HORSSÉRIE
no 5 HORS-SÉRIE
no 5
Pour une enfance joyeuse
Pour une enfance joyeuse
Le bonheur appartient à ceux qui l’apprennent tôt !
Et si on testait le maternage proximal et la parentalité positive ? Tel est le pari de ce hors-série. En favorisant le maternage proximal et l’éducation positive, nous misons sur les générations futures. Nous le savons désormais, les relations affectives nouées entre 0 et 6 ans laissent une empreinte essentielle chez l’enfant et influencent grandement sa vie d’adulte. Elles façonnent notre manière d’appréhender le monde, et, in fine, de le construire. Plus qu’un guide du « prêt à éduquer », ce hors-série se veut une boîte à idées où vous pourrez venir piocher, en fonction de vos goûts, de vos possibilités et de vos capacités du moment. De la conception de l’enfant jusqu’à sa sixième année, nous vous proposons un panel d’approches nouvelles pour établir une relation joyeuse avec lui :
• Haptonomie • Méthode Bonapace • Portage physiologique • Diversification alimentaire menée par l’enfant • Hygiène naturelle infantile • Langage des signes • Motricité libre • Parentage par le jeu • Yoga en famille • Jeux à faire soi-même • Tour d’observation • Cercle de parole...
Le bonheur appartient à ceux qui l’apprennent tôt !
À l’aide de fiches pratiques, d’interviews, de bonnes adresses et d’exemples d’initiatives, vous découvrirez un nouvel horizon de la parentalité. Et vous, grands-parents, tantes, oncles, parrains, marraines, voisines, voisins, professionnels de la petite enfance, bref, tout adulte qui, un jour, croiserez un enfant, saisissez-vous de ce hors-série pour construire une relation privilégiée en toute simplicité avec ces adultes en devenir.
« L’éducation est “la force du futur”, parce qu’elle est l’un des instruments les plus puissants pour réaliser le changement. »
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HORS-SÉRIE no 5
M 04150 - 5H - F: 12,00 E - RD
979-10-93452-03-6
Federico Mayor, ancien directeur général de l’UNESCO
Tome 1 : de 0 à 6 ans
Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège Social 95, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com Magazine hors-série no 5 Mai 2015 Couverture imprimée sur papier recyclé blanchi sans chlore Intérieur imprimé sur papier certifié PEFC Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Diane Routex Éditeur Web Simon Beyrand Direction artistique • hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Maquette et mise en pages Schuller-Graphic Contact info@kaizen-magazine.fr Kaizen - 19, rue Martel 75010 Paris Tél. 01 56 03 54 71 Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Kaizen - 19, rue Martel 75010 Paris Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Dessin de couverture Korrig’Anne Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIREN : 539 732 990 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse Tél. 05 63 94 15 50
Édito
Quels enfants laisserons-nous à la planète ? Cette interrogation est souvent suivie de sa réciproque : quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Si la seconde est facile à comprendre – les crises écologiques, économiques et sanitaires validant un peu plus chaque jour cette question –, la première peut interroger. Et pourtant, tout est lié. Si chacun, aujourd’hui, est invité à faire sa part pour prendre soin de la planète – que nous léguerons à nos enfants –, il est une part à ne pas négliger : l’éducation. Tel le jardinage, l’éducation est l’art de cultiver les graines que nous plantons aujourd’hui et qui deviendront l’humanité de demain. Avec ce hors-série, nous vous invitons à vous initier – ou à vous perfectionner – à un nouvel art : le maternage proximal et la parentalité positive. Plus que d’apprendre de nouvelles techniques, nous vous proposons de découvrir un art de vivre novateur et épanouissant pour toute la famille. Considérant que les enfants sont à égalité d’être avec les adultes, il s’agit de nourrir cette relation avec empathie et de faire confiance à leurs nombreuses capacités. Se pose alors la question de notre propre confiance à leur égard. Laissez-vous porter par leur élan, ils vous guideront autant que vous les guiderez. Laissez-vous inspirer, et cette rencontre deviendra joyeuse et harmonieuse. Il s’agit moins de chercher la perfection, de vouloir essayer nécessairement toutes les approches proposées dans ce hors-série, que d’être juste. Et demain, ces enfants en capacité de gérer leurs émotions, de communiquer, de coopérer, seront, peut-être, les artisans d’une humanité plus juste, plus écologique et… plus humaine. Pascal Greboval, rédacteur en chef « Traiter de la façon d’élever et d’éduquer les enfants semble être la chose la plus importante et la plus difficile de toute la science humaine. » Montaigne, Essais
Distribution Presstalis
Kaizen, késako ?
Vente au n° pour les diffuseurs : Groupe HOMMELL Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr
Kaizen est un mot japonais signifiant littéralement « changement bon ». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un deuxième, puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons qu’il se passe à nouveau.
Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 3
Poème
Présentation
Elles ont écrit, dessiné, photographié pour ce hors-série : cinq drôles de dames Textes CHARLOTTE BLONDEL
Quand j’étais petite, je voulais être père Noël ou écrivain, selon les jours. Aujourd’hui, mon métier, c’est d’écrire, si possible avec une bonne dose d’idéalisme dedans. Avec ma fille, j’ai découvert que j’avais un pouvoir incroyable, celui de transmettre ce que je trouvais de plus beau : la liberté, l’autonomie, la force de nos moteurs personnels, la confiance... Pour ce hors-série, ce fut un plaisir de partir à la rencontre de tous ces trésors et de chercher à transmettre ces découvertes plus largement. www.lesensdupoil.fr GAËLLE BALDASSARI
En pause dans ma carrière pour prendre le temps de vivre pleinement la joie d’être maman, j’ai découvert le maternage et la parentalité positive comme on égraine un chapelet : perle après perle. Déjà sensibilisée aux relations interpersonnelles par une formation de coach et de praticienne en approche neurocognitive, je me suis formée à la transmission du portage physiologique après l’avoir pratiqué de façon intensive. J’interviens à présent au sein de l’association Mater’native qui vise à enseigner et promouvoir le développement du bien-être dans la parentalité. www.maternative.fr NATHALIE PETIT
Journaliste animée du désir de créer un futur meilleur, j’ai exploré les domaines de l’agriculture vivante, des médecines douces et de l’éducation bienveillante (Guide de l’éducation consciente, Alterrenat Presse, 2009). La relation parents-enfant est pour moi au cœur de la capacité de chacun à devenir un adulte libre, heureux, responsable. C’est aussi une voie initiatique. Aujourd’hui, je continue de faire connaître des pratiques innovantes tout en me consacrant à l’accompagnement au développement personnel. 4 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Dessins KORRIG’ANNE
Je crois qu’on peut dire que je suis tombée dans le chaudron magique du dessin quand j’étais petite, car j’ai grandi entourée de personnes sensibles aux arts. Après une première expérience professionnelle en entreprise enrichissante, mais pas encore assez épanouissante, après deux grossesses assez rapprochées, j’ai décidé de complètement bouleverser ma vie professionnelle et de me lancer dans l’aventure du freelance. Voilà plus d’un an désormais que je suis illustratrice à mon compte et que je m’épanouis enfin à 100 %. Maman poule à fond dans le maternage – thématique dominante dans mes illustrations –, c’est avec plaisir que j’ai illustré ce hors-série qui me parle beaucoup. www.korriganne.com
Photographies ANNE-SOPHIE MAUFFRÉ-ROCHELET
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont fils et filles du désir de Vie en lui-même. Ils viennent par vous mais non de vous, Et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais non leurs âmes, Car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais n’essayez pas qu’ils vous ressemblent. Car la vie ne retourne pas en arrière ni ne s’attarde à hier. Vous êtes les arcs qui projettent vos enfants telles des flèches vivantes. L’Archer voit la cible sur le chemin de l’infini, et Il vous courbe avec toute Sa force pour que Ses flèches aillent vite et loin. Que cette courbure, dans les mains de l’Archer, tende à la joie ; Car comme Il aime la flèche qui vole, Il aime aussi l’arc qui est stable. » U Kahlil Gibran, Le Prophète Traduction de Janine Lévy (Le Livre de Poche, 2014)
Mariée et maman de deux petits garçons, j’ai quitté Paris pour vivre à Bergerac, en Dordogne. J’aime me définir comme une « raconteuse d’histoires ». Mon activité s’articule autour de reportages pour la presse, la prise de vue des familles de Bergerac, et aussi du temps pour réfléchir, méditer et créer. Mon éthique n’est pas de faire du spectaculaire, mais de rendre compte de la vie quotidienne des gens, dans sa beauté et sa simplicité conjuguées. Je me réjouis de collaborer régulièrement pour Kaizen en travaillant avec des gens que j’estime pour leur courage et leur loyauté. www.transhumaines.com U
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 5
Sommaire Édito ..................................................................................................................................................................................................... 3
Préface ........................................................................................................................................................................................... 6
Présentation des auteurs .............................................................................................................. 4
Quelques repères avant de commencer ............................................. 10
Poème .............................................................................................................................................................................................. 5
Bibliographie ................................................................................................................................................... 120
Avant la naissance
De la naissance à 1 an
Désir d’enfant .......................................................................................................................................................... 14
Fiche pratique : La chambre du bébé........................................................... 36
Fiche pratique : Faire un projet de naissance .............................................................................................. 16
Il dort comme un bébé ................................................................................................................... 38
Haptonomie et méthode Bonapace, préparer la naissance avec tendresse ........................................................ 18 Prendre soin de soi pendant la grossesse ........................................................................................................................... 20
Du lait à la diversification menée par l’enfant ���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 40 Fiche pratique : Des soins pour bébé économiques et écologiques ............................................................................................. 42 Pourquoi passer aux couches lavables ? ������������������������������������������ 44
Grossesse : 9 mois de bien-être ................................................................................... 22 Allaiter, mettre toutes les chances de son côté ...................................................................................................................................................................... 24
Soulager les maux des bébés par le toucher �������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 46 Porter son bébé ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 48
Vers l’accouchement naturel ������������������������������������������������������������������������������������������ 26 Fiche pratique : Blessingway, célébrer la mère qui s’annonce ��������������������������������������������������������������������������������� 28 Fiche pratique : Réaliser un Baï Jia Bei, couverture de 100 vœux ������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 29 Entretien avec Isabelle Filliozat ����������������������������������������������������������������������������� 30
La motricité libre : une confiance réciproque �������������������������������������������������������������������������������������������������������� 50 Fiche pratique : Des jeux pour l’aider à grandir ���������������������������������������������������������������������������������� 52 Rompre l’isolement de la garde à la maison ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������54 Je communique avec mon bébé ��������������������������������������������������������������������������������56 Entretien avec Catherine Gueguen ���������������������������������������������������������������������58
8 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Sommaire
De 1 an à 3 ans
De 3 ans à 6 ans
Évolution des capacités cognitives de l’enfant de 1 à 3 ans ���������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 64
Dans la tête de votre enfant de 3 à 6 ans ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 92
Les émotions, l’oxygène du lien affectif ��������������������������������������������� 66
Vive l’autonomie ! ��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 94
Des ateliers pour parents bienveillants ��������������������������������������������� 68
Fiche pratique : Do in : une séance quotidienne de bien-être et de bonne humeur ����������������������������������������������������������������������� 96
Fiche pratique : La langue des signes pour communiquer avec son bébé ������������������������������������������������������������������ 70
L’école buissonnière ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������ 98
L’éveil musical, au diapason de la vie ���������������������������������������������������� 72
École à la maison, école de la vie ������������������������������������������������������������������ 100
Discipline ludique : jouer au lieu de punir �������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 74
Fiche pratique : Les boîtes sensorielles des saisons �������������������������������������������������������������� 102
Fiche pratique : Idées simples de jeux d’éveil �������������������������������������������������������������������������������������������� 76
Sortir de la violence ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� 104
Principes d’une alimentation saine ���������������������������������������������������������������� 78 Fiche pratique : Idées de menus sains et équilibrés ������������������������������������������������������������������ 80 Des crèches qui aident à grandir �������������������������������������������������������������������������� 82 Fiche pratique : Fabriquer une tour d’apprentissage en deux tours de main ���������������������������������������������� 84 Entretien avec Olivier Maurel ������������������������������������������������������������������������������������� 86
Fiche pratique : Une séance de yoga famille ���������������������������������������������������������������������������������������� 106 Philosopher dès la maternelle ������������������������������������������������������������������������������ 108 Des écrans, un peu, beaucoup ou pas du tout ? ������������������������������������������������������������������������������������������������ 110 Vivre en famille ? Avec joie ! ������������������������������������������������������������������������������������������� 112 Fiche pratique : Une fête d’anniversaire autrement �������������������������������������������������������������� 114 Entretien avec Isabelle Peloux ������������������������������������������������������������������������������� 116
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 9
Avant la naissance U Désir d’enfant • 14 Fiche pratique : Faire un projet de naissance • 16 Haptonomie et méthode Bonapace, préparer la naissance avec tendresse • 18 Prendre soin de soi pendant la grossesse • 20 Grossesse : 9 mois de bien-être • 22 Allaiter, mettre toutes les chances de son côté • 24 Vers l’accouchement naturel • 26 Fiche pratique : Blessingway, célébrer la mère qui s’annonce • 28 Fiche pratique : Réaliser un Baï Jia Bei, couverture de 100 vœux • 29 Entretien avec Isabelle Filliozat • 30
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Avant la naissance U Désir d’enfant • 14 Fiche pratique : Faire un projet de naissance • 16 Haptonomie et méthode Bonapace, préparer la naissance avec tendresse • 18 Prendre soin de soi pendant la grossesse • 20 Grossesse : 9 mois de bien-être • 22 Allaiter, mettre toutes les chances de son côté • 24 Vers l’accouchement naturel • 26 Fiche pratique : Blessingway, célébrer la mère qui s’annonce • 28 Fiche pratique : Réaliser un Baï Jia Bei, couverture de 100 vœux • 29 Entretien avec Isabelle Filliozat • 30
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Avant la naissance
Avant la naissance
Désir d’enfant Quand le désir d’enfant est là, mais qu’il tarde à se réaliser, il est possible de se tourner vers des pratiques « alternatives » – autres que la médicalisation – pour tenter de surmonter les obstacles qui se dressent sur le chemin de la parentalité. En France, environ un couple sur cinq est confronté à une infécondité d’une durée supérieure à un an après l’arrêt de la contraception 1. Un enfant sur 36 2 est conçu au cours d’un parcours d’assistance médicale à la procréation. Sont en cause les facteurs environnementaux – pollution atmosphérique, pollution des eaux potables, etc. –, les problèmes infectieux, mais aussi la consommation de tabac et d’alcool ou encore le surpoids 3. Le stress est également un facteur important : en 2013, un protocole de recherche 4 mené sur plus de 500 patientes a mis en évidence qu’un niveau élevé de stress diminue la fertilité de 29 %. Le stress entraîne l’augmentation du cortisol, hormone qui agit directement sur l’ovulation 5 et sur la qualité du sperme 6. Il a aussi un impact négatif sur la libido et donc sur la fréquence des rapports. Quand la difficulté provient notamment du stress, d’un déséquilibre du système endocrinien ou d’un blocage physique, l’offre de pratiques dites « alternatives » – car non médicales – est diversifiée et permet à chacune de trouver une approche qui lui convient. Elles peuvent toutes être pratiquées en parallèle d’un traitement médical d’aide à la procréation. Citons parmi les plus connues la naturopathie, l’acupuncture, le shiatsu, la chiropratique, le yoga, la sophrologie ou encore la kinésiologie. Zoom sur trois pratiques
Le shiatsu, technique d’origine japonaise inspirée de la médecine traditionnelle chinoise, consiste en des pressions manuelles sur des points d’acupuncture et le long des méridiens. Cela permet de faire circuler l’énergie et de rétablir l’équilibre entre le yin et le yang. Stéphane Bertrand 7, praticienne en shiatsu, a pu constater que de nombreuses jeunes femmes ont un déficit de yin (qui 14 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
représente, entre autres, la féminité). « Les femmes, rythmées par leur cycle menstruel, connaissent des variations d’énergie souvent peu compatibles avec le travail. Le cycle est, petit à petit, nié par les femmes. Elles se masculinisent », analyse Stéphane. C’est là que le shiatsu-ki (praticien en shiatsu) peut agir afin de permettre au corps de retrouver l’équilibre nécessaire à l’accueil d’une grossesse. Laura se souvient qu’à la suite d’une séance de shiatsu, elle a eu ses règles « comme si tout était prêt, mais qu’il fallait débloquer quelque chose », alors que ses cycles anormalement longs amenuisaient auparavant ses chances d’avoir un enfant. Cet épisode lui a permis de « réaliser la puissance de la pratique ». La séance de shiatsu, qui dure environ une heure, se pratique habillée, allongée sur un tatami posé au sol. Après une séance, l’idéal est de pouvoir être au calme, de boire beaucoup d’eau et d’éviter de prendre un bain ou une douche dans les deux heures. La chiropratique, autre technique manuelle, vise à équilibrer l’ensemble du corps avec comme base de travail la colonne vertébrale, qui protège le système nerveux. Le chiropraticien réalise, grâce à des gestes précis, l’ajustement de ses patients. « Il considère que le corps est intelligent, qu’il dispose de capacités d’autoguérison », explique Fanny Duchesne, chiropraticienne 8. La séance permet aux patients de retrouver ce potentiel. Dans le cas spécifique de l’accompagnement à la procréation, en plus de cet équilibre général, Fanny vérifie que l’innervation des organes reproducteurs est sans interférences. C’est aussi, selon elle, une pause salutaire dans un parcours parfois très médicalisé. « Cette technique ne présente pas de contre-indications, le travail est doux », précise Fanny Duschesne.
