IN VIVO #18 FRA

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Penser la santé

Cette cellule teintée en rouge s′attaque à une tumeur.

N° 18 – AOÛT 2019

IMMUNOTHÉRAPIE

PLONGÉE AU CŒUR D’UN ESSAI CLINIQUE MÉLANOME / INCUBATEUR LAUSANNOIS / PATIENTS PILOTES

OPACITÉ Mensonges dans la relation soignant-soigné NASH Quand le foie accumule trop de graisse PORTFOLIO L’enquête d’un photographe en terres transhumanistes Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LES LIQUIDES DU CORPS HUMAIN


« Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution. » Johanna M., Carouge

ABONNEZ-VOUS À IN VIVO « Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs. » Swissnex, Brésil

« Super mise en page ! » Laure A., Lausanne

« Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j’enseigne. » Isabelle G., Lausanne

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Seule une participation aux frais d’envoi est demandée (20 francs).


IN VIVO / N° 18 / AOÛT 2019

SOMMAIRE

FOCUS

19 / DOSSIER Plongée au cœur d’un essai clinique en immunothérapie PAR CATHERINE COSSY, GARY DRECHOU, CHLOÉ THOMAS-BURGAT

MENS SANA

30 / INTERVIEW Sylvie Fainzang : « Certains médecins ne se rendent pas compte qu’ils mentent » PAR ERIK FREUDENREICH

34 / DÉCRYPTAGE Du cockpit aux salles d’opération PAR STÉPHANIE DE ROGUIN

38 / TENDANCE Demain, la dernière cigarette PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

41 / PROSPECTION PAR PATRICIA MICHAUD

44 / COULISSES À la recherche du meilleur hôpital PAR ROBERT GLOY

Expliquer le principe de l’immunothérapie et la thérapie cellulaire adoptive par un dessin : une manière de formuler différemment les enjeux de ce traitement expérimental contre le cancer, que le CHUV est le premier hôpital de Suisse à proposer. Dans le dossier de ce numéro, In Vivo a suivi étape par étape l’essai clinique baptisé « ATATIL », mené par le Prof. George Coukos et son équipe. (p. 19).

Le magazine In Vivo édité par le CHUV est vendu au prix de CHF 5.- en librairie et distribué gratuitement sur les différents sites du CHUV.

DR

La réanimation, un monde entre chien et loup


SOMMAIRE

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CORPORE SANO

IN SITU

48 / PROSPECTION

7 / HEALTH VALLEY

NASH : la « maladie du foie gras » gagne la Suisse

Médicaments : syndrome du rayon vide

PAR BLANDINE GUIGNIER

Se défaire de la honte de l’incontinence PAR CAROLE EXTERMANN

54 / INNOVATION Dépisté en un geste PAR YANN BERNARDINELLI

58 /

TENDANCE

Les bonnes fées de l’allaitement

CURSUS

69 / ÉCLAIRAGE L’hôpital ne se moque pas de la charité

72 / PARCOURS

62 / EN IMAGES

Le portrait de Céline Bourquin Sachse

PAR SYLVAIN MENÉTREY ET MATTHIEU GAFSOU

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La médecine traditionnelle, joyau de la Chine

PAR AUDREY MAGAT

Au-delà de l’humain

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15 / AUTOUR DU GLOBE

JAMES KING-HOLMES/SCIENCE PHOTO LIBRARY, MARTIN COLOMBET, JOEL CARILLET

52 / TABOU


Éditorial

MOT À MAUX

GARY DRECHOU Responsable éditorial

« J’ai 24 ans (…) et je suis atteint d’une tumeur au cerveau depuis l’âge de 3 ans. Je souhaite partager mon histoire avec vos lecteurs (…). » En relevant cet e-mail adressé en début d’année à la rédaction d’In Vivo, je me suis interrogé : qu’est-ce qui peut bien pousser un jeune homme, au beau milieu de ses traitements pour une récidive, à vouloir (se) raconter ? Si cette personne a finalement pu partager son histoire sous la forme d’une interview filmée, la même question peut se poser à la lecture des nombreux récits de patients – témoignages poignants, messages de gratitude, lettres de souffrance ou déclarations de colère – publiés quotidiennement sur les réseaux sociaux. Le besoin de mettre les maux en mots serait-il sous-estimé ? C’est en tout cas ce que soutient le mouvement de la médecine narrative, en plein essor depuis la fin des années 1990. « Le patient se raconte à travers une histoire qui porte sa propre chronologie, sa propre causalité, explique ainsi Alexandre Wanger, professeur associé à l’Institut éthique, histoire et humanités de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE), dans un article du journal Le Temps1. Un médecin doit pouvoir interpréter ce récit, en comprendre le sens et les acteurs, pour le traduire en un cas médical. Le soin devient alors la construction d’un récit commun où les mots sont un support partagé (…). » Dans cet esprit, lorsqu’il a été proposé aux patients de l’hôpital neuro-cardiologique de Lyon de « prendre le temps d’écrire », 89 « poèmes d’hôpital » ont été recueillis2, tous éclairants à leur façon. Un atelier de poésie à l’échelle du CHUV ? Pourquoi pas ! À Montréal, l’équipe de recherche In Fieri pour l’innovation responsable en santé a même lancé l’an dernier un magazine, baptisé Palindrome, qui s’autorise à faire cohabiter la littérature et la santé. Des sujets variés allant du diagnostic préimplantatoire à l’aide médicale à mourir y sont abordés sous la forme de créations littéraires. Ne soyez donc pas surpris de découvrir, dans ce numéro d’In Vivo, une nouvelle rubrique « En lectures », sélection d’ouvrages et de témoignages (voir pages 28-29) préparée en collaboration avec le magazine Aimer Lire, édité par Payot Libraire. Ces « libres échos » viendront répondre au dossier de chaque édition : ici, le récit de notre immersion d’un an dans les coulisses d’un essai clinique mené au CHUV (p. 19). Le plus marquant, d’ailleurs, dans ce reportage au long cours ? Ces instants où patients, médecins et soignants semblent écrire ensemble leur propre histoire. Où, dans les mots du poète franco-uruguayen Jules Supervielle, ils ne « (…) forment plus qu’un monstre souffleur à une seule oreille qui va et vient (…) / Et soudain se crispe sur le cœur ». / «Humaniser les médecins par la littérature?» Sylvie Logean, Le Temps, 28 novembre 2017 «Santé, maladie et poésie – Pour une médecine narrative six fois millénaire», d’Armelle JacquetAndrieu et Nejma Batikhy, tiré de l’ouvrage collectif Santé et bien-être à l’épreuve de la littérature sous la direction de Maria de Jesus Cabral et José Domingues de Almeida, Lambert-Lucas, 2017

HEIDI DIAZ

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Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de « Health Valley ». Ci-dessous une représentation de la région réalisée par la graphiste Mónica Gonçalves.

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CSEM

HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.

YVERDON-LES-BAINS

HEIG

LUDWIG CENTER FOR CANCER RESEARCH

UNIL EPFL

AGORA CHUV

VEVEY

UNIGE

HUG

MEYRIN

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FRIBOURG P. 8

Le canton de Fribourg investit 2 millions de francs dans la santé mentale de ses habitants. HÔPITAL DE FRIBOURG

YVERDONLES-BAINS P. 6

FRIBOURG

Swiss Motion Technologies équipe les personnes amputées de chaussettes en silicone.

VEVEY P. 9

Nestlé intègre une molécule censée ralentir le vieillissement dans ses compléments alimentaires.

MEYRIN P. 6

HÔPITAL DE SION

La protonthérapie contre le cancer en pleine phase d’accélération.


IN SITU

START-UP

HEALTH VALLEY

2e édition de La santé en Suisse

PROTHÈSES

RÉIMPRESSION Véritable succès de librairie, l’ouvrage du médecin urgentiste Simon Regard, La santé en Suisse, paru aux Éditions LEP en 2012 et illustré par feu Mix & Remix, avait écoulé ses 10’000 exemplaires. Une seconde édition publiée en début d’année prend la relève. «Dans le domaine du système de santé suisse, l’information est soit fragmentée, soit orientée selon les liens d’intérêt. J’ai donc voulu offrir des données factuelles aux lecteurs», explique l’auteur.

Des premiers patients ont été équipés de liners (chaussettes en silicone) sur mesure réalisés par la spin-off de la HEIG-VD Swiss Motion Technologies. Destinés aux personnes amputées d’un membre inférieur, ces objets fabriqués par impression 3D servent à faire la jonction entre le moignon et la prothèse.

ONCOLOGIE

URGENCES

La 5e édition de l’Arkathon, axée sur la santé digitale, s’est déroulée du 12 au 14 avril à Sion. Le 1er prix, doté de 15’000 de francs, est revenu à Alexandre Sierro, Luc Bovet et Raphaël Balet. Les entrepreneurs ont développé une application qui permet à la centrale d’alarme du 144 de géolocaliser les médecins disponibles en temps réel.

IMPLANT

Volumina Medical a été récompensée pour son implant injectable, qui comble des déficits en tissus mous, à la suite, par exemple, d’une chirurgie pour un cancer du sein. Son dispositif, actuellement en phase de tests précliniques, a remporté la Startup Champions Seed Night de l’EPFL et Venturelab.

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Diagnostic numérique valaisan

BIG DATA Il se nomme ExaMode et va occuper les chercheurs de l’Institut informatique de gestion de la HES-SO Valais basé à Sierre pendant quatre ans. Ce projet financé par des fonds pour la recherche scientifique de l’Union européenne à hauteur d’un million de francs se concentre sur le développement de modèles informatiques qui traitent des données médicales volumineuses sur des infrastructures de calcul à grande échelle. Il s’agit d’analyses de nombreuses images histopathologiques en très haute définition de tissus, issus de biopsies de cancers et autres pathologies afin d’établir des diagnostics.

L’APPLICATION

IDENTIFICATION DE SERPENTS Les amateurs et professionnels des serpents et de l’intelligence artificielle ont été mis à contribution par l’intermédiaire d’une action participative imaginée par l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine de l’UNIGE. L’objectif était de concevoir une application pour smartphone qui permette d’identifier un serpent – et ainsi de réagir en conséquence en cas de morsure. Le défi pour les connaisseurs de serpents s’est terminé le 4 mars, mais celui destiné aux connaisseurs de l’IA est toujours en cours.

«La pharma compte de plus en plus sur les grandes universités pour la recherche et s’appuie sur des prestataires de services pour développer ses molécules.» ERNESTO BERTARELLI EX-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SERONO, INTERVIEWÉ PAR BILAN EN MAI 2019

DR

L’accélérateur de particules du CERN fournit aussi des applications pratiques, à l’exemple de la technologie de « protonthérapie » découverte en ses murs. Cette technique de radiothérapie irradie les cellules cancéreuses avec un faisceau de protons. La société britannique AVO, dont le centre de R&D est basé à Genève, annonce le premier traitement d’un patient avec cette technologie en 2020.


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HEALTH VALLEY

Médicaments : syndrome du rayon vide De plus en plus de produits thérapeutiques de base manquent en Suisse. Les hôpitaux doivent rationner, tandis que les malades s’exposent aux effets secondaires de traitements de substitution. POLITIQUE En avril dernier, l’association Parkinson Suisse alertait sur les difficultés d’approvisionnement de douze préparations médicales pour traiter cette maladie chronique. «L’indisponibilité des antiparkinsoniens, qui est à l’origine d’interruptions de plusieurs jours dans le traitement, peut être dangereuse pour les patients », s’inquiétait le Dr Stephan Bohlhalter, président du comité consultatif de l’association. Si des produits de remplacement restent disponibles, la substitution peut engendrer des effets secondaires nécessitant une hospitalisation.

DR, AMYKERK, ERIC DÉROZE

Cette situation ne se limite pas aux antiparkinsoniens. Selon le site drugshortage.ch, une initiative du cabinet en planification pharmaceutique institutionnelle Martinelli Consulting, 553 médicaments rencontraient des difficultés d’approvisionnement en mai 2019. Parmi ceux-ci, des médicaments de première nécessité comme l’antibiotique Augmentin injectable ou le stylo d’injection d’adrénaline EpiPen, que les personnes allergiques aux abeilles ou aux crustacés devraient porter constamment sur elles. «Les ruptures de stock sont devenues un problème aigu, confirme la pharmacienne cantonale vaudoise Marie-Christine Grouzmann. Je reçois quotidiennement des mises à jour de l’Office fédéral de l’approvisionnement économique (OFAE), qui tient une liste de la disponibilité des médicaments jugés essentiels pour lesquels les fabricants sont tenus de conserver des stocks. Mais malgré ces mesures, les pharmaciens sont constamment en train de jongler avec ce qui est disponible. » Une des causes de ces difficultés d’approvisionnement tient à la délocalisation des infrastructures de production. « Même si un médicament est vendu par plusieurs fabricants de génériques, il arrive souvent qu’une seule usine en Chine ou en Inde 7

TEXTE : SYLVAIN MENÉTREY

EN HAUT : STEPHAN BOHLHALTER, NEUROLOGUE, PRÉSIDENT DU COMITÉ CONSULTATIF DE L’ASSOCIATION PARKINSON SUISSE ; AU CENTRE : STYLO D’INJECTION EPIPEN ; EN BAS : THIERRY BUCLIN, MÉDECINCHEF DU SERVICE DE PHARMACOLOGIE CLINIQUE DU CHUV.

produise le principe actif. Il suffit que l’usine soit victime d’un incendie ou qu’elle soit déclarée non conforme lors d’un contrôle des autorités, et toute la chaîne de production s’effondre », explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Le modèle « toyotiste » avec ses flux tendus et ses stocks limités rend l’industrie vulnérable à ces incidents. Les pénuries concernent essentiellement des substances thérapeutiques de base, comme des chimiothérapies classiques, des vaccins ou des antibiotiques. «Les stratèges de la Pharma se préoccupent peu des vieilles molécules qui ne sont plus sous brevet, dont la production est délocalisée dans les pays où la main-d’œuvre est bon marché », analyse le spécialiste du CHUV. La liste de l’OFAE demeure pour l’instant l’une des rares mesures mises en œuvre par les autorités. Une solution plus interventionniste défendue par les pharmaciens d’hôpitaux et certains politiciens serait de changer le rôle de la pharmacie de l’armée. « Cette unité qui fabrique des antidotes pourrait, à l’avenir, produire des antibiotiques et des médicaments qui n’intéressent pas l’industrie pharmaceutique sur le plan commercial », avance Marie-Christine Grouzmann. La conseillère nationale socialiste soleuroise Bea Heim milite pour la création d’une « pharmacie du peuple» sur le modèle suédois, qui serait formée d’un réseau composé de la pharmacie de l’armée et de PME spécialisées dans les génériques. «Le Conseil fédéral a indiqué qu’une modification de la loi en ce sens serait envisagée si les pénuries s’aggravaient. À mon avis, il ne faudrait pas tarder, car l’ensemble du processus législatif dure environ quatre ans et en parallèle, la concentration de la production s’accélère.» Il s’agira alors de surmonter au Parlement l’influence des lobbies pharmaceutiques qui cherchent à détricoter les lois contraignantes. /


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HEALTH VALLEY

Investir dans la santé mentale

PROGRAMME Le canton de Fribourg lance pour la période 2019–2021 un nouveau programme doté de 2 millions de francs qui a pour tâche de renforcer la santé mentale de sa population. Ciblant principalement les jeunes et les seniors, ce plan part du principe que la santé mentale, comme la santé physique, s’entretiennent. Vingt-huit mesures qui ciblent les enfants victimes de violences familiales, l’accompagnement d’enfants ou de familles en deuil, ou un système de veille pour les seniors fragilisés sont prévues.

3 QUESTIONS À

DR GIERI CATHOMAS

LE PROJET SMARTER HEALTHCARE VEUT ENCOURAGER L’INNOVATION DANS LA SANTÉ. SON FONDATEUR JUSTIFIE LA LÉGITIMITÉ DE CE NOUVEAU RÉSEAU.

POURQUOI DÉFENDEZ-VOUS L’INNOVATION MÉDICALE ?

Le cloisonnement de la pensée des différents acteurs du système de santé, ainsi que le manque d’implication des patients n’encouragent pas la promotion de l’innovation technologique. Le projet Smarter Healthcare souhaite établir une plateforme d’échanges interactive pour mettre en contact les start-up actives dans la santé digitale et le secteur medtech avec des acteurs décisionnels importants.

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QU’EST-CE QUI DISTINGUE VOTRE STRUCTURE D’AUTRES INITIATIVES DANS LE DOMAINE ?

Nous sommes une organisation sans but lucratif, indépendante et démocratique (une start-up a un droit de vote égal à une industrie ou à un membre du conseil d’administration). Nous voulons constituer une initiative nationale d’intérêt international. Nous travaillons en étroite collaboration avec des projets existants tels que DayOne à Bâle, Kickstart Innovation à Zurich, InnoPeaks à Martigny ou le Health Tech Cluster à Schwyz.

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Ce serait la part réduite imputée au vieillissement dans l’augmentation des coûts de la santé mesurés entre 2012 et 2017. Les prix des médicaments et des prestations hospitalières seraient responsables à 80% de la hausse des charges, selon une étude de Promotion Santé Suisse dévoilée à la mi-avril.

QUELS BÉNÉFICES POURRAIT-ON TIRER D’UNE MISE EN RÉSEAU DE START-UP ?

Le succès de nouvelles entreprises dans la santé numérique encouragera, espérons-le, d’autres personnes à s’impliquer dans un système de santé plus entrepreneurial et orienté vers l’avenir. Nous estimons qu’il est extrêmement important de privilégier une approche écosystémique. Des échanges ouverts, un dialogue critique et un réseautage ciblé sont pour nous des facteurs clés de succès. / 8

L’OBJET

L’IA DÉTECTE DES MALADIES PULMONAIRES Un stéthoscope intelligent, développé aux HUG en collaboration avec le CSEM de Neuchâtel, a été primé lors de la dernière Journée de l’innovation organisée par les HUG et l’UNIGE. Ce modèle est destiné à lutter contre les maladies pulmonaires, notamment dans les pays en voie de développement. Le dispositif enregistre les bruits pulmonaires d’un patient, puis les analyse en temps réel en utilisant des algorithmes d’intelligence artificielle qui peuvent prédire de façon sûre les risques d’une maladie bronchopulmonaire.

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HEALTH VALLEY

CE QUE DIT LA RECHERCHE

MIEUX COMPRENDRE LE CERVEAU

PLUSIEURS PROJETS ?ET ÉTUDES RÉCENTS CHERCHENT LA 5G, KÉZAKO  À EXPLORER LES MÉANDRES DE CET ORGANE SI COMPLEXE.

La 5G est la cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile. Elle permet une augmentation des débits de télécommunications de l’ordre de 10 à 100 fois supérieurs à la 4G. Son déploiement demande une multiplication du nombre d’antennes et de relais et de leur puissance, car les infrastructures existantes arrivent à saturation. C’est l’intensification des ondes électromagnétiques et ses effets encore peu connus sur la santé humaine qui posent question.

LA

5G ÇA FAIT MAL, DOCTEUR ?

L’étude NTP TR-595 émanant du Programme national de toxicologie américain et publiée en novembre dernier révèle que les radiations du téléphone portable augmentent le taux de cancer chez les rats. En Suisse, le biologiste vaudois Daniel Favre a publié dans la revue Apidologie, en 2011, la preuve que la téléphonie mobile perturbait fortement le comportement des abeilles mellifères dans la ruche. Ces résultats laissent à penser que les effets de ces ondes pourraient aussi affecter l’être humain.

DEPUIS PLUSIEURS MOIS, L’ARRIVÉE DE LA 5G FAIT DÉBAT. QU’EN EST-IL VRAIMENT DES EFFETS SUR NOTRE SANTÉ ?

LES POTENTIELS EFFETS SUR LA SANTÉ Des études évoquent comme effets possibles de l’électro-smog des acouphènes, des pertes d’attention, des céphalées, des vertiges, des inflammations des yeux, de la dépression, de la tension nerveuse, une fatigue chronique ou encore des maladies infectieuses à répétition. En septembre 2017, 170 scientifiques issus de 37 pays ont réclamé un moratoire sur le déploiement de la 5G, en attendant que les risques potentiels sur la santé humaine et l’environnement soient sérieusement étudiés. En Suisse, un groupe de travail de l’Office fédéral de l’environnement se penche actuellement sur la question. Son rapport est attendu pour la fin de l’année 2019.

Rajeunir en mangeant

STEVE GSCHMEISSNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY

NUTRITION La start-up Amazentis, spin-off de l’EPFL, travaille sur la molécule urolithine A, dont les vertus antivieillissement ont été démontrées, notamment sur des vers nématodes et des rongeurs. Ce composant est capable d’améliorer la fonction de nos mitochondries, centrales énergétiques de nos cellules. Nestlé envisage de l’inclure dans ses compléments, aliments, boissons et produits de nutrition médicale. La multinationale a signé un partenariat stratégique avec Amazentis et a pris des parts dans le capital de la start-up.

Mitochondries (en vert) mises en évidence par microscopie électronique en transmission. 9


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HEALTH VALLEY

ÉTAPE N° 18

LAUSANNE

SUR LA ROUTE

COMPHYA

À la rencontre des acteurs de la Health Valley. Nouvelle étape : Lausanne.

