. Le Centre des formations du CHUV, en partenariat avec le Service d’aumônerie et la Formation continue UNIL-EPFL, propose d’ailleurs, depuis septembre 2018, un nouveau CAS en accompagnement spirituel en milieu de santé.
La nécessité d’une réfection donne lieu à une rénovation en profondeur, qui marque aussi l’évolution œcuménique de la chapelle du CHUV. Autour de la symbolique de la lumière, un puits est ouvert et des appliques sont installées sur les bas-côtés. Une fresque de Daniel Schlaepfer vient habiller l’espace, alors que de nouveaux meubles en bois d’érable sont conçus. À la demande de la direction générale, les signes confessionnels se font discrets pour permettre une utilisation interreligieuse.
« Aujourd’hui, alors que 18% des résidents suisses disent avoir un lien significatif avec une institution ou une communauté religieuse et qu’une minorité d’entre eux pratiquent régulièrement leur religion, on part du principe que tout le monde a une spiritualité, mais que celle-ci peut se manifester de multiples façons », soutient François Rouiller, responsable du Service d’aumônerie œcuménique au CHUV. En lien avec l’évolution de la prise en charge, face à la diversité des croyances et du rapport à la spiritualité de ses usagers, l’hôpital aurait donc tout intérêt à élargir sa conception des « lieux de prière et de recueillement ». Pour François Rouiller, « un signal fort de cette nouvelle réalité est le succès rencontré par les séances de méditation pleine conscience, qui se tiennent régulièrement dans la cha-
pelle sur la pause de midi, et qui accueillent facilement entre 40 et 60 personnes ». SYMBOLIQUEMENT VÔTRE Comment faire place à la spiritualité de chacun tout en respectant la religion, voire la pratique de la religion, de certains ? La première étape du projet mené au CHUV, qui s’articule autour du diptyque « enraciné et ouvert », consiste à trouver un nouveau nom évocateur. Et ce n’est pas évident. « Avec François Rouiller et le groupe de travail, qui inclut le directeur des ressources humaines, Antonio Racciatti, ainsi que trois accompagnants spirituels, nous avons retenu l’idée de lieu ou d’espace, mais sera-t-il interreligieux, spirituel ou interspirituel ? Nous nous donnons jusqu’au mois de juin pour trancher », explique Isabelle Lehn. « Dans le processus, nous intégrons naturellement les Églises, mais aussi un théologien spécialiste des questions interreligieuses, un professeur de science et de psychologie des religions de l’UNIL, ainsi que le Conseil œcuménique cantonal des hôpitaux. » Pour la conception de l’espace, il est prévu de faire appel à un spécialiste de la symbolique : « Nous voulons trouver un symbole qui permette de dire notre enracinement culturel, judéo-chrétien, mais qui puisse aussi être universel, afin que d’autres s’y reconnaissent », précise François Rouiller. Ce symbole devra être « présent sans être proéminent », résume Isabelle Lehn. Dans un deuxième temps, le groupe de travail pourrait s’appuyer sur la Plateforme Médecine, spiritualité, soins et société CHUV-UNIL (MS3). Dirigée par Etienne Rochat, théologien et accompagnant spirituel, elle agit dans les domaines de la recherche, de l’enseignement et de la validation de modèles cliniques en lien avec l’intégration de la spiritualité dans les soins. « L’expertise de la Plateforme MS3 pourrait nous être utile à moyen terme, dans le but de créer des groupes types avec des
La chapelle du CHUV dans sa configuration œcuménique actuelle. 42
SAM-CHUV
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DÉCRYPTAGE
patients, des proches et des professionnels du CHUV, précise François Rouiller, et nous nous intéressons évidemment à ce qui se fait ailleurs. » CHACUN SON MODÈLE À Neuchâtel, la mise à disposition d’un espace multiconfessionnel pour remplacer la chapelle de l’Hôpital des Cadolles avait été prévue dès la conception du nouvel Hôpital Pourtalès. Inauguré en 2006, le lieu tutoie les hauteurs, au 6e et dernier étage. « C’est un endroit magnifique, confie Martine Robert, de l’équipe d’aumônerie œcuménique, avec des baies vitrées donnant sur le lac, mais pas de vitraux. » S’il avait d’abord été envisagé de l’appeler « espace de prière », c’est finalement le nom de chapelle qui a été conservé « pour des raisons de simplicité et de clarté », souligne Muriel Desaulles, directrice générale ad interim. Côté symbolique, les représentants des cinq communautés religieuses les plus actives dans le canton – chrétienne, musulmane, juive, baha’ie (mouvement abrahamique et monothéiste qui a fêté son jubilé en 2017) et bouddhiste – se sont entendus pour mettre en avant l’eau comme « élément commun ». C’est donc une fontaine qui accueille les usagers, ornée de figurines qui semblent y puiser de l’énergie. À l’intérieur, cinq tableaux « sobres et lumineux » déclinent les symboles cultuels sur une trame bleue.
religieuses », précise Nicole Rosset, adjointe de la direction des affaires extérieures et responsable de la coordination des aumôneries. Comme au CHUV, un nouveau lieu devrait cependant ouvrir très prochainement. « Le nom n’est pas définitif, mais nous l’avons conçu comme un espace de recueillement interspirituel. » Particularité ? Dans cette grande salle Isabelle Lehn, directrice des soins de 270 m2 située au du CHUV et responsable du projet de reconversion de la chapelle. cœur du site principal des HUG, trois sous-espaces de 35 m2 seront réservés aux communautés chrétiennes, israélite et musulmane, et un aux humanistes. Dans chacun d’eux, une vidéo sera projetée pour symboliser la religion concernée ou la neutralité.
PRIÈRE DE NE PAS DÉRANGER Pour encadrer l’utilisation de leurs espaces, les HUG et le CHUV se sont dotés de chartes. « Des exceptions peuvent être octroyées en accord avec le service d’aumônerie, mais la chapelle doit rester en tout temps accessible à tous et aucun mouvement excluant ou exclusif n’est toléré », résume François Rouiller. Du côté de Genève, Nicole Rosset confie que si Du côté des Hôpitaux universitaires de une charte est bien prévue pour le nouvel Genève (HUG), avec quatre chapelles espace, de manière générale, « l’ambiance et six espaces de recueillement est au respect et à la bonne répartis sur différents sites – entente ». À la chapelle de dont deux réservés aux l’Hôpital Pourtalès, enfin, personnes de confession musulpoint de règle écrite : « Tout Anticipant les travaux mane – l’approche décentralisée s’est passé de façon tellement prévus dans le bâtiment harmonieuse jusqu’ici que prévaut. « Les aumôniers ne hospitalier principal, sont pas employés par l’hôpinous n’avons pas éprouvé le la direction des soins tal, mais mis à disposition par besoin de rédiger de charte », du CHUV poursuit un les Églises et communautés témoigne Martine Robert. / projet « évolutif » visant
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PHILIPPE GÉTAZ
à rebaptiser la chapelle œcuménique et à la transformer en un lieu de spiritualité plus ouvert. Le nom doit être choisi d’ici l’été, alors que la nouvelle configuration de l’espace devrait être dévoilée dans la foulée.
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COULISSES
SORTIR LES RÉSULTATS NÉGATIFS DE L’ANGLE MORT TEXTE :
JEANCHRISTOPHE PIOT
Des milliers d’études scientifiques parfaitement sérieuses ne sont jamais publiées, parce que leur hypothèse de départ ne se vérifie pas ou qu’elles remettent en cause des résultats précédents. Avec le risque que d’autres chercheurs retombent dans les mêmes impasses.
Fin 2016, la revue médicale JAMA publiait les résultats d’une étude américaine qui enterrait un vieux mythe, particulièrement vivace dans les pays anglo-saxons : non, manger de la canneberge ne permet pas d’éviter une cystite. Une déception pour les dizaines de milliers de femmes qui avaient depuis des années l’habitude de prendre des gélules de cranberries pour se protéger, mais un progrès scientifique, puisque l’étude permettait d’identifier une impasse et de ne plus promettre un gain inexistant. Anecdotique ? Pas vraiment. À l’heure où les systèmes de santé peinent à trouver leur équilibre, prouver l’efficacité réelle d’un produit ou d’un traitement devient de plus en plus essentiel, au moins pour les médicaments remboursés.
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Négatifs mais positifs
Le cas de la canneberge a un autre mérite : celui de montrer qu’une étude aux résultats dits « négatifs » n’a rien d’inutile. C’est même tout le contraire pour le Prof. JeanDaniel Tissot, doyen de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’Université de Lausanne (UNIL), qui rappelle que ces travaux peuvent être de deux types. « Dans le premier cas, leurs résultats ne confirment tout simplement pas l’hypothèse de départ, par exemple l’effet espéré d’une molécule sur une pathologie quelconque. Dans le second, leurs conclusions remettent en cause un résultat précédent. Dans les deux cas, ils font avancer la connaissance ! » Et Jean-Daniel Tissot d’insister : « Ne pas publier de tels travaux sous prétexte que le résultat espéré n’est pas vérifié, c’est risquer de voir d’autres chercheurs dupliquer des études déjà réalisées et gaspiller ainsi leurs temps, leurs moyens financiers et leurs ressources matérielles. » À cet enjeu s’ajoute le danger de tenir pour acquis ce qui peut s’avérer être une erreur scientifique. Le biologiste Laurent Keller, professeur à la FBM, peut en témoigner au travers du cas du népotisme chez les insectes sociaux : « Les spécialistes ont longtemps pensé que les fourmis, les guêpes ou les abeilles étaient capables de reconnaître au
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COULISSES
sein de leur colonie les individus qui leur sont le plus apparentés, voire de les favoriser. J’ai pointé avec d’autres les biais méthodologiques des études initiales, mais il a fallu des années pour que ce dogme soit abandonné. » Au niveau mondial, cette tendance à survaloriser les résultats dits « positifs » affecte la qualité du corpus scientifique, estime le Prof. Gérard Waeber, chef du Département de médecine du CHUV. « Lorsque des études de type ‘ méta-analyses ’ requièrent l’inclusion de plusieurs dizaines d’études pour conclure à un effet positif d’une thérapie médicamenteuse, on comprend l’importance d’inclure tous les résultats, y compris les études négatives. Or, la non publication d’un résultat négatif revient à appliquer un biais de sélection sur l’état des connaissances et possiblement modifier les conclusions de la méta-analyse. »
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L’ANNÉE DU LANCEMENT DE NEGATIVE RESULTS, UNE REVUE EN LIGNE AVEC PEER REVIEW ÉDITÉE PAR DE JEUNES CHERCHEURS EN BIOLOGIE FRANÇAIS AFIN DE VALORISER LES RÉSULTATS NULS QUI REMETTENT EN CAUSE CERTAINS BIAIS DE LA LITTÉRATURE.
