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SOCIÉTÉ
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SANTÉ
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ÉCONOMIE
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AGRICULTURE
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HABITAT
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ÉNERGIE
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ÉDUCATION
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GOUVERNANCE
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CHANGER LE MONDE PAS À PAS DOSSIER Crédit Coopératif, SA coopérative de Banque Populaire à capital variable – 33, rue des Trois Fontanot – BP 211 – 92002 Nanterre cedex – 349 974 931 RCS Nanterre – BythewayCreacom – Illustration : Artus.
VERS LA VILLE COMESTIBLE DÉSENFUMAGE
MA CENTRALE CHEZ LE GARAGISTE PORTFOLIO
JR, L’ART CITOYEN ET SI ON LE FAISAIT
UNE CANTINE BIO ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN
VIVRE EN HABITAT GROUPÉ Nicolas P. Directeur adjoint des opérations de marché au Crédit Coopératif Paslecteur de lecteurpour pour lire ce code ? Pas de lire ce code ? Tapez tc3.fr sur votre mobile ! Tapez tc3.fr sur votre mobile !
NUMÉRO 1 MARS - AVRIL 2012
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4 manifeste 5 édito de Cyril Dion 6 ils sont kaizen
SOMMAIRE KAIZEN 1 MARS AVRIL 2012
7 À LIVRE OUVERT : La ferme des enfants 10 ET SI ON LE FAISAIT : démarrer une cantine bio 14 DÉSENFUMAGE : ma centrale chez le garagiste 18 ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN : habitat solidaire et coopératif 22 LE DOSSIER : vers la ville comestible 37 PORTFOLIO : JR 44 PORTRAITS DE COLIBRIS : indignés du nord et du sud 47 CHANGEONS L’ÉCONOMIE : consommation collaborative 52 DÉCRYPTAGE : la révolution citoyenne islandaise 54 ROUE LIBRE : le dernier kilomètre 58 IDÉE REMUANTE : l’adultisme 63 AGENDA 65 LA MÉDIATHÈQUE DE … Coline Serreau 66 LE BON PLAN : Lille 69 SAUVAGE ET DÉLICIEUX : L’ail des ours 74 CHRONIQUE de Pierre Rabhi
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MANIFESTE POUR UN CHANGEMENT DU MONDE PAS À PAS L’humanité se trouve aujourd’hui face à un ultimatum, qui nous oblige à changer pour ne pas disparaître. La logique du progrès, qui aspirait à libérer l’être humain et à améliorer sa condition, est à l’évidence en train de l’incarcérer encore d’avantage. Dans un monde où l’indigence côtoie un superflu sans limite et où toute puissance est donnée à l’argent, les déflagrations sociales ne peuvent que s’amplifier et convulser l’ensemble de la société. L’ère de la technologie fondée sur les combustions énergétiques a relégué la nature, pourtant seule garante de notre survie, à un simple gisement de ressources à piller indéfiniment. Ce faisant, elle lui inflige des dommages considérables.
Face à cet implacable constat nous aurions toutes les raisons de désespérer et pourtant, silencieusement, un nouveau monde est en marche. Tandis que la politique exerce une sorte d’acharnement thérapeutique sur un modèle obsolète, la société civile fait preuve d’un génie extraordinaire. Aux quatre coins du monde, des femmes et des hommes inventent une agriculture abondante, sans pétrole, fondée sur la diversité et l’interdépendance des espèces ; des modèles énergétiques utilisant les forces inépuisables de l’eau, du soleil et du vent ; des bâtiments ultra économes, faits
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de matériaux sains et locaux, produisant plus d’énergie qu’ils n’en consomment ; des économies locales qui organisent une répartition équitable de nos richesses et encouragent l’autonomie du plus grand nombre ; des modèles industriels zéro déchet, utilisant les rebuts pour créer des produits nouveaux ; des lieux où chaque enfant peut s’épanouir et découvrir qui il est… Ces initiatives sont la preuve de vitalité de la vie qui veut vivre. C’est à ce monde que nous choisissons de donner la parole aujourd’hui, à ces personnes qui portent les (r)évolutions que nous attendons, à ces initiatives pionnières qui, par leur simplicité et leur bon sens, nous offrent de nouveaux horizons, de véritables raisons de croire en l’avenir.
