Kaizen hors-série 9 : Pour une adolescence joyeuse (12-18 ans)

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Tome 3

Pour une adolescence

12 Ă 18 ans

Vivre son adolescence en paix avec les autres et soi-mĂŞme

joyeuse


ÉDITO Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège social 19, rue Martel - 75010 Paris info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com

Dansons

Hors-série no 9 Pour une adolescence joyeuse Mai 2017 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétariat de rédaction Diane Routex Isabel Colin Éditeur Web Simon Beyrand Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Comptabilité Patricia Lecardonnel Direction artistique, maquette et mise en pages • hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Dessin de couverture © Cécilia Pepper Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr

l'adolescence

L

’adolescence est une valse à mille temps. L’adolescence, c’est le temps des expériences, le temps pour quitter l’enfance, le temps du prin‑ temps qui avance, avant d’être plus grand, le temps de l’autonomie, de la philosophie, le temps du remue‑méninges, de changer de corps. L’adolescence, c’est le temps des vapeurs d’alcool, de quitter l’école, le temps parfois d’une fugue, le temps répété des sornettes, le temps des premiers concerts, c’est le temps du dancing, trop ringard le dancing, on préfère le piercing. Le temps des premiers baisers, des premières amours, comment fait-on l’amour ? Le temps où l’on rentre tard, le temps des premiers pétards. L’adolescence, c’est le temps des possibles, le temps des interdits, on préfère les non-dits. Le temps des premières lunes, des premières thunes, pour traîner dans les dunes, bien loin des darons. C’est un temps complètement troublant pour les parents comme pour les adolescents. Un temps tourné vers l’ave‑ nir, mais l’avenir tourne le dos aux ados, et c’est beaucoup moins dansant d’être dos à dos. Nous avons donc pris le temps d’imaginer un pas entre parents et adolescents, pour avancer, sans s’envoyer valser. Car c’est quand même charmant d’être adolescent, un moment important dans notre roman. Pascal Greboval Rédacteur en chef

Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 3


LES AUTEURES

Elles ont fait ce hors-série TEXTES

DESSINS

Nathalie Petit

Cécilia Pepper

Journaliste spécialisée dans la parentalité bienveillante, j’ai à cœur de partager des pratiques qui peuvent aider à l’épanouissement de nos enfants. Auteure du guide Montessori à la maison 0-3 ans (éditions Kaizen/Actes Sud, 2017) et formatrice en gestion du stress et des émotions, je me consacre au développement humain. www.nathalie-petit.com

Je suis née à Paris en 1987 et commence à dessiner deux ou trois ans plus tard. Après un diplôme de sculpture à l’école Olivier de Serres, c’est en Norvège que je termine mes études et découvre la sobriété heureuse ! Lorsque je ne suis pas en voyage en train de remplir des carnets de croquis, je vis à Valence où je travaille pour le studio Folimage et comme illustratrice indépendante, notamment pour Kaizen.

Clotilde Pruvot

Enfant, j’aimais explorer le dictionnaire. Adolescente, je voulais transmettre des mots qui font grandir. Un stage en presse jeunesse, et me voilà adulte et journaliste. Une fois maman, cultiver la joie et la curiosité et ouvrir à la nature et au monde est devenu essentiel. Je suis heureuse de donner ici de la voix à l’éducation qui fait du bien. Aude Raux

Je suis journaliste indépendante, membre du collectif Argos. Des sujets « porteurs d’espoir », tel est mon axe documentaire. J’ai été lauréate du prix Jacques Moreau du meilleur reportage en économie sociale et solidaire récompensant mon article consacré aux Repair cafés paru en 2015 dans Kaizen.

4 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

PHOTOS Jérômine Derigny

Je suis photojournaliste depuis vingt ans. J’aime témoigner de sujets au cœur desquels on retrouve un engagement humain dans des causes sociales et environnementales. Je pratique le reportage en tant que pigiste, tout en construisant des travaux d’équipe avec mes collègues du collectif Argos. POURQUOI CES PORTRAITS ? Pour aller à la rencontre des adolescents, nous avons choisi le portrait posé, mais non imposé ! Un cadre neutre pour mettre en avant la spécificité de chaque personnalité. Pas d’artifice ni de directive afin de laisser aux jeunes le choix d’une attitude propre à l’adolescence, entre assurance et timidité. Nous remercions le collège Travail Langevin et le lycée Hénaff de Bagnolet, ainsi que le lycée Eugénie Cotton de Montreuil pour leur accueil. Ils nous ont ainsi permis de faire une série photographique riche et variée.


SOMMAIRE Édito

3

Présentation des auteures

4

Préface Ressources

10

CHAPITRE 1

118

LE

CORPS

Interview • David Le Breton : Prendre corps à l’adolescence

14

Dans le cerveau des adolescents

18

Le bonheur d'apprendre avec la gestion mentale

20

Fiche pratique • Apprendre en dessinant une carte mentale

22

Fiche pratique • Le Brain Gym pour muscler ses capacités cognitives 23 Les adolescents sont en décalage horaire !

24

Un corps en métamorphose

26

Fiche pratique • Soigner l’acné naturellement 29 BD • Trop stylé !

30

Des ateliers pour prendre goût à la cuisine saine

32

Fiche pratique • Tipi, un remède aux émotions indésirables

35

Célébrer ses premières lunes

36

L’amour, la première fois

38

Homosexualité : l’amour de l’autre

40

Le théâtre forum pour prévenir la consommation d’alcool et de cannabis

42

BD • Bientôt cuits !

46

«  Je m e se ns bi en . Ce n’est pa s di ff ici le de qu itt er l’e nf an ce . Je ne sa is pas tro p ce qu i m’ att en d ma is ça ne m’ in qu ièt e pa s. » JILA NY, 12 ANS

6 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

,


CHAPITRE 2

BIEN

CHAPITRE 3

DEVENIR

DANS SA

ADULTE

TÊTE

Interview • Marie Rose Moro : « Les rêves des adolescents sont très précieux »

50

L’amour du risque… À petites doses

54

BD • La loi du plus fort

56

Le rapport au temps

58

Parents, amis : comment tisser des liens qui font du bien ?

60

Fiche pratique • Bujo : un journal pour s’organiser, se raconter et explorer sa créativité 62

Interview • Catherine Dumonteil-Kremer : Pour qu’ils deviennent adultes, faisons-leur confiance

86

Devenir son propre conseiller d’orientation

90

Fiche pratique • Le Mooc : apprendre hors les murs

94

S’engager pour se construire

96

Je suis un(e) ado, et je crée mon entreprise ! 100 BD • La thune des croissants

102

Quand les ados jouent (sérieusement) les héros…

64

Compagnons du devoir : des métiers pour deux mains

104

L’info tout-écran

67

La nature en bas de chez soi

107

Le voyage à l’étranger : un « trip » identitaire

110

Fiche pratique • Étudier à l’étranger

112

Fiche pratique • Maîtriser l’usage des écrans 74

Accompagner le passage à l’âge adulte

114

(Re)devenir auteur de sa vie avec l’approche narrative

BD • Mission zéro déchet

116

76

La danse pour exprimer ses émotions

78

Jouer la comédie pour apprendre le vivre-ensemble

80

BD • Drôle de matière

82

Les enfants de la télé décryptent les médias 70 L’autodéfense intellectuelle sur les bancs de l’école

,

72

MIRIAM, 13 ANS

«  Ad ul te je me vo is pa rti r au Sé né ga l tra va ill er co ns tru ire un e ma iso n. Je sa is qu e je va is ré us sir c’e st à mo i de tr av ail le r. »

,

,

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 7


18 ANS BERNADETTE,

12 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


LE

CORPS INTERVIEW - David Le Breton Prendre corps à l’adolescence

14

Dans le cerveau des adolescents

18

Le bonheur d'apprendre avec la gestion mentale 20 FICHE PRATIQUE

Apprendre en dessinant une carte mentale

22

FICHE PRATIQUE

Le Brain Gym pour muscler ses capacités cognitives

23

Les adolescents sont en décalage horaire !