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La face cachée de l’iceberg Tout se passe comme si la communauté scientifique s’était petit à petit habituée à privilégier la publication de résultats positifs, comme si la science ne devait et ne pouvait connaître que le succès – une affirmation qui ferait sourire n’importe quel chercheur. Pourquoi, alors que leurs avantages ne sont plus à prouver, les études dont les résultats sont considérés comme « négatifs » peinent-elles à trouver leur place dans les revues spécialisées, au point qu’on estime que seules 15 à 20% d’entre elles finissent par être publiées ? Certes, cela peut tenir à la qualité intrinsèque de ces recherches, rappelle le Prof. Nicolas Demartines, chef du Service de chirurgie viscérale du CHUV : « Les revues scientifiques peuvent estimer que leur méthodologie est imparfaite ou que leur solidité statistique est trop faible. » Reste le cas plus problématique des recherches que personne n’accepte de publier en dépit de leur sérieux. On touche là au cœur des processus de publication scientifique, particulièrement rentables : en 2015, les six premiers éditeurs scientifiques mondiaux (dont Springer Nature, Wiley et Elsevier) ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé de 8,5 milliards de francs, avec des marges qui dépassent souvent les 30%. Et sur ce marché toujours plus concurrentiel, « les journaux acceptent plus difficilement de publier des études négatives parce qu’elles sont moins spectaculaires, moins faciles à vendre », explique le doyen Jean-Daniel Tissot. En outre, elles sont moins bénéfiques pour le sacro-saint facteur d’impact, cet indice qui mesure sur deux ans le nombre moyen de citations des articles publiés.
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Publier des résultats négatifs
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ORGANISATIONS SE SONT ASSOCIÉES À LA CAMPAGNE « ALLTRIALS » QUI MILITE DEPUIS 2015 POUR QUE TOUS LES ESSAIS CLINIQUES, POSITIFS OU NÉGATIFS, ET LEURS MÉTHODES, SOIENT CONSIGNÉS DANS UN REGISTRE.
Problème : en vertu du fameux adage publish or perish (publier ou périr), les chercheurs sont soumis à une pression considérable. C’est en publiant qu’un chercheur fait la preuve de ses qualités, obtient des financements, progresse dans la carrière universitaire. D’où une forme d’autocensure, explique Laurent Keller : « Écrire un article demande du temps et de l’énergie. Plutôt que de finir dans un petit journal à faible facteur d’impact, beaucoup de chercheurs préfèrent enterrer des résultats négatifs et se pencher sur un autre projet. » D’autres, à l’inverse, voudront publier leurs recherches à tout prix, quitte à céder aux sirènes de certains éditeurs « prédateurs », en acceptant de payer pour publier leurs recherches chez l’un d’eux. Il existerait ainsi près de 8’000 revues de ce type, qui publieraient autour de 400’000 études chaque année, avec des pratiques qui vont de la publication sérieuse mais sans visibilité à l’arnaque pure et simple. Comme pour d’autres formes de spams, il devient de plus en plus difficile de repérer les escrocs, dont les pratiques sont de plus en plus sophistiquées.
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Comment sortir de ce cercle vicieux ? Comment mieux cibler l’effort financier et éviter tout gaspillage de fonds publics ? Comment protéger les jeunes chercheurs des revues prédatrices – ou pire, de la tentation de biaiser consciemment ou non leurs travaux pour mieux en valoriser les résultats ? Une première réponse tient aux évolutions légales et réglementaires. La publication systématique des résultats d’études négatives va bientôt devenir la règle dans l’Union européenne, comme c’est déjà le cas aux États-Unis. Une autre tient au discours des universités et des chercheurs, de plus en plus engagés en faveur des publications « négatives », comme en témoigne la signature en 2013 de la Déclaration de San Francisco (DORA), qui milite pour l’abandon pur et simple des facteurs d’impact pour juger un chercheur. « Évaluer un chercheur sur la base du journal qui le publie n’a pas de sens : on juge des travaux, pas une revue », estime JeanDaniel Tissot. La réponse est aussi technologique. « L’open access est en train de rebattre entièrement les cartes », fait valoir le doyen, qui voit dans cette littérature scientifique gratuite et librement accessible à tous un excellent moyen d’échapper aux dérives du système d’édition. La Suisse accompagne d’ailleurs ce mouvement : « Toutes les publications et les données collectées à l’aide des fonds publics du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) seront librement accessibles au public d’ici quelques années. » Même chez les éditeurs, le discours évolue. Certaines revues commencent à saisir l’intérêt de publier ces résultats négatifs. Cortex, un journal publié par Elsevier, s’est ainsi engagé à publier les résultats d’essais cliniques négatifs grâce à un processus de sélection en deux temps. Avant la conduite de l’étude, les méthodes et les analyses envisagées sont soumises à un peer review. Si celui-ci est positif, Cortex s’engage à publier les résultats finaux même s’ils sont négatifs. Une petite révolution qui en appelle d’autres. ⁄
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CHRONIQUE
VALÉRIE DELATTRE Archéo-anthropologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives
Handicap: l’altruisme de nos ancêtres À partir de fouilles de sépultures de la Préhistoire, Valérie Delattre analyse comment certaines civilisations ont traité les personnes aux corps différents. Elle s’interroge dans cette chronique sur nos pratiques actuelles.
« Prise en charge… », « PMR » (ndlr. personne à mobilité réduite), ces locutions contemporaines affirment l’intérêt d’une société envers ses membres vulnérables, et que l’on suppose en nette opposition avec des millénaires d’indifférence. Or l’intégration des personnes handicapées a toujours été un enjeu de civilisation que les sociétés du passé ont affronté, répondant à la nécessité de soigner l’autre, de le réparer, de l’accompagner avec ses différences.
Mais la différence qui fait peur a engendré des regroupements par pathologies. On a confiné pour soigner, arguant que l’association des maux serait un facteur de guérison : telle est l’origine des bimaristans, ces hôpitaux psychiatriques où l’Islam médiéval enfermait les aliénés avec des traitements novateurs (balnéothérapie). On a aussi regroupé pour exclure. La forte surreprésentation des handicaps dans les cimetières d’établissements religieux médiévaux en témoigne. Les jeunes femmes « non conformes » étaient envoyées au couvent et disparaissaient ainsi du groupe social, car elles étaient non « épousables en l’état ».
La lecture des comportements anciens est déchiffrable au plus loin qu’il est possible de la décrypter avec les outils technologiques de l’archéo-anthropologie en validant, et en le nuançant, le postulat selon lequel le monde des morts est le reflet de celui des vivants. Il permet d’accéder Enfermer, c’est dissimuler. Au XVIIe siècle, à des attitudes individuelles et communautaires, « le grand renfermement » concentra les bienveillantes et solidaires. Et cela dès Néan- « déclassés », indigents, criminels ou fous. Michel dertal, qui était capable de faire accompagner et Foucault évoque la « déraison » qui isole et punit protéger dans la tombe – et dans l’au-delà – un « ceux qui s’écartent de la norme sociale ». enfant handicapé par un adulte autonome. Le regroupement sélectif ira en s’amplifiant avec le siècle des Lumières et ses enseignements spécifiques : l’abbé de l’Épée et sa langue des signes offrent un monde feutré aux sourds-muets. L’aliéniste Philippe Pinel invente la psychiatrie moderne PROFIL et regroupe aussi les « fous ». Est-ce un bien ou un Valérie Delattre est mal ? Un bien pour un mal ? Parfois, nommer c’est exarchéo-anthropologue à clure. Une société ne se forge pas sans failles. Elle doit l’Institut national de recherches archéologiques être plurielle et le handicap en est l’une des scansions préventives (Inrap). Spéciaqu’il faut regarder et identifier, sans misérabilisme liste des pratiques funéraires ni condescendance. et cultuelles de la proto-
DR
histoire au Moyen Âge, elle vient de publier Handicap : quand l’archéologie nous éclaire, aux éd. Le PommierUniversciences.
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Il est vain de proposer une vision édulcorée du « temps d’avant ». Le handicap demeure un excellent curseur jaugeant de l’état d’une société, si ancienne soit-elle. De fait, le regard sur le passé doit enrichir et non accabler le présent. /
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TEXTE : SYLVAIN MENÉTREY
PRÉVENIR LE SIDA COMME ON LE TRAITE
P
rescrire une molécule antirétrovirale à une personne séronégative pour la protéger d′une infection par le VIH peut surprendre. L′usager sain s′expose ainsi à des effets secondaires sans bénéficier des effets curatifs. C′est pourtant le principe de la PrEP, acronyme de prophylaxie pré-exposition, une pilule protectrice contre le sida en plein essor auprès des personnes aux pratiques sexuelles à risques. « Je compare cette méthode à la prophylaxie contre le paludisme. De la même manière, on prescrit en préventif un médicament anti-malaria à ceux qui se rendent dans des zones à risques en Afrique afin de leur éviter une infection », explique le Prof. Matthias Cavassini, médecin-chef au Service des maladies infectieuses du CHUV. Le médicament, vendu en Suisse sous la dénomiCORPORE SANO
nation commerciale Truvada, est prescrit à l′origine en combinaison dans le cadre de trithérapies pour les patients séropositifs. Très efficaces, ces antirétroviraux rendent souvent le virus indétectable et non transmissible. La Suisse soutient d′ailleurs depuis 2008 que les personnes séropositives indétectables ne sont pas contagieuses. « C′est à partir de cette observation que l′on a imaginé que le ténofovir
Matthias Cavassini, médecin-chef au Service des maladies infectieuses du CHUV.
(ndlr. l′une des substances actives du Truvada) pouvait fonctionner en mode préventif », explique Jean-Michel Molina, infectiologue à l′Hôpital Saint-Louis de Paris, qui a coordonné, entre 2012 et 2015, l′étude Ipergay, déterminante dans la reconnaissance de la PrEP en Europe. Son équipe de recherche a comparé deux cohortes d′environ 200 participants gays aux pratiques sexuelles à risques – au moins deux rapports non protégés durant les six mois qui précédaient l′étude. Les deux groupes ont reçu à l′aveugle du Truvada ou un placebo. Publiés dans le New England Journal of Medicine, les résultats établissent que la PrEP a réduit de 86% les infections par le VIH. Les deux cas de transmission recensés dans le groupe qui recevait la PrEP étaient causés, selon les auteurs, par un manque d′adhésion au traitement. Concernant les effets secondaires, une légère prévalence a été observée dans le groupe PrEP par rapport à son homologue place-
JOHANN PELICHET
PLUS DE 500 PERSONNES EN SUISSE PRENNENT LA PREP, UN MÉDICAMENT QUI A PROUVÉ SON EFFICACITÉ DANS LA PROTECTION CONTRE LE VIH. CE MODE DE PRÉVENTION RESTE POURTANT PEU ACCESSIBLE.
