SARU Singes Sing Sin gges es du Jaapon pon
Marie Pelé
Alexandre Bonnefoy
Cédric Sueur
地獄谷
JIGOKUDANI Chapitre 4 - page 70
嵐山
ARASHIYAMA Chapitre 2 - page 30
小豆島
SHODOSHIMA
脇野沢
WAKINOSAWA
Chapitre 6 - page 170
Chapitre 5 - page 140
日光
幸島
KOJIMA
Chapitre 1 - page 08
屋久島
YAKUSHIMA Chapitre 7 - page 194
NIKKO
Chapitre 3 - page 52
Préface par Tetsuro Matsuzawa
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Il n’existe pas d’espèces de singes originaires d’Europe ou d’Amérique du Nord, pas de singes français, allemands, anglais, ou américains. En revanche, le Japon se distingue par une espèce de primates qui lui est propre : le macaque japonais. La Primatologie est née au Japon et a grandi de la curiosité des Japonais pour leurs macaques. C’est le 3 décembre 1948 que le naturaliste Kinji Imanishi (1902-1992) et deux étudiants de l’Université de Kyoto partirent pour l’île de Kojima observer pour la première fois des macaques sauvages1. Ils souhaitaient étudier les origines évolutives des sociétés humaines à travers l’observation des singes. Durant sept années, de 1948 à 1955, les jeunes étudiants de l’Université de Kyoto passèrent près de 1500 jours à observer les populations sauvages de macaques, sur 19 sites. Ils firent des découvertes qui allaient changer notre vision du monde animal. D’abord, ils notèrent que les macaques japonais avaient une saison de reproduction bien précise. Ils observèrent ensuite que les individus solitaires n’étaient que des mâles, révélant ainsi que seules les femelles restaient dans leur groupe de naissance pour former des lignées matrilinéaires : grand-mère, mère et fille. Ils découvrirent également une hiérarchie de dominance entre les mâles et un répertoire vocal de communication très riche. Enfin, ils mirent en évidence de la protoculture animale, c’està-dire des comportements spécifiques à certains groupes de singes comme le lavage de patates douces. Ils avaient pu observer une jeune femelle qui avait commencé à laver des patates douces dans l’eau avant de les manger, comportement qui se transmit de génération en génération par apprentissage social. Les groupes de singes, afin de s’adapter à des différences environnementales très variées, ont établi des comportements culturels uniques. En effet le Japon s’étend sur de très grandes distances du nord au sud avec quatre saisons bien marquées : printemps, été, automne et hiver. Les étudiants de l’Université de Kyoto ont également voulu comprendre les origines des côtés obscurs de l’Homme, la violence ou bien encore la cruauté. Le Japon avait envahi les pays adjacents durant la Seconde Guerre mondiale et pas moins d’un tiers de la génération étudiante ayant pris les armes avait péri durant ce conflit. Il est intéressant de noter que ces recherches n’ont été initiées que trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon ayant capitulé le 15 août 1945, une semaine après que deux bombes atomiques eurent dévasté Hiroshima et Nagasaki. Aujourd’hui, les primatologues du monde entier s’efforcent à toujours mieux comprendre les comportements de nos proches cousins. Grâce à ces recherches, nous devrions continuer à appréhender de mieux en mieux la nature profonde des primates non humains mais également celle des primates humains que nous sommes.
1 – Les chercheurs étaient partis initialement étudier les comportements sociaux chez les chevaux sauvages au cap Toi dans le sud de Kyushu. Ils ont croisé par hasard un groupe de macaques et ont remarqué des comportements sociaux intéressants qui les ont décidés à étudier les singes.
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Peu chanceux lors de mes deux premiers jours de recherches, je décide de me concentrer sur les alentours du lac Chuzejin et ses montagnes. Ce lac est très populaire et beaucoup de touristes y viennent pour contempler la chute d’eau Keigon. Les photos et les vidéos amateurs que j’ai pu voir lors de la préparation du voyage montrent de nombreux singes évoluant dans cette zone. C’est lors de ce troisième jour que je croise enfin la route d’un groupe de singes dans ces montagnes. J’évite de me faire voir dans un premier temps, et petit à petit je leur signifie ma présence. C’est un groupe craintif qui garde ses distances avec moi, il est composé d’une vingtaine d’individus, mâle, femelles et jeunes. C’est la période de reproduction et les mâles font du bruit, montant dans les arbres et les secouant fortement. Il faut rester prudent, car ils secouent aussi bien les arbres feuillus que des arbres morts, qui cèdent et tombent avec fracas. Je reste donc attentif pour ne pas me prendre un tronc de cèdre pourri sur le coin de la figure.
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Les singes ont pris l’habitude de se reposer autour du ryokan en contrebas du parc, ce qui rend la cohabitation un peu problématique quand ils décident de squatter le onsen des hommes.
