explorer les limites de la mĂŠtropole grenobloise
explorer les limites de la mĂŠtropole grenobloise
Master Design Urbain, Promotion 2015-2016 Institut d’Urbanisme de Grenoble Sept-Oct 2015
Préambule
La métropole est sans doute ce terme à la mode, qui entre tous, fait et défait les projets d’urbanisme contemporains. Cette notion clé n’en n’est pas moins galvaudée. Trop peu souvent interrogée, la métropole est une réalité difficile à cerner que l’on confond couramment avec les outils de sa propre fabrique. En guise d’exercice inaugural nous avons invité les étudiants du master Design Urbain à confronter ce concept théorico-pratique à la réalité de l’agglomération grenobloise. Un seul mot d’ordre pour cette première semaine de travail : partir explorer les limites de la métropole. Le rendu est libre. Chaque équipe, composée de deux à trois étudiants, suit alors une direction géographique bien précise et chacun va le plus loin possible en ce sens. Certes c’est une découverte du lieu des études mais c’est surtout une quête inédite de sens. Qualifier les limites, géographiques comme institutionnelles, poreuses et imperméables, réelles ou fictives, c’est spécifier la substance de la métropole. Sans apporter de réponses dogmatiques ni totalisantes, ces explorations, ici retranscrites en un recueil, proposent différentes lectures de cette métropole intrigante.
Jennifer Buyck, Naïm Aït Sidhoum 15 octobre 2015
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En direction de la chartreuse Itinérance
L’exploration des limites a commencé au niveau du centre-ville, dans un lieu très important pour Grenoble, à savoir la Bastille, repère historique. Pour y arriver, il est possible de prendre le téléphérique, surnommé les « bulles » ou les « œufs » pour la forme des cabines. Vous ne pouvez pas manquer de voir l’une des deux principales rivières de Grenoble, à savoir l’Isère, dont les quais sur la rive gauche, sont utilisés pour le passage des voitures. Une véritable polémique si vous pensez qu’un élément naturel si précieux pourrait être mieux utilisé et rendu aux habitants. Par exemple, sur certaines parties des berges, des petites plages pourraient devenir des points de loisir pour la population, notamment les jeunes. En remontant vers la Bastille, vous remarquez immédiatement la présence de deux bâtiments imposants, sous la forme de barres qui. Ils créent une coupure entre le centre ville, en bas, et la Bastille, en haut. Le paysage est particulièrement segmenté, d’autant plus que ces bâtiments sont abandonnés. Arrivé au niveau de la Bastille, il est possible d’observer les différentes couches de la métropole gre- nobloise : la ville historique, compacte et dense, recou- verte de toits rouges en opposition avec les développe- ments ultérieurs, plus espacés et dominés par la couleur grise. En descendant les marches de la Bastille, vous arrivez à la «Porte de France», l’entrée du quartier de « l’Esplanade ». Il est intéressant de voir, dans un lieu si central, à quel point l’état d’abandon et de négligence des bâtiments est élevé, comparé à la qualité de ceux situés en amont. De plus, cette entrée est composée de grands parkings et d’espaces vides. On ne peut s’empê- cher de penser au potentiel de cette zone. Chez « Angelo », figure historique du quar- tier et patron d’un bar italien, on vous explique que des projets ont existés sur cette zone mais ont ensuite étés abandonnés. La zone est tombée en désuétude car personne ne voulait investir d’argent dans un quartier qui risquait d’être totalement reconfiguré. Le bâti s’est dégradé et les locaux ne demandent plus qu’une chose : des parkings payants et la construction de nouvelles habitations. La méfiance est importante contre la municipalité, quel que soit sa couleur politique car la concertation leur paraît inutile et jamais respectée.
En route vers le nord en longeant l’Isère, vous arrivez à Saint-Martin-le Vinoux, dans un quartier ré- cent, celui de « l’Hôtel de Ville » qui est plus éloigné du centre. On observe majoritairement des locaux com- merciaux et maisons invendus ou inoccupés, probable- ment du à leurs constructions récentes ou peut-être à un manque d’équipements (défauts, peu de services comme des boulangeries, pharmacies, épiceries, ou autres commerces, etc.). Seuls une agence immobilière et un magasin de vélos persistent ; nettement insuffisant pour attirer la foule. De là, vous commencez à monter sur les flancs de la montagne. Vous arrivez alors dans un petit village typiquement français, où vous pouvez voir son Eglise, son école et son monument aux morts sur la place. A première vue, il ressemble à un village calme mais vivant et dont l’espace public est agréable. Des enfants jouent sur la place à la fin de leur journée d’école (figure1). Cependant, en traversant la place de l’Église, vous trouverez un environnement différent, plus sombre, plus froid : cette rue ne semble pas habitée. D’ailleurs, vous pouvez y voir un bar abandonné et dégradé (figure2). Ces contrastes importants entre des espaces vécus et abandonnés, font ressortir une autre limite de la métropole : fragmentée, discontinue. Il existe un manque évident de politiques et de projets pour réaménager ces zones délaissées. En prenant le bus pour monter dans le massif de la Chartreuse, vous arrivez au Col de Clémencières. Vous êtes ici dans la campagne de la métropole grenobloise : entourés par les montagnes, les zones cultivées et les forêts épaisses. Il est très intéressant de noter qu’ici, contrairement au bas plus urbanisé, il n’y a pas ou peu de bâtiments abandonnés. Les différentes exploitations agricoles représentent l’activité économique et les maisons individuelles témoignent d’une fonction résidentielle. La cohabitation de ces deux fonctions pose quelques interrogations. On retrouve ici deux styles différents, deux approches opposées du rôle que peut doit avoir l’espace environnant. L’utilisation de matériaux locaux et identitaires de la montagne permettent de mieux intégrer les vieilles maisons et fermes
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sont parfaitement intégrées dans le territoire et le paysage, en utilisant des matériaux de construction locaux. De l’autre côté, les maisons individuelles plus récentes ont recours à des matériaux plus contemporains, contrastant énormément avec le côté naturel des alentours. En redescendant plus bas en direction du hameau « Narbonne », vous verrez un ancien lavoir, faisant face à une maison d’architecte aux formes cubiques et au blanc immaculé : une nouvelle rupture dans cette métropole.