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PREP QUOTIDIENNE OU INTERMITTENTE
bo. « Le médicament possède une certaine toxicité au niveau rénal et peut atteindre aussi les os », indique Matthias Cavassini, qui reconnaît malgré tout une bonne tolérance chez les patients. L′OMS a approuvé la PrEP en 2015, classant la prophylaxie en « haute évidence d′efficacité ». En Suisse, un bulletin de l′Office fédéral de la santé publique (OFSP) de janvier 2016 concluait plus prudemment que la prescription peut être « indiquée dans certains cas ». L′EXEMPLE DE SAN FRANCISCO L′Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a transformé l′essai Ipergay en annonçant zéro contamination parmi 1′435 volontaires sous prescription en conditions réelles entre mai 2017 et mai 2018. « La prochaine étape consiste à évaluer le bénéfice collectif de cette méthode. Nous souhaitons connaître l′impact de la PrEP sur la diminution de l′épidémie », indique le Prof. Molina. Des signes encourageants parviennent de San Francisco. Cette ville, durement touchée par l′épidémie dans les années 1980, se situe aujourd′hui à l′avantgarde de la lutte contre le sida. Depuis 2012, la PrEP est au cœur de la stratégie de prévention. On la distribue même gratuitement aux populations précarisées. Or, selon le « California HIV Report Surveillance », le nombre de nouveaux cas a décru dans la ville à partir de 2012, passant CORPORE SANO
Contrairement à de nombreuses autres études qui évaluaient la PrEP en prise quotidienne, l′étude franco-canadienne Ipergay faisait le pari de la tester en mode intermittent, c′est-à-dire en fonction de l′activité sexuelle. Dans ce cas, la posologie est fixée à deux pilules entre 24 heures et deux heures avant un rapport sexuel, une pilule le lendemain, et une pilule le surlendemain. Les excellents résultats d′Ipergay ont permis de valider ce mode d′absorption qui fait augmenter rapidement le taux d′antirétroviraux dans l′organisme et permet de réduire le nombre de pilules consommées. Seule exception : les femmes, à qui on prescrit uniquement la prise quotidienne en raison de la plus lente progression de la substance active jusqu′aux muqueuses vaginales.
de 456 en 2012 à 221 en 2017. « En attendant un vaccin toujours hypothétique, la PrEP fait figure de chaînon manquant dans l′arsenal à notre disposition pour lutter contre le VIH. Elle permet de prévenir les infections chez certaines populations à risque où l′usage du préservatif est pris en défaut », explique JeanMichel Molina. Les professionnels de terrain constatent déjà d′évidents bienfaits individuels. « La qualité de vie des personnes change radicalement. Leur moral s′améliore. La PrEP les libère de l′anxiété », témoigne Vanessa Christinet, médecin au Checkpoint Vaud, un centre de santé sexuelle destiné aux hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes à Lausanne. Cette antenne suivait près de 200 personnes sous PrEP à la fin de 2018. « Chaque semaine, trois ou quatre personnes nous la réclament. On est encore en phase de demande ascendante. » La population gay reste traumatisée par l′hécatombe qui l′a frappée jusqu′au milieu des années 1990. Elle paie toujours le plus lourd tribut à l′épidémie. « Sur environ 500 cas diagnostiqués en 2017 en Suisse, la moitié concerne des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, alors qu′ils ne représentent que 5% au maximum de la population globale. » Même si l′espérance de vie des personnes séropositives s′est nettement améliorée lorsqu′elles PROSPECTION
sont prises en charge, le « stigmate » de la maladie subsiste. À tel point que, selon JeanMichel Molina : « Pour certains, l′angoisse de l′attraper était telle qu′ils préféraient être contaminés – comme ça, c′était fait. » QUATRE PILULES SUR SOI « Le gros avantage de la PrEP, c′est que chacun devient responsable de lui-même : que le partenaire souhaite ou non mettre un préservatif n′est plus un débat », avance Stanislas1, un usager lausannois qui utilise le médicament de manière irrégulière, en fonction de ses périodes d′activité sexuelle. « J′ai toujours au minimum quatre pilules sur moi afin de faire un cycle de prévention complet. » (voir encadré) 1
Prénom d’emprunt, nom connu de la rédaction
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Les médecins se gardent bien de mettre en concurrence PrEP et préservatif. « Les études ont toujours testé l′apport de l′un à l′autre dans la prévention. Pour reprendre le parallèle avec la malaria, on peut dire que la moustiquaire complète le comprimé anti-malarique, au même titre que le préservatif complète la PrEP », préconise Matthias Cavassini. Il n′empêche qu′une part des usagers actuels a tendance à abandonner le préservatif. « Une minorité de ceux à qui nous prescrivons la PrEP l′utilise moins, voire plus du tout », évalue Vanessa Christinet. Avec le risque de contracter d′autres infections sexuellement transmissibles telles que chlamydia, gonorrhée ou syphilis. « On observe une augmentation de ces infections, mais il est difficile de déterminer si elle est liée à un relâchement de la protection ou à un dépistage plus fréquent », précise avec prudence Matthias Cavassini. La prescription de PrEP s′accompagne de tests complets tous les trois mois qui renforcent la prévention et accentuent les chances de détecter certaines infections. HOOK-UP CULTURE Au-delà de la PrEP, l′évolution des mœurs redéfinit les pratiques sexuelles. Dans un post sur son blog, le militant gay et ancien président d′Act-Up Paris Didier Lestrade décrivait la montée en puissance de la hook-up culture, c′est-à-dire des aventures sexuelles sans lendemain, favorisées par les applications comme Tinder ou son versant CORPORE SANO
gay Grindr. « Depuis quelques années, le retour à une sexualité sans crainte est général, chez les gays mais aussi chez les hétéros. […] 90% des étudiants américains pensent que la vie sur le campus est dominée par cette tendance [la hook-up culture], développée lors des vacances de Spring Break et surtout grâce à l′usage du téléphone portable et du sexting. » Un point de vue partagé par l′usager du Checkpoint Stanislas : « Le recul du préservatif dans la population gay m′apparaît comme un rattrapage par rapport à la norme hétérosexuelle. La majorité des gays de ma génération a toujours utilisé le préservatif en raison de la peur du sida, alors que chez les hétérosexuels ce n′était pas si automatique. Avec le progrès des traitements, l′angoisse s′estompe. » Dans ce contexte plus débridé, la PrEP offre une protection toujours plus recherchée. Or si certains pays comme la France ou les États-Unis manifestent leur volontarisme en faveur du médicament, à travers notamment des campagnes publicitaires nationales et des remboursements par les caisses maladie, la Suisse se trouve dans une position paradoxale. « Qui paie pour ce médicament, qui coûte environ 900 francs la boîte pour un mois ? » s′interroge Matthias Cavassini. Inscrit plus tardivement que chez nos voisins par son fabricant Gilead, le Truvada est protégé par un brevet jusqu′en 2021, ce qui ferme la porte aux génériques. Par ailleurs, le PROSPECTION
médicament n′est inscrit chez Swissmedic qu′à titre de traitement contre le VIH. « Gilead rechigne à se lancer dans un enregistrement coûteux par rapport à la taille de notre marché », poursuit le spécialiste du CHUV. Les médecins prescrivent donc la PrEP en dehors de l′utilisation prévue en Suisse (off-label use), avec pour conséquence un nonremboursement par les caisses maladie. « Cette situation absurde nous oblige à bricoler, explique Vanessa Christinet. Nous prescrivons des médicaments que les usagers peuvent acheter sur internet à 70 francs la boîte pour un mois ou en France, où des génériques sont disponibles. » Il arrive aussi que des usagers se déclarent intolérants au lactose afin de se faire prescrire un générique à la composition différente auprès de certaines pharmacies suisses. « SITES FOLKLORIQUES » L′approvisionnement parallèle sur internet comporte ses risques et ses mésaventures, même si la plateforme Iwantprepnow permet de s′approvisionner en médicaments dont la qualité a été contrôlée. « Comme on achète les médicaments en Inde, où sont fabriqués les génériques, sur des sites un peu folkloriques, il arrive que la banque bloque le paiement par carte, témoigne Stanislas. Une de mes commandes a aussi été saisie à la douane par Swissmedic parce que l′expéditeur n′avait pas collé l′ordonnance sur la boîte. » Vanessa Christinet se désole du manque de volonté politique de
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En 2018, l′association française de lutte contre le sida AIDES lançait la campagne nationale « Prep 4 Love » qui s′inspirait d′une campagne américaine. En France, ce mode de prévention est remboursé par la sécurité sociale.
DESIGN BY YULSTUDIO.FR ‒ PHOTO BY MARTIN FLAUX ‒ D′APRÈS LE CONCEPT ORIGINAL : ILLINOIS PREP WORKING GROUP
Il expliquait cette amélioration historique par le renforcement du dépistage, le traitement précoce, et les campagnes ciblées envers les groupes à risques. Pas un mot, par contre, sur la PrEP, pourtant prescrite dès 2016. « Je doute qu′elle ait déjà eu une influence sur ces chiffres, car à l′époque le nombre d′usagers était encore très faible », rétorque Daniel Koch, qui estime par ailleurs que l′obligation de se rendre chez un médecin pour se faire prescrire le médicament crée une barrière à sa diffusion.
