63 LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES 3e TRIMESTRE 2021 - EAU
63 LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES 3e TRIMESTRE 2021 - EAU
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
J’ATTENDS LE NUMÉRO 1 2011 • 2021
CRÉATION Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre DESIGN Ivan Leprêtre CONTACT ivanlepretre@gmail.com PHOTOS 1re • 2e DE COUVERTURE Bessi • Pixabay PHOTO 4e DE COUVERTURE Erda Estremera • Unsplash
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PHOTO : MATHEO JBT
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES LES DIX TÔT D’ALAIN DIOT • 06 Maître de conférence en arts plastiques • alaindiot2@orange.fr INTERVIEW D’ISABELLE SOUCHET • 10 Artiste numérique • couleur-lilas@wanadoo.fr LILAS LEPRÊTRE • 18 Étudiante • lilaslepretre@gmail.com CHRYSTEL EGAL • 22 Artiste, écrivaine • chrystel.egal@me.com - c-egal.com IVAN LEPRÊTRE • 28 ET 44 Directeur de création • ivanlepretre@gmail.com • ivanlepretre.com GEORGES FRIEDENKRAFT • 34 Écrivain • Poète • georges.chapouthier@upmc.fr FRÉDÉRIC ADAM • 36 Poète • frederic_adam@hotmail.fr ALAIN CRÉHANGE • 41 Écrivain • alain.crehange.pagesperso-orange.fr RAOUL HARIVOIE • 41 Poète • raoul.harivoie@laposte.net NICOLAS QUANTIN • 42 quantinnicolas@gmail.com ALINE HANSHAW • 42 Bricoleuse • aline.hanshaw@wanadoo.fr ÉRIC RABBIN • 43 Capitaine de vaisseau grammatical • devie.celine@neuf.fr LAURENT VERNAISON • 43 Épicurien - lvernaison@wanadoo.fr YVES LECOINTRE • 44 et 84 Érudit • yves.lecointre@gmail.com DOMINIQUE GAY • 46 Photographe • dgcphotography@gmail.com • www.dgc-photography.com DO SÉ • 54 Unijambiste sur le fil des douceurs • dose.mots@gmail.com OLIVIER ISSAURAT • 56 Enseignant • oissaurat@ac-creteil.fr • olivier.issaurat.free.fr KARINE SAUTEL • 62 Ellipse formation • karine@ellipseformationcom • ellipseformation.com JEAN-MARC COUVÉ • 72 Écrivain, critique et illustrateur • jeanmarc.couve@gmail.com THIERRY FAGGIANELLI • 90 Poète du quotidien • thierry.faggianelli@sfr.fr
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ALAIN DIOT
PHOTO : THOMAS DE LUZE
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C’EST MA CAME, L’EAU ! Ah ! L’eau, qui est à l’appareil, notre chère eau qui n’a pas son pareil, pas l’eau low cost, c’est trop chaud à son poste, mais cette brave eau qui hausse l’eau, comment lui rendre hommage avant d’être au tombeau ? Bien sûr, tout dépend de ce que les eaux valent quand l’eau vide, que l’eau peine quand elle hache deux os, l’eau pressée à l’opposé de l’eau posée qui ne sait plus qu’elle bout, l’eau, et que l’eau graisse quand on sent l’eau frire. Qu’elle garde son style, l’eau, à plume ou à bille, ce qui permet, sans bisbille, quand elle est bonne fille, qu’elle rigole, l’eau, pour éviter que l’eau tôt stoppe. Et si, dans notre bulle nous le savons, l’eau bue éclate, on voit parfois l’eau rayer le parquet parce que quand l’eau râle, l’eau racle. Et l’eau rage aussi quand l’eau sature ou quand l’eau tarit, surtout l’eau primée. En fait on sait que l’eau paiera parce qu’elle veut gagner les gros lots, l’eau, et ne pas être l’eau pâle qu’on avale sans y pen-
ser. Et quand ce que l’eau perd culmine de rien, çà n’empêche pas que le bidon d’eau rit fort de se voir si beau dans l’eau pure d’un miroir même obscur. Et si dans les waters, l’eau, bonne à part, te chiffonne, donne sa nappe au Léon qui, comme un prolo, boit l’eau dans la bassine de la cuisine et bricole l’eau. Et quand elle va chercher de l’eau, Perette chante et çà l’enchante de trouver son poteau pas si laid, pas ballot et de partager la fleur d’eau rangée pour son mariage où elle joue à l’ange, l’eau, quand elle se mue, l’eau, en chic eau pour aller au bal, l’eau. A propre eau, cher.es écolos, si attaché.es aux eaux tôt bues, avez-vous vu votre pote Hulot, dans un vague halo sur son ilot, jouer du pipeau pour se consoler quand il a paumé l’eau ? C’est bien Nicolas qui s’y colla pour chanter des histoires d’eaux en nous jetant l’opprobre parce que nos eaux ne sont pas toujours au propre ! Et ce matin, avez-vous bu de l’eau tôt,
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de l’eau céans, bien sûr, ou de l’eau tard si, sans le bon tempo, vous alliez à vaut l’eau pour ne pas vous retrouver le bec dans l’eau ? Et sous les palmiers et leurs plumeaux, en pleine rando, avec vos amis quand il fait si chaud, quand on boit l’eau, nu dans le désert, avez-vous pensé à prendre de l’eau à six pour le dessert, quand on sait que là, c’est méga, l’eau, même si, dans ces sables si beaux, elle est très molle l’eau ! Tiens, si vous souhaitez monter très tôt sur les tréteaux, fardés mais sans fardeaux, choisissez plutôt l’eau qu’a Rina, la grande prêtresse du Nirvana, celle qui cacha l’eau mais qui sait ôter l’eau dans son verre de vin si Léonardo, ce fier routard de l’Art, ne met pas trop haut son veto habile de vieux roublard subtil ! De même quand - alléluia ! - Ali a lu qu’Allah à dit d’aller où il y a l’eau pour aller à l’eau avant d’aller au lit vide, il a mit l’eau, comme Vénus, à son programme de vélo, même si sa mère se rit de lui quand il
file, haut sophiste, ce couche tôt qui fait de l’eau Dieu ! On comprend alors comment ce mélimélo peut rendre Ali baba ! Mais peut-on dire que c’est Ali qui a tort ? Certes pas ! Par ailleurs, est-ce l’Italie qui donna telle eau, voire l’eau Torino et la France plutôt la clémence eau ou même Victor Hughes Eaux ? Méfions-nous cependant, car on ne sait jamais vraiment où un verre d’eau mène, et comme on entend rarement l’eau s’taire, si l’eau
dit : ‟ Scions !”, rien ne nous dit que l’on verra un verre d’eau scier quand bien même il s’agit d’un verre d’eau mignon ou d’un verre d’eau due ! De toutes façons, on ne saura jamais si l’eau scie tôt parce qu’en réalité l’eau part avant qu’on puisse vérifier si c’est de l’eau pacifiée puisque c’est de l’eau pas citée. Et à la question des idiots qui se demandent, mal à l’aise, si l’eau baise, plutôt que de répondre sans malaise : « L’eau ? Mon cul ! Bande d’hurluberlus ! Vous
avez bu trop d’eau, tocards ! », demandez leur fort à propos : « Aimez-vous quand l’eau rit, fils ? » Bon, ben après un tel boulot, retrouvons-nous au caboulot pour boire enfin quelques bons verres de vins avec les copines et les copains tous enivré.es du ciboulot !! Et Ciao, avec un petit bec, eau !!!
Alain (bu) DIOT. Juillet 2021. QUEL MONDE À FABLES !