24

Un corps en métamorphose

26

FICHE PRATIQUE

BD

Soigner l’acné naturellement

29

Trop stylé !

30

Des ateliers pour prendre goût à la cuisine saine 32 FICHE PRATIQUE

Tipi, un remède aux émotions indésirables

35

Célébrer ses premières lunes

36

L’amour, la première fois

38

Homosexualité : l’amour de l’autre

40

Le théâtre forum pour prévenir la consommation d’alcool et de cannabis

42

BD

46

Bientôt cuits !

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LE CORPS INTERVIEW

Prendre corps à l’adolescence

Entretien avec David Le Breton, professeur de sociologie à la faculté des sciences sociales de Strasbourg. Spécialiste

©PHOTOPQR/L'ALSACE/Dominique Gutekunst

de l’anthropologie du corps, il décrypte comment l’adolescent se réapproprie son corps qui se métamorphose. Les adolescents

Quelles transformations s’imposent aux

d’aujourd’hui sont-ils

adolescents « à leur corps défendant » ?

« bien dans leur peau » ?

La puberté est une période où l’on a le sentiment de se rapprocher au plus près de la femme ou de l’homme que l’on va être avec l’augmentation des responsabilités, l’attirance vers l’autre et la métamorphose du corps : les poils qui apparaissent, la taille qui s’allonge, la voix qui mue, les seins qui poussent… En résumé, la sexualisation de l’apparence. C’est la multiplication des premières fois : premières érections chez les garçons, premières règles chez les filles, mais aussi première sortie, premier baiser, première cigarette, etc. Les adolescents sont, dans l’ensemble, heureux de grandir, même si ce changement est motif d’anxiété, car il est insaisissable et contraint.

D’après mes échanges avec des spécialistes de l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale], la majorité des adolescents vont bien. Les chercheurs estiment qu’entre 15 % et 20 % sont en détresse. Toute la difficulté de l’adolescence consiste pour le sociologue à en parler au singulier : on n’est pas le même si on est une fille ou un garçon, si on est enfant d’un avocat ou d’un chômeur, si on est issu de l’immigration ou pas, si on grandit dans une ville ou un village, dans une famille recomposée ou avec ses deux parents, etc. J’ai conscience qu’on ne peut pas faire de généralités sur les adolescents. Il faudrait pointer les nuances pour mieux comprendre ce qui se joue dans la singularité de chacun, car les histoires de vie ne sont pas du tout les mêmes et, par conséquent, le rapport au corps non plus. Cela étant, le point commun réside dans le fait que, pour changer sa relation au monde, l’adolescent a recours à sa peau. Cette matière première toujours disponible – seule permanence dans un monde insaisissable et changeant –, est une caisse de résonance de son état psychique. La peau est une enveloppe narcissique, une frontière qui protège du chaos possible du monde si le jeune est porté par le goût de vivre, et qui est écorchée vive s’il peine à trouver sa place. L’adolescent est dans la problématique de se forger une carte d’identité visuelle : un corps et un style en coïncidence avec le sentiment qu’il a de lui. 14 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

Les adolescents ont-ils besoin de « faire peau neuve » ?

Ce désir s’observe à travers l’engouement pour le tatouage et le piercing. Les jeunes générations essayent de se mettre au monde par elles-mêmes. Comme si elles ne supportaient plus le fait d’être les enfants de leurs parents. La société va d’ailleurs dans ce sens à travers l’idée que le corps ne serait qu’une proposition provisoire, une sorte d’accessoire qu’il faut sans arrêt travailler à travers des régimes alimentaires, des pratiques sportives, et même de la chirurgie esthétique. Chez les adolescents, c’est encore plus prononcé, car ils essayent de voler de leurs propres ailes, de s’autogénérer. Cela se traduit par une reprise en main de leur corps. Le tatouage et le piercing vont bien au-delà d’un


J e sais

LE CORPS

«

, , drôle ,

s i u s e j i qu

naturel

. t n a i r u so

Donc j e

m e f igce h e

de l’ima »   . e t è l f e r e j e u q

FABIO, 16 ANS

simple dessin ou d’un bijou corporel : c’est une signature attestant de l’appartenance à soi. La plupart ont l’impression de se réinventer après s’être fait tatouer ou percer. Lors de mes enquêtes sur les marques corporelles [Signes d’identité, 2008 et La Peau et la trace, 2003, les deux aux éditions Métailié], beaucoup d’adolescents m’ont confié : « Je suis enfin devenu moi. » C’est une reprise d’autonomie au regard des parents.

D’ailleurs, ces derniers le sentent bien. En témoignent des phrases comme : « C’est moi qui t’ai faite, je ne veux pas que tu touches à ton corps ! » et « Tu ne vas quand même pas me faire ça ! » D’autant plus si leur enfant se réapproprie les hauts lieux du rapport aux parents : le nombril, qui est une manière de couper le cordon ombilical, ou la langue, qui est une autre façon de couper avec la mère nourricière, voire de reprendre voix. Précisons que ces marques corporelles n’ont rien à voir avec les pratiques tribales. Dans les sociétés traditionnelles, elles renvoient à l’appartenance à l’ensemble de la communauté ; ici, à un récit personnel. Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 15


LE CORPS

Un corps

en métamorphose Devenir un ou une autre tout en restant la même personne, tel est le paradoxe qui se joue à l’adolescence. À la puberté, le corps subit en effet de nombreuses transformations.