faciliter l′accès à un médicament abordable en Suisse. Le Conseil fédéral, interpellé à deux reprises par le conseiller national Mathias Reynard à ce sujet en 2018, se réfugie pour l′instant derrière les barrières légales et commerciales. Dans un système de santé qui favorise le traitement, il est rare qu′un médicament préventif intègre la liste positive des soins remboursés par les caisses. « On aurait du mal à expliquer à la population pourquoi il faut rembourser cette mesure alors que les préservatifs ou la pilule contraceptive ne sont pas couverts », CORPORE SANO
explique Daniel Koch, responsable de la division maladies transmissibles à l′OFSP. Vanessa Christinet préfère regarder la question sous un autre angle : « En termes économiques, éviter une infection VIH permet de s′épargner des coûts de traitement, qui peuvent s′élever jusqu′à 1 million de francs par personne. » COMMUNAUTÉ SENSIBILISÉE Dans son communiqué annuel sur le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles de novembre 2018, l′OFSP se félicitait d′une réduction de 16% des nouveaux cas déclarés en 2017. PROSPECTION
Une limite plus concrète se situe dans l′observance de la posologie, déterminante pour que le médicament soit efficace au moment d′un rapport sexuel à risques. « Cela fonctionne très bien avec la communauté gay, qui est très sensibilisée en matière de santé sexuelle », constate le Checkpoint Vaud. En revanche, des études réalisées chez des femmes hétérosexuelles en Afrique ont démontré une efficacité moindre en raison d′une adhésion trop basse. Associée à des dépistages fréquents de tous et à des traitements précoces pour les personnes séropositives, cette nouvelle arme permet aux personnes séronégatives de renforcer et de maîtriser leur protection. Une bonne nouvelle pour une société dont la sexualité s′émancipe. Pour qui peut se l′offrir. ⁄
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PAS DE SANG À PERDRE
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e sang est précieux, utilisons-le donc à bon escient. Voici comment pourrait être résumé en une phrase le programme Patient Blood Management (PBM). « Plus que de la gestion, c’est un état d’esprit qui vise à épargner le sang en circulation via l’élaboration de bonnes pratiques comme l’amélioration des processus de contrôle pour l’étiquetage des poches de sang, la révision des seuils transfusionnels ou encore la réorganisation des examens préopératoires en lien avec les commandes de sang », explique Guénolé Addor, chef de clinique, responsable de l’implémentation du PBM au CHUV. S’inscrivant directement dans le mouvement Smarter Medicine (voir numéro 16 d’In Vivo) – faire moins pour faire mieux –, le PBM est théorisé à la fin des années 1990. Mais c’est en 2008, en Australie de l’Ouest, que les changements les plus importants se concrétisent. Soutenus par les autorités nationales, plusieurs programmes intégrant les bonnes pratiques voulues par CORPORE SANO
La gestion du sang dans les hôpitaux connaît de profonds bouleversements. De nombreuses études et projets ont pour objectif de mieux le préserver. TEXTE : CHLOÉ THOMAS-BURGAT
le PBM sont implémentés. Le devenir des patients s’améliore et les coûts liés aux transfusions des produits sanguins diminuent drastiquement. En Suisse, la question de la gestion du sang est plus que jamais d’actualité. En effet, selon les prévisions de Transfusion CRS Suisse, le pays doit s’attendre à une pénurie de sang d’ici à 2025 : le vieillissement de la population et par conséquent l’augmentation des interventions en lien avec des pathologies lourdes, telles que les cancers, contribueront à puiser dans les réserves. Dans le canton de Zurich, où le PBM est déjà testé depuis plusieurs années, les résultats sont très encourageants. Une étude, publiée en 2018 dans la revue scientifique Annals of Surgery, annonce par exemple que les transfusions sanguines ont diminué de 27%. Les économies réalisées sont estimées à 85 francs suisses par patient, soit 2 millions de francs en tout. « Ces résultats montrent que le PBM a clairement un impact économique positif, même si son implémentation coûte au INNOVATION
départ », note Guénolé Addor, qui s’attelle à implémenter le programme au CHUV depuis bientôt deux ans. RÉFLÉCHIR À LA NÉCESSITÉ DE CHAQUE ACTE
Pour éviter les pertes, Guénolé Addor et Claudia Lecoultre, infirmière clinicienne spécialisée, se sont lancés dans un travail de fourmi : analyser les prises en charge médicales et repérer tout gaspillage de millilitres de sang. À cet effet, ils diffusent les bonnes pratiques identifiées au sein du personnel médical et soignant. « Cela implique de mieux réfléchir à la nécessité de chaque examen, mais aussi d’améliorer les processus de contrôle. Chaque année au CHUV, environ 250 poches de sang ne peuvent être utilisées. Il peut s’agir d’une erreur dans le respect de la chaîne du froid, de poches ouvertes et finalement non transfusées ou encore de produits endommagés. Ce n’est pas tolérable, surtout lorsqu’on sait qu’il est difficile de recruter des donneurs », explique Guénolé Addor. Une commission de transfusion a donc été formée afin de faire passer les messages en lien avec les changements associés
au PBM. « Les recommandations internationales, soutenues par l’OMS, fixent de nouveaux seuils transfusionnels plus restrictifs pour les globules rouges, les plaquettes et le plasma. Les examens préopératoires en lien avec les commandes de sang ont été revus et modifiés afin de limiter les actes inutiles. Les commandes de sang et leur administration sont en passe d’être informatisées, ce qui représente un apport majeur en termes de sécurité transfusionnelle et d’identitovigilance. » Chaque étape de la prise en charge est ainsi passée au crible. Avant l’opération : est-ce que toutes ces analyses sanguines sont nécessaires ? Pendant l’opération : est-ce que le chirurgien intervient de façon à ce que le patient saigne le moins possible ? Après l’opération : est-il vraiment indiqué de transfuser ce patient ?
ISTOCK
DÉPISTER PLUTÔT QUE TRANSFUSER
Selon la littérature scientifique qui traite de la gestion du sang, l’une des premières mesures à mettre en place en milieu hospitalier est le dépistage et le traitement de l’anémie préopératoire. En effet, il est prouvé qu’un CORPORE SANO
patient souffrant d’anémie, une pathologie qui peut notamment être causée par une carence en fer, se remet moins bien d’une opération et qu’il est même parfois nécessaire de le transfuser. « C’est un facteur parmi d’autres. Une personne obèse, âgée et avec un diabète, se remettra aussi moins vite. Le problème avec l’anémie, c’est qu’elle ne se voit pas et que le patient ignore souvent qu’il souffre d’une telle affection alors qu’elle touche 30 à 40% de la population », regrette Guénolé Addor. Pour parer à cette situation, un projet pilote est en développement au CHUV et ce sont Claudia Lecoultre et Gerit Kulik qui sont chargées de sa mise en œuvre : « Nous allons cibler les patients qui vont subir une opération de la hanche ou du genou, car ce sont des interventions où le patient saigne en général beaucoup, et où une préparation en amont est possible du fait du moindre degré d’urgence. Le but est de diagnostiquer une éventuelle anémie, de la traiter et que le patient soit le plus en forme possible le jour J. Nous voulons éviter une transfusion sanguine par la suite et faciliter la récupération INNOVATION
du patient, donc son bien-être. » Pour que le traitement soit efficace, le diagnostic doit toutefois être posé en amont – environ deux mois avant l’intervention. « Ceci nécessite aussi une implication du côté des médecins généralistes qui doivent dépister l’anémie : nous allons donc sensibiliser la Société vaudoise de médecine à cette problématique. » Si ce projet pilote, qui sera effectif au plus tard à l’été 2019, ne concerne pour l’instant qu’une frange limitée de patients, les gestes utiles quant à la gestion du sang au CHUV sont déjà bien en place. Depuis peu et grâce à la commission de transfusion, chaque service compte en effet un binôme infirmier-ère-médecin qui veille à l’application des bonnes pratiques en matière de PBM. « On a parfois tendance à penser que la gestion du sang n’est utile qu’aux services effectuant des opérations, mais les expériences menées à Zurich et à l’étranger montrent que le PBM est efficace de la néonatologie à la gériatrie. Des efforts peuvent donc être entrepris dans tous les secteurs », s’enthousiasme Claudia Lecoultre. /
TEXTE : CAROLE EXTERMANN
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DE L’ALIMENTATION FERMENTÉE AU MICROBIOTE URBAIN Longtemps délaissée au profit de la congélation, la lacto-fermentation fait son grand retour dans nos armoires et sur les tables de restaurants. Elle conserve les aliments, tout en les enrichissant en vitamine C et en entretenant notre microbiote intestinal.
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u miso japonais à la choucroute bernoise en passant par le hareng scandinave : aux quatre coins de la planète, les produits fermentés font partie de l’alimentation quotidienne. Depuis 2013, le kimjang, nom donné en Corée à la méthode de préparation du kimchi, un mélange conçu à base de chou fermenté et d’épices, a même fait son entrée au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
FERMENTATION ET COMMERCE Dans les grandes surfaces, les aliments lactofermentés sont rares. La pasteurisation ou la conservation dans le vinaigre ne préservent pas les qualités nutritives qui sont attribuées aux produits lacto-fermentés.
À ces pratiques ancestrales, de grands chefs donnent un nouveau lustre, à commencer par l’un des plus cotés d’entre eux, René Redzepi, le patron du Noma, à Copenhague, classé meilleur restaurant du monde en 2014 par la revue Restaurant. Le cuisinier a publié un guide de la fermentation en 2018, The Noma Guide to Fermentation, qui détaille les techniques de la fermentation et présente différentes recettes permettant au lecteur de réaliser ses propres bocaux. Autre exemple : l’un CORPORE SANO
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des nouveaux étoilés du guide Michelin, le NE/SO, à Paris, ne propose que des plats réalisés à partir d’aliments fermentés un an plus tôt. Outre l’essor des restaurants spécialisés, de nombreux établissements et cuisiniers indépendants proposent des ateliers afin de perfectionner ou d’apprendre cette méthode pour conserver les aliments. Si d’autres types de fermentation existent (voir encadré), la plupart des cours ouverts au public enseignent la lacto-fermentation, qui se produit naturellement lorsqu’on place des aliments dans un bocal sans oxygène avec de l’eau et un ajout éventuel de sel. Elle tire profit des bactéries lactiques naturellement présentes dans les
« L’ACIDE LACTIQUE AGIT COMME AGENT DE CONSERVATION, EN FAISANT BAISSER LE TAUX DE PH DES ALIMENTS. »
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WON DAI-YEON/AFP
Qu’il soit à base de chou, d’autres légumes ou de poisson, le kimchi fait partie de l’alimentation de base des Coréens. À la fin de l’automne, ils se réunissent pour le kimjang, préparation communautaire en vue de la fermentation.
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aliments. Les lactobacilles opèrent une transformation des sucres contenus dans les aliments en acide lactique. La substance obtenue agit ensuite comme agent de conservation, en faisant baisser le taux de pH contenu dans le mélange. Surtout, elle enraye le développement des bactéries pathogènes responsables du pourrissement. Déclenchée par l’absence d’oxygène, cette opération se poursuit jusqu’à ce que tous les sucres contenus dans les aliments (fruits, légumes, laitages, etc.) soient transformés. Pour ralentir le processus, les bocaux contenant la préparation doivent être conservés au frais. « On obtient des produits dont la texture, les caractéristiques gustatives et la richesse nutritive varient énormément en n’ajoutant que de l’eau et du sel ! » s’émerveille Adrien Mesot, qui partage son savoir au sujet des plantes sauvages et de la lactofermentation à l’École-club Migros. UNE MÉTHODE ANCESTRALE Dès l’Antiquité, sans connaissances précises de la transformation biologique qu’elle engage, différentes cultures pratiquent la fermentation. Chez les Romains, par exemple, les aliments sont fermentés dans des fosses, ou des récipients en bois ou en terre afin de les conserver. En 1768, James Cook, lors de son voyage d’exploration de l’océan Pacifique, emporte sur son navire une quantité importante de chou fermenté. Si l’aliment possède l’avantage de pouvoir être conservé, et donc de nourrir les marins durant tout le voyage, celui-ci s’est aussi révélé protecteur. Aucun membre de l’équipage n’a en effet succombé au scorbut, une prouesse pour l’époque. C’est que le processus de transformation chimique qui intervient durant la lactofermentation a le pouvoir d’augmenter la teneur en vitamine C des aliments. CORPORE SANO
« IL SEMBLE QUE LA CONSOMMATION DE PRODUITS FERMENTÉS AMÉLIORE LA QUALITÉ ET LA DIGESTIBILITÉ DES PROTÉINES. » MURIEL LAFAILLE PACLET
DYSBIOSE On parle de dysbiose lorsque les qualités et les fonctions du microbiote sont altérées. Ce dysfonctionnement suscite de plus en plus l’intérêt des chercheurs, qui tentent de comprendre l’origine de certaines maladies, comme celle de Crohn, une maladie auto-immune qui cause une inflammation de l’intestin.