Pourtant, il ne s’agit pas de proposer ici un énième catalogue de solutions. Les initiatives, pour elles-mêmes, nous intéressent moins que l’esprit qui les porte. Car au delà de remplacer les énergies fossiles par les renouvelables ou l’agriculture chimique par la bio, c’est à l’âme humaine que nous nous intéressons. Au sens que nous donnons à nos vies, à nos capacités d’empathie et d’émerveillement, à notre profond désir d’être libres. Plus que
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tout, nous croyons qu’il ne peut y avoir de réelle métamorphose de nos sociétés sans un profond changement de ceux qui la composent : chacune et chacun d’entre nous. Avec créativité, humour, légèreté et rigueur, nous nous engageons, au fil des pages de Kaizen, à inventer un nouveau rêve, et à le concrétiser en même temps. Plus que jamais nous avons soif d’inspiration et de reliance, pour construire dès à présent ce monde nouveau, dans lequel vivront demain nos enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants… Le temps est venu de placer l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de nous appuyer sur la puissance de la modération pour un vivre ensemble apaisé et heureux. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas la joie à laquelle chacune et chacun d’entre nous aspire de tout son être.
Kaizen késaco ? Kaizen est un mot japonais. Littéralement, il signifie « changement » (kai) « bon » (zen). Mais Kaizen est aussi une méthode, celle de l’amélioration continue. Elle considère que les plus grandes transformations commencent par un premier pas. Les réformes brutales, les changements à pic réveillent nos peurs et nos résistances ; la méthode du Kaizen propose de faire une succession de petits pas conscients et déterminés vers l’objectif que nous nous fixons : construire une société écologique et profondément humaine. Kaizen est notamment porté par le mouvement Colibris qui tire son nom de cette légende améridienne : un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
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édito Aujourd’hui, Kaizen est né. Un nouveau média, un magazine, destiné à nous faire découvrir les hommes, les femmes, les initiatives qui construisent le XXIe siècle tout du moins tel que nous l’espérons. Mais pourquoi diable avoir créé un nouveau magazine ? Les kiosques en regorgent, la presse s’effondre, le papier semble condamné face à l’émergence du numérique… Tout simplement parce que le monde dans lequel nous voulons vivre, celui dans lequel nous voudrions que nos enfants grandissent, n’est pas celui que la majorité des médias dépeignent. Ce n’est pas celui de l’urgence perpétuelle, de la cacophonie, de l’information spectacle, du catastrophisme et du cynisme, du paraître. Et nous croyons fermement que nous ne sommes pas seuls dans ce cas. Qu’une majorité grandissante d’entre nous aspire à découvrir des initiatives positives, constructives, humanistes, écologiques, créatives, audacieuses… Que nous avons besoin de rêver. De nous figurer comment notre monde pourrait se transformer et de quelle façon nous pourrions y contribuer, petits pas après petits pas. De découvrir comment des personnes qui nous ressemblent réinventent l’école, l’agriculture, l’économie et vivent plus heureux. Nous nous acheminons sans doute vers des temps difficiles, angoissants, les ruptures économiques et écologiques peuvent survenir à tout moment et déstabiliser l’ensemble de nos sociétés. Plus que jamais nous avons besoin d’entrevoir les chemins que nous pourrons prendre, ensemble, si l’irréparable n’est pas évité. Kaizen voit le jour dans cette perspective : nous indiquer des voies, des possibles et nous remettre en lien. Chaque jour il y a de bonnes raisons d’avoir peur, de râler, de désespérer, mais aujourd’hui est une bonne journée : Kaizen est né. CYRIL DION, DIRECTEUR DU MOUVEMENT COLIBRIS
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Ils sont
KAIZEN «Changer le monde pas à pas»
Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, il défend un mode de société plus respectueux de l’homme et de la nature. Il soutient le développement de l’agroécologie à travers le monde pour contribuer à l’autonomie, la sécurité et la salubrité alimentaire des populations.
Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 10 000 €. Filiale de l’association COLIBRIS 95 rue du faubourg Saint Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.fr
Le Cil vert J’ai toujours dessiné. Pourtant à 24 ans je me suis retrouvé avec un diplôme d’ingénieur et des amis qui me disaient «qu’il fallait être réaliste dans la vie !» J’ai alors tout plaqué et je me suis mis à dessiner ma première BD «Le scaphandre Fêlé» puis des illustrations pour des magazines et ONG. Je suis réaliste... je crois que c’est pour ça que je fais de la BD.
Magazine bimestriel numéro 1 Mars-Avril 2012 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeurs de la publication Yvan Saint-Jours et Cyril Dion
Anne-Sophie Novel Anne Sophie est économiste de formation, écolo par conviction, blogueuse par passion et journaliste de profession... Petit colibri de la toile, elle a fondé le collectif de blogueurs Ecolo-Info en 2007, s’intéresse de près aux locavores et croit en la force du collaboratif pour changer le monde ! Comment ne pas participer à Kaisen, dans de telles conditions ?? Pascale D’Erm Pascale d’Erm croit, comme le peintre Hundertwasser, que « lorsqu’un homme rêve, ce n’est qu’un rêve, mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début de la réalité ». Révéler et explorer l’univers de ceux qui mettent en œuvre leur rêve d’une société plus juste et durable, comme le mouvement colibris, est le sens de son métier. Teycir Ben Naser Historienne de formation et journaliste de profession, je me suis très tôt intéressée à la Tunisie et aux initiatives alternatives et écologiques mises en place dans le pays. Installée depuis un mois au cœur de la capitale tunisienne, je redécouvre avec émerveillement un pays en pleine mutation et une société civile en effervescence. Devenue un extraordinaire champ des possibles, la Tunisie m’offre chaque jour de nouvelles découvertes que je souhaite vous raconter. Patrick Baldassari Je ne sais pas ce que je fais dans cette aventure, toute ma carrière je l’ai réalisée dans la finance : la pure et dure, celle qui ne fait pas rire, celle qui structure et restructure…. Un jour on m’a demandé si ce projet de magazine pouvait m’intéresser, non pas pour écrire, mais pour en assurer la gestion. Devant l’enthousiasme de l’équipe rédactionnelle et les causes défendues par Colibris je n’ai pas pu refuser. Pascal Greboval Pascal vient de l’hébreu pessakh : passage. Sur mon front tel un post-it est donc écrit : « je ne fais que passer ». Comme je suis bien élevé j’essaie de laisser propre l’endroit où je passe, comme c’est mentionné dans les toilettes des bistrots, ou comme le dit St Exupéry «Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants.» Jean-Claude Mengoni Jean-Claude est avec sa compagne Françoise gestionnaire de chambres d’hôtes écologiques à St Andéol (Drôme). Outre 2 ouvrages publiés aux éditions Terre Vivante, Jean-Claude collabore également aux magazines «la Maison écologique» et «les 4 saisons du jardinage bio». Julie Graux A Bruxelles, le jardin d’enfant où j’ai passé mes trois premières années d’école s’appelait «Le colibri»... Après j’ai butiné, comme lui, partout. Me voilà illustratrice et paysanne-boulangère bio dans le Perche avec Erik et nos trois filles.