En continuant votre descente, on vous interpellera peut-être pour vous demander pourquoi vous prenez des photos : votre présence semble déranger le calme de cette montagne dont on ne sait plus trop quoi penser. Vous verrez donc peut-être les mêmes limites que nous et certainement d’autres encore. Nous ne les avons cependant pas pré-identifiées mais seulement constatées après un «plongeon» en territoire inconnu.
Benjamin Palle Luca Sciuto Lucie Lebaron
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Le torrent de Gamond La frontière naturelle de la métropole
Arrivés au pont qui relie les communes de Meylan et Montbonnot, nous découvrons le lit asséché du torrent de gamond, limite naturelle qui marque la séparation entre les deux communes. En cherchant à nous en approcher par le biais d’un chemin de campagne, nous découvrons un passage permettant d’ accéder aisément au cœur de la voie tracée à la force de l’ eau. Celle ci dessinait un sillon qui nous invitait à suivre le chemin du Gamond jusqu’ à sa source si la nature le permettait, dans le but de saisir les qualités de cette limite hors du temps. Hors du temps car en quelques mètres de descente le changement d’ ambiance avait été radical : le silence qui régnait dans ce lieu, l’ aspect sauvage de cette empreinte façonnée par l’ eau ainsi que la végétation luxuriante nous donnait l’ impression d’ être en pleine montagne. Les arbres quand à eux, nous dérobaient à la vue des riverains nous offrant l’ exclusivité du lieu. Au sol, on pouvait distinguer de gros blocs de pierre disposés ça et là, témoins de la force avec laquelle l’ eau pouvait parfois s’ engouffrer dans ce passage ; plus loin nous arrivions sur des zones boueuses, nous rappelant que l’ eau était encore présente il y a peu. La mise à distance des habitations situées sur les parcelles au bord du cours d’ eau traduisaient ce rapport que les habitants entretenaient avec cet élément : il semblait plus perçu comme un danger que reconnu pour ses qualités paysagères. Nous commençons alors à imaginer le torrent en activité. Son origine proviendrait des belles journées printanières. Il serait le descendant des montagnes enneigées du massif de la Chartreuse. Au gré des saisons, sa vie se renouvellerait invariablement. Parfois lorsque l’orage éclate, il nous reviendrait furieux comme si après un paisible sommeil il se réveillait en sursaut. Généralement les pluies d’orages donnent lieu aux crues les plus terribles. L’action instantanée de ces pluies épaisses tomberaient à la manière des trombes charriant ainsi une multitude de déchets liés à l’ activité humaine, de branchages, de feuilles, de sable et de sédiments ou encore de rochers qui dévaleraient la montagne emportés par un courant puissant. François Garric Raphaël Bacetti Maël Trémaudan
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Marche vers l’ inconnu De l’urbain au rural
Nous sommes sorties de l’avenue Marie Reynoard pour emprunter l’allée menant à la Cité Arlequin. Sa façade multicolore qui porte son nom, nous regarde avec éloquence à l’idée de ses anciens jours de Gloire. Coupée en son centre, le numéro 50 a disparu et laisse une plaie béante dans cet immense ouvrage contemporain. Les jours passants, la morphologie de la cité ne semble plus au goût du jour. Pourtant, après avoir traversé ses allées piétonnes, un calme paisible nous inonde ; c’est la vue d’un parc verdoyant où nature et rire d’enfant se marie allègrement. Nous pénétrons dans une allée de bouleaux frêles, retenant une fraicheur divine. S’y abrite quelques moineaux, corbeaux et autres bêtes curieuses. Nous suivons le sentier en oubliant notre environnement mais soudain, au fond de cette allée féérique, le goudron reprend ses droits. Nous traversons une piste cyclable, deux voies automobiles qui nous fit tourner la tête de gauche à droite à plusieurs reprises : serait-ce notre instinct nous demandant de faire demi-tour d’un geste effréné ou juste un geste quotidien pour ne pas se faire heurter, là, comme une mouche en plein vol ? Il est vrai qu’après des barres d’immeubles imposantes nous arrivons sur un quartier de maisons individuelles où rien ne se passe. Plus de rire d’enfants. Mais un chien derrière un portail nous accueille de son aboiement tonitruant. La traversée de ses maisons pavillonnaires à l’entretien plutôt hasardeux pour seul trait de caractère, ne fut pas toute simple, l’Est parmi ces dédales se perdait à lui seul. C’est alors que nous sommes arrivées sur une grande étendue d’herbe fraichement coupée, où quelques immeubles longilignes faisaient face à la beauté majestueuse des massifs environnants. La courbe généreuse de ces reliefs offrait un paysage qui semblait inhabité. Sa vue nous laissa sans voix et nous avons décidé de continuer dans cette direction, voulant voir ce que cachait cette barrière naturelle. Nous dûmes traverser des jardins clos, souvent barricadés semblant vouloir cacher une richesse inestimable, une intimité durement gagnée dans un univers urbain au rythme effréné. Ici le temps ralenti, la curiosité nous pousse à regarder audelà de ces tables et planches protectrices. Les plants de tomates, de tournesols prennent place dans ces potagers