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LES BIENFAITS DES FERMENTS Quel sont les autres effets de ces ferments sur notre organisme et en particulier sur notre intestin, ce grand réservoir de bactéries ? À l’heure actuelle, les études dans ce domaine font état d’une meilleure assimilation des nutriments à travers la consommation de produits fermentés. « Il est important de désacraliser l’idée d’un aliment miracle aux vertus révolutionnaires, nuance Muriel Lafaille Paclet, diététicienne cheffe au sein du Service d’endocrinologie, diabétologie, métabolisme et nutrition clinique du CHUV. Mais il semble que le bienfait tiré de la consommation de produits fermentés soit lié à l’amélioration de la qualité et de la digestibilité des protéines, et à la manière dont ils favorisent l’absorption du fer et du zinc. » L’engouement actuel pour les produits fermentés va de pair avec la valorisation du rôle du microbiote. En avril 2015, Giulia Enders, doctorante en médecine, publiait son best-seller Le Charme
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discret de l’intestin (voir In Vivo 5). Dans cet ouvrage de vulgarisation scientifique, l’auteure permettait au grand public de découvrir l’influence d’un microbiote équilibré sur des problèmes physiques tels que le surpoids et les allergies. De manière moins attendue, l’auteure parle également de son rôle possible dans des maladies d’ordre psychologique comme la dépression. En effet, les recherches récentes ont montré que l’intestin est doté de nombreuses connexions neuronales, ce qui l’assimile à un second cerveau. Le soin accordé au microbiote dépasserait donc la seule digestion, pour s’étendre à des effets bénéfiques sur le comportement et même sur l’immunité. La consommation de produits fermentés peut renforcer la diversité des bactéries intestinales et donc favoriser une bonne santé. D’autres facteurs comme la prise d’antibiotiques, l’âge et l’hérédité déterminent la qualité du microbiote. « À la naissance, si l’accouchement a lieu par voie basse, l’enfant reçoit un microbiote proche de celui de sa mère », confirme Muriel Lafaille Paclet. LE MICROBIOTE URBAIN Des scientifiques et des chercheurs de divers horizons s’intéressent à ces foules de bactéries invisibles avec lesquelles nous vivons en symbiose. C’est le cas de Kevin Slavin, chef en science et technologie au centre culturel The Shed, à New York. Lors d’une conférence donnée à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD) en 2017, le spécialiste proposait d’élargir la réflexion sur le microbiote au-delà du corps humain. Trois facteurs définissent sa composition : l’héritage à la naissance, l’alimentation, mais aussi, et surtout, tout ce que nous touchons et respirons. CORPORE SANO
BACTÉRIES ET LEVURES Le principe de base de la fermentation est la transformation des sucres en gaz divers ou en acides lactiques. Contrairement à la lacto-fermentation réalisée par des bactéries, la fermentation alcoolique, qui intervient dans la production de vin et de bière, s’effectue par l’ajout de levures – des champignons unicellulaires – qui transforment les sucres du moût en éthanol. La fermentation acétique qui produit le vinaigre s’effectue, elle, grâce à l’action d’une colonie de bactéries qui forment un biofilm, qu’on nomme communément la mère de vinaigre. D’autres aliments comme le kéfir turc sont obtenus par l’emploi de levains constitués de levures et de bactéries lactiques.
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À partir de cette dernière idée, le chercheur s’est employé à cartographier le microbiote urbain de New York, qui est conditionné par ses habitants et les bactéries qui s’échappent de leur corps par la peau et les muqueuses. Ses comparaisons entre stations de métro ont notamment permis de démontrer qu’une bactérie spécifique était présente en nombre dans la station du quartier coréen. Le lien a été rapidement établi : il s’agit d’une bactérie présente dans le kimchi, abondamment consommé par la population originaire de la péninsule. Si l’on ignore encore l’impact précis d’une telle bactérie sur le système digestif, l’intérêt transdisciplinaire actuel pour le microbiote promet de belles perspectives pour la compréhension du fonctionnement de notre organisme. Ces recherches permettent également de rappeler que le corps est poreux, en interaction directe avec son environnement. Et, comme le rappelait Kevin Slavin dans sa conférence à Genève, qu’une partie non négligeable de ce qui compose l’être humain est d’origine non humaine (1014 bactéries pour un poids d’environ 2 kg par personne), ce qui conduit à repenser notre corps comme un écosystème. /
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LE VAGIN LIBÉRÉ DES INTOX
Best-seller écrit par deux étudiantes en médecine, Les Joies d’en bas cherche à combler un manque criant d’information en matière de sexualité féminine. Le sujet est-il donc encore tabou, cinquante ans après la libération sexuelle ? TEXTE : PATRICIA MICHAUD
L
e succès planétaire rencontré par l’ouvrage Le Charme discret de l’intestin a donné à Nina Brochmann et Ellen Støkken Dahl la dernière bouffée de courage qui leur manquait : les deux étudiantes en médecine ont à leur tour publié un livre démystifiant un sujet scientifique tabou, la sexualité féminine. Tout comme leur homologue allemande Giulia Enders, les jeunes Norvégiennes ont tapé dans le mille. À peine deux ans après sa sortie, le livre Gleden med skjeden est déjà traduit dans 36 langues, dont le français (sous le titre Les Joies d’en bas, aux éditions Actes Sud). Le concept sous-tendant cet ouvrage de vulgarisation médicale est simple. Les auteures explorent les contrevérités qui circulent au sujet de l’appareil génital, du cycle menstruel, de l’orgasme ou encore de la contraception. Puis elles les confrontent à des réalités scientifiques. Le tout CORPORE SANO
saupoudré d’humour, de conseils pratiques et d’illustrations.
ORGASME « Tout ce blabla autour de la prétendue dichotomie entre orgasme vaginal et clitoridien est tout bonnement faux », avertit Nina Brochmann. « Un orgasme est un orgasme, quelle que soit la manière d’y parvenir. L’orgasme vaginal n’est en rien supérieur à l’orgasme clitoridien. » La réponse du corps et du cerveau est d’ailleurs « exactement la même dans les deux cas ».
Comment expliquer l’onde de choc provoquée par un livre qui, au fond, ne réinvente pas la roue, mais se contente en quelque sorte de coucher sur le papier un best of des informations disponibles dans la littérature et sur internet sur un sujet comme le clitoris ? « Justement, nous voulions faire contrepoids à toutes les intox qui inondent la Toile », explique Nina Brochmann. Aujourd’hui, « l’importance de plus en plus grande accordée au corps et le boom des échanges sur les réseaux sociaux ont engendré une vraie prise de conscience et un besoin de changement ». Or, les deux étudiantes en médecine ont constaté, durant leurs six ans passés à dispenser APERCU
des cours d’éducation sexuelle et à modérer le blog Underlivet (Le territoire génital), que les femmes nagent encore en eaux troubles. « Si les Norvégiennes, qui vivent dans l’un des pays les plus libéraux et ouverts au monde, ont encore tellement de questions sans réponses sur leur sexualité, imaginez les autres ! » LE MÉDECIN, UN PARTENAIRE PLUTÔT QU’UN DIEU Médecin agréée coresponsable de la Consultation de médecine sexuelle du CHUV, la gynécologue Sandra Fornage n’est pas étonnée par le succès du livre Les Joies d’en bas. « Ce qui est nouveau dans notre société, c’est que les gens ne considèrent plus leur médecin comme un deuxième Dieu. Plutôt que de se laisser imposer des diktats,
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LE CLITORIS EST MIS EN ÉVIDENCE EN BLEU SUR CETTE PLANCHE ANATOMIQUE.
LES DEUX ÉTUDIANTES EN MÉDECINE ELLEN STØKKEN DAHL ET NINA BROCHMANN.
DR, ILBUSCA
ils s’informent, tentent de comprendre comment leur corps fonctionne, afin de pouvoir prendre des décisions éclairées. » Encore faut-il, et on CLITORIS « J’ai dû attendre la dernière partie de mon cursus médical avant d’apprendre que le clitoris est en fait un gigantesque organe », se souvient Nina Brochmann. « Il a la même construction que le pénis, avec un gland, un prépuce et des tissus érectiles qui gonflent durant les phases d’excitation et de sexe. » Le petit bouton au sommet du clitoris n’est donc « que la pointe de l’iceberg ». CORPORE SANO
y revient, avoir accès aux informations pertinentes. « La sexualité féminine est clairement l’un des parents pauvres de la science », poursuit Sandra Fornage. Un exemple parlant ? « Jusque dans les années 1950 et à la publication des travaux de Masters et Johnson (ndlr. des pionniers de la sexologie humaine), on partait du principe que les femmes n’avaient pas vraiment de plaisir sexuel ! » Le nouveau millénaire n’a d’ailleurs – de loin – pas abattu tous les mythes autour de ce que Freud appelait le « continent noir ». « L’une des choses qui nous a le plus interpellées Ellen APERCU
PUBLIÉ EN 2018 CHEZ ACTES SUD EN FRANCE, LE BEST-SELLER A ÉTÉ TRADUIT EN 36 LANGUES.
et moi durant la rédaction de ce livre, c’était de réaliser que de nombreuses connaissances populaires erronées sur le corps féminin sont propagées par des spécialistes », souligne Nina Brochmann. Les deux jeunes femmes ont d’ailleurs participé à cette gigantesque désinformation. « Notre plus grand choc, et source d’embarras, concerne l’hymen. Pendant des années, nous avons enseigné à des adolescentes et à des jeunes femmes issues de l’immigration qu’elles ne saigneraient pas forcément durant leur premier rapport sexuel car elles avaient peut-être déjà perdu leur virginité durant l’enfance, par
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exemple en faisant du vélo ou de l’équitation. » Ce que les auteures norvégiennes n’ont découvert que bien plus tard, en approfondissant leurs recherches dans la littérature scientifique et en discutant avec des experts, c’est que l’hymen « est constitué chez la plupart des femmes d’un anneau de tissus élastique, qui peut facilement s’élargir afin de laisser entrer un tampon ou un sexe masculin ». Par conséquent, « on ne perd pas sa virginité lors du premier rapport sexuel ; l’hymen s’étend et reste dans le corps. Les éventuelles pertes de sang, qui concernent environ 50% des femmes, sont liées au fait que leur hymen est un peu trop serré et qu’il subit une petite déchirure au moment de la pénétration. » Et Nina Brochmann de préciser : « L’hymen n’est donc pas l’apanage des vierges et il n’est pas possible de déterminer si une femme a déjà eu des relations sexuelles sur la simple base de son FÉMINISME aspect. » LENTE LEVÉE DES TABOUS Au vu des ventes stratosphériques de l’ouvrage (rien qu’en français, il s’en est déjà écoulé plus de 50’000 exemplaires), on est aussi en droit
de se demander si la sexualité féminine ne demeure pas taboue, même si plus de 50 ans se sont écoulés depuis la révolution sexuelle et les mouvements féministes des années 1960. « Notre livre contient sans conteste de nombreux sujets que la majorité des femmes n’osent pas aborder avec leur médecin. » Quant aux praticiens, des études réalisées en Norvège ont montré qu’ils peinent eux aussi à parler de la sexualité avec leurs patientes. « C’est regrettable, car une vie sexuelle active et épanouie fait partie intégrante de notre bien-être physique et mental », tonne Nina Brochmann.
