Kaizen hors-série 15 : L'âge d'or : vivre mieux, en bonne santé et plus longtemps

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HORSSÉRIE

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R O ’ D ’L ÂGE

VIVRE MIEUX, EN BONNE SANTÉ ET PLUS LONGTEMPS Vers une retraite écologique et sereine.


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8 /Sommaire

SOMMAIRE

3 / ÉDITORIAL

BIEN-ÊTRE ET SANTÉ

4 / LES AUTEURS

16 / E NTRE TI E N PERLA & JEAN-LOUIS SERVAN-SCHREIBER

Elles, ils ont photographié, rédigé pour ce hors-série.

EDGAR MORIN « Je conserve un étonnement devant la vie, un émerveillement et une révolte. »

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BIBLIOGRAPHIE

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ABONNEMENT

SOMM

22 / POI NT D E V U E FAIRE DE L’ÂGE UNE ŒUVRE D’ART

8 / PRÉFACE

25 / POI NT D E V U E PRÉVENIR LES MALADIES LIÉES À L’ÂGE 28 / FI CH E PRATI QU E TROUSSE À PHARMACIE NATURELLE

30 / POI NT D E V U E ÉPIGÉNÉTIQUE : UNE SCIENCE D’AVENIR POUR MIEUX VIEILLIR 34 / PORTRAI T VÉRONIQUE DE VILLÈLE 36 / FI CH E PRATI QU E ADAPTER SA PRATIQUE SPORTIVE 38 / RE PORTAGE VIVRE ET VOYAGER AU RYTHME DU VÉLO 42 / POI NT D E V U E ZONES BLEUES, LE SECRET DES CENTENAIRES RÉVÉLÉ 46 / FI CH E PRATI QU E LA SANTÉ DANS L’ASSIETTE 48 / POI NT D E V U E « SEXYGÉNAIRES » : D’AUTRES VOIES ÉROTIQUES SONT POSSIBLES 50 / PORTRAI T CORINE MARIENNEAU KAIZEN | HORS-SÉRIE N° 15


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FAIRE ENSEMBLE

SPIRITUALITÉ

56 / ENT RE TI E N NICOLAS MENET

94 / E NTRE TI E N MARIE DE HENNEZEL

62 / RE P O R TA G E VIVRE ET VIEILLIR ENSEMBLE

100 / POI NT D E V U E LES PRIVILÈGES DE L’ÂGE

66 / F IC H E P R ATI Q U E PRÉVENIR LE BLUES DU RETRAITÉ

104 / FI CH E PRATI QU E LIRE LE MÊME LIVRE …D’UN ÂGE À L’AUTRE

68 / RE P O R TA G E TON JARDIN TU PRÊTERAS, LA RÉCOLTE VOUS PARTAGEREZ

106 / PORTRAI T FERNAND PENA

MAIRE 72 / P ORT R A I T

FRÉDI MEIGNAN

108 / RE PORTAGE UNE COOPÉRATIVE FUNÉRAIRE POUR DES ADIEUX ÉCOLOGIQUES ET NON LUCRATIFS

74 / F IC H E P R ATI Q U E INVESTIR AU PROFIT… DE LA SOLIDARITÉ

110 / RE PORTAGE SOUS LES CAVEAUX, LES FLEURS

76 / RE P O R TA G E L’OUTIL EN MAIN REDONNE DU CŒUR À L’OUVRAGE

114 / FI CH E PRATI QU E LES MULTIPLES BIENFAITS DE LA MÉDITATION SUR LE VIEILLISSEMENT

80 / P OI N T D E V U E ARRÊTER DE TRAVAILLER ? JAMAIS ! 82 / RE P O R TA G E SUR LES BANCS DE L’UNIVERSITÉ POUR TOUS 84 / P OI N T D E V U E CONSEIL DES SAGES, LES ANCIENS DONNENT LEURS AVIS À LA MUNICIPALITÉ