aménagés avec soin, certains possèdent un abri avec une terrasse digne d’un jardin de maison. Le bruit des voitures au loin s’introduit au fond de ce tableau fertile. Nous avons décidés de continuer et de nous rapprocher de ce bruit familier. Arrivées, nous sommes rentrées dans une atmosphère oppressante, agressive, où la place du piéton n’a comme jamais été une suggestion. Les automobilistes roulaient sans interrompre ce manège incessant. Nous étions là, au bord de la route que nous venions de traverser. La vue de ces voitures où se camoufler bien souvent un seul et unique passager, nous mis dans la place du spectateur, totalement impuissant face à cette scène. Les nombreuses rangées de voies une fois traversées, nous sommes arrivées très vite à l’entrée du village de St-Martin-d’Hères. Celui-ci semblait être composé que d’une dizaine de rues étroites et silencieuses, comme si ce hameau s’était fait surprendre par la poussée urbaine de Grenoble, le laissant là, coincé face au mur du relief. Mais notre but premier était de gravir l’espace naturel s’offrant à nous, ne résistant pas à parcourir le sentier de la colline du Murier. Des éléments assimilés à l’urbain comme des tags sur un banc en bois, des déchets cachés de part et d’autre comme lors d’une chasse au trésor, mais aussi un pont surplombant une cascade ou encore des marches. C’était le royaume du piéton. Après un passage plutôt étroit et abrupte, entre une immense propriété privée sur notre gauche où barbelés, grillages et pentes glissantes cohabitaient, et où sur notre droite des arbres vertigineux semblaient être attirés par la gravité. Nous avons atterries sur une route non aménagée aux piétons, où les rares automobilistes nous faisaient vivre une rediffusion de course de rallye. Arrivées dans le hameau du Murier après avoir marché le long de quelques maisons plus ou moins récentes, le calme nous interpela. Des petites ruelles s’enchevêtraient sur plusieurs niveaux. Nous avons découverts un mode de vie tout à fait différent à ce moment-là, comme la vue d’effets personnels laissés à la portée de tous, une propreté des voies et un silence absolu en pleine après-midi. Nous avons été décidées d’aller voir le Fort du hameau, pensant qu’il serait ouvert au public. Une fois devant l’entrée,
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l’immense porte en bois était fermée, visiblement habitée. Un panneau sur celle-ci indiqué qu’un projet aurait du avoir lieu afin de transformer ce monument en espace culturel communal. Ces mots étaient dissimulés par un scotch opaque, mettant ce projet dans l’ombre. La succession d’ambiances déjà ressenties tout au long de l’itinéraire nous invita à poursuivre notre route. Arrivées depuis le bois d’Uriage, le bruit des automobiles venant de la vallée nous fît revenir plus vite que prévu dans l’ambiance urbaine. La vue d’un casino flambant neuf, de thermes, de banques et d’espaces verts très bien
entretenus confirma notre ressenti et nous transposa dans le film Les Visiteurs. Nous étions passées par plusieurs ambiances il était vrai, mais nous avions croisés que très peu de d’amis piétons avant ce lieu. Une certaine effervescence était présente ici, beaucoup d’établissements hôteliers, de ventes de produits du terroir vendaient l’éloge d’un lieu unique et pittoresque, où les différences avec la grande Grenoble étaient assumées. Clémence Letulle Clémentine Terrier
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Un bus à l’appel La sociabilité aux limites de la métropole
En quête de limites, au sud-est de la métropole, nous choisissons d’arpenter cette direction au moyen des transports en communs. Notre but : Aller le plus loin possible. Destination «Herbeys Le Bourg », terminus du bus N°67. Tram A, C5, C4 ... 15h45 : Arrivés à Eybens arrêt Le Verderet. 15h51 : le C4 dépose des passagers à notre arrêt. 16h01 : un autre passe. Il pleut, nous sortons les parapluies 16h11 : Encore le C4. 16h22 : Notre 67 n’est pas là. 16h28 : « Vous attendez depuis longtemps ? Vous voulez aller à Herbeys ? » «Oui, on essaye d’avoir celui de 16h22 » « Ah, pour avoir ce bus il faut réserver au moins une heure à l’avance. Regardez, il y a un petit téléphone pour cet horaire. Je peux vous emmener si voulez, mais je ne pourrais pas vous ramener. Et après, je pense qu’il n’y a pas de bus pour revenir ici. C’est justement pour ça que je suis venue. Pour voir les horaires pour mes enfants. Savoir s’ils pourront remonter ou si je vais devoir venir les chercher ici ». « Ah d’accord, merci. On saura pour la prochaine fois » « Ah bah la voilà notre limite » « Ou au moins une ! » « On est bloqué, au Verderet » « Impossible de continuer » Le lendemain... Notre voyage commence par un coup de téléphone... Pour réserver notre bus, nous appelons : « Bonjour et Bienvenue sur le réseau TAG ». « Allô TAG Bonjour » « Bonjour, j’aimerai réserver un bus pour aller à Herbeys,c’est le busn°67» «c’est la 1ère fois ? » «Oui », « Ah, alors il faut créer une fiche adhérent en premier; autrement on ne va pas pouvoir faire la réservation. Vous voulez réserver pour quand, pour aujourd’hui ? ». « Oui, à 16h15, direction Herbeys le Bourg, le bus n°67 », « Ah, oui, 16h15 il est à la réservation ». « Je vais vous créer une fiche, j’ai besoin de vos coordonnées. C’est au nom de madame ou mademoiselle ? » « Mademoiselle », « Je vais prendre votre nom », « Lamothe », « ça s’attache tout ou pas ? », « Oui, L.A.M.O.T.H.E », « D’accord, votre prénom ? », «Elodie », « Votre date de naissance ? », « 13, Janvier 88