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Rédaction en chef Pascal Greboval, Yvan Saint-Jours Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Fanny Dion J’aborde chaque reportage à peu près de la même façon, par une rencontre. C’est ce que j’aime dans ce que je fais : créer une relation avec les personnes que je photographie. J’aime que les gens se ressemblent et à la fois se trouvent beaux. D’ailleurs la plupart des gens sont beaux. Je ne le voyais pas avant, mais maintenant oui. C’est une des raisons pour lesquelles je suis heureuse de faire ce métier. Cyril Dion Depuis que j’ai douze ans, je n’ai eu qu’une idée en tête : écrire. A dix-huit ans, je voulais créer la nouvelle revue «Les Temps Modernes» qui parlerait de notre temps, avec des penseurs, des artistes, qui nous aideraient à regarder le monde dans lequel nous vivons. Et écrire dedans. Aujourd’hui je fais beaucoup de choses passionnantes, parmi lesquelles : Kaizen ! Linda Louis Animatrice d’un blog de recettes écocitoyennes et auteure de livres de cuisine bio et végétarienne (La Plage), j’espérais collaborer un jour avec un magazine engagé au plan écologique et résolument positif. Aujourd’hui, je suis heureuse de rejoindre une équipe dont je partage les mêmes convictions ! (www.cuisine-campagne.com) Lucile Vannier Un colibri m’a réveillée – je ne dormais que d’un œil. Il avait besoin de plumes, j’ai eu envie de joindre la mienne à toutes celles qui page après page consacraient une belle énergie à construire ce magazine. Parce que grâce aux mots et aux images qui les portent, les colibris volent plus loin. Yvan Saint -Jours Objecteur de conscience, journaliste, fondateur du magazine La Maison écologique, je suis investi dans Colibris depuis quelques années. Si les questions d’habitat et d’énergie sont ma passion, je m’intéresse fortement à la place de l’enfant dans notre société. J’aime me promener au grand air souvent humide en Normandie. Béatrice Méra Béatrice a expérimenté toutes sortes d’activités professionnelles du maraîchage bio à la vente de cosmétiques bio en passant par le secteur de l’animation enfants. Elle voue une passion pour les plantes médicinales et adore être en contact avec la dynamique communauté herbaliste américaine grâce à Internet.
Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture JR Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : En cours Numéro ISSN : En cours Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées
Régie de Publicité et distribution dans magasins spécialisés: AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci
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à livre ouvert
LA FERME DES ENFANTS Choix des extraits : Yvan Saint-Jours Photos : Patrick Lazic
« Les enfants accueillis à la Ferme des Enfants apprennent aussi bien à lire, écrire et compter qu’à élever des animaux, construire, cultiver des légumes ou encore faire du fromage, cuisiner, tisser, coudre, travailler le bois, etc. Outre de véritables compétences pratiques, ces apprentissages connectent l’enfant à la matière, au vivant, et contribuent à un développement équilibré de sa personne. » « L’objectif de la ferme pédagogique est à la fois l’intégration de savoirs et de savoir-faire séculaires qui peuvent être utiles dans la vie humaine ainsi qu’une source intarissable d’explorations scientifiques, mathématiques, poétiques, philosophiques. »
La Ferme des Enfants Une pédagogie de la bienveillance De Sophie Bouquet-Rabhi Collection Domaine du Possible, Actes Sud / Colibris, novembre 2011, 22 €
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« Le jardinier écologiste est un humble serviteur de la nature et il a définitivement renoncé à l’idée de malmener ses plantes pour avoir de meilleurs résultats (…). Pouvons-nous faire de même pour ce qui concerne l’enfant, afin de contribuer à la guérison de l’humanité ? »
« L’enfant n’a nul besoin d’être formaté. Il a simplement besoin que nous réunissions autour de lui les conditions favorables à son épanouissement, afin que la nature puisse exprimer pleinement les saisons et les motifs qui sont les siens, qui collaborent au déploiement de l’humain dans toute sa beauté. »
« Faire confiance à l’enfant est l’une des plus grandes difficultés pour les éducateurs et les parents d’élèves de la Ferme des Enfants, car nous n’avons pas été habitués à cette confiance. » « Nous ne savons pas quand, dans la vie de l’élève, seront récoltés les fruits issus des graines que nous semons aujourd’hui. »
« L’intelligence véritable appartient à l’univers auquel nous participons. La nature nous montre sa pertinence à chaque instant et nous devons admettre que nous lui sommes soumis. »
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si on le faisait
PETITE CANTINE BIO DEVIENDRA GRANDE Texte et reportage photo à Mauquanchy : Pascal Greboval photos : Fanny Dion fiche pratique : Colibris
La recette proposant des plats à base de produits bio et/ou de proximité aux enfants qui déjeunent à la cantine est connue : Une dose égale d’élus municipaux engagés, de producteurs locaux concernés, et un(e) cuisinier(e) dynamique. Mixez leurs motivations et vous obtiendrez une cantine citoyenne. Reste à goûter… Mise en bouche A Mauquanchy, petit village de 250 habitants au cœur de la campagne normande, rien ne laisse supposer que la transition vers un autre monde est en marche. Comme dans les bourgs voisins du pays de Bray, seul le bruit d’un tracteur ou la cloche de l’église viennent perturber le chant des oiseaux. Pourtant Michel Lavenu, le maire du village, a décidé d’inscrire la gestion de sa cité dans une démarche respectueuse de l’environnement. Question de cohérence avec cette quiétude bucolique ! Trois initiatives témoignent de cette dynamique : la station de phytoépuration1, la salle des fêtes réalisée en ossature bois et l’approvisionnement de la cantine par des producteurs locaux. Si les deux premières initiatives sont surtout affaire de techniciens, le choix de nourrir la seule classe du village avec des produits de proximité tient davantage d’une réappropriation de la nourriture par chacun.
