COLETTE LE VAILLANT
J’AI TRÈS TÔT DÛ APPRENDRE À GAGNER MA CRÊPE
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Le 4 pluviôse notre belle contrée perdait les eaux, Je naissais à 5 farzeurs du matin, entre chien et Ankou. Nous étions à Plougoulzenecprat-lanvéourn. Quelques marées plus tard, dans une averse de cidre, Je fus baptisée fille des flots et des mots, Sous le regard perplexe des saucisses de Molène. Descendante de la branche des Hortensia par ma Mer Et de la famille des Bombarde par ma Terre, Ma fière allure faisait pâlir les hermines. Mon ascendance souffrant d’hypo-sarrazinie, avec une luxation congénitale de la galette, Très tôt, j’ai dû apprendre à gagner ma crêpe. Comme mon aïeule, j’ai cultivé le chou-chêne, Résistante aux tempêtes et aux embruns. Mais cela me rendait plus trist’-k’elle. Un jour où je jouais à saute-menhir avec les Korrigans, J’ai trouvé des aiguilles à tricoter les fables. Mon destin se dessinait : Je serai Malice au pays des corneilles, Conteuse d’histoires au beurre salée ! Je ferai pleurer des larmes de lambig dans les chaumières Et rêver les lutins échoués sur le granit.
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