», « Voilà... Votre adresse ? », « 21 Rue Charrel », « Charrel, vous l’écrivez comment ? », « C.H.A.R.R.E.L », « Le code postal ? », « 38000 Grenoble », « Votre numéro de Téléphone ? », « 06.24.76.15.04», « Vous avez un mail ? », « Euh, oui : elodie.l.lamothe@hotmail. fr ». « Alors ; là je vais avoir un code, je vous le donne ou pas ? », « Oui, pourquoi pas », « un code et un numéro confidentiel qui vous servent si vous voulez réserver sur d’autres lignes Flexo « Oui, je veux bien », « Alors, le code... Vous avez de quoi noter ? », «Oui», « Alors, 28800045.... Le numéro confidentiel, 0805», « D’accord ». « Voilà, donc maintenant je peux réserver. Vous m’avez dit sur la ligne 67, vous partez de Grand Place... Et on vous dépose à quel arrêt ? », « Euh, Herbeys Le Bourg », « Pour 1 personne ? », « Euh, non, 3 », « D’accord, alors, Hop... Alors ça c’est pour les statistiques... Loisir, travail, scolaire ? », « Scolaire ». « Alors, les horaires. Donc pour Aujourd’hui ? », « Oui», « Ok, donc 16h15. C’est réservé. Donc c’est tout bon pour 3 personnes ». « D’accord, merci beaucoup », « Je vous en prie, passer une bonne journée », « Merci Au Revoir ». Deux heures plus tard, à Grand place, beaucoup de questions nous viennent... Le chauffeur connaît-il ses passagers? Connaît-il nos noms et prénoms par le biais de la réservation? Discute-il avec les passagers ? À quoi ressemble Herbeys pour être si difficile d’accès? « Herbeys, c’est un coin pommé, mais c’est vraiment joli. Du coup, après le Lycée, je dois souvent attendre plusieurs heures quand je finis plus tôt ». Notre chauffeur arrive. « Bonjour! Vous avez réservé? Vous vous arrêter où? ». Il démarre et met la radio suffisamment fort pour que tout le monde puisse entendre. Il jette des coups d’œil pour voir si on apprécie les blagues diffusées sur Rire et chanson. À chaque arrêt : « Il faut réserver les enfants. Je te reconnais, toi ! Je te l’ai déjà dit hier ». « Vous êtes 5 là, moi j’ai 3 réservations. Donc y’en a forcément qui n’ont pas réservé... ». « Si il y a de la place, vous pouvez monter. Sinon, non, il faut réserver Madame ».
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Au retour : « Ya beaucoup de chevaux ici ». « Vous pouvez louer le château là. Il est en location si ça vous intéresse ». « Allez je crache le morceau, pour aller skier faut aller aux 7 Laux. C’est la station qui a été élue meilleure station par les grenoblois ». « Alexie ! Tu me croise, tu me dis plus bonjour, c’est comme ça? Avant c’était une grande histoire d’amour Toi et Moi ! Maintenant c’est fini ?», « Ah, beh tant pis je vais me marier maintenant », «Nooooon !! ... Ah si ça c’est vrai. J’ai croisé ta maman, elle est m’a dit. Par contre j’ai pas reçu de faire-part» [...] « Allez, la bise ». En s’adressant à nous : « Ouais, c’est bon, je me suis incrusté à un mariage ». « Salut ! Ça va ? », « Ça va et toi ? », « T’es où en cours maintenant ? T’as redoublé ?! » [...] « Laisse tomber ! T’as déconné... Eh au fait, vous avez réservé là ? », « Ouais ouais ». « Eh j’crois qu’il s’est trompé mon chef, il m’a dit qu’il y
avait 2 personnes là, elles sont pas là ». « Bon, faut bien travailler cette année hein ! Et tu l’as eu le brevet l’année dernière ou pas? » [...] « Mais Non, t’as pas eu le brevet? Oh tu crains! », « Vas-y mais ça me soule », « Oui, mais si t’y vas les mains dans les poches c’est pas la peine aussi ! Et toi, fait pas comme ta grande sœur hein ! Allez, salut ». « Bon je m’arrête 10 min, vous pouvez faire une pause pour fumer si vous voulez ». Arrivés à Grand Place : « La prochaine fois qu’on se voit je vous fais une interro surprise sur Grenoble »
« Aux limites de la métropole, l’ambiance est différente. Les gens se connaissent » « Impossible de passer inaperçu. On perd notre anonymat » Elodie Lamothe Justine Viot MuJong Woo
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Quand la limite devient plurielle Elaboration d’ un outil: “la machine à limites”
Première semaine de formation en master 2 Design Urbain, nous partons à la chasse aux limites du territoire de la métropole Grenobloise. Mais avant d’explorer ces limites, notre première étape, c’est de s’informer! Direction la bibliothèque pour une recherche lexicale. La notion de limite est très vague, il faut alors maîtriser le champ lexical qui s’en rapproche, qu’il s’agisse de frontière, de transition ou de barrière ... Munis d’une carte et d‘une boussole nous mettons dans un second temps cap sur le sud. Nous avons pour missions d’être attentif au moindre indice. Il peut s’agir d’une limite physique, comme une clôture, une barrière, un mur; ou d’une limite virtuelle, qu’elle soit administrative ou historique. Appareil photo en main, il faut capter ces instants à la rencontre des limites. Notre première halte se situe dans un beau quartier résidentiel. Nous pensons spontanément qu’il peut être agréable de vivre dans des lieux comme celui-ci. Mais cette idée est promptement freiné par le coût réel de ce quartier. Ainsi le budget peut enrayé nos espérances, nos ressources déterminent notre cadre de vie. On pense alors aux espèces d’arbres que l’on observe à travers les vitres de notre Ford qui se développent dans des lieux propices à leur croissance. Un arbre a donc besoin d’un certain nombre de critères pour son développement. Les ressources en terre, eau et ensoleillement déterminent l’espace dans lequel celui-ci pourra y vivre. Nous déterminons notre lieu d’espace de vie en fonction des services dont nous avons besoin. Le service continu de prestation semble être primordial au quotidien. On peut alors penser qu’il est assez ordinaire de pouvoir s’arrêter dans un village pour se restaurer, pourtant la réalité est bien différente. En effet lors de notre halte déjeuner, aucun service n’est ouvert. Notre ventre crie famine et nulle prestation ne peut satisfaire notre besoin. On peut dans cette même lancée penser aux services administratifs que l’on peut nous offrir dans les proches communes de Grenoble. Lors de notre exploration des limites nous rencontrons une mairie, sur sa façade est inscrit : « mairie de seconde division », on s’interroge alors sur la place de la commune au sein de la métropole, elle n’en fait donc partie que dans un second temps.