A

cné, cheveux gras, odeurs de transpiration… de croissance, il prend d’instinct la position du camemPas facile d’être dans la peau de « beaux bert fondu sur un canapé ! Soit un angle d’assise à 127°. Rassurez-vous, c’est celle des astronautes en situation gosses 1» ! À qui la faute ? Aux hormones sexuelles qui déferlent à la puberté. Chez les garçons, d’apesanteur : le « zéro gravité » qui permet de se délester, jusqu’à 60 %, du poids de son corps. Derrière des cette période survient vers 12 ans et continue pendant six ans environ. Les testicules sécrètent alors des andropaupières lourdes de fatigue se cache donc une intelgènes, principalement de la testostérone. Cette horligence cosmique… mone déclenche la transformation du sexe – le pénis Reste à ajouter à ce portrait flatteur un sourire corseté et les testicules grossissent –, la mue de la voix et la d’un appareil dentaire et des expériences capillaires pousse des poils. Chez les filles, la puberté arrive vers plus ou moins inspirées, et l’on comprend mieux, au l’âge de 11 ans et dure environ quatre ans. Les ovaires cas où l’on aurait oublié notre propre adolescence (la produisent majoritairement des œstrogènes. Cela se faute, là, à notre grand âge !), que ce passage vers la rive traduit par le développement des seins, l’arrivée des adulte n’a rien d’un long fleuve tranquille. règles, l’élargissement des hanches et la pilosité pubienne. Autant de caractéristiques de la sexualisation APPRIVOISER UN CORPS du corps qui n’ont qu’un seul but : perpétuer l’espèce DEVENU ÉTRANGER humaine ! Autrement dit, à charge pour l’homme de Comme l’explique Marion Haza, psychologue cliniprocréer et à la femme de porter un enfant puis de le cienne, maître de conférences à Poitiers et fondatrice de mettre au monde. l’Arcade, l’Association de recherche clinique sur l’adolescence, « avant la puberté, le corps est apaisé ; après, Autre manifestation de cette métamorphose : la croisc’est l’inconnu : “À quoi vais-je ressembler ?” Cette transsance. Attention, record : les adolescents gagnent 8 à 10 centimètres par an. À croire qu’on a mis de l’engrais formation est extrêmement brutale et rapide. Il s’agit (bio) dans leurs céréales au petit d’apprivoiser ce corps devenu étranger Les adolescents déjeuner ! C’est d’ailleurs la période comme s’il n’appartenait plus à son gagnent 8 à clef pour fixer son capital osseux, à propriétaire, de prendre le contrepied 10 centimètres par an. savoir la qualité et la solidité des os, d’une passivité. » D’où le surinvestissement corporel. On travaille son look à travers les vêted’où l’importance de manger équilibré et de favoriser ments, les tatouages, les piercings, les coupes et les cololes apports en calcium. Toute la difficulté vient du fait rations de cheveux, les régimes alimentaires ou encore que rien n’est encore synchrone : les mains et les pieds les pratiques sportives. D’autres, au contraire, désinvesgrandissent en premier, puis les jambes et les bras, et, tissent leur corps en refusant de se laver, en évitant la enfin, le torse. D’où une allure pataude, doublée d’un autre symptôme : l’adolescent semble avoir oublié la confrontation avec le miroir de la salle de bains et en se verticalité. Son organisme étant épuisé par ces poussées mettant en danger. « Ce bouleversement biologique a

26 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


LE CORPS

« Je suis passionnée par les modifications corporelles les tatouages les piercings ou plus hard aussi. J’aime avoir le choix de faire ce qu’on veut avec son corps. »

,

, ,

CANDI CE, 18 ANS

LA SCARIFICATION ? Trois questions à Catherine Rioult, psychologue clinicienne et psychanalyste. L’auteure de Ados : scarifications et guérison par l’écriture (Odile Jacob, 2013) a mis en place des ateliers d’écriture pour adolescents qui se scarifient. EN QUOI CONSISTE LE FAIT, POUR LES ADOLESCENTS, DE SE SCARIFIER ? Il s’agit, dans un acte de pulsion, de s’entailler la peau, très majoritairement sur l’avant-bras, à l’aide d’un instrument tranchant, comme un compas ou un couteau. Le sang s’écoule alors. Et cela laisse une trace irréversible : un trait, la plupart du temps, mais aussi un dessin ou une lettre. C’est une façon d’imprimer sur son corps, comme sur un parchemin, son angoisse et sa quête de sens. L’adolescent est apaisé sur le moment. En revanche, comme cela ne dure pas, se crée alors un phénomène d’addiction. Il est très difficile d’avoir des chiffres, car le plus souvent ces scarifications sont cachées sous les vêtements, mais la pratique se propage via les sites Internet dédiés. QUELLE EST LA PORTÉE SYMBOLIQUE DE LA SCARIFICATION ? Il y a autant de scarifications que d’histoires d’adolescents. Il ne s’agit pas de tentatives de suicide. Certes, le jeune qui se scarifie flirte avec la question de la mort, mais, au lieu

de destruction, je parlerais de construction. Nombre d’adolescents m’ont ainsi confié que le fait de voir couler leur sang – rouge, couleur de vitalité – leur prouvait qu’ils étaient vivants. En se scarifiant, ils reprennent le contrôle de leur corps en métamorphose. Soixante-dix pour cent des 12-20 ans que je reçois en consultation sont des filles, parce qu’elles ont tendance à retourner leur mal-être contre elles-mêmes et non contre les autres. Et, pour celles qui ont des difficultés avec la sexualisation de leur corps, c’est un moyen de faire couler le sang activement, contrairement aux règles qu’elles subissent et considèrent comme impures. EST-CE UNE FAÇON D’ATTIRER LE REGARD DES PARENTS ? Les scarifications sont comme un piège à regard destiné aux parents. Quand l’adolescent choisit de relever ses manches pour les dévoiler, il faut qu’ils entendent ce signe de détresse. Je leur conseille d’emmener leur enfant consulter un professionnel de la santé avec qui il pourra verbaliser sa souffrance.

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 27


LE CORPS

Des ateliers pour prendre goût à la cuisine saine Pour sensibiliser les adolescents à une nourriture locale, bio et de saison, l’association Noyal Accueil leur mijote, depuis septembre 2016, un atelier cuisine aux petits oignons !

U

n samedi matin, cinq adolescents de Noyal-surque l’atelier cuisine est un excellent support pour Vilaine (35) troquent leur grasse matinée contre éveiller les consciences sur le lien entre alimentation un atelier cuisine organisé par Noyal Accueil. et santé. Il y a urgence : quand j’enseignais en priMarie-Christine Houssais, coprésidente de l’association, maire, je voyais de plus en plus d’enfants diabétiques. souhaite la bienvenue aux jeunes avec un sourire aussi Arrêtons d’acheter des plats déjà cuisinés ! Cela me fait peur d’imaginer l’état dans lequel nous allons engageant qu’un pain sortant du four : « Aujourd’hui, laisser la planète à nos petits-enfants. Mais, désornous allons étudier la technique de la pâte feuilletée en version salée et sucrée. » Sur la table de cuisine attendent mais, on sait qu’il faut consommer autrement pour de la farine, de l’eau et de belles mottes de beurre de limiter notre impact sur l’environnement.  » Ce que 200 grammes chacune. Nous sommes bien en Bretagne ! confirme l’Organisation des Nations unies pour Après avoir mis la main à la pâte, les adolescents en tablier l’alimentation et l’agriculture (FAO)  : «  l’agriculture s’attaquent à la garniture. biologique [est] une méthode de culture avantageuse, Tout en passant en revue les ingrédients, Marie-Christine avec un potentiel considérable pour atténuer le chanHoussais en profite pour distiller quelques messages  : gement climatique et s’y adapter ». « On n’a pas besoin de manger autant de viande. Les protéines que contient l’association des légumineuses « (RE)DÉCOUVRIR LE PLAISIR et des céréales suffisent pour garder la forme. » Ou ET LE GOÛT » encore  : «  Pas la peine d’éplucher les pommes ; comme Responsable bénévole des ateliers cuisine, nos autres produits, elles sont issues de l’agriculture Marie‑Christine Houssais anime les cinq rendez-vous biologique. On peut alors garder les vitamines que annuels destinés aux enfants et aux collégiens. Au l’on trouve dans la peau. » mur de la cuisine de la salle des fêtes de la commune Fondée en 1990, l’association Noyal Accueil propose est accroché un calendrier des fruits et légumes de des ateliers tout au long de l’année saison avec pour titre : « Pour une « Il n’y a rien et pour tous les âges. Deux cent planète heureuse, consommons de plus convivial vingt personnes suivent les cours local ». Les produits laitiers sont que de préparer de cuisine. Objectif : donner le fournis gratuitement par une entreun repas ensemble. » goût des autres. « Il n’y a rien de prise pionnière du bio basée à plus convivial que de préparer un repas ensemble, Noyal-sur-Vilaine, et le reste des ingrédients est acheté remarque Marie-Christine Houssais. Au départ, nous à la Biocoop voisine de Cesson-Sévigné. Quant aux étions un groupe d’adultes gourmands en quête de déchets verts, ils finissent au compost. Pour couvrir convivialité. Au fil du temps, je me suis rendu compte les frais, le coût de l’atelier est de 5 euros par ado-