Érection sur commande La start-up lausannoise Comphya développe une technologie inédite d’implants intrapelviens afin de contrôler l’érection par neurostimulation destinée aux patients insensibles au Viagra. TEXTE : ANTOINE BAL

Presser le bouton « Play » et activer l’érection à l’aide d’une simple télécommande ? Ce sera bientôt possible grâce à une nouvelle technologie d’implants intrapelviens développée par la société vaudoise Comphya, fondée en juin 2017 à l’EPFL par le groupe de recherche du professeur Nikolaos Stergiopulos. Si les troubles érectiles concernent environ 50% des hommes âgés de 40 à 70 ans, près de 30% d’entre eux ne répondent pas aux thérapies médicamenteuses. C’est à cette population – souvent des patients para- ou tétraplégiques, ou qui ont subi une prostatectomie – que Comphya proposera ses neuroprothèses. Pas de concurrence au Viagra, donc, mais une alternative aux techniques actuelles d’injections ou d’implants intrapéniens jugées trop invasives et responsables de complications comme des hématomes ou une érosion des corps caverneux. En couvrant une zone neurale suffisamment large par stimulation électrique, 10

le patch multiélectrode de Comphya placé dans le plancher pelvien répond au défi d’une région anatomique particulièrement complexe. Les premiers essais concluants de la société sur une cohorte de 24 patients sous narcose ont déjà permis de lever les 3 millions de fonds privés nécessaires aux prochains tests cliniques. Ces derniers suivront des patients d’âges et de pathologies variés dès la fin de cette année. « Nous ne nous attendons pas à des obstacles majeurs, mais le défi consiste à prouver l’efficacité de notre technologie sur le long terme », explique Rodrigo Araujo Fraga da Silva, chercheur et CEO de Comphya. Un espoir pour des patients – et leurs partenaires – très demandeurs, qui pourront contrôler une érection obtenue en une ou deux minutes seulement. La commercialisation, envisagée pour 2023, s’accompagnera d’une application, qui favorisera l’autonomie de l’utilisateur. ⁄


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HEALTH VALLEY

CONCILIER LA MÉDECINE DE POINTE AVEC NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ

BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de la Fondation Inartis et directeur du Campus Biotech inartis.ch republic-of-innovation.ch healthvalley.ch

TEXTE : BENOÎT DUBUIS

EMILY WHITEHEAD FOUNDATION

Avez-vous entendu parler du Kymriah, cette thérapie génique qui consiste à reprogrammer les lymphocytes T (globules blancs) des patients afin qu’ils reconnaissent et attaquent les cellules cancéreuses ? Ce traitement développé par le groupe pharmaceutique Novartis est autorisé en Suisse depuis octobre 2018. Il permet de lutter contre deux types de leucémies. Seul bémol : comme chaque injection du Kymriah coûte 370’000 francs, cette thérapie se trouve dans la ligne de mire de plusieurs ONG. Il en va de même avec l’amyotrophie spinale (SMA), une maladie qui touche un nouveau-né sur 10’000 environ. Novartis propose aussi une cure dont le coût est de 2,1 millions, autorisée par l’Agence sanitaire L’Américaine Emily Whitehead a été la première américaine. Sans traitement, le taux de mortalité ou patiente à bénéficier du traitement Kymriah en 2012. de nécessité d’assistance respiratoire continue s’élève à plus de 90% à l’âge de deux ans. Le prix fixé pour son traitement est certes très élevé, mais selon le fabricant, il représente plus ou moins la moitié des coûts d’un suivi thérapeutique non curatif sur dix Des choix dans l’attribution de ressources sont ans. Une approche validée par la Banque cantonale nécessaires pour assurer les équilibres dans les services de Zurich, qui considère le prix comme « accepde santé. Les nouvelles thérapies géniques de Novartis, table », tout en faisant remarquer que le montant en plus de sauver des vies, auront, espérons-le, le est remboursable en cas de non-succès. mérite de nous sortir de discussions abstraites et de définir des marches à suivre qui aiguilleront aussi bien Ces deux exemples ont le mérite de poser deux le monde de la recherche que ceux de l’industrie et questions primordiales liées à notre système de de la médecine. Ces directives sont également cruciales santé. La première touche au rapport « prixpour le développement de l’industrie de la santé et pour utilité », comparant les effets d’une intervention donner une perspective aux entrepreneurs du secteur, thérapeutique à une autre, en prenant car ces questions sont celles qui habitent leur quotidien. en compte les économies réalisées et les années de vie gagnées, ajustées pour la qualité de vie. Prenons un exemple récent, vécu dans le cadre d’un projet La deuxième question, bien plus délicate encore, concerne la prise en charge des personnes accompagné par l’Accélérateur translationnel de la Faculté de médecine de l’Université de Genève : la Fondation souffrant de maladies rares, voire ultra-rares. Inartis a été confrontée au repositionnement d’un anticanCes situations requièrent le développement céreux dans le traitement de la myopathie de Duchenne, de thérapies très spécifiques, pour peu de une maladie congénitale grave affectant les jeunes garpatients, et donc à un coût par patient élevé. çons et limitant l’espérance de vie à environ une vingtaine d’années. À l’heure où l’équipe académique se bat pour boucler le budget de la phase III de ce candidat-médicament, il est essentiel de savoir dans quelle mesure ce produit serait pris en charge et à quel prix. / 11


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DÉCOUVREZ CE SEIN Faites l’exercice de taper les mots clés « anatomie » et « musculaire » dans un moteur de recherche. Vous remarquerez que la première image de corps féminin n’apparaît qu’en troisième page. On comprend mieux dès lors la surprise de certains internautes face à l’image virale ci-contre avec sa représentation des canaux lactifères des seins. Peu de personnes ont eu le loisir d’observer une telle planche pendant leurs cours de biologie. En médecine, l’homme est pris comme modèle par défaut. Ce biais de genre, qui a des conséquences du dosage des médicaments jusqu’à la recherche sur la contraception, commence heureusement à être pris en compte pendant les cursus d’études de médecine, par exemple à travers le programme Médecine et Genre de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne lancé en 2014. PHOTO : PIXOLOGICSTUDIO/ SCIENCE PHOTO LIBRARY

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CHINE Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde. Nouvelle étape en Chine.

Du tissu osseux en impression 3D TRANSPLANTATION Des médecins chinois sont parvenus à remplacer du tissu osseux par un implant chirurgical fabriqué en impression 3D. Il s’agit de la première opération réussie de l’équipe d’Hu Yihe, professeur orthopédique à l’hôpital de la Central South University, dans la province du Hunan, au sud de la Chine, qui travaille sur ce projet depuis quatre ans. Le patient, un homme de 39 ans, souffrait d’une nécrose de la tête du fémur, mais ne souhaitait pas subir de remplacement des articulations de la hanche. Dès lors, les équipes ont réalisé un tissu osseux poreux imprimé en 3D, basé sur les données d’imagerie du patient, pour soutenir la tête endommagée du fémur.

LE VERDICT DU PETIT ROBOT

« Place tes mains sur mon ventre, regarde-moi dans les yeux et ouvre la bouche. » Chaque matin, des écoliers chinois de 2 à 6 ans de 2000 écoles maternelles se présentent devant le petit robot multicolore « Walklake ». En l’espace de trois secondes, celui-ci analyse via un thermomètre infrarouge et d’autres caméras la bouche, la gorge, les yeux et les mains. Le robot peut révéler des cas de fièvre, de conjonctivite ou d’inflammation buccale, puis en informer l’infirmière scolaire. À cette dernière ensuite de décider s’il est préférable de renvoyer l’écolier chez lui pour éviter la contamination de ses camarades.

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Téléchirurgie 5G INNOVATION En début d’année, la Chine a utilisé avec succès le premier équipement de téléchirurgie au monde reposant sur la technologie de réseau mobile 5G. Un médecin de la province de Fujian (sud-est du pays) a prélevé le foie d’un animal de laboratoire situé dans une salle éloignée de 50 km. Pour ce faire, le docteur a commandé à distance des bras chirurgicaux robotisés via une connexion 5G. Le South China Morning Post, quotidien anglophone de Honk Kong, relate que le temps de latence n’était que de 0,1 seconde entre l’appareil contrôlé par le médecin et le robot dans la salle d’opération.

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LES PAGES « GLOBE » SONT RÉALISÉES EN PARTENARIAT AVEC SWISSNEX.

L’OBJET


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GLOBE

La médecine traditionnelle, joyau de la Chine L’Empire du Milieu se livre à une promotion active de sa médecine traditionnelle dans le monde entier et encourage vivement sa modernisation.

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PRATIQUE ANCESTRALE Plantes médicinales, acupuncture, ventouses, gymnastique thérapeutique Qi Gong… La médecine traditionnelle chinoise (MTC) représente un monde fascinant et mystérieux aux yeux des Occidentaux. La population chinoise privilégie encore largement ces pratiques ancestrales sophistiquées. En 2018, plus d’un milliard d’individus se sont soignés de cette manière selon des chiffres livrés par la Commission nationale de la santé du pays. Cet engouement s’observe également dans l’augmentation constante du nombre de praticiens et d’établissements médicaux. Au total, la Chine compte désormais 715’000 professionnels pour 61’000 lieux de soins traditionnels. Remboursée dans le pays et moins chère que les médicaments occidentaux, la MTC représente un marché d’environ 50 milliards de dollars. Mais cette pratique vieille de deux millénaires n’oppose pas forcément de réticences aux technologies contemporaines encouragées par le gouvernement central chinois. Il n’est ainsi pas rare de trouver des hôpitaux dédiés à la MTC avec échographies, scanners et IRM en Chine comme dans d’autres pays où elle s’est importée. « Si un patient se sent incommodé par les aiguilles, il est possible d’utiliser des stylos avec des faisceaux laser afin d’agir sur les points d’acupuncture des méridiens

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ou en auriculothérapie », explique Sylvie Maury-Crouail, praticienne depuis douze ans à La Chaux-de-Fonds et membre de l’Association professionnelle suisse de MTC. Cette ancienne infirmière puéricultrice a également recours à de l’électrothérapie basse fréquence en cas de muscles tétanisés. Pour faciliter la promotion de la médecine chinoise, le gouvernement central souhaite légitimer ses approches à travers des travaux scientifiques. « Des recherches scientifiques chinoises ont pu mettre en évidence et apporter la preuve de l’existence des méridiens et des points d’acupuncture », souligne Sylvie MauryCrouail. En parallèle, les praticiens modernisent la pharmacopée ou les ingrédients d’origine animale. Provenant parfois d’espèces menacées, les composants sont remplacés par des produits de synthèse ou par des produits occidentaux. UNE VISIBILITÉ MONDIALE Les défenseurs de la médecine traditionnelle chinoise ont remporté une grande victoire. Depuis 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) inclut dans son recueil des données sur les médecines traditionnelles, dont la MTC. Cette décision, qui a suscité de vives critiques de scientifiques occidentaux, témoigne de l’importance grandissante de ces méthodes qui s’exportent de plus en plus. ⁄


IN SITU

GLOBE

1,1 million

C’est le nombre de morts prématurées causées, chaque année, par la pollution de l’air en Chine, selon une récente étude de l’Université chinoise de Hong Kong. En comparaison, un million de Chinois meurent chaque année du tabagisme. L’étude rapporte également que les décès liés à l’exposition aux particules fines coûteraient environ 38 milliards de dollars à l’économie chinoise.

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LE SÉ VO LA VI IN Le lecteur de cadavres D’ANTONIO GARRIDO, LE LIVRE DE POCHE, 2015

L’auteur espagnol Antonio Garrido retrace dans ce roman la vie de Long Si, le premier médecin légiste qu’a connu la Chine. Au XIIIe siècle, le jeune homme était le premier à analyser les cadavres afin de connaître les causes de la mort. Une plongée dans la Chine médiévale et les débuts de la médecine légale.

NATIONAL GEOGRAPHIC, JANVIER 2019

Dans ce dossier, le célèbre mensuel National Geographic montre l’influence grandissante de la médecine traditionnelle chinoise sur la médecine occidentale. L’enquête met notamment en avant les pratiques de l’acupuncture, du qi gong et du tai-chi-chuan et leur combinaison avec des procédés comme la chimiothérapie.

R É OS S U LES VID OM 0 U ES ET RONIQ AZINE.C H G C A S M NVIVO VERS LE WWW.I S LIENS

LEI ZHANG

CE SPÉCIALISTE DE L’INNOVATION LIVRE SON ANALYSE DU MARCHÉ MÉDICAL EN CHINE

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QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR LA RECHERCHE MÉDICALE CHINOISE ?

La recherche et l’innovation dans le domaine de la santé se sont accélérées au cours des dernières années, dans le cadre des réformes de la santé décidées par l’État central. Par exemple, les universités reçoivent plus de fonds pour la R&D. Les investissements dans le secteur pharmaceutique ont également augmenté. Une part importante du capitalrisque est aujourd’hui investie dans des start-up qui développent de nouveaux médicaments.

2

QUELS SONT LES PRINCIPAUX DÉFIS DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ ?

La Chine est confrontée à deux grands défis. Le premier concerne le vieillissement de la société et l’augmentation des maladies chroniques, comme le diabète. Le second est en lien avec les dépenses de R&D et d’éducation par habitant dans le domaine de la santé, car celles-ci restent relativement faibles par rapport aux États-Unis ou à la Suisse.

3

COMMENT LA SUISSE COLLABORE-T-ELLE AVEC LA CHINE DANS CE DOMAINE ?

Les liens sont déjà forts entre la Suisse et la Chine. Dans l’industrie pharmaceutique, des sociétés suisses telles que Novartis et Roche disposent de grands centres chinois de R&D. Dans le secteur universitaire, il existe plusieurs initiatives de collaboration, par exemple un projet commun entre l’Université de Zurich et une université médicale chinoise sur les maladies rénales. D’autres collaborations concernent l’octroi de subventions de recherche conjointe ou l’échange de personnel. / Lei Zhang est membre du Swiss-Sino Innovation Center (SSIC) basé à Zurich, une organisation favorisant la coopération sino-suisse dans le domaine de l’innovation. DR

LE

Les promesses de la médecine chinoise

3 QUESTIONS À

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POST-SCRIPTUM LA SUITE DES ARTICLES DE IN VIVO IL EST POSSIBLE DE S’ABONNER OU D’ACQUÉRIR LES ANCIENS NUMÉROS SUR LE SITE WWW.INVIVOMAGAZINE.COM

VIH IV n° 17

p. 48

L’inabordable prévention

JANINGESKOGHEIM

Les difficultés d’accès à la PrEP, ce médicament préventif contre le VIH à l’efficacité prouvée, s’accentuent. Peu des quelque 1000 usagers suisses – selon les pointages effectués dans les centres de soins – peuvent s’offrir une boîte de Truvada à 900 francs par mois pour suivre leur PrEP. L’achat de génériques par correspondance chez des fabricants en Inde permettait de s’approvisionner pour trois mois de traitement. Or Swissmedic vient de limiter ces importations à l’équivalent d’un mois. Lukas Jaggi, porte-parole de l’autorité de surveillance, justifie ce tour de vis par « les saisies de plus en plus nombreuses de colis de PrEP sans prescription ou issus d’entités liées à des activités illégales ». Une pétition baptisée PrEPNOW.ch demande de lever cette limitation. Elle argue que le temps d’acheminement postal, les retards fréquents de dédouanement et la saisie de colis par l’Administration fédérale des douanes rendent irréaliste la commande mensuelle et mettent en péril l’efficacité du traitement. En parallèle, l’espoir de l’arrivée d’un générique bon marché en Suisse vient de s’évanouir.

17

Gilead, le fabricant du Truvada, a gagné sa procédure au Tribunal fédéral des brevets en mai dernier contre Mepha, qui avait obtenu une homologation auprès de Swissmedic. Les juges ont estimé que le générique de Mepha enfreignait le « certificat complémentaire de protection » – une prolongation exceptionnelle de brevet que Gilead avait arrachée en 2006. « Par ces procédures, Gilead cherche à gagner du temps afin que sa nouvelle molécule sous brevet, le Descovy, une version du Truvada censée provoquer moins d’effets secondaires, soit adoptée par tous », commente Sascha Moore Boffi, juriste au Groupe Sida Genève. Le générique du Truvada sera alors obsolète avant même sa commercialisation, ce qui cimente le monopole de Gilead pour 15 ans. Un monopole dont la société américaine va enfin se servir pour l’usage préventif du Truvada de manière officielle. « Nous avons effectivement rempli une demande d’extension de son usage à la PrEP auprès de Swissmedic », confirme Gilead via une porte-parole. Une mesure qui va permettre aux médecins de prescrire le médicament dans un cadre légal, mais qui ne règle pas le problème du coût exorbitant. /

DÉPRESSION IV n° 14

p. 19

Du poisson pour les jeunes En Suisse, les dépressions chez les enfants et les adolescents sont notamment traitées avec une psychothérapie, les antidépresseurs étant interdits à cet âge-là. Un traitement supplémentaire pourrait être l’huile de poisson, grâce à sa teneur en oméga-3. En effet, plusieurs études ont déjà démontré les bienfaits de cet acide gras en cas de dépression. La clinique universitaire de Zurich mène actuellement une étude pour analyser/ observer son effet sur les jeunes. Les résultats sont attendus pour 2021. /



FOCUS

ESSAI CLINIQUE

IMMUNOTHÉRAPIE

PLONGÉE AU CŒUR D’UN ESSAI CLINIQUE / Une équipe d’In Vivo a eu accès aux coulisses d’un essai clinique prometteur mené à Lausanne, qui s’attaque au mélanome en misant sur la thérapie cellulaire adoptive. Du consentement au bilan, immersion aux côtés des premiers patients inclus dans ce protocole de recherche unique en Suisse.

/ TEXTE : CATHERINE COSSY, GARY DRECHOU, CHLOÉ THOMAS-BURGAT

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C’

FOCUS

ESSAI CLINIQUE

est dans un box de consultation avec de l’IL-2 suivi d’un rattrapage avec nivolumab assez sobre, au 6e étage du bâtiment chez des patients atteints d’un mélanome métastaprincipal du CHUV, que les pa- tique avancé. » Dans la foulée, ont été rédigées 27 tients pressentis pour participer à pages détaillant un processus d’une rare complexité, qui a nécessité un an de préparal’essai clinique tion et la formation spécifique de baptisé « ATACHIFFRES 65 professionnels de l’hôpital, TIL » découvrent ce qui les atsous la conduite du Prof. George tend. À lui seul, le titre du forCoukos, chef du Département mulaire de consentement tient Nombre de décès liés à un mélanome d’oncologie UNIL CHUV (voir sur trois lignes: «Étude de phase chaque année en Suisse, selon interview, p. 26), et de la I pour évaluer la faisabilité et la l’Institut national pour Prof. Lana Kandalaft, responsécurité d’un transfert adoptif de l’épidémiologie et l’enregistrement sable du Centre des thérapies lymphocytes T autologues infildu cancer NICER. expérimentales. trant la tumeur en combinaison

328 /

180 pages

1

AU CONSENTEMENT

C’est ce que « pèse » le protocole de recherche pour l’essai clinique ATATIL, qui cible le mélanome métastatique.

Au cœur de cet essai, la thérapie cellulaire adoptive consiste à prélever les lymphocytes T ayant infiltré la tumeur – en anglais, « Tumor Infiltrating LymphoÉtapes, effets Nombre d’essais cliniques en cytes », ou « TILs » – du patient, secondaires, immunothérapie en cours dans le monde, selon un décompte de à les faire proliférer en laborasubstances l’American Cancer Society en date toire, puis à les perfuser au actives aux de juillet 2018. même patient après avoir prénoms barbares, risques et bénéparé le terrain par chimiothérafices, traitement sans garantie de réussite : dès le premier rendez-vous, la Dre An- pie. Comme ces cellules proviennent de la tumeur ellegela Orcurto, cheffe de clinique au sein du Service même, elles vont la reconnaître et l’attaquer pour la d’immuno-oncologie, aborde les choses sans détour, détruire une fois réinjectées dans le corps. Pionnière afin que les patients comprennent bien « la nature, en la matière, l’équipe du Dr Steven A. Rosenberg, du l’importance et l’étendue de l’étude ». Même si le National Cancer Institute, aux États-Unis, a montré cancer a résisté aux traitements suivis précédem- une régression du cancer avoisinant les 50% chez les ment, « les patients doivent savoir s’ils ont d’autres patients ayant reçu la perfusion de lymphocytes T, et choix à disposition, et qu’ils peuvent en tout temps une régression complète de la tumeur dans les cinq retirer leur consentement et sortir de l’essai, sans années qui suivent chez 15% d’entre eux. justification aucune », souligne-t-elle. Au terme de l’entretien, ils disposeront d’un « temps raisonnable Premier centre en Suisse à proposer cette forme d’imde réflexion » à la maison, avec leurs proches, avant munothérapie personnalisée (voir encadré, p. 25), le CHUV s’appuie sur un laboratoire certifié garantissant de prendre leur décision. la manipulation et la modification des cellules dans «S’il y a une chose que j’ai bien comprise, c’est que ce des conditions strictes de sécurité, et sur une équipe traitement n’est pas comme les autres ! » s’exclame médico-infirmière formée, capable de gérer entre Robert*, l’un des tout premiers à avoir donné son autres les effets secondaires. L’un des plus redoutés accord. « Je n’ai pas hésité un seul instant à dire oui, par les patients est la perte des cheveux, causée par la car le principe me paraît très logique : on enlève vos chimiothérapie qui précède la perfusion des TILs. cellules, on les booste et on les réinjecte », confie Mais la liste est longue de six pages et «il peut y avoir quant à lui Pierre*, qui a tout de même choisi d’être des réactions au traitement que personne n’a encore accompagné de son beau-fils. « Ce n’est pas que je ne jamais envisagées », souligne la Dre Orcurto. C’est comprends pas, mais je lui confie la fonction de relais d’ailleurs le principal enjeu de cette phase I: observer pour que ce soit lui qui explique à ma famille. Sinon les effets du traitement chez une dizaine de participants, avant de pouvoir envisager une phase II, ou ça me fait trop », précise-t-il. 20

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800


FOCUS

LE « MAKING OF » D’UN ESSAI « Il peut s’écouler jusqu’à 20 ans avant qu’un produit ou un traitement développé en laboratoire soit disponible pour les patients. Or, face à une maladie aussi redoutable que le cancer, on ne peut pas se permettre de perdre de temps », résume Lana Kandalaft, responsable du Centre des thérapies expérimentales du CHUV.

PHASE I 10 à 80 participants Vise à tester la tolérance du traitement. Les effets de sa diffusion dans le corps sont observés : l’absorption, la distribution et la transformation de l’organisme.

ESSAI CLINIQUE

MISSION

CONCEPTION

L’essai clinique, tel qu’il est conçu par les équipes du Centre des thérapies expérimentales, doit satisfaire trois critères fondamentaux : la sûreté, la faisabilité et l’efficacité.

SOUMISSION

Lorsque le protocole a pris forme et qu’il répond à ces trois critères, il est soumis aux autorités : l’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic et la Commission cantonale d’éthique de la recherche sur l’être humain, qui se concentre plus particulièrement sur les enjeux liés au consentement. Si et seulement si ces deux instances donnent leur feu vert, l’essai peut débuter.

PHASE II 100 à 300 participants Vise à tester la sécurité et l’efficacité du traitement. La définition de la dose est établie et les effets secondaires relevés. Cette phase est aussi appelée « étude pilote ».

« étude pilote », élargie à une centaine de volontaires (voir encadré ci-dessus). «Nous n’allons de l’avant que si le bénéfice attendu pour les patients supplante le risque », rappelle à cet égard Lana Kandalaft. « La liste de tous les effets secondaires fait peur, mais j’ai choisi d’écouter les spécialistes, en qui j’ai confiance », confie Robert. Du côté de Pierre,

5 SEMAINES POUR RÉUSSIR 21

Transformer le plus efficacement et le plus rapidement possible une découverte scientifique en traitement médical.

PHASE III 1’000 à 3’000 participants Les résultats du traitement expérimental sont comparés avec les traitements de référence actuels (ou placebo). Cette phase est aussi appelée « étude pivot ».

PHASE IV Le traitement est disponible. Un suivi rapproché est maintenu. Cette phase est aussi appelée « postmarketing ».

l’approche est un peu différente : « Bien sûr, ça m’angoisse de savoir que je vais avoir des effets secondaires plus ou moins graves. Je sais par exemple que je vais perdre mes cheveux, mais j’ai emporté une casquette et j’aime penser que ça ira. » Nul doute : les deux hommes sont des « coriaces », et ce trait de caractère a aussi son importance, selon le Prof. George Coukos, investigateur principal de l’étude.

AU CONSENTEMENT Le protocole est expliqué en détail au patient, qui doit donner son accord formel. Espoirs, risques, effets secondaires : aucune question n’est esquivée.