Nous poursuivons notre exploration de limites avec une escale près d’un barrage. Nous nous approchons de la vue. Une sensation de grandeur s’offre à nous, c’est le grand toboggan! Le garde-corps marque la limite de sécurité. Malgré celui-ci, certain d’entre nous s’approche lentement, d’un pas hésitant alors que d’autre tente de défier leur limites, et de penche par dessus de la rambarde. Nous définissons donc nos propres limites en fonction de notre vécu et de nos propres expériences. Un grain de dépaysement, sur notre chemin, nous sommes à Champagnier. Nous contemplons de grandes étendues de champs et de prairies. Un groupe de vaches laitières bien installées profitent du soleil au milieu du champs. Difficile d’interrompre leur après-midi bronzage, entourées de clôtures, nous hésitons à s’approcher. Estce réellement cette même clôture qui nous freine, ou alors est-ce le regroupement de ces vaches ? Nous vivons dans une collectivité qui crée ses habitudes sociales. Ces habitudes constituent parfois une limite. En descendant de Champagnier nous arrivons sur le parc de la Frange verte, nous observons une partie de pétanque qui s’improvise en plein milieu de l’espace ensablé. Oserons-nous franchir ce lieu, ou devonsnous attendre la fin de la partie ? Il n’y a personne qui contrôle autoritairement nos actions. Pourtant, nous créons une limite selon nos pratiques habituelles. C’est la limite sociale que nous nous engageons. Si nous nous empêchons de traverser un jeu engagé de pétanque, c’est qu’une limite sociale est installée entre nous et les joueurs. Pour respecter un bien-être de société, nous fixons nous-même des limites induites par des règles intuitives communes à une société. Lors de notre traversée, nous avons rencontré un autre type de code de vie commun, cette fois-ci dans un cadre légal, celui du code de la route. La route est droite, dégagée, et recouverte par une canopée dense d’arbres. Un tunnel végétal s’offre à nous et une seule envie, celle d’engager l’allure pour profiter de cette axe libre. La journée fut longue, beaucoup de données ont été récoltées, nous aimerions rejoindre au plus vite Échirolles. Pourtant nous ne pouvons pas. Plusieurs panneaux de signalisation nous rappelle à l’ordre et contraignent notre vitesse.
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Conduire est un domaine où les limites sont nombreuses et se succèdent rapidement. Panneaux de signalisation, feux, passages, dos d’âne, ces limites doivent être respecter, mais laissent la possibilité d’être enfreintes. Allons-nous outrepassé cette règle pour agir selon notre propre volonté ? Cependant quand la limite routière se matérialise par une barrière, nous n’avons d’autre choix que d’abandonner la voiture. Cette limite filtre les modes de transport et surtout le type de visiteurs. Le barrage est un lieu dangereux, où une chute serait fatale. Le portail peut-être ouvert par une personne véhiculée autorisée, et donc avertie par les dangers qu’il encoure. Après une lecture des panneaux de sécurité, les visiteurs continuent leurs balades à pied. La limite du barrage fut clair, un visiteur en voiture ne peut accéder au site, par contre l’espace du barrage étant public, le piéton est invité à le découvrir en toutes connaissances des risques qu’il prend. Dans le domaine public, limites physiques et mentales sont reconnues ou perceptibles. Mais sontelles toutes aussi clairement définies ? Arrivée devant la centrale électrique, nous avons garé sur le domaine public la Ford. À quelques mètres de là
se trouve les barrières de l’entreprise. Après quelques clichés des environs, nous nous faisons assaillir par les remontrances plus ou moins violentes d’une personne de la sécurité. Où s’arrêtent les limites de cette entreprise ? Si les images ne peuvent-être prises, notre présence est pourtant autorisé par delà les barrières. Pourquoi cet homme veut-il appelé les autorités pour une question de limite qui dépasse le cadre même de son emploi ? Au fil de la journée, nous nous sommes laissés emporter par notre intuition en réalisant des clichés de ce qui nous ressentions comme limite. Tisser des liens entre elles a pu être à la fois pragmatique (deux limites communales invisibles par exemple) mais aussi surprenant. Intuitivement, il nous semblait “juste” de rattacher la limite des escaliers insurmontables pour un PMR avec l’impossibilité pour nos pieds dénudés de fouler un sol trop rocailleux. Nous avons eu la volonté d’ouvrir le champs des possibles en éclatant certains raisonnements préconçus que nous avions sur les limites. Mais tout peut-il être limite, les coquilles d’huître rencontrées en alpage nous interrogent. Sont- elles devenues une limite; la limite de l’entendement, ou simplement une limite de notre travail ? Charlotte Menge Mina Kheloufi Jeon-Hoon Kim