32 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


LE CORPS

s n a d s t n e m e g n a h c s e « T o us l o r ps j e l es a i p r is mon c que lque chose t comme u o t e h c u o t a Ç . l a m r s a p de no s i u s e n e J . e d n o » . le m e l u e s la

,

S AT TA SS IN A, 15 AN

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 33


6 ANS ANE, 1 MAROU

48 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


BIEN

DANS SA

TÊTE

INTERVIEW - Marie Rose Moro « Les rêves des adolescents sont très précieux »

50

L’amour du risque… À petites doses

54

BD

56

La loi du plus fort

Le rapport au temps

58

Parents, amis : comment tisser des liens qui font du bien ?

60

FICHE PRATIQUE

Bujo : un journal pour s’organiser, se raconter et explorer sa créativité

62

Quand les ados jouent (sérieusement) les héros… 64 L’info tout-écran

67

Les enfants de la télé décryptent les médias

70

L’autodéfense intellectuelle sur les bancs de l’école 72 FICHE PRATIQUE

Maîtriser l’usage des écrans

74

(Re)devenir auteur de sa vie avec l’approche narrative

76

La danse pour exprimer ses émotions

78

Jouer la comédie pour apprendre le vivre-ensemble

80

BD

82

Drôle de matière

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BIEN DANS SA TÊTE INTERVIEW

« Les rêves des adolescents sont très précieux » Entretien avec Marie Rose Moro, pédopsychiatre et psychanalyste. Chef de file de l’ethnopsychanalyse, elle enseigne la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Descartes et dirige la Maison de Solenn

© Didier Goupy/Signatures

de l’hôpital Cochin, un lieu dédié au bien-être des adolescents.

Il existe un certain nombre de conditions qui permettent la

qu’on va devenir. » Depuis, il est en formation pour être lui-même soignant. Je vois ce que les adolescents sont capables de devenir. Je les vois en transformation.

réalisation de soi. Poser un regard confiant sur les adolescents, au lieu d’en avoir peur,

Vous avez été rapporteuse, avec Jean-Louis

est-ce une de ces conditions ?

Brison, inspecteur pédagogique, de la mission

La société gagnerait à avoir cette vision optimiste. Globalement, les projections sur les adolescents sont négatives, parce qu’ils ne sont pas ce que l’on voudrait qu’ils soient. Ils ressentent très fortement cette déception et la dénoncent, même. Les jeunes sont grandement sensibles au fait que les adultes, insatisfaits, les laissent tomber, ne les encouragent plus… Ils nous demandent de leur tenir un autre discours que celui de la désespérance !

Bien-être et santé des jeunes, qui a présenté

À l’été 2016 1, vous lanciez un appel à « croire en nos ados ». Comment conservez-vous un regard positif sur les adolescents ?

Je suis optimiste, mais je ne porte pas sur eux un regard niais. Dans un groupe de parole, un jour, un des adolescents m’interpelle : « Vous n’en avez pas marre de nous ? Oui, parce que nos parents, nos profs, tout le monde en a marre de nous… Et vous, vous me donnez l’impression que non. » J’étais étonnée de sa question, car c’est rare que les adolescents dans ce cadre-là nous interrogent sur notre motivation. Je lui réponds de manière théorique : « C’est que je vous trouve aimables. » Et lui me dit : « Ah, oui, je comprends, vous voyez ce 50 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

un plan fin 2016 pour mieux coordonner les moyens et les soins pour les adolescents en souffrance. Comment vont les adolescents en France aujourd’hui ?

Si les jeunes dans notre pays ont globalement le sentiment d’être en bonne santé, 15 à 20 % traversent des moments difficiles, une vraie souffrance s’exprimant plus ou moins fortement et qui est exacerbée par une vie personnelle ou une scolarité compliquées. Une proportion significative de jeunes connaît un épisode dépressif entre 16 et 25 ans : entre 15 et 17 % selon les études, et davantage chez les filles. Et le suicide reste la deuxième cause de décès 2 dans cette population après les accidents, bien souvent eux-mêmes liés à des prises de risque. Une enquête 3 menée auprès d’adolescents en Europe et portant sur leur vision de l’avenir a montré que les jeunes Français sont les moins nombreux à avoir le « sentiment d’un avenir prometteur, de pouvoir contrôler leur avenir ou d’être certains qu’ils auront un bon travail dans le futur », notamment à cause des prévisions économiques peu fiables dans le pays. Or ce contexte n’aide pas les adolescents à avoir envie de devenir adultes.


BIEN DANS SA TÊTE

«

e s n e p e J  ? e t l u d a e Êtr

. à j é d ,

q u e j e l e s u is E n to u t c a s je m e s e ns c o m m e te l e t

bien

dans ma tête.

»

TAREK, 18 ANS

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 51


F I C H E P R AT I Q U E

BUJO

UN JOURNAL POUR S’ORGANISER, SE RACONTER ET EXPLORER SA CRÉATIVITÉ Le bujo est un carnet qui permet d’organiser le quotidien et d’imaginer le futur. C’est aussi un journal où poser un regard positif sur les petits et grands événements de la vie et où donner libre cours à sa créativité.

À V O S C A R N E T S  ! CHOISISSEZ VOTRE MATÉRIEL Un carnet (300 ou 400 pages pour un an) ; des stylos, crayons et feutres de toutes les couleurs ; des rouleaux de ruban adhésif coloré ; tous les matériaux qui vous plaisent : un journal, du papier de soie, une carte postale, un ticket d’entrée d’une expo, une feuille d’arbre, etc.

« Bujo » est la contraction de deux mots anglais : bullet point (« puce ») et journal. C’est une sorte d’agenda à créer soi-même où l’on peut jeter des idées, les énumérer à l’aide de symboles, de puces… Il permet de s’organiser et de relire les (jolies) choses passées, de noter ses rêves et ses souhaits, de stimuler sa créativité, de se poser…

62 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

ORGANISEZ-VOUS Avant de commencer votre bujo, faites un plan sur une feuille à part pour l’année à venir. Votre bujo comportera une page de garde, un index (environ 10 pages), un planning annuel (entre 4 et 10 pages), douze plannings mensuels (2 pages au début de chaque mois) et 1 page pour chaque jour de l’année. Au fil du carnet ou à la fin, au gré de votre inspiration, prévoyez aussi des espaces dédiés à la création (lire point 6). N’oubliez pas : le bujo est modulable selon vos envies ; vous pouvez par exemple choisir de n’avoir qu’une demi-page d’agenda par jour, mais plusieurs pages créatives à la suite.