Le territoire, un plat de résistance 8 heures, Sébastien dépose sa fille à l’école maternelle - il en profite pour donner quelques betteraves à Nathalie, la cuisinière de la cantine. Pas de camion, pas de palette, pas de chariot rempli de plateaux-repas, juste un panier qui passe
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d’une main à une autre. Ce geste symbolise le fonctionnement de la cantine : un lien entre des acteurs locaux. Sébastien Levacher gère une association (« du Coq à l’Âne 2 ») qui promeut - entre autres - le maraîchage biologique en traction animale. Il fournit chaque semaine des paniers de légumes à dix familles, alors quand il apprend que le maire de la commune souhaite relocaliser l’approvisionnement de la cantine, Sébastien propose ses services. Produire des légumes pour 26 élèves de maternelle lui semble adapté à sa petite structure (4000m² de terres). « Local et bio c’est encore mieux ! », s’enthousiasme le maire. Côté cuisine, la première année, Nathalie s’adaptait aux livraisons de légumes que lui apportait Sébastien. A la rentrée suivante, la cuisinière et le maraîcher ont coopéré pour anticiper les arrivages et élaborer des menus en fonction des saisons. Une approche permettant d’apprécier au mieux le travail de Nathalie Delacour qui cuisine « comme à la maison ! C’est l’une des premières ruptures pour les enfants, il est important qu’ils mangent comme chez papa-maman, c’est un repère rassurant » argumente t’elle, avant de poursuivre : « Avec les légumes de Sébastien, les assiettes sont englouties, je ne jette plus rien, c’est l’autre aspect valorisant de la démarche ».
Une assiette équilibrée Après dix-huit mois de fonctionnement, le pari est réussi, même si l’approvisionnement n’est pas à 100% local. Outre les légumes, la viande est aussi livrée par le boucher de la commune voisine. Cette nouvelle gestion contribue à faire vivre l’économie locale, réduire les impacts environnementaux, initier les enfants à une alimentation saine et de saison tout en permettant à l’inventivité de la cuisinière de s’exprimer, et n’a pas mis en péril l’équilibre financier de la petite cantine. Le prix pour les parents est resté inchangé. Quand on sait que 55% des cantines en France ont gardé leur gestion propre, cette belle démarche, dont la dynamique est le résultat de la seule volonté d’un élu, ouvre de nombreuses perspectives ! 1 Epuration des eaux usées écologique qui utilise le système racinaire de plantes (type bambous) 2 http://lecoqalan.free.fr/
Une des clefs pour mettre en place une cantine bio : une cuisinière qui prépare les plats
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désenfumage
CRASH-TEST Texte : Thierry Salomon Dessin : Julie Graux
16 août 2011. Cin q trophe n ucléaire mois après la ca de Fuku tas(Agence shima, l’ Internati AIEA onale de Atomiqu l’Energie e) proje tte d’« o contrôle rganiser s de séc des u rité sur u pendant n réacte une pério ur sur dix de de tro is ans ». 3 janvie r 2012. L ’ASN (Au Nucléair torité de e) Sûreté centrale demande aux ex s la mis ploitants e en pla de d’action ce d’une nucléair force e rapide . 31 janvie r 2012. D ans leur gistrats de rap clairs : le la Cour des com port les maptes son coût de t très producti heure (M on du m Wh) de l’ égawatt EPR se 90 euros / situera e , largem ntre 70 e ent au-d marché. t ess La Cour démontr us du prix du économ e la non ique de viabilité ce réacte ur.