AH ! L’EAU ! On vit une époque formidable où l’on met, tranquille, sans se faire de bile, les deux pieds sous la table, avant de se fourrer la tête dans le sable comme une autruche nunuche, gonflée comme une baudruche, parce qu’on n’est plus capable que de se réciter des fables inénar-
rables que même ce bon Lafontaine n’aurait pas osé écrire de peur de nous faire trop rire jusqu’à en périr, voire pire ! On vit dans un monde fort aimable qui perd de la bonde improbable où n’importe qui vagabonde à son gré, sans se demander si sa liberté chérie
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ne serait pas que les abus d’un abruti qui croit que tout lui est permis surtout si c’est au détriment d’autrui. C’est vrai que quand çà tourne au tracas, il peut toujours dire qu’il ne savait pas, que de faute, il n’en a pas, qu’il va dire à son papa qu’on lui fait des embarras et qu’on va
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voir ce qu’on verra parce qu’il a bien le droit ! Le droit de quoi ? Il ne sait pas ! On vit des choses invraisemblables quand on écoute les complots de déglingos de ces charlatans à la déroute qui nous les broutent sans vergogne, quand même les cognes s’en prennent plein la trogne alors qu’ils ne font que garder les ivrognes, quand les cigognes volent bien moins que ces gentils garnements si conciliants qui, sur les paliers, surveillent avec opiniâtreté les cages d’escaliers des appartements fragiles des HLM de la ville où des citoyens forcément bien intentionnés viennent leur acheter de quoi s’éclater. Bien sûr, on ne sait pas avec quoi. Eux-mêmes ne le savent pas, parce que s’il le savait, il nous le dirait ! Pas vrai ?! Même Marie Jeanne et son amie Coco ne le savent pas, ces gentilles fifilles de la Bastille, plutôt friandes de pastilles de menthe, ces héroïnes si charmantes ! On vit des temps inavouables où l’extrême droite la plus misérable vient nous jouer, imperturbable, celle qui va nous sauver la France trop rance dont la pestilence serait due, c’est tout vu, à ces rastaquouères poilus
qui, devant comme derrière, nous attendent au coin de la rue pour nous faire la peau du dos et nous remplacer, comme des colons, dans nos maisons. Chez les catéchumènes de la souveraine LE PEN, ainsi font font font les petites marionnettes qui leur bouffent le plafond avec les araignées qui s’y sont installées depuis si longtemps déjà qu’on avait oublié qu’elles étaient là ! On vit sur une planète admirable où au G7 tout le monde se fait risette et ramène sa gouaille en Cornouailles, où, ohé !, Joé nous caresse la bedaine à l’américaine (Amen, Biden !) où Boris (on sait de qui il est le fils !), nous fait croire qu’il nous a à la bonne - il bouffonne, le Johnson ! - où Angela minaude et se baguenaude alors qu’elle va surement, la demoiselle, nous remonter les bretelles (rebelle, la Merkel ?), où Suga, tout juste échappé de Fukushima ( il a des idées, Yoshihide ?) ne sait pas s’il doit venir avec ses ninjas ou ses yakusas, voire les deux à la fois, où Trudeau (Y en a juste un de Justin ?) vient faire le joli coco, le gentil bobo tout droit sorti de Toronto, même pas alcoolo, où Mario, qui s’y connait à manier les euros, va
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nous emberlificoter à l’infini (Il en rit, le Draghi ?) et nous faire prendre les tortellinis pour des macaronis, quand notre vieux pote Manu (Et oui, il a été élu !) va se presser le citron, le Macron, pour sortir de ces idées auxquelles personne n’a songé parce que pour y penser il faut être super costaud du cerveau, qu’il a, lui, hyper chaud, le rigolo ! Et Jinping fait le forcing pour dire que les Ouïghours se gourent, parce qu’ils sont gourds, que les tibétains font tintin parce qu’ils sont zinzins, que les Hans se pavanent parce que, dans leur caleçon, ils ont le havane comme des dragons. Et Poutine, le Vladimir, ce triste sire aux sourires de satire, enferme même ses copains et ses copines dans des boîtes de sardine en partance pour la Sibérie divine pour être bien certain qu’ils ne feront pas les malins ni les malines. Est-ce qu’ils rigolent, tous ces guignols sanguins ? Est-ce qu’ils s’amusent tous ces virus malsains ? On vous l’a dit, on vit une époque formidable dans un monde admirable ! Allez, tous à table !!
Alain (battable) DIOT. Juillet 2021.
63 INTERVIEW ISABELLE SOUCHET ARTISTE NUMÉRIQUE
IMAGE : ISABELLE SOUCHET
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LA NATURE COMME GALERIE D’ART J’attends : Quand avez-vous eu conscience que vous étiez une artiste, est-ce que cela vient tôt ? Isabelle Souchet : Enfant, je ne pense pas que l’on se dise tout de suite artiste, on a certainement un comportement un peu différent des autres enfants, et chaque artiste doit être, à ce moment de sa vie, différent à sa façon. Moi, je me souviens que j’ai très tôt été attirée par la nature et je souffrais que les adultes ne soient pas fascinés par ce que je leur montrais. Je ne comprenais pas qu’ils n’éprouvent rien, qu’ils ne voient pas la beauté et la délicatesse de toute cette vie végétale. Cette indifférence m’était insupportable, certainement parce qu’elle me laissait seule avec mon émerveillement. J’avais aussi du mal à accepter que cette nature ne soit pas éternelle. Arrivée à son apogée, elle se flétrissait et disparaissait, et moi, j’aurai voulu tout
garder. Je me souviens d’un jour en automne, où j’avais ramassé les feuilles d’un pêcher parce que leurs couleurs rouge et jaune m’avaient fascinées, je les avais mises dans un panier en espérant qu’elles restent en l’état, mais bien sûr, elles ont séché et se sont racornies. Je me souviens de ma déception. Il me semble qu’ensuite, peu à peu, j’ai compris qu’en les dessinant, ou en les peignant, je pouvais garder la trace de ce que j’avais vu et ressenti en les découvrant. JN1 : De quelle manière avezvous été en contact avec des œuvres d’art ? I.S. : Au risque de me répéter, je dirais que la Nature a été la première galerie d’art dans laquelle j’ai pénétré. On y rencontre la beauté, l’étonnement, mais aussi la mort. Je me souviens de mes terreurs quant au détour d’un chemin, je me retrouvais face à des oisillons
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tombés du nid et qui gisaient dans l’herbe, c’était saisissant. Ensuite, les premières œuvres d’art que j’ai vues étaient certainement, des reproductions dans des livres, nous vivions à la campagne et il n’y avait pas beaucoup de galeries d’art contemporain à l’époque là où j’habitais, il n’y avait que des musées. Mon père était passionné d’archéologie, donc il y avait beaucoup de livres et de magazines qui traitaient de ce sujet à la maison, je les regardais beaucoup. En allant à la bibliothèque, j’ai découvert des peintres plus contemporains, Dali, Matisse, Picasso, Miro, Bonnard… mais dans ce cas également, mon éducation s’est faite par le livre. C’est à 16 ans, lorsque je suis venue à Paris toute seule, que j’ai pu être en présence d’œuvres d’art. J’allais beaucoup à Beaubourg, qui venait d’ouvrir, j’ai visité tous les musées de Paris, c’était formidable.
ISABELLE SOUCHET JN1 : De cette période, quels ont été les artistes qui vous ont influencé ? I.S. : Je ne sais pas quelle a été l’influence exacte. Je ne sens pas le besoin de me référer à quelqu’un en particulier, ni à un mouvement, cela m’ennuie et je m’en méfie instinctivement. Je dirais que je n’ai pas été influencée, mais que j’ai aimé, et que j’aime toujours les primitifs flamands, toute la peinture de la renaissance italienne également : les enluminures, les impressionnistes, les fauves, Cézanne, Matisse, Picasso… je me souviens d’avoir vu une exposition consacrée à Tinguely à Beaubourg, j’avais été étonnée et éblouie. Je ne fais pas de différence entre ancien et nouveau. Pour moi, un tableau de Giotto ou de Van Eyck est toujours aussi moderne qu’une œuvre dite contemporaine. Je pense que j’ai une relation forte à l’histoire et à la mémoire, aux mythes, aux contes, au mystère. À l’adolescence, j’ai été intéressée par la psychologie, l’inconscient, et plus particulièrement par Jung, qui avait à mon sens une relation plus spirituelle au
monde que Freud. J’ai énormément lu de livres à ce sujet. Le bouddhisme, l’hindouisme, la théosophie m’ont également beaucoup marquée. JN1 : Quel a été ensuite votre parcours professionnel ? I.S. : J’ai suivi une formation de Designer textile aux Arts Appliqués Duperré et j’ai dessiné des tissus pendant plusieurs années. Nous travaillions de façon traditionnelle, avec de la gouache, des pinceaux, des calques… et fin des années 80, les ordinateurs ont commencé à faire leur apparition. Cela m’a tout de suite attirée. En plus, cela coïncidait avec un moment de ma vie où j’avais envie de découvrir autre chose, j’étais un peu à saturation de ce côté peint de façon traditionnel, d’autant plus, qu’en parallèle de mon travail, je peignais, mais dans ce domaine également, je n’étais pas contente de ce que je faisais, je m’ennuyais. Par chance, j’ai pu suivre une formation sur un ordinateur Amiga. L’image avait des pixels tellement gros, qu’on aurait dit des grilles de point de croix, mais j’étais heureuse
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quand même. Dans les années 90 sont arrivés les premiers Macintosh, leur image était tellement fine, c’était impressionnant, puis les premiers logiciels graphiques Illustrator et Photoshop de la suite Adobe, ont fait leurs apparitions. JN1 : Qu’est-ce que ça a changé dans votre façon d’envisager une œuvre, une image ? I.S. : Au-delà de l’aspect « jouet nouveau » qu’il faut dépasser rapidement. J’ai, dès le début, eu la sensation d’avoir entre les mains un outil extrêmement subtil qui pouvait me permettre d’exprimer mes émotions et ma pensée bien mieux qu’avec de la peinture. Quand j’étais en formation, un détail m’avait tout de suite interpellée au-delà de la complexité des outils et des fonctionnalités, c’était de pouvoir revenir sans cesse dans l’image pour la modifier, sans que le tableau ou l’image soit sali et embrouillé de repentirs. En dupliquant l’image, on pouvait garder des traces de chacun de ces essais, y revenir, les retravailler à l’infini… Quand on y pense, c’est assez incroyable. Cela nous entraine