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Quelle source pour la métropole? La petite cascade
Afin d’explorer les limites de la métropole nous avons été orientées dans la direction sud ouest. Sur un plan on a tracé notre direction, au plus près de la limite un chemin semble s’arrêter brutalement. Il a attiré notre attention, on l’a marqué d’un point noir et nous sommes parties rejoindre le bout de ce chemin. À la sortie de l’Institut, direction sud ouest, une montagne : notre point de repère, notre but. Après deux heures de marche, nous avons franchi le Drac pour monter sur les coteaux. Le village de Claix, posé sur une pente, s’accroupissant autour de son ancien beffroi, était déjà plus doux, plus lent, plus vert. On grimpait la rue du Château vers un petit point noir, le bout du chemin. Banlieue des heureux avec piscine, petit garage et terrasse, murs blancs Tati et grand portail en métal. L’apex de la propriété privée, le confort consommateur, l’automobiliste qui utilise parfois les transports en commun, histoire de faire un geste écolo. Ceci, aussi, fait partie de la métropole malgré son hésitation à s’y identifier. On nous confie: Claix, ça ne fait pas partie de la métropole. On est à l’écart. Sur la montée du chemin de Jayères au bout nous voyons une cascade au milieu du bois. En fait, nous l’entendons plus que l’on ne la voit. On reste suspendues un instant dans l’écoute d’un bruit qui résonne, même de loin. Estce un cours d’eau et d’où provient-il? Un chemin part de chaque côté mais rien face à la cascade. Devant, un champ clôturé qui borde une forêt. Nous allons à gauche sur le chemin qui figure sur notre carte. Entre deux pistes de randonnée, on commence à grimper. Le bruit de la cascade s’intensifie, la route rétrécit et s’entortille. La forêt est dense et trempée. Arrivées bien au dessus on se retrouve à un carrefour. Est-ce un chemin de randonnée qui monte vers la source ? On n’est plus toutes seules. Une femme avec un chien nous indique la direction, mais elle précise que l’on n’est plus en métropole. Elle nous dit: Quand je viens dans les bois je ne me sens plus du tout dans la métropole. C’est plutôt dans le village de Claix. Les formules de politesse et puis on monte le chemin à la recherche d’un nouveau point noir, d’un arrêt, d’une source. On tourne et on cherche un début-fin en soi. On arrive à des barbelés, un panneau, “Propriété privée, troupeau parqué, défense d’ entrer.”
Il n’y a pas de troupeau, mais une petite colline qui cache une vue superbe des valvules bétonnées du cœur de la métropole. Une sensation de domination?: La métropole, c’est pratique, on peut y envoyer nos déchets, l’accès à la déchetterie, pour les leçons de musique et d’autres services... La source de cette cascade reste toujours inconnue. Des rondelles de bois montent en escalier à gauche du pré. La lumière éclatante d’une clairière nous tente au sommet, mais une pause révèle un poteau en bois avec un papillon jaune sur fond blanc, une date écrite sur le fond en feutre noir : 2-9-2015 : on nous révélera par la suite un lieu de géocaching. En haut de l’escalier le soleil rebondit sur les murs de maisons blanches et campagnardes de Savoyères. On continue à monter dans ce quartier mi-résidentiel, mi-fermier, possédant une vue surprenante de la ville, mais que l’on observe à travers les murs de forêt qui isolent ces jardins privés. Une voiture passe. Nous nous retrouvons entre le bois et un champ de chèvres. Elles chevrotent d’abord mais finissent par s’habituer. Un peu plus loin on est face à une fourche. Suivant encore un chemin de randonnée on descend brusquement sur un terrain rocailleux pour arriver dans un endroit sauvage. A gauche, une maison en ruines, à droite un chemin qui nous ramène par une autre route dans le centre de Savoyères. Nous avons fermé cette boucle sans trouver de limite autre que la route même, et sans trouver la source de cette cascade. En ce qui concerne les limites, celle-ci est fluide. Elle sort de la terre de la montagne, descend la côte jusqu’au village et s’écoule jusqu’au Drac. La montagne transpire et des ruisseaux franchissent la barrière de la terre pour être encadrés par la pente. La petite cascade de la Robine les fait resurgir et couler jusqu’au cœur de la métropole.
