INVESTISSEMENTS RESPONSABLES ET GOUVERNANCE
L’APRÈS-COVID-19 :
LA NOUVELLE ÈRE DE L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE EN IMMOBILIER DURABLE Andrée De Serres Experte invitée
Comment la crise de la COVID-19 marquera-t-elle l’investissement responsable en immobilier ? Plusieurs éléments laissent présager une nouvelle ère d’investissement durable, intelligent et résilient, dont on peut suivre et mesurer les impacts, positifs ou négatifs, générés sur les humains, la société, l’environnement, l’économie et la nature. LE VÉRITABLE BÂTIMENT DURABLE La pandémie a pour conséquence d’accélérer la mise en œuvre de multiples innovations tech nologiques, numériques et managériales en bâtiment durable. Préexistante à la crise et considérée comme un moyen de lutter contre les changements climatiques, leur implantation a été retardée par le manque d’enthousiasme de plusieurs intervenants du secteur immobilier par rapport au changement. Ils étaient encore nombreux au début de la crise de la COVID à se demander pourquoi et comment faire du bâtiment durable, tout en se questionnant sur les coûts qui y sont associés et sur les modèles d’affaires efficaces pour en capter la valeur. S’ils n’ont pas été convaincus de l’urgence de lutter contre les changements climatiques, ils sont maintenant obligés dans l’urgence de réagir à la COVID-19.
Andrée De Serres, Ph. D., titulaire, Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier, et directrice, Observatoire et centre de valorisation des innovations en immobilier (OCVI2), ESG UQAM
Le bâtiment durable est un concept largement reconnu dans la littérature scientifique comme dans la pratique pour ses bonnes performances en gestion écoénergétique et environnemen tale, en gestion des eaux et des déchets, ainsi qu’en gestion de la sécurité, de la santé, du confort et du bien-être de ses occupants ; il doit en outre offrir une bonne performance sur le plan de la mobilité, des espaces verts et de l’approvisionnement, ainsi que des services multiples. Un bâtiment durable devrait être doté de systèmes intelligents permettant de surveiller sa performance de façon continue. Il est en somme plus résilient que des immeubles comparables qui ne sont pas dotés des mêmes caractéristiques. Un bâtiment véritablement durable ne l’est pas uniquement à son ouverture. Il doit pouvoir être adapté, rénové et transformé pour le demeurer tout au long de son cycle de vie et continuer à
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IMMOBILIER COMMERCIAL : : AOÛT – SEPTEMBRE 2020
être utilisé pour des usages variés. Pendant la longue phase d’exploitation, ses gestionnaires devraient être outillés pour assurer le maintien de sa bonne performance et de sa santé. Ils gèrent du même coup les risques menaçant la continuité des services et les flux des coûts et des revenus, élément qui devrait plaire aux investisseurs, aux financiers et aux assureurs, ainsi qu’au voisinage et à l’administration de la ville. LE BÂTIMENT DURABLE PROPULSÉ PAR LA PANDÉMIE ? Le confinement a obligé la cessation presque complète des activités dans tous les immeubles commerciaux et les tours de bureaux, durables ou non. Cependant, le déconfinement et le retour progressif au travail ont procuré l’occa sion d’apprécier les avantages qu’offrent aux locataires les bâtiments durables. Les proprié taires de condominiums et les locataires d’immeubles multirésidentiels devraient aussi les apprécier. La COVID-19 servirait-elle ainsi de brusque réveil et produirait-elle l’effet de propulser la mise à niveau et le développement accéléré du bâtiment durable ? Elle en fait effectivement ressortir sa meilleure résilience en permettant d’assurer le fonctionnement de l’immeuble et l’occupation de ses espaces de façon sécuritaire par les locataires et les usagers, et ceux-ci savent l’apprécier. Pour demeurer concurrentiels dans l’aprèsCOVID, les acteurs de l’immobilier récalcitrants au bâtiment durable devront maintenant bouleverser leur modèle d’affaires afin de répondre aux nouvelles attentes des clients et des usagers des immeubles de même qu’à celles des régulateurs qui devraient se montrer plus