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vers une plus grande mobilité mentale, comme si nous choisissions après avoir expérimenté plusieurs chemins. Cela à l’air anodin, parce qu’on s’y est vite habitué, mais je pense que, dans la pensée artistique, c’est une vraie révolution. D’ailleurs, je remarque que de nombreux artistes, même si leur travail n’est pas totalement numérique, s’aident de l’ordinateur pour faire des recherches, puis ils finalisent le rendu de leurs oeuvres, avec des outils traditionnels, parfois sans mentionner ce détail… JN1 : Alors sans ordinateur, point de salut ? I.S. : Je ne sais pas ce que vous entendez par salut, mais je pense que si nous venions à perdre cet outil, cela serait une terrible régression. Bien sûr, on pourrait vivre, l’homme s’adapte toujours, mais cela serait une vraie perte. Un abaissement de notre intellect. JN1 : Comment êtes-vous perçu en tant qu’artiste numérique ? I.S. : La plupart du temps, les gens ne connaissent pas vraiment les logiciels, ni de quelle manière, nous travaillons, nous ne sommes pas toujours bien perçus. Je dirais qu’il y a sou-
vent deux catégories : ceux qui nous prennent pour des idiots qui ne font que cliquer sur des boutons sans avoir de talent ou de pensées et ceux qui nous prennent pour des sortes de matheux qui font de la programmation toute la journée, je tiens à préciser que les deuxièmes sont les plus rares, on est plus souvent pris pour des imbéciles rivés à nos écrans s’abreuvant bêtement d’images que pour des petits génies. Les deux visions sont fausses. En ce qui me concerne. Je ne fais qu’utiliser des logiciels, je ne les invente pas et je réfléchis à ce que je fais. Je ne clique pas au hasard, je connais le logiciel, je l’ai appris, parce que c’est une des notions qui est aussi souvent ignorée, nous apprenons les logiciels, comme un peintre apprenait son métier. La plupart des logiciels sont complexes et on ne peut pas se lancer comme ça. Et même si on le fait, il vient toujours un moment où l’on est obligé pour aller plus loin, de se former. J’ai moi-même été formatrice et j’ai vu des gens pleurer parce qu’ils réalisaient que ce n’était pas aussi simple qu’ils le croyaient. Finalement, l’arrivée dans nos vies de l’ordinateur est récente,
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elle nous a tous marqués, bien plus qu’on ne le pense, ce qui entraine des réactions qui sont toujours un peu les mêmes face à la nouveauté. J’avais lu, il y a longtemps, qu’à l’arrivée de l’imprimerie, les sociétés de l’époque avaient été traversées par des courants violents et contradictoires, il y avait ceux qui se réjouissaient de cette invention parce qu’ils en avaient compris l’énorme potentiel, notamment de démocratiser le livre et il y avait ceux qui disait que ça allait faire perdre la mémoire aux gens, parce qu’on passait d’une civilisation de l’oral à celle de l’écrit. Vous voyez, c’est toujours un peu les mêmes tensions. JN1 : Que pensez-vous des gens qui passent leur temps sur les réseaux sociaux ? I.S. : Vivre peut être difficile, on est confronté à la solitude, à des difficultés de tous ordres, je suppose que ça aide ou que ça comble un manque. Comme tout le monde, je suis souvent excédée par certains comportements, mais je pense que, sur le fond, toutes ces applications nous réunissent bien plus qu’on ne voudrait le croire. À une époque quand les images étaient peintes à la main,
ISABELLE SOUCHET elles étaient rares, réservées à une élite. Maintenant, nous sommes confrontés à une multitude d’images. Cette multitude n’est pas, à mon sens, négative. Elle permet à chacun de se trouver, de choisir ce qu’il a envie de regarder. Les gens se détournent des médias traditionnels, un peu comme s’ils partaient à la recherche d’euxmêmes. La culture ne peut plus être aussi « monolithique » que par le passé. Si on y réfléchit bien, elle était imposée par un petit nombre de personnes. Pour être cultivé, il fallait aimer tel artiste, tel mouvement, tel courant de pensée. Je pense que tout ça a volé en éclats ou est en train de le faire. On est dans ce moment. Chacun suit sa voie, s’individualise. Cela fait peur, parce que c’est hors de contrôle. Désormais, tout est la faute des réseaux sociaux, mais avons-nous assez de recul pour avoir une opinion qui soit juste ? Je suppose que, dans quelques siècles, il y aura des historiens spécialistes, d’Instagram, de Facebook, de You-
tube ou autres… et qu’ils auront peut-être une vision un peu différente de la nôtre, moins négative. En France, on dénigre beaucoup, c’est souvent excessif. On doit adorer ou détester, c’est une pensée dualiste qui ne mène à rien, à mon sens. JN1 : Pour en revenir à votre exploration de la création sur ordinateur, quels ont été les autres points positifs qui vous ont semblé intéressants dans le travail numérique ? I.S. : Tous les réglages inhérents au traitement de l’image, comme l’opacité, les filtres… La possibilité de dessiner avec beaucoup de précision, de mettre du texte. Maintenant, on a des brosses qui ont le rendu des textures traditionnelles comme le crayon, l’aquarelle, le feutre, l’encre… on peut jouer aussi avec les trames, les couleurs, la 3D, l’animation, la vidéo, le son… ce qui est formidable, c’est que l’on peut associer tous ces différents médias en restant tranquillement chez soi, devant son ordinateur.
INTEVIEW RÉALISÉE EN JUIN 2021
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L’ergonomie des logiciels nous entraine naturellement à nous ouvrir à des médias auxquels on n’aurait pas forcément pensé avant, je trouve que c’est une chance formidable. Quel va être la suite de votre travail ? La 3D. Il faut que je me forme un peu mieux dans ce domaine pour être à l’aise avec les logiciels. J’ai envie de travailler l’idée de nature morte abstraite inspirée de mes souvenirs d’enfants. La mémoire, et plus exactement la réminiscence me passionne et me fascine. JN1 : Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ? I.S. : L’envie d’explorer, la curiosité, le besoin de se garder mobile pour changer. Être lucide me semble essentiel aussi, il faut identifier les problèmes, les défauts, les points faibles et travailler sur soi, pour s’améliorer. Je trouve important de se sentir en paix, apaisée, comme si les choses ne pouvaient être autrement.
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IMAGE : ISABELLE SOUCHET
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IMAGE : ISABELLE SOUCHET
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IMAGE : ISABELLE SOUCHET
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POIULPE•01
LILAS LEPRÊTRE
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POULPE•02
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CHATPOULPE
LILAS LEPRÊTRE
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CHIENPOULPE
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CHRYSTEL ÉGAL
DOUBLE SEA Redoubler une image à la recherche de sa vie intérieure. Je dis vague. by C.=
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CHRYSTEL ÉGAL
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CHRYSTEL ÉGAL
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IVAN LEPRÊTRE
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IVAN LEPRÊTRE
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IVAN LEPRÊTRE
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Les deux pieds dans l’eau Chauffé au soleil d’été Rond, l’œil du poisson
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GEORGES FRIEDENKRAFT
PHOTO : TISHINE NDIAYE
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HAÏKUATIQUES Si la pluie le pousse l’escargot grimpe à son pas la fourche du buis Quand la pluie s’écarte du vertical de ta jupe douche sur tes jambes Le chant monotone de l’averse me ramène à ma vie foetale Le ruisseau damier ombre et soleil sur le parc l’envol de la pie Pourquoi d’être saule pleurerais-je : le chat miaule aux rides de l’eau Loin sur la jetée le vent se roule en bourrasques se drape d’embruns La méduse avale en fougueuse transparence la vague rebelle L’océan salé par le trop-plein de tes larmes l’écume des jours Je glisse vers toi débarrassé de ma bogue comme une pirogue
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FRÉDÉRIC ADAM
PHOTO : JOEL FILIPE
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LA VERVE DE L’EAU La verve de l’eau ne doute de rien C’est dans ses bouillons qu’elle interroge Sur ses pianos qu’elle cuisine Les confessions d’une terre assoiffée Sa fougue aussi dans le grain brusque Dans le luxe des saucées Sous l’onde ample des emphases Qu’elle emplit de ses allants, de ses averses Elle est à la glaise Ce que le fil est à l’ourlet Sans ses points nul pli ne tient Sans ses avances aucune écuelle ne se façonne Quand elle ergote Elle fait feu de tout bois Et se déverse dans les sécheries Des lèvres closes, des non-dits indociles Et si elle s’ombrage C’est que le manque la recrache Oubliant torrents et ruisseaux Où il s’abreuvait autrefois Giboulées et bourrasques À verse dans ses orages Bruine et brume À même son désarroi Elle est l’eau de son propre moulin Le vin de ses abondances L’endiguer c’est fuir son verbe La réduire, en exalter à la fois et le goût et l’aridité.