4 REMPLISSEZ L’AGENDA QUOTIDIEN

LANCEZ-VOUS ! 1 CRÉEZ UN INDEX PUIS NUMÉROTEZ LES PAGES L’index, c’est le sommaire du carnet (une dizaine de pages). Au fur et à mesure que vous complétez le carnet, vous y reportez tout ce que contient votre bujo (agenda de chaque mois, listes, pages de dessin…). « Grâce à l’index, j’arrive à retrouver mes notes et mes idées », confie Pauline Burel du blog Un invincible été. 2 CRÉEZ ET REMPLISSEZ LE PLANNING ANNUEL C’est votre feuille de route de l’année. Notez ce que vous souhaitez accomplir (passer un examen, ranger ma chambre une fois par semaine, savoir jouer un morceau à la clarinette, parcourir 100 kilomètres à vélo, aider papi à jardiner…), les dates d’anniversaire, les grands événements de l’année, les défis à relever… 3 CRÉEZ ET REMPLISSEZ LE PLANNING DU MOIS Même principe avec cette « feuille de route mensuelle », mais avec les projets du mois.

C’est parti ! Chaque jour, prenez 5 à 10 minutes pour remplir votre bujo : cochez ou notez ce que vous avez fait dans la journée, les événements et les mots marquants, les « pépites de gratitude » ; faites des listes, dessinez… Éventuellement, listez ce que vous n’avez pas pu faire et que vous reportez au lendemain. 5 LA MIGRATION Chaque mois, grâce au système de signes-symboles (à inventer, sinon prenez exemple sur ceux qui existent chez les adeptes du bujo : un point signifie une tâche à effectuer, un rond un événement, etc.), reportez sur le mois suivant les activités à poursuivre (ou non si vous estimez qu’elles ne méritent pas votre temps !). 6 LES ESPACES DÉDIÉS À LA CRÉATION Insérez où et quand vous le souhaitez des pages « libres » où vous pourrez faire des listes de défis, de rêves ou de films à voir, des collages, des dessins… C’est aussi un espace pour s’essayer à l’« écriture heureuse » en notant par exemple ses trois « kifs » de la journée, en écrivant un poème en forme de spirale, en consignant tous les encouragements reçus…

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 63


BIEN DANS SA TÊTE

Quand les ados jouent (sérieusement) les héros… Les serious games ont le vent en poupe ! Entre jeux vidéo et outils de formation en ligne, ces « jeux sérieux » sont bien utiles pour apporter des connaissances aux adolescents et même les aider à communiquer.

L

a plupart des adolescents d’aujourd’hui sont à adopter une attitude responsable sur Internet, en se « connectés » : ils sont capables de se repérer dans documentant, en échangeant, en s’interrogeant sur l’espace en 2D ou 3D, curieux d’apprendre en l’impact de leurs actions sur le Web ou encore sur le expérimentant, à l’aise pour zapper d’une activité à une rapport entre vie privée et vie publique. autre, vifs quand il s’agit de répondre du tac au tac à Dans la même veine, Chasseurs d’infos est un newsgame, un SMS ou à un message WhatsApp… Normal qu’ils un « jeu d’information », qui traite de la vérification soient la cible des jeux de simulation 1, tels que les des sources : le joueur est un blogueur en quête de serious games (« jeux sérieux »). En marge des jeux vidéo scoop qui doit traquer les fausses informations. Quant classiques, ces jeux hybrides en ligne combinent, selon à Stop la violence ! il met en garde face aux situations la définition qu’en donne Julian Alvarez dans sa thèse 2 de violence entre pairs pouvant conduire au décroconsacrée au sujet, « à la fois des aspects chage scolaire. Une attitude sérieux […], avec des ressorts ludiques Lancé par des étudiants en nouvelles responsable issus du jeu vidéo ». Ici, comme dans les pratiques journalistiques via la platesur Internet. jeux vidéo, l’utilisateur interagit et devient forme de financement participatif le protagoniste du jeu. Ulule, le jeu ISIS The End ? propose de sensibiliser les jeunes joueurs à la radicalisation islamique en Il existe différentes catégories de serious games, classées empêchant des personnages vivant en France en 2022 en fonction de leur finalité : les advergames (jeux vidéo publicitaires qui promeuvent une marque), les edugames de partir en Syrie ou de commettre des attentats. (à vocation éducative), les jeux engagés (pour dénoncer D’autres serious games s’intéressent aux énergies renouvelables, aux ressources vitales, au réchauffeun problème politique), les jeux d’entraînements et de simulation (pour s’entraîner ou pour étudier un phénoment climatique, ou encore aux gestes de premiers mène réel reproduit dans un environnement virtuel). secours comme dans CiNACity. DES JEUX POUR SENSIBILISER LES JEUNES Beaucoup de jeux sérieux sont utilisés dans le cadre éducatif, au collège et au lycée. Par exemple, 2025 ExMachina. Ce jeu d’éducation critique à Internet pour les 12-17 ans a été créé dans le cadre du programme national Internet sans crainte. Soutenus par une communauté et un espace pédagogique, les joueurs adolescents se mettent dans la peau de Net Détectives : à chaque épisode, ils apprennent

64 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

UN SUPPORT POUR FACILITER L’EXPRESSION Ces jeux sérieux sont également utiles dans un cadre thérapeutique en tant que supports de médiation. Les adolescents montrent davantage qu’ils ne disent. Le centre Abadie (Pôle aquitain de l’adolescent, CHU de Bordeaux) s’est saisi de ce constat : Clash Back met en scène Chloé, qui est en plein « clash » avec son père, car elle veut se faire tatouer. Le joueur peut modifier à


BIEN DANS SA TÊTE

«   J e n e s a is p a s c e q u e je f e r a i p l us ta r d . J e ve u x

p r e n d r e l e te m ps p o u r c h o is ir

,

que lque chose que je ve u x v r a im e n t p l u tô t q u e d e m e dépêche r e t me t r o m p e r .  »

CH ER YN E, 13 AN S

tout moment du jeu l’attitude de l’adolescente. Après la partie, un retour (« back ») lui est fait sur ses choix, et le thérapeute peut entamer ici une discussion. «  C’est un support image qui facilite l’expression, lorsque cela est difficile pour les adolescents », explique le psychiatre Xavier Pommereau, directeur du centre Abadie. « Nous ne nous adressons pas directement aux jeunes, mais

aux professionnels, aux soignants et aux éducateurs, et même aux parents et aux enseignants. » Cependant, le numérique ne remplace pas la relation thérapeutique classique : « L’intention de Clash Back est bien d’être un outil facilitateur d’échanges et de dialogue entre un adolescent et l’adulte qui en est responsable sur des sujets susceptibles de fâcher. » Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 65

,


BIEN DANS SA TÊTE

L’info tout-écran Internet et les réseaux sociaux sont devenus les principaux canaux d’information des adolescents. Comprendre ces nouveaux usages et en pointer les limites permet de sensibiliser les jeunes à la désinformation.