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i elle constate elle aussi que les tabous sont encore bien ancrés dans la société, Sandra Fornage se réjouit néanmoins d’un timide changement de modèle. « Les jeunes femmes qui me consultent – en tant que gynécologue – parlent beaucoup plus ouvertement et n’attendent pas « Il est impossible d’écrire un que tous les sujets livre médical sur le corps féminin sans devenir féministe, viennent de moi. même si on ne l’était pas au Elles prennent départ », constate Nina l’initiative. Dans la Brochmann. « Au fil des même veine, elles recherches, il devient tellement évident que les femmes ont été sont plus actives soit ignorées par la science, soit dans leur vie laissées à la merci de médecins sexuelle, ont envie masculins qui avaient d’essayer de suffisamment de pouvoir pour nouvelles choses, écrire les histoires qui les arrangeaient à leur propos. » font des proposi-
CORPORE SANO
APERCU
tions à leurs partenaires. Je pense que c’est lié à l’empowerment féminin. »
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édecin adjointagrégé responsable de l’Unité de médecine sexuelle et sexologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et coresponsable de la Consultation de médecine sexuelle du CHUV, Francesco Bianchi-Demicheli espère que cette lente libération du discours rimera avec une avancée de la recherche dans le domaine de la sexualité féminine. Mais que reste-t-il à faire, au juste ? « Tout ! », plaisante-t-il. Selon lui, la question du désir est une piste extrêmement intéressante. « Quand on parle de pilule du désir féminin, les gens ont peur. Mais il ne faut pas oublier qu’avec le Viagra, c’était exactement pareil. » De là à dire qu’une simple pilule parviendrait à résoudre le mystère du désir féminin, il y a un pas que le spécialiste ne franchit pas. « La sexualité féminine est un domaine de recherche qui nécessite une approche multidisciplinaire. Les chercheurs issus de divers domaines (psychologie, neurosciences, médecine, sociologie, anthropologie, histoire, etc.) doivent travailler ensemble, sortir des sentiers battus. Encore faut-il oser… » /
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In Vivo vous fait découvrir dans chaque numéro les travaux d’une équipe de chercheurs de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne.
NICOLAS FASEL
Professeur au Département de biochimie et vice-doyen pour la recherche et l’innovation à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.
Les mécanismes d’une maladie qui mutile des visages TEXTE : CHARLOTTE MERMIER
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ransmis par la piqûre d’un moucheron des sables, le parasite Leishmania est responsable d’une maladie infectieuse, la leishmaniose, qui affecte environ 12 millions de personnes dans le monde. Aucun vaccin ne protège contre cette pathologie négligée des régions tropicales et subtropicales du globe. Sa forme la plus répandue est la leishmaniose cutanée, qui provoque des lésions de la peau dont la plupart des malades guérissent. Dans certains cas, elle transmis par la mouche, le parasite s’introduit dans peut cependant dégénérer en une cellule du système immunitaire : le macrophage. forme muco-cutanée. C’est à cette Il s’y développe et induit des mécanismes qui lui forme rare, capable de migrer du permettent de survivre », explique-t-il. Or, un site initial de la piqûre à des muqueuses distantes comme le nez troisième acteur joue un rôle clé dans la propagation de la maladie : « Un virus, présent à l’intérieur du et la bouche et d’y former des parasite uniquement dans le cas d’une forme lésions extrêmement sévères, qui muco-cutanée, est responsable de la dissémination peuvent défigurer la personne de l’infection et de l’hyperinflammation, non touchée, que s’intéressent les existantes dans la forme cutanée, ainsi que d’une chercheurs du Département de biochimie de la Faculté de biologie résistance accrue aux traitements », et la cellule-hôte, qui voit poursuit le chercheur. et de médecine de l’Université également sa durée de vie de Lausanne. augmenter. Une meilleure Les protagonistes – parasite, compréhension de ces interacComment le même parasite peut-il cellule-hôte et virus – tirent tous tions ouvre de nouvelles profit de ce « ménage à trois ». Le être la cause de ces deux formes virus, en favorisant le déplacement perspectives thérapeutiques : distinctes de la pathologie ? Pour « Le virus représente une nouvelle répondre à cette question, l’équipe de l’infection et sa résistance, cible et pourrait également servir permet une survie et un transfert du professeur Nicolas Fasel étudie de marqueur pour guider le la relation entre le parasite et l’orga- du parasite plus efficace. Il est, quant à lui, protégé par le parasite diagnostic et le traitement. » ⁄ nisme du malade. « Lorsqu’il est CORPORE SANO
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LA RÉATHLÉTISATION DE JUSTIN MURISIER CROISÉ Blessé au genou droit, le skieur valaisan se bat dans un gymnase d’Auvernier pour retrouver sa condition physique. TEXTE : SYLVAIN MENÉTREY REPORTAGE PHOTO : FRANÇOIS WAVRE
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CRAC
26 août 2018. L’équipe de Suisse de ski alpin s’entraîne en Nouvelle-Zélande. « La première partie de la piste était glacée, la seconde plus molle. Au changement de neige, mes carres ont mal réagi, mon genou a craqué. » Conséquence : nouvelle rupture du ligament croisé déjà touché en 2011 et 2012.
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Le ski de compétition est un sport à haut risque. Comme beaucoup de ses collègues, le géantiste valaisan Justin Murisier a connu de nombreuses blessures depuis ses débuts précoces en Coupe du monde. À 27 ans, il s’est déjà fait opérer des deux épaules, du ménisque et trois fois d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit. Sa dernière opération de septembre 2018 le prive de compétition jusqu’à la saison prochaine. Depuis 2015, il bénéficie du soutien de Florian Lorimier, l’ancien préparateur physique de Didier Cuche. Ensemble, ils ont opté pour une rééducation très progressive, qui comprend une phase importante dite de réathlétisation. L’approche holistique du corps employée par l’entraîneur s’inspire des toutes dernières connaissances en sciences du sport.
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TORSION
PHILIPP GUELLAN/KEYSTONE
« La musculature qui protège les ligaments a un temps de réponse avant de s’activer », explique Florian Lorimier. Avant que la musculature n’entre en action, les ligaments ne supportent isolément qu’une charge de 50 kg. Or, en plein virage, les skieurs soumettent leurs articulations à une force de trois ou quatre fois leur propre poids.
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RÉATHLÉTISATION
Le skieur a suivi trois blocs de quatre semaines de réathlétisation. « Cette phase, souvent négligée, permet de réactiver la musculature, avec une attention particulière aux muscles des pieds, des hanches et aux ischio-jambiers, essentiels à la stabilité du genou. »
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GREFFON
Le chirurgien a prélevé des segments de tendon et d’os du genou gauche de Murisier qu’il a greffés à droite. « Le ligament a un rôle de guide. S’il est endommagé, cela peut générer une instabilité de l’articulation et des lésions supplémentaires », explique Florian Lorimier.
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PROPRIOCEPTION
Si l’après-midi est consacré à la force, le programme matinal de Justin Murisier comprend des exercices « doux ». Ainsi, la proprioception travaille la perception du corps dans l’espace. Les yeux fermés et sur un pied, l’athlète en équilibre sur une plateforme instable doit donner des coups de tête brusques vers le plafond qui déstabilisent son oreille interne, ou toucher des cônes de couleur avec sa main antagoniste.
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Le pédiatre Theodor Escherich est le premier à avoir constaté le potentiel de cette bactérie, fréquente dans les selles des enfants. « Dans les années 1880, il a réalisé qu’elle était extrêmement facile à cultiver », explique Justine Collier, maître d’enseignement et de recherche à la section des sciences fondamentales de l’UNIL. Dès lors, les scientifiques se sont penchés sur ce colibacille vivant par millions dans notre système digestif et capable de se reproduire en vingt minutes.
NOM ESCHERICHIA COLI OU E. COLI TAILLE 2 MICROMÈTRES DE LONG CARACTÉRISTIQUE À LA FOIS MODÈLE ET OUTIL DE LABORATOIRE
La bactérie des prix Nobel Ce microorganisme a révélé les fondamentaux de la génétique et il fournit des outils de pointe pour la recherche dans cette discipline. TEXTE : MARTINE BROCARD
Dans les années 1950-60, ces recherches ont révélé les mécanismes fondamentaux de la génétique, CORPORE SANO
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comme la duplication des génomes ou l’expression des gènes. « Cette bactérie bat tous les records de prix Nobel », s’enthousiasme la biologiste. Dernier en date, le Nobel de chimie 2015 a récompensé des travaux sur la réparation de l’ADN menés sur E. coli. La bactérie sert aussi pour la recherche biomédicale, « notamment pour comprendre les mécanismes de virulence des bactéries, leur multiplication ou encore leur résistance aux antibiotiques », dit la chercheuse spécialisée dans le cycle cellulaire bactérien. Ses travaux visent à déterminer les éléments indispensables à la survie de ces micro-organismes et qui pourraient servir de modèles pour la mise au point d’antibiotiques. Avec le temps, E. coli a aussi acquis le statut de caisse à outils. « Des protéines extraites de la bactérie sont employées dans le cadre de la technique d’édition génétique CRISPR-Cas9 », souligne Justine Collier. Un micro-organisme décidément bien pratique. /
DR TONY BRAIN/SCIENCE PHOTO LIBRARY
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a bactérie Escherichia coli aurait de quoi s’insurger. On a plus tendance à l’associer à des épidémies de diarrhée qu’à des prix Nobel. À tort. Ce microorganisme qui compte plusieurs centaines de souches est rarement pathogène. En revanche, il est pratiquement toujours lié aux avancées majeures de la génétique.