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FOCUS

ESSAI CLINIQUE

S’ATTAQUER AU MÉLANOME

Pierre et Robert font partie des quelque 2’700 personnes diagnostiquées chaque année en Suisse avec un mélanome. La Confédération est d’ailleurs l’un des pays d’Europe les plus touchés par ce cancer cutané : une personne sur 50 présente le risque, cumulé sur toute une vie, de le développer. Le premier a découvert sa maladie en 2001, le second en 2015. «Je bossais torse nu sur un chantier de l’hôpital de Berne, une docteure a vu par hasard mon grain de beauté dans le dos et m’a conseillé d’aller faire un contrôle. Le diagnostic ? Mélanome agressif de type 5, c’était une gifle », raconte Robert, entrepreneur dans la maçonnerie. Quant à Pierre, responsable dans une prison, c’est en rentrant un jour du travail, à la veille de ses 50 ans, qu’il a senti une masse anormale en prenant sa douche. D’abord discret, le mélanome a pris ses aises, puis s’est disséminé un peu partout. Dans le cas où la tumeur s’est métastasée, comme pour Pierre et Robert, l’immunothérapie est en passe de devenir le traitement de première ligne. « Le mélanome est l’un des cancers qui présente le plus grand nombre d’altérations. Or, plus les cellules sont endommagées, plus elles sont visibles par le système immunitaire», explique le Prof. Olivier Michielin, chef de la division d’oncologie personnalisée analytique du CHUV. Le principe est de lutter contre la tumeur, non pas avec des molécules chimiques, mais en stimulant le système immunitaire du patient. «Il est désormais possible de stabiliser près de 40% des patients à long terme – du jamais vu pour ce type de maladie », souligne Olivier Michielin. Mais le risque d’effets secondaires avec des conséquences potentiellement fatales, notamment des réactions auto-immunes, reste bien présent. « Avec les TILs, nous voulons ajouter une corde à notre arc et augmenter l’arsenal des immunothérapies, précise le spécialiste. Le programme de transfert adoptif se concentre sur les lymphocytes

infiltrés dans la tumeur, qui semblent ainsi moins enclins à attaquer d’autres organes sains.» Pierre croit fermement à ce traitement expérimental. C’est son médecin des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) qui lui a proposé de participer à l’essai mené au CHUV, alors qu’il se préparait mentalement à entrer aux soins palliatifs. Pour se donner du courage, il a décidé de prendre un chien : « Je suis allé le chercher à Bordeaux avec ma fille et mon beau-fils. C’est un chien d’exposition qui a déjà 5 ans, un schnauzer de petite taille. Je ne pouvais pas prendre un chiot parce que je n’aurais pas pu m’occuper de son éducation. »

« Nous n’allons de l’avant que si le bénéfice attendu pour les patients supplante le risque. »

2 3

LE PRÉLÈVEMENT Pour savoir si la thérapie cellulaire a des chances de succès, une partie du mélanome est prélevée par un chirurgien, qui l’envoie au laboratoire pour analyse. 22

EXAMENS EN SÉRIE

Dès lors qu’ils ont signé le formulaire de consentement, les patients subissent plusieurs tests qui vont déterminer s’ils sont aptes à recevoir le traitement. « Il faut voir si le cœur va tenir, les poumons, les plaquettes du sang, résume Pierre. À chaque étape, les professionnels vous donnent les résultats de l’examen précédent, et si c’est bon, vous avez le rendez-vous pour le prochain. Mais l’angoisse qu’ils vous disent non est toujours là. » Car au final, ce sont les cellules qui mènent le bal.

LES EXAMENS Le patient subit une série de tests qui confirmera s’il remplit bien les conditions pour participer à l’essai.


FOCUS

ESSAI CLINIQUE

DES CELLULES PLEIN LA POCHE

DR

« Lorsqu’on observe leur travail, ça a l’air simple, mais il faut comprendre qu’il y a des L’essai clinique ATATIL se années de recherche derrière. distingue par la production au C’est un véritable exploit de CHUV des lymphocytes destinés maintenir des cellules en vie à détruire la tumeur. Une dizaine de personnes s’activent ainsi en dehors du corps aussi en laboratoire pour les faire longtemps », souligne Lionel proliférer. Trueb, l’un des médecins qui s’occupent des patients inclus dans l’essai. L’ensemble des manipulations s’effectue en « salle blanche ». Chaque technicien d’analyses biomédicales est vêtu d’une blouse, de gants, d’un masque et d’une charlotte. « Dans cet environDans le corps du patient, les globules blancs à l’affût des nement où la concentration est de mise, on parle très peu cellules cancéreuses survivent dans un environnement et on évite tout geste inutile », souligne Philippe Gannon. hostile. Ils tentent de lutter – en vain – contre un cancer particulièrement agressif. Ils sont tout simplement à bout de force. À leur arrivée au laboratoire du Centre des théra- Avant de retrouver le corps du patient, les globules blancs subissent encore une phase de lavage et reçoivent une pies expérimentales (CTE) du CHUV, les techniciens vont dernière dose d’interleukine 2, afin d’être au meilleur de les placer dans un environnement bien plus favorable. leur forme et de rester dans un état dit « activé ». Vient alors l’étape des tests qualité. Sur les 300 ml que contient Baignés dans de l’interleukine 2, une substance de la poche de perfusion, 3 ml sont prélevés pour passer une signalisation cellulaire qui permet leur expansion, les batterie d’examens, selon un horaire très précis. Entre 9h30 lymphocytes reprennent des forces durant une première et 12h, c’est l’équipe du contrôle qualité du laboratoire qui phase qui peut durer jusqu’à 35 jours. Après cette cure de jouvence, ils entament la deuxième phase de la culture, opère. Elle vérifie notamment l’absence d’endotoxines et le phénotype, puis effectue un comptage du nombre de sur quatorze jours. « Nous prenons entre 25 et 40 millions cellules. Par la suite, toute la documentation et les résultats de lymphocytes produits lors de la première phase et des tests passent entre les mains de la Dre Emanuela nous leur réservons à nouveau un traitement de faveur », Marina Iancu, responsable de l’assurance qualité, qui vérifie explique Philippe Gannon, responsable de la production. que le processus a été respecté et que le produit corresLe but, cette fois, est non seulement de les faire proliférer, pond aux normes de Swissmedic. Lorsqu’elle donne son mais aussi d’activer très fortement les récepteurs placés feu vert, la poche peut partir en « réinfusion ». à leur surface. « Ceux-ci joueront un rôle crucial une fois les lymphocytes réinjectés dans le corps du patient, car Les équipes du laboratoire suivent l’évolution des patients ils seront en première ligne pour intercepter les cellules avec intérêt. « Les conditions de travail sont difficiles cancéreuses », précise-t-il. À l’issue de ces quatorze jours en labo et les équipes aiment recevoir des résultats de manipulations consciencieuses, les lymphocytes concrets », explique Philippe Gannon. « Quand je reviens « reboostés » ne se comptent plus en millions, mais en des colloques sur le suivi des patients et que j’annonce milliards : 50 à 75 milliards d’entre eux sont récoltés avec une diminution des métastases, il y a une énergie folle. » / d’infimes précautions afin d’être administrés au patient.

LA CULTURE Au laboratoire, les lymphocytes présents dans la tumeur, dits lymphocytes T, sont isolés. Ils ont quatorze jours pour se multiplier par milliards. 23

L’HOSPITALISATION Pendant une semaine, le patient reçoit une chimiothérapie. Le but ? Mettre à plat ses défenses immunitaires et préparer le terrain pour l’arrivée des lymphocytes T.


FOCUS

ESSAI CLINIQUE

« La première chose que nous faisons, c’est programmer une biopsie, explique Virginie Zimmer, attachée de recherche clinique au sein du Département d’oncologie UNIL-CHUV, qui coordonne l’ensemble des rendez-vous et fait en sorte que le protocole soit respecté à la lettre. À partir de cet échantillon, on va déterminer s’il y a des lymphocytes T qui infiltrent la tumeur en nombre suffisant, afin de s’assurer que la première phase d’expansion en laboratoire sera satisfaisante. Si c’est le cas, nous allons ensuite programmer la chirurgie pour faire la résection. » Afin de pouvoir lancer la culture, « le Prof. Coukos et son équipe ont besoin de 3 cm3 de tissu au minimum», détaille le Prof. Nicolas Demartines, chef du service de chirurgie viscérale. «Le prélèvement de la pièce chirurgicale est une course contre la montre, car les lymphocytes doivent être vivants pour pouvoir être cultivés, précise-t-il. De l’acte chirurgical à l’arrivée au laboratoire, il ne s’écoule que 20 à 30 minutes».

multiplient pas suffisamment pour permettre la perfusion.» Dans ce cas, les patients seraient sortis du protocole et se verraient proposer un autre traitement.

3 4

Pour tous les professionnels impliqués, issus de 13 corps de métier, le défi consiste à s’assurer que le jour J de la perfusion à l’hôpital coïncide avec le jour de la récolte des cellules au laboratoire (voir encadré, p. 23) : « Nous avons une chaîne de communication bien établie qui fait que l’on arrive à s’organiser de cette manière », explique Virginie Zimmer. Mais, comme pour tout nouveau protocole, les impondérables sont nombreux. « Chez moi, cela a duré cinq jours avant que les lymphocytes commencent à se multiplier: c’était long», confie Angelo*, 44 ans, troisième patient rencontré en cours d’essai. Établi dans les Grisons, il a traversé la Suisse pour venir suivre ce traitement expérimental au CHUV. «L’attente est variable, précise Philippe Gannon, responsable de la production cellulaire. Pour l’un des patients, nous avons récolté 600 millions de lymphocytes en treize jours, et pour un autre, 80 millions en 35 jours.» Y a-t-il un risque, à ce stade, que l’essai avorte? «Un problème technique peut arriver, même si tout est fait pour que cela se produise le moins souvent possible, confie Virginie Zimmer. Il pourrait aussi arriver que tout se passe bien techniquement parlant, mais que les cellules ne se

LE JOUR J Étape cruciale et très délicate où le patient, sous haute surveillance, se voit réinjecter ses propres cellules. Elles doivent en découdre avec le mélanome métastatique. 24

TOUS SUR LE PONT

Si aucun accroc majeur ne vient gripper la séquence, sept jours exactement avant la perfusion, les patients sont hospitalisés, pour une période de trois semaines. Ils seront dès lors suivis matin et soir par la même équipe médico-soignante. Pour chaque patient, une moyenne de 536 notes seront générées par les infirmiers et les médecins, qui seront ensuite retranscrites dans la base de données de l’étude par des data managers, à l’image d’Amélie Roten : « J’enregistre toutes les données médicales requises par le protocole, telles que les examens physiques, les bilans sanguins, les effets secondaires, les médicaments concomitants ou les évaluations tumorales. Cela permet ensuite de faire des analyses statistiques et d’établir la sécurité et l’efficacité d’un traitement. » La période d’ hospitalisation commence par une chimiothérapie dite « lymphodéplétive » de cinq jours, avec deux jours de repos. Le but ? Préparer le terrain pour la perfusion des TILs en mettant à plat les défenses immunitaires. Pour Pierre, le choc est rude : « Je n’avais jamais eu de chimio auparavant. Là, en trois-quatre jours, je me suis retrouvé sans globules blancs et sans cheveux. Mais cela ne m’allait encore pas trop mal, sourit-il aujourd’hui. Les infirmières m’ont dit que je ressemblais à un acteur américain. » Pendant la chimiothérapie, Pierre dort beaucoup et ne souhaite pas que sa famille lui rende visite : « c’est mon histoire », lâche-t-il simplement. LE JOUR J Vient enfin le jour J de la perfusion. «Même si on est anxieux, c’est le moment qu’on attend le plus», confie Pierre. La poche de transfusion de 300 ml, remplie

LA STIMULATION Une fois réinjectés dans le corps du patient, les lymphocytes T continuent d’être « boostés » par le biais de perfusions.


FOCUS

ESSAI CLINIQUE

d’un liquide blanchâtre contenant entre 50 et 75 milliards de lymphocytes, est transportée avec tous les égards du laboratoire à l’hôpital. En parallèle, le patient est transféré dans une chambre en isolement protecteur. À l’intérieur, six professionnels sont aux manettes, mais plusieurs autres observent ce qui se passe derrière une vitre. Lorsque le transporteur arrive avec la poche, le Dr Lionel Trueb, médecin associé au Service d’immuno-oncologie, l’accueille à l’entrée de la chambre et vérifie immédiatement chaque donnée. Il indique en particulier l’heure d’arrivée et la température de la poche. « Elle est à toi, maintenant », glisse le transporteur au médecin, qui entre alors dans la chambre, où chacun retient son souffle. Le contenu de la poche ne peut être utilisé que pendant une heure : ensuite, il sera considéré comme périmé. Il n’y aura pas de seconde chance – c’est « maintenant ou jamais ». Une fois la poche installée, le liquide commence à s’écouler goutte par goutte. Chaque millilitre contient 183 millions de cellules. Pour Pierre, c’est le moment de lancer « bienvenue chez vous ! » à ses lymphocytes. Trente minutes plus tard, les premiers effets se font sentir : « Tout d’un coup, ça monte dans les pieds et vous êtes pris de tremblements incontrôlables, vous êtes comme en transe, très affaibli » , décrit-il. Le transfert adoptif des TILs peut en effet provoquer des symptômes variables tels que : fièvre, frissons, dyspnée, éruptions cutanées, nausées, maux de tête. Ceux-ci s’estompent en général rapidement. DOPAGE ET REPOS Les deux semaines qui suivent sont déterminantes pour le succès du traitement. Après la perfusion des cellules, les patients se voient administrer de l’interleukine 2 (IL-2) à très hautes doses toutes les huit heures. Ce produit a pour but de « doper » l’activité antitumorale des lymphocytes T. Face à cette stimulation extrême, le corps peut toutefois réagir de la même façon que lors d’un choc septique. « C ’est terrible, raconte Robert. Je voulais être fort, ne pas

LA RÉCUPÉRATION Le corps et l’esprit se remettent, toujours sous surveillance. Si le patient est suffisamment en forme, il peut ensuite rentrer chez lui. 25

VOUS AVEZ DIT IMMUNOTHÉRAPIE ? 15 à 20% des patients traités par immunothérapie survivent à long terme. Cette approche représente un tournant dans le traitement de certains cancers, mais elle ne fonctionne pas dans tous les cas. Afin que les défenses naturelles ne s’emballent pas et attaquent des cellules saines de l’organisme, les lymphocytes T sont équipés en surface d’interrupteurs. Appelés aussi checkpoints ou points de contrôle immunitaires, ils sont la tour de contrôle du lymphocyte T : ils l’aident à prendre la décision de détruire ou non une cellule. Les cellules tumorales savent utiliser ce mécanisme de régulation pour ne pas être reconnues. Le principe de l’immunothérapie consiste à proposer un traitement qui déverrouille ces freins. Pour cette raison, ces traitements sont dits inhibiteurs de points de contrôle immunitaires. « Chaque tumeur est différente, et il existe une grande variété d’interrupteurs. Une vingtaine ont été découverts, et seuls deux d’entre eux peuvent être efficacement neutralisés par des médicaments, avant tout pour traiter le mélanome et le cancer du poumon », explique Solange Peters, cheffe du Service d’oncologie médicale du CHUV. « Même pour ces cancers, seul un tiers des patients répond pour le moment à un traitement d’immunothérapie standard. » Que dire, alors, à celles et ceux pour qui ce traitement n’est pas envisageable ? « Tout d’abord, que l’oncologie connaît trois autres piliers – chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie – qui peuvent encore être adaptés et personnalisés », répond Solange Peters. Mais aussi que l’immunothérapie devrait, à terme, pouvoir s’appliquer à toutes les tumeurs. « D’ici à cinq ans, on va voir arriver beaucoup d’études cliniques du même type qu’ATATIL. Ces études devraient donner lieu à de très bonnes réponses. » /

LE BILAN Les lymphocytes T ont-ils fait leur travail ? Trente jours après la réinjection, le patient passe un scanner qui livre les premiers résultats de cette offensive.


FOCUS

ESSAI CLINIQUE

Le Prof. George Coukos, chef du Département d’oncologie UNIL CHUV et directeur du Ludwig Institute for Cancer Research Lausanne, a boosté le paysage de l’oncologie romand depuis son arrivée.

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JEANNE MARTEL

« TOUT S’ACCÉLÈRE »

Certains qualifient la région se réjouit le Prof. Coukos. lémanique de Health Valley, en Inauguré en 2018, le Lausanne est aujourd’hui un pôle de recherche contre écho à la fameuse Silicon Val- le cancer reconnu à l’échelle européenne. Les 58 études bâtiment Agora fait foi. ley, pour ses qualités uniques cliniques en cours sur le site du CHUV laissent espérer À terme, ce nouveau en termes d’innovation dans centre de recherche sur le une percée historique, selon le Prof. George Coukos. le domaine de la santé. C’est cancer doit réunir près de en partie grâce à ce terreau fertile que George Coukos, 300 chercheurs de l’EPFL, des Hôpitaux universitaires oncologue de renom, a décidé de poser ses valises de Genève (HUG), de l’Université de Genève (Unige), dans la capitale vaudoise. « À mon arrivée, j’ai découvert de l’Université de Lausanne (UNIL), du Ludwig Institute un hôpital extrêmement structuré, avec des ressources for Cancer Research et du CHUV. Financé par la importantes et une réelle motivation à l’innovation. Les Fondation de soutien à la recherche sur le cancer compétences en bio-ingénierie et en informatique de (ISREC), il traduit deux symboles forts selon George l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) m’ont Coukos : « D’une part, la volonté de la communauté aussi beaucoup impressionné », se souvient celui qui publique d’avancer dans la recherche, car ce sont les dirige aujourd’hui le Département d’oncologie UNIL CHUV. citoyens qui ont apporté les fonds nécessaires au finanJusqu’en 2012, le Professeur œuvrait à l’Université de Penn- cement d’Agora par l’ISREC, et, d’autre part, l’existence sylvanie, où il avait notamment créé un prestigieux centre d’une véritable culture de la collaboration en Suisse, de recherche sur le cancer de l’ovaire. Installé aux Étatsce qui permet d’avancer vite et efficacement. Aux ÉtatsUnis depuis plus de 20 ans, il n’avait aucune raison d’en Unis, de prestigieux centres travaillent les uns à côté partir. Mais l’envie de développer un centre de recherche des autres, mais en concurrence et pas ensemble. » pointu en Europe l’a poussé à changer de latitude. La clinique n’est pas en reste et les spécialistes ont Depuis son arrivée il y a sept ans, le « paysage désormais plusieurs armes solides pour lutter contre oncologique » lausannois a avancé à pas de géant, les cancers les plus agressifs. De la radiothérapie flash notamment grâce à l’apport financier considérable du à la thérapie cellulaire adoptive, près de 60 études Ludwig Institute for Cancer Research, qui s’est engagé cliniques sont en cours sur le site du CHUV. « Tout à soutenir Lausanne sur une période de 30 ans, alors s’accélère et nous allons bientôt pouvoir constater les qu’il avait initialement prévu de recentrer ses activités résultats de ces années de recherche », s’enthousiasme aux États-Unis. « Aujourd’hui, nous pouvons dire sans George Coukos, qui se dit particulièrement fier de rougir que nous sommes l’un des plus grands centres l’essai ATATIL : « Ce projet est 100% lausannois, tout de recherche contre le cancer en Europe », est fait ici ! » /


FOCUS

ESSAI CLINIQUE

trembler, mais on ne peut rien faire. J’ai voulu arrêter après la 5e dose. » Son épouse précise : « Il était tout rouge, comme une tomate. » Robert recevra finalement six doses d’interleukine 2, pour un maximum prévu de huit. Lorsque les effets de l’IL-2 se dissipent, les patients peuvent commencer à récupérer, toujours sous haute surveillance. Si tout se déroule comme prévu, au terme de trois semaines d’hospitalisation, ils pourront rentrer chez eux. Ils auront ensuite trois bilans à 14, à 21 et à 30 jours, puis des visites tous les trois mois, en plus de devoir passer pendant cinq ans des examens réguliers d’imagerie pour contrôler l’évolution de leur cancer. Dans certaines circonstances, un traitement de rattrapage avec du nivolumab, un médicament qui a fait ses preuves contre le mélanome, pourrait également être entrepris, pour une durée maximale de deux ans. Là encore, le but est de stimuler les lymphocytes T afin qu’ils restent actifs contre la tumeur.

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S’EN SORTIR

Après son épopée au CHUV, Robert a choisi de reprendre tout de suite son activité professionnelle : « Cela m’a aidé d’avoir ma propre entreprise. Au début j’étais à 50%, je tenais debout entre deux et trois heures par jour et je contrôlais surtout le travail des autres, mais aujourd’hui je suis à 100% et la seule chose qui me fait plaisir, c’est de travailler. » En dépit d’un vitiligo qui s’est déclaré à la suite du traitement et qui l’a « un peu révolté », les résultats de ses examens sont encourageants et les lésions cancéreuses ont diminué. Pour Pierre, c’est au moment de quitter l’hôpital que les choses se sont compliquées. Il souffre alors de douleurs dans les omoplates. À peine rentré chez lui, les douleurs s’intensifient, la morphine ne peut plus rien : « Du jour au lendemain, je ne pouvais plus marcher. » L’incertitude est à son comble. Il retourne donc au CHUV, où l’on découvre qu’il souffre d’une maladie neuromusculaire auto-immune : le syndrome de Guillain-Barré. Commençant au niveau des jambes, les nerfs sont attaqués par le système immunitaire, provoquant la paralysie. À cause de cet effet secondaire inattendu, Pierre va devoir rester près de trois mois supplémentaires à l’hôpital et deux mois dans une clinique de rééducation tout près de chez lui. 27

« Je n’ai eu affaire qu’à des personnes qui voulaient se battre à mes côtés. » Pierre

Cette mésaventure, qu’il qualifie désormais de «petite épreuve à passer», n’occulte cependant pas ses résultats. Neuf mois après avoir accepté de participer à l’essai clinique ATATIL, 85% de ses métastases ont été éliminées. «Je n’ai jamais eu d’idées noires ni regretté d’avoir participé à cet essai, confie-t-il. En 2017, on ne me laissait que quelques mois à vivre. Je m’en sors pas trop mal. » Pierre affirme avoir toujours été combatif et souligne que le personnel médico-soignant a dû le sentir: «Je n’ai eu affaire qu’à des personnes qui voulaient se battre à mes côtés. Parfois, je me demandais si j’allais arriver à tout faire, mais les choses s’organisent petit à petit et on reprend le dessus.» Un point de vue pas si éloigné de celui de Virginie Zimmer, qui suit toujours l’essai, dont la phase I touche à sa fin, avec ses collègues du Centre des thérapies expérimentales : « Pour le premier patient, on a dû s’adapter à beaucoup de choses – l’hospitalisation de trois semaines, les nouvelles interactions avec les infirmiers et les médecins, le nombre de données générées et d’effets secondaires. Mais nous apprenons au fur et à mesure et nous avons pu mettre en place des outils pour suivre de manière optimale ce type d’étude.» Comme Robert, Angelo et les sept autres premiers patients admis dans ce protocole de recherche unique en Suisse, Pierre a l’espoir qu’il ouvrira une voie de guérison pour le plus grand nombre. « J’ai eu de la chance de pouvoir bénéficier de cette possibilité, souligne-t-il, et je l’ai aussi fait pour les autres. » Se souvient-il d’un moment précis dans son parcours de « patient-pilote » ? « C’était en plein été, il faisait très chaud et on mangeait des glaces dans ma chambre avec les médecins et les infirmières. C’était juste la vie…» / *Noms connus de la rédaction Découvrez l’intégralité de ce reportage sur le site d’In Vivo, dans le cadre de la série web « Immersion » : invivomagazine.com/fr/immersion


FOCUS

EN LECTURES

« NOUS AVONS TOUS DES FORMES DE CANCERS EN COURS »

IV Quel est l’apport de la biologie évolutive à la cancérologie? FT Elle s’intéresse à n’importe quel problème du vivant, et donc au cancer, apparu il y a un demi-milliard d’années, qui est un processus complet de sélection naturelle en temps réel! Or celle-ci est «amorale», elle n’a pas pour objectif de tuer, mais de privilégier la reproduction, y compris lorsque le système déraille: c’est la rançon du fonctionnement correct de nos milliards de cellules…

PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE BRACK, RESPONSABLE ÉDITORIALE PAYOT LIBRAIRE

L’ABOMINABLE SECRET DU CANCER FRÉDÉRIC THOMAS, HUMENSCIENCES, 2019 315 PAGES, 37.40 CHF

Biologiste de l’évolution et directeur de recherche au CNRS, Frédéric Thomas est également codirecteur du Centre de recherches écologiques et évolutives sur le cancer (CREEC, Montpellier). L’abominable secret du cancer est le regard d’un spécialiste des cellules, capable de « décriminaliser » celles du cancer pour les étudier sous un angle positif : si l’on sait comment elles évoluent, on saura comment les en empêcher.