Ma centrale chez le garagiste Un peu inquiet, il se rend chez son garagiste avec trois gros livres sous le bras. Bonjour… Eh, bonjour, quel bon vent vous amène ? Voilà… c’est pour mon réacteur. Vous en faites une tête, dites donc. Oui, depuis quelques mois - disons mi-mars l’année dernière, en somme c’est depuis cet accident au Japon… il ne va pas très fort, il m’inquiète un peu. Alors, j’ai fait comme on m’a dit, je l’ai emmené au contrôle technique. Pour le crash-test ? Oui, un nom comme ça, je crois, le test de ce qu’il crache. Et puis mon comptable a aussi regardé ce qu’il me coûte… et ce qu’il va me coûter. Alors, qu’est-ce qu’ils vous ont dit ? Tenez … Il lui tend tout d’abord un volume très épais, les 1300 pages du rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire. Le garagiste enlève sa combinaison anti-radiations et ses gants de protection, ajuste ses lunettes et se plonge dans le dossier. -
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Ouh là ! (long sifflement)
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Au vu de cette réaction, quelques gouttes de sueur perlent sur le front de l’homme, comme le jour où il avait présenté à son médecin les résultats ésotériques de ses examens médicaux. Et bien, dites-moi… Bon, il faut modifier ça, au cas où. Et ça aussi. C’est vrai qu’on ne sait jamais. Et ils vous demandent d’équiper votre centrale d’un GUS… Un gus ? Oui, un générateur diesel en cas de… un Groupe d’Ultime Secours. D’ultime… secours ? Oui, au cas où. Mais rassurez-vous, vous n’aurez jamais à l’utiliser. Ah, tant mieux ! Euh… mais alors, pourquoi alors en installer un ? Eh bien au cas où. Ou en cas de… Ah bon. Mais après l’ultime secours, si ne ça marche pas, est-ce qu’il y a une autre solution ? L’extrême-onction. Le groupe diesel d’extrême-onction refroidi à l’eau de Lourdes. Mais à ce stade, il n’y a que la foi qui sauve ! … Allez, ne faites pas cette tête, je plaisante. Vous me rassurez… mais ce gus va me coûter combien ? Vous savez sur un réacteur pas tout jeune, les options supplémentaires, c’est jamais donné donné. Il regarde le garagiste tapoter sur son ordinateur tout en songeant à la tête de son banquier. Ouh là ! (re-long sifflement). Eh ben dites donc… tout augmente ! Bon, pour un GUS de bonne marque, disons 10 millions d’euros, à vue de nez.
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10 millions ! Pour un truc que je n’aurai jamais à utiliser ! Sauf au cas où. Ou bien en cas de… Mais il n’y a pas que ça. Il va falloir souscrire à un contrat d’assistance. Du genre dépanneuse qui arrive rapidement ? Non, pas tout à fait. Un contrat d’assistance à une FAR. Une FAR ? Une Force d’Action Rapide. Une équipe de spécialistes, mobilisables 24 h sur 24, capables d’acheminer du matériel en urgence par hélicoptère, de sauter sur votre réacteur armés jusqu’aux dents. De sauter dessus ? Comme à Kolvezi ? Oui, pour le cas où… mais rassurez-vous vous n’aurez jamais à l’utiliser. Ah, tant mieux ! Euh… mais alors, pourquoi y souscrire ? Eh bien, en cas de, je vous l’ai dit ! Il laisse le garagiste continuer la lecture de ce rapport, le visage parcouru d’inquiétantes mimiques. Une question lui brûle cependant les lèvres : Et, euh, dites-moi … Oui ? Au total, vous pensez que ça va me coûter dans les combien ce test qui crache ? Mouais… difficile à dire. Je ne vous demande pas un devis, juste une estimation. Alors sans engagement, hein ? Sans engagement. Bon, ça va chercher, disons … Il regarde les chiffres s’aligner sur les grosses touches de la calculette du garagiste.