L

e paysage informatif des adolescents a évolué. Désormais, « les réseaux sociaux numériques (RSN) jouent un rôle pivot pour [les] informer sur les sujets qui les concernent », rapporte l’enquête L’Information des adolescents par les réseaux sociaux : le chaos des fils d’actualité (2016) menée par les Ceméa (Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active) en Basse-Normandie. Ceux qui sont nés après les années 2000 s’informent en effet via des fils d’actualité, sortes de pêle-mêle d’informations disparates sous forme de liste et personnalisés par des algorithmes. Pour le philosophe Michel Serres 1, les « Petites Poucettes », ces enfants aux pouces agiles, « peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme nous. Ils n’ont plus la même tête. » Pour eux, l’accès au savoir n’est plus le même puisqu’il est « toujours et partout déjà transmis », essentiellement sur leur smart-

phone (voir infographie). Et les adolescents surinformés – on parle d’infobésité – ne sont pas pour autant bien informés. Une étude de l’université de Stanford publiée en 2016 menée auprès de près de huit mille collégiens, lycéens et étudiants américains montre que les adolescents ont du mal à déterminer la fiabilité d’un article en ligne : 82 % ne font pas la différence entre un contenu publicitaire « sponsorisé » et un article journalistique publiés sur le même site Internet. Il faut aussi savoir qu’une fausse information sur Internet est quatre fois plus partagée qu’une vraie information. Si, pour un adulte, déceler la source originelle d’une information n’est pas toujours simple, alors qu’en est-il pour un adolescent ? À un âge où l’esprit critique est en formation et où se construit la culture historique, sociale et philosophique, comment, dans ces espaces d’informations non hiérarchisées, démêler le vrai du faux ?

COMMENT LES JEUNES S’INFORMENT-ILS ?