Le yoga de la fertilité est encore peu répandu, comme l’explique Stéphanie Launay, directrice de La Maison des Anges 9, à Rennes, spécialisée dans l’accompagnement des femmes. Pour elle, il s’agit de rétablir l’écologie intérieure de la femme, notamment au niveau de sa féminité, en libérant les organes internes en jeu dans la procréation. Les femmes sont guidées par le professeur dans la pratique des asanas (postures), des pranayamas (respirations) et dans
les temps de relaxation. Un soin particulier sera apporté à libérer le système endocrinien et à rétablir les connexions autour du bassin. Pour Stéphanie, ces cours sont « un moment privilégié pour débloquer des peurs ou sentiments en jeu dans la difficulté rencontrée par le couple ». Le yoga de la fertilité, c’est aussi apprendre à lâcher prise et à accepter la situation telle qu’elle est pour continuer de vivre dans le présent. Les praticiens des différentes techniques se rejoignent sur l’importance de l’équilibre interne – physique et psychologique –, ainsi que sur l’attention qui doit être portée au respect du rythme la femme dans son fonctionnement cyclique. La difficulté masculine est également appréhendée par les approches précitées, surtout en matière de diminution du stress. U 1
Rémy Slama, « La Fertilité des couples en France », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, février 2012 2
Agence de la biomédecine, Rapport d’activité annuel d’Assistance Médicale à la Procréation, 2011 3
Inserm, Les Troubles de la fertilité, 2012
4
Courtney Lynch et al., « Preconception
stress increases the risk of infertility », Oxford University Press, mars 2014. 5
Germaine Louis et al., « Stress reduces
conception probabilities across the fertile window: evidence in support of relaxation », Fertility and Sterility, juin 2011 6
Joanna Jurewicz et al., « The effect of stress
on the semen quality », Medycyna Pracy, 2010 7 8 9
www.pauseshiatsu.fr
www.chiropratique-a-paris.fr
www.lamaisondesanges.fr
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 15
Avant la naissance
Avant la naissance
Grossesse : 9 mois de bien-être La grossesse n’est pas qu’un temps d’attente. Et si vous profitiez de ce cette période pour prendre soin de vous ? Voici des exemples d’activités compatibles avec la grossesse. Pour mieux vivre la grossesse, nouer une relation avec l’enfant à naître, aborder l’accouchement et la parentalité avec plus de confiance, plusieurs approches s’offrent à la future maman. Parmi elles, le yoga, le chant, ou le Pilates. Ces disciplines travaillent sur différents aspects de l’être – physique, émotionnel, psychologique – et viennent com‑ pléter les méthodes de préparation à l’accouchement. Choisies selon les aspirations de chacune, elles sont autant d’entraînements au ressenti du corps conscient, au lâcher‑prise et à la confiance. Les séances données à la
maternité ou par une sage-femme libérale à partir du 6e mois sont prises en charge par la sécurité sociale au nombre de huit, le chant mis à part. Le yoga prénatal vise à harmoniser le corps et l’esprit en associant un travail technique de mouvements et d’étire‑ ments à un travail respiratoire. Les outils de relaxation, respiration et méditation qu’il présente peuvent être d’une grande aide pour gérer la douleur et le stress lors de l’accouchement.
Patricia Girou donne des cours de yoga pour femmes enceintes à l’espace de coworking de Bergerac.
« Le yoga m’a aidée à apprivoiser les changements de mon corps et à mieux gérer les contractions lors de l’accouche‑ ment. Certaines postures m’ont appris à mieux respirer et à ne pas me battre contre la douleur, mais à la laisser passer sans me crisper. Cela m’a été d’une grande aide pendant le travail », témoigne Claire, maman de Lucille, 3 mois. La méthode Pilates est extrêmement bien adaptée à la femme enceinte. Les exercices proposés vont lui permettre de mieux connaître son corps, de s’y reconnecter de façon consciente et plus spécifiquement de renforcer le dos, la posture, de maintenir une qualité de vie tout au long de la grossesse et de mieux récupérer ensuite. Cette méthode inspirée du yoga, de la danse et de la gymnastique se pra‑ tique par des exercices de renforcement musculaire. Depuis un an, les Centres Qee à Paris et à Boulogne-Billancourt ont introduit, en plus du yoga et de la sophrologie, des séances de Pilates prénatal. « L’un des piliers de la méthode est la respiration physiologique », explique Marilyn Ferreira, instructrice de Pilates chez Qee. « À chaque expi‑ ration, la femme va engager le périnée qui lui-même engage l’abdominal transverse, et, à chaque inspiration, elle le relâche. C’est d’un intérêt majeur pour mieux connaître ces muscles et ainsi faciliter l’accouchement. Ce travail respiratoire permet aussi de se relaxer tout en douceur, d’avoir une meilleure posture et, le jour J, de mieux gérer les contractions. » Le Pilates prénatal peut se pratiquer dès le premier mois de grossesse et jusqu’à l’accouchement. Le chant prénatal, tel que le proposent les animateurs de l’Association française de chant prénatal (AFCP), est une véritable préparation à l’accueil de la vie qui peut se pour‑ suivre au-delà de la naissance. Ces séances permettent d’entamer un dialogue émotionnel avec l’enfant à naître, de favoriser le bien-être des femmes, mais aussi de tra‑ vailler les muscles qui entrent en jeu lors de l’accouchement et de préparer l’après-naissance. S’appuyant sur le plaisir, le chant prénatal consolide la confiance des futures mères. « Revenir à l’écoute de son corps, s’autoriser à ne pas ressentir comme son voisin et expérimenter la justesse de ce ressenti est une clef pour accompagner la parentalité et se faire confiance », explique Marie-Anne Sévin-Tulasne, animatrice et fondatrice de l’AFCP.
22 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Le travail sur la voix poursuit ce processus de confiance qui se construit en profondeur. « Prendre confiance en sa voix, oser chanter, c’est prendre confiance en soi », ajoute Marie-Anne. « Plus encore, ouvrir une voix en haut, c’est aussi ouvrir des voies en bas. » Saviez-vous que ce lien est physiologique, les muqueuses des cordes vocales se modi‑ fiant en même temps que le cycle de la femme ? L’AFCP n’a pas encore d’animateurs dans tous les départements, aussi Marie-Anne a-t-elle réalisé un disque, Cocon de soi(e), qui permet de travailler sur le volet bien-être corporel. U
La relaxation musicale, détente absolue Le conservatoire de musique Claude Debussy, à Saint‑Brice‑sous-Forêt (95), offre aux futures mamans des séances de relaxation au son du piano. « Nous sommes accueillies sur de vrais matelas et, le temps d’une pause, nous accédons à un niveau très intense de relaxation. Le temps paraît comme suspendu, on se laisse traverser par la musique et toutes les tensions se relâchent d’un seul coup », témoigne Gaëlle, aujourd’hui maman d’Élise, 1 an. « Les vibrations très agréables du piano permettent de lâcher prise complètement au point, parfois, de s’endormir ; c’est une parenthèse précieuse pendant la grossesse, qui pourrait avantageusement être proposée par d’autres conservatoires. »
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 23
Avant la naissance
Avant la naissance
Interview
Interview © DR
Pour une éducation positive
Ce n’est pas être plus proche, c’est une relation différente. La personne qui s’occupe prioritairement de l’enfant pendant ses 9 premiers mois de vie devient sa figure d’attachement principale. L’enfant se tournera vers cette figure d’attachement principale pour raconter ses soucis, pour décharger son stress. C’est une des raisons pour lesquelles c’est souvent avec la mère que l’enfant refuse de manger, fait des grandes crises, etc. Mais, on voit aujourd’hui que des pères dans une démarche de paternage proximal – faire dormir l’enfant sur lui, être dans un contact peau à peau, etc. –, deviennent des figures d’attachement importantes pour l’enfant.
Entretien avec Isabelle Filliozat, psychothérapeute, directrice de l’École des intelligences relationnelle et émotionnelle (Eirem) et auteur de nombreux livres dont J’ai tout essayé !, Opposition, pleurs et crises de rage : traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans. (JC Lattès, 2014).
Le congé parental n’est pas toujours facile à envisager. Que devient la figure d’attachement principal quand l’enfant est confié à une assistante maternelle ou mis en crèche ?
PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
au fait qu’ils sont stressés. Et s’ils sont stressés, c’est parce L’éducation ou parentalité positive est une approche empaque le réservoir affectif n’est pas plein. Or, le réservoir affecthique de l’enfant. On pose l’hypothèse que derrière les tif est en réalité un réservoir d’énergie adaptative. C’est du comportements, il y a des émotions et des besoins. On va carburant pour réagir face au stress. alors se mettre à l’écoute de ces derniers plutôt que de tenPour autant, même si l’enfant reçoit beaucoup de tendresse, ter de contrôler les comportements. C’est donc aux parents, d’amour, que son réservoir affectif est comblé, il rencontre à tous les acteurs de la petite enfance, à tout adulte en parfois des difficultés. Il ne sait pas toujours comment faire. contact avec des enfants d’écouter et de comprendre les Par exemple, sur un toboggan, un enfant de 2 ans qui est émotions. Cette éducation se place derrière un autre ne sait pas forcément s’il doit attendre ou passer, et s’il peut dans une dynamique de non-vioC’est l’avantage de l’amour : lence, et dans la non-violence, il n’y pousser, taper. On voit bien qu’il ne a pas de jugement. Cette éducation est s’agit pas de lui donner plus d’amour : plus on en donne, plus on positive, non pour être en opposition l’enfant n’a pas acquis une compétence en reçoit. avec quelque chose de négatif, mais sociale suffisante pour obtenir satisparce qu’on va s’attacher à donner des faction de son besoin, donc, le parent ressources à l’enfant, plutôt que des limites. En résumé, enseigne à l’enfant comment faire. Dans ce cas, je lui plutôt que de dire « non », on va tenter d’enseigner à enseigne à demander gentiment, je lui enseigne des gestes l’enfant comment faire. amicaux qui signifient qu’il veut passer, je lui enseigne peutêtre à attendre son tour. En résumé, je lui enseigne des comPouvez-vous définir ces ressources ? Et ce que vous nommez le pétences, plutôt que de le culpabiliser et de lui dire : « Tu ne « réservoir affectif » ? dois pas taper, tu ne dois pas faire ceci, cela. » Le réservoir affectif est une partie de ces ressources. C’est un mélange d’amour, de complicité, de temps passé entre Pour remplir le réservoir affectif de l’enfant, est-il nécessaire que les enfants et les parents. Ce n’est pas l’amour au sens le réservoir des parents soit plein, et comment les parents peuvent« J’aime mon enfant. », car ça, c’est un sentiment, mais ce ils le remplir ? sont des actes concrets : par exemple, combien de temps L’avantage de ce réservoir est que, chaque fois que l’on l’enfant et le parent ont-ils passé ensemble aujourd’hui ? remplit celui de l’enfant, celui du parent se remplit autoNombre de comportements excessifs des enfants sont liés matiquement. Récemment, une dame me disait qu’elle Comment définissez-vous l’éducation positive ?
30 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Est-ce que l’union « naturelle » de l’enfant avec la mère, liée par exemple à l’allaitement, renforce leur proximité par rapport au père ?
avait fait un « karaté chaussette » avec son fils – pourtant âgé de 14 ans –, chacun tentant de prendre la chaussette de l’autre. Ce moment de contact intense a rempli profondément le réservoir… des deux. C’est l’avantage de l’amour : plus on en donne, plus on en reçoit. Dans cette approche, les mères et les pères doivent-ils avoir la même attitude ?
Je ne suis pas sûre de faire une différence énorme entre le rôle du père et le rôle de la mère. C’est plus une question individuelle de la place de chacun dans la relation avec l’enfant. Chaque famille est une création unique, donc il n’y a pas de règle générale. Il y a des femmes qui travaillent et des hommes qui vont rester à la maison, il y a toute sorte de formes de famille. Cela dit, les hommes et les femmes ont des façons très différentes d’appréhender les choses, et nous avons clairement à apprendre l’un de l’autre.
On n’a pas une seule figure d’attachement, il y a en une principale, puis il y en a des secondaires. Par exemple, chez les peuples racines, rares sont les enfants qui sont 100 % du temps avec leur maman : ils vont dans les bras des tantes, des sœurs, des pères, etc. C’est bien pour les mères de pouvoir rester avec leur enfant jusqu’à la fin de l’allaitement, mais les mamans d’aujourd’hui sont trop seules et ce n’est pas forcément bon pour un enfant. Un enfant n’a pas besoin que de sa maman, il a aussi besoin d’être en contact avec l’autre. Le problème, c’est quand une maman doit reprendre le travail et laisser son enfant entre 8 et 10 heures par jour. Mais on ne peut pas exclure une maman du monde du travail dans lequel elle s’épanouit, car cela rejaillit sur l‘enfant. L’idéal serait que les enfants soient élevés par une tribu d’adultes, pas juste une maman. Souvent revient la sentence : « Oui, mais il faut fixer un cadre ! » Que pensez-vous du cadre ?