116 / POI NT D E V U E VOUS FAITES QUOI APRÈS LA MORT ? 122 / PORTRAI T DAVINA DELOR

87 / RE P O R TA G E DES ÉTUDIANTS HÉBERGÉS DANS DES MAISONS… DE RETRAITE ! 90 / P ORT R A I T JOËL LABBÉ L’ÂGE D’OR ! VIVRE MIEUX, EN BONNE SANTÉ ET PLUS LONGTEMPS


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8 /Préface

EDGAR

PRÉF

« Je c o n s e r v e u n é t o n n e m e n t devant la vie, un émer veillement et une révolte. »

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PRÉFACE

Edgar Morin

MORIN

FACE

À 20 ans, Edgar Morin entrait dans la Résistance. Depuis, il conserve un engagement de tous les instants. Cette vie dense l’a mené sur tous les fronts et lui a permis développer une pensée complexe. Intellectuel majeur de notre époque, il nous confie les clés de sa vitalité.

Comment gardez-vous cette jeunesse d’esprit ? Écoutez, c’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je crois que c’est elle qui me garde, et non le contraire. D’après les infos et témoignages publiés dans ce hors-série, il y aurait quatre clés nécessaires pour conserver cette vitalité : une bonne alimentation, de l’exercice physique et intellectuel et une vie sociale de qualité. Vous confirmez ? Ou avez-vous d’autres secrets ? Ce que vous énumérez sont des conditions extérieures, je dirais. Pour moi, il faut conserver dans sa vie adulte, et même vieillissante, la curiosité propre à l’enfance. Parce que l’enfant est un curieux omnivore, il s’intéresse à tout. Et après, au cours de la vie, on va le domestiquer et il va limiter ses curio-

sités à un ou quelques secteurs. Donc je garde, je crois, une curiosité infantile, peut-être parce que mon enfance a été bloquée à l’âge de 10 ans par la mort de ma mère. Je conserve aussi les aspirations de mon adolescence, qui sont celles de la fraternité, la communion, vivre une vie où l’on se réalise soimême. Des aspirations que l’on abandonne généralement à l’âge adulte. J’ai acquis assez jeune, quand j’étais responsable dans un mouvement de la Résistance, la responsabilité de l’adulte, c’est-àdire la capacité de décider du sort d’autrui, en lui disant « fais telle ou telle mission ». Cette responsabilité par rapport à autrui, j’essaie de l’exercer le moins possible. C’est-à-dire que j’ai gardé mes aspirations de jeunesse, mais j’ai perdu toutes mes illusions. Je conserve tout de même un certain étonnement devant la vie, un émerveillement et une

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30 / B i e n - ê t r e e t s a n t é

EPIGENE POINT DE VUE

Épigénétique : une science d’avenir pour mieux vieillir Discipline montante de la biologie, l’épigénétique étudie les mécanismes qui permettent à nos gènes de s’exprimer différemment selon nos comportements, sans pour autant changer notre ADN. Passionné par le sujet, le chercheur Joël de Rosnay nous donne quelques clés pour l’appréhender au quotidien. Une invitation à prendre de « bonnes habitudes génétiques ».

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ARTI


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L

’homme élégant aux cheveux poivre et sel sur fe sur les vag ues d ’u ne plage de Guéthary, dans le Pays basque. Joël de Rosnay, visionnaire et scientifique au génie appuyé, glisse trois heures par jour lorsque les conditions le permettent. Il a 82 ans. Au-delà du sport, ce faiseur de livres, auteur notamment de La Symphonie du vivant : comment l’épigénétique va changer votre vie, est également titulaire d’un doctorat ès sciences en chimie organique. Il fut chercheur et enseignant au prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) et directeur des applications de la recherche pour l’Institut Pasteur, fondation bien connue, spécialisée dans l’étude de la biologie, des micro-organismes, des maladies et des vaccins. Mais depuis des années, c’est pour l’épigénétique que ce futuriste se passionne.Épi-géné-quoi ? Épigénétique ! Une science nouvelle selon laquelle nos gènes s’expriment différemment selon que nos comportements sont bons ou mauvais pour notre santé. Comme si le bien et le mal, au fond du fond, se disputaient nos gènes !