IV Vous voyez une sorte de «raison d’être» du cancer au cœur de l’évolution… FT Nous avons tous des formes de cancers en cours, mais heureusement peu sont des «tueurs»: on sait aujourd’hui les traquer, mais il faut définir mieux lesquels vont mal tourner. Plus on dépiste les cancers plus on en trouve, or tous ne sont pas forcément à traiter. Pour ceux qu’on peut éradiquer, on ne va pas se gêner! Mais ensuite, mieux vaut abandonner l’élimination pour se consacrer à limiter le pouvoir destructeur des tumeurs, à contenir la progression et à réparer les conséquences d’une tumeur.

Promoteur d’une recherche pluridisciplinaire qui décuple les angles d’attaque, il défend le rôle essentiel de la biologie évolutive dans la lutte contre le cancer, et brosse le tableau dynamique de ses recherches: un «thriller scientifique» fascinant, qui réserve pourtant quelques surprises…

IV Comment ce discours est-il reçu par la médecine et les patients? FT Le plus difficile est sans doute d’accepter qu’on peut faire avec, mais nul doute que les mentalités s’habitueront vite à l’idée que grâce aux nouvelles thérapies on pourra vivre avec un cancer sans que ce soit lui qui nous tue. /

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HANNAH ASSOULINE

Comment battre le cancer en exploitant les ressources de la sélection naturelle ? Dans L’abominable secret du cancer, le biologiste français Frédéric Thomas rend accessible une recherche pointue et étonnante.

IV Comment se situent vos recherches par rapport à la médecine? FT Son concept de «guerre totale» contre le cancer se résume à la victoire ou la défaite, contrairement au continuum de nos cellules. Vouloir exterminer les cellules cancéreuses est donc souvent voué à l’échec, parce que l’évolution initie des modes de défense, et qu’il n’y a pas de rapport systématique entre le nombre de cellules éliminées et la survie. Il faut différencier les cellules sensibles des résistantes, et ne pas laisser les dernières sans concurrence.


FOCUS

EN LECTURES

EN BREF Cobayes ROBIN COOK, LGF, 2018 619 PAGES, 14.40 CHF

CHRONIQUE

LA BOULE ÉRIC TEMIM, CHERCHE-MIDI, 2019 254 PAGES 29.40 CHF

« Liam, je t’aime… mais je ne te remercie pas », ultime ligne de La Boule, résume l’esprit de ce témoignage : direct, décalé et débordant d’amour. Mais avant, que d’angoisse, de désespoir, de révolte, de fatigue… Liam est un « mini-Neymar » de 6 ans qu’une tumeur au rein tentera – en vain – de terrasser. Le petit bonhomme est plein de courage, et ses parents sont prêts à tout pour l’accompagner. Mais même quelques semaines, lorsqu’un enfant souffre, c’est très long. Des premiers signes, auxquels on ne veut pas croire, aux derniers examens qui homologuent le « score final » (Nous : 1, cancer : 0), le calvaire annoncé est celui de toutes les familles en proie à ce drame. Ce qui distingue ce récit est que, pour une fois, c’est le père qui l’entreprend.

Cueillie à froid par le cancer du petit dernier, cette famille juive, croyante mais pas bigote, fait bloc autour de lui. Promu coach, Éric – jovial, dynamique et protecteur – n’a donc plus le droit à la peur, ni au découragement. Et ce qu’il raconte est à la fois terrible et incroyablement vivant, mêlant aux aveux d’angoisse ou d’impuissance une formidable volonté de donner la priorité aux bonnes choses de la vie. Il ose être bouleversant, agaçant, joyeux, admirable, iconoclaste, vrai dans ses émotions comme dans ses excès ou sa franchise. Comment ne pas aimer ces parents qui ont su « cacher les larmes tout au fond de leurs yeux » pour rester eux-mêmes et aider leur enfant à traverser le gué ? Un récit touchant et fort, souvent drôle, à la morale inattendue : un papa inquiet est une « mère juive » comme les autres ! /

Dans chaque numéro d’In Vivo, le Focus se clôt sur une sélection d’ouvrages en « libres échos ». Ces suggestions de lectures sont préparées en collaboration avec Payot Libraire et sont signées Joëlle Brack, libraire et responsable éditoriale de www.payot.ch. 29

Lorsque son fiancé ne se réveille pas après une opération pourtant banale, une étudiante en médecine se lance dans une enquête non seulement illégale, mais fort risquée. Car le cas n’est pas unique, et les victimes dans le coma semblent faire l’affaire d’un puissant laboratoire pharmaceutique, prêt à toutes les corruptions pour fournir des cobayes à ses recherches… Écrit par un ancien chirurgien, ce thriller d’anticipation efficace et haletant est aussi cynique que dangereusement vraisemblable. J’peux pas, j’ai chimio ALEXANDRA BRIJATOFF, CAMILLE HOPPENOT, MARABULLES, 2019 192 PAGES, 25.30 CHF

Décidées à « rentabiliser » leur expérience pour se venger, l’auteure et son illustratrice, rescapées du cancer, balisent le parcours de la combattante, entre un corps médical débordé et un entourage déboussolé. Caustique – aucun commentaire ou comportement maladroit ne leur a échappé – mais pétillant et d’une grande tendresse, l’album regorge de conseils « on-a-testé-pourvous » (très sérieux) administrés avec humour et bienveillance. Et, ce qui ne gâte rien, c’est une très jolie réussite graphique et narrative. Mes mille et une nuits : La maladie comme drame et comme comédie RUWEN OGIEN, LGF, 2018 236 PAGES, 12.30 CHF

Mille et une nuits, c’est le temps que Ruwen Ogien a lutté contre un cancer qui, il en doutait peu, le tuerait – mais avant, il y aurait cet essai autobiographique d’un philosophe réfractaire au lieu commun de la rédemption par la douleur. Ogien le penseur, observant Ruwen le malade, se livre à demi-mot avec une lucidité teintée d’émotion ou de poésie. La plainte ne s’inscrit qu’en creux, dans l’acceptation d’un austère constat : la souffrance a des causes mais non des raisons, et en chercher dévalorise la résistance de l’esprit.


MENS SANA

« Ne pas donner l’information nécessaire peut empêcher le patient de prendre les bonnes décisions. »

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MENS SANA

INTERVIEW

SYLVIE FAINZANG L’anthropologue française s’est penchée sur l’usage du mensonge dans la relation entre médecins et malades dans un ouvrage de référence. Elle en souligne les contradictions à l’heure de la promotion d’une autonomie accrue des patients. INTERVIEW : ERIK FREUDENREICH PHOTO : MARTIN COLOMBET

« Certains médecins ne se rendent pas compte qu’ils mentent » Éditions PUF (2006), l’anthropologue Selon un sondage réalisé par la société d’étude de marché française Sylvie Fainzang revient sur ces YouGov, un tiers des Allemands auraient menti à leur médequestions qui gagnent en actualité alors que cin en 2018. Du plus bénin, comme cacher qu’ils ne vérités et contrevérités s’affichent en ligne. mangent pas cinq fruits et légumes par jour au plus fâcheux, comme taire qu’ils n’ont pas pris correctement leur traitement, ces mensonges et omissions IN VIVO Vous rappelez qu’Hippocrate recomtémoignent d’une peur d’être jugé par l’autorité morale mandait de faire « t oute chose avec calme, incarnée par les médecins. avec adresse, en cachant au malade pendant qu’on agit la plupart des choses » . Le menEn matière de contrevérités et d’euphémismes, ces songe est-il un ingrédient essentiel de la reladerniers ne sont pourtant pas en reste, eux qui tion médecin-patient ? SYLVIE FAINZANG Il n’est en cachent parfois la gravité d’une maladie à leurs aucun cas un aspect indispensable, mais il s’agit patients. Une pratique qui remonte à l’Antiquité, d’un élément qui a sous-tendu toute la construction lorsque les médecins théorisaient le « mensonge de la relation médecin-malade. Pour filer la métathérapeutique », un baume que l’autonomie du phore, on peut parler d’indications du mensonge : patient et les nouveaux codes déontologiques pour certains médecins, il est nécessaire de mentir, ont pourtant chassé de la pharmacopée au avec une posologie adaptée à chaque patient. On peut cours du XXe siècle. Ces tromperies et dissimuaussi parler d’effets secondaires, voire indésirables : le patient peut se retrouver dans des situations où il n’est lations ont des effets concrets sur la pratique pas nécessairement conscient de la gravité de son état médicale. Auteure de La relation médecinsparce qu’on le lui cache, ou alors il va devenir méfiant et malades : information et mensonge, une enchercher ailleurs l’information qu’il désire. quête approfondie sur le sujet parue aux

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INTERVIEW

IV Connaître ou non la vérité peut-il influer sur le procesIV Quelles sont les raisons qui poussent sus de guérison ? SF C’est une question complexe. Du point les professionnels de la santé à mentir aux patients ou à leurs proches ? SF Il y a de vue de certains psychologues, être informé de la gravité d’un état peut décourager le patient et provoquer des effets des médecins qui ne veulent pas faire de tort délétères sur la santé. Mais ce que j’ai pu observer, c’est que au malade, on parle souvent dans ce cas de ne pas connaître la vérité a souvent un effet négatif. J’ai mensonge par humanité. D’autres mentent assisté à de nombreuses consultations lors desquelles le parce qu’ils jugent le malade incapable de patient ne voyait pas du tout pourquoi on lui proposait de comprendre l’information sur son état de recommencer rapidement une chimiothérapie, puisqu’on santé. D’autres encore, parce qu’ils le pensent lui disait que tout allait bien. Parfois la discussion durait incapable de supporter la vérité. En revanche, très longtemps, le patient cherchant à en savoir plus, ceux qui plaident pour que la vérité soit dite le jusqu’à ce que, après 45 minutes de discussion, le médefont soit pour une raison utilitaire – ils consicin, à bout de nerfs, lui lance en pleine figure qu’il y avait dèrent que dire la vérité est nécessaire pour faune reprise métastatique, ce qui déclenchait l’accord du voriser l’adhésion du patient à sa prise en charge patient pour la reprise d’un traitement. On voit ainsi que – soit pour défendre une position de principe : le ne pas donner l’information nécessaire peut empêcher droit du patient à l’information qui le concerne. le patient de prendre les bonnes décisions. IV Le personnel médico-soignant est-il forcément conscient de ses pratiques ? SF Non, je crois que beaucoup de médecins qui développent un discours lénifiant pour adoucir un petit peu la vérité ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de mentir ou de dissimuler la vérité, en particulier avec des patients issus de certains milieux sociaux.

« BEAUCOUP DE MÉDECINS ÉVITENT LE TERME ‘MÉTASTASE’, PAR PEUR DE Tout le monde n’est pas égal face au mensonge ? TROP INQUIÉTER Effectivement, bon nombre de médecins considèrent que les patients ne sont pas aptes à comprendre LE PATIENT » IV

SF

ou à entendre les informations, ce qu’ils mettent sur le compte de leurs capacités cognitives ou psychologiques. En réalité, on se rend compte qu’il s’agit d’un jugement IV Omissions, dissimulations, fausses informaà l’égard de personnes qui appartiennent à des milieux tions… À partir de quand parle-t-on de mensociaux populaires. Il y a là quelque chose qui n’est pas songe  ? SF Je parle de mensonge à partir du forcément conscient chez les médecins. Je moment où le locuteur lui-même consime souviens d’une consultation où le médedère qu’il ne dit pas la vérité. Il est intécin a fourni des explications exhaustives à un ressant de noter qu’il existe toute une lit- BIOGRAPHIE La Française chef d’entreprise affichant une certaine prestérature sur cette question, produite par Sylvie Fainzang les médecins eux-mêmes : essais, témoi- est anthropologue tance, alors que ce dernier n’avait absolument pas envie de connaître tous les détails gnages, expériences… Chacun y va de sa et directrice de de sa maladie. À l’inverse, j’ai pu observer position sur le sujet, ils en discutent beau- recherche à l’Institut national des gens de milieux défavorisés extrêmement coup entre eux. Mais tout se passe comme de la santé et de demandeurs d’informations, et à qui elle si, lorsqu’on n’est pas médecin, on ne pou- la recherche était dissimulée. Il n’y a pas nécessairement vait pas s’autoriser à utiliser ce terme : il y médicale à Paris. congruence entre le milieu social et l’aptia quelque chose d’iconoclaste à parler du Ses travaux actuels portent tude du patient à recevoir l’information sur mensonge des médecins quand on n’est sur les enjeux son mal. pas soi-même médecin. liés aux processus d’automédicalisation et de démédicalisation. Elle est par ailleurs rédactrice en chef de la revue Anthropologie & Santé. 32


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INTERVIEW

Le mensonge est-il réservé aux cas de le médecin peut être amené à changer de traitement, le maladies graves ? SF On peut aussi le re- croyant inefficace. Inversement, le patient peut ressentir des trouver lors de situations plus bénignes, par effets indésirables sérieux, sans en parler à son praticien. exemple quand un médecin veut convaincre un patient de prendre un médicament en lui I V Le mensonge en médecine induit-il aussi des disant qu’il ne présente aucun effet indési- problèmes à un niveau sociétal ? SF Oui, dans la mesure rable. Mais il est vrai que la question se pose où cette pratique va à l’encontre des valeurs de la « démode manière plus cruciale en cas de pathologies cratie sanitaire » que sont l’autonomie et la responsabiligraves. Dans le cadre de mes recherches, j’ai sation du patient. Il faut dire que le médecin se retrouve ainsi pu constater que le mot « cancer » était pris entre des consignes contraires : la loi dit qu’il doit désormais facilement utilisé, tout comme parfaitement informer le malade, alors que le code déonl’expression « tumeur cancéreuse ». Par contre, tologique lui permet de cacher certaines choses au il y a eu un déplacement du tabou sur le mot malade s’il s’estime fondé à le faire, quitte à le traiter « métastase ». C’est un terme que beaucoup de comme un enfant. De même, le patient doit gérer à la médecins évitent d’employer, par peur de trop fois l’injonction à s’affirmer comme individu autonome inquiéter le patient. Ici, c’est l’aggravation qui est et responsable, et la peur du médecin, qui reste une cachée, plutôt que la maladie elle-même. Tout se figure d’autorité. La relation médecin-malade est passe comme si révéler le diagnostic, c’était déli- en pleine mutation aujourd’ hui, marquée par ces vrer un pronostic. contradictions.

IV

L’obtention d’informations par les patients via internet constitue aussi une remise en question du pouvoir des médecins. Comment le vivent-ils ? SF Certains médecins l’acceptent tout à fait bien, se rendant compte que cela fait désormais partie de notre société. D’autres praticiens, malheureusement relativement nombreux, ridiculisent le patient ou se moquent de lui : « Ah ! Vous êtes allé voir Dr Google. » Conséquence : cela va induire une pratique de dissimulation de la part du malade, empêchant le médecin d’infirmer de fausses informations. Il serait plus judicieux d’expliquer qu’il existe des sites médicaux spécialisés très sérieux IV Les patients ne sont pas en reste en matière de à côté de forums ou de blogs moins pertinents. ⁄ cachotteries : non-respect du traitement, minimisation ou exagération des symptômes. Avec quels effets sur les pratiques médicales ? SF Souvent, le patient ne veut pas dire au médecin qu’il n’a pas pris son traitement ou qu’il n’a pas respecté les recommandations médicales, de peur d’être jugé. On retrouve aussi une dimension sociologique assez frappante : ce sont les personnes issues de groupes sociaux défavorisés qui adoptent le plus une posture infantile avec leur médecin, comme un enfant qui ment à ses parents par peur de se faire gronder. Ils préfèrent prétendre avoir bien pris leur médicament, même si c’est faux, plutôt que de revendiquer la non-observance de leur traitement. Cela peut poser toutes sortes de problèmes :

« LE CODE DÉONTOLOGIQUE PERMET AUX MÉDECINS DE CACHER CERTAINES CHOSES AUX MALADES »

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IV


MENS SANA

DÉCRYPTAGE

Du cockpit à la salle d’opération Avant un décollage, l’équipage d’un avion vérifie méthodiquement une série de paramètres de vol. Cette forme de communication structurée, qui se base notamment sur des check-lists, inspire le milieu hospitalier.

D’

une précision qui se perd dans les méandres de la transmission de consignes entre équipes à l’omission de certains points cruciaux à vérifier avant toute intervention chirurgicale, divers défauts d’attention légers peuvent avoir des conséquences très lourdes dans un hôpital. Il est internationalement admis que « 60% des erreurs médicales sont causées par une mauvaise communication », indique Nahid Yeganeh-Rad, coordinatrice de la qualité et de la sécurité des soins au sein de la Direction médicale et des soins du CHUV. Dans le transport aéronautique également, la précision des communications est une question de survie. Le secteur a adopté, dès les années 1950, des techniques qui optimisent la transmission d’informations entre et au sein des équipes en vol et au sol. « Des check-lists existent pour chaque opération avant et pendant le vol, explique

Timothy Kriegers, fondateur et président de l’association Pilotesuisse La technique et pilote de ligne sur Airbus. IPASS Elles s’adaptent après chaque incident ou accident Illness severity : important, dont la collision définir où se situe entre deux Boeings 747 à le patient parmi les Tenerife en 1977 et l’amercatégories « stable », rissage d’un A320 sur « à surveiller » ou « instable ». l’Hudson en 2009. » Des outils spécifiques permettent Patient summary : d’agir efficacement en cas mettre en évidence d’événement inattendu. « La les éléments imporméthode SPORDEC (Situatants, les problèmes actifs. tion-Action préliminaireOptions-Réflexion-DécisionAction list : Exécution-Contrôle) a pour établir les tâches but d’assurer une réflexion concrètes à effectuer non biaisée et une prise et en définir les de recul par rapport à une responsabilités. situation, explique le pilote. Situation awareness : Elle réduit le stress d’une anticiper les risques personne qui doit gérer une et l’attitude à observer crise et lui évite de se limiter en cas de problème. à une vision étroite. » Synthesis by receiver : reformuler les actions à entreprendre.

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NEONBRAND, HOP. FOCH/PHANIE

TEXTE : STÉPHANIE DE ROGUIN


MENS SANA

DÉCRYPTAGE

De nombreux hôpitaux se basent désormais sur des procédés de transmission d’informations qui ont été développés dès les années 1950 dans le transport aéronautique. L’enjeu est de taille : 60% des erreurs médicales sont causées par une mauvaise communication.

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MENS SANA

DÉCRYPTAGE

Ces méthodes se sont progressivement de manière optimale lors des changements diffusées dans d’autres environnements pro- d’équipes. Les cinq lettres de cet acrofessionnels où des gestes potentiellement nyme correspondent à autant d’actions à risqués sont pratiqués. Née aux États-Unis, engager ou d’informations à transmettre la méthode TeamSTEPPS adapte aux au sujet de l’état de santé d’un patient (voir réalités hospitalières certaines procédures encadré p. 34). « Même s’il ne s’agit pas employées dans l’aviation. Les outils qui la d’une solution miracle, un tel procédé met composent répondent à plusieurs nécesclairement en évidence les points essensités : l’organisation (définition du rôle de tiels à surveiller », évalue David Gachoud, chacun), la communication (divers outils, médecin associé au Département de voir encadré), le leadership (briefing, médecine. Le respect du protocole permet concertation, débriefing), le monitorage de de révéler l’instabilité d’un cas. Ainsi, la la situation et le soutien mutuel. « En 2017, nouvelle équipe saura qu’elle devra porter la Direction générale du CHUV a décidé une attention particulière à certains indicade mettre en place un protocole qui sécurise teurs. « On signalait déjà quelles étaient les certaines transmissions orales lors actions à entreprendre précédemment, mais des processus critiques », explique Nahid nous procédons dorénavant de manière Yeganeh-Rad. Cinq outils tirés de plus structurée, en stipulant qui fait quoi. TeamSTEPPS ont été privilégiés par l’insL’anticipation des risques, elle aussi, permet titution et seront intégrés dans différents de discuter de chaque situation de manière services. L’application s’étalera plus systématique. » Il faut sur trois ans, de 2019 à 2021, Quelques outils compter 30 minutes pour à commencer par les soins le passage de relais de la méthode assurer intensifs et les urgences, avant pour les 16 patients alités dans TeamSTEPPS l’unité des soins intermédiaires de s’étendre aux soins intermédiaires, puis, pour finir, du Service de médecine interne SCAR : aux soins de longue durée. Si du CHUV, soit plus ou moins le Situation 1’100 collaborateurs médicomême temps qu’avant l’intégraContexte Appréciation infirmiers ont déjà été formés, tion de ce mode de transmisRecommandation, à terme, ce sont plus de 4’000 sion structuré. aide à la prise de collaborateurs qui emploieront décision. les outils. L’apprentissage CHECK-LIST AVANT s’effectue par une session d’eLE DÉCOLLAGE EN SALLE D’OP’ Quittance de learning de deux heures. Un Autre outil hérité de l’aéronautransmission : pour que accompagnement sur la durée, l’émetteur s’assure que son tique, la check-list de sécurité message a été compris, avec des séances de simulation interventionnelle vise à vérifier le récepteur répète ce qu’il et de coaching, complète cette que toutes les mesures nécesa entendu, puis l’émetteur formation de base. saires ont été correctement confirme par un ok. effectuées, avant, pendant et APPLICATIONS DIVERSES après une intervention. Cette La règle des deux challenges : si un proSELON LES SERVICES rigueur vise particulièrement fessionnel estime qu’un Parmi les cinq outils retenus à éviter les never events, des élément de la prise en par le CHUV, le Service de événements indésirables charge représente un médecine interne utilise totalement évitables aux graves danger pour le patient, le protocole IPASS, dont conséquences, comme l’opéil doit exprimer sa crainte l’objectif est de passer le relais ration de la mauvaise jambe au moins deux fois.