Lauriane Bererd Lindsey Wainwright
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Le tremplin olympique Plongeon dans la métropole grenobloise
« Explorer les limites de la métropole grenobloise » tel est notre challenge de cette semaine de rentrée. Chargées de la direction plein Ouest, chemin le plus court mais non le plus aisé, notre voyage vers le plateau du massif du Vercors est saccadé par les fractures internes de l’agglomération. Deux heures, trois changements de bus et un changement de tarification aux portes de la métropole suffisent à nous convaincre de troquer les transports en commun contre la voiture. Ces expérimentations du territoire à travers divers modes de déplacement nous permettent alors de nombreuses découvertes. Des équipements de loisirs, des vestiges de l’Histoire, des points de vue insoupçonnés sur la ville et un espace insolite, aux frontières de la métropole, sur la commune de Saint-Nizier-du-Moucherotte : l’espace tremplin. « J’ai l’impression de plonger vers Grenoble, plus bas dans la vallée » affirmait le sauteur allemand Max Bolkart. Le tremplin, ancienne propriété de la ville de Grenoble, a fait la gloire de l’agglomération et du village de Saint- Nizier-du-Moucherotte lors des Jeux Olympiques de 1968. Pendant quelques années, il a été un lieu privilégié pour les touristes comme pour les Grenoblois. Après avoir découvert l’histoire du village et visionné un film sur sa gloire passée, il était temps de connaître la triste destinée du tremplin olympique. La tour des juges, le panneau d’affichage des scores, les gradins et le tremplin lui-même semblent avoir été pétrifiés suite à la fin des Jeux Olympiques. Subjuguées par l’imposante structure, nous en oublions presque de regarder derrière nous le panorama offert sur la métropole. Aujourd’hui, un vent de nostalgie souffle sur les vestiges du site et sur la commune. « Le tremplin possède une âme. Quand on va là-bas, on a l’impression d’entendre les cris des spectateurs, l’impression d’y être, d’entendre encore les gens scander » nous confie la responsable de l’office du tourisme. Après avoir accueilli la jet-set et les Jeux Olympiques, le village de Saint-Nizier-duMoucherotte semble être devenu une ville-dortoir ou de passage. En effet, la commune et le site du tremplin ont été désertés depuis les années 1970. En revendant pour un franc symbolique
le tremplin à Saint-Nizier-du-Moucherotte en 1990, la métropole grenobloise s’est libérée d’un objet qui n’est pas inclus dans ses limites. Ainsi, aujourd’hui, toute reconversion semble impossible faute de moyens, même si le site reste entretenu. Entre randonnée, ski de fond et piste de luge, la commune constitue néanmoins une bulle d’air pur pour les citadins grenoblois. « Les étés de canicule, j’ai beaucoup de gens qui viennent de Grenoble pour avoir moins chaud. Les gens du Vercors ne viennent pas faire du tourisme à Saint-Nizier-duMoucherotte, ils vont à Méaudre ou Autrans. » SaintNizier-du-Moucherotte pourrait-elle, au travers du tremplin, devenir un nouveau terrain de jeu pour les sportifs grenoblois ? Ainsi, la métropole grenobloise des loisirs semble s’émanciper de ses traditionnelles limites. Suite au témoignage poignant de cette passionnée, un sentiment de tristesse nous envahit face au désarroi et à l’impuissance à pouvoir ressusciter le village. Une lueur d’espoir résonne malgré tout dans ses paroles : « la vie est un cycle d’expériences successives. » Village aujourd’hui en déclin, Saint-Nizier-du-Moucherotte attend sa nouvelle heure de gloire. Lieu de pèlerinage des nostalgiques des Jeux Olympiques, nous nous dirigeons alors vers le haut du tremplin olympique afin de pouvoir nous forger notre propre perception de ce lieu fantomatique et angoissant, avec pour seule compagnie, le souffle du vent. Après avoir défié l’interdit et effectué quelques acrobaties, nous atteignons le premier palier du tremplin. Un sentiment de fierté nous gagne d’abord face à cette exploration. Puis à la vue du panorama offert par le site, celui-ci est remplacé par un sentiment de liberté et de sérénité. À notre tour, nous avons l’impression d’effectuer un plongeon dans la métropole grenobloise, dont nous pouvons redessiner mentalement les limites depuis notre promontoire. Une série de questionnements se mettent alors à foisonner : comment un espace devenu cimetière de béton et de bois aux histoires insolites a-t-il pu être abandonné de la sorte ? La métropole a-t-elle les moyens de remédier au déclin de cet objet qui a participé à sa propre gloire ?
Mélody Benoit-Cattin Coline Brissot Morgane Gloux
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La presqu’île scientifique Un coeur secret
En partant à la recherche de la limite Nord- Ouest de la métropole, nous avons été confrontés à un obstacle de taille : la Presqu’ile technologique, consi- dérée comme un des trois cœurs de la métropole est pourtant inaccessible. A l’entrée nord-ouest de la ville du Grenoble, la Presqu’ile occupe un territoire de 250 hectares. Située entre deux rivières : le Drac et l’Isère ; deux autoroutes : A48 et A480 ; et deux massifs : la Chartreuse et le Vercors - c’est l’un des endroits les plus important et stratégique de la ville. Axe centrale à ce lieu, l’Avenue des Martyres coupe ce territoire en deux parties : - partie Sud, très sécurisée et protégée ; - partie Nord, plus libre et lieu des nouveaux projets. Depuis 2014, la trame B arrive ici en terminus. Depuis 50 ans, la ville doit sa notoriété en partie à ce pôle scientifique inspiré des pôles les plus importants du monde : Bangalore en inde, l’université de Colomba, et Silicone Valley aux Etats Unis. Il accueille plusieurs grandes entités : CEA, CNRS, Labos internationaux, écoles d’ingénieurs et divers entreprises de pointes. Depuis 2006, MINATEC s’est installée. Elle comporte un pôle européen des micros et nanos technologies, et une