minutes de méditation par jour. Côté cérébral, il conseille de s’exercer quotidiennement à des tests de mémoire et d’intelligence sur des applis comme Fit Brains Trainer, par exemple. « Notre potentiel intellectuel doit être entretenu le plus longtemps possible », résume-t-il. Est-il possible alors de prévenir la maladie d’Alzheimer en travaillant sur sa mémoire et son intelligence ? « Oui, dans une certaine mesure, répond l’épigénéticien. Il est bon de faire des tests de logique et de mémorisation, de lire, voir des films, des expos, des concerts et autres événements culturels, mais il est tout aussi important de partager nos émotions et nos réflexions au sujet de ces œuvres auprès de notre famille ou de nos amis. » À noter également cette info étonnante : « Il existe un lien entre une mauvaise hygiène des gencives et la maladie d’Alzheimer », note Joël de Rosnay. Puisque notre bouche contient, en moyenne, dix millions de bactéries, il est nécesSOIGNER SES GÈNES saire d’y faire le ménage par un brossage dentaire Quels sont les comportements qui permettent à nos régulier et des bains de bouche adéquats. gènes de s’exprimer au meilleur de leur potentiel ? Quels sont les comportements susceptibles d’im« Ils se déclinent en cinq thèmes, répond Joël de pacter négativement nos gènes ? « La part de l’épiRosnay. Une nutrition équilibrée et variée, un exer- génétique est déterminante dans certaines malacice physique régulier, un dies, notamment dans les bon management de son cancers du poumon stress, une sociabilité heu« Nos gènes aiment puisque nombre de fureuse et l’art de se faire meurs provoquent des que l’on s’aime et que plaisir. » On ne parle pas ici cancers qui n’étaient pas d’un plaisir consommé vite génétiquement programl’on sème l’amour ! » fait, à la louche, mais de més », obser ve Joël de plaisirs savoureux et subRosnay. Et qu’on se le dise tils qui font du bien à soi ou à l’autre, voire aux deux, haut et loin dans le monde : « Le pessimisme, le sans dommages collatéraux, et à énergie, disons, stress, la jalousie et l’égoïsme impactent négativerenouvelable. Au hasard de ces plaisirs solitaires ou ment nos gènes », pousuit le chercheur. partagés, on trouve en vrac : écouter de la musique, Est-ce à dire que l’amour et l’amitié, cultivés chaque danser, chanter, lire, regarder un feu, jouer comme jour avec soin, auraient un impact positif sur l’expresun enfant, déguster un couscous, rire, aller au sion de nos gènes ? « Oui et énorme ! répond Joël de théâtre, voir un bon film, suivre une formation Rosnay. Plusieurs de nos gènes sont liés à la bienveilpassionnante, faire l’amour avec amour, un peu lance, la compassion et la tendresse. Ils s’expriment comme Zorro, c’est-à-dire sans se presser ! par la qualité de nos amitiés, une vie de couple harCôté sport et relaxation, Joël de Rosnay propose monieuse, mais aussi par un amour sincère envers un tout simplement de suivre son exemple, soit qua- animal. » Bonne nouvelle pour notre ADN : nos gènes rante minutes d’exercice physique et vingt à trente aiment que l’on s’aime et que l’on sème l’amour !

ETIQUE

ICLE

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66 / Fa i r e e n s e m b l e

FICHE PRATIQUE

Prévenir

BLUES

le

du retraité

Quelle distance pour quel âge ? Avec quel matériel équiper sa famille ? Comment motiver ses troupes ? Michael Anthoine, conseiller technique à la Fédération française de randonnée pédestre, nous livre ses conseils inspirants pour mettre les pas de ses enfants dans les siens.