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FRÉDÉRIC ADAM
L’EAU DE L’ONDE Je démêle l’eau de l’onde, le cours du fluide. Pourtant le collet qui les attelle, se coule sous d’autres lacs, d’autres figures. Il esquive mes prises, mes tirailleries en se glissant dans l’attentatoire, le renversé. Chaque butée est un vortex ou une loupe, chaque trouée un fil rompu ou une coque vide. Les fortunes de mer font que parier sur l’un ou sur l’autre, c’est jeter ses dés à la baille. Je connais les ruses du hasard. Il œuvre en sous-marin et guette le moment propice, alcyonien pour porter ses coups bas, piper ses carottes. Il en fait son bois flotté. Ses faire-part n’ont rien d’étanches, ils invitent en s’enfuyant, récitant un acier trempé à l’ancre des rafiots, balançant la veine comme un bout à quai. L’imprévu écrit aux haubans de la chance se lit aléatoirement. Ce que l’à-vau-l’eau bouchonne, les grèves le choient. Le bord a la peau douce des rêves oints. J’y fais mes vendanges, les mains pleines de ce raisin de mer qui est le fruit du bon sort et des aléas. Mon vin est fait de ces grappes. Il en a la pruine et la genèse saline. Je m’enivre, bercé par le flot des desseins inécrits, une soif juste deviné pour seule boussole. Elle est mon amure, le nœud coulant autour de ces eaux vives où je pèche par excès d’arabesques. C’est de cette vigie que je carde, débrouille les loteries des baquets du beau pétrin des eaux entremêlées.
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LA MER EN EAU De l’eau à foison Dans la convoitise du vortex La spirale est l’eau De mes minoteries foncières Le cadastre de mes voies d’eau atteste De la témérité de mes barcasses Les coquilles de noix dont je me sers pour écoper l’eau De mes poèmes n’ont d’encrier que sec de toute lisière Au bord de l’eau Je touche le lointain L’ailleurs se perche dans le vague Comme un oiseau dans l’eau Le flot, au guichet des jetées Prend l’eau pour argent comptant Sur le champ, le temps punaisé Je jette l’eau à la baille La mer, en eau En bave L’écume se mousse du col Son tirant d’eau au plus haut-fond Le bref, en coucou dans l’outrance Fait ses grands airs de ces eaux-là Avec la même quantité j’équilibre Le fil de l’eau à son pendant de bris et de mots Un verbe pour gueuze Je leste la griserie d’eau lourde Mes graves affinées à l’extrême et lancées dans le vertige Ricochent, l’eau à la bouche Le bec dans l’eau, je bois l’hallali Pour me maintenir à flot.
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LOGOS-RALLYE
PHOTO : MATHEO JBT
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ALAIN CRÉHANGE Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
Un conservateur, c’est quelqu’un qui essaie de mettre le temps sous cloche. Moi, cela ne me concerne pas : tout mon savoir se limite à la demi-heure qui vient de passer. C’est la seule terre émergée au milieu de toute l’eau que j’ai dans le crâne. L’idée qu’il puisse y avoir un avant m’est complètement étrangère – et j’ai pour règle cardinale de ne pas chercher à en savoir plus. C’est ce qui fait de moi un progressiste. H. Le Tellier, Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable.
RAOUL HARRIVOIE Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
MUGUÊPIÈRE. Lingerie printanière très glamour de couleur verte comportant des grappes de petites cloches très odorantes et sans conservateurs. « Le 1er mai, vous le savez peut-être, j’ai le droit de vendre dans la rue, pendant une demi-heure maximum, les muguêpières de mes amies volées dans leurs salles d’eaux, à condition d’installer mon stand à plus de cinquante mètres des boutiques de lingerie officielles et à condition de ne pas prendre de photos lors des essayages entre les camions ou sur les ronds-points. J’emmène mon muguépard avec moi pour me protéger des coups portés sur le crâne avec violence par des compagnons jaloux, étrangers à l’art, qui frappent avant de parler. Le cardinal passe parfois chercher un cadeau pour un ami. »
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NICOLAS QUANTIN Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
Allez que cent drains Ô rocs si hauts que de ma geôle j’aperçois Aux vents trépidants auxquels vous êtes soumis Vous résistez fiers comme des gars géants Aux soubresauts de la nature élégiaque Comme des binturongs aux mots logorrhéiques Ô clos chiches et moches desquels je merdoie Cette heure demie heureuse que j’oublie Certainement me vaincra n’est-ce pas séant Alors condamné sur l’écran j’ère maniaque À la recherche de la chère chair magique Et de concert, vas, torpedo stupide et froid Sans l’effroi de ceux qui savent, War infinie Que je ne sais brimer, ô grand Dieu, mécréant Me battre contre mes moulins à vent, me braque Au quart, dis, n’allez pas chercher la polémique
ALINE HANSHAW Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
La cloche sonnait la demi-heure, mon crâne résonnait, étranger à ce tumulte intérieur, je cherchais son prénom. J’étais conservateur pourtant, j’aurais dû le savoir. Je passais de l’eau sur mon visage avant mon rendez-vous, Claudia Cardinale, OUF !
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
ÉRIC RABBIN Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
J’avais beau savoir que le conservateur se trouvait depuis une demi-heure dans l’aile des crânes de Néandertal sous cloches, je continuais quand même à jeter de l’eau de vaisselle sur le portrait du Cardinal de Richelieu avant qu’un des gardiens ne commence à me chercher. Il est évident que ma haine des religieux n’était pas étrangère à mes tentatives criminelles sur les toiles de ce musée, elle me poussait même à ce sacrilège, mais je n’en pouvais plus, dès que je croisais un cardinal, je voyais rouge !
LAURENT VERNAISON Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal. / Cloche, demi-heure, crâne, étrangère, chercher
Je suis très conservateur des traditions familiales. C’est pourquoi, comme Mère, j’ai toujours une cloche de service pour sonner le personnel. C’est assez pratique. Au lieu de hurler une demi-heure pour appeler la bonne dont on ne sait trop ce qu’elle a dans le crâne, je tintinabulle... «ding ding» et elle rapplique avec mon verre d’eau sur un plateau. C’est une étrangère. J’ai dû me séparer de celle que j’avais avant, elle cherchait par tous les moyens à séduire mon cousin le cardinal. À moins que ce ne soit l’inverse... Les traditions, toujours les traditions...
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YVES LECOINTRE Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal.
Le marquis d’Eu fut le premier conservateur du musée des additifs alimentaires. Son savoir dans les eaux et les œufs et des œufs dans l’eau qu’il mit en avant en fit une référence dans son domaine, sans omettre ses connaissances dans les colorants lui valant dans le milieu le surnom tant convoité de cardinal.
IVAN LEPRÊTRE Conservateur, savoir, eau, avant, cardinal.
Expérience amusante 01 - Choisissez un cardinal (sans conservateur et pas trop mur) 02 - Installez-le dans un riche lieu 03 - Patientez trois jours avant de le sortir du carton d’emballage sans le froisser (il est particulièrement susceptible) 04 - Trempez-le dans l’huile 05 - Trempez-le dans l’eau 06 - Allez déjeuner avec le carton d’emballage 07 - Au retour, vous aurez un escargot tout chauve* ! À bientôt pour un nouveau partage du savoir. *quand j’étais petit (et même encore maintenant), je préférais que l’escargot soit tout chauve, c’est bien plus rigolo !
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES PHOTO : JEREMY BISHOP
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DOMINIQUE GAY
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
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DOMINIQUE GAY ANNECY
ANNECY
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
CORSE
CORSE
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DOMINIQUE GAY ANNECY
VIETNAM
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
ANNECY
CASSIS
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DOMINIQUE GAY
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DO SÉ
LES BEAUTÉS INSAISISSABLES Le soleil sur les flots bleuets Miroir d’écailles de lumière Des étoiles dans le reflet Des éclats argentés d’éclair Une nuit sur les flots bleuets Dans l’obscurité de la mer La rutilance d’un portrait Dans le noir, un éclat lunaire Ce sont des beautés sans filet Jour ou nuit sur nos univers Bonheur ne s’en remplit qu’à quai Par l’œil avisé de l’expert Pêcher ces perles par des jets De nos doigts, flotteurs de bannière Des rondes sur l’eau, ricochets Le vide dans notre cloyère Ce sont des beautés sans filet Leur bonheur ne se saisit guère Bonheur dans nos yeux à jamais D’un instant de grâce éphémère
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
L’EAU Où est cet ange aquifère ? Ce nuage d’angelot Dans le ciel de Lucifer Au-dessus du brasero Où est l’or venu des mers ? Ce nuage de cristaux Qui trop lourds dans l’atmosphère Arrosent de minéraux Pluie, descends ! Une prière ! Sur les crevasses d’un dos Aux pelotes de poussière Tombe l’avalanche d’eau Mais l’eau bave sur la terre La terre vomit tous les flots Où sont les haies bocagères ? Les gorges de végétaux ? L’eau est un butin de guerre Dans une «retenue d’eau» L’envahisseur, un désert Livre son dernier assaut
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OLIVIER ISSAURAT
PHOTO : MAXIME DORÉ
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
LE FRANCHISSEMENT Le murmure d’une multitude d’écoulements Une course folle au milieu de la prairie L’eau qui ruisselle dans l’herbe humide La terre détrempée Un faux pas, glissade, déséquilibre Vautré dans l’eau gelée Les cimes enneigées Le vent froid qui dévale Retour au campement Ôter les habits alourdis Le corps qui tremble Rentrer dans le duvet Un corps nu, un autre corps nu Se serrer, se réchauffer au plus vite Ressortir pour remplir une gourde Faire bouillir et pourtant Le liquide est à peine brûlant Un sachet de thé, le gaz chantant La lumière bleue sous l’auvent Quelques gâteaux secs Deux corps nus à nouveau Qui se serrent et se serrent encore Et l’eau qui ruisselle Le soleil inonde enfin la vallée
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OLIVIER ISSAURAT
MARCHER EST TOUT CE QU’IL LEUR RESTE Le fleuve épais, obscur, s’écoule pesamment. Si regard perçant, l’on plonge attentivement, On y distingue une armée de spectres maudits. Ils avancent lentement, leurs pas alourdis, Enlisés dans la vase d’une étoffe moirée. Ils remontent ainsi au pont de l’Archevêché Qui enjambe la Seine pour l’Île de la Cité. Les terrassiers ont creusé des marches pavées. Les spectres sans morale, remontant des abysses, Se répandent en villes parmi les fleurs de lys. Cherchant des édifices élancés et pieux, Ils essaient comme ils peuvent d’atteindre tous les cieux. Avec les grands anciens, émergeant du sommeil, Déchirant les nuages pour manger le soleil, Les spectres font grincer les portails de l’enfer, Se couchent sur le Porphyre, en chutant de l’éther. Ils prient de mauvais dieux sensibles à leurs plaintes, Chapelets de tristesse, qui leurs cœurs noirs, éreinte. Si divinité fut, elle détourne les yeux Et s’en va ripailler en d’autres sombres lieux. Les spectres désolés s’en retournent alors, Ils rampent dans la terre nauséabonde encore, Qui n’accouchera que d’horribles silures. Les figures spectrales rêvent pourtant d’un futur : Elles rêvent, sans autre fin, qu’on trouve les clefs, un soir Jetées de par les rampes, celles du Pont des Arts Celle-là qui scellait une promesse d’amour Et déferrons le lien mortel de leurs atours.