Les jeunes singes profitent de temps en temps de la baisse de vigilance des touristes pour voler ce qui dépasse des sacs, emporter les téléphones portables tendus un peu trop prés d’eux ou les bouteilles d’eau posées au sol le temps d’une photo. L’équipe du parc se retrouve alors à leur courir après.
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Comportements culturels
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La culture se définit comme un ensemble de savoirs, de techniques ou de procédés qui se diffusent d’un animal à l’autre, par transmission sociale et non pas par transmission génétique. Un comportement est dit culturel à 3 conditions : il n’est pas présent dans tous les groupes de l’espèce considérée, c’est un comportement durable, sur plusieurs années, plusieurs générations et il doit se propager socialement, l’acquisition du comportement par un animal doit être influencée par un autre individu.
Il existe différents mécanismes d’apprentissage social. Le plus simple étant l’exposition (comme avec Imo à Kojima et ses petits camarades). Il y a aussi l’imitation et l’enseignement, la forme la plus complexe d’apprentissage. L’enseignement n’a pour le moment été observé que chez les chimpanzés, les orques et les suricates. Quand une nouvelle technique est inventée, elle l’est le plus souvent du fait d’une femelle.
La transmission génétique
La transmission culturelle
Se fait toujours du haut vers le bas, et vers un nombre limité d’individus. Les parents transmettent leurs caractères et cela peut sauter une génération. Par exemple, sur ce schéma, la présence d’une touffe de poils blonde sur la tête de certains individus de la même famille.
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Se fait de haut en bas mais aussi de bas en haut et horizontalement. Le nombre d’individus “touchés” sera également plus élevé que par transmission génétique. Les premiers individus qui profitent de cette transmission sont ceux du cercle familial.
Bains dans les sources d’eau chaude
Nettoyage de nourriture dans l’eau de mer
À Jigokudani
Sur l’île de Kojima
Jeux avec les pierres Plusieurs méthodes observées : mordre, toiletter avec, ou frappées entre elles à différents endroits comme Arashiyama, Shodoshima et plusieurs autres parcs
Rodéo sur les daims Sur l’île de Yakushima
Saru-dango
(groupe de singes compact) Sur l’île de Shodoshima
Les macaques japonais sont-ils droitiers ou gauchers ?
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Près de 90% de la population humaine est droitière et beaucoup de scientifiques cherchent à comprendre l’origine évolutive d’une telle caractéristique. Chez les singes, certains individus privilégient leur main droite, d’autres leur main gauche tandis que certains ne semblent avoir aucune préférence. La latéralisation manuelle est très étudiée chez nos cousins les primates, mais les résultats sont souvent contradictoires au sein d’une même espèce en fonction des groupes et des protocoles d’observation employés. Le travail des primatologues est encore loin d’être terminé.
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D’une pierre, deux coups
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L’an passé, Tokkuri n’a pas eu un, mais deux bébés. Elle avait déjà eu une petite femelle en 2014. La voici donc aujourd’hui avec trois jeunes singes à sa charge. Élever un jeune singe n’est déjà pas facile alors trois… Heureusement Tokkuri est une des femelles dominantes de son groupe, il sera plus facile pour elle de prendre soin de toute sa progéniture. Elle pourra aussi compter sur ses plus fidèles alliés : sa mère et ses sœurs. Avoir des jumeaux n’est pas impossible, mais ce type de naissance est assez rare chez les macaques japonais. D’ailleurs, lorsqu’Alexandre nous a présenté les premières photos de Tokkuri avec ces deux bébés, nous avions d’abord pensé à une adoption. C’est un cas de figure possible, en effet une jeune mère peut décider de prendre soin d’un petit orphelin, mais c’est pour elle un pari risqué. Allaiter deux bébés demande beaucoup
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d’énergie et seules les femelles les plus vigoureuses y parviennent. D’autres espèces de primates voient leurs naissances exclusivement gémellaires (deux jumeaux à chaque portée). C’est le cas chez les ouistitis, un petit singe vivant en Amérique du Sud. Chez eux, tout le monde participe : mère, père et leurs ainés qui aident à prendre soin des derniers-nés. En s’occupant de leurs frères et sœurs cadets, les jeunes ouistitis acquièrent ainsi toute l’expérience nécessaire à leur vie de futurs parents. Il en est de même chez les jeunes femelles macaques qui restent auprès de leur mère plusieurs années, observant et aidant celle-ci à prendre soin des plus jeunes, elles assimilent d’ores et déjà les gestes à connaître pour leur futur rôle de mère.