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d’un patient. «Notre check-list est basée sur celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui existe depuis de nombreuses années», explique Antoine Garnier, membre de la Direction médicale du CHUV.

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Apologie de la check-list

LAURIANNE AEBY

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De même, à bord des avions de ligne, chaque point est vérifié de manière systématique, de la fermeture des portes par les pilotes à la présence d’un mégaphone dans l’habitacle par le chef de cabine et ses hôtesses. Des termes extrêmement précis et internationalement reconnus ont été définis pour assurer la communication entre le personnel au sol et la cabine de pilotage. «On dit que 80% de la communication tient du non-verbal, évoque Timothy Kriegers. En n’ayant pas de contact visuel avec la tour de contrôle, ni même avec son copilote, puisqu’on regarde devant soi, chaque mot que l’on prononce est extrêmement important.»

Dans son livre The Checklist Manifesto, Atul Gawande, chirurgien, décrit l’augmentation de la complexité des tâches quotidiennes, qui deviennent d’inévitables sources d’erreurs. L’auteur part alors à la rencontre de pilotes de ligne et revient avec une solution : les professionnels de la santé ont besoin de listes de contrôle, des guides écrits qui les orientent, point par point, à travers les étapes clés de toute procédure.

En 2009, Atul Gawande, un chirurgien américain, a publié The Checklist Manifesto, qui fait l’apologie d’une telle discipline (voir encadré). En 2013, la Fondation suisse de sécurité des patients a mené un projet d’approfondissement visant à appliquer cet outil dans les hôpitaux du pays. L’Hôpital de l’enfance du CHUV figurait parmi les dix établissements pilotes de Suisse. Depuis, cette pratique a été instaurée dans tous les services interventionnels de l’institution vaudoise. «Il s’agit surtout d’un moment où toute une équipe se réunit autour de la sécurité du patient, analyse Antoine Garnier. Lorsque chaque membre de l’équipe participe attentivement, on peut partager la détection des risques et

Nahid Yeganeh-Rad coordonne les projets en lien avec la qualité et la sécurité des soins au sein de la Direction médicale et des soins du CHUV.

être plus efficace pour éviter des incidents critiques.»

À L’HEURE DU BILAN Au CHUV, la communication structurée et efficace portée par la méthode TeamSTEPPS rassure les employés. «Ils disent quitter leur travail plus sereins», témoigne Nahid Yeganeh-Rad. Celle qui coordonne la mise en place de la méthode observe même un «enthousiasme rare», avec certains services qui décident de l’adopter avant la date prévue par le calendrier établi. Cela dit, il ne s’agit pas de remplacer une routine par une autre. La check-list de sécurité interventionnelle, employée depuis plusieurs années, fait ainsi l’objet d’une révision. « Il faut veiller à ce que ces pratiques gardent leur sens, prévient Antoine Garnier. Il ne doit pas s’agir d’une to-do-list à remplir machinalement, mais d’un vrai moment d’échange. » /


TEXTE : ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

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TENDANCE

DEMAIN, LA DERNIÈRE CIGARETTE

Innovations et slogans commerciaux de cigarettiers se multiplient. En termes de nocivité, les scientifiques opèrent pourtant une distinction entre des produits du tabac chauffés et des vaporettes jugées prometteuses comme substitut à la clope.

«C

e n’est pas de la science-fiction : nous voulons arrêter de vendre des cigarettes. » Ce message volontariste est signé Philip Morris Products SA à Neuchâtel. Il s’affiche sur une plaquette publicitaire qui circule cet été en Suisse romande. Toujours selon ce document, la multinationale aurait investi 6 milliards de francs dans le développement et l’évaluation de produits du tabac qui ne produiraient pas de fumée. En réaction aux politiques de lutte contre le tabac, à la chute du nombre de fumeurs dans les pays occidentaux et au succès des vaporettes, la multinationale du tabac met en scène son virage vers les produits promis comme sans fumée. La nouvelle cigarette IQOS, déjà adoptée, selon la firme, par 2 millions de fumeurs dans le monde, chauffe le tabac au lieu de le brûler. Le problème, c’est que l’IQOS relâcherait tout de même des composés toxiques pour la santé. Les professeurs Jacques Cornuz et Reto Auer, respectivement directeur général du Centre universitaire de médecine générale et de santé publique – Unisanté de Lausanne et professeur de recherche clinique en médecine générale à l’Université de Berne, ont, avec des collègues, démontré dans une étude parue il y a 2 ans dans le Journal of the American Medical Association (JAMA-Internal Medicine) qu’elle

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À CHACUN SA MÉTHODE En plus des substituts nicotiniques (patch, gomme, comprimé à sucer, inhalateur) disponibles en vente libre, Jean-François Etter de Stop-tabac.ch évoque deux médicaments sous prescription : le bupropion et la varénicline. « Ils agissent sur le système nerveux en diminuant l’impérieux besoin de fumer. Ils augmentent de quelques points le taux de succès, tout en atténuant les symptômes de sevrage. » La psychothérapie, notamment cognitivo-comportementale, et le soutien d’un groupe ont aussi fait leurs preuves. Efficaces pour certains, l’hypnose ou l’acupuncture n’ont prouvé qu’un effet placebo lors de tests.

libérerait de la fumée, contrairement à ce qu’en dit le producteur. « L’IQOS émet un aérosol contenant des composés toxiques, comme du monoxyde de carbone, que l’on retrouve également dans la fumée d’une cigarette conventionnelle », expliquent-ils. ÉTUDES SUR LA VAPORETTE

Les multiples vaporettes présentes sur le marché produisent, elles, de la vapeur à inhaler à partir d’un liquide composé principalement de propylène glycol, d’eau, d’arômes et de nicotine (et des composés toxiques, mais en faible quantité). Elles n’ont donc d’e-cigarette que le nom, puisque, contrairement à l’IQOS, elles ne brûlent, ni ne chauffent aucun dérivé du tabac et n’émettent pas de monoxyde de carbone. Cette alternative pourrait servir de passerelle vers l’abandon de la cigarette pour certains fumeurs. Une étude parue dans le New England Journal of Medicine au printemps 2019 montrait que son utilisation double les chances d’arrêter de fumer par rapport aux substituts nicotiniques, faisant passer le taux de succès de 10 à 18%. Jacques Cornuz, Reto Auer et des collègues des universités de Berne et de Genève se sont d’ailleurs lancés dans une évaluation de la vaporette comme méthode pour arrêter de fumer : son degré de toxicité et les risques qu’elle représente à long terme, ses effets sur le poids, le taux de cholestérol,


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TENDANCE

ENNIO LEANZA

Créée par une start-up de la Silicon Valley dans laquelle le cigarettier américain Altria a investi, la Juul domine le marché des vaporettes à tel point que les autorités américaines parlent d’« épidémie » chez les adolescents non fumeurs. La mairie de San Francisco vient d’ailleurs d’en interdire la vente sur son territoire.

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TENDANCE

le système respiratoire, la tension artérielle, etc. « Son intérêt est qu’elle permet de personnaliser le traitement en modulant le taux de nicotine selon la dépendance du patient », explique Jacques Cornuz. Si l’on remplace bien un produit toxique par un autre, la vaporette, qui ne contient ni goudron ni les centaines d’autres substances nocives présentes dans la fumée de la cigarette lorsqu’elle est consumée, serait nettement moins délétère selon le tabacologue. COMME L’HÉROÏNE

Dans l’attente des résultats de l’étude, les fumeurs qui souhaitent écraser leur dernière cigarette peuvent se tourner vers une série de méthodes éprouvées pour trouver du soutien (voir encadré p. 38). Mais le niveau de dépendance au tabac varie beaucoup d’une personne à l’autre. « Un facteur génétique entre en jeu : certaines personnes tolèrent bien la nicotine et d’autres ne la supportent pas », explique Jean-François Etter, professeur de santé publique à l’Université de Genève et responsable du site Stop-tabac.ch. Un environnement peuplé de fumeurs, des troubles psychiques, la consommation d’alcool et de drogues dressent aussi des obstacles supplémentaires sur le chemin du sevrage. Les experts considèrent la dépendance à la nicotine comme presque aussi forte que celle à l’héroïne. Ils estiment qu’il faut en moyenne quatre ou cinq tentatives pour parvenir à s’en passer définitivement. Les cigarettiers connaissent depuis longtemps cette propriété addictive de la nicotine. « Dès le début des années 1960, ils savaient qu’elle créait une forte dépendance, alors qu’un consensus a été atteint chez les scientifiques seulement dans les années 1980, même si le lien entre fumer et le cancer du poumon avait été établi 30 ans plus tôt », relève Jacques Olivier, médecin et auteur d’une thèse de doctorat sur le sujet. La stratégie des cigarettiers a toujours été de vendre la « liberté », fait-il valoir, suggérant au consommateur que fumer demeure un choix libre et responsable.

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AMMONIAC ET MANIPULATIONS LA SUISSE SOUS INFLUENCE D’UN PUISSANT LOBBY Pour protéger ses intérêts, l’industrie du tabac a déployé d’énormes ressources financières, humaines et scientifiques. C’est ce que nous apprend la thèse du médecin Jacques Olivier. « Lors des fameux procès des grandes compagnies de tabac aux États-Unis, dans les années 1990, l’Association suisse des fabricants de cigarettes (ASFC) organisait des lunchs à Berne avec des parlementaires, pour expliquer sa version des faits », illustre-t-il. Les cigarettiers ont aussi financé des partis politiques et soutenu un chercheur de l’EPFZ qui travaillait sur les prétendus effets positifs de la cigarette. « Le système politique suisse est un terreau très favorable à l’industrie du tabac grâce à son libéralisme, son corporatisme et son parlement de milice : quatre présidents successifs de l’ASFC ont été conseillers nationaux », observe le chercheur.

Mais simultanément, ils se sont ingéniés à manipuler la teneur en nicotine de leurs produits. Selon la variété de tabac cultivé, le design de la cigarette et la ventilation du filtre, le taux de nicotine ingéré peut varier, explique Jacques Olivier. « Quant à l’ajout d’ammoniac, une innovation de Philip Morris avec Marlboro en 1964, il avait pour but d’augmenter l’absorption de la nicotine par les alvéoles pulmonaires. » Similairement, aujourd’hui, la Juul, une vaporette qui connaît un fort succès, est accusée de vaporiser une nicotine très rapidement assimilée. Mais au-delà des tentatives individuelles pour se libérer du tabagisme, qui tue 9’500 personnes par an en Suisse (environ 15% de tous les décès) et coûte quelque 10 milliards de francs à la société, « il faut surtout une politique de santé publique efficace », insiste Reto Auer. « La Suisse, plus mauvaise élève des pays de l’OCDE, doit suivre les recommandations de l’OMS : augmenter le prix des cigarettes via les taxes, interdire la publicité (directe et indirecte) et le tabac dans tous les lieux publics et de travail, mettre en garde la population contre les dangers du tabagisme et mener des campagnes de prévention, notamment auprès des jeunes. Mais toutes ces mesures doivent être prises dans une approche respectueuse des personnes qui fument », souligne le médecin, qui cite le mantra du professeur américain Steve Schroeder : « Hate the smoke, love the smoker ». / Pour en savoir plus sur l’étude ESTxENDS, qui porte sur l’arrêt du tabac à l’aide d’une vaporette : www.estxends.ch

Jacques Olivier, « Les fabricants de cigarettes face à la question tabac et santé en suisse (1962–2003) », 2019. Celle-ci a été soutenue en avril 2019 à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL). 1


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PROSPECTION

LA RÉANIMATION, UN MONDE ENTRE CHIEN ET LOUP PEUPLÉS DE PATIENTS INCONSCIENTS ET DE MACHINES ULTRA-PERFORMANTES , LES SERVICES DE SOINS INTENSIFS INTRIGUENT. IN VIVO LÈVE LE VOILE SUR CE MONDE MAL CONNU ET SUR SES HABITANTS. TEXTE : PATRICIA MICHAUD

PHILIPPE GÉTAZ

Respirateurs, pompes cœur-poumon ou encore pompes à médicaments : dans les services de soins intensifs, le corps humain est souvent relié à des machines high-tech.

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A

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lors que 80’000 patients y sont pris en charge chaque année en Suisse, pour une durée moyenne de 2,6 jours, les services de soins intensifs – communément appelés « réa » en France – continuent d’inspirer un mélange de fascination et de crainte. Dans l’imaginaire collectif et celui, toujours foisonnant, des séries TV, ils sont perçus comme un monde à part, un univers quasi mythologique à cheval entre la vie et la mort. Respirateurs, pompes cœurpoumon, pompes à médicaments, machines d’épuration extrarénale : le corps y est souvent relié à des machines ultra-performantes aux noms évocateurs. Et l’action des médecins « intensivistes », ces spécialistes reconnus comme tels depuis 2001 par la FMH, l’association professionnelle des médecins en Suisse, y est tendue vers un but principal : le maintien des fonctions vitales. Mais de quoi parle-t-on exactement ? « Lorsque la vie d’un patient est menacée par la défaillance d’un ou de plusieurs organes vitaux (ndlr : par exemple après un arrêt cardiaque ou une chirurgie majeure, en cas d’infection grave, d’insuffisance rénale ou respiratoire aiguë, ou encore de coma), il s’agit d’une situation de

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PROSPECTION

réanimation », précise Philippe Eckert, chef du Service de médecine intensive adulte du CHUV. « Ces situations nécessitent une intervention immédiate à l’aide de moyens mécaniques (ventilation, soutien circulatoire) et médicamenteux, ainsi qu’une surveillance constante », poursuit-il. Si des avancées récentes telles que l’ECMO (de l’anglais « extracorporeal membrane oxygenation ») – « une technique d’assistance qui assure aussi bien le débit sanguin que l’oxygénation du sang par une machine pour une durée prolongée » – peuvent donner l’impression d’un environnement toujours plus technicisé, les soins intensifs ne sauraient être réduits à une « médecine d’appareillage ». C’est un endroit où « les soignants essaient justement par tous les moyens de garder un contact avec les patients de façon plus proche qu’avec le seul intermédiaire des machines », estime Philippe Eckert.

IDENTITÉ FRAGILISÉE L’anthropologue Christine Bergé a enquêté durant dix ans dans le Service de réanimation postopératoire et traumatologique de l’Hôpital Lariboisière, à Paris. Elle en a tiré un livre, La vie entre chien et loup, publié en 2007 aux éditions Robert Jauze et illustré par des photographies de Jacqueline Salmon. « Ce qui m’a frappée lors de mon travail de terrain, c’est de constater

à quel point ces patients, qui arrivent généralement dans un état inconscient, ont une identité fragilisée », explique l’auteure. « Le Service de réanimation est le lieu où on les maintient en vie physiquement, mais aussi socialement. » Puisque la personne ne peut pas parler, « ce sont les machines qui permettent de déchiffrer son corps ». Les professionnels reconstituent quant à eux l’histoire du patient sur la base des informations fournies par les voisins, la famille, etc. L’anthropologue ajoute que, dans un contexte « où tout est très fragile, la notion d’intelligence collective prend toute son importance ». Un réseau serré se tisse autour du patient. Le personnel médico-soignant « participe à de nombreux briefings, verbalise chaque geste et le consigne soigneusement par écrit ». Christine Bergé rapporte également que les soins intensifs constituent « un endroit où l’on reçoit beaucoup au niveau émotionnel ». Les professionnels qu’elle a interrogés se décrivent comme « des espèces de combattants » aux prises avec la mort. « Drogués au stress », toujours sur la corde raide, « ils ont une conscience accrue du caractère éphémère de la vie ». Pourtant, « ils ne supportent pas de perdre un patient ; il en va de leur déontologie ». Qu’ils soient médecins, infirmiers ou aides-soignants, ils font tous face à un double défi, « le défi de la vie et le défi médical ».


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MOINS DE DÉCÈS QU’ON NE LE PENSE L’univers décrit dans l’ouvrage La vie entre chien et loup, Yvan Gasche le vit au quotidien en sa qualité de responsable de l’unité de neuro-réanimation des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Plus terre à terre que l’anthropologue française, il relève « qu’au fond, les soins intensifs ne présentent que deux particularités si on les compare aux autres services de l’hôpital ». Premièrement, le médecin adjoint agrégé cite « l’intensité des soins qui y sont prodigués ». Dans les cas les plus graves, « les infirmières se relaient au chevet des malades 24h/24 ». Par ailleurs, « le caractère souvent brutal et inattendu de l’affliction de la personne, ainsi que le fait que son pronostic vital est potentiellement engagé font peser un énorme stress sur son entourage ». Les soignants doivent donc faire face, parallèlement aux défis d’ordre médical,

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à des défis d’ordre émotionnel. « Contrairement à ce que pense le grand public, seule une minorité (8-10% environ) des patients hospitalisés aux soins intensifs décède », souligne le spécialiste. « Mais il est vrai que le personnel soignant est davantage confronté à la mort que celui des autres services de l’hôpital, soins palliatifs exceptés ». Dans les cas – majoritaires – où l’état de santé du malade s’améliore, l’enjeu de la survie cède alors la place à d’autres défis, ceux de l’aprèsréanimation : « Dans quel état le patient poursuivra-t-il sa vie ? Sera-t-il sévèrement handicapé?» Même s’il n’est pas en mesure de confirmer ou d’infirmer la conclusion de Christine Bergé concernant le rapport personnel à la mort des employés des services de réanimation, le médecin des HUG relève que « notre confrontation plus importante que la moyenne avec la mort et les séquelles graves nous oblige à nous poser des questions telles que : est-ce qu’en

cas d’accident, je souhaiterais être réanimé à tout prix ? ». Un questionnement presque contre nature, étant donné que « l’être humain est programmé pour survivre, pas pour envisager sa mort », selon Yvan Gasche. Pour le Prof. Philippe Eckert, même si les observations de Christine Bergé sont globalement « justes et adaptées à la situation des soins intensifs », le portrait de professionnels qui ne supporteraient pas de perdre un patient est « largement excessif ». « Je dirais plutôt que tous les efforts sont faits pour maintenir le patient en vie, tout en ayant conscience de la nécessité de réfléchir avec ses proches à la qualité de sa vie future », nuance ainsi le spécialiste. Avant de conclure : « Nous avons 260 morts dans le service chaque année et je suis soulagé de voir que, même si chaque décès est difficile, nous acceptons la mort et accompagnons les patients lorsque toutes les mesures prises pour les maintenir en vie échouent. » /

ABORDER LA RÉANIMATION AVEC LES PATIENTS ÂGÉS Durant deux ans, la Chaire de soins palliatifs gériatriques du CHUV, sous la conduite de la socio-linguiste Anca-Cristina Sterie, a conduit une étude sur la communication autour de la réanimation cardio-pulmonaire. Les résultats seront mis en lumière le 31 octobre 2019 dans le cadre d’un symposium à Lausanne. À l’origine de cette recherche figure la constatation suivante : bien que, vu leur âge, les patients du CUTR Sylvana – le centre de réadaptation gériatrique du CHUV – présentent un risque élevé de séquelles en cas d’arrêt

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cardio-respiratoire, 30% d’entre eux expriment le désir d’être réanimés. L’équipe de la Chaire a enregistré 43 entretiens d’admission entre patients gériatriques et médecins assistants. La réanimation y était généralement abordée de façon assez sommaire. Selon les chercheurs, la communication médecin-patient présente donc un fort potentiel d’amélioration. « Plutôt que de se contenter de demander au patient s’il souhaite faire l’objet d’une tentative de réanimation, il est important de lui

expliquer la procédure, d’évoquer les éventuelles séquelles, etc. », souligne Anca-Cristina Sterie. Idéalement, « il faudrait que lors de son arrivée à l’hôpital, le patient ait déjà abordé cette question avec ses proches et son médecin de famille ». Reste que le personnel hospitalier a aussi son rôle à jouer. « Nous sommes en train de monter une formation pilote sur la communication au sujet de la réanimation et des objectifs de soins, destinée aux médecins assistants en gériatrie. » Une manière aussi de rassurer le patient.


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COULISSES

À LA RECHERCHE DU MEILLEUR HÔPITAL TEXTE  :

ROBERT GLOY

Le CHUV figure parmi les dix meilleurs hôpitaux du monde, selon un classement publié en début d’année. Un coup de pub dont l’impact est difficile à évaluer.

Tous les ans, les recherches menées au CHUV sont récompensées de plusieurs prix prestigieux. Mais au début de 2019, c’est l’établissement dans son ensemble qui a obtenu une véritable reconnaissance internationale. En mars, le magazine américain Newsweek a en effet publié une liste des dix meilleurs hôpitaux du monde, dans laquelle le CHUV se retrouve en 9e position (la première place est occupée par la Mayo Clinic du Minnesota, aux États-Unis). Ce classement, le premier du genre pour le magazine, a été établi en collaboration avec l’entreprise allemande Statista, qui est spécialisée dans l’analyse et la représentation de statistiques. Ce bon résultat a été repris dans de nombreux médias dans le monde entier. « Se voir cité parmi les hôpitaux les plus prestigieux du monde est une vraie reconnaissance du travail accompli au quotidien par les professionnels et nous offre une visibilité importante à l’international », se réjouit Béatrice Schaad, directrice de la communication du CHUV.

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Pour évaluer les performances de 1’000 hôpitaux, Newsweek et Statista se sont basés sur trois critères : les avis de patients recueillis par les assurances, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins comme le nombre de patients par médecin, et les résultats d’un sondage mené parmi plus de 40’000 professionnels de la santé dans 11 pays. Sur cette base, le magazine a d’abord établi des classements par pays, pour ensuite créer le classement des dix meilleurs hôpitaux du monde. Pour ce dernier, il a privilégié les avis des 40’000 médecins, infirmiers et administrateurs sollicités en ligne. Les hôpitaux primés peuvent acheter s’ils le souhaitent le logo «  World’s Best Hospitals 2019 » afin de l’utiliser pour des campagnes de marketing. Toutefois, Felix Kapel, analyste principal chez Statista, n’a pas souhaité divulguer le nombre d’hôpitaux qui ont saisi l’opportunité (le CHUV n’a pas acheté ce logo).