Les enfants ont un cadre : ils ont un cadre de vie. Vouloir fixer un cadre artificiel, c’est être à côté de la plaque. L’enfant a besoin de belles choses, de nature, d’un cadre protégé où il peut se mouvoir en liberté sans risquer de se blesser. Donc, oui, nous avons à fournir un cadre, mais un qui soit lié à un espace où l’enfant peut s’épanouir de manière sécurisée. Le cadre est aussi lié au temps. Il est important de respecter les routines d’un enfant : il a besoin de repères, que les choses ne soient pas tout le temps mélangées au gré des besoins des adultes. Certains enfants sont très rythmiques – dormir à la même heure, manger à Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 31
Avant la naissance
Avant la naissance
Interview
Interview © DR
Pour une éducation positive
Ce n’est pas être plus proche, c’est une relation différente. La personne qui s’occupe prioritairement de l’enfant pendant ses 9 premiers mois de vie devient sa figure d’attachement principale. L’enfant se tournera vers cette figure d’attachement principale pour raconter ses soucis, pour décharger son stress. C’est une des raisons pour lesquelles c’est souvent avec la mère que l’enfant refuse de manger, fait des grandes crises, etc. Mais, on voit aujourd’hui que des pères dans une démarche de paternage proximal – faire dormir l’enfant sur lui, être dans un contact peau à peau, etc. –, deviennent des figures d’attachement importantes pour l’enfant.
Entretien avec Isabelle Filliozat, psychothérapeute, directrice de l’École des intelligences relationnelle et émotionnelle (Eirem) et auteur de nombreux livres dont J’ai tout essayé !, Opposition, pleurs et crises de rage : traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans. (JC Lattès, 2014).
Le congé parental n’est pas toujours facile à envisager. Que devient la figure d’attachement principal quand l’enfant est confié à une assistante maternelle ou mis en crèche ?
PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
au fait qu’ils sont stressés. Et s’ils sont stressés, c’est parce L’éducation ou parentalité positive est une approche empaque le réservoir affectif n’est pas plein. Or, le réservoir affecthique de l’enfant. On pose l’hypothèse que derrière les tif est en réalité un réservoir d’énergie adaptative. C’est du comportements, il y a des émotions et des besoins. On va carburant pour réagir face au stress. alors se mettre à l’écoute de ces derniers plutôt que de tenPour autant, même si l’enfant reçoit beaucoup de tendresse, ter de contrôler les comportements. C’est donc aux parents, d’amour, que son réservoir affectif est comblé, il rencontre à tous les acteurs de la petite enfance, à tout adulte en parfois des difficultés. Il ne sait pas toujours comment faire. contact avec des enfants d’écouter et de comprendre les Par exemple, sur un toboggan, un enfant de 2 ans qui est émotions. Cette éducation se place derrière un autre ne sait pas forcément s’il doit attendre ou passer, et s’il peut dans une dynamique de non-vioC’est l’avantage de l’amour : lence, et dans la non-violence, il n’y pousser, taper. On voit bien qu’il ne a pas de jugement. Cette éducation est s’agit pas de lui donner plus d’amour : plus on en donne, plus on positive, non pour être en opposition l’enfant n’a pas acquis une compétence en reçoit. avec quelque chose de négatif, mais sociale suffisante pour obtenir satisparce qu’on va s’attacher à donner des faction de son besoin, donc, le parent ressources à l’enfant, plutôt que des limites. En résumé, enseigne à l’enfant comment faire. Dans ce cas, je lui plutôt que de dire « non », on va tenter d’enseigner à enseigne à demander gentiment, je lui enseigne des gestes l’enfant comment faire. amicaux qui signifient qu’il veut passer, je lui enseigne peutêtre à attendre son tour. En résumé, je lui enseigne des comPouvez-vous définir ces ressources ? Et ce que vous nommez le pétences, plutôt que de le culpabiliser et de lui dire : « Tu ne « réservoir affectif » ? dois pas taper, tu ne dois pas faire ceci, cela. » Le réservoir affectif est une partie de ces ressources. C’est un mélange d’amour, de complicité, de temps passé entre Pour remplir le réservoir affectif de l’enfant, est-il nécessaire que les enfants et les parents. Ce n’est pas l’amour au sens le réservoir des parents soit plein, et comment les parents peuvent« J’aime mon enfant. », car ça, c’est un sentiment, mais ce ils le remplir ? sont des actes concrets : par exemple, combien de temps L’avantage de ce réservoir est que, chaque fois que l’on l’enfant et le parent ont-ils passé ensemble aujourd’hui ? remplit celui de l’enfant, celui du parent se remplit autoNombre de comportements excessifs des enfants sont liés matiquement. Récemment, une dame me disait qu’elle Comment définissez-vous l’éducation positive ?
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Est-ce que l’union « naturelle » de l’enfant avec la mère, liée par exemple à l’allaitement, renforce leur proximité par rapport au père ?
avait fait un « karaté chaussette » avec son fils – pourtant âgé de 14 ans –, chacun tentant de prendre la chaussette de l’autre. Ce moment de contact intense a rempli profondément le réservoir… des deux. C’est l’avantage de l’amour : plus on en donne, plus on en reçoit. Dans cette approche, les mères et les pères doivent-ils avoir la même attitude ?
Je ne suis pas sûre de faire une différence énorme entre le rôle du père et le rôle de la mère. C’est plus une question individuelle de la place de chacun dans la relation avec l’enfant. Chaque famille est une création unique, donc il n’y a pas de règle générale. Il y a des femmes qui travaillent et des hommes qui vont rester à la maison, il y a toute sorte de formes de famille. Cela dit, les hommes et les femmes ont des façons très différentes d’appréhender les choses, et nous avons clairement à apprendre l’un de l’autre.
On n’a pas une seule figure d’attachement, il y a en une principale, puis il y en a des secondaires. Par exemple, chez les peuples racines, rares sont les enfants qui sont 100 % du temps avec leur maman : ils vont dans les bras des tantes, des sœurs, des pères, etc. C’est bien pour les mères de pouvoir rester avec leur enfant jusqu’à la fin de l’allaitement, mais les mamans d’aujourd’hui sont trop seules et ce n’est pas forcément bon pour un enfant. Un enfant n’a pas besoin que de sa maman, il a aussi besoin d’être en contact avec l’autre. Le problème, c’est quand une maman doit reprendre le travail et laisser son enfant entre 8 et 10 heures par jour. Mais on ne peut pas exclure une maman du monde du travail dans lequel elle s’épanouit, car cela rejaillit sur l‘enfant. L’idéal serait que les enfants soient élevés par une tribu d’adultes, pas juste une maman. Souvent revient la sentence : « Oui, mais il faut fixer un cadre ! » Que pensez-vous du cadre ?
Les enfants ont un cadre : ils ont un cadre de vie. Vouloir fixer un cadre artificiel, c’est être à côté de la plaque. L’enfant a besoin de belles choses, de nature, d’un cadre protégé où il peut se mouvoir en liberté sans risquer de se blesser. Donc, oui, nous avons à fournir un cadre, mais un qui soit lié à un espace où l’enfant peut s’épanouir de manière sécurisée. Le cadre est aussi lié au temps. Il est important de respecter les routines d’un enfant : il a besoin de repères, que les choses ne soient pas tout le temps mélangées au gré des besoins des adultes. Certains enfants sont très rythmiques – dormir à la même heure, manger à Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 31
De la naissance à 1 an U Fiche pratique : La chambre du bébé • 36 Il dort comme un bébé • 38 Du lait à la diversification menée par l’enfant • 40 Fiche pratique : Des soins pour bébé économiques et écologiques • 42 Pourquoi passer aux couches lavables ? • 44 Soulager les maux des bébés par le toucher • 46 Porter son bébé • 48 La motricité libre : une confiance réciproque • 50 Fiche pratique : Des jeux pour l’aider à grandir • 52 Rompre l’isolement de la garde à la maison • 54 Je communique avec mon bébé • 56 Entretien avec Catherine Gueguen • 58
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De la naissance à 1 an U Fiche pratique : La chambre du bébé • 36 Il dort comme un bébé • 38 Du lait à la diversification menée par l’enfant • 40 Fiche pratique : Des soins pour bébé économiques et écologiques • 42 Pourquoi passer aux couches lavables ? • 44 Soulager les maux des bébés par le toucher • 46 Porter son bébé • 48 La motricité libre : une confiance réciproque • 50 Fiche pratique : Des jeux pour l’aider à grandir • 52 Rompre l’isolement de la garde à la maison • 54 Je communique avec mon bébé • 56 Entretien avec Catherine Gueguen • 58
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De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
Il dort comme un bébé « Alors, il fait ses nuits ? » Comme un refrain, cette question revient sans cesse aux oreilles des parents. Voici quelques repères pour que vous répondiez en toute tranquillité, et que vous aidiez votre enfant à « faire ses nuits ». Les nouveau-nés passent en moyenne 16 heures par jour à dormir. À 1 an, la nuit plus les siestes représentent, toujours en moyenne, 14 heures par jour. Ces chiffres cachent de grandes disparités entre « gros » et « petits » dormeurs.
cèdent l’endormissement toujours dans le même ordre. Associé à des signaux positifs, le rituel aidera le bébé à s’endormir plus paisiblement.
Rituel
Le nourrisson qui s’endort commence par vivre une phase initiale de sommeil paradoxal d’une vingtaine de minutes. Pendant cette période avant le sommeil calme, le moindre bruit peut le réveiller. « Puisque le nourrisson se réveille plus facilement lorsqu’il est en phase de sommeil para-
Pour préparer l’enfant au sommeil, le prévenir qu’il va pouvoir se calmer, puis dormir, l’idéal est de mettre en place un rituel. Il s’agit d’enchaîner les actions qui pré-
L’endormissement
doxal, il a besoin d’être accompagné avec douceur pendant cette phase initiale, jusqu’à ce qu’il tombe dans un sommeil profond », indique le pédiatre William Sears 1. En grandissant – l’âge est variable, pour certains à partir de 3 mois, la majorité vers 6 mois et pour d’autres après 1 an –, l’enfant acquiert la faculté de passer directement de l’état de veille au sommeil profond. À partir de là, l’enfant acceptera plus volontiers de s’endormir seul s’il est couché à l’heure qui lui convient (aux signes d’endormissement et non en fonction de la montre). Les réveils nocturnes
Tout d’abord, une définition : un enfant « fait ses nuits » quand il dort de minuit à cinq heures sans solliciter ses parents ; nous sommes donc bien loin de 12 heures consécutives de sommeil. Jusqu’à 3 mois, 90 % des nourrissons se réveillent la nuit. À 1 an, 47 % des bébés se réveillent encore une ou deux fois 2 chaque nuit. Ces chiffres sont de nature à rassurer les parents, qui se sentent parfois seuls au monde à « gérer » un enfant qui les réveille la nuit. L’anthropologue Roger Ekirch 3 considère le sommeil fragmenté – en au moins deux parties – comme étant plus naturel que le sommeil d’une traite. Pour lui, c’est un manque chronique de sommeil dû notamment à l’invention de la lumière artificielle qui a amené l’être humain à dormir d’un seul tenant alors que tous les animaux diurnes scindent la nuit en deux parties et restent éveillés au calme sur une durée variable entre deux phases de sommeil. L’état d’esprit du parent quand le bébé se réveille influe sur sa capacité à se rendormir rapidement et de façon de plus en plus autonome. Plus le parent accueille le réveil de l’enfant avec bienveillance, veille à lui parler doucement et à conserver une pénombre, plus l’enfant replonge rapidement dans le sommeil, à condition que ses besoins (manger, être propre ou soulagé d’une douleur) soient comblés. Faut-il laisser les bébés pleurer ?
après avoir hurlé sans être écouté (voir l’interview de Catherine Gueguen page 58). Si l’enfant est cajolé et rassuré la nuit, il devrait augmenter, petit à petit, la durée de ses plages de sommeil. Alice Trépanier, doctorante en psychologie et consultante périnatale, appelle de ses vœux la fin du diktat du « bon » bébé et du « bon » parent : « Redonnons aux parents le pouvoir de décider, de faire confiance à leur bébé, et de se faire confiance à eux-mêmes. Cherchons simplement à ne pas nous perdre, à rester connectés, ensemble, parents et bébés. » Pour favoriser cela, elle insiste sur la nécessité « d’avoir de l’information juste quant au sommeil de bébé, à son développement et à la relation parent-enfant. C’est primordial parce que cela va teinter toute votre perception et votre attitude. » Partager la chambre ou le lit
Le sommeil partagé, « c’est commode et agréable 4 », rappelle Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau. Il y a mille et une façons de le pratiquer : depuis le lit familial qui accueille tous les membres de la famille, au lit de bébé classique dans la chambre des parents, en passant par le matelas au pied du lit parental ou encore au lit d’enfant qui s’accroche à celui des parents. Le bébé et les parents bénéficient d’une proximité qui peut être salutaire. La chambre partagée, plébiscitée par l’Organisation mondiale de la santé pour son action positive dans la poursuite de l’allaitement, est aussi pratique, car l’enfant qui se réveille en pleine nuit est rassuré d’entendre ses parents à proximité. Pour Céline, jeune maman, « pouvoir écouter Lilian respirer sans avoir à se lever quand [elle] se réveillait la nuit [lui] permettait de se rendormir aussitôt ». Le cododo a d’autres vertus : il contribue à régulariser la respiration du bébé, son rythme cardiaque et sa température. C’est aussi très pratique, car, si la mère allaite, elle n’est que peu dérangée par les tétées (pas besoin de se lever en pleine nuit). U 1 2
Un bébé qui pleure, s’il est ignoré, sécrète du cortisol (hormone du stress). Cette sécrétion amène l’enfant à passer par plusieurs phases de stress, dont la dernière, l’inhibition, peut ressembler à un retour au calme. Il n’en est rien, c’est bien un état de stress que vit l’enfant qui s’endort 38 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Être parents la nuit aussi, LLL Canada, 1992 Katarina Michelson et al., « Crying, feeding and sleeping patterns in 1 to 12-month old infants », Child: Care, Health and Development, 1990 Roger Ekirch, At Day’s Close, Night in Times Past, W. W. Norton & Company,
3
2006 4
Partager le sommeil de son enfant, éditions Jouvence, 2005
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 39
De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
Du lait à la diversification menée par l’enfant Dans sa première année de vie, un enfant découvre une vaste palette de goûts et de textures. Il pose les bases de son alimentation future. Comment l’accompagner dans cette découverte ? Quels sont les fondamentaux ? Comment mener la diversification ? Zoom sur certains principes.
Quel lait ?
La diversification menée par l’enfant
À la naissance, l’enfant ne se nourrit qu’avec du lait. Comment choisir celui-ci ?