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
APRÈS LUI LE DÉLUGE Mes souvenirs ne sont pas très clairs en ce qui concerne cette période. D’abord parce que je n’étais qu’un bonhomme tout juste au sortir de la petite enfance, ensuite parce que les adultes ont une façon bien à eux de raconter l’irracontable. Je sais qu’on empruntait la voie qui passait par la moyenne corniche et qu’on filait avec la Dauphine à bonne allure dans la descente impressionnante qui revient sur Nice. A cette époque, la route portait encore le nom de nationale 7. Nous avions passé l’après-midi chez des amis. Du moins ce que le copain de mes parents, devenu entre-temps beau-frère de mon père, appelait ainsi. Il s’était acoquiné avec un Corse, appelons-le Filipetti histoire de ne pas surcharger ce récit de « le Corse » à tout bout de champ. Le repas avait été ennuyeux car il n’y avait pas d’autre enfant pour venir meubler les discussions interminables des adultes. Je n’avais pas noté l’animosité qui avait plombé l’atmosphère à l’heure du digestif. Une histoire de ligne du parti, communiste à n’en pas
douter puisqu’autour de moi, il n’y avait que ça. J’ai même, une fois et contre l’avis de ma mère, assisté à une réunion de cellule avec mon grand-père. Réunion de cellule, cette appellation revêt encore pour moi le caractère d’une aventure sans pareille. On avait désobéi à l’injonction maternelle et il n’en fallait rien dire. Dans une pièce aussi enfumée que le Londres du 19ième siècle lorsque le smog s’abattait d’un coup sur la ville, j’écoutais les secrets qui se racontaient. J’imaginais un projet terroriste à coup de bombe toute ronde de laquelle sortait une longue mèche. Je voyais la politique par les yeux des héros de bandes dessinées, essayez de n’en pas trop vouloir à l’enfant que j’étais. Mais revenons à Nice et laissons la proche banlieue dionysienne en paix. Donc, dans cette Dauphine aussi enfumée que la réunion de cellule sus-citée, nous descendions à tombeau ouvert en direction de Nice. Mon père s’énervait tout seul à son volant et ma mère écoutait distraitement ce discours politique destiné à un enfant et une épouse.
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Pour elle, il ne faisait aucun doute que le Filipetti était un crétin notoire et qu’il était inutile d’user sa salive pour en résumer la pensée. Si pensée il y avait, ce qui n’était pas certain au demeurant. Les arrivistes de tous poils ont cette aptitude à dénaturer la pensée des autres pour la rendre simpliste. Il s’adresse au peuple comme à des demeurés en pensant qu’une argumentation trop sophistiquée risquerait de les faire voter chez le voisin. Mais laissons cela et occupons-nous de la route qui défile avec vue sur la Méditerranée. D’un coup, le ciel s’est assombri et a mangé la lumière pour jeter la nuit en pleine après-midi. De grosses gouttes avaient commencé à parsemer le pare-brise d’éclats humides cerclés de poussière. Mon père s’amusa de l’orage qui menaçait, nous aussi. Mais deux évènements allaient bousculer nos certitudes en l’avenir. Je passe sous silence la qualité des essuie-glaces mono vitesse de la Dauphine qui n’essuyaient guère plus que le papier journal. Soudainement, les grosses gouttes se changèrent
OLIVIER ISSAURAT en un déluge apocalyptique, on aurait dit que le Bon Dieu faisait son ménage et déversait de gigantesques bassines sur la région. L’asphalte se transforma en torrent, torrent sur lequel roulaient des embarcations en déroute. Un concert de klaxons replaçait dans le droit chemin ceux qui pensaient que les autres avaient disparu comme par enchantement puisqu’on n’y voyait pas à vingt mètres. Mon père avait oublié le Filipetti, le beau-frère et tout ce qui allait avec pour se concentrer sur le tableau de bord et la jauge à essence. Celle-ci indiquait le zéro avec un aplomb proche de l’impertinence. Mon père tapota le tableau de bord sous le regard circonspect de ma mère. Elle avait devancé l’indicateur de quelques minutes car le moteur avait annoncé sa mise au repos sous peu par quelques soubresauts bien sentis. Nous étions donc en perdition sur un océan déchaîné lorsqu’apparut dans le lointain, une trentaine de mètres pour tout dire, une pancarte Esso. Ce n’est qu’une fois le nez pratiquement dessus que nous reconnûmes
cette balise pour automobilistes malavisés. Il faut vous dire qu’une panne d’électricité avait plongé tout le secteur dans l’obscurantisme moyenâgeux. La fée électricité avait déserté l’endroit pour aller se faire voir ailleurs. Heureusement nous étions dans le sens de la descente, car le moteur, qui nous avait prévenu encore une fois de sa fin prochaine, rendit son tablier. En roue libre nous abordâmes ce lieu plein d’espoir et d’essence. Un homme courageux affronta la tempête pour nous rejoindre. « En panne sèche par ce temps, vous avez le sens de l’à propos ! » s’amusa notre pompiste. « Heureusement, nous avons encore le moteur débrayable ! » J’écoutais ces informations, intrigué par ce moteur débrayable imaginant je ne sais quelle course magique de pompe à essence déboulant à tout berzingue sur le circuit des 24 heures du Mans. Mais l’homme revint avec un long manche de bois qu’il leva bien haut. « Voilà ce qui va redonner de l’élan à votre véhicule ! » s’écria-t-il sous une pluie qui persistait à être tor-
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rentielle malgré l’avis éclairé de mon père. « Ça ne va pas durer, c’est aussi soudain que ce sera court ! » Ma mère avait observé mon père d’un air songeur. En y repensant maintenant, je me demande si l’air en question n’était pas plutôt teinté d’ironie. Mais revenons à l’homme et son balai magique qui allait porter notre voiture dans les airs à la façon des sorcières d’antan. Il planta son bout de bois dans un logement prévu à cet effet et le voici qui actionna la pompe à grands coups de va et vient remplissant le réservoir par giclées d’essence successives. Je fus impressionné par la modernité de cette installation qu’on pouvait faire fonctionner par un moteur ou bien à bras comme la charrette de pépé et mémé. Cette modernité a disparu en même temps que mon enfance. Cependant il me restera toujours en mémoire une aventure aux odeurs électriques, mais tombées du ciel et cet homme providentiel affichant un grand sourire, capable d’affronter à lui seul la colère des dieux, armé d’un unique manche à balai.
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES PHOTO : GATIS MARCINKEVICS
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KARINE SAUTEL
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KARINE SAUTEL
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KARINE SAUTEL
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KARINE SAUTEL
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JEAN-MARC COUVÉ
FAVELA ? Favela de la hOnte Il manque beaucoup d’eau Prends garde : la mer mOnte Émoussant nOs couteaux [nOs coûts tÔt ?]
Pêche en mangrove érythréenne
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
Fissure en Arctique
Des glaci-ers la fonte Est tracée au cordeau Attention ce qui compte 1 Échappe à tout rObOt !
1. Citation-clin d’œil pour Fabrice Nicolino (voir son Ce qui compte vraiment)
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JEAN-MARC COUVÉ – « Je n’ai plus un réal 2 à me mettre sous dent. » Ô Brésil, Ô Soudan : [Os soudant?]
Pluies acides – symboles ?