1

ANTICIPER SA « RECONVERSION » EN SE POSANT LES BONNES QUESTIONS

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PRÉVOIR UNE PÉRIODE D’ADAPTATION POUR UNE TRANSITION EN DOUCEUR

Mieux vaut ne pas attendre d’être à la retraite pour réfléchir à la façon dont on souhaite la vivre. En l’absence d’un idéal type, il est conseillé de réfléchir à son futur mode de vie, un an ou deux avant le jour J. Il s’agit alors de se poser les bonnes questions. Qu’est-ce qui est essentiel à ma vie ? Qu’est-ce que je n’ai pas eu le temps de réaliser et qui me tient à cœur ? Où ai-je envie de vivre ? Comment envisager ma relation avec mon conjoint, mes enfants, petits-enfants, mes parents s’ils sont encore en vie, et mes amis ? Quelles activités aimerais-je faire pour rester en forme et m’épanouir ? On s’interroge également sur l’expérience professionnelle et le savoir-être acquis au fil des années, sur nos talents et nos qualités, mais aussi sur l’aspect financier : de quels revenus et patrimoine vais-je disposer et seront-ils suffisants pour financer mes projets ?

Une fois à la retraite, finie la course après le temps imposé par l’entreprise. Aussi, quelques mois avant, on se prépare à changer de rythme progressivement.

Il s’agit d’éviter un trop grand choc entre la transition de l’état de salarié, qui implique un temps structuré, à celui de retraité, notamment pour ceux qui se sont surinvestis dans leur profession. Pour un passage en douceur (garanti sans passage à vide !), l’idée est de suivre une période d’adaptation. Au travail, si la situation le permet, on lève progressivement le pied : on délègue davantage, on prend le soin de transmettre à son successeur, on met de l’ordre dans ses dossiers et on prépare son pot de départ, un rituel incontournable de par sa symbolique de transition. Enfin, on commence à investir son temps ailleurs que dans le travail. La retraite ne signifie pas nécessairement la fin de la vie active, mais la fin de la vie professionnelle. Heureusement, les idées ne manquent pas pour s’occuper : faire du bénévolat, se mettre au yoga, rejoindre un jardin partagé, devenir conseiller municipal, fonder une chorale… Le mieux est de privilégier les occasions de côtoyer d’autres générations que la sienne. Ainsi, on peut faire de l’aide aux devoirs, ou prendre part, avec les plus jeunes, à des manifestations pacifiques. Car être à la retraite ne signifie pas se mettre en retrait du monde.

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DEVENIR (ENFIN !) SUJET DE SA PROPRE VIE

On a souvent tendance, dans la société actuelle, à s’identifier à sa profession. D’ailleurs, quand on fait connaissance, ne demande-t-on pas ce l’on fait dans « la » vie, plutôt que ce que l’on fait dans « notre » vie ? En effet, le travail nous confère un statut social, jusqu’à nous définir par l’intitulé de notre poste. Une fois à la retraite, il s’agit donc d’éviter le sentiment accablant d’inutilité sociale qui guette. Pas question pour autant de « remplir » ce vide avec des activités qui n’auraient aucun sens pour soi. Il devient ainsi essentiel d’être ce que l’on est et non plus ce que l’on fait. En résumé : trouver d’autres raisons de se lever le matin que celle d’aller au travail ! Il faut laisser place à l’innovation et à la création et, ainsi, passer d’actif professionnel à actif personnel. Ce qui n’empêche pas de retarder l’heure

de la sonnerie du réveil et de faire des siestes, ou d’être davantage dans l’introspection. Bref, il est temps de ralentir la cadence !

4

SE RECONNECTER À LA NATURE

Les bienfaits de la nature sont multiples, tant sur notre corps que notre esprit. Une fois à la retraite, on profite du temps disponible pour davantage se reconnecter aux arbres, à la mer, au ciel… L’occasion de s’adonner, par exemple, aux bains de forêt ou Shinrinyoku, une pratique thérapeutique qui nous vient tout droit du Japon et qui consiste en une immersion en forêt afin d’entrer en harmonie avec les arbres, grâce à l’éveil de ses cinq sens. Et cette reconnexion à la nature est accessible au plus grand nombre : selon l’Office national des forêts (ONF), près de 75 % des Français habitent à moins de trente minutes d’une forêt.