Passés les 6 mois vient le temps de la diversification, un moment charnière dans l’alimentation du bébé. C’est le temps de l’introduction des solides. Et si on laissait l’enfant manger par lui-même ? Il s’agit de la diversification menée par l’enfant (DME). Quand le bébé parvient à se tenir assis (vers 6 mois), on lui propose des aliments en morceaux qu’il mange avec les doigts. Il observe, découvre la texture des aliments, leur odeur avant de décider de les manger... ou non. Pour Yanis, jeune papa « embarqué par sa femme » dans la DME, le principal intérêt était d’« éviter la corvée de la préparation de purées ». En pratique, on présente à l’enfant sur la table de sa chaise haute, des fruits et légumes de saison cuisinés ou crus en veillant à ce qu’ils soient fondants. Les morceaux, dans l’idéal en forme de bâtonnets, doivent être plus larges que le poing de l’enfant afin qu’il puisse s’en saisir, mais pas tout ingurgiter d’un coup.
• L’allaitement est un procédé à favoriser, comme le recommande d’ailleurs l’Organisation mondiale de la santé : - « allaitement exclusif au sein pendant les six premiers mois de la vie ; - introduction, à l’âge de six mois, d’aliments de complément (solides) sains et satisfaisants sous l’angle nutritionnel, parallèlement à la poursuite de l’allaitement jusqu’à l’âge de deux ans et au-delà. » L’allaitement est une approche qui se prépare : voir page 24. • Les laits infantiles Si l’enfant n’est pas allaité, il a besoin d’un substitut au lait maternel. Les laits infantiles sont une solution se rapprochant le plus possible de la composition du lait maternel. Pour Candice Levy, naturopathe 1, voici ce qu’il faut prendre en compte pour choisir son lait infantile 2 : - un lait d’origine biologique ; - une teneur basse en protéines ; - une teneur faible en caséine et une teneur élevée en protéines solubles ; - qualité et teneur des acides gras essentiels et apport en acide docosahexaénoïque (DHA) ; - absence d’huile de palme. Sur ces critères, elle recommande les préparations à base de lait de vache des marques Babybio, Holle et Prémilait. Bébé Mandorle (à base de protéines de riz) est indiquée en cas d’intolérance au lait de vache. Candice Levy conseille de conserver le lait sélectionné jusqu’à ce que l’enfant ait 1 an. 40 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
partagé avec lui les plats familiaux. Nous avons fait quelques ajustements : nous cuisinons sans sel et nous avons banni les fritures et les plats préparés. Nous cuisons avec le moins de graisse possible et nous ajoutons de l’huile crue sur les plats. Par contre, nous mangeons toujours épicé, et cela ne pose aucun problème à Sorel qui adore ça ! » Mais la DME demande un peu d’anticipation, car elle présente quelques inconvénients : • le sol et/ou le bébé peuvent se retrouver maculés d’aliments ; • il est impossible de suivre les quantités de nourriture effectivement avalées ; • l’enfant peut avoir un réflexe vomitif. Cette réaction salutaire à l’ingurgitation d’aliments inadaptés (taille, goût, etc.) peut être impressionnante, mieux vaut être prévenu. Un bébé a besoin d’huiles végétales
Les graisses doivent représenter 50 % des apports énergétiques de l’enfant jusqu’à ses 3 ans. Le lait maternel ou maternisé est parfaitement adapté à ces besoins, mais, dès lors que l’enfant entame sa diversification alimentaire, il est important qu’il ait l’équivalent d’une cuillère à café d’huile à chaque repas. Les huiles choisies doivent être de qualité biologique, première pression à froid afin de conserver au maximum leurs atouts. Un apport équilibré en oméga-3 (huile de cameline, de noix, de colza, de périlla) et oméga-6 (huile d’olive, d’onagre, de bourrache) est idéal. Pour cela, varier les huiles et veiller à bien les conserver au frais, à l’abri de la lumière, est essentiel. U
1
Auteur du livre Quels laits pour mon bébé ?, éditions du Souffle d’Or, 2013
2
Source : « Quel(s) lait(s) choisir pour mon bébé ? », femininbio.com, 26 mars 2014
Vrai ou faux Il faut retarder au maximum l’introduction du gluten. Faux La fenêtre d’introduction du gluten va des 4 mois aux 7 mois de l’enfant. Il est établi qu’une première exposition avant ou après cet intervalle augmente les risques de maladie coeliaque. On peut remplacer le sucre par du miel pour les bébés. Faux Le miel doit être proscrit de l’alimentation des enfants jusqu’à 1 an en raison du risque de botulisme. Il faut éviter les aliments salés avant 1 an. Vrai Les reins sont trop immatures pour être surchargés en sel. Pour les bébés, il faut cuisiner sans graisse. Faux Les acides gras poly- et mono-insaturés présents dans les huiles végétales de qualité (biologiques, pressées à froid) sont nécessaires au bon développement du cerveau. L’idéal est de cuire sans graisse et d’ajouter l’huile au moment de servir.
« J’avais peur que Sorel ne mange pas suffisamment, reconnaît Yanis, et je déteste le gâchis, mais le voir découvrir ainsi les aliments et passer un bon moment avec nous à table m’a convaincu. » L’enfant participe au repas au même titre que les autres membres de la famille, car il s’autogère et n’est pas nourri par un adulte à la cuillère. Il choisit les aliments et les quantités qu’il ingère. « La seule contrainte est de respecter les âges d’introduction des aliments, mais, finalement, c’est toute la famille qui s’est retrouvée à manger plus de fruits et de légumes frais afin d’assurer un apport suffisant et sain pour Sorel », témoigne Yanis. « En pratique, après une phase pendant laquelle nous lui avons proposé des légumes cuits à la vapeur et des fruits frais, Sorel exprimait l’envie de manger comme nous, nous avons donc Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 41
De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
Fiche pratique
DES SOINS POUR BÉBÉ ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES
Fiche pratique
Le liniment Le liniment oléocalcaire est une crème qui remplace tous les soins du change. Sa composition lui confère des vertus nettoyantes et laisse un film gras protecteur sur le siège de l’enfant afin de le protéger. La peau des bébés est très perméable, d’où l’importance de choisir des produits de qualité dénués de toute toxicité.
Et si vous allégiez votre sac à langer ? C’est possible, avec des produits simples à faire soi-même, écologiques et économiques.
POUR FABRIQUER SON LINIMENT, MÉLANGER :
Les lingettes lavables
La cire d’abeille permet de lier l’huile et l’eau de chaux. Pour l’incorporer, la faire fondre dans un peu d’huile au bain-marie. Émulsionner l’eau, l’huile (et la cire fondue) à l’aide d’un batteur électrique ou d’un mixeur pendant environ 3 minutes, jusqu’à ce que le mélange devienne crémeux. Le mélange peut être stocké dans un flacon à pompe ou une bouteille propre à l’abri de la lumière et de la chaleur environ 1 mois. L’idéal étant d’avoir un grand contenant (500 ml) pour la maison et un petit pour le sac à langer.
Douces pour le bébé, elles préservent aussi l’environnement et le porte-monnaie des parents, contrairement aux cotons jetables utilisés en quantités industrielles de la naissance à la propreté de l’enfant. Pour une cinquantaine de lingettes, il faut 1,50 m x 1,50 m de microéponge en bambou ou coton bio (15 € environ). • Laver le tissu à réception (il rétrécit au lavage). • Découper des carrés de 15 cm x 15 cm. • Coudre les carrés deux à deux sur les 4 côtés au point zigzag ou à la surjeteuse.
42 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
• 1 mesure d’eau de chaux (en vente en pharmacie) • 1 mesure d’huile d’olive bio première pression à froid • Facultatif : ½ c. à c. de paillettes de cire d’abeille pour 500 ml de liniment
ASTUCE :
en cas de rougeurs sur les fesses, le meilleur remède est de les laisser à l’air après les avoir délicatement lavées à l’eau et séchées en tamponnant doucement. Glisser sous le bébé un lange qui sera lavé si le bébé fait ses besoins.
Les shampoings de bébé Et si on se passait de shampoing ? En pratique : mettre quelques gouttes d’huile végétale (coco ou olive) dans le bain une fois par semaine, masser légèrement la tête comme pour faire un shampoing, et ça suffit ! Si l’enfant régurgite ou se fait un soin des cheveux à la purée, un bon rinçage à l’eau devrait être suffisant. En ne shampouinant pas un bébé, on lui évite le dérèglement des glandes sébacées du cuir chevelu. Il pourra ainsi se passer de shampoing toute sa vie (c’est le principe du mouvement « no-poo »).
ET SI ON SE PASSAIT DE COUCHES ? C’est ce qu’on appelle l’hygiène naturelle infantile (HNI). Le nouveau-né ne contrôle pas ses sphincters, mais il signale, dès la naissance, quand il a besoin d’éliminer. Pour cela, il émet des sons ou fait des gestes. Les parents proposent alors au bébé d’éliminer en le portant au-dessus des toilettes ou d’un récipient. Pour démarrer, le plus facile est de proposer à des moments où l’on sait que l’enfant va éliminer : à chaque réveil de sieste par exemple. Ensuite, observer le bébé « cul nu » ou avec juste un lange afin de comprendre le fonctionnement de l’enfant (moments et signaux). Pour se lancer, faire confiance à son intuition est nécessaire. Cette pratique, très répandue en Asie et en Afrique, renforce la communication parentsenfant ainsi que la conscience de l’enfant de ses besoins d’élimination.
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 43
De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
Fiche pratique
DES SOINS POUR BÉBÉ ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES
Fiche pratique
Le liniment Le liniment oléocalcaire est une crème qui remplace tous les soins du change. Sa composition lui confère des vertus nettoyantes et laisse un film gras protecteur sur le siège de l’enfant afin de le protéger. La peau des bébés est très perméable, d’où l’importance de choisir des produits de qualité dénués de toute toxicité.
Et si vous allégiez votre sac à langer ? C’est possible, avec des produits simples à faire soi-même, écologiques et économiques.
POUR FABRIQUER SON LINIMENT, MÉLANGER :
Les lingettes lavables
La cire d’abeille permet de lier l’huile et l’eau de chaux. Pour l’incorporer, la faire fondre dans un peu d’huile au bain-marie. Émulsionner l’eau, l’huile (et la cire fondue) à l’aide d’un batteur électrique ou d’un mixeur pendant environ 3 minutes, jusqu’à ce que le mélange devienne crémeux. Le mélange peut être stocké dans un flacon à pompe ou une bouteille propre à l’abri de la lumière et de la chaleur environ 1 mois. L’idéal étant d’avoir un grand contenant (500 ml) pour la maison et un petit pour le sac à langer.
Douces pour le bébé, elles préservent aussi l’environnement et le porte-monnaie des parents, contrairement aux cotons jetables utilisés en quantités industrielles de la naissance à la propreté de l’enfant. Pour une cinquantaine de lingettes, il faut 1,50 m x 1,50 m de microéponge en bambou ou coton bio (15 € environ). • Laver le tissu à réception (il rétrécit au lavage). • Découper des carrés de 15 cm x 15 cm. • Coudre les carrés deux à deux sur les 4 côtés au point zigzag ou à la surjeteuse.
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• 1 mesure d’eau de chaux (en vente en pharmacie) • 1 mesure d’huile d’olive bio première pression à froid • Facultatif : ½ c. à c. de paillettes de cire d’abeille pour 500 ml de liniment
ASTUCE :
en cas de rougeurs sur les fesses, le meilleur remède est de les laisser à l’air après les avoir délicatement lavées à l’eau et séchées en tamponnant doucement. Glisser sous le bébé un lange qui sera lavé si le bébé fait ses besoins.
Les shampoings de bébé Et si on se passait de shampoing ? En pratique : mettre quelques gouttes d’huile végétale (coco ou olive) dans le bain une fois par semaine, masser légèrement la tête comme pour faire un shampoing, et ça suffit ! Si l’enfant régurgite ou se fait un soin des cheveux à la purée, un bon rinçage à l’eau devrait être suffisant. En ne shampouinant pas un bébé, on lui évite le dérèglement des glandes sébacées du cuir chevelu. Il pourra ainsi se passer de shampoing toute sa vie (c’est le principe du mouvement « no-poo »).
ET SI ON SE PASSAIT DE COUCHES ? C’est ce qu’on appelle l’hygiène naturelle infantile (HNI). Le nouveau-né ne contrôle pas ses sphincters, mais il signale, dès la naissance, quand il a besoin d’éliminer. Pour cela, il émet des sons ou fait des gestes. Les parents proposent alors au bébé d’éliminer en le portant au-dessus des toilettes ou d’un récipient. Pour démarrer, le plus facile est de proposer à des moments où l’on sait que l’enfant va éliminer : à chaque réveil de sieste par exemple. Ensuite, observer le bébé « cul nu » ou avec juste un lange afin de comprendre le fonctionnement de l’enfant (moments et signaux). Pour se lancer, faire confiance à son intuition est nécessaire. Cette pratique, très répandue en Asie et en Afrique, renforce la communication parentsenfant ainsi que la conscience de l’enfant de ses besoins d’élimination.
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De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
Soulager les maux des bébés par le toucher Pendant leur première année, les bébés ont de multiples occasions de connaître des désagréments physiques qui peuvent être résolus par les mains. Professionnels comme parents peuvent pratiquer des massages qui soulagent. Dans les premières semaines de vie, un contrôle de l’état musculosquelettique du nourrisson est recommandé. Cet examen permet de vérifier que la grossesse et l’accouchement n’ont pas laissé de séquelles et, le cas échéant, de régler les problèmes. C’est l’occasion de faire un point complet sur le crâne, la colonne vertébrale, les muscles du dos et les viscères. Les chiropracteurs et les ostéopathes réalisent ces soins dans le respect de la physionomie si particulière des tout-petits. Il n’est pas question de « faire craquer », mais bien de manipuler avec délicatesse pour que tout rentre dans l’ordre.