La misère est banale [Misère – ah, tombe anale !] Mais si, Signor, souvent « internati-Onale ». Jean-Marc Couvé (17/05/2021)
2. Monnaie du Brésil
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
Bocaux code “eau” Dolto fog ou fuego oh, ho Iô Jojo koko lolo mômo none oh poco coraux rose ô saute haut Toto toute eau vaut vos woks eaux exos boxe eau yoyo Zoo ! Ça, l’eau, ah, l’eau qui coul’ de source… sûre, en jets, jaillit, beau glissando... L’eau, telle, en lots ses parts-z-obsède, ou remords scelle Cello fane ; eau… l’eau douce ou l’os soûlo’ salé
Héros sans Palais
Ainsi font fontaine
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JEAN-MARC COUVÉ L’eau pour les culs bénis ; bénite - aube hennit tôt : l’ogre italien / l’eau qui sang fut, l’eau qui s’immisce l’eau serpentine ; invasive eau, l’eau purifiant, l’eau pour l’histoire, accroupie peau, âcre houppe – ton eau, Danaïdes,
tonneau tonnant, très oppressant en rade ; eau, dote, avant d’appareiller pour quel El D’Eau-Radeau ?
L’entrave à l’entr’ rêve
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
Temps insigne, au-dessus de la mer...
Ton eau déviant vers quelle embouchure où l’eau part, vagues levées, par monts et vaux, l’eau sinue et remplit les seaux recto verso rend vermisseaux bêtas d’œufs… d’eau ! Plus beaux, plus gros, tout gorgés d’eau, de fac’, j’eus dos ? Ah, l’eau, à flots, de rut en rus, en ruisseaux, en rit !… vit… hère - ô fleuve : Homère ; eau de la mer, homme on berce haut ! Eau secourant ou noyant taux, eau de vie d’ange ou haut-dégoût eau hissée haut ou eau d’ bas ceinte, eau minérale ou eau dure, eau douce à la peau, ou plus calcaire ; eau d’Oc, gas-Oil : paradoxale ! Haut du seau d’eau, bas dû, bath – eau ? Homonyme « eau », mot, faux phono, eaux maux gras faux Orthographions le « e » dans l’« o », et l’eau, mollo du tremolo, l’eau qui perle ou, à gros bouillons, bout - toute eau bout puis sève a pores… L’eau de la vie eauriginelle, eau pour la soif, hello : deux pluies !
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JEAN-MARC COUVÉ Oui, en perdant les eaux l’on gagne occasion de donner en-vie de naître au beau, aube, au milieu de têt’s pleines d’eau, Edo, et d’os ou d’aulx pis d’ Hopis - hop, pipeau ! et piano. Ode au dodo !
Poisson au corps d’eau Que d’eaux, queue dos, ça daube, ado ! Un ver bande haut, qui rime en « do » ou en fado - fade eau ? - Pas faux… Tirons rid’
eau !
Jean-Marc Couvé (25/05/2021)
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
L’EAU FRÉMIT... TOUT AU BOUT ! (à l’offre, à la demande ; au gué – ris, erre, Eau) L’eau, c’est l’O, sous cello, cellophane Eau sous scellés, eau qu’on profane et qui se fane – os sous soûle eau...
L’épié dans l’au[-delà]
Anneaux disent : huis tends !
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JEAN-MARC COUVÉ L’eau, c’est le sel, aile ocellée, celle – ô véloce – en base, en haut, tôt, qui se lève, love en l’alcôve, ou sourd des peaux C’est l’eau, beau lot : son plein s’égoutte ; sont-ce nos mots : agua, aqua, water, Wasser… qui donnent à la perméable eau du roseau tel air ployable au verbe en eau, au vers bonne, eau, au vert-Bonnard tout le lexique à toute lyre en tous délires, histoire d’O ? L’eau, que l’on longe, où l’on s’allonge, eau fraîche et pure, eau de vaisselle au ciel nuage, eau de passage, eau tout en haut, hôte où tant nages !
Esquisse d’un débarquement
La jetée, au loin...
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
Neverland & cow
L’eau, badour, Ode où Ronsard rode, où tout s’érode eau d’un Bosphore, eau de la Seine (assez peu saine) eau de vitale élan : étanche et soif de fluide et faim d’osmose, en ce cosmos où l’eau glaciale eau d’icebergs, irrigue encore, hors tout barrage, un beau corps d’eau, au cordeau pâle corde sensible, aspirant corps de la belle Ursula Andress sortant de l’eau / Vénus moderne / Botticelli sur grand écran / ô pêcheuse de coquillages eau, la belle, oh… Bond ensorcelle, et, d’un bond, scelle en ruisselant tout le mystère autant terrestre qu’odore di femina céleste que nul Mythe n’effleure ni déflore : en gerbe, en cascade, en fontaine – eau : jouvence ! Eau minérale, homme inné râ le… eau végétale et animale ; eau jou-is-sance !
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JEAN-MARC COUVÉ Eau du puits, eau de pluie, eau du bassin, eau de source, eau diluvienne, eau de la Vienne ou torrent d’eau eau de Montagne, eau du Nil, eau du Gange et amaz-eau-nienne eau qui s’infiltre, eau qu’on retient, eau qui sinue, eau serpentine eau de mer, ou bien phréatique d’Adriatique et aquatique : eau en aval, eau de chantier océan d’eau, l’autre est amont ; frérot, céans, à l’eau trinquons afin qu’elle, Quelle, nous deaunne encore un peu, toujours longtemps du grain à moudre à nos moulins… et de l’art osé à nos aubes ! Jean-Marc Couvé (21/06/2021)
Peu t’iras... meurs !
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AVIS DE PARUTION Si tu as aimé Dais I, tu ne peux que tout attendre Dais autres. Après le tome II du daDais, mon cadet, injustement passé inaperçu pour cause de “crise sanitaire”, tout comme fut mis au banc Dais III, pourtant entièrement écrit et illustré de ma main, voici – ô inconscients éditeurs z’et auteurs ! – Dais IV. Tu y croiseras des uns, connus (Amanda Gorman, Bernard Noël, Denise Desautels, Labou Tansi, Nick Mason & Pink Floyd, Soupault, encore et toujours…), et des moins connus, qui méritent de ne pas le rester : Daniel, Johan, Jean-Claude. Comme pour les tomes précédents, s’y trouvent des thèmes que t’aimeras, j’en suis à peu près sûr, ainsi que des lieux (Anvers, Paris, le Royaume Uni) vus ou rêvés. Le port (hélas très élevé, désormais, voire supérieur au coût de fabrication d’un livre !) est de 4€ pour un exemplaire. Il reste de 4€ pour l’envoi de deux, manière de fidéliser les fans de mes œuvrettes. Et, ne reculant devant aucun sacrifice, en bon commercial [que l’écrivain se doit d’être, de nos jours si marchandisés], le port est offert à partir de trois livres commandés. Soit, pour les amis rétifs au calcul : 15 + 4€ pour 1 livre, 30 + 4€ pour 2, 45€ pour 3 (60€ pour 4, etc.). Je t’embrasse, avec chaleur, mais en pensée, ce qui rassurera les ceuss qui n’aiment point les bises, par crainte des microbes et autres virus ! Jean-Marc Couvé - jeanmarc.couve@gmail.com
* On peut aussi, bien sûr, commander mes derniers livres directement chez les éditeurs (voire sites de éditinter ou de la revue À L’Index), ou bien à notre nouvelle adresse, si une dédicace est souhaitée.
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YVES LECOINTRE
PHOTO : JEREMY BISHOP
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MARRE DE L’EAU L’assemblée générale du mouvement anti-précipitations qui suite au refus du maire de Massy-Palaiseau s’est tenu dans la salle polyvalente de Lamballe, malgré quelques réserves relatives à l’hygrométrie du lieu, vient de s’achever dans le calme. Avant son ouverture, agissant avec le soutien bienveillant des experts d’assurances, des marchands d’imperméables et de parapluie, des couvreurszingueurs, et autres lobbies hydrophiles ; les organisateurs durent décoller des grandes baies vitrées de l‘entrée, selon leur décompte deux mille escargots (Cinq mille selon les manifestants) adhérents du groupuscule centriste des adorateurs de rosée, qui reliés entre eux formaient les lettres des slogans hostiles aux participants. En marge dans le hall, encadrant l’accès à la salle de conférence se tenait le village des mécènes, représentant un appui financier à cette
organisation promise à un grand avenir. Pêle-mêle on y trouva : la filière merguez et chipolatas, aux marges asséchées quand les cumulonimbus canadérisent les barbecues ; puis le syndicat des crèmes solaires avec ses services de protection hiérarchisés, ou encore la délégation déguisée des parcs d’attraction en plein air, sans oublier celle des exploitants de terrasses découvertes. Après le mot de bienvenue du nouveau président international, le Nippon Ossa Hara, la professeure Faye Shaw durant son discours intitulé : « l’effet de serre, à quoi ça sert ? » présenta les avantages espérés d’un climat sec avec la réduction drastique des pluies. Les pollueurs et leurs filiales dépollueuses se délectèrent de ces chaudes paroles porteuses de bénéfiques espérances. Le docteur A. Fané présenta de nouvelles plantes cactées, ascètes du robinet, capables de remplacer les arbres hexagonaux connus pour leur soif
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inextinguible, tout en servant de clôture vraiment défensive. On remonta un peu plus tard avec le Père Maihable au déluge, mythe de l’accouchement planétaire, qui emporta les présents, probables pêcheurs vers les douloureux et inextricables abysses originels, mais acheva sa communication sur les épisodes du buisson ardent chaleureusement acclamé tout comme celui de la traversée du désert. Après une pause déjeuner servie par la boucherie Sanzo, que beaucoup parmi les plus engagés, jugèrent trop arrosée, les travaux reprirent avec le récit d’un explorateur agronome Dupicardi, revenant d’un département inhospitalier : la Somme, avec ses crues et ses croyances. Pour clore ces travaux, les objectifs pour les années à venir ont été fixés et les moyens d’action arrêtés : Encouragement de la croissance, la désalinisation systématique des mers, la mise au
YVES LECOINTRE bûcher des sourciers, arrêt du nucléaire, arrêt de la production d’houille blanche, réouverture des mines de charbon avec subvention pour les chaudières correspondantes, interdiction des panneaux solaires, des éoliennes, de la laine de verre et autres isolants, suppression
des transports en commun, construction de nouvelles autoroutes dans les forêts restantes et la diminution sensible des taxes sur les carburants. L’assemblée surchauffée vota toutes ces décisions à l’unanimité. Avant que les congressistes ne se séparent, le thème prin-
cipal du prochain congrès qui se tiendra à Salt Lake City a été dévoilé : achever l’œuvre des yankees, en éradiquant la pratique des danses des cordes exécutées par les sorciers amérindiens.