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DANIELLE BOUCHARD
Infirmière, directrice des soins du Département de médecine, CHUV
« Former les professionnels compétents pour relever le défi du grand âge : la responsabilité de l’hôpital universitaire »
Nous vivons désormais plus longtemps. Simultanément, toute une génération de baby-boomers atteint l’âge de la retraite sans qu’une relève suffisante ne vienne renforcer la base la plus jeune de notre pyramide démographique. Parfois appelé papy-boom ou tsunami gris, le phénomène confronte nos sociétés à leurs propres limites dans des domaines aussi variés que le logement, les assurances sociales, la mobilité ou les modes de consommation, par exemple.
garantir l’accès aux soins lorsque les généralistes se raréfient ? Quels moyens pour financer la promotion de la santé, la prévention et l’éducation thérapeutiques dans un système jusqu’ici centré sur les soins curatifs ?
ERIC DÉROZE
Dans ce contexte, la place de l’hôpital n’est plus celle qu’elle était. L’hospitalisation est moins souvent nécessaire, plus intense et plus courte. Pour la personne âgée, elle comporte même des risques, notamment celui de se « déconditionner », de voir sa capacité à réaliser des activités quotidiennes se réduire du simple fait de les interrompre le temps d’une hospitalisation. Cette fragilité fait émerger de multiples enjeux. Une attention particulière doit être portée par les professionnels de la santé à la protection de la dignité en Le secteur de la santé n’y échappe pas, lui toutes circonstances, à l’évaluation rigoureuse qui voit simultanément la demande des potentiels et des risques, à la concertaaugmenter et une part significative de ses tion avec les proches et les partenaires du forces de travail partir progressivement à la réseau social, à la continuité des soins lors de retraite. On y compose avec une forte chaque transition d’un environnement vers pression sur les coûts mais aussi des réponses un autre, à l’adaptation des soins selon l’état scientifiques ainsi que technologiques nou- cognitif de la personne soignée, ou encore, velles et des attentes et besoins qui évoluent. à la fin de vie et sa dimension spirituelle. Et l’on débat, pour trouver la meilleure voie : faut-il construire davantage d’EMS ? Comment Autant d’enjeux, autant de compétences. Et c’est précisément là que se situe l’une des principales responsabilités de l’hôpital universitaire dans le paradigme du grand âge : développer la connaissance, expérimenter de nouveaux modèles d’organisation et de collaboration, former les professionnels dont le système et les patients âgés ont besoin pour relever le défi. ⁄
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CHRONIQUE
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ESTRADIOL C 18H 24O 2
C 18H 24O2 UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE : CHARLOTTE MERMIER
Les signes du vieillissement s’impriment sur notre corps. Autour de 50 ans, les femmes atteignent la ménopause. Les menstruations cessent, les ovaires s’atrophient, la production d’ovules et d’hormones se tarit. Bouffées de chaleur, peau moins élastique, résorption osseuse, troubles de l’humeur peuvent s’ensuivre. Chez les hommes âgés, la plus discrète andropause apparaît de manière graduelle, occasionnant une perte de masse musculaire, une fatigue, des changements d’humeur, des troubles érectiles. L’explication biologique ? La baisse de niveau des stéroïdes sexuels : œstrogènes chez la femme, testostérone chez l’homme. Après qu’ils eurent identifié ce mécanisme, les médecins ont cherché à lutter contre ces signes de vieillissement en fournissant au corps les hormones manquantes. « Dès les années 1940, on a administré aux femmes des
Stéroïdes sexuels, une question d’équilibre
œstrogènes purifiés à partir d’urine de jument. Au XIXe siècle déjà, le professeur parisien Charles-Edouard BrownSéquard injectait aux hommes défaillants une ‘ liqueur ’ extraite de testicules de chien, supposée pallier un manque d’hormones. L’hypothèse était bien vue, mais la teneur en testostérone insuffisante à engendrer plus qu’un effet placebo », explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Le remède a donc d’abord été cherché chez les animaux. Depuis, des hormones synthétiques, plus puissantes et résistantes à la dégradation, ont été produites. On peut donc « traiter » la vieillesse ! À leurs débuts,
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les traitements hormonaux contre la ménopause furent adoptés sans réserve. Mais leur face sombre fut finalement dévoilée. « Dans les années 2000, un grand essai clinique, la Women’s Health Initiative, a montré que la prise d’hormones pouvait favoriser les accidents vasculaires et les cancers du sein. Ces conclusions ont mis un gros coup de frein à la substitution hormonale de routine », raconte Thierry Buclin. Du côté des hommes, les traitements proposés comme les pommades à la testostérone, outre les effets secondaires sur les patients (agressivité, troubles cardiovasculaires…), provoquèrent d’étranges dommages collatéraux : des enfants, en contact avec la peau de leur grand-père, développèrent une puberté précoce.
Il est maintenant avéré que des doses excessives de testostérone, dans le cas du dopage par exemple, occasionnent des troubles du comportement, une infertilité, une impuissance sexuelle et des cancers. L’équilibre hormonal est délicat et sa rupture peut avoir de graves conséquences, par manque ou par excès. Pour Thierry Buclin, l’évolution de ces traitements et de leur perception a une portée presque philosophique. « Lorsqu’on observe les attitudes face aux produits médicamenteux, on en apprend surtout sur les humains. Ces préoccupations anti-âge mettent à l’épreuve une certaine sagesse sociale : jusqu’à quel point faut-il accepter ou refuser de vieillir ? Quelles limites y a-t-il entre secourir, aider, améliorer, surpasser ou destituer la Nature ? » ⁄
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CHRONIQUE
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excellence, le CHUV accueille un nombre considérable de jeunes professionnels, à qui il faut transmettre non seulement Antonio Racciatti une connaissance, Directeur des ressources mais aussi une culture, humaines du CHUV une éthique. La troisième vertu, qui vient souvent avec les années d’expérience et l’acquisies opportunités de tion d’une certaine sérénité dans ses rendre hommage aux rapports de travail, est la solidarité. personnes qui brillent L’hôpital est un lieu de cohabitation entre par leurs années les générations, dans lequel doit s’enracid’ancienneté ou qui ner cette forme de solidarité sereine s’apprêtent à quitter et tranquille, qui ne peut venir qu’avec les notre institution sont années. Elle facilite les collaborations rares, et c’est bien dommage. Je voudrais et les échanges, sans autre enjeu que celui donc profiter de cette tribune « Cursus » de progresser et d’avancer dans la même pour faire leur éloge, et, à travers eux, direction, pour atteindre un même celui des aînés. Car l’âge a des vertus que objectif. la jeunesse ne connaît pas. Pour compléter ce tableau des vertus La première de ces vertus est sans de l’ancienneté, je citerai enfin la loyauté. conteste l’expérience. Pour le CHUV, Que ce soit par reconnaissance ou par comme pour toute autre organisation pragmatisme, l’aîné est un être plus ou entreprise, fidéliser les compétences crédible que versatile. Il joue aussi un rôle et les talents reste un défi. Il est d’autant de régulateur dans les équipes. Structuré, plus stratégique aujourd’hui que nous organisé, le collaborateur qui travaille nous trouvons dans un contexte de pénurie de personnel qualifié, de dévelop- de longue date dans notre hôpital a l’avantage de l’âge et sait quand prendre pement de nouvelles technologies, d’accélération des rythmes de changement une saine distance avec les circonstances. Il est moins excessif, plus logique. de pratiques avec des exigences d’optimiLes aînés sont au fond les héros sation et d’augmentation de la discrets mais solides de notre institution, productivité. Dans ce contexte, nous qui font sa stabilité, sa force et sa sagesse. ne saurions compter sans le savoir-faire Ils inspirent le respect et l’envie de des plus anciens. les imiter. Pour tout cela, qu’ils soient La deuxième vertu est celle de la ici remerciés. ⁄ transmission. Entreprise formatrice par
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GILLES WEBER
UNE CARRIÈRE AU CHUV
Les vertus de l’ancienneté
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PORTRAIT
UNE CARRIÈRE AU CHUV
Dans un an, Caroline de Watteville prendra sa retraite. La chargée des activités culturelles du CHUV raconte son long engagement pour ce supplément d’âme qu’est l’art dans un hôpital. PROPOS RECUEILLIS PAR : ANTOINE BAL
Comment devient-on la « Madame Culture » du CHUV ?
in vivo
caroline de watteville Je suis arrivée au CHUV en 1991 comme secrétaire, un travail alimentaire qui m’avait servi dans le passé à financer ponctuellement mes études d’histoire de l’art à Florence, en Italie. J’étais à la recherche d’un poste en Suisse, après avoir été plusieurs années indépendante à Florence, où j’ai entre autres enseigné l’histoire de l’art dans une université américaine et travaillé pour la Fondation Thyssen-Bornemisza. Mon rêve était de trouver une place dans un musée. Peu de temps après mon arrivée au CHUV, le poste de responsable des expositions a été mis au concours à la suite du départ de la titulaire. La Direction a sollicité ma candidature. Je tombais des nues, parce que je ne connaissais en rien la question de la culture à l’hôpital. L’impul-
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sion est venue de l’Unesco, qui, depuis la fin des années 1980, œuvrait largement pour développer une politique culturelle en milieu hospitalier. Leurs colloques et publications m’ont permis de saisir l’importance des enjeux visant le respect du patient dans sa dimension sociale, culturelle et spirituelle. Cette dimension éthique m’a décidée à m’investir sur le long terme. Tout était déjà en place au CHUV depuis 1983, à l’ouverture du bâtiment principal. Une commission culturelle existait. En somme, on m’a proposé de professionnaliser ce poste. Dans quelle direction avezvous développé cette fonction ? cw Cela n’a pas été simple, car ce n’est naturellement pas prioritaire en regard de la recherche et de la santé, d’autant que l’hôpital a connu de grandes crises budgétaires. Il a fallu défendre cette iv
approche, convaincre, gagner la confiance des artistes avant tout, puis faire comprendre cette ligne en interne. Mais j’ai assez rapidement trouvé l’appui indéfectible de la commission culturelle. Et nous avons recruté au fil du temps des membres engagés. Principalement soignants, médecins, professeurs d’éthique et d’histoire de la médecine, mélomanes, sensibles à l’art contemporain et impliqués dans la vie culturelle de la région. Cette commission est fondamentale, en ce sens qu’elle valide et appuie mes projets. Ensemble, nous partageons la responsabilité de savoir si une œuvre pourra ou non passer dans le contexte particulier de l’hôpital. Avec cette expertise, on est plus libre et donc plus audacieux. Et nous avons pu tisser de précieux partenariats avec Musique & Médecine, la Fondation Alice Bailly, la Haute École de Musique de Lausanne (HEMU), le Théâtre Vidy-Lausanne et plus récemment la Fondation Payot pour la promotion de la lecture. Comment qualifieriez-vous votre politique culturelle ? cw Mon critère est avant tout la recherche de la qualité, avec à la base l’idée que l’Hôpital iv
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UNE CARRIÈRE AU CHUV
Caroline de Watteville devant les œuvres de Jean-Luc Manz (à gauche) et Jean Crotti (à droite) exposées dans le hall du CHUV au printemps 2019.