Le modèle des palmarès universitaires Dans le milieu académique, ce type de classement est plus commun. Tous les ans, les regards se braquent sur quatre d’entre eux : le classement de Shanghai, les Times Higher Education World University Rankings (THE), le classe-


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COULISSES

40’000 Le nombre de professionnels de la santé sondés par Newsweek et Statista afin d’établir le classement des dix meilleurs hôpitaux du monde.

ment mondial des universités QS et le CWTS Leiden Ranking. Entre les universités les plus prestigieuses du monde, comme Cambridge, Harvard ou Stanford, la bataille est rude pour arriver en tête de ces classements. Qu’en est-il de l’Université de Lausanne (UNIL) ? « Nous jouons le jeu et fournissons des données aux organismes qui établissent les classements, mais sans obsession », admet Denis Dafflon, directeur du Service des relations internationales. Pourtant, l’université vaudoise y fait bonne figure. Dans le classement de Shanghai, elle se situe dans les 150 meilleures, tout comme dans les THE. Mais les grandes différences entre les critères pris en compte pour chaque classement (le classement de Shanghai, par exemple, donne une plus grande importance aux prix Nobel, d’autres fonctionnent sur la base de sondages qui évaluent la qualité de l’enseignement et de la recherche) rendent difficile une analyse

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précise. « Nous essayons d’identifier les raisons pour lesquelles nous gagnons des places ou pour lesquelles nous perdons des places, mais vu le nombre de critères pris en compte, c’est souvent difficile à savoir. Il est possible de perdre 30 places d’une année sur l’autre sans que la qualité de la recherche et de l’enseignement ait baissé », explique Denis Dafflon. Ce dernier estime aussi qu’une bonne position dans ces classements n’assure pas de pouvoir attirer les meilleurs chercheurs. « Ils regardent d’autres critères avant de faire leur choix, comme les autres chercheurs déjà présents dans l’institut ou les avis des pairs. » Concernant les étudiants, ce seraient surtout ceux venant d’Asie qui y prêteraient beaucoup d’attention. «  De toute façon, en Suisse, la qualité des universités est très homogène. Dans les pays avec de fortes différences comme aux États-Unis, ces classements ont plus de sens », juge Denis Dafflon.

Soigner la réputation d’un hôpital Dans un service public comme un hôpital, qui n’a pas vocation à attirer des patients, quel impact de tels classements peuvent-ils avoir ? Depuis 21 ans, le CHU Toulouse figure dans les trois premiers hôpitaux de France, selon le classement annuel de l’hebdomadaire Le Point. Cette édition très attendue permet au magazine de doper ses ventes, tandis qu’il offre une forte visibilité aux hôpitaux bien placés. Comme cela a été le cas pour le CHUV, les jours suivant la publication du classement de 2018 – dans lequel le CHU Toulouse a figuré en tête –, cette actualité a été reprise dans presque 500 articles de presse, allant jusqu’à une interview télévisée sur une chaîne nationale française.


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Marc Penaud, directeur général du CHU Toulouse, confirme l’importance de ce classement pour la réputation de l’établissement  : « Il donne une image positive de la qualité des équipes médicales et soignantes, de la qualité des organisations et de notre capacité à innover. » Par contre, l’hôpital ne se donne pas d’objectifs. « Nous ne travaillons pas en fonction de ce classement. Nous n’en maîtrisons d’ailleurs pas les critères d’évaluation », dit-il. Comme Newsweek, Le Point utilise plusieurs sources composées d’avis de patients, de données objectives et de recommandations des professionnels pour établir son classement.

Concurrence accrue Marc Penaud nuance l’impact du classement en termes d’attractivité de l’hôpital comme employeur ou sur les partenariats externes : « L’attractivité du CHU Toulouse vis-à-vis des professionnels et des patients est le fruit de nombreux facteurs, bien plus profonds que le classement. » Cependant, comme les universités, les hôpitaux se soucient de plus en plus de leur réputation. En Suisse, cette situation s’est accentuée avec la mise en place du nouveau financement hospitalier en 2012. Celui-ci stipule que 45% des prestations stationnaires des hôpitaux sont financées par les caisses maladie et 55% par les cantons, peu importe qu’elles soient fournies dans un hôpital public ou privé – instaurant ainsi une certaine concurrence. L’un des symboles de cette nouvelle donne a été le lancement en 2015 du comparateur des hôpitaux hostofinder.ch, qui

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permet aux particuliers de choisir le « meilleur hôpital » en fonction de leurs besoins. Pour Anne-Geneviève Bütikofer, directrice de l’association H+ Les Hôpitaux de Suisse, les établissements helvétiques ont dû s’adapter : « Ces dernières années, le marketing et la communication se sont professionnalisés dans les hôpitaux et les cliniques, gagnant ainsi en importance. Il existe également un besoin accru de transparence et d’information de la part du public. Les mesures de qualité et de sécurité des soins ainsi que les classements ne peuvent toutefois montrer qu’une partie du spectre d’activités d’un hôpital. Les hôpitaux et les cliniques sont par exemple trop différents dans leurs structures pour être comparés les uns avec les autres. » ⁄

500

Le nombre de mentions dans la presse lorsque le CHU Toulouse a été élu meilleur hôpital de France en 2018.


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CHRONIQUE

JEAN-BERNARD DAEPPEN Chef du Service de médecine des addictions du CHUV

Petite histoire du baclofène Un simple médicament a-t-il pu sauver Olivier Ameisen? Pour lui comme pour tant d’autres, l’alcool a allégé et aggravé ses angoisses, dans un cycle sans fin. L’alcool a d’abord été une tentative d’autotraitement d’une souffrance psychique tenace. À qui a profité le miracle du baclofène, ou cette idée que le craving est au centre de la pathologie addictive, et que s’il en est débarrassé, le malade retrouvera la possibilité de choisir? À Olivier Ameisen sans doute, aux médias bien sûr, aux prescripteurs de la première heure, héros autoproclamés, aux premiers patients miraculés que les médias se sont arrachés. Au plus grand nombre de personnes traitées, certainement pas. L’alcool constitue une sorte de refuge pour ne pas penser, un refuge dans un psychisme qui fait mal. Par rapport à l’alcool, un anti-craving efficace permettrait de dépasser les limites sans craindre l’addiction. Mais il ne serait pas miraculeux pour autant. Dans tous les cas, il ne guérirait pas de la blessure psychique.

Cardiologue français installé à New York au début des années 2000, Olivier Ameisen est ravagé par une dépendance à l’alcool. Plus que cela, il souffre d’une anxiété généralisée, d’un état de mal-être psychique profond. Aucune cure, aucun médicament n’a pu l’aider. Un de ses amis lui parle alors d’un cocaïnomane sauvé par un vieux médicament prescrit comme relaxant musculaire: le baclofène. Le Dr Ameisen s’en administre et augmente massivement les doses. Il devient progressivement indifférent à l’alcool, ne ressent plus ce «craving», comme disent les Anglo-Saxons, qui constitue le symptôme cardinal de l’addiction. S’estimant miraculé, Olivier Ameisen milite pour que le médicament soit reconnu et rendu disponible pour le plus grand nombre. En 2008, il publie Le dernier verre, un immense succès de librairie, et au moment de sa mort, en 2013, quelque 30’000 alcooliques français sont sous baclofène. Olivier Ameisen a cru au médicament miracle et de nombreux autres ont suivi sur la À cet égard, la recherche sur l’efficacité des seule foi de son témoignage, même si l’efficacité du psychothérapies suggère que ce n’est pas tant la baclofène reste très débattue chez les spécialistes technique utilisée qui compte que la relation qui et que sa prescription à haute dose a été tempo- soigne: une nouvelle figure qui permet de mettre en rairement interdite en France en 2017 en raison scène une nouvelle image de soi, où les expériences d’un risque accru d’hospitalisation et de décès. de changement deviennent possibles, où le choix d’une vie un peu meilleure est envisageable. C’est une bonne et une mauvaise nouvelle: la mauvaise, PROFIL c’est que le chemin de la guérison d’une blessure Médecin interniste, psychique est long, souvent escarpé, parfois sublime, spécialiste de la prévention et tango d’enthousiasme et de doute. La bonne, c’est que du traitement des addictions, le Prof. Jean-Bernard les psychothérapies sont efficaces: c’est une danse à Daeppen dirige le Service de deux, avec un partenaire qui supporte bien faux pas et médecine des addictions du pertes d’équilibre. Et si, au fond, ce qui avait permis au CHUV, rattaché au DéparDr Ameisen d’arrêter de boire dans les années 2000 était tement de psychiatrie. Il y a développé un concept novamoins le baclofène lui-même que la croyance dans le teur modifiant l’approche médicament miracle, qui l’a fait se sentir moins seul? /

DR

thérapeutique des addictions et privilégiant une approche fondée sur les principes de l’entretien motivationnel.

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Pour lire l’intégralité de cette chronique : www.invivomagazine.com


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TEXTE : BLANDINE GUIGNIER ILLUSTRATION : OLA JASIONOWSKA POUR IN VIVO

LA MALADIE NASH* GAGNE LA SUISSE DEUXIÈME CAUSE DE CIRRHOSE AUX ÉTATS-UNIS , APRÈS L’ALCOOL ET AVANT L’HÉPATITE C CHRONIQUE, CETTE PATHOLOGIE DEVIENT ÉGALEMENT UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE SUR NOTRE TERRITOIRE . AU POINT QU’UNE FONDATION QUI LUI EST CONSACRÉE VIENT DE VOIR LE JOUR À BERNE.

CORPORE SANO

Environ un quart des habitants de l’Union européenne souffrirait d’une accumulation de graisse dans leur foie, selon l’European Association for the Study of the Liver (EASL). En cause : l’obésité, le syndrome métabolique qui se manifeste par une combinaison de symptômes comme l’embonpoint abdominal, l’hypertension, le mauvais cholestérol, une glycémie élevée, etc. Les aliments transformés par une industrie en quête d’additifs bon marché et les boissons aux taux élevés de sucres ajoutés constituent les autres grands responsables de cette affection. Il convient néanmoins de rappeler qu’un foie gras ou « stéatosique », qu’on nomme ainsi dès que la masse de graisse dépasse les 5% dans le foie, n’évolue pas forcément vers une NASH. « Cela survient dans 5 à 20% des cas et ne concerne donc que 1 à 6% de la population en Europe », estime le Prof. Darius Moradpour. Bien que la prévalence en Suisse

ne soit pas connue pour l’instant, elle devrait être similaire aux estimations européennes. Pour alerter le corps médical et le grand public sur cette affection, le Prof. Jean-François Dufour, de l’Université de Berne, vient donc de créer, avec d’autres partenaires, la première fondation helvétique sur le sujet, baptisée « Swiss NASH Foundation ».

Selon Darius Moradpour, une meilleure hygiène de vie peut freiner l’évolution de la NASH. * Acronyme pour « nonalcoholic steatohepatitis » (« stéatohépatite non alcoolique » en français)

ERIC DÉROZE

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ais qu’est-ce qui se cache derrière l’acronyme NASH ? Issu de l’anglais « nonalcoholic steatohepatitis » pour « stéatohépatite non alcoolique », ce terme regroupe les cas où le foie est chroniquement enflammé et en souffrance. Face à ces agressions répétées, les cellules de l’organe tentent de se réparer, entraînant la formation d’un tissu cicatriciel appelé fibrose. Quand cette dernière se trouve à un stade avancé, les conséquences peuvent se révéler graves. « Plus la NASH est avancée, plus les risques de cirrhose ou de cancer du foie sont élevés, précise le Prof. Darius Moradpour, chef du Service de gastro-entérologie et d’hépatologie du CHUV. La première cause de mortalité chez les patients atteints de ce syndrome est cardiovasculaire. » Véritable fléau aux États-Unis, la maladie pourrait même y devenir la première cause de cirrhose, avant l’alcool.


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Due notamment aux boissons sucrées, la maladie pourrait devenir la première cause de cirrhose aux États-Unis avant l’alcool.

« SANS CETTE APPENDICITE, JE NE SERAIS CERTAINEMENT PLUS LÀ AUJOURD’HUI. » La NASH est d’autant plus grave que ses symptômes sont quasiment indolores. Pierre-Alain Besson n’a repéré aucun signe avant-coureur. « J’ai été admis à l’hôpital pour une simple appendicite en janvier 2017, explique ce CORPORE SANO

retraité vaudois de 64 ans. On m’a alors détecté une stéatohépatite non alcoolique et une tumeur au foie de 4 centimètres déjà. Je n’avais ressenti ni douleur ni fatigue. Sans cette appendicite, je ne serais certainement plus là aujourd’hui. » La tumeur a pu être ôtée un mois plus tard au CHUV. « Heureusement, je ne présentais PROSPECTION

aucune métastase ailleurs dans le corps. » En juillet de la même année, des nodules cancéreux ont été détectés puis éliminés par radiofréquence. « Mon foie pouvait encore fonctionner, mais compte tenu du risque de récidive très élevé et du fait que le cancer ne s’était pas propagé, nous avons décidé avec l’équipe médicale de


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m’inscrire sur la liste des futurs transplantés en novembre 2017. Onze mois plus tard, je recevais un nouveau foie. » Si le Vaudois parle ouvertement de sa maladie, c’est afin que le grand public sache que des problèmes au foie ne sont pas forcément liés à une hépatite ou à l’alcool. Il fait partie de la minorité des patients atteints d’une NASH qui ne sont pas en surpoids. « Je ne fume pas, je bois très raisonnablement, je marche très régulièrement », faitil remarquer. Il avait néanmoins un diabète de type 2 et du cholestérol. « Les médecins traitants sont apparemment encore peu habitués à faire des examens du foie, surtout chez les personnes non obèses. » DÉPISTAGE NON SYSTÉMATIQUE « C’est une maladie que l’on peut prévenir, note Mohammed Barigou, chef de clinique au

Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. De la stéatose simple aux stades initiaux de la fibrose, nous sommes dans des processus réversibles. Mais, pour cela, le dépistage des cas à risque doit se généraliser. » Il s’agit notamment de surveiller les personnes atteintes de diabète de type 2 avec un syndrome métabolique. « Les sociétés savantes recommandent un dépistage systématique des patients à risque en leur proposant des tests hépatiques. Des taux enzymatiques élevés doivent suggérer au médecin traitant la nécessité d’explorations complémentaires telles qu’une échographie du foie. L’élastographie impulsionnelle (FibroScan) en sus est un bon outil de détection de la fibrose hépatique. » Cette dernière méthode, non invasive, évalue la propagation d’une onde de choc dans le foie et mesure son élasticité. Plus l’onde se propage rapidement, plus le tissu hépatique est rigide et la fibrose importante.

Le diagnostic précis se fait à l’aide d’une biopsie du foie. « Cependant, avec une consultation, une prise de sang et un ultrason, nous parvenons déjà à aller loin dans le diagnostic, avance le Prof. Moradpour. La probabilité d’une NASH est haute si nous pouvons exclure les autres causes d’atteinte hépatique chronique comme les hépatites virales, des maladies auto-immunes ou héréditaires, la prise de certains médicaments, mais surtout une consommation excessive d’alcool. » Sur ce dernier point, le taux d’alcool ne peut plus être toléré par le foie s’il dépasse 30 grammes par jour pour les hommes et 20 grammes chez les femmes, selon la définition européenne. PAS DE SOLUTION MAGIQUE Lorsqu’une stéatohépatite non alcoolique est dépistée, les médecins analysent son évolution sur trois à douze mois, en prescrivant au patient des changements

STADES D’ÉVOLUTION DE LA STÉATOHÉPATITE NON ALCOOLIQUE La NASH est réversible si elle est détectée suffisamment tôt. Les risques s’avèrent importants en cas de fibrose avancée. Foie sain

Foie « gras »

Réversible

Moins de 5% des cellules sont graisseuses

Foie avec NASH

Réversible

Plus de 5% des cellules sont graisseuses (stéatose)

CORPORE SANO

PROSPECTION

Foie avec une cirrhose avancée, tumeur cancéreuse Irréversible

Stéatose, inflammation, grossissement et dans certains cas, fibrose

Fibrose très avancée


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AGIR CONTRE LA NASH PAR L’ALIMENTATION Des mesures nutritionnelles et une activité physique régulière constituent les meilleures alliées d’un patient atteint d’une stéatohépatite non alcoolique. « L’objectif de la prise en charge est avant tout de réduire la graisse intrahépatique et viscérale, détaille Mohammed Barigou, chef de clinique au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Il s’agit en premier lieu d’éviter une alimentation riche en aliments à index glycémique élevé et en graisse, et d’augmenter la quantité de fibres alimentaires (légumes, fruits, céréales). »

alimentaires et d’hygiène de vie. « Adapter le mode de vie peut aboutir à de vrais résultats, explique Darius Moradpour. Promouvoir une vie saine reste une priorité. » Concrètement, Mohammed Barigou guidera, en premier lieu, ses patients vers des mesures nutritionnelles (voir l’encadré ci-contre). En parallèle, ils devront avoir une activité physique régulière. « Il sera par exemple recommandé de faire, trois fois par semaine, une activité physique en aérobie (communément appelée cardio), de minimum 30 minutes ». PLUS DE 250 ESSAIS CLINIQUES Quand les mesures hygiénodiététiques ne permettent pas de freiner l’évolution de la maladie ou que celle-ci se trouve à un stade trop avancé, une solution médicamenteuse peut être envisagée. « Nous pouvons suggérer dans ces situations des traitements médicamenteux, notamment les analogues du GLP1, précise Mohammed Barigou. Cette neuro-hormone sécrétée physiologiquement par le tube digestif présente des effets positifs sur le plan métabolique et réduit significativement le tissu adipeux viscéral. Plusieurs autres nouveaux traitements hormonaux semblent avoir des effets positifs. » En 2018, plus de 250 essais cliniques étaient en cours sur la NASH dans le monde, dont 74 lancés cette même année. CORPORE SANO

Il convient, en outre, d’éviter les produits à haute teneur en fructose. Peu cher, ce dernier est utilisé, parfois en grande quantité, dans les sodas et autres boissons sucrées, ainsi que dans les préparations industrielles. C’est d’ailleurs pour cette raison que la presse américaine a baptisé la NASH « maladie du soda ». « C’est un savant équilibre alimentaire à trouver. Les fruits, même s’ils constituent la principale source de fructose dans la nature, ne devront pas forcément être éliminés de l’alimentation car, en parallèle, ils sont une grande source de fibres alimentaires avec des effets bénéfiques prouvés sur le métabolisme. »

En Suisse, le Service d’hépatologie de l’Université de Berne et de l’Hôpital de l’Île (Swissliver) mène des études cliniques de phases II et III dans le domaine. « Des recherches sont actuellement conduites dans le monde entier afin d’identifier des médicaments pour traiter les patients souffrant de la NASH, indique son directeur, Jean-François Dufour. Même s’il ne s’agit encore que d’analyses intermédiaires, plusieurs molécules ont déjà montré des résultats positifs en phases II et III. Ces médicaments agissent, d’une part, sur le métabolisme en diminuant l’accumulation de graisse dans le foie, et, d’autre part, sur le tissu cicatriciel afin de diminuer le degré de fibrose du foie. » PROSPECTION

Trouver d’autres marqueurs de la « maladie du foie gras » constitue le second champ de recherche actuel. « L’Université de Berne participe au projet européen LITMUS qui réunit une quarantaine de laboratoires publics et privés », cite Jean-François Dufour. Le but de ce consortium est de mettre au point des tests sanguins ainsi que des techniques d’imagerie qui permettent de diagnostiquer facilement une maladie de NASH, connaître sa gravité et suivre son évolution sans avoir à pratiquer de biopsies du foie. « Nous pouvons déjà mesurer l’élasticité du foie qui reflète le degré de fibrose, mais il nous reste encore à identifier le degré de souffrance et d’inflammation du foie. » Pour y arriver, près de 52 millions de francs ont été mis sur la table. /


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SE DÉFAIRE DE LA HONTE DE L’INCONTINENCE TEXTE  : CAROLE EXTERMANN

Les patients atteints de fuites urinaires attendent en moyenne 10 ans avant de consulter. Pourtant, de nombreuses solutions thérapeutiques existent.

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e tabou lié à la difficulté de contrôler le besoin d’uriner – un problème qu’on associe généralement à la ménopause – s’aggrave encore lorsqu’il touche des personnes plus jeunes. L’incontinence urinaire frappe en majorité les femmes en raison de leur urètre plus court et plus large que celui des hommes. Rares sont les hommes de moins de 40 ans qui en souffrent, alors qu’entre 20 et 25% des Suissesses de cet âge-là en sont affectées. « L’incontinence est souvent banalisée, explique Nuno Grilo, chef

de clinique au sein du Service d’urologie du CHUV. Chez les femmes, elle a tendance à être considérée comme normale si elle intervient, par exemple, à la suite d’un accouchement. Or, ce n’est jamais le cas. L’incontinence est un signe de souffrance du corps qui ne doit jamais être négligé. » D’autant plus que lorsqu’elle se déclare de manière précoce, elle peut être des symptômes d’une maladie neurologique. Sophie*, 35 ans, en témoigne : « À l’âge de 19 ans, j’ai ressenti des troubles urinaires et je me suis rendue chez un spécialiste, qui m’a expliqué que mon incontinence était liée à une sclérose en plaques. » L’absence de contrôle de la vessie ou du sphincter de l’urètre, muscle qui retient l’urine dans la vessie, engendre différents types d’incontinence urinaire. Lorsque la perte involontaire est associée à une augmentation de la pression abdominale, provoquée par un éternuement ou un rire, il s’agit d’une incontinence urinaire d’effort, tandis que l’incontinence urinaire d’urgence est caractérisée par un besoin urgent et irrépressible de vider immédiatement la vessie. Cette distinction va orienter le traitement à suivre. TRAITEMENTS SUR MESURE « En fonction du sexe, de l’âge du patient et de l’importance de l’incontinence urinaire, de nombreuses solutions sont envisageables, précise Nuno Grilo. L’objectif principal est de faire regagner

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TABOU


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le contrôle de la vessie. Cela peut passer par des séances de physiothérapie, par la prise de médicaments, ou par des interventions plus invasives comme l’injection péri-urétrale d’un agent de comblement ou encore la disposition d’une bandelette pour soutenir l’urètre. » Plus controversée, cette opération reste la plus fréquemment utilisée dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort de la femme : aux États-Unis, au cours des dix dernières années, pas moins de 3 millions de femmes l’ont subie. Elle consiste en une petite incision dans le vagin, sous l’urètre, afin d’introduire une bandelette semblable à un morceau de tulle qui fait office de « hamac ». L’implantation d’un sphincter artificiel, plus souvent effectuée chez l’homme, constitue également une option pour les cas les plus critiques chez les femmes. Au-delà de la méconnaissance des traitements, de nombreuses rumeurs circulent sur la douleur infligée par ces interventions. Samuel*, 29 ans, a à cœur de leur tordre le cou. À la suite d’une méningite qui a perturbé ses connexions neuronales, il souffre d’une vessie hyperactive, qui se manifeste par un besoin pressant de vider sa vessie sans pour autant y parvenir. Ce trouble nécessite les mêmes traitements que l’incontinence urinaire d’urgence. « Quand j’ai partagé mon expérience avec mon entourage, je me suis rendu compte que les interventions pour ce type de problème étaient souvent imaginées comme extrêmement douloureuses, en particulier le bilan urodynamique, qui nécessite la mise en place d’une sonde. Or si ce geste n’est pas agréable, il n’est pas aussi éprouvant que ce que l’on se représente. » DÉPASSER LA HONTE Un important travail CORPORE SANO

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de sensibilisation doit être réalisé auprès des patients, mais aussi, et surtout, au niveau du personnel soignant, estime Nuno Grilo. « Il est capital de rendre les médecins attentifs à cette problématique. La plupart des patients éprouvent énormément de gêne face à un problème urinaire. Il faut parfois poser plusieurs fois la question au patient, avant qu’il ne confie son incontinence. » Difficile à aborder, ce trouble est pourtant loin d’être anodin. Les désagréments occasionnés par l’incontinence génèrent un isolement social qui peut mener à la dépression. Samuel confie la solitude dans laquelle sa maladie l’a enfermé : « Tous les dispositifs médicaux que j’ai été amené à utiliser semblaient être destinés soit aux personnes âgées, soit aux tétraplégiques, alors qu’en faisant quelques recherches je me suis rendu compte que de nombreuses jeunes personnes étaient touchées par l’incontinence. » Nuno Grilo insiste sur le fait que l’incontinence ne doit jamais être tolérée. Car plus la prise en charge thérapeutique est retardée, plus la maladie s’aggrave. « Peu importe l’âge auquel cela intervient, de nombreuses solutions existent pour améliorer le quotidien des personnes qui souffrent d’incontinence. L’urgence consiste à faciliter l’échange entre les médecins et les patients au sujet de ces troubles. » / * Nom connu de la rédaction


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DÉPISTÉ EN UN GESTE Le mouvement de nos pupilles, nos postures et notre démarche en disent beaucoup sur notre état de santé. Des caméras secondent désormais les médecins pour capter ces signes et établir un diagnostic. TEXTE : YANN BERNARDINELLI

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our le meilleur ou pour le pire, les caméras de surveillance font désormais partie de notre quotidien. La médecine fait également un usage croissant de techniques d’observation et de profilage. Couplées à des capteurs et à des systèmes d’analyse, elles permettent d’étudier certaines affections par le biais de la dynamique corporelle dans des domaines aussi vastes que la médecine sportive ou la psychiatrie. REGARDS SUR LES NEURONES

Basée sur le mouvement des yeux, l’oculométrie ou eye-

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tracking fait partie des techniques d’investigation des troubles du spectre de l’autisme (TSA). Lors d’interactions sociales, les personnes avec un TSA ont de la difficulté à soutenir le regard de l’autre. Ce trait peut être décelé en détectant l’orientation des yeux lorsque des séquences de films montrant des visages sont présentées sur un écran. « Les recherches dans le domaine de l’oculométrie montrent qu’une personne avec un TSA va focaliser son regard sur la bouche plutôt que sur les yeux. Comme certains patients avec un TSA ne parlent pas, l’eye-tracking nous permet de voir avec leurs yeux et de mieux les comprendre pour faire avancer la recherche et la clinique », indique Nada Kojovic, doctoINNOVATION

rante au laboratoire de Marie Schaer à l’Université de Genève. La technique est désormais utilisée en clinique pour soutenir le diagnostic. La démarche est un autre indicateur de trouble autistique pris en compte par les médecins. Le système locomoteur, de par les circuits neuronaux qui le pilotent, est étroitement lié à la régulation du comportement et des émotions. Marine Jequier Gygax, neuropédiatre et cheffe de clinique scientifique au Laboratoire de recherche du Centre cantonal autisme (CCA) du CHUV, explique que les descriptions initiales de l’autisme, réalisées par Leo Kanner en 1943, rapportaient déjà une signature de la marche dans l’autisme.