LA CRUE DE LA SOMME Les Picards craignent que comme en l’an 2000, le créateur ayant peut-être trop fêté son anniversaire, abusant de paradis naturels, de tisane aux queues de cerises, et en outre des nectars de ses saints Joseph, Emilion, Julien, et Esthèphe, a démontré que si son gosier était au niveau du sud, son déversoir était à l’aplomb d’Amiens. Conséquence : les cieux tonnent, oh ! Le vin divin devient eau, enfle les cours, les bouchons créent les crues, accroissant le territoire des rai-
nettes et des colverts nomades, ennemis héréditaires du local canardeur américain, qui n’a que bals, balles et vaches pour se distraire. Or, ces férus du plomb, qui n’ont pas lu, mini hommes au QI véreux et éteints, fondirent désargentés au zinc et après avoir dénigré les bronzés, comme des Lettons durs, allument un fourneau, alors Assis et galvanisés par la gnôle, gobèrent une explication, limpide comme l’esprit du bouilleur de cru. Ainsi, ces malheurs que cer-
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tains interprétèrent comme les signes d’une volonté supérieure, étaient pour beaucoup censés servir les futurs jeux olympiques à Paris, pour que les épreuves de voile en haute mer puissent s’y dérouler à moins de 30 minutes en TGV. Par ailleurs, un latiniste éminent, l’abbé Vil corrobora définitivement cette thèse, en rappelant la devise de la capitale, signifiant que même s’il flotte, elle ne sera jamais immergée. Les exceptions de 1910 et autres ne faisant que confirmer cette règle.
Après avoir subi l’épreuve du feu en 1815, 1870, 1914 et 1940, l’épreuve du vent en 1999, la Somme devrait subir l’épreuve de l’eau. Le gouvernement ne pouvant pas rester insensible à la détresse, même si les caméras supportent mal l’humidité, et si la lumière est forcément mauvaise, surtout en hélico, fit appel à un collège d’universitaires, pour résoudre ce cas d’école, dont on lut les mesures maternelles à prendre, lissées lors du conseil des ministres : A. Dépêcher sur place le spécialiste des nappes de Vichy, pour tenir à carreau les râleurs. B. Elire la miss du cru, miss France et laisser la capitale régionale participer à la finale de la coupe nationale de football. C. Envoyer l’armée qui pour les pompes a une longue expérience. D. Demander le truc de l’apprenti sorcier qui peut avec un seau tout vider. E. Et puis, surtout leur laisser espérer du liquide. On se tourna vers le ministre concerné : « De toutes parts on me harcèle, nous sommes en caleçon, on doit faire la manche. Pour indemniser, le calcul est simple : si l’on ajoute
Total à la Somme, que l’on retranche les troncs soustraits des comtés, et que l’on divise les fractions de la majorité, il n’y a qu’une solution : doubler les tiers pour multiplier les produits. Cela veut dire que je n’ai pas plus rien à leur avancer», répliqua-t-il sèchement. « Alors on va beaucoup promettre, car on doit s’attendre à un accueil délicat dans un des fiefs des chasseurs ; qui veut aller à Péronne ? Personne ? » On évita Péronne ! « Alors Monsieur le Président de la République va devoir nous départager.» Déclara le premier ministre. « D’accord » acquiesça le juge improvisé, qui demanda à chacun des participants, d’utiliser le mot crue de façon spirituelle, le perdant devant faire le ou la bête dans la Somme. Le ministre de la culture commença : « La crue ôtée ramènera le bonheur. » Le ministre du culte poursuivit : « Doux Jésus, il croit que la crue ici fit un sauveur. » La chargée de l’environnement succéda : « La crue dictait à la nature les limites des champs. » Le ministre de l’Intérieur en-
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chaîna : « La crue, elle ment. » « Si les crues se tassaient très vite, on pourrait retrouver des écrevisses dans la cuisine», enchaîna le ministre de la pêche. Mais, pour le ministre des affaires étrangères : «Au Brésil, les crues : Zéro ». « L’us tue crue », selon le droit coutumier, pour le garde des sceaux, qui pourrait en prêter en la circonstance. « La crue, cheu nous, n’amène pas que de l’eau » glissa le ministre des transports. « Une robe, un son, crut Zoé, mais c’était vendredi déguisé » clôt le Premier Ministre. A l’issue du concours, le Président désigna ce dernier comme perdant. Arrivé sur place, il écouta beaucoup, promit encore plus : « On est avec vous, on va vous aider, on va tout arranger. » La foule bottée écoutait non sans invectiver sourdement ce visiteur extra-lacustre, et les mots crûs montaient de plus en plus fort, scandées par des gorges rouillées. Il était temps de rentrer, on prévoyait à la radio une ondée. Somme hors du lit. (Aurélie Nondé, Editions fixes eaux)
YVES LECOINTRE
PHOTO : RYAN LOUGHLIN
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
QUESTION D’EAU « Quand un bus tombe à l’eau, est-ce un carnage ? »
« L’eau pâle est-elle riche en silice ? »
« A l’issue du banquet les marchands d’eau qui est parti avec la nappe ? »
« Le plongeur espion allait-il l’épier dans l’eau ? »
« Vichy : fut-il un régime déviant ? »
« N’ayant plus rien à boire, l’ivrogne désespéré se met-il à l’eau ? »
« Les ours sains vivent-ils dans l’eau ? »
« Pour se laver, faut-il dans l’ordre : nous, le savon, de l’eau ? »
« L’abus d’eau la conduit-elle à flotter dans ses toilettes en Vichy ? »
« Quand on doit payer sa note d’eau, perçoit-on mieux les dangers de la facturation hydraulique ? »
« La glace crée-t-elle une voie d’eau au vapeur ? »
« Comme la Terre est surtout en surface de l’eau et n’étant pas plate, serait-elle gazeuse ? »
« Quand on est à sec doit-on se jeter à l’eau ? » « Avec la sécheresse à Sydney, tombe-t-il à l’eau ce rallye ? »
« Placer l’obus dans son canon n’est-ce pas mettre de l’eau dans son vin ? »
« Pourquoi la présence des seiches dans l’eau continue-t-elle de faire couler autant d’encre ? »
« Les anorexiques voudraient-ils n’avoir que l’impôt sur les eaux ? »
« Un fleuve à sec est-il à court d’eau ? »
« Vous paieriez pour boire de l’eau gazeuse vous ? »
« Encore sans eau reste-t-il de l’encre ? »
« Pourquoi dans les restaurants on ne te fait jamais goûter l’eau de la carafe ou de la bouteille servie, sont-ils certains du cru ? »
« Doit-on utiliser de la peinture à l’eau pour l’art osé ? » « Si vous buvez et suez trop en général des os, en ressort-il que c’est un cas d’addiction d’eau ?
« Le sous-marinier sobre est-il à sa place sous l’eau ? » « Une île est-elle un espace clos d’eau ? »
« S’il but l’eau, rentra-t-il dans sa coquille ? »
« Quand dans l’eau les raies pètent cela fait-il de la musique ? »
« Avec un peu d’eau gazeuse est-ce que le père riait ? »
« A qui faire confiance dans le monde de l’eau ? »
« La bande à Bonnot défendait-elle les eaux primées ?
« Dans le paysage fou qu’est l’Auvergne, est-ce que le château d’eau de Volvic compte ? » « Les experts d’assurances que ce soit avec les incendies où les dégâts des eaux sont-ils noyés de travail ? »
TUYAU Pour sans scie au puits pouvoir couper : prendre une bouteille de Vittel, un verre d’Évian, deux de Badoit, un doigt de Vichy, un trait de Contrexéville puis une bonne dose de Perrier, et avec ces six eaux c’est facile.