79 % 77 %

~ ~ ~ ~~

~ ~ ~ ~~

(Source : Ipsos)

~~~ ~~

8 jeunes sur 10 (de 13 à 19 ans) ~~ ~ possèdent ~~ un smartphone ONT UN COMPTE YOUTUBE

ONT UN COMPTE FACEBOOK (Source : Ipsos)

Les médias le plus souvent utilisés pour s’informer par les enfants scolarisés sont : • Internet (77 %) • La télévision (61 %) • Les réseaux sociaux (49 %) • La presse jeunesse (21 %) • La radio (17 %) • La presse gratuite (3 %) (Source : Clemi)

42 %

(des 13-19 ans)

disent avoir lu un titre de presse jeunesse dernièrement.

(Source : Ipsos)


BIEN DANS SA TÊTE

TRIER LA BONNE ET LA FAUSSE INFO « Selon le sociologue Gérald Bronner, la logique de manipulation employée par les désinformateurs du Web est la même que celle des sectes », explique Thomas Huchon. Journaliste pour Spicee.com, il a réalisé le documentaire Comment nous avons piégé les complotistes, qui lui sert d’outil pédagogique pour sensibiliser des classes de la sixième au BTS à la désinformation. « Le conspirationnisme consiste à réécrire l’histoire du monde, et ce message se répand d’autant plus qu’Internet demande peu d’efforts et touche beaucoup de monde. Être manipulé, ce n’est pas une question d’intelligence, de savoir et de connaissance, mais plutôt de crédulité. » STÉFANA, 14 ANS

«  A p rè s un an d ’e xp ér ie nc e on se re nd co m p te qu e c’ es t ag aç an t le s cr is es d ’a d ol es ce nc e ca r on p eu t bl es se r d es p er so nn es sa ns le vo ul oi r. P ar fo is on n’ ar ri ve p as à se fa ir e co m p re nd re d es ad ul te s c’ es t p ou r ce la qu ’o n se m et en co lè re .  »

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,

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68 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

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LUCAS, 18 ANS

84 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


DEVENIR

ADULTE INTERVIEW - Catherine Dumonteil-Kremer Pour qu’ils deviennent adultes, faisons-leur confiance

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Devenir son propre conseiller d’orientation

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FICHE PRATIQUE

Le Mooc : apprendre hors les murs

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S’engager pour se construire

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Je suis un(e) ado, et je crée mon entreprise !

100

BD

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La thune des croissants

Compagnons du devoir : des métiers pour deux mains

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La nature en bas de chez soi

107

Le voyage à l’étranger : un « trip » identitaire

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FICHE PRATIQUE

Étudier à l’étranger

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Accompagner le passage à l’âge adulte

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BD

116

Mission zéro déchet

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 85


D E V E N I R A D U LT E INTERVIEW

Pour qu’ils deviennent adultes, faisons-leur confiance Entretien avec Catherine Dumonteil-Kremer, consultante familiale, éducatrice Montessori. Fondatrice de la Maison de l’enfant, une coopérative de recherche d’alternatives à la violence éducative, elle préconise de favoriser le lien au cadre avec les adolescents.

© DR

En cette période de crise écologique, financière et politique,

sont pas adaptés au changement de l’hormone du sommeil [lire page 24], tout est à revoir dans le système scolaire, au collège comme au lycée.

comment les adolescents peuvent-ils trouver leur place dans la société ?

Quels sont les talents inhérents

C’est à nous, adultes, de les aider à le faire. On devrait à l’adolescence ? Un enfant naît avec beaucoup de talents : de l’empathie, intégrer de façon presque systématique les adolescents de la curiosité… Il les développe à l’adolescence, en pardans les groupes politiques et associatifs, dans les mouvements tels que Colibris, Alternatiba et le mouvement ticulier la créativité, l’énergie, la loyauté. Pendant l’adode la Transition. Ils ont des ressources, des idées qu’on lescence, il y a une fidélité dans l’amitié qui est très forte. n’imagine pas. Quand on voit un groupe de jeunes, lors Les jeunes se soutiennent beaucoup les uns les autres ; on d’un festival ou d’un événement, plupeut utiliser cette force en tant « L’adolescence tôt que de les snober, allons les voir, qu’adultes. Ils peuvent nous aider, on est l’âge discutons avec eux. Si vous les regarpeut les soutenir. de l’expérimentation. » dez avec mépris, dédain, ou si vous Par ailleurs les adolescents de notre les regardez avec intérêt, empathie, leurs réactions seront époque sont nés à l’ère numérique ; ils ont énormément différentes. Le regard qu’on porte sur autrui induit son de compétences dans ce domaine qui les aident à chercher des informations et à se connecter au monde entier comportement. Ils ont clairement un rôle à jouer dans pour répondre aux questions qu’ils se posent. Voyons-le notre société. Mais le mode de vie qu’on leur propose est assez mortifère. Il est contre-productif de laisser assis comme un atout. huit heures par jour un adolescent. Les derniers travaux en neurosciences dont on peut avoir un résumé dans Comment encourager ces compétences ? les ouvrages de Wendy Suziki [Bouge ton cerveau !, 2016] Il y a plusieurs façons. Laisser les adolescents partir à et de Norman Doidge [Guérir grâce à la neuroplasticité, l’étranger, par exemple, pour découvrir, apprendre une langue, faire du bénévolat. Les laisser suivre des for2016] démontrent que le meilleur cadeau qu’on puisse faire à son cerveau est de bouger. Norman Doidge mations manuelles type CAP avant d’entrer à la faculté suggère de faire huit kilomètres à pied par jour, car ou dans des écoles supérieures, comme cela se fait en cela permet au cerveau de bien mieux fonctionner. Allemagne. Ils ont pour unique proposition la scolaL’école fonctionne à l’envers. Comme les horaires ne risation qui n’est que du bachotage. Elle ne correspond 86 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


,

e t l u d a e r t Ê «  me

c est un peu com ute. h c a r a p n o s r e v enle simple t s e c t n a t s in Pour l foyer u d d n e p é d n o car a près s i a m s t n e r a p de nos nt a t u ’a d e u q i l p ça se com i-m ê m e u l e d n o m e l e u plus q ent m m a t o n e i f i x e se compl  » écologiquement.

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MATTHIAS, 18 ANS

pas à leur besoin de découvertes, à leur curiosité très intense. Il leur faut se connecter à l’authenticité des adultes. Les adolescents sont confrontés à des sujets qui les effraient, qui les inquiètent ; c’est pour eux la dernière ligne droite avant l’autonomie. Ils vont devoir apprendre à prendre soin d’eux-mêmes et se forger leur propre vision du monde. Il est important aussi de leur montrer comment vivre autrement. Comment ne pas sombrer dans le modèle de société basé sur l’argent et la consommation. Car je crains qu’elle soit fatale aux futures générations avec la guerre

économique qui s’annonce entre les pays émergents. Ne leur mettons pas trop la pression sur la nécessité de réussir leurs études. Apprenons-leur d’abord la sobriété. Comment les aider à devenir autonomes ?

On les accompagne dans l’autonomie en leur faisant confiance. Par exemple : ils ne veulent plus partir en vacances avec les parents. Très bien, laissons faire. L’adolescence est l’âge de l’expérimentation. Il est aussi important de penser à leur autonomie financière. Pour les premières relations amoureuses, si les enfants Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 87


D E V E N I R A D U LT E

Devenir son propre

conseiller d’orientation Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Voilà une question récurrente souvent angoissante pour les adolescents. L’association CeQueJeVeuxFairePlusTard les aide à prendre conscience de leurs motivations et de leurs talents pour y voir plus clair.

Ç

a y est, c’est le jour J. Lundi 13  février, semaine dients dont vous avez besoin pour vous épanouir dans de vacances scolaires, une vingtaine d’adolesvotre travail, à comprendre vos motivations pour que cents de 14 à 19 ans – à peu près autant de vous puissiez choisir vous-même un métier dans lequel filles que de garçons, pour la plupart originaires vous allez vous accomplir. » de la région Île-de-France –, arrivent au centre de Massabielle à Saint-Prix (95) pour un séjour pas ordiL’APPROCHE NEUROCOGNITIVE naire. À leur demande ou à celle de leurs parents, ils COMME BASE participent à un stage de cinq jours organisé par l’assoIl est dix heures, chacun se présente et expose ses attentes ciation CeQueJeVeuxFairePlusTard. et ses craintes avant d’entamer un premier exercice. À leur arrivée, l’accueil est chaleureux, même si les « Regardez les huit panneaux qui sont autour de vous appréhensions sont bien réelles tant du côté des parents dans cette salle », propose Julia. « Regardez ceux dont que des enfants. « Je serais bien restée un peu pour voir les images vous attirent particulièrement et mettez-y comment ça se passe », confie la maman de Théo, un post-it. » Ces huit images n’ont pas été choisies au 15 ans. Sa crainte à lui est de ne pas savoir ce qu’il fera hasard : elles représentent des activités en rapport avec de son avenir à la prochaine rentrée. chacune des huit personnalités définies par l’approche Une fois les parents partis, les participants s’assoient en neurocognitive et comportementale (ANC), comme cercle avec les sept membres de l’équipe encadrante. observer la nature et partager des moments entre amis. Julia Barreau, cofondatrice de l’association, présente les L’ANC est le socle qui sert de base théorique à l’assoquatre règles de fonctionnement qui vont régir la semaine : ciation CeQueJeVeuxFairePlusTard. bienveillance, coresponsabilité, écoute Ces personnalités (le philosophe, le et confidentialité. Une grande partie « Vous épanouir stratège, l’animateur, le gestionnaire, du succès du programme tient à cette le solidaire, le participatif, le novadans votre travail. » teur et le compétiteur) correspondent qualité d’ambiance et de relation. Les au moi profond des personnes, à ce qui les ressource, critiques et jugements sont laissés de côté et les effets sont presque immédiats. Alors que les jeunes ne se connaissent ce qui les anime et leur donne de l’énergie. Déjà, avec pas, en quelques heures à peine, ils échangent ouvertement ce simple exercice, les adolescents commencent sans et osent se montrer dans des attitudes qui sont souvent s’en rendre compte à rentrer en contact avec ce qu’ils jugées inconfortables, comme mimer des animaux ou aiment vraiment. pousser des hurlements guerriers. Le défi suivant est de taille : créer un haka personnalisé La présidente de l’association, Marina Barreau, précise en quelques minutes et réaliser une chorégraphie qui l’objectif : « Nous allons vous aider à identifier les ingrésoit une manifestation de puissance collective. Les ados