Cette première visite précoce a l’avantage d’être préventive. Par la suite, dans la première année de vie du bébé, il est intéressant de consulter à nouveau lorsque l’enfant connaît les désagréments suivants 1 : • il se cambre en arrière lorsqu’on le prend dans les bras ou pendant la tétée ; il est crispé (bras ou mains raides) ; • i l sursaute au moindre bruit et montre de petits tremblements ; • il est atone et a du mal à tenir sa tête ; • il pleure tout le temps ; • il dort très peu ;
• i l régurgite ; • i l ne digère pas et il est agité après la tétée ; • i l a du mal ou met un temps infini à téter ; • i l use ses cheveux derrière la tête de façon asymétrique ; • il a une mauvaise position ou une asymétrie des hanches, des membres inférieurs ou des pieds ; • il met toujours un bras en arrière ; • il tourne toujours la tête du même côté et dort toujours du même côté ; • il garde un strabisme divergent ou convergent de façon permanente ; • il a des troubles ORL à répétition : otites, bronchites, respiration bruyante. Le chiropraticien comme l’ostéopathe agissent à la source du problème afin de l’éliminer. Cela peut améliorer le ressenti du bébé et radicalement changer son attitude. Souffrant moins, il retrouvera bien souvent le plaisir d’interagir sereinement avec son entourage. Le massage du bébé
Masser son enfant, c’est lui proposer de s’ouvrir au bonheur du toucher au cours d’un moment privilégié. Il vient de passer 9 mois protégé. Son corps est le lieu de nombreuses découvertes, mais aussi de tensions, voire de douleurs. Cajolé, apaisé par le contact appuyé, il profitera intensément de ce moment. Pour apprendre, l’idéal est de suivre un atelier avec un instructeur, car chaque couple parentenfant est unique. Vous pouvez cependant vous lancer seul. Dans une pièce bien chauffée (25 °C environ), à un moment où bébé semble réceptif – après le bain par exemple –, choisir une huile végétale de qualité – biologique, première pression à froid – et poser le bébé face à soi à plat sur un matelas ou une table à langer. Commencer par lui dire ce que vous faites. Poser les mains enduites d’huile – préalablement réchauffée – sur le torse du bébé quelques secondes sans bouger. Le massage peut ensuite commencer : masser avec la paume d’abord le torse, d’une épaule à la hanche opposée, et faire de même de l’autre côté à plusieurs reprises. Continuer membre par membre – sans oublier les pieds et les mains – puis le ventre, le visage et le dos. Les gestes sont doux, mais le toucher est appuyé. Pour soulager les coliques, mettre le bébé sur le dos et, à l’aide de deux doigts ou de la paume de la main, décrire des cercles dans le sens des aiguilles d’une montre autour de son nombril. On peut aussi délicatement faire faire aux jambes du bébé des mouvements de pédalo. Ces mouvements aident le transit et la libération des gaz. U 1
46 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
© Fanny Dion
Les déformations crâniennes La plagiocéphalie et la brachycéphalie sont des déformations du crâne (aplati ou asymétrique). Elles se forment au cours de la grossesse ou des premières semaines de vie. Un enfant sur trois développe une déformation crânienne avant l’âge de 1 an. Les garçons sont beaucoup plus touchés puisqu’ils représentent 75 % des cas. Beaucoup de parents s’entendent dire que « tout va se remettre en place », « ce n’est qu’un problème esthétique ». Une partie des enfants présentant une plagiocéphalie non traitée connaîtront pourtant des troubles auditifs, des problèmes de vue, une déformation de la mâchoire ou encore une scoliose. La prise en charge le plus tôt possible par un kinésithérapeute et un ostéopathe permet de limiter le recours aux orthèses et augmente les chances de succès du traitement. Pour prévenir les déformations du crâne, mobiliser la tête du bébé en changeant ses appuis au sol – éviter les séjours prolongés en cosy ou transat – et favoriser au maximum le portage. Pour plus d’informations : association-plagiocephalie-info-et-soutien.fr
www.osteofrance.com/osteopathie/nourrisson Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 47
De la naissance à 1 an
De la naissance à 1 an
La motricité libre : une confiance réciproque La motricité libre permet à l’enfant de prendre confiance en lui. Il suffit à l’adulte de lui offrir un environnement sécurisé et un cadre affectif, puis de le laisser évoluer à son rythme.
mais assis en suspension sur ses parties génitales ». Une étude 3 démontre un retard dans l’apprentissage de la station debout et de la marche chez les enfants placés régulièrement dans un trotteur, car cela favorise un mauvais positionnement des pieds et des appuis. Notons que le youpala est en cause dans 41 % des traumatismes crâniens des enfants de moins de 1 an 4 ; il est d’ailleurs interdit au Canada pour cette raison. U 1
E. Thelen et B. D. Ulrich, « Hidden skills: a dynamic systems analysis of treadmill stepping during the first year », Monographs of the Society for Research in Child Development, 1991
2
Auteur du blog journalpsychomotricienne.fr
3
Étude publiée par le département de Physiothérapie de l’Université Collège de Dublin en 2002.
4
Dans le ventre de sa mère, le fœtus bouge. Ces mouvements dits « réflexes » sont les premiers pavés du long chemin qui mène vers l’autonomie. Le nouveau-né fait de petits mouvements spontanés précurseurs des apprentissages futurs telle la marche 1. Par la suite, naturellement, il trouve ses appuis, se retourne et ainsi de suite jusqu’à l’autonomie complète. En 1947, au sein de la pouponnière de Lóczy, à Budapest, la pédiatre Emmi Pikler observe les capacités motrices et perceptives dont dispose l’enfant laissé libre de ses mouvements. Elle développe alors la théorie de la motricité libre. Anne Auve, psychomotricienne 2, parle de « liberté dans un cadre bienveillant qui favorise le développement de l’enfant à tous points de vue : autonomie, aisance corporelle, confiance en soi, estime de soi, créativité, afin de lui permettre de devenir autonome ». Une question de posture
Dès la naissance, le nourrisson peut être laissé libre de ses mouvements sur un tapis au sol entouré de quelques objets de couleurs et de textures différentes. « Nous avons spontanément envie de mettre les bébés en position assise, constate Anne. Nous pensons que ce qui nous est confortable l’est aussi pour l’enfant. Mais le nourrisson n’a ni les mêmes ressentis ni la même musculature qu’un adulte. Il est agréable pour un nouveau-né d’être allongé sur le dos ; dans cette position, il n’a pas de tension pour soutenir sa tête et il est plus libre pour faire ses expériences motrices. » Moins l’adulte aide l’enfant, plus celui-ci sera autonome dans son développement. On évitera donc de mettre l’enfant assis tant qu’il ne le fait pas lui-même, de le faire marcher en le soutenant par les aisselles ou par les mains, car 50 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
cela interfère avec le rythme de ses apprentissages. Dans les escaliers, par exemple, Sophie, qui pratique la motricité libre avec Léa, 11 mois, se met « suffisamment loin pour qu’elle ne compte pas sur [son] aide et suffisamment près pour amortir la chute au besoin. Et de fait, les chutes sont rares. » L’adulte n’induit pas de mouvement, il laisse l’enfant expérimenter selon ses envies. Dans ce processus, Anne rappelle que « l’enfant fait preuve de créativité et de ténacité pour atteindre son objectif. Il échoue, change de stratégie, recommence, et une fois l’objectif atteint, il est fier de sa réussite. C’est ainsi qu’il construit sa confiance et renforce son estime de lui-même. »
www.pediatre-online.fr/accidents/trotteurs-dangereux
La bougeothèque de Lambersart (59) Pour Arnaud Deroo, fondateur, le postulat est que « plus l’enfant est dans une liberté de mouvements, plus il va développer une sécurité intérieure et une confiance en lui ». Au cours de séances d’une heure, les enfants évoluent dans un espace jalonné de modules de motricité – parcours en hauteur, espaces pour se cacher, piscine à balles, etc. – et d’expériences sensorielles – sols en différentes matières, tissus et voilages accrochés aux jeux... L’accueillante accompagne les parents dans la découverte de la motricité libre. Elle décrit les mouvements de l’enfant en valorisant ses expériences et propose aux parents d’exprimer leurs émotions plutôt que d’intervenir physiquement.
Limiter les objets de puériculture
Comme le résume Anne, « avec la motricité libre, on sort du diktat des catalogues de jeux qui correspondent aux attentes des adultes, mais n’apportent rien à l’enfant pour son développement. L’enfant n’a pas besoin de stimulation pour se développer. » Certains matériels de puériculture limitent la liberté de l’enfant et peuvent même être néfastes. Dans un transat par exemple, l’enfant est figé dans une position assise. « Ainsi positionné, non seulement il ne peut pas faire ses expériences, mais en plus il est contraint de contracter ses muscles dorsaux pour maintenir la position, ce qui n’est pas confortable pour lui sur la durée [au‑delà de 30 minutes]. Sans oublier, précise Anne, qu’il utilisera sa créativité pour tenter de s’en extraire, ce qui peut aller jusqu’à induire des accidents ». Le youpala, ou trotteur, propose à l’enfant qui ne marche pas encore de faire l’expérience du déplacement en position verticale. Anne rappelle que « l’enfant n’est pas debout, Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 51
De 1 an à 3 ans U Évolution des capacités cognitives de l’enfant de 1 à 3 ans • 64 Les émotions, l’oxygène du lien affectif • 66 Des ateliers pour parents bienveillants • 68 Fiche pratique : La langue des signes pour communiquer avec son bébé • 70 L’éveil musical, au diapason de la vie • 72 Discipline ludique : jouer au lieu de punir • 74 Fiche pratique : Idées simples de jeux d’éveil • 76 Principes d’une alimentation saine • 78 Fiche pratique : Idées de menus sains et équilibrés • 80 Des crèches qui aident à grandir • 82 Fiche pratique : Fabriquer une tour d’apprentissage en deux tours de main • 84 Entretien avec Olivier Maurel • 86
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De 1 an à 3 ans U Évolution des capacités cognitives de l’enfant de 1 à 3 ans • 64 Les émotions, l’oxygène du lien affectif • 66 Des ateliers pour parents bienveillants • 68 Fiche pratique : La langue des signes pour communiquer avec son bébé • 70 L’éveil musical, au diapason de la vie • 72 Discipline ludique : jouer au lieu de punir • 74 Fiche pratique : Idées simples de jeux d’éveil • 76 Principes d’une alimentation saine • 78 Fiche pratique : Idées de menus sains et équilibrés • 80 Des crèches qui aident à grandir • 82 Fiche pratique : Fabriquer une tour d’apprentissage en deux tours de main • 84 Entretien avec Olivier Maurel • 86
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Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 63
De 1 an à 3 ans
De 1 an à 3 ans
L’éveil musical, au diapason de la vie L’ouïe est le sens le plus développé chez le fœtus, bercé par les battements rythmiques du cœur de sa mère. L’enfant qui grandit est naturellement disposé à la musique qui accompagne tous les domaines de son développement. Explorer le monde des sons, expérimenter des objets sonores, des instruments, bouger en rythme... L’éveil sonore destiné au tout-petit se présente sous la forme de petites activités et de jeux. Il développe l’écoute, la créativité, l’imaginaire, ou encore l’attention, tout autant que la motricité corporelle globale et fine, par la coordination des mouvements, l’apprentissage du corps ou la reconnaissance spatiale… « À mon sens, la musique est l’éveil le plus complet que l’on puisse proposer au tout-petit, car il sollicite
à la fois la voix, le corps, l’écoute, le langage. C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie de la rendre accessible à une époque où l’offre était rare », raconte Monique Chabot, fondatrice de l’association La Colline bleue. Située aux Lilas (93), elle a fait figure d’avant-garde en ouvrant il y a 30 ans un premier atelier d’éveil sonore pour les enfants de 15 mois à 3 ans. Aujourd’hui encore, la maison aux volets bleus accueille les enfants avec leurs parents pour des moments de plaisir privilégiés, des séances hebdomadaires
Étienne Roux propose des ateliers d’éveil sonore et musical parents-enfants à l’école de Musique de Bergerac.
72 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
de 45 minutes pour un coût annuel de 233 euros. À la différence d’une école de musique, il n’est pas question d’apprentissage ou de compétition, mais d’imprégnation sensorielle. Cette première approche de la musique se fait à partir de jeux de doigts, comptines, danses et de l’exploration d’instruments ou d’objets sonores qui reproduisent le bruit des vagues ou de la pluie. Pour la maman d’Anna, 2 ans, cet atelier est l’occasion de vivre des moments de joie partagée et ainsi de renforcer l’attachement, mais aussi d’adopter une autre posture dans laquelle parent et enfant sont au même niveau d’apprentissage. Les parents de Gabriel et Nathan, musiciens, ont souhaité les initier précocement à la musique pour observer leur intérêt. « Au cours de l’année, nous voyons qu’ils apprennent beaucoup de choses et, au bout d’un an, ils ont commencé à avoir des notions de rythme. C’est agréable de voir ainsi grandir son enfant. » Une grosse caisse de développement
La musique est un merveilleux outil pour le développement global de l’enfant. Les chercheurs ont découvert qu’elle a des effets incroyablement positifs sur le cerveau des tout‑petits et que les enfants tirent des bénéfices de l’éveil musical à l’âge où ils ne marchent ou ne parlent pas encore. Des enfants de 1 an qui participent aux ateliers d’éveil développent de meilleures aptitudes à la communication, sourient davantage, sont plus faciles à calmer et moins en détresse lorsque les choses ne leur sont pas familières ou favorables 1. À un âge où le cerveau est très plastique à la musique, celle-ci peut également influencer la manière de penser. La psychologue Frances Rauscher et le neuroscientifique Gordon Shaw ont réalisé de multiples études auprès de jeunes enfants : toutes suggèrent qu’une exposition précoce à la musique augmente les habiletés situées dans plusieurs aires incluant les mathématiques et le langage 2. La musique est un tremplin pour la créativité et l’imagination aussi longtemps qu’elle demeure un moment de plaisir et de bien-être. À Lille, Perrine Hutin, fondatrice de l’association Poka Pooka, a choisi d’aborder l’éveil corporel et musical sur les rythmes des percussions africaines. Elle observe combien les sons du djembé et des dum dum réveillent l’énergie spontanée intérieure des enfants. Pour ses ateliers, proposés à 7 euros par enfant, elle a créé des mouvements inspirés des animaux et de la danse africaine, facilement réalisables par les enfants et les parents. Ces mouvements sont intéressants sur le plan de la motricité, car ils mobilisent tout le corps. Pour la partie plus musicale, les enfants manipulent des instruments ludiques,
découvrent des sonorités, mais aussi des formes et des textures. Le but est d’avoir une approche globale qui va leur permettre de solliciter tous les sens et d’éveiller leur curiosité. U 1
David Gerry, et al., « Active music classes in infancy enhance musical, communicative and social development », Developmental science, 2012 et Laurel J. Trainor. « Musical experience, plasticity, and maturation: issues in measuring developmental change using EEG and MEG », Annals of the New York Academy of Sciences, 2012
2
Frances Rauscher, Gordon Shaw et al., « Music training causes long-term enhancement of preschool children’s spatial-temporal reasoning », Neurological Research, 1997
Commencer chez soi Une façon d’éveiller en douceur à la musique est simplement de bouger sur une mélodie, de faire des mouvements amples des bras, des jambes, de bercements, avec son enfant, que celui-ci soit porté ou qu’il essaie de bouger lui aussi. Fredonner des comptines, des berceuses l’éveille au langage de manière ludique tout en le sensibilisant au rythme. Peu importe de chanter juste ou faux, les enfants préfèrent à toutes les voix celles de leurs parents. Susciter un éveil musical, c’est aussi donner à l’enfant la possibilité de créer des sons : avec des morceaux de bois, de papier, des bouteilles remplies de sable, un pot de fleurs transformé en tambour, ou tout simplement une cuillère en bois pour frapper une boîte en plastique. À cet âge, il est intéressant de faire découvrir à l’enfant qu’on peut fabriquer des instruments avec des choses très simples, des boîtes de café, des bouchons, des capsules et ainsi découvrir des sons différents. L’idéal est de faire participer l’enfant, qu’il puisse lui-même expérimenter, créer des sons, bouger.