nouvelle école d’ingénieurs en relation avec CEA. Cette partie de la ville est restée pendant des années un site sous cloche, restant indifférent au développement de la métropole. Mais aujourd’hui, elle a pour ambition de rendre moins monofonctionnel ce territoire. Actuellement, la Presqu’ile comporte 15000 salaries pour 1000 habitants. Par le biais du projet Giant, comportant un programme de logements et de commerces, l’objectif est d’atteindre 25000 actifs, 10000 étudiants, et 10000 habitants. Ce projet lancé en 2007 dans le cadre de l’aménagement de la « ZAC presqu’ile » a vu l’architecte Claude Vasconie être chargé de l’étude par Valérie Diore, directrice de la SEM. Après son décès de ce dernier , en 2009, Cristian de Portzamparc, a pris le relai, lui qui était jusqu’alors l’architecte en chef du Quartier Esplanade, de l’autre côté de la ville. Depuis cette date, les dirigeants du CEA ont adoucit leur stratégie sécuri-
taire, en reculant notamment la clôture qui longe la rue des Martyrs pour permettre d’ouvrir l’espace au public à de nouveaux usages, et créer à terme des équipements, logements, commerces, restaurants, etc. Nous avons mené une enquête systématique auprès des établissements sur place, afin de déterminer quel type de limite ils représentaient à l’heure actuelle pour la ville. Nous avons été confrontés à différentes stratégies sécuritaires, et nous avons cherché à montrer l’ambiguïté de ce territoire par le biais d’une maquette et d’un texte. La presqu’ile nous a toujours semblée lointaine, inaccessible, barricadée, comme un coffre-fort perdu au loin dans la vallée. Nos premières tentatives de visites de sites se sont soldées par un échec telles que nous les avions imaginées : à peine l’enceinte extérieure passée, un vigile nous prie « gentiment » de faire demi-tour – nous avons donc confirmation que les touristes n’ont pas la côte en ces lieux. Puis nous tentons notre chance à l’école d’ingénieur MINATEC, et là surprise, en passant par les couloirs intérieurs, nous pouvons accéder directement à l’autre côté du portail sécurité du CEA. Ce même portail où un vigile nous avait froidement refoulés quelques minutes auparavant. Nos regards se croisent, nous nous retournons, impassibles, pour tenter de dissimuler le sourire moqueur qui ne demande qu’à se dessiner sur nos traits. Contre toute attente, le coffre-fort n’est pas si imperméable. Les services et les structures s’imbriquent, si bien que les points sécurités perdent beaucoup de leur efficacité, et à nos yeux beaucoup de leurs crédibilité. Mais si les vigiles ne nous apparaissent plus comme une montagne insurmontable, ils sont bien vite remplacés par quelque chose d’encore plus redoutable : l’administration. Qui aurait cru que le pire ennemi d’une excursion touristique au Commissariat à l’Energie Atomique revête l’habit d’une secrétaire ? Méthodique, pointilleuse et quelques peu kafkaïenne, aucun sésame n’est assez beau pour elle, et l’aventure s’arrête souvent là, devant ses bottines à talons, impeccablement cirées. Après avoir arpenté le cœur de la Presqu’Ile, il restait à découvrir sa périphérie. Aillant déjà expérimenté le tronçon d’autoroute A48
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passant au Nord, nous nous lançons dans l’exploration des berges Sud. Surprise, une piste cyclable, bien tracée et ombragée, serpente, cachée, le long de l’Isère. L’ambiance est aux travaux, entre les reconversions d’usines et le projet Giant. Puis la piste s’arrête, brusquement, laissant place à une berge au décor post-soviétique. La rive est entièrement bétonnée. En une seule opération, ils ont réussi l’exploit de bétonner, comme on dit, du sol au plafond. L’enrobé plonge à gauche dans les eaux tumultueuses, pendant qu’à ma droite se dessine plusieurs plans d’une pente abrupte. Un mur surmonte le tout, ôtant absolument toute option d’escalade. Le béton est vieux, usé, portant des impacts, et est recouvert de graffitis à moitié effacés par les crues.
La rive est courbée, régulière, et hôte rapidement toute notion de distance. En effet, ne se découvrent à notre regard que les 50 mètres qui nous précédent et les 50 mètres qui nous succèdent. La marche se poursuit. Aucun passant et aucune autre option sinon de continuer à cheminer sur ces rives, coupées de tout, accaparées par l’Isère. Vingt minutes plus tard, le quai se termine aussi abruptement qu’il avait commencé : après un virage de béton à angle droit, et après avoir croisé un vigile en uniforme vert bouteille, c’est le retour à la civilisation.
Emeric Achino Gérard Tirfroushan
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La métropole est sans doute ce terme à la mode, qui entre tous, fait et défait les projets d’urbanisme contemporains. Cette notion clé n’en n’est pas moins galvaudée. Trop peu souvent interrogée, la métropole est une réalité difficile à cerner que l’on confond couramment avec les outils de sa propre fabrique. En guise d’exercice inaugural nous avons invité les étudiants du master Design Urbain à confronter ce concept théorico-pratique à la réalité de l’agglomération grenobloise. Un seul mot d’ordre pour cette première semaine de travail : partir explorer les limites de la métropole. Le rendu est libre. Chaque équipe, composée de deux à trois étudiants, suit alors une direction géographique bien précise et chacun va le plus loin possible en ce sens. Certes c’est une découverte du lieu des études mais c’est surtout une quête inédite de sens. Qualifier les limites, géographiques comme institutionnelles, poreuses et imperméables, réelles ou fictives, c’est spécifier la substance de la métropole. Sans apporter de réponses dogmatiques ni totalisantes, ces explorations, ici retranscrites en un recueil, proposent différentes lectures de cette métropole intrigante.
Master Design Urbain, Promotion 2015-2016 Institut d’Urbanisme de Grenoble Sept-Oct 2015