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脇野沢
WAKINOSAWA Chapitre 5
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Les singes de Jigokudani vivent un hiver rude, mais la présence humaine leur permet d’être nourris et de supporter plus facilement cette période difficile. Qu’en est-il pour les singes complètement sauvages, vivant à l’écart des hommes ? C’est ce que j’ai décidé d’aller voir à Wakinosawa sur la péninsule de Shimokita, le point le plus au nord du Japon où l’on peut trouver des singes vivants en liberté. C’est aussi le point le plus au nord au monde où l’on peut trouver des singes à l’état sauvage. J’ai choisi de les suivre en janvier, le mois le plus froid de l’année et où les chutes de neige sont les plus importantes dans cette région. J’ai 7 jours pour tenter de trouver et photographier ces singes. Afin de m’aider à les localiser, j’ai pris contact avec Takayuki Isoyama, un photographe local familier de leurs habitudes. Wakinosawa et les petits villages alentour sont en bord de mer, le vent qui vient du large à cette période de l’année est glacial, il soufflera d’ailleurs pendant toute la période où j’y séjournerai. Les chutes de neige sont continues, les villages semblent figés et les habitants obligés de déneiger perpétuellement devant leur maison. Dans la forêt, il me faudra être prudent, le terrain est piégeur, avec de nombreux ponts de bois et de petits étangs complètement cachés par une épaisse couche de neige atteignant par endroits 1,50m. La traque photographique peut commencer.
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Je ferais ma première rencontre le deuxième jour de recherche, ce sera avec un caprin asiatique, que l’on appelle kamoshika en japonais. Il arbore un magnifique pelage d’hiver. Le vent souffle fort et il s’est blotti derrière un arbre afin d’être à la cale du vent. Kamoshika se traduit littéralement par cerf feutré, shika signifiant cerf et kamo le feutre, la matière. Ça sera ma seule rencontre de cette deuxième journée. Il faudra attendre la fin de la troisième journée pour enfin croiser le chemin d’un petit groupe de singes. Je le suivrai ensuite pendant 4 jours.
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Yakuzaru
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Isolés de leurs congénères vivant sur le reste de l’archipel du Japon pendant plusieurs milliers d’années, les macaques de Yakushima ont évolué différemment et ont fini par devenir une sous-espèce à part entière. Surnommés yakuzaru, ils se distinguent notamment par leur physique. La première différence qui saute aux yeux de l’observateur est l’aspect de leur pelage. Tachetés, leurs poils longs et fins dont l’aspect se rapproche de celui des plumes rend parfois atypique le visage de certains singes. La corpulence des macaques de Yakushima est
plus petite que les singes vivant au nord du Japon. Les macaques de Yakushima ont été étudiés plus tardivement que leurs congénères de l’île principale de Honshu, presque 25 ans après. Les primatologues japonais ont commencé à les observer après qu’ils se soient rendu compte que distribuer de la nourriture influençait en partie la vie sociale des animaux. C’est donc dans les années 70 que certains groupes de singes de Yakushima ont été habitués à la présence d’observateurs, mais sans jamais être approvisionnés.
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La vie ne tient qu’à un poil
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Le premier comportement que le tout petit singe doit avoir pour assurer sa survie est de s’accrocher à sa mère. Il serre ainsi de toutes ses forces la première chose qui se glisse entre ses doigts : le pelage de sa mère. Ce réflexe de préhension est tellement important pour la survie du bébé qu’il se retrouve encore chez l’enfant nouveau-né. Oui, à notre naissance nous avons gardé ce réflexe archaïque. Il est fascinant de voir à quel point un bébé macaque peut être proche de son petit cousin humain… et inversement. Le travail des primatologues est loin d’être terminé. La vie de ce petit macaque nous en apprendra encore beaucoup sur son espèce et par la même occasion, certainement beaucoup sur la nôtre.
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Photographies - Alexandre Bonnefoy Textes - Cédric Sueur, Marie Pelé Illustrations - Delphine Vaufrey Préface - Tetsuro Matsuzawa Les macaques du Japon surnommés singes des neiges, sont capables de vivre dans des conditions extrêmes. Alexandre Bonnefoy les a suivis dans tout le Japon, du printemps à l’hiver, des plaines enneigées de la péninsule de Shimokita au nord, jusqu’aux forêts classées au patrimoine mondial de l’UNESCO de l’île de Yakushima au sud. Les textes des primatologues et les planches illustrées complètent le récit de voyage du photographe. Ils nous permettent de comprendre la vie sociale des singes et leurs comportements étonnants, tour à tour jouant avec des pierres, se baignant dans les sources d’eau chaude ou se déplaçant sur le dos des daims. Saru se prononce [salou] et signifie “singe” en japonais.
9 79109 5 3 97 014 ISBN 979-10-95397-01-4
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Ceci est un extrait du livre
SARU
Singes du Japon 27 x 25,5 cm 240 pages
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