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 73
De 1 an à 3 ans
De 1 an à 3 ans
Discipline ludique : jouer au lieu de punir Je joue, tu joues, nous jouons. Le mode d’interaction ludique est une véritable manière d’exercer son métier de parent. Il nourrit l’enfant et l’aide à affronter le monde réel, tout en rendant la vie de famille plus confortable. Et si vous utilisiez le jeu pour communiquer avec vos enfants, leur transmettre des messages, des valeurs, leur enseigner des compétences tout en renforçant le lien d’attachement et en prévenant les conflits ? Cette approche originale est celle de la parentalité ludique, véritable mode de parentage dans le courant de la théorie de l’attachement. En France, elle s’est fait connaître avec la parution, en 2013,
du livre Qui veut jouer avec moi ? (JC Lattès), de Lawrence Cohen, spécialiste des thérapies familiales par le jeu. Il y montre à quel point le jeu peut aider les parents à résoudre toutes les difficultés du quotidien et le transformer. « Assumer son rôle de parent sur un mode ludique permet d’entrer dans le monde de l’enfant, sans le brusquer, en développant sa confiance en lui et en nous. »
Le jeu, qu’est-ce que c’est ? Sont jeux toutes les interactions ludiques et sympathiques entre parents et enfants : des mimiques, des grimaces, faire l’idiot, prendre une peluche et parler à travers elle, rire ensemble, sauter dans une flaque d’eau… « Le jeu est le langage qui permet d’entrer dans le monde de l’enfant, explique Isabelle Filliozat. Les adultes ont tendance à trop parler et expliquer en oubliant que l’enfant n’a pas encore un cerveau suffisamment développé sur le plan verbal. Au travers du jeu, nous pouvons entendre ce qu’il a à dire et lui faire passer toutes sortes de messages. » Le jeu permet d’amenuiser les conflits en aidant l’enfant à décharger ses tensions qui, sinon, se manifestent par l’agressivité, le refus, etc. « S’il sent une écoute chaleureuse, il va oser pleurer, se mettre en colère... En réalité, le jeu sera un prétexte pour libérer des émotions refoulées », souligne Virginie Limousin, thérapeute pour enfants et familles. Savoir se laisser prendre au jeu
« Le parentage ludique a cet avantage majeur de répondre parfaitement aux deux besoins fondamentaux du petit enfant que sont les besoins d’attachement et de pouvoir personnel, poursuit Virginie. Par exemple, faire une bataille de coussins est vraiment magique. Elle comble l’enfant en quelques minutes grâce à l’ocytocine libérée par le contact physique, le rire, qui évacue le stress, et la restauration de sa confiance en lui, car il faut le laisser prendre le dessus. Dans le jeu, il est important que le parent adopte une position basse pour que l’enfant expérimente le côté puissant. » Comme une voiture a régulièrement besoin d’un plein de carburant, l’enfant a besoin d’avoir son réservoir d’amour et de pouvoir personnel régulièrement rempli. D’autant que ce réservoir se vide très facilement, par exemple suite à une dispute ou à une petite frustration. « Les comportements inappropriés de l’enfant – surexcitation, refus, agressivité, passivité, rébellion – témoignent le plus souvent d’un niveau trop faible du réservoir. C’est à ces moments-là précisément que l’enfant a besoin de contact. » L’enfant utilise le jeu symbolique pour rejouer en scènes ce qu’il vit dans son quotidien. Il y apprend beaucoup. Dans de nombreuses situations, le parent peut utiliser le jeu pour aider l’enfant à trouver des solutions à ses problèmes. Ainsi, à l’âge où il apprend à se séparer de ses parents, aller à la crèche ou chez ses grands-parents peut être vécu de façon difficile. En jouant la scène en amont avec lui, en 74 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
prenant une maman et un bébé tigre, on va entraîner l’enfant à rejouer cette séparation. Lawrence Cohen recommande aux parents d’accorder un temps totalement dédié à l’enfant, lieu d’une connexion profonde. « Ces temps le nourrissent profondément et lui donnent une solidité qu’il aura à l’intérieur de lui pour toute sa vie. Consacrer ne serait-ce que 5 à 10 minutes par jour au jeu, et les disputes diminuent au moins de deux tiers », assure Isabelle Filliozat. Même si cela demande des efforts au début, faire le clown ou l’imbécile n’amenuise pas l’autorité naturelle du parent, mais au contraire la renforce. « Nous ne perdons pas notre rôle de parent à se mettre à quatre pattes avec eux. Nous grandissons beaucoup dans l’estime de nos enfants », explique Isabelle Filliozat. U
Pour débuter Jouer pour répondre à certaines situations Votre enfant est énervé ? Essayez une grosse bataille de polochons. Il vous tient tête ? Et si vous animiez deux poupées, dont l’une ne laisse jamais le dernier mot à l’autre ? Il a eu une journée difficile ? Vous pouvez mettre en scène un moment pénible en extériorisant des émotions que lui n’a pas pu porter ou exprimer. Jouer sans autre objectif que le plaisir Et si vous instauriez un rituel quotidien, en tête-à-tête et sans interruption, de 5 à 15 minutes ? Jeu de cache-cache, poursuites à quatre pattes, devinettes, marionnettes ou bulles de savon, vous pouvez aussi utiliser le moment du bain pour en faire un espace ludique avec des fleurs, de la musique…
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 75
De 1 an à 3 ans
De 1 an à 3 ans
Interview
Interview © DR
Et la fessée ? Une violence éducative ordinaire ? Entretien avec Olivier Maurel, fondateur de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO) et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
Comment est né votre intérêt pour la question de la violence éducative ?
plus considérés comme tolérables. En France, aujourd’hui, les coups de ceinture et de bâton ne sont plus tolérés, alors qu’ils l’étaient il y a un siècle ou deux.
Cela remonte à mon enfance pendant la guerre, à ces bombardements sous lesquels j’ai dû chercher un abri et à la déportation de l’une de mes sœurs. Toute ma vie, je me suis Peut-on évaluer la proportion d’enfants victimes de ce type de demandé pourquoi les êtres humains en arrivaient à des violence en France et à travers le monde ? comportements si violents et si cruels. C’est dans le livre Les résultats des enquêtes varient beaucoup selon la manière dont les questions sont posées. Pour la France, 70 C’est pour ton bien (1985), d’Alice Miller, que j’ai trouvé, à 85 % des enfants ont déjà subi ce genre de violence. Dans alors que j’avais près de cinquante ans, la réponse la plus convaincante à mes questions. Depuis, je n’ai cessé de trales pays du monde où les punitions corporelles n’ont pas vailler sur cette thématique. Je me suis aperçu que la vioété contestées, 90 % des enfants, ou même davantage, sont lence éducative a des conséquences dans une multitude de battus, et souvent très violemment, dans les familles et domaines où l’on ne s’attend pas à la voir intervenir, comme dans les écoles. C’est en Europe qu’on trouve le plus grand dans la recherche scientifique et la nombre de pays ayant interdit toute religion. forme de punition corporelle à l’école Toute ma vie, je me suis et à la maison, mais cette tendance demandé pourquoi les êtres Qu’appelez-vous la « violence éducative commence à se répandre en Amérique ordinaire » ? Quelle est la différence avec du Sud et en Océanie. humains en arrivaient à des la maltraitance ?
comportements si violents
La « violence éducative ordinaire » Quelles sont les conséquences de la viodésigne tous les comportements qui lence éducative ? et si cruels. se veulent éducatifs, mais qui sont des Elles sont multiples. La violence est formes de violence physique, verbale ou psychologique toléune atteinte à l’intégrité des enfants et au capital de sociarées ou préconisées dans une société donnée. En France, la bilité innée avec lequel, comme tous les animaux sociaux, tape, la gifle et la fessée en sont des exemples. La maltraiils viennent au monde. C’est une atteinte à leur santé phytance, elle, inclut des mauvais traitements sans visée édusique – l’Organisation mondiale de la santé énumère de cative comme la négligence ou les abus sexuels. Dans le nombreuses maladies somatiques et psychosomatiques qui domaine éducatif, elle fait référence à des comportements sont causées par des violences subies dans l’enfance –, qui, à un moment donné de l’histoire d’une société, ne sont ainsi qu’à leur santé mentale et notamment à leur estime 86 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
peut rendre un enfant masochiste sexuel à vie. On le sait depuis que Jean-Jacques Rousseau, au xviiie siècle, a écrit ses Confessions, et plusieurs lecteurs et lectrices de mes livres me l’ont confirmé. La proximité des terminaisons nerveuses des organes sexuels et des fesses fait que les coups peuvent provoquer une excitation sexuelle suivie d’une fixation à vie entre les coups et l’orgasme : sans coups, plus d’orgasme. Par ailleurs, ceux qui croient ne pas avoir été traumatisés par les fessées qu’ils ont reçues ne s’aperçoivent pas qu’en défendant les punitions corporelles, ils contredisent à la fois le principe le plus universel de la morale : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. », et un autre principe que tout parent essaie d’inculquer à ses enfants : « Il est lâche de faire violence à un être plus faible que soi. » Ne pas voir cette évidence est à mon avis le signe qu’on a été plus traumatisé qu’on ne le croit. Le philosophe Alain écrit (dans Propos sur le bonheur, 1925) : « […] Les jeux des enfants, s’ils sont sans règle, tournent à la bataille ; et sans autre cause ici que cette force désordonnée qui se mord elle-même. » La violence physique ne fait-elle pas partie de l’être humain ? Existe-t-il des peuples qui éduquent « naturellement » sans être violents à l’endroit des enfants ?
de soi, à leur confiance en eux. Cela nuit également à leurs capacités relationnelles qui se modèlent sur les premières relations vécues dans l’enfance. La tendance à la violence ou à la soumission à la violence sont deux des conséquences les plus courantes de la violence éducative. Que répondez-vous à une personne qui avance qu’ « une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne », qu’elle a elle-même reçu des fessées et qu’elle n’est pas traumatisée pour autant ?
Ce type de réflexion résulte d’un des effets les plus pervers des punitions corporelles. Le jeune enfant qui subit des coups ou des violences verbales de la part de ses parents auxquels il est viscéralement attaché est convaincu qu’il est mauvais et que ses parents sont obligés de le frapper pour le corriger. Il s’adapte donc à ce traitement et le considère comme un signe d’amour de ses parents. Il en arrive à penser, non seulement que ce traitement ne lui fait aucun mal, mais même que tout ce qu’il y a de bon en lui est dû à ce traitement. Mais, une « bonne fessée », et souvent une seule fessée,
La connaissance des enfants a beaucoup progressé depuis le début du xx e siècle où Alain écrivait cela. On sait aujourd’hui que l’agressivité qui se manifeste chez certains enfants entre 18 mois et 4 ans s’atténue et disparaît à partir du moment où l’enfant est capable d’exprimer les fortes émotions qu’il éprouve par des mots et non plus seulement par des gestes. On sait aussi que les enfants qui ont été élevés avec empathie ne manifestent même pas cette agressivité infantile. Alain écrivait à une époque où presque tous les enfants étaient au moins giflés et fessés, et souvent battus beaucoup plus violemment. La violence était pour eux un comportement normal dont les adultes leur donnaient l’exemple. Mais, aujourd’hui, les études sur la psychologie des enfants montrent que, s’ils sont élevés avec empathie, non seulement ils ne sont pas violents, mais ils sont naturellement portés à l’entraide. Il existe des peuples plus proches de la nature que nous qui éduquent leurs enfants sans violence. Ce sont des peuples de chasseurs-cueilleurs qui vivent encore dans des conditions assez proches de celles de nos ancêtres de la Préhistoire, avant la révolution néolithique. Il est donc possible que pendant plus de 90 % de son existence, soit un peu moins de 200 000 ans, l’humanité ait traité avec Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 87
De 1 an à 3 ans
De 1 an à 3 ans
Interview
Interview © DR
Et la fessée ? Une violence éducative ordinaire ? Entretien avec Olivier Maurel, fondateur de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO) et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
Comment est né votre intérêt pour la question de la violence éducative ?
plus considérés comme tolérables. En France, aujourd’hui, les coups de ceinture et de bâton ne sont plus tolérés, alors qu’ils l’étaient il y a un siècle ou deux.
Cela remonte à mon enfance pendant la guerre, à ces bombardements sous lesquels j’ai dû chercher un abri et à la déportation de l’une de mes sœurs. Toute ma vie, je me suis Peut-on évaluer la proportion d’enfants victimes de ce type de demandé pourquoi les êtres humains en arrivaient à des violence en France et à travers le monde ? comportements si violents et si cruels. C’est dans le livre Les résultats des enquêtes varient beaucoup selon la manière dont les questions sont posées. Pour la France, 70 C’est pour ton bien (1985), d’Alice Miller, que j’ai trouvé, à 85 % des enfants ont déjà subi ce genre de violence. Dans alors que j’avais près de cinquante ans, la réponse la plus convaincante à mes questions. Depuis, je n’ai cessé de trales pays du monde où les punitions corporelles n’ont pas vailler sur cette thématique. Je me suis aperçu que la vioété contestées, 90 % des enfants, ou même davantage, sont lence éducative a des conséquences dans une multitude de battus, et souvent très violemment, dans les familles et domaines où l’on ne s’attend pas à la voir intervenir, comme dans les écoles. C’est en Europe qu’on trouve le plus grand dans la recherche scientifique et la nombre de pays ayant interdit toute religion. forme de punition corporelle à l’école Toute ma vie, je me suis et à la maison, mais cette tendance demandé pourquoi les êtres Qu’appelez-vous la « violence éducative commence à se répandre en Amérique ordinaire » ? Quelle est la différence avec du Sud et en Océanie. humains en arrivaient à des la maltraitance ?
comportements si violents
La « violence éducative ordinaire » Quelles sont les conséquences de la viodésigne tous les comportements qui lence éducative ? et si cruels. se veulent éducatifs, mais qui sont des Elles sont multiples. La violence est formes de violence physique, verbale ou psychologique toléune atteinte à l’intégrité des enfants et au capital de sociarées ou préconisées dans une société donnée. En France, la bilité innée avec lequel, comme tous les animaux sociaux, tape, la gifle et la fessée en sont des exemples. La maltraiils viennent au monde. C’est une atteinte à leur santé phytance, elle, inclut des mauvais traitements sans visée édusique – l’Organisation mondiale de la santé énumère de cative comme la négligence ou les abus sexuels. Dans le nombreuses maladies somatiques et psychosomatiques qui domaine éducatif, elle fait référence à des comportements sont causées par des violences subies dans l’enfance –, qui, à un moment donné de l’histoire d’une société, ne sont ainsi qu’à leur santé mentale et notamment à leur estime 86 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
peut rendre un enfant masochiste sexuel à vie. On le sait depuis que Jean-Jacques Rousseau, au xviiie siècle, a écrit ses Confessions, et plusieurs lecteurs et lectrices de mes livres me l’ont confirmé. La proximité des terminaisons nerveuses des organes sexuels et des fesses fait que les coups peuvent provoquer une excitation sexuelle suivie d’une fixation à vie entre les coups et l’orgasme : sans coups, plus d’orgasme. Par ailleurs, ceux qui croient ne pas avoir été traumatisés par les fessées qu’ils ont reçues ne s’aperçoivent pas qu’en défendant les punitions corporelles, ils contredisent à la fois le principe le plus universel de la morale : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. », et un autre principe que tout parent essaie d’inculquer à ses enfants : « Il est lâche de faire violence à un être plus faible que soi. » Ne pas voir cette évidence est à mon avis le signe qu’on a été plus traumatisé qu’on ne le croit. Le philosophe Alain écrit (dans Propos sur le bonheur, 1925) : « […] Les jeux des enfants, s’ils sont sans règle, tournent à la bataille ; et sans autre cause ici que cette force désordonnée qui se mord elle-même. » La violence physique ne fait-elle pas partie de l’être humain ? Existe-t-il des peuples qui éduquent « naturellement » sans être violents à l’endroit des enfants ?
de soi, à leur confiance en eux. Cela nuit également à leurs capacités relationnelles qui se modèlent sur les premières relations vécues dans l’enfance. La tendance à la violence ou à la soumission à la violence sont deux des conséquences les plus courantes de la violence éducative. Que répondez-vous à une personne qui avance qu’ « une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne », qu’elle a elle-même reçu des fessées et qu’elle n’est pas traumatisée pour autant ?