JEANNE MARTEL
universitaire est un lieu académique, un lieu d’excellence, qui se doit de défendre une culture à son image. J’aurais trouvé éthiquement très regrettable d’apporter dans ce lieu de vie une culture au rabais. Par contre, elle ne doit pas être invasive, elle accompagne le patient, est à disposition sans s’imposer.
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L’art est un espace de liberté. Il est aussi présent dans les services grâce aux œuvres de la Collection du CHUV. L’hôpital, que représente-t-il pour vous ? cw Un lieu tout à fait exceptionnel. C’est la seule institution académique qui me semble iv
imbriquée dans la vie de cette manière. Il y a là une vraie puissance d’humanité, un espace éthique, carrefour vivant des débats de société. Un cosmopolitisme généralisé, toutes générations confondues. Une indispensable solidarité entre les différents métiers, aussi. Et le hall du CHUV est une rue, qui a ses
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magasins, sa poste, son fleuriste. C’est le poumon de l’hôpital, la place de la cité hospitalière. C’est une institution à laquelle on s’attache très vite.
UNE CARRIÈRE AU CHUV
Pour une passeuse de culture, que permet-il de singulier en termes de médiation ? cw C’est un lieu stratégique de communication. Mais ce n’est pas un laboratoire, à la différence du white cube, ce dispositif scénique privilégié par les galeries et musées d’art contemporain. Ici, le public est prioritaire, car il est aux prises avec les grandes questions de la vie et souvent dans la détresse. Notre travail se situe au point de rencontre entre la raison, la science, le technologique, le médical, et un lieu traversé par l’émotion et l’irrationnel. C’est pour cela que l’art y a toute sa place, car l’art exprime le non-dicible. L’art constitue un pont.
le cadre des Rencontres arts et sciences afin de faire converger les perspectives musicales, littéraires, visuelles et médicales autour d’un thème. Car l’art participe à la connaissance. Je peux ainsi faire dialoguer l’art contemporain avec la médecine et l’éthique. Cette année, le thème est « Identité, altérité, métamorphoses ». Il est question du rapport à soi-même et aux autres et des défis apportés par les développements techniques et scientifiques en médecine. Les expositions de Jean Crotti & Jean-Luc Manz et de Camille Scherrer sont accompagnées de concerts de l’HEMU et sont liées à une soirée de conférences sur l’humain augmenté et les neuroprothèses avec les professeurs Philippe Ryvlin, Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine, ainsi que le photographe Matthieu Gafsou, dont le récent travail sur le transhumanisme a un écho international.
Votre credo est le lien entre l’art et la science. cw Oui, la particularité de mon poste est d’être lié à la communication scientifique. C’est un atout considérable. Nous invitons les experts du CHUV à la pointe de l’actualité scientifique dans
Qu’est-ce que votre parcours au CHUV vous a apporté de plus important ? cw Le sentiment d’utilité. La dimension citoyenne et l’engagement. Après avoir écrit une thèse et travaillé plusieurs années dans des domaines
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assez pointus, cette implication dans la vie de tous les jours et les témoignages reçus en retour ont nourri ma motivation. Mon cursus m’a d’autant plus permis de mesurer le privilège d’avoir un travail en phase avec mes valeurs sans être hors sol ! Ici au CHUV, on lie la force de la culture, de l’art et la force du terrain, de la vie. Parce que la culture aide à vivre. Comment imaginez-vous l’évolution de ce poste ? cw La bonne nouvelle est que mon poste est reconduit. Il sera au concours l’été prochain. La personne qui me succédera apportera sa vision avec le renouveau que cela suppose et c’est très bien. Les outils en place sont extraordinaires, surtout la commission culturelle, qui sera toujours essentielle pour la suite. iv
La suite, à quoi va-t-elle ressembler pour vous ? cw Je prendrai ma retraite en mai 2020. J’ai encore de nombreux événements à réaliser ainsi qu’une publication pour les 10 ans de nos Rencontres arts et sciences. Après, j’ai différents projets en vue encore à confirmer et surtout une envie, avoir plus de temps pour lire. ⁄ iv
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ACTUALITÉ
D’une pierre, deux coups Les équipes de cardiologie et de chirurgie vasculaire du CHUV ont réalisé une grande première, le 18 février dernier, en pratiquant une double intervention durant la même procédure endovasculaire chez un patient souffrant de sténose aortique sévère et d’une volumineuse dilatation de l’aorte abdominale. Deux petites incisions dans le pli de l’aine ont suffi pour mettre en place une valve aortique par voie transcathéter (TAVI) et une endoprothèse de l’aorte abdominale (EVAR). Durant presque trois heures, les cardiologues
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Olivier Muller et Christian Roguelov, ainsi que les chirurgiens vasculaires François Saucy et Jean-Marc Corpataux se sont relayés afin de réaliser cette intervention délicate. Celle-ci a permis au patient, âgé de 82 ans, de récupérer en moins de 24 heures et de marcher dès le lendemain matin. Elle lui a également permis d’éviter deux opérations chirurgicales beaucoup plus lourdes. Une procédure main dans la main illustrant de belle manière la pertinence du Département associant cœur et vaisseaux au CHUV.
Pratiques probantes Le CHUV se distingue dans le transfert des savoirs dans les pratiques de soins. Il a reçu pour 2019 la certification « JBI Endorsement » du Joanna Brigs Institute, rattaché à l’Université d’Adelaïde, en Australie. Cette certification reconnaît l’engagement de l’hôpital en faveur de l’« evidencebased practice ». Le CHUV a su satisfaire les exigences de l’organisation, qui portaient notamment sur l’accès des professionnels à la formation. LAURIERS
Médecin légiste et rayonnante Le prix du rayonnement académique du Comité de la Société académique vaudoise a été décerné cette année à Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale. Ce prix est destiné à récompenser une personnalité qui contribue au rayonnement académique de la place universitaire vaudoise.
PHILIPPE GÉTAZ
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BACKSTAGE COUVERTURE ET FOCUS Divers tests de papiers découpés inspirés des représentations topographiques ont été réalisés pour évoquer les âges de la vie (p. 19).
CHRONIQUE DE VALÉRIE DELATTRE L’archéo-anthropologue étudie la manière dont les sociétés préhistoriques géraient le handicap. On la voit dégager ici un sarcophage en plomb dans le chœur de l’église du couvent des Jacobins à Rennes en 2013. À lire en page 47.
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LAURA SPOZIO, SYLVAIN MENÉTREY, HERVÉ PAITIER/INRAP
EN IMAGES Pendant la prise de vue par François Wavre d’un exercice de saut du skieur Justin Murisier dans un gymnase à Auvernier. À découvrir en page 62.
CONTRIBUTEURS
ANTOINE BAL Anthropologue de formation, Antoine Bal est actuellement libraire, journaliste culture et société indépendant et chroniqueur radio à la RTS. Le journalisme médical recoupe ses recherches en anthropologie sur les questions de bioéthique, de genre et de santé. « Les politiques du care et les enjeux biotechnologiques contemporains sont des terrains de réflexion particulièrement fertiles à mes yeux. » Pour ce numéro, il a interviewé Caroline de Watteville (p. 70).
IRSTEA, DR, LAURA SPOZIO
CHARLOTTE MERMIER Après un Master en bio-ingénierie et quelques années dans la recherche contre le cancer, Charlotte Mermier s’est réorientée dans la communication scientifique, domaine dans lequel elle exerce sur différents supports. Dans ce numéro d’In Vivo, elle a découvert les passionnants secrets des stéroïdes sexuels (p. 68), de la longévité des organes transplantés et de certains parasites. Les questions d’environnement et de santé passionnent la jeune journaliste.
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JOËLLE KERCAN Joëlle Kercan, coordinatrice de projet à LargeNetwork, s’occupe de la production des magazines de l’agence dont In Vivo. Après des études à l’ECAL, en communication visuelle, elle a travaillé comme iconographe dans la presse, notamment pour Le Temps, Femina et Encore!. Elle a aussi géré l’identité et la production visuelle du festival de musique Caprices.
IN VIVO
Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com
ÉDITION
CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch LargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6 redaction@invivomagazine.com 1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com ÉDITEURS RESPONSABLES Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE
Gary Drechou REMERCIEMENTS
RESPONSABLES DE LA PUBLICATION
Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET
Sylvain Menétrey
Alessandro Sofia, Alyssia Lohner, Amélie Kittel, DIRECTION GRAPHIQUE ET VISUELLE Daphné Giaquinto, Darcy Christen, Diane De Saab, Dominique Savoia Diss, Élise Méan, Mónica Gonçalves et Sabrine Elias Francine Billote, Jessica Scheurer, Joelle Isler, Katharzyna Gorkik, RÉDACTION Manuela Palma de Figueiredo, Mélanie Affentrager, LargeNetwork (Antoine Bal, Yann Bernardinelli, Martine Brocard, Andrée-Marie Dussault, Muriel Faienza, Nicolas Berlie, Nicolas Jayet, Carole Extermann, Erik Freudenreich, Robert Gloy, Blandine Guignier, Audrey Magat, Sarah Iachini, Simone Kühner, Sonia Ratel Tinguely, Sylvain Menétrey, Charlotte Mermier, Patricia Michaud, Jean-Christophe Piot, Tiago Pires, Virginie Bovet et le Service Stéphanie de Roguin), Gary Drechou, Chloé Thomas-Burgat de communication du CHUV. PARTENAIRE DE DISTRIBUTION
BioAlps
RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE
Sabrine Elias, Joëlle Kercan MISE EN PAGE
Mónica Gonçalves COUVERTURE
LargeNetwork Remerciements : Sébastien Fourtouill, Romain Guerini, Laura Spozio et Bruno Sonderegger IMAGES
SAM (Eric Déroze, Heidi Diaz, Philippe Gétaz, Jeanne Martel, Johann Pelichet, Gilles Weber), Mónica Gonçalves, Flavia Leuenberger, Patric Sandri, François Wavre MAQUETTE
Diana Bogsch et Sandro Bacco IMPRESSION
PCL Presses Centrales SA TIRAGE
17’500 exemplaires en français Les propos tenus par les intervenants dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.
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REPUBLIC OF INNOVATION
IN EXTENSO
Au xxxxxx creux de l’ouïe