90 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


D E V E N I R A D U LT E

S’engager

pour se construire Motivés par le goût du partage, le souhait de se rendre utile, ainsi que celui de se former, les adolescents s’engagent dans des projets associatifs ou politiques concrets.

A

ujourd’hui, Rémi Lavenant a 18 ans, mais il n’en avait que 14 lorsqu’il a décidé, en fin de troisième, d’agir contre la pauvreté et de créer l’association Jeunesse solidaire. Il est dix heures ce samedi et l’ambiance est chaleureuse dans le local de Jeunesse solidaire, situé à Lardy (91), petite commune de 7 500 habitants. S’y mêlent l’odeur du café et le rire des enfants. Guy, retraité, vient de pousser la porte pour acheter le calendrier de l’association, puis entrent Léa, lycéenne, et sa mère. Léa remet à Rémi 35 euros, de l’argent récolté avec la vente des calendriers. « J’ai 100 euros qui vont arriver, indique-t-elle, mais là je

pars quelques jours en vacances. » Arrivent encore trois personnes avec leur cabas : elles viennent chercher des pâtes, du riz ou du lait distribués par l’association. Mais le local est bien plus qu’un point de distribution alimentaire. Les enfants jouent, leurs parents discutent autour d’un café : l’association est surtout créatrice de lien social. « En venant ici, on trouve du réconfort », témoigne cette habitante de Lardy qui a préféré rester anonyme. « Quand on dit “On va voir Rémi”, les enfants sautent de joie, et nous, on sait qu’on pourra rester un moment à échanger. Ces petits temps ensemble nous permettent de construire des liens authentiques. »

CRÉER UNE JUNIOR ASSOCIATION POUR ACQUÉRIR DES COMPÉTENCES Trois questions à Carole Khouider, déléguée générale du réseau national des Juniors associations, qui regroupe toutes les Juniors associations, soit environ mille cinquante. POURQUOI LES 11-18 ANS S’ENGAGENT-ILS DANS UNE JUNIOR ASSOCIATION ? Le plus souvent, pour faire vivre leur territoire. Ils ont un projet pour créer du lien social, animer leur commune, organiser des événements sportifs, culturels, humanitaires ou solidaires. Les adolescents sont d’abord moteurs d’actions de proximité, mais j’observe qu’ils ont une vraie conscience environnementale. La dimension écologique est présente dans tous leurs projets. À QUEL NIVEAU SE SITUE L’INTERVENTION DU RÉSEAU ? Nous ne jugeons jamais l’objet de leur association ; le réseau est là pour être garant des outils (assurance, banque…) et les aider sans les influencer. À eux de s’organiser et de prendre leur pouvoir d’action. Nous essayons de faire en sorte qu’ils soient autonomes dans leurs projets. D’ailleurs, ils les autofinancent. Pour cela, la plupart

96 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

du temps, ils montent des sous-projets destinés à financer leur projet principal. Ils peuvent faire appel à un accompagnateur local et un relais départemental. QUE LEUR APPORTE CET ENGAGEMENT DANS LEUR PARCOURS ? Ils doivent ouvrir des portes, se créer un réseau, coopérer, gérer leur budget et faire leur place. Tout un apprentissage de la prise de décision collective, de l’interaction avec les acteurs locaux et de l’adaptation se fait aussi. Car, bien souvent, ils doivent réajuster leur projet en cours de route. Ils acquièrent ainsi des compétences transférables dans le monde du travail. Une étude de l’Injep [Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire] a montré que le passage en Junior association avait une dimension initiatique : à la fois centrée sur le groupe et cherchant à s’insérer dans son environnement social.


s t n a s s i o r c s e d La thune

102 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse


D E V E N I R A D U LT E

Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 103


D E V E N I R A D U LT E

Compagnons du devoir : des métiers pour deux mains L’Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France propose aux jeunes, dès la troisième, différents parcours en alternance pour apprendre près de trente métiers de l’artisanat. Entre mythe et réalité, rencontre avec les compagnons du «

S

xxie

siècle.

’orienter vers les Compagnons, c’est faire le choix d’exercer un métier passionnant et de viser l’excellence », présente le compagnon Simon Voyer, charpentier de formation. Il dirige depuis son ouverture en mars 2015 la maison de Pantin (93), l’une des cinquante-quatre maisons des Compagnons du devoir. Pour Lucie, 17 ans, ce choix était une évidence : depuis l’enfance, elle a toujours voulu être dans le compagnonnage et fabriquer des produits de ses mains ; elle a donc choisi la filière maroquinerie. Elle fait partie des 10  % d’effectifs féminins de l’Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF) ; l’ouverture aux jeunes filles de l’institution ayant eu lieu en 2004. Quant à Andréas, 17 ans, également apprenti maroquinier, il a rejoint les Compagnons pour ne pas être assis derrière un bureau, mais faire quelque chose de beau avec ses mains. Damien, 16 ans, en filière plomberie, exprime lui sa volonté d’apprendre un métier en le pratiquant. Ces trois adolescents sont entrés par la filière apprentissage. Ouverte aux non-bacheliers de 15 à 21 ans, elle offre une formation en alternance de deux ou trois ans, à l’issue de laquelle ils obtiennent un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou baccalauréat professionnel. Deux autres voies d’entrée existent pour les moins de 22 ans : la prépa métier – pour les bacheliers –, et la prépa tour de France (lire encadré page 106) – pour les titulaires d’un premier diplôme dans l’un des vingt‑neuf métiers des Compagnons du devoir. À 18 ans, un bac S en poche, Lucas Prieur a rejoint les Compagnons en chaudronnerie. « Passionné par la

104 • Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse

forge traditionnelle depuis que je suis gamin, j’aime travailler avec le feu et l’acier. Mon projet, c’est de faire le tour de France et d’aller jusqu’au bout. » TRANSMISSION DE SAVOIRS Le compagnonnage propose d’apprendre en alternance et parfois en mobilité un métier lié à la transformation de la matière, tout en partageant les valeurs fortes que sont l’entraide, la transmission du savoir et la volonté de toujours mieux faire. Les vingt-neuf métiers de

Cordonnier ANDRÉAS, 17 ANS


D E V E N I R A D U LT E

Plombier DAMIEN, 16 ANS

CHAUDRONNIER MaroquinIÈRE

LUCAS, 18 ANS

LUCIE, 17 ANS

Travaille le cuir GALAHAD, 18 ANS

l’AOCDTF se répartissent en six catégories : filière industrie-métallurgie, métiers du goût, métiers du vivant, bâtiment, aménagement-finition et matériaux souples. « En filière maroquinerie, je suis apprentie chez un fabricant de sacs de luxe. Je touche à tout comme les autres employés. Ils m’apprennent et ça me motive », raconte Assa Fofana. Retransmettre ce qu’on a appris, voilà le premier devoir du compagnon. Le terme trouve d’ailleurs son origine dans le latin populaire companio, « celui qui mange le même pain », signe d’une solidarité toujours présente. Ancré dans huit siècles d’histoire, le compagnonnage est une manière unique de transmettre des savoirs au travers de l’apprentissage, de l’itinérance éducative et des rituels initiatiques qui balisent le parcours. Le premier d’entre eux est celui de l’adoption. Durant cette cérémonie, l’apprenti devient un aspirant apte à partir sur les routes

du tour de France. Il se voit remettre la couleur de son métier à porter en écharpe et une canne, symbole de l’itinérance. À la fin de son tour de France, il pourra prétendre à être reçu compagnon lors de la cérémonie de réception au cours de laquelle il présentera son chefd’œuvre, mais… les Compagnons tiennent à en garder secret le contenu ! Pour toutes ces raisons, l’Unesco a inscrit le compagnonnage sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010. En alternance en entreprise, les jeunes voient très vite si le métier leur convient. « Quand je suis à l’atelier, le temps passe tellement vite. Ça me confirme que c’est ce que je veux faire », témoigne Damien Chahuneau, 16 ans, apprenti plombier. « Ici, on se débrouille tout seuls, on nous apprend à devenir autonomes. » Kaizen • Hors-série no 9 • Pour une adolescence joyeuse • 105


124

Pour une adolescence Vivre son adolescence en paix avec les autres et soi-même

joyeuse

L’adolescence est une étape de transition. Elle questionne les parents et… les adolescents. Des adolescents en proie à de multiples changements liés à une métamorphose hormonale, chez les filles comme chez les garçons. Ce hors-série donne des clefs pour comprendre cette mue, car, « comprendre, c’est déjà aimer », nous rappelle Georges Bernanos. Cet opus se veut une passerelle, une boîte de dialogue entre les parents et les adolescents. En abordant la sexualité, les addictions, l’usage des écrans ou encore les prises de risque, il propose aux adolescents et aux parents de confronter leurs points de vue sur ces sujets. Ce hors-série Kaizen est le troisième consacré à l’éducation bienveillante, car les adolescents, comme tous les êtres humains, ont besoin d’amour. Simplement, ils le reçoivent et le manifestent autrement.

« L’adolescence est le passage entre le monde donné de l’enfance et l’existence d’homme à fonder. »

979-10-93452-23-4

Simone de Beauvoir, L’Amérique au jour le jour, 1948.


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