• A. R.

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76 / Fa i r e e n s e m b l e REPORTAGE

L’Outil en main redonne

DU CŒUR À L’OUVRAGE

Depuis plus de trente ans, l’association L’Outil en main fait découvrir les métiers de l’artisanat à des enfants dès l'âge de 9 ans. Des professionnels à la retraite les initient au plaisir du travail manuel à travers des ateliers très concrets, où la main s’allie à l’esprit pour créer.

L’OUTIL EN MAIN : TRANS INTERGÉNÉ

I

Un Git, earum si nis explabo rporiore lania conet fuga. Experiam.

ci, on modèle la terre ; un peu plus loin, on peint. On découpe, on scie, on râpe, on colle. Les gestes se répètent, les outils obéissent et la concentration est de rigueur tous les mercredis après-midi, dans le vaste atelier de L’Outil en main d’Antony, dans les Hauts-de-Seine, l’une des 188 antennes locales de l’association [lire encadré]. Une trentaine d’enfants, âgés de 9 à 14 ans, viennent s’initier aux métiers artisanaux et du patrimoine, découvrir les mérites du travail manuel et fabriquer leurs propres objets. En partenariat avec le conservatoire Darius Milhaud d’Antony, ils réalisent également des dé-

cors pour une semaine de spectacles à laquelle ils sont conviés. Pour les accompagner dans cette découverte, des bénévoles – pour la plupart des artisans à la retraite – ressortent leurs blouses et leurs tabliers et remettent avec passion l’ouvrage sur le métier. Cuisine, modelage, photographie, mosaïque, mais aussi dessin par ordinateur assisté (DAO), maquette, électricité, menuiserie, vitrail… Un parcours riche au gré de différents ateliers – environ une douzaine – est proposé aux enfants, échelonné sur deux années scolaires, à raison de quatre à huit séances par métier. De quoi satisfaire toutes les curiosités. À l’atelier mosaïque animé par Élisabeth, Arthur, 11 ans et Jade, 12 ans, sont consciencieusement penchés sur leur ouvrage. Tous deux découpent à la pince de petits émaux de Briare et des morceaux de verre coloré qu’ils apposeront ensuite sur leurs œuvres respectives : une composition toute en clefs de sol pour Jade, qui suit par ailleurs des leçons de musique, et un bateau voguant sur les mers pour Arthur, passionné de voile. Ce dernier a vite pris le coup. Il manie la pince de la main droite, l’abrite au creux de sa main gauche pour éviter les éclats, et « Clac ! », il donne aux émaux la forme désirée. « Depuis que j’ai 5 ans, je bricole avec mon père, confie-t-il. » Après quelques séances seulement, le garçon, qui veut devenir ingénieur en optique, comme son papa, a déjà parfaitement saisi l’esprit des ateliers. « Une tête sans les mains, ça ne sert à

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REPOR


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SMISSION SAVOIR-FAIRE ÉRATIONNEL

RTAGE

rien », explique-t-il avec sérieux. Transmettre aux jeunes générations, élevées aux écrans et aux tablettes, la valeur du travail manuel est l’un des objectifs de l’association. Élisabeth en sait quelque chose, elle qui s’est reconvertie après une première carrière dans l’industrie pharmaceutique. « Je ne voulais pas attendre la retraite pour faire ce dont j’avais envie. Et je ne regrette pas ! », s’exclame-telle. Aujourd’hui retraitée de son activité de mosaïste, elle accompagne les enfants afin qu’« ils prennent à leur tour plaisir à faire des choses de leurs mains ».