JAMES KING-HOLMES/SCIENCE PHOTO LIBRARY

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Les personnes souffrant de troubles du spectre de l’autisme (TSA) ont de la difficulté à soutenir le regard de l’autre lors d’une interaction sociale. Ce trait peut être détecté, entre autres, par un appareil d’eye-tracking.

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INNOVATION


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LES OREILLES ET LES YEUX DU MÉDECIN

L’observation des mouvements du patient s’avère aussi logi-

La neuropédiatre Marine Jequier Gygax s’intéresse au système locomoteur pour identifier des marqueurs précoces des troubles du spectre de l’autisme chez l’enfant.

quement cruciale en médecine physique et de réhabilitation, où l’objectif consiste à restaurer des fonctions perdues, par exemple en apprenant à utiliser un membre dysfonctionnel avec des mouvements sollicitant d’autres muscles. « Il est important de demander aux patients ce qui les gêne, de les écouter, et surtout

Le croisement d’images vidéos avec des facteurs issus de la génétique, de l’imagerie et du comportement pourrait fournir des diagnostics précis.

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de les regarder marcher et d’observer la façon dont ils enlèvent leurs vêtements pour établir un diagnostic, explique Vincent Gremeaux-Bader, responsable du centre de médecine du sport à l’unité de médecine physique et réhabilitation du CHUV. Même si des techniques d’imagerie hypersophistiquées peuvent aider au diagnostic, nous ne traitons pas des images, mais des patients ». L’analyse de la posture de l’anatomie renseigne également sur la capacité de réponse aux traitements de physiothérapie, ou sur l’apparition d’affections futures. Par exemple, des jambes arquées sont l’indicateur d’une possible surcharge au niveau de la partie interne des genoux et d’une prédisposition à des complications.

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« Vers un an, le petit humain se met debout et marche, mais on ne sait pas vraiment ce qui se passe au niveau des circuits neuronaux pour réaliser une telle étape. La recherche sur le développement cérébral précoce a peu investi ce champ alors qu’il pourrait nous apprendre beaucoup sur ces troubles neurodéveloppementaux et les liens entre le système moteur et le fonctionnement social. » Le déficit du fonctionnement social qui accompagne le TSA est la conséquence d’une atteinte de la connectivité de ces circuits. Pour mieux comprendre ces relations, Marine Jequier Gygax analyse la marche au cours du développement précoce, soit entre 10 et 48 mois, et couple les données à celles des circuits cérébraux par imagerie et électroencéphalographie. Ainsi, elle compte identifier des marqueurs précoces du TSA pour développer des traitements.


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OBSERVÉS À DOMICILE Le maintien des patients âgés à domicile est confronté à deux pénuries : « Le manque de professionnels des soins et la baisse inexorable des proches aidants », indique Christophe Büla, chef du Service de gériatrie du CHUV. Pour y faire face, la médecine peut s’appuyer entre autres sur la technologie. Des projets de recherche existent, notamment pour offrir des solutions de monitoring et d’analyse

DÉCORTIQUER LA MARCHE PAR VIDÉO

Aux yeux du médecin s’ajoutent des caméras et des logiciels d’analyse qui mesurent avec précision les paramètres spatio-temporels ou les rotations articulaires pendant la marche ou d’autres activités. Le CHUV dispose, avec le Swiss BioMotion Lab, codirigé par Brigitte Jolles-Haeberli et Julien Favre, d’un laboratoire à la pointe de la recherche en analyse du mouvement. Cet institut travaille avec un système similaire à celui utilisé pour l’animation 3D. « Un réseau de 14 caméras infrarouges collecte des informations issues de marqueurs placés sur le corps. En connaissant les caractéristiques du réseau, les logiciels de traitement déterminent la position de chaque marqueur dans l’espace et en déduisent des données cinématiques », indique Julien Favre, ingénieur en biomécanique. L’appareillage est principalement utilisé à des fins de recherche, entre autres pour mieux comprendre et traiter l’arthrose du genou ou la lombalgie. Pour ces deux projets phares du Swiss BioMotion Lab, une équipe interdisciplinaire tente de découvrir pourquoi certaines personnes ont plus de risques de développer ces affections afin de mieux les prévenir et les soigner. Un nouvel apprentissage de la marche ou des activités de tous les jours sollicitant la colonne vertébrale s’affirment comme des axes thérapeutiques. CORPORE SANO

L’ŒIL DES CAMÉRAS

Cet usage de plus en plus extensif de caméras en médecine annonce-t-il l’avènement d’une télésurveillance de notre état de santé ? Des décennies de recherche sur le mouvement de l’être humain ont permis de comprendre certains mécanismes pathologiques. Le croisement d’images vidéo avec des facteurs issus de la génétique, de l’imagerie et du comportement pourrait fournir des diagnostics précis. Les technologies actuelles du Swiss BioMotion Lab, de même que l’eye-tracking, ne s’apparentent pourtant pas à de la vidéosurveillance : il s’agit de systèmes sophistiqués pour la recherche. Mais Julien Favre relève que d’autres technologies sont en plein essor : « On voit de plus en plus d’applications médicales basées sur INNOVATION

du mouvement. « Au-delà des questions éthiques que cela soulève, nous avons aujourd’hui la capacité technologique de suivre le poids indiqué par une balance, la fréquence d’ouverture du frigo, de savoir si une personne est en position assise ou debout, ou encore de connaître sa cadence de marche », précise le gériatre. Le but est d’obtenir des facteurs prédictifs d’une chute ou de l’apparition d’une situation de fragilité, et ainsi de pouvoir intervenir de manière proactive en amont.

des caméras 3D, telles que celles utilisées par le système Kinect développé par Microsoft pour des jeux vidéo, qui détectent des silhouettes et permettent de mesurer le mouvement du squelette sans marqueur. » Nos mouvements semblent bien trahir nos affections, et si la recherche avance pour le meilleur de la médecine, certains développements laissent à penser que notre société pourrait plonger dans une dystopie digne de la série américaine Person of Interest – New York sous l’œil d’un logiciel utilisant les données numériques issues du réseau de vidéosurveillance pour prédire les crimes et identifier toutes les personnes impliquées –, mais cette fois dans un but de profilage de santé. /


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Les nouveau-nés ont besoin de lait maternel pour se développer et se prémunir des infections. Un programme de marraines d’allaitement soutient les jeunes mères de ces enfants pas toujours capables de téter. CORPORE SANO

TENDANCE

MAURO FERMARIELLO/SCIENCE PHOTO LIBRARY

TEXTE   : AUDREY MAGAT

LES BONNES FÉES DE L’ALLAITEMENT


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«E

t toi, tu arrives à allaiter ? » Chez les mères de nouveau-nés prématurés, la question est récurrente. Une forte pression peut s’exercer sur ces femmes, souvent soumises à un stress important et qui sont séparées de leur enfant hospitalisé en néonatologie. Selon le degré de précocité de la naissance, leur corps n’est pas forcément préparé à allaiter et l’environnement hospitalier ne favorise pas toujours la relaxation nécessaire. « Des études montrent que l’allaitement des prématurés est plus court et moins fréquent, alors que, justement, ces bébés vulnérables sont ceux qui ont le plus besoin du lait maternel », explique Céline Fischer Fumeaux, médecin associée au Service de néonatologie du CHUV. En Suisse, en moyenne 7,4% des naissances interviennent prématurément, c’est-à-dire avant 37 semaines de gestation (la durée d’une grossesse étant habituellement de 37 à 42 semaines). Les grands prématurés sont les bébés qui viennent au monde avant 32 semaines : ils représentent 2% des naissances. Au CHUV, 150 bébés naissent dans ces conditions chaque année, pour un total d’environ 800 admissions au Service de néonatologie. Ces nouveau-nés fragiles tirent particulièrement parti du lait maternel : « L’allaitement favorise le développement cérébral du bébé, améliore son immunité et diminue donc les risques d’infection. À plus long terme, il réduit le taux de ré-hospitalisation, détaille Céline Fischer Fumeaux. Le lait maternel fait aussi baisser le risque d’affections digestives comme l’entérocolite nécrosante, une complication rare mais grave chez les prématurés. » Le lait artificiel, moins facile à digérer, multiplie par un facteur de 3 à 5 le risque d’occurrence de cette maladie. CORPORE SANO

LA TECHNIQUE MARSUPIALE Pour favoriser l’allaitement des bébés prématurés, les services de néonatologie recommandent la méthode kangourou, qui consiste à placer le nouveau-né peau contre peau avec ses parents. Ce contact entraîne un effet physiologique important permettant de réduire le stress de l’enfant et de déclencher une libération d’ocytocine, l’une des hormones impliquées dans la lactation, au profit tant de la mère que de l’enfant. Voir aussi notre article dans In Vivo n° 14, p. 58

TENDANCE

ALLAITEMENT COMPLIQUÉ Or, même s’ils ont un réflexe de succion, les prématurés ne peuvent souvent pas téter correctement. « Ils peuvent avoir des difficultés de coordination entre la respiration, la tétée et la déglutition, surtout lorsqu’ils ont des difficultés respiratoires. Initialement, le lait maternel leur est ainsi souvent administré par une sonde directement reliée à l’estomac, précise la médecin. La mère doit alors tirer son lait plusieurs fois par jour, une activité qui peut être fatigante et contraignante. » En outre, le tire-lait est une machine de nature à en rebuter certaines. Pour aider les mères à surmonter ces obstacles, en plus du soutien par les professionnels et les consultantes en lactation, le CHUV encourage le soutien entre parents en partenariat avec l’association Né Trop Tôt. Cette organisation de bénévoles accompagne les parents de l’hospitalisation à la sortie de la maternité. Elle offre également des sacs cadeaux qui contiennent un body, un bonnet, ainsi qu’une petite pieuvre en crochet (lire encadré) aux prématurés et à chaque bébé hospitalisé en néonatologie. Depuis 2016, l’association Né Trop Tôt prodigue également des conseils sur l’allaitement par le biais de ses réunions Café-au-lait et fait œuvre de « marraine » pour les jeunes mères. « Les échanges de mère à mère pourraient permettre d’augmenter le taux et la durée d’allaitement. Ils apportent un soutien émotionnel essentiel en cette période difficile », constate la Dre Fischer Fumeaux. Tous les mercredis dans l’espace ParentsFamilles de l’hôpital, des mamans bénévoles de l’association se tiennent à disposition pour discuter avec les mères et pères de prématurés hospitalisés. « Partager avec des femmes qui ont vécu la


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AINSI FONT LES PETITES PIEUVRES

En parallèle, le CHUV a créé une unité de soutien à l’allaitement maternel animée par des consultantes en lactation présentes au quotidien à l’hôpital. Cette approche se fonde sur une étude américaine publiée dans le journal Breastfeeding Medicine qui montrait qu’une femme suivie par une consultante en lactation augmentait ses chances de prolonger l’allaitement, et que celles-ci progressai encore si la mère était aussi accompagnée par des pairs (OzaFrank, Bhatia, Smith, 2013). Grâce à ces programmes combinés, le CHUV a constaté que le taux d’enfants prématurés nourris au lait maternel à la sortie du Service de néonatologie était passé de moins de 70% à plus de 80%. BANQUE DE LAIT Lorsque l’allaitement maternel n’est pas possible ou insuffisant pour les nouveaunés très prématurés, les spécialistes recommandent d’avoir recours à une banque de lait, aussi appelée lactarium. Les donneuses de lait y sont soumises à des contrôles aussi stricts que pour le don du sang. Le lait est ensuite pasteurisé : il perd alors une partie de ses propriétés, mais la méthode permet de neutraliser les risques d’infection – « le prix de la sécurité », commente Céline Fischer Fumeaux. Le lait de donneuses ainsi conditionné revient à 100 à 150 francs par litre. À l’heure actuelle, il est réservé aux grands prématurés. Des banques de lait existent en Suisse alémanique, mais pas encore en Suisse romande ni au Tessin. « Les raisons sont multiples, avec des facteurs notamment CORPORE SANO

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historiques et culturels : les durées d’allaitement sont plus longues en Suisse allemande, les lactariums existent depuis longtemps et sont donc entrés dans les mœurs, ce qui n’est pas encore le cas en Suisse romande », analyse Céline Fischer Fumeaux, qui participe à la mise en place d’une banque de lait pour le CHUV, avec l’objectif de pouvoir l’ouvrir d’ici à 2021. L’ÉTUDE ALAÏS EN SOUTIEN L’expérience des marraines d’allaitement a montré qu’un soutien par des « mères accompagnantes » était possible et apprécié. Aujourd’hui, le CHUV mène, avec d’autres institutions en Belgique et en France, une étude européenne intitulée Alaïs. «L’objectif est d’évaluer les bienfaits de ce soutien qui pourra, nous l’espérons, en prouver l’utilité à plus large échelle et permettre d’intégrer ces protocoles dans d’autres hôpitaux », explique Céline Fischer Fumeaux. Pendant 18 mois, à partir de novembre 2019, des mères volontaires qui ont elles-mêmes vécu l’expérience d’allaiter un enfant prématuré accompagneront une nouvelle maman dans une situation comparable jusqu’au retour à la maison. « Après avoir passé des mois dans le Service de néonatologie de l’hôpital, on se retrouve subitement chez soi, seule et sans ce contexte médical protégé, confie Sandrine Lavanchy. Un soutien lors de cette étape est aussi très important. » Une trentaine de volontaires ont déjà manifesté leur intérêt à partager leur expérience, mais le CHUV recrute toujours : il prévoit que pour la période de l’étude, plus de 150 mamans seront en quête de leur « marraine ». /

CENTRE HOSPITALIER DE TROYES

même chose permet de se sentir moins seule, d’obtenir des conseils et du soutien, affirme Sandrine Lavanchy, coordinatrice de l’association. Personne ne peut comprendre la difficulté de cette épreuve avant de l’avoir traversée. »

De petites pieuvres en crochet apaisent les nouveau-nés prématurés du CHUV, qui tirent sur les tentacules du céphalopode plutôt que sur leur sonde. L’idée, venue du Danemark, a séduit l’association Petites Pieuvres–Fils de Douceur, qui fournit bénévolement depuis 2017 près de 900 pieuvres par année au Service de néonatologie. Les pieuvres doivent entre autres être bicolores, en tissus approuvés, et crochetées sans trous. « Ce sont des outils thérapeutiques, nous avons donc des critères stricts », justifie Emilie Ruch, présidente de l’association, qui offre à ces bébés hospitalisés leur premier doudou.


61 RECHERCHE

In Vivo vous fait découvrir dans chaque numéro les travaux d’une équipe de chercheurs de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne.

GREGORY RESCH

Directeur de recherches au Département de microbiologie fondamentale de l’Université de Lausanne. Il travaille depuis plus de 15 ans sur le développement de nouveaux antimicrobiens.

Les phages, des virus guérisseurs TEXTE  : ANTOINE BAL

NOBEASTSOFIERCE/SCIENCE PHOTO LIBRARY

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’est la renaissance d’une thérapie oubliée. Sauvé d’une maladie infectieuse par des virus bactériophages en 2016, le patient Tom Patterson est l’emblème du regain d’intérêt pour la phagothérapie aux États-Unis. En France, une dizaine de patients en impasse thérapeutique ont déjà été soignés par des phages, importés, pour certains, de Lausanne. Mais qui sont ces nano-sauveurs, pour qui la microbiologie s’emballe à nouveau depuis les années 2000 ? toutefois comme un traitement compassionnel sérieux en cas d’échec antibiotique. La phagothéraLes virus bactériophages ciblent des bactéries spécifiques au cours pie est une technique personnalisée, qui nécessite pour chaque patient un travail de repérage, de de leur cycle lytique. Le phage tests, de classification et de purification des phages libère une enzyme appelée lysine qui se fixe sur la cellule bactérienne actifs avant de pouvoir être administrée sans risque. C’est le travail colossal auquel s’attelle Gregory afin d’y injecter son ADN. D’autres Resch, chercheur en microbiologie fondamentale phages se multiplient alors dans à l’UNIL, à partir de phages récupérés dans les eaux l’hôte, jusqu’à le faire exploser. usées de Lausanne. « Les phages Cette technique découverte au fonctionnent mieux dans l’environ- ostéo-articulaires ou pulmonaires, siècle dernier, supplantée par telles que la mucoviscidose. « La nement proche du patient, où l’avènement des antibiotiques, lenteur du renouvellement des n’a pas cessé d’être utilisée dans le prolifèrent les bactéries pathoclasses d’antibiotiques est très gènes. » D’où l’intérêt de son Caucase, en Géorgie, où se rarement un problème pour un développement dans la région. rendent des patients infectés par hôpital comme le CHUV, mais des bactéries multirésistantes. cela peut être une menace à Le Prof. Pierre-Yves Bochud du l’avenir », affirme le professeur Service des maladies infectieuses L’expérience clinique aux normes Bochud. Si la phagothérapie du CHUV mentionne les bons occidentales de cette thérapie de résultats de l’étude PhagoBurn sur représente bien une alternative niche est encourageante, mais n’a prometteuse, elle n’en est qu’au pas encore permis de standardiser des patients grands brûlés, mais début de son développement. ⁄ aussi dans des cas d’infections des protocoles. Elle s’envisage CORPORE SANO

LABO


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AU-DELÀ DE L’HUMAIN TECHNOSCIENCE En une série d’images calmes et sombres, le photographe Matthieu Gafsou a représenté les fantasmes de cyborg, de superpouvoirs et de vie éternelle qui animent une certaine recherche contemporaine. TEXTE : SYLVAIN MENÉTREY PHOTOS ET LÉGENDES : MATTHIEU GAFSOU

H+ a fait l’objet de plusieurs expositions et d’un livre aux éditions Actes Sud avec un essai de l’anthropologue David Le Breton.

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RESSENTIR LES CHAMPS MAGNÉTIQUES

Julien Deceroi s’est implanté lui-même un aimant dans le majeur. Il affirme que cette prothèse fonctionne comme un nouveau sens, lui permettant de ressentir les champs magnétiques, leur amplitude ou leurs modulations. Il porte aussi des puces. Il est le seul grinder que j’ai rencontré en Suisse (les grinders ou biohackers revendiquent la liberté totale de leur corps. Ils s’augmentent ou s’opèrent eux-mêmes.)

MATTHIEU GAFSOU/GALERIE C/MAPS

Sommes-nous en train de vivre un moment de bascule dans l’histoire du dépassement des limites du corps par la technique ? Entre 2015 et 2018, le Lausannois Matthieu Gafsou a fait le tour du monde pour photographier des recherches qui visent à augmenter l’être humain. Son enquête H+ montre aussi bien un sourire orné de bagues d’orthodontie, qu’une souris génétiquement modifiée au pelage luminescent. Cette diversité entre des pratiques considérées comme banales et d’autres plus controversées pose les questions des limites acceptables. Plutôt que d’orienter la lecture, le photographe cherche à rendre compte de la « fragmentation » des discours qui entourent le transhumanisme. Au techno-utopisme hypercapitaliste de la Silicon Valley, avec sa foi sans limite dans le progrès, s’oppose l’attitude plus mesurée d’un courant européen « néohumaniste » qui voit dans la recherche médicale de pointe une manière d’améliorer globalement la condition humaine. « Il était important pour moi de mettre à distance la fascination opérée par ces pratiques et ces discours. Comme dans mon travail précédent sur des toxicomanes, je m’intéresse à la fragilité humaine, que je ressens à mon propre niveau. Cela m’amène à poser un regard bienveillant et compréhensif sur ceux qui souhaitent s’en détacher. »


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2/

MANGER SANS PLAISIR

Ces nourritures dites « totales » sont des substituts à une alimentation usuelle. Les produits, à base de poudres auxquelles on ajoute ensuite de l’eau, contiennent tout ce dont le corps a besoin mais rien de plus. Très symptomatique d’un abandon du corps comme lieu de plaisir, cette pratique rappelle au contraire à quel point on le considère de plus en plus comme un véhicule dont il faut préserver le fonctionnement. CORPORE SANO

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3/

SOIGNER OU AUGMENTER ?