Ce type de réflexion résulte d’un des effets les plus pervers des punitions corporelles. Le jeune enfant qui subit des coups ou des violences verbales de la part de ses parents auxquels il est viscéralement attaché est convaincu qu’il est mauvais et que ses parents sont obligés de le frapper pour le corriger. Il s’adapte donc à ce traitement et le considère comme un signe d’amour de ses parents. Il en arrive à penser, non seulement que ce traitement ne lui fait aucun mal, mais même que tout ce qu’il y a de bon en lui est dû à ce traitement. Mais, une « bonne fessée », et souvent une seule fessée,
La connaissance des enfants a beaucoup progressé depuis le début du xx e siècle où Alain écrivait cela. On sait aujourd’hui que l’agressivité qui se manifeste chez certains enfants entre 18 mois et 4 ans s’atténue et disparaît à partir du moment où l’enfant est capable d’exprimer les fortes émotions qu’il éprouve par des mots et non plus seulement par des gestes. On sait aussi que les enfants qui ont été élevés avec empathie ne manifestent même pas cette agressivité infantile. Alain écrivait à une époque où presque tous les enfants étaient au moins giflés et fessés, et souvent battus beaucoup plus violemment. La violence était pour eux un comportement normal dont les adultes leur donnaient l’exemple. Mais, aujourd’hui, les études sur la psychologie des enfants montrent que, s’ils sont élevés avec empathie, non seulement ils ne sont pas violents, mais ils sont naturellement portés à l’entraide. Il existe des peuples plus proches de la nature que nous qui éduquent leurs enfants sans violence. Ce sont des peuples de chasseurs-cueilleurs qui vivent encore dans des conditions assez proches de celles de nos ancêtres de la Préhistoire, avant la révolution néolithique. Il est donc possible que pendant plus de 90 % de son existence, soit un peu moins de 200 000 ans, l’humanité ait traité avec Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 87
De 3 ans à 6 ans U Dans la tête de votre enfant de 3 à 6 ans • 92 Vive l’autonomie ! • 94 Fiche pratique : Do in : une séance quotidienne de bien-être et de bonne humeur • 96 L’école buissonnière • 98 École à la maison, école de la vie • 100 Fiche pratique : Les boîtes sensorielles des saisons • 102 Sortir de la violence • 104 Fiche pratique : Une séance de yoga famille • 106 Philosopher dès la maternelle • 108 Des écrans, un peu, beaucoup ou pas du tout ? • 110 Vivre en famille ? Avec joie ! • 112 Fiche pratique : Une fête d’anniversaire autrement • 114 Entretien avec Isabelle Peloux • 116
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90 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
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De 3 ans à 6 ans U Dans la tête de votre enfant de 3 à 6 ans • 92 Vive l’autonomie ! • 94 Fiche pratique : Do in : une séance quotidienne de bien-être et de bonne humeur • 96 L’école buissonnière • 98 École à la maison, école de la vie • 100 Fiche pratique : Les boîtes sensorielles des saisons • 102 Sortir de la violence • 104 Fiche pratique : Une séance de yoga famille • 106 Philosopher dès la maternelle • 108 Des écrans, un peu, beaucoup ou pas du tout ? • 110 Vivre en famille ? Avec joie ! • 112 Fiche pratique : Une fête d’anniversaire autrement • 114 Entretien avec Isabelle Peloux • 116
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90 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
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De 3 ans à 6 ans
De 3 ans à 6 ans
École à la maison, école de la vie
L’école à la maison et la loi
Permettre à chaque enfant d’exploiter ses talents, ses compétences, son intelligence, tel est l’objectif de l’école à la maison – ou instruction en famille. Ce choix fait par certains parents de ne pas confier l’instruction de leurs enfants à une école déjoue toutes les idées reçues. Découverte d’une pratique audacieuse et libre.
« Que se passerait-il si on laissait jouer un enfant toute sa vie ? Deviendrait-il asocial, illettré, chômeur ? » Cette question, André Stern la pose lors de chacune de ses conférences. Car, lui n’a jamais mis les pieds dans une école, ni même suivi de cours par correspondance. Ses parents l’ont laissé libre de choisir ses passions et ses apprentissages. Aujourd’hui, il est musicien, luthier, auteur et dirige l’Institut Arno Stern, Laboratoire d’observation et de préservation des dispositions spontanées de l’enfant. Dans ses conférences, il promeut l’enthousiasme comme moteur d’apprentissage et ébranle les certitudes des défenseurs de l’école obligatoire. Les travaux du chercheur en neurosciences Gerald Hüther sont venus confirmer ce point. L’enthousiasme génère en effet un cocktail de neurotransmetteurs qui agit comme un engrais sur le cerveau et permet de développer de nouveaux circuits cérébraux. Or un enfant est naturellement enthousiaste toutes les 2 à 3 minutes, déversant un torrent d’engrais sur son cerveau. Un trésor à préserver le plus longtemps possible. C’est pourquoi certains parents font le grand saut. Car, contrairement aux idées reçues, en France, l’école n’est pas obligatoire. C’est l’instruction qui l’est. Moyennant quelques contrôles (voir encadré ci-contre), des parents peuvent encadrer eux-mêmes l’instruction de leurs enfants. En 2006, 2 869 enfants étaient instruits en famille sans cours par correspondance reconnus par l’État. On peut y ajouter les 5 989 inscrits au CNED pour l’élémentaire et les 4 463 inscrits à un cours privé reconnu par l’État. Dans les milieux concernés, on cite plutôt un total de 30 000 enfants qui apprennent sans école. 100 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
De l’échec à la réussite
liers du même âge et que l’accès à l’université se fait sans difficultés. Quant à la socialisation, les quelques études 2 existantes donnent également des résultats favorables aux homeschoolers. Finalement, avec de l’école un peu, beaucoup ou pas du tout, l’essentiel est sans doute de préserver la curiosité naturelle de l’enfant et surtout son enthousiasme. U 1
Études de Peter Gray, 2011 et 2012.
2
Études de Larry Shyers, 1992, pour l’Université de Floride.
Les parents doivent déclarer en mairie qu’ils font « l’école à la maison ». Ils peuvent subir une enquête la part de la mairie et un contrôle pédagogique de la part de l’inspection. L’enquête de la mairie vise à évaluer si l’enfant vit dans des conditions correctes. Le contrôle pédagogique « contrôle les connaissances et les compétences acquises par l’enfant, à partir d’observation de ses travaux et lors d’un entretien ». La loi stipule que le contrôle vise à s’assurer qu’il y ait instruction et progression dans les apprentissages d’une année sur l’autre, avec pour objectif l’acquisition du socle commun des compétences au terme de la période d’instruction obligatoire, c’est-à-dire 16 ans. Dans le cas d’apprentissages informels, il sera plus difficile de démontrer à l’inspecteur les travaux effectués.
Certains cherchent une réponse aux difficultés scolaires ou sociales vécues par leur enfant à l’école, d’autres veulent simplement préserver sa liberté. Certains suivent les programmes, d’autres privilégient les apprentissages autonomes. « Chaque famille est un cas unique », résume Victorine Meyers, correspondante de l’association LAIA (Libres d’Apprendre et d’Instruire Autrement). Victorine a déscolarisé sa fille après deux ans d’école Montessori, par volonté de respecter son rythme. Pour ses désormais grands enfants (11 et 14 ans), l’apprentissage a toujours été informel, c’est-à-dire que les parents répondent aux enfants au fur et à mesure de leurs questions. Une visite au musée, un cours de gym sont autant de prétextes à la découverte et à la socialisation. Dans les grandes villes, les parents organisent d’ailleurs souvent des sorties, des ateliers et des rencontres entre enfants non scolarisés. « Ma fille a appris à lire difficilement à 12 ans et mon fils savait à 6 ans sans que personne ne lui ait appris. Chacun son rythme ! Je tiens à ce qu’ils aient une base : lire, écrire, compter et qu’ils aient la capacité d’aller chercher l’information. Et sinon, qu’ils soient bien dans leurs baskets », sourit Victorine, qui admet volontiers que ce choix nécessite une grande disponibilité de la part des parents. Mais que vont devenir ces enfants qui n’ont jamais connu l’école ? En France, les exemples sont trop rares, mais, aux États-Unis, 5 % des enfants sont concernés. Plusieurs études 1 constatent que les résultats des homeschoolers aux tests d’aptitude nationaux sont supérieurs à ceux des écoKaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 101
De 3 ans à 6 ans
De 3 ans à 6 ans
Vivre en famille ? Avec joie !
est revenu, la vie familiale peut reprendre son cours. Les règles du jeu ? Pour évacuer sa colère, l’enfant a le droit de taper dans son « coussin de colère », un coussin épais sur lequel on peut dessiner ou coudre une tête en colère ou un monstre ou, mieux, demander à son enfant de dessiner lui-même cette tête.
Vivre ensemble, ce sont des rires, des petits et des grands bonheurs, mais aussi des obstacles à dépasser. Voici une boîte à outils pour fluidifier le quotidien et harmoniser la vie de famille. La table de la paix Quand ? Quand les enfants se chamaillent, ils peuvent eux-
mêmes se rendre à la table de la paix ou un adulte peut leur proposer. Cet espace rassure parce qu’il donne à chacun la certitude d’être écouté. Très concret, ce rituel convient même aux plus petits. Les règles du jeu ? Sur la table à hauteur d’enfant, équipée de deux chaises, on pose une cloche et un symbole de paix – une fleur blanche, un rameau d’olivier, une figurine en forme de colombe. Quand deux enfants vivent un conflit, ils vont s’asseoir à la table. Celui qui se sent le plus lésé
pose une main sur son cœur – symbole de parole vraie – et l’autre sur la table. Il dit son nom, explique ce qu’il ressent et propose une solution. Ensuite, l’autre enfant fait de même, jusqu’à ce que les deux enfants trouvent une solution commune. Ils sonnent alors ensemble la cloche en signe de fin du conflit. Le coussin de colère Quand ? Quand la colère monte, on propose à l’enfant d’aller
se défouler sur son coussin et on l’encourage à faire sortir, avec des gestes ou des mots, ce qu’il ressent. Quand le calme
Le cercle de parole familial Quand ? Régulièrement pratiqué, le cercle de parole aide à
réguler la vie de famille, à mettre les sujets mineurs sur le tapis avant qu’ils ne deviennent des sujets toxiques. Les querelles entre frères et sœurs, les tours de vaisselle, les rythmes des uns et des autres peuvent être abordés. Pour les moins de 6 ans, le cercle de parole nécessite un apprentissage. Il faudra accepter que le plus petit de la bande reste longtemps « en observation » avant de prendre la parole. Un outil précieux aussi pour les familles monoparentales, qui peuvent organiser un cercle de parole avec voisins et amis pour créer un réseau d’entraide et de soutien mutuels. Les règles du jeu ? Il n’y a pas de chef, on écoute sans couper la parole, on ne juge pas celui qui parle. Chacun est libre de parler à tour de rôle d’un sujet qui le questionne. Le premier tour sert à évoquer tous les sujets. Lors du second tour, chaque personne devient à tour de rôle le centre du cercle et tout le monde essaie de proposer des solutions constructives. La parole circule de droite à gauche, on peut matérialiser la parole à l’aide d’un bâton, d’un ballon ou de tout autre objet. La gomme magique Quand ? Vous voilà embarqué dans une scène conflictuelle
où vous entendez ce que vous ne voudriez pas entendre et où vous dites ce que vous ne devriez pas dire. Des exemples ? Il vous tend fièrement un dessin et vous vous énervez parce qu’il a du feutre plein les mains. Elle vous montre la dernière poupée mannequin pailletée dans un magasin et vous vous emballez contre la société de consommation. Stop ! Gomme magique ! L’enthousiasme est possible. Les règles du jeu ? Quand vous êtes dans une conversation qui dérape dans le conflit, vous avez le droit d’appuyer sur pause et de dire : « Je n’aurais pas dû te dire cela. On efface tout et on recommence. » Avant de rejouer la scène en positif avec votre enfant, en accueillant les émotions. Le côté ludique devrait lui plaire.
112 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
Le timer
Certains enfants ont de toutes petites réserves adaptatives. Cela signifie que toutes les transitions du quotidien les font basculer dans un état d’inquiétude. Résultat, ils cherchent à gagner du temps, négocient la consigne et vous répétez cinq fois la même chose avant de vous énerver. Les règles du jeu ? Procurez-vous un chronomètre avec sonnerie. Avant de partir à l’école ou au moment du coucher, vous expliquez le rituel : « Nous partons dans 10 minutes. Je fais sonner le chronomètre dans 5 minutes. Après la première sonnerie, il te restera à nouveau 5 minutes. Nous partons au moment de la seconde sonnerie. » De même, planifiez les journées au maximum et annoncez la couleur dès le matin. Votre enfant aura ainsi le temps de se préparer à ce qui l’attend. U Quand ?
Préférer les petits pas Dans la vie de famille, il y a bien des situations où « c’est bloqué », où « tous les jours, c’est pareil, je dois lui demander 10 fois ». Lui faire mettre ses chaussures le matin, lui demander de ranger son bol après le goûter ou de ramasser ses jouets dans le salon quand il a fini de jouer… De quoi vous mettre les nerfs en pelote chaque jour. Et si vous essayiez le PPPPP ? Le Plus Petit Pas Pertinent Possible peut enclencher un changement. Demandez-lui par exemple simplement d’apporter ses chaussures, de rassembler le bol et la petite cuillère, de demander de l’aide pour ranger quand il a fini de jouer. Premier effet, vous décoincez la situation. Second effet, vous remettez votre enfant en situation de succès. Et après ? Tentez un autre PPPPP ! Aucune montagne ne vous résistera, gravie un petit pas après l’autre.
Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 113
De 3 ans à 6 ans
De 3 ans à 6 ans
Interview
Interview © DR
Pour une autre école Entretien avec Isabelle Peloux, professeur des écoles, formatrice en relation entre l’enseignant et l’enseigné, spécialisée dans la pédagogie de la coopération. Elle a fondé, en 2006, l’école élémentaire du Colibri, dans la Drôme, au cœur de la ferme agroécologique des Amanins.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez mis au cœur de votre projet la coopération ?
PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
l’Éducation nationale, Xavier Darcos, a essayé de séparer l’instruction et l’éducation. Il pensait pouvoir enlever tout L’amour des enfants, l’envie d’aider ceux en difficulté le relationnel. Pour lui, l’école n’a la fonction que d’instruire, d’apprentissage et l’envie d’être « pour » ce que je fais et donc de transmettre des savoirs. Or à partir du moment où non de mettre mon énergie dans le « contre ». je rentre en relation avec un humain qui est un enfant dont la personnalité est dépendante – l’enfant n’est pas encore Si j’ai appelé mon école, l’école du Colibri, c’est évidemment à cause de la légende du colibri, mais aussi pour autonome –, que je le veuille ou non, je l’éduque. Le petit de l’aspect psychologique du « chacun fait sa part », qui pour 3 à 6 ans n’est pas encore dans le jugement, mais il reçoit les moi est fondamental dans l’éducation. Si l’on veut que ça jugements de l’adulte. Et moins il a à faire aux jugements de marche, enfants, parents et éducal’adulte, mieux il se développe, car le teurs ont leur part à faire. De même, jugement lui ferme des portes. Son L’enfant a besoin de repères, lors d’un conflit, si les deux percerveau se met à cataloguer – « Ça, c’est sonnes qui ont été en difficulté bien ; ça, c’est mal. » –, et rentre dans mais il faut le rendre maître peuvent reconnaître leur part, alors la pensée binaire dont on a tellement de ces repères. c’est d’une puissance incroyable. de mal à se défaire quand on devient adulte. L’enfant a besoin de repères, C’est ce qui donne une gestion des conflits aboutie et apaisée. Et pour y parvenir, il faut favomais il faut le rendre maître de ces repères. On va lui demanriser le « comment » au « pourquoi ». Nous sommes dans der : « Et toi, en es-tu content de ce dessin ? » Car, le juger une société très accusatrice – « À qui est la faute ? » – et positivement ou négativement ne nourrit pas sa confiance. nous pouvons passer des journées entières là-dessus. Mais, Parfois, des enfants de 5 ou 6 ans arrivent à l’école et leurs face à une situation problématique, il est préférable de se parents les ont noyés de compliments : tout était merveilleux, demander comment la régler, plutôt que pourquoi il en est tous leurs dessins étaient des œuvres d’art, toutes les paroles ainsi. qu’ils disaient étaient formidables. Ces enfants arrivent apparemment très sûrs d’eux, mais, contrairement à ce que Cela signifie-t-il que l’école est faite pour apprendre un savoir‑faire l’on pourrait croire, cette confiance n’est fondée sur rien, ou un savoir-être ? car ils n’ont pas de repères. Tout a été jugé de façon positive, Les deux, inévitablement les deux. Pour moi, c’est même tout le temps : l’enfant est perdu. Les repères devront être une question qui ne se pose pas. En 2008, le ministre de donnés par des adultes cohérents avec leur façon de vivre, Quelles ont été vos motivations pour ouvrir l’école du Colibri aux Amanins ?
116 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
ceci, donc toi, on va te donner ceci. » Différencier ainsi est vraiment facteur de paix. À l’école du Colibri, l’éducation à la paix est très en lien avec l’éducation à la coopération. En effet, quand je coopère, je m’attache justement à des gens qui sont mes pairs, donc qui ont les mêmes besoins que moi. Il va falloir apprendre à tenir compte des besoins de l’autre, tout en prenant soin de mes propres besoins, et négocier. L’enfant doit apprendre à tenir compte de luimême et de l’autre simultanément. Jusqu’à 6 ans, globalement, l’enfant est centré sur le « moi, je ». C’est la période où il construit son imaginaire, remplit sa banque de données d’images verbales, mentales, commence à faire des liens. Ensuite, quand il arrive en primaire, la coopération va devenir possible, car l’enfant sera assez grand pour se décentrer et vivre l’empathie.
qui n’oublient pas qu’ils servent de modèles et qui renvoient à l’enfant, lorsqu’il est content de ce qu’il a fait, la phrase «Tu peux être fier de toi », qui l’aident à recommencer et l’encouragent suffisamment pour qu’il ose refaire malgré ses erreurs. La notion de paix est au cœur de votre projet. Est-ce le rôle de l’école ?
L’apprentissage de la paix se fait beaucoup à la maison. Avec les relations fraternelles, il y a un grand besoin d’être en paix malgré les différences d’âge et les besoins qui diffèrent. Les parents doivent effectuer un grand travail d’accompagnement de ce relationnel. Quand des enfants ont une différence d’âge de trois ans, ils n’ont pas du tout les mêmes besoins de sommeil, de nourriture, de câlins, d’attention, et cela génère forcément, entre frères et sœurs, des moments de convoitise, de jalousie. C’est cette paix-là que les parents doivent transmettre en expliquant : « Là, il en a plus besoin que toi. Par contre, toi, tu as besoin de
Au départ, c’est parce que je fais de la pédagogie institutionnelle. Le principe de base est qu’on apprend mieux en expliquant à l’autre, plutôt qu’en travaillant tout seul. Le fait de mettre en mots ce que j’ai compris pour le transmettre à l’autre permet que je l’intègre. C’est un point fondamental de la construction humaine : c’est tout le rôle de la parole, de la reformulation. Cela, nous le retrouvons dans toutes les méthodes de communication. Dans l’apprentissage des savoirs, c’est pareil : quand l’enfant explique à l’autre sa stratégie mentale, le fait d’être obligé de le mettre en mots pour l’expliquer à l’autre, cela fait travailler l’intégration. Cette pédagogie demande qu’on s’occupe de la coopération, car, bien souvent, les enseignants qui l’ont mise en place savent que c’est la meilleure et la plus efficace. Sinon, c’est l’enseignant qui passe son temps à expliquer et donc à intégrer. Si l’on veut que ce soit plus efficace à l’école, il faut que ce soit les enfants qui fassent ce partage de savoirs et de stratégies mentales ; qu’ils mettent en mots leur pensée pour l’intégrer eux‑mêmes. Cela signifie que je vais me frotter à l’ego – le « moi, je » – de l’autre, qui, lui aussi, aimerait trouver la bonne réponse et qui, lui aussi, est nourri – comme tous les egos de la terre – par « J’ai raison. » Cette envie d’avoir raison sur l’autre va créer jalousie et comparaison. La comparaison est facteur de souffrance, voire de violence. Du coup, cette méthode est très peu utilisée dans l’Éducation nationale, car les enseignants ne savent pas faire avec. Ils croient échapper à cette souffrance, alors qu’ils vont la retrouver ailleurs. Nous, à l’école du Colibri, nous la prenons en compte en tant que donnée existante. Les enfants Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 117
De 3 ans à 6 ans
De 3 ans à 6 ans
Interview
Interview © DR
Pour une autre école Entretien avec Isabelle Peloux, professeur des écoles, formatrice en relation entre l’enseignant et l’enseigné, spécialisée dans la pédagogie de la coopération. Elle a fondé, en 2006, l’école élémentaire du Colibri, dans la Drôme, au cœur de la ferme agroécologique des Amanins.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez mis au cœur de votre projet la coopération ?
PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL GREBOVAL
l’Éducation nationale, Xavier Darcos, a essayé de séparer l’instruction et l’éducation. Il pensait pouvoir enlever tout L’amour des enfants, l’envie d’aider ceux en difficulté le relationnel. Pour lui, l’école n’a la fonction que d’instruire, d’apprentissage et l’envie d’être « pour » ce que je fais et donc de transmettre des savoirs. Or à partir du moment où non de mettre mon énergie dans le « contre ». je rentre en relation avec un humain qui est un enfant dont la personnalité est dépendante – l’enfant n’est pas encore Si j’ai appelé mon école, l’école du Colibri, c’est évidemment à cause de la légende du colibri, mais aussi pour autonome –, que je le veuille ou non, je l’éduque. Le petit de l’aspect psychologique du « chacun fait sa part », qui pour 3 à 6 ans n’est pas encore dans le jugement, mais il reçoit les moi est fondamental dans l’éducation. Si l’on veut que ça jugements de l’adulte. Et moins il a à faire aux jugements de marche, enfants, parents et éducal’adulte, mieux il se développe, car le teurs ont leur part à faire. De même, jugement lui ferme des portes. Son L’enfant a besoin de repères, lors d’un conflit, si les deux percerveau se met à cataloguer – « Ça, c’est sonnes qui ont été en difficulté bien ; ça, c’est mal. » –, et rentre dans mais il faut le rendre maître peuvent reconnaître leur part, alors la pensée binaire dont on a tellement de ces repères. c’est d’une puissance incroyable. de mal à se défaire quand on devient adulte. L’enfant a besoin de repères, C’est ce qui donne une gestion des conflits aboutie et apaisée. Et pour y parvenir, il faut favomais il faut le rendre maître de ces repères. On va lui demanriser le « comment » au « pourquoi ». Nous sommes dans der : « Et toi, en es-tu content de ce dessin ? » Car, le juger une société très accusatrice – « À qui est la faute ? » – et positivement ou négativement ne nourrit pas sa confiance. nous pouvons passer des journées entières là-dessus. Mais, Parfois, des enfants de 5 ou 6 ans arrivent à l’école et leurs face à une situation problématique, il est préférable de se parents les ont noyés de compliments : tout était merveilleux, demander comment la régler, plutôt que pourquoi il en est tous leurs dessins étaient des œuvres d’art, toutes les paroles ainsi. qu’ils disaient étaient formidables. Ces enfants arrivent apparemment très sûrs d’eux, mais, contrairement à ce que Cela signifie-t-il que l’école est faite pour apprendre un savoir‑faire l’on pourrait croire, cette confiance n’est fondée sur rien, ou un savoir-être ? car ils n’ont pas de repères. Tout a été jugé de façon positive, Les deux, inévitablement les deux. Pour moi, c’est même tout le temps : l’enfant est perdu. Les repères devront être une question qui ne se pose pas. En 2008, le ministre de donnés par des adultes cohérents avec leur façon de vivre, Quelles ont été vos motivations pour ouvrir l’école du Colibri aux Amanins ?
116 • Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse
ceci, donc toi, on va te donner ceci. » Différencier ainsi est vraiment facteur de paix. À l’école du Colibri, l’éducation à la paix est très en lien avec l’éducation à la coopération. En effet, quand je coopère, je m’attache justement à des gens qui sont mes pairs, donc qui ont les mêmes besoins que moi. Il va falloir apprendre à tenir compte des besoins de l’autre, tout en prenant soin de mes propres besoins, et négocier. L’enfant doit apprendre à tenir compte de luimême et de l’autre simultanément. Jusqu’à 6 ans, globalement, l’enfant est centré sur le « moi, je ». C’est la période où il construit son imaginaire, remplit sa banque de données d’images verbales, mentales, commence à faire des liens. Ensuite, quand il arrive en primaire, la coopération va devenir possible, car l’enfant sera assez grand pour se décentrer et vivre l’empathie.
qui n’oublient pas qu’ils servent de modèles et qui renvoient à l’enfant, lorsqu’il est content de ce qu’il a fait, la phrase «Tu peux être fier de toi », qui l’aident à recommencer et l’encouragent suffisamment pour qu’il ose refaire malgré ses erreurs. La notion de paix est au cœur de votre projet. Est-ce le rôle de l’école ?
L’apprentissage de la paix se fait beaucoup à la maison. Avec les relations fraternelles, il y a un grand besoin d’être en paix malgré les différences d’âge et les besoins qui diffèrent. Les parents doivent effectuer un grand travail d’accompagnement de ce relationnel. Quand des enfants ont une différence d’âge de trois ans, ils n’ont pas du tout les mêmes besoins de sommeil, de nourriture, de câlins, d’attention, et cela génère forcément, entre frères et sœurs, des moments de convoitise, de jalousie. C’est cette paix-là que les parents doivent transmettre en expliquant : « Là, il en a plus besoin que toi. Par contre, toi, tu as besoin de
Au départ, c’est parce que je fais de la pédagogie institutionnelle. Le principe de base est qu’on apprend mieux en expliquant à l’autre, plutôt qu’en travaillant tout seul. Le fait de mettre en mots ce que j’ai compris pour le transmettre à l’autre permet que je l’intègre. C’est un point fondamental de la construction humaine : c’est tout le rôle de la parole, de la reformulation. Cela, nous le retrouvons dans toutes les méthodes de communication. Dans l’apprentissage des savoirs, c’est pareil : quand l’enfant explique à l’autre sa stratégie mentale, le fait d’être obligé de le mettre en mots pour l’expliquer à l’autre, cela fait travailler l’intégration. Cette pédagogie demande qu’on s’occupe de la coopération, car, bien souvent, les enseignants qui l’ont mise en place savent que c’est la meilleure et la plus efficace. Sinon, c’est l’enseignant qui passe son temps à expliquer et donc à intégrer. Si l’on veut que ce soit plus efficace à l’école, il faut que ce soit les enfants qui fassent ce partage de savoirs et de stratégies mentales ; qu’ils mettent en mots leur pensée pour l’intégrer eux‑mêmes. Cela signifie que je vais me frotter à l’ego – le « moi, je » – de l’autre, qui, lui aussi, aimerait trouver la bonne réponse et qui, lui aussi, est nourri – comme tous les egos de la terre – par « J’ai raison. » Cette envie d’avoir raison sur l’autre va créer jalousie et comparaison. La comparaison est facteur de souffrance, voire de violence. Du coup, cette méthode est très peu utilisée dans l’Éducation nationale, car les enseignants ne savent pas faire avec. Ils croient échapper à cette souffrance, alors qu’ils vont la retrouver ailleurs. Nous, à l’école du Colibri, nous la prenons en compte en tant que donnée existante. Les enfants Kaizen • Hors-série no 5 • Pour une enfance joyeuse • 117
HORSSÉRIE
no 5 HORS-SÉRIE
no 5
Pour une enfance joyeuse
Pour une enfance joyeuse
Le bonheur appartient à ceux qui l’apprennent tôt !
Et si on testait le maternage proximal et la parentalité positive ? Tel est le pari de ce hors-série. En favorisant le maternage proximal et l’éducation positive, nous misons sur les générations futures. Nous le savons désormais, les relations affectives nouées entre 0 et 6 ans laissent une empreinte essentielle chez l’enfant et influencent grandement sa vie d’adulte. Elles façonnent notre manière d’appréhender le monde, et, in fine, de le construire. Plus qu’un guide du « prêt à éduquer », ce hors-série se veut une boîte à idées où vous pourrez venir piocher, en fonction de vos goûts, de vos possibilités et de vos capacités du moment. De la conception de l’enfant jusqu’à sa sixième année, nous vous proposons un panel d’approches nouvelles pour établir une relation joyeuse avec lui :
• Haptonomie • Méthode Bonapace • Portage physiologique • Diversification alimentaire menée par l’enfant • Hygiène naturelle infantile • Langage des signes • Motricité libre • Parentage par le jeu • Yoga en famille • Jeux à faire soi-même • Tour d’observation • Cercle de parole...
Le bonheur appartient à ceux qui l’apprennent tôt !
À l’aide de fiches pratiques, d’interviews, de bonnes adresses et d’exemples d’initiatives, vous découvrirez un nouvel horizon de la parentalité. Et vous, grands-parents, tantes, oncles, parrains, marraines, voisines, voisins, professionnels de la petite enfance, bref, tout adulte qui, un jour, croiserez un enfant, saisissez-vous de ce hors-série pour construire une relation privilégiée en toute simplicité avec ces adultes en devenir.
« L’éducation est “la force du futur”, parce qu’elle est l’un des instruments les plus puissants pour réaliser le changement. »
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HORS-SÉRIE no 5
M 04150 - 5H - F: 12,00 E - RD
979-10-93452-03-6
Federico Mayor, ancien directeur général de l’UNESCO
Tome 1 : de 0 à 6 ans