« L’amante à l’eau désespérée rejoint-elle au ciel l’infirme amant ? » « La grenouille étudiante se sent elle dans l’amphi bien ? »
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THIERRY FAGGIANELLI
PHOTO : JIMMY LARRY
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
LES PARAPLUIES DU BURNIKA Dans ce Royaume imaginaire,
nombreuses heures dans la
norer de sa présence, précédé
il ne pleuvait pas. Tout était
poussière pour avoir le privilège
de ses bagages à main. Il était
sec. Oui, comme du bois mort.
d’être là. C’était le jour anni-
débordant de confiance, de sa-
De façon très aléatoire, un
versaire du Sacre Impérial du
gesse et de graisse. Après avoir
avion-cargo effectuait parfois
Grand Badadong Didongué, les
offert à ses sujets des hoche-
une livraison. Peu importe que
familles des principales ethnies
ments de tête millimétrés, il
cette mission ait été manda-
Kamoulés, Ormonces, Claves,
les saluait ensuite en joignant
tée par une O.N.G. ou qu’elle ait
Druduks, vêtues de pagnes ri-
les paumes comme il l’avait vu
été larguée par erreur d’un ca-
chement décorés, de crânes
faire lors d’une réunion d’Am-
nadair qui n’avait pas respecté
d’animaux et de coques de por-
ma dans un clip sur You tube.
son plan de vol, il tombait en-
tables venaient accueillir le Sou-
Après ces saluts et grâce à un
fin quelque chose. Du ciel for-
verain Potentat. Elles tâchaient
mécanisme mis au point par
cément. C’était tellement rare
de toucher sa grande pirogue à
un horloger suisse exilé qui
que l’on ne cherchait pas trop
roulettes fétiche qu’une sculp-
avait perdu le nord depuis,
à savoir à qui on devait cette
ture géante d’hyène peinte or-
la sculpture d’hyène tachetée
faveur. D’ailleurs, sur les cartes
nementait à sa proue. Elles pro-
sur la poupe de l’embarcation,
des colons qui représentaient
fitaient de cette occasion pour
commandée en hommage à sa
ce pays grand comme un
respirer les particules de flotte
mère**, se mettait à ricaner de
confetti*, il y avait très peu de
au-dessus de ce qui n’était
façon sardonique. Ah-ah-ah-
zones vertes ou bleues pour la
plus que l’ombre d’un fleuve.
ah-ah !
jungle ou les cours d’eau. Tout
Munis de l’éventail rituel, elles
Le public, aussi, il faut le concé-
était ocre, quasi blanc.
tentaient de faire remonter les
der se marrait. Surtout lorsque
En cette période de forte cha-
gouttelettes pour aspirer leur
son Excellence quittait son
leur, les habitants, se réunis-
fraîcheur suave, d’un geste dé-
royal costume et enfilait son
saient par grappes le long des
sinvolte, plein de dignité.
maillot de bain couleur brun,
rives du « fleuve » Didong. Cer-
Bien qu’il aimât beaucoup
taché de noir au vu et au su
tains avaient quitté la brousse
se faire attendre, Badadong
de tous. A la seule vision des
très tôt et avaient marché de
Didongué finissait par les ho-
chairs flaccides, les femmes se
* Un confetti isolé peut sembler manquer d’entrain. ** Les hyénidés sont une des rares organisations animales où les femelles dominent.
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THIERRY FAGGIANELLI mettaient alors à se tordre de
Là, quelques robustes gardes
un savoir-vivre ensemble est
rire, du moins celles dont les
du corps venaient le tirer des
une richesse renouvelable. À
lèvres n’étaient pas fendillées.
griffes d’enfants affamés qui
Donguéville, certains n’avaient
Certaines, par jeu, se voilaient
commençaient gentiment à le
même jamais connu « l’aqua
la poitrine pour en souligner le
mordre. Ils le ramenaient dare-
sin gaz ». On ne souvenait pas
galbe. Si on ne se faisait pas pipi
dare dans sa nef par l’élastique
de ce que c’était. Alors oui, il y
dessus, c’était encore pour éco-
de son shorty. Comme la foule
avait bien eu le concept d’eau,
nomiser le liquide.
énervée par ce spectacle gron-
la sensation d’eau, des histoires
La pirogue à roulettes s’arrê-
dait, les cyclistes, à qui l’on avait
sur l’eau. Mais les puits restaient
tait afin que les cyclistes qui
promis une double ration de
taris comme les mamelles
avec leur pédalier faisaient
flotte et de ragondin, se met-
pointues des vieilles allaitantes.
tourner la petite roue à aube
taient en branle et l’éloignaient
Ce qui explique qu’ici les bébés
puissent reprendre leur souffle.
dare-dare du danger. Chaque
avaient la voix rauque.
Le Monarque, sûr de lui et de
année, on échappait à un mas-
Petit ou grand, chacun finissait
l’étanchéité de son costume
sacre et les traditions étaient
par palabrer à voix basse, ce qui
nautique, se jetait alors sur la
respectées.
allait à l’encontre des traditions,
rive saturée de monde pour
Sinon, les habitants étaient as-
cela va sans dire - tout bas, bien
prendre son bain de foule an-
sez urbains. Il arrivait même
sûr -.
nuel. Après s’être roulé au
qu’ils se soufflent dessus en
Les crocodiles du cru avaient
milieu de ses sujets dans la
file indienne pour s’éventer les
l’allure de grands lézards. Ils
clameur des tambours et des
uns les autres. Mais au Burnika,
rampaient à défaut de nager. A
calebasses, après avoir batifo-
la file ne reste pas longtemps
leur voracité - crainte par tous
lé quelques minutes sur ses
indienne. Elle s’africanise. Ca
les opposants du régime - avait
flots humains à la verticale
se mettait à fourmiller en tous
succédé une apathie vicelarde.
des fesses, des visages et des
sens de façon atomique, pour
Quand un vieux mâle par-
seins des visiteurs, après s’être
tenir éveillé Dieu au cas peu
tait, dégoutté, épuisé, asséché
essoufflé de quelques brasses
probable où il les observerait au
comme un vieux cuir, le trou-
dans la foule étanche, après
microscope.
fignon plissé comme un ac-
avoir fait la planche sur de ro-
Cette pratique avait le mé-
cordéon, on disait qu’il gagnait
bustes partisans, il finissait par
rite d’occuper et de rafraîchir.
l’ « Eau-delà ».
se lasser, le distingué bougre.
Quand on manque de tout,
quoi, personne ne s’en souciait.
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L’au-delà de
Depuis quelques temps, il se
par pipeline dans les pays in-
« vélu » ou en car. L’imaginaire
disait qu’une usine israélienne
dustriels pour que des spécula-
collectif
avait mis au point la fabrication
teurs apaisent leur angoisse de
champ lexical s’asséchait aussi.
d’eau synthétique. C’était une
profits faméliques. L’eau n’était
Mais les populations restaient
substance hydraulique pulvé-
plus une ressource « naturelle ».
confiantes. De temps à autre,
risée que l’on pouvait mélan-
Lorsqu’on chasse le naturel,
entre deux réjouissances, les vil-
ger à de la farine, des larmes,
il revient au galop, lui. Pas la
lageois s’extirpaient de l’ombre
voir à de l’urine. Ce « liquide »
flotte. C’était devenu un bien,
noire et s’agglutinaient par di-
ne coulait pas vraiment, ne se
un consommable comme les
zaines sous les pistes écrasées
renversait pas, ne vous arro-
autres. Ceux qui l’exploitaient
d’un soleil omnipotent.
sait pas. Il ne désaltérait pas
pouvaient la boire et la vendre
Là,
non plus. Il restait semi solide.
en bouteille, en douche ou en
grappes de couleurs joyeuses
C’était inscrit en hébreu sur la
toilette, voir en bain de pieds.
répandant les arcs-en-ciel de
bouteille. On ne pouvait même
Subséquemment,
chaque
leurs magnifiques parapluies,
pas prétendre que ça mouillait.
goutte qui restait était nu-
les ouvrant et les fermant au
Si c’était de l’eau, elle n’était pas
mérotée. Ou presque. Ce qui
rythme des tambours, irradiant
bonne, à peine potable. Vous
n’empêchait pa que les nappes
les caméras des drones qui les
pouviez garder une goutte de
phréatiques soient surveillées
filmaient 24 heures sur 24 de
ce truc sur la langue toute la
comme des banques et que
milliers de fragments humains
journée, la faire rouler le long de
l’argent liquide n’ait plus cours.
scintillants, de regards mouillés
votre palais, la mâcher comme
Dans les écoles et les minis-
et de sourires de nacre que l’on
du bétel. Elle avait un goût mé-
tères, on avait aussi fini par en-
diffusait en boucle en Europe,
tallique.
lever le O de l’alphabet pour
en hiver, aux interludes.
L’H2O officielle était depuis
éviter de faire saliver le peuple
longtemps privatisée. Réservée
inutilement.
aux visiteurs et à l’élite du pays,
Ce qui provoquait des effets
cela va sans dire, même dans
rigolos en cascade : on allait
la tradition orale. De gros trust
voir le « dacteur », on mangeait
liquides Neslo, Glouglou, Vitalia
du « maniac », on ne poussait
avaient purement détourné les
plus d’onomatopées mais des
cours et les faisaient transiter
cris. On ne se déplaçait qu’en
93
ils
s’appauvrissait,
se
répandaient
THIERRY FAGGIANELLI Juillet 2021.
le
en
63 LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES 3e TRIMESTRE 2021 - EAU