« L’IMAGINATION D’UN ENFANT EST INCOMMENSURABLE » Un enseignement du geste qui motive tout particulièrement Marcel. Ancien compagnon du tour de France, il initie les enfants à l’art exigeant de la taille de pierre. Après six années comme compagnon,

Marcel a embrassé une brillante carrière dans les travaux publics. Et ce n’est qu’une fois retiré des affaires qu’il a remis le nez dans sa malle à outils. « La taille de pierre, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas », sourit-il. À ses côtés, les enfants apprennent à transformer un bloc de pierre en un parallélépipède, puis en un cylindre aux contours parfaits. Une fois la technique apprivoisée, ils conçoivent, puis taillent l’objet de leur choix. « L’imagination d’un enfant est incommensurable. On retrouve rarement deux fois la même idée », relève avec bonheur Marcel en pointant du doigt les œuvres réalisées par ses apprentis, plus ou moins adroits, au fil des années : une coquille SaintJacques, des lettres gravées ou en relief, une feuille d’érable, un blason, un dauphin, un loup… « Il n’y a jamais de modèle imposé, car la copie empêche la réflexion, explique Marcel. Nous essayons de faire comprendre aux enfants que l’on peut passer du

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Le travail manuel, un bon moyen de transmettre les compétences.


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94 / S p i r i t u a l i t é

MArie

e HENnEzel ENTRETIEN

MARIE DE H

Coauteure du livre Et si vieillir libérait la tendresse 1 avec Philippe Gutton, Marie de Hennezel, psychologue clinicienne, est depuis des années à l’écoute d’hommes et de femmes confrontés aux enjeux du vieillissement. Elle est connue pour son engagement dans l’amélioration des conditions de fin de vie dans le cadre de soins palliatifs. En vieillissant, l’approche de la mort change-t-elle notre perception du monde ? Oui, cela change notre rapport à la vie. Parce que nous sommes au bout de notre parcours terrestre, la vie nous apparaît précieuse et courte. Bon nombre de personnes prennent alors conscience de ce qui est important pour elles et identifient ainsi leurs priorités. Qu’a-t-on envie de faire avant de mourir ? Cette question advient naturellement. Elle est réaliste et constructive. Les personnes qui refusent de voir la réalité de la mort sont, quant à elles, bien souvent angoissées par cette tentative d’évitement.

Diriez-vous de la cinquantaine et des décennies suivantes qu’elles sont spécifiques, qu’elles correspondent à un certain type de questionnement ? Non. J’ai connu des gens de 50 ans qui étaient déjà vieux, frileux comme tout, avec une peur de l’avenir. À 80 ans, on peut encore être jeune d’esprit, n’avoir peur de rien et se lancer dans de nouvelles activités. Le passage aux 60 ans est lui symboliquement marqué puisqu’on passe alors, à plus ou moins long terme, du côté des retraités et de la « carte senior ». En réalité, l’événement déterminant, celui qui marque un tournant dans la vieillesse, c’est

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INTER


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« L a f o r c e d e l ’â g e e s t u n é t a t d ’e s p r i t , u n e s a g e s s e , u n e énergie. » B IO

HENNEZEL

express 1946 Naissance à Lyon 1975 Après un DESS de psychologie clinique, elle obtient un DEA de psychanalyse 1986 Elle intègre la première équipe de soins palliatifs en Europe continentale

RVIEW

1995 Elle sort son livre La Mort intime, préfacé par François Mitterrand 1999 Elle reçoit les insignes de Chevalier de la Légion d'honneur 2003 Elle devient Officier de l'ordre national du Mérite

« L a f o r c e d e l ’â g e e s t u n é t a t d ’e s p r i t , u n e s a g e s s e , u n e é n e r g i e . » L’ÂGE D’OR ! VIVRE MIEUX, EN BONNE SANTÉ ET PLUS LONGTEMPS

2017 Elle part dans le Kurdistan irakien former des psychologues irakiennes


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122 / S p i r i t u a l i t é

DAVINA DE LA GYM TONIQU

PORT

« Nous avons tous besoin d’accepter notre âge avec sérénité pour le vivre dans son rayonnement joyeux. »

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PORTRAIT

Davina delor Davina (sans Véronique)

La brune de Gym Tonic, c’est elle. Davina Delor a animé, avec Véronique de Villèle, cette émission télévisée phare des années 80, avant de faire le grand écart… Davina Delor, 66 ans, est désormais nonne bouddhiste.