La frontière entre ce qui relève de la réparation d’un corps meurtri ou dysfonctionnel – ici la prothèse de genou de mon père, strictement thérapeutique – et de l’augmentation d’un corps sain peut paraître évidente. Elle est pourtant très complexe à établir. À partir de quel moment la prothèse s’écarte-t-elle du champ médical au sens traditionnel de la guérison pour devenir un moyen d’augmenter un individu ? Il faut pour cela tenter de comprendre ou de définir ce qu’est la santé. La définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’est pas sans équivoque : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Cette définition n’a pas été modifiée depuis 1946. On se rend compte aisément que cette formulation donne à la notion de santé un caractère mobile, fluctuant et subjectif. Dès lors, on comprend mieux pourquoi de nombreux transhumanistes voient leur corps, pourtant sain, comme un véhicule a priori inachevé qu’il faut donc « réparer » et « épanouir ».

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RESTER EN VIE

Marie-Claude Baillif souffre de myopathie depuis l’adolescence. Sans son respirateur, elle serait morte depuis une trentaine d’années. Sur son site internet on lit des articles éloquents, qui témoignent de son rapport particulier à la technique : « Ma survie dépend de microprocesseurs et de cartes électroniques » ; « L’électricité, pour moi, c’est une question de vie ou de mort » ; « Mon aspirateur à glaires, un vrai bonheur » ; « Une petite batterie et c’est la magie : ma vie se transforme. » Pour cette femme, les outils technologiques sont synonymes de survie.

5/

FABRIQUER DE L’INSULINE

La société Defymed travaille depuis plusieurs années sur ce prototype de pancréas artificiel, Mailpan, qui pourrait révolutionner la vie des diabétiques. Il s’agit d’un implant rempli de cellules souches capables de sécréter de l’insuline. Le défi consiste à fabriquer une membrane capable de libérer l’oxygène et l’insuline tout en demeurant imperméable au système immunitaire qui dès lors s’attaquerait aux cellules souches ; puis à, trouver les cellules, qui fabriqueront l’insuline de façon optimale. CORPORE SANO

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« La chouette est présente sur tous les continents sans variation de code génétique d’une région à l’autre », explique Alexandre Roulin, biologiste de l’évolution. Depuis 30 ans, le professeur au Département d’écologie et évolution de l’UNIL étudie les variations de pigmentations des chouettes au sein d’une même famille. « Dans une fratrie, on rencontre des individus roux et blanc, et d’autres mouchetés de taches noires. Cette simple variation de couleur a un effet sur les aptitudes à la chasse, mais également sur le comportement. » Lors de sa chasse nocturne, la chouette blanche va davantage utiliser sa couleur nacrée pour provoquer un effet de sidération chez le rongeur. « Il sera tétanisé. CORPORE SANO

NOM TYTO ALBA TAILLE 33 À 35 CM DE LONG 83 À 95 CM D’ENVERGURE CARACTÉRISTIQUE PRÉSENTE UNE PIGMENTATION DIFFÉRENTE AU SEIN D’UNE MÊME POPULATION

La chouette effraie, portebonheur de la génétique Le génome de cet oiseau de mauvais augure au plumage variable révèle des liens entre pigmentation et comportement utiles à la recherche médicale. TEXTE  : TIAGO PIRES FAUNE & FLORE

Cet état dure plus longtemps avec une chouette blanche qu’avec une rousse. » En revanche, les plumes rousses protègent mieux le rapace contre les aléas de la météo. Plus étonnant encore, les variations du taux de mélanine (un pigment noir) sont aussi associées à certains comportements comme l’agressivité, l’appétit ou la résistance au stress. « Ces nuances seraient causées par une hormone qui stimule la synthèse de la mélanine. Plus son niveau est élevé chez une chouette foncée, plus elle sera agressive, résistante aux parasites et au stress. Nous avons donc analysé les gènes impliqués dans ces phénomènes, car nous les retrouvons chez l’être humain. » La découverte ornithologique se mue en recherche biomédicale. « La mélanine joue un rôle dans plusieurs maladies, détaille Alexandre Roulin. L’objectif des recherches est de cibler les gènes impliqués afin de les moduler et d’influer sur certaines maladies métaboliques, comme l’obésité. » /

M-REINHARDT

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endant des siècles, la « Dame blanche » avec son faciès de fantôme était clouée sur les portes de grange afin d’éloigner le mauvais œil des habitations. Aujourd’hui, les superstitions ont cédé la place à l’intérêt des généticiens.


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ALAIN JUNGER

Infirmier, adjoint à la Direction des soins du CHUV

Pour une cybersanté sensée

Rejeter la technologie reviendrait à renoncer aux contributions positives qu’elle peut apporter. Et pourquoi voudrait-on se priver de solutions qui permettent de prévenir efficacement le risque de chute, d’aider depuis l’hôpital un malade chronique resté à domicile, ou encore de mobiliser une personne handicapée de son lit jusqu’à sa baignoire ?

Mai 2019, Genève. Plongé dans l’obscurité d’une conférence du AI for good Global Summit*, je suis soudain frappé d’une interrogation : en tant qu’infirmier, puis-je choisir ou non de faire place à la cybersanté dans mon quotidien ?

Plutôt que de fuir l’inéluctable, les infirmier-e-s du monde entier ont maintenant l’opportunité d’influencer ces développements avec le professionnalisme qui les caractérise, de prendre conscience de l’importance de leur rôle. Je suggère trois pistes :

La question est légitime, tant l’intrusion de la technologie dans le quotidien des soignants peut sembler a priori opposée à une conception du rôle professionnel qui place l’humain et la relation au cœur du soin. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’Association suisse des infirmières et des infirmiers publiait en juin Les soins infirmiers et la cybersanté, une série de recommandations à l’attention de la communauté professionnelle.

Formuler des attentes : dans une étude coréenne réalisée auprès de 300 infirmières, ces dernières ont par exemple indiqué que les robots doivent être consacrés à soutenir les activités pénibles physiquement et celles pour lesquelles l’intervention infirmière n’a pas de plus-value spécifique.

D’autres craintes sont formulées. Le temps Défendre des valeurs : les débats éthiques liés passé à documenter son activité diminue celui à la technologie sont nombreux. Dans leur rôle passé auprès des patients. L’ordinateur s’érige de patient advocacy, les infirmiers constituent comme une barrière physique entre soignants une voix essentielle pour garantir, entre autres, et soignés. Les robots menaceront les postes l’équité, la liberté et la dignité humaine. de travail. Certes, mais ces exemples reflètent avant tout un usage inadéquat de la technolo- Replacer le focus sur la finalité : les robots, gie, le plus souvent parce que l’intégration les algorithmes et l’intelligence artificielle sont des des outils technologiques dans les processus assistants. Ils sont au service de la santé de la quotidiens n’est pas encore arrivée au niveau population et ne remplacent ni les relations humaines de maturité où leur plus-value supplante les ni le jugement clinique des professionnels. ⁄ problèmes occasionnés.

ERIC DÉROZE

*Plateforme d’échange des Nations unies sur l’utilisation bénéfique de l’intelligence artificielle

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CHRONIQUE


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RITUXIMAB C 6416H 9874N 1688O 1987S 44

C6416H 9874N 1688O 1987S 44 UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE  : CHARLOTTE MERMIER

Le cancer est un ennemi sournois, qui arrive à échapper à la vigilance du système immunitaire. L’immunothérapie a pour but d’aider le corps à reconnaître les cellules cancéreuses et à les détruire. Les anticorps, des molécules produites par les cellules immunitaires, reconnaissent facilement les « envahisseurs » extérieurs tels que les pathogènes, les bactéries ou les virus, et induisent la destruction de ces cibles. Ils peuvent devenir de puissants alliés dans la lutte contre le cancer, comme le rituximab, premier anticorps utilisé pour de l’immunothérapie contre le cancer, l’a démontré. Au XVIIIe siècle, un scientifique anglais, Edward Jenner, théorise le fait que contracter la vaccine, une maladie bénigne affectant les vaches, immunise contre la redoutable variole. Considéré comme le père de l’immunologie, il met ainsi au jour

Le rituximab ou la préhistoire de l’immunothérapie le principe de la vaccination. Au XIXe siècle, Louis Pasteur, à qui l’on doit notamment le vaccin contre la rage, fait bourgeonner l’industrie des vaccins en France et dans le monde. « Ils sont cependant utilisés à cette époque uniquement contre des maladies infectieuses », explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Au début du XXe siècle émerge l’idée que le système immunitaire pourrait être utilisé contre le cancer : ce sont les balbutiements de l’immunothérapie. « L’hypothèse que notre système immunitaire nous défend également contre les cancers a été émise dès 1909, raconte Thierry Buclin. Autour des années 1970, on découvre

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ZOOM

que le vaccin contre la tuberculose est capable de soigner certains cancers. C’est également à cette période que l’on apprend à produire des anticorps en grande quantité contre une cible choisie. Et dès 1980 apparaissent les premiers essais d’anticorps contre le cancer. » C’est ainsi que naît le rituximab, le premier anticorps commercialisé pour traiter un cancer. Il cible un type de lymphome, un cancer issu précisément des cellules immunitaires. « Cet anticorps a été développé dans les années 1990, approuvé par la FDA (ndlr : Food and Drug Administration aux États-Unis) en 1997, et il est commercialisé depuis maintenant 22 ans. Il a révolutionné le traitement des lymphomes », poursuit Thierry Buclin.

L’efficacité de l’immunothérapie contre le cancer est donc confirmée. L’histoire récente du rituximab a en outre conduit à une évolution significative de la réglementation. Comme les médicaments, les anticorps peuvent avoir leur équivalent « générique » une fois le brevet initial expiré : on parle alors de biosimilaires. « Les autorités sanitaires se sont rendu compte qu’on ne peut pas raisonner de la même manière que pour les autres médicaments, remarque Thierry Buclin. Les anticorps sont des molécules extrêmement complexes : des critères stricts ont dû être mis en place pour admettre des biosimilaires, exigeant que l’équivalence thérapeutique de ces produits soit vérifiée. » C’est donc le rituximab, précurseur de l’immunothérapie moderne, qui a ouvert la voie scientifiquement, mais aussi sur le plan réglementaire, à la profusion actuelle de ces traitements. ⁄


CURSUS

Texte : Rachel Perret Photo : Eric Déroze

ÉCLAIRAGE

L’hôpital ne se moque pas de la charité

ÉCLAIRAGE

CURSUS

Aujourd’hui, les dons constituent un marché efficace et prometteur pour développer de nouvelles ressources. À travers la Fondation CHUV, l’hôpital a perçu plus de 1,3 million de francs de dons en 2018, soit deux fois plus que l’année précédente.

D

ans le domaine de la philanthropie – un terme qui englobe toute action privée et volontaire ayant un but d’utilité publique – le facteur chance entre parfois en jeu. Mais il s’agit avant tout de soigner ses contacts et ses relations. «C’est le nerf de la guerre, confirme Michèle Joanisse, directrice de la Fondation CHUV. Une grande partie de mon travail consiste à mettre en contact les bonnes personnes et à faire le lien entre des donateurs potentiels et des projets de santé.»

Contrairement aux pays anglo-saxons, la recherche de fonds dans le milieu hospitalier reste discrète en Suisse.

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En 2018, le Prof. Olivier Lamy, directeur du Centre des maladies osseuses du CHUV, a ainsi pu bénéficier d’un don testamentaire. «Cette manne plus que bienvenue a permis de payer le salaire d’une infirmière collaboratrice de recherche pendant un an, dans le cadre d’une étude qui s’intéresse aux facteurs de risque communs aux maladies cardiovasculaires et à l’ostéoporose. Cet argent tombait vraiment du ciel. J’ai eu beaucoup de chance, car mon fonds de recherche était épuisé.» UNE GÉNÉROSITÉ QUI PÈSE 1,8 MILLIARD Créée en 2010 pour accueillir les dons spontanés et gérer le sponsoring dans le cadre d’un événement au Comptoir suisse, la Fondation CHUV s’est développée progressivement dans le but de professionnaliser la recherche de fonds à l’hôpital. Dans le paysage hospitalier suisse, cette activité reste discrète. Dans les pays anglo-saxons, a contrario, les campagnes d’appels aux dons foisonnent et les fondations apportent une réelle plus-value à leurs hôpitaux. «C’est une différence de culture,


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ÉCLAIRAGE

Le gestionnaire de projets Maximilien Marlini et la directrice Michèle Joanisse prennent en charge la recherche de fonds dans le cadre de la Fondation CHUV.

mais les Suisses ne sont pas moins généreux qu’ailleurs», estime Michèle Joanisse, qui a notamment géré la recherche de fonds pour Médecins sans frontières au Canada et pour la Faculté de médecine de l’Université McGill avant de rejoindre la Fondation CHUV.

ERIC DÉROZE

En 2016, selon une enquête de Swissfundraising, le volume des dons en Suisse s’est élevé à 1,8 milliard de francs. Dans le « top 3 » des causes pour lesquelles les Suisses s’engagent, figurent : les enfants et les jeunes, les personnes en situation de handicap, ainsi que l’aide sociale et d’urgence. La prévention et la

recherche sur les maladies arrivent en cinquième position, un thème qui grimperait à la deuxième place si l’on ne tenait compte que de la Suisse romande et du Tessin. Toujours selon Swissfundraising, les motivations des donateurs sont liées à la nature de la cause défendue par une organisation et à son engagement, au sentiment de gratitude et à la concordance avec ses propres valeurs. « L’hôpital, porteur du bien commun qu’est la santé et de multiples enjeux sociétaux, apparaît comme un acteur assez naturel dans le champ du don et du mécénat. À côté du financement public, la communauté joue un rôle vertueux

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CURSUS

ÉCLAIRAGE

La plupart des dons proviennent de personnes qui sont passées par le CHUV, patients ou proches. important », relève Michèle Joanisse. Le Prof. Olivier Michielin, directeur du Réseau romand d’oncologie, confirme : « Sans le soutien de deux fondations privées qui ont mis plus d’un million sur la table, jamais nous n’aurions pu mettre en place aussi vite et aussi bien un tel réseau de prise en charge, qui permet de proposer aux patients des solutions thérapeutiques personnalisées. Le réseau aurait vu le jour bien sûr, mais cela aurait pris davantage de temps. Cliniciens avant tout, nous ne sommes pas des experts dans le domaine de la recherche de fonds. L’appui de la Fondation CHUV, parce qu’il peut être mobile et rapide, est ainsi très précieux. » La Fondation CHUV se charge des rencontres avec les donateurs et les porteurs de projets, soumet des demandes de dons ciblées, rédige des conventions ou autres attestations fiscales. Si elle sert les missions de l’hôpital, elle défend également les droits des donateurs. Elle s’assure de leur fournir un suivi des projets, de rendre des comptes par rapport à l’utilisation de l’argent donné et d’expliquer l’impact du geste philanthropique. L’année passée, la Fondation

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CHUV a réussi à réunir plus de 1,3 million de francs, soit le double des dons reçus en 2017. « En Suisse romande, le potentiel de développement pour la philanthropie hospitalière est grand. Le secteur privé cherche de beaux projets à soutenir et le domaine de la santé les touche. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que de beaux projets, nous en avons ! » Reste que, selon Michèle Joanisse, la plupart des dons proviennent de personnes qui sont passées par le CHUV, patients ou proches. « Il n’y a pas de petit don. Et ces gestes, au final, peuvent faire une différence pour la patientèle de l’hôpital et pour celles et ceux qui y travaillent. » ⁄

La Fondation CHUV • La Fondation CHUV est une entité indépendante du CHUV dirigée par un Conseil de fondation et placée sous l’autorité de surveillance de l’As-So (Autorité de surveillance LPP et des fondations de Suisse occidentale). • Elle définit ses priorités en cohérence avec les ambitions de l’hôpital et les besoins de la population. En savoir plus : www.fondationchuv.ch


CURSUS

LE PORTRAIT DE

PARCOURS

Céline Bourquin Sachse Responsable de recherche au Service de psychiatrie de liaison, Céline Bourquin Sachse observe la vie des autres, en particulier celle des médecins. Elle vient d’obtenir le titre de Privat-docent. TEXTE  : PIERRE-LOUIS CHANTRE, PHOTOS  : ERIC DÉROZE

« Il s’agit d’habiter le monde médical pour se l’approprier et d’en avoir une compréhension critique. »

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CURSUS

PARCOURS

1975–1989

BOULIMIE LIVRESQUE Céline Bourquin Sachse grandit à Couvet (NE). Son père est directeur d’entreprise. Sa mère élève ses quatre enfants et lit énormément. Un appétit qu’elle transmet à sa fille, qui dévore toute la bibliothèque familiale. Parmi les ouvrages qui marquent la jeune fille, la biographie Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…, écrite par deux journalistes, tient une place à part.

1990–2003

OBSERVER LE PROCHE DE SOI Le lycée, puis la Faculté des lettres et sciences humaines à Neuchâtel : elle y étudie l’ethnologie, la linguistique et l’histoire. Son intérêt pour l’activité humaine et la communication se précise. Parallèlement, la médecine entre dans son champ de vision par le prisme de son frère aîné, aujourd’hui néphrologue. Elle le voit étudier, faire l’expérience de la clinique et se confronter à la « culture médicale ».

2004–2012

AU REVOIR LES LETTRES, BONJOUR LE MONDE MÉDICAL Licence en poche, elle se tourne vers la recherche avec la volonté de donner une orientation pratique à son travail. En 2004, un poste de recherche en linguistique, lié à la prévention du VIH, s’ouvre à l’UNIL. Quatre ans plus tard, elle entre au Service de psychiatrie de liaison du CHUV en tant que chargée de recherche. Là, elle commence à travailler avec des cliniciens, puis réalise une thèse en Sciences de la vie à la FBM. Un travail intitulé « Vers une sociolinguistique médicale : une approche des objets de langage dans le contexte de la médecine ». Adieu les Lettres ? Pas tout à fait : en 2010, elle épouse un philosophe, enseignant à l’UNIL et à l’EPFL. Ils auront un fils en 2016.

2013–2018

DANS LE VENTRE DE L’HÔPITAL Dès 2013, elle commence à étudier l’expérience vécue des médecins, un sujet peu exploré. Avec le Service de médecine interne, par exemple, elle cherche à cerner comment les médecins assistants vivent leur travail quotidien en lien avec les réformes organisationnelles introduites dans ce service. Par ailleurs, elle a participé avec le Prof. Friedrich Stiefel et des oncologues à l’élaboration d’une prise de position européenne sur les formations en communication. Celle-ci souligne le rôle important de la connaissance de soi pour le médecin et l’influence des facteurs relationnels et contextuels dans la communication clinique. L’originalité de ses travaux tient dans une approche ancrée à la fois dans les sciences humaines et sociales, dans la psychiatrie et dans le champ de la médecine. Cette collaboration se trouve entre-temps reconnue et valorisée sous la forme d’un axe de recherche « sciences humaines et sociales » au sein du Département de psychiatrie.

2019

RECONNAISSANCE ACADÉMIQUE Céline Bourquin Sachse est nommée Privat-docent à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne. Plus qu’un titre, cette reconnaissance marque une étape dans sa carrière académique, qu’elle aspire à poursuivre en continuant le travail sur le terrain, auprès des médecins et de la clinique. / 73


BACKSTAGE INNOVATION Séance de shooting pour la neuropédiatre Marine Jequier Gygax. L’article sur le dépistage de maladies grâce aux gestes est à découvrir en p. 54.

COUVERTURE Divers tests pour illustrer le dossier principal consacré à un essai clinique dans le domaine de l’immunothérapie (p. 19).

ILLUSTRATION L’artiste polonaise Ola Jasionowska a réalisé pour In Vivo une image évoquant les liens entre la consommation de fast-food et les maladies du foie (p. 48).

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CONTRIBUTEURS

AURÉLIEN BARRELET Depuis 2017, Aurélien Barrelet est graphiste à l’agence LargeNetwork. Il s’y occupe notamment du développement d’infographies et d’identités visuelles. Pour ce numéro, il a réalisé des illustrations pour le dossier sur l’essai clinique dans le domaine de l’immunothérapie. Selon lui, « ces illustrations permettront aux lecteurs d’aborder ce sujet si complexe avec une touche d’humour et de légèreté ».

CATHERINE COSSY

LAURA SPOZIO, HEIDI DIAZ

TIAGO PIRES Tiago Pires est journaliste pour l’agence LargeNetwork. Pour ce numéro, il s’est intéressé à la chouette effraie et à son code génétique fascinant (p. 66). Il a ainsi découvert les liens entre la pigmentation du plumage et des comportements de l’oiseau. Il a également rédigé les pages In Situ consacrées à la Chine et à la recherche médicale (p. 14).

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Journaliste pendant de nombreuses années, chargée des relations média du CHUV depuis 2016, Catherine Cossy a pu suivre pendant plusieurs mois, avec Chloé Thomas-Burgat et Gary Drechou, des patients participant à un essai clinique en immunothérapie (p. 19). « J’ai été impressionnée par l’énergie positive dégagée en particulier par un participant à cet essai clinique, qui affronte les revers avec lucidité et humour », dit-elle.


IN VIVO

Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com

ÉDITION

CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch LargeNetwork, www.LargeNetwork.com redaction@invivomagazine.com T. + 41 22 919 19 19 ÉDITEURS RESPONSABLES

Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE

Gary Drechou

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION

Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET

Sylvain Menétrey et Robert Gloy

REMERCIEMENTS

DESIGN Alessandro Sofia, Alyssia Lohner, Amélie Kittel, LargeNetwork, Mónica Gonçalves et Sabrine Elias Daphné Giaquinto, Diane De Saab, Dominique Savoia Diss, Élise Méan, Francine Billote, Jessica Scheurer, Joelle Isler, Katharzyna Gorkik, RÉDACTION Manuela Palma de Figueiredo, Mélanie Affentrager, LargeNetwork (Antoine Bal, Yann Bernardinelli, Andrée-Marie Dussault, Muriel Faienza, Nicolas Berlie, Nicolas Jayet, Carole Extermann, Erik Freudenreich, Robert Gloy, Blandine Guignier, Audrey Magat, Sarah Iachini, Simone Kühner, Sonia Ratel Tinguely, Sylvain Menétrey, Charlotte Mermier, Patricia Michaud, Tiago Pires, Virginie Bovet et le Service Stéphanie de Roguin), Pierre-Louis Chantre, Catherine Cossy, Gary Drechou, de communication du CHUV. Rachel Perret, Chloé Thomas-Burgat PARTENAIRE DE DISTRIBUTION

BioAlps

RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE

Sabrine Elias, Joëlle Kercan MISE EN PAGE

Mónica Gonçalves COUVERTURE

LargeNetwork, Romain Guerini IMAGES

SAM (Laurianne Aeby, Eric Déroze, Heidi Diaz, Philippe Gétaz, Jeanne Martel, Gilles Weber), Aurélien Barrelet, Martin Colombet, Ola Jasionowska, Matthieu Gafsou, Mónica Gonçalves IMPRESSION

PCL Presses Centrales SA TIRAGE

17’500 exemplaires en français Les propos tenus par les intervenants dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.

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