E

DELOR, UE AU BOUDHISME

TRAIT

lle a troqué ses tenues d’aérobic aux couleurs fluo pour endosser la robe aux teintes safran des nonnes bouddhistes et quitté le monde médiatique parisien pour le monastère Chökhor Ling, un havre de paix situé dans le Poitou. Davina Delor, ex-animatrice de Gym Tonic, l’émission d’Antenne 2 (ex-France 2) diffusée de 1981 à 1987, qui réveillait d’un « Toutouyoutou » chaque dimanche matin des millions de Français, est devenue Davina Gelek Drölkar. Du haut de ses 66 ans rayonnants, elle porte sur ce passé un regard à la fois empreint de bienveillance et de lucidité : « Cette période télévisuelle fut souriante et heureuse. En revanche, le côté « fête foraine » d’un monde médiatisé à outrance ne m’a jamais vraiment convenu. » Quant à sa complice de l’émission, Véronique de Villèle (lire son portrait page 34), elle confie : « Son assiduité dans l’effort à mener à bien ses projets fait d’elle une femme capable de transmettre aux autres une joie de vivre adolescente pleine de promesses. Elle restera toujours l’amie que mon cœur a choisi le temps d’un accompagnement professionnel. La suite lui appartient, nous n’avons pas les mêmes aspirations. » Depuis 2010, Davina Gelek Drölkar mène une vie monastique, en compagnie de quatre nonnes. Ses journées s’égrènent entre les réunions autour d’ateliers de méditation et des formations au yoga. « Cette manière de vivre ensemble m’apporte beaucoup de joie », raconte celle dont le cheminement spirituel trouve ses racines au berceau – sa mère l’ayant initiée, notamment, à la philosophie bouddhiste. « La culture spirituelle a toujours été le socle de mes pensées et de mes intentions ». Après avoir pratiqué la danse classique à haut niveau et traversé les paillettes des années 80, Davina Delor a exercé les métiers d ’acupunctrice et de psychanalyste auprès des

grands brûlés et des toxicomanes, tout en poursuivant sa quête de spiritualité. Une quête dont l’événement déterminant fut sa rencontre avec le Dalaï Lama en 2003, lors d’une série de conférences qu’il donnait à Paris. « Sa présence m’a bouleversée. Je retrouvais en lui l’émanation de l’esprit spirituel le plus vivant de tout ce qui m’avait été enseigné. La question d’un engagement profond dans une vie consacrée au développement des valeurs spirituelles trouva, par ce contact, sa solution dans l’entrée sur la voie monastique l’année suivante. » En 2006, Davina Delor s’envole au Tibet, pour confirmer, à vie, ses vœux d’ordination. Redescendue du toit du monde, c’est en toute sérénité que cette sage appréhende une autre étape de son existence : « Le temps passe dans la continuité naturelle des cycles de la vie. Un temps où les qualités humaines se déploient dans ce qu’elles ont de plus chaleureux. Un moment privilégié. Prendre le l’âge peut certes fragiliser le corps, mais si l’esprit reste fort, les changements inhérents à l’impermanence ne posent plus de problèmes. Et dans cette inéluctable transformation, s’accepter tel que l’on est, devient une libération. » À écouter Davina Gelek Drölkar, pas besoin d’adopter le mode de vie monastique pour accéder à cette sérénité : « L’important se trouve dans la grâce de l’esprit qui sait maintenant faire la différence entre vérité et illusions trompeuses. Le cœur de l’âge avancé est rempli de douceur. Il sait à présent donner une couleur de tendresse aux pensées et apaiser les turbulences passées. Nous avons tous besoin d’accepter notre âge avec sérénité pour le vivre dans son rayonnement joyeux. » A.R.

POUR ALLER PLUS LOIN • Le site du monastère Chökhor Ling : www.chokhorling.com

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