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ensemble, on va plus loin
HABITAT PARTAGÉ ET ÉCONOMIE SOLIDAIRE Texte : Jean Claude Mengoni Photos : Pascal Greboval sauf mention contraire
« Les gens se sentent seuls parce qu’il construisent des murs plutôt que des ponts ». Cette belle phrase de Katleen Norris pourrait, à elle seule, traduire le renouveau de l’habitat partagé. Parcours au sein d’un collectif constitué au cœur de la Drôme. Cette dynamique s’appuie également sur
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hristiane fait partie des 10 foyers qui ont tenté l’aventure du « vivre ensemble » au sein du projet « Habiterre », sur les hauteurs de Die dans la Drôme. «Je portais depuis longtemps ce désir d’habitat « idéal » au fond de moi. Partager un lieu écologique, un lieu de solidarité, de mixité sociale et intergénérationnel me parait être une réponse pertinente face au schéma dominant caractérisé par la maison pavillonnaire, individuelle, souvent tristement fermée à l’autre ». Myriam et Filf sont intermittents du spectacle. A l’issue de la rencontre avec Marc et Maryno, les initiateurs du projet, leurs regards se sont croisés. Sans se concerter, ils avaient l’un et l’autre choisi de s’embarquer dans cette belle utopieentreprise. « Nous voulions vivre dans un projet d’échanges, tout en préservant notre intimité. Ce sont les rencontres, les gens, l’humanité des relations qui nous intéressent. Bien au delà du rêve de posséder son chez-soi ». Christiane, Myriam, Fif et les 27 autres Habiterrois préfigurent cette nouvelle dynamique de coopération, de reliance qui voit lentement le jour en Europe, en réaction à des décennies d’individualisme et de concurrence forcenés.
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En recherche de Haute Qualité de Vie L’habitat groupé est né au début des années 70 en Scandinavie. A l’origine, des familles voulaient s’offrir un mode de vie plus solidaire, basé sur l’échange de services tels que la préparation des repas, la garde des enfants, l’entretien des jardins. Qu’ils s’appellent « wonenhuis » aux Pays-Bas, « cohousing » dans les pays anglo-saxons, « éco-hameaux, écovillages, habitat groupé ou partagé » en France, l’idée est toujours de cohabiter de façon souriante à travers des valeurs communes. Chacun possède sa maison ou son appartement, gage de la préservation de son intimité familiale. A cette recette de base, chaque collectif ajoute, selon l’orientation de son projet, un gros zeste de répartition des tâches, plusieurs gouttes de matériel en commun, des grandes pincées de loisirs partagés. Son moteur est écologique, humain et économique. « L’énergie collective transcende les qualités de chacun, multiplie l’audace et la foi qui nous manquent parfois quand nous nous retranchons dans notre individualité. Nous sommes capables de déplacer des montagnes si nous activons la confiance » explique Maryno.
une diminution potentielle des coûts par la mutualisation de certains postes de dépenses : achat du terrain, production d’énergie, assainissement, potager… Habiter ensemble nécessite toujours d’avoir une vision conception de la vie fondée sur l’échange plus que sur la possession. Elle demande écoute, sens du partage, respect de la vie et de l’autre avec ses différences.
Les premiers habiterriens heureux de leur entreprise collective
De rencontres en rencontres L’histoire d’Habiterre est née de rencontres et de confiance. Rencontre avec Joël et Pascale, installés depuis longtemps au Québec. Rencontre ensuite entre Marc, Maryno et un propriétaire
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Vers la ville comestible kaizen 1 - exe-MAJ.indd 22
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Les pionniers de l’agroécologie le disent depuis des décennies, la faillite nos sociétés pourrait venir de notre incapacité future à nous nourrir. Aujourd’hui, Lester Brown, le président du World Watch Institute, le confirme dans son livre Basculement, chiffres à l’appui. Plus de 50% de la population mondiale vit aujourd’hui en ville (70% pour l’Europe, 73% pour la France). Rendre nos villes « comestibles » est certainement l’un des enjeux majeurs du siècle, tout comme une redensification de nos campagnes. Mais comment y parvenir ? Tour d’horizon des initiatives qui portent déjà la ville et l’agriculture de demain…
dossier réalisé par Pascale D’Érm, Cyril Dion, Pascal Greboval, Yvan Saint-Jours © Nathalie Daclon/mairie de paris
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interview
JR
JR est un jeune photographe français, célèbre pour ses immenses portraits affichés dans les rues. En dix ans, il est passé du graffiti aux grands projets comme Portrait d’une Génération (série de portraits des habitants de la cité des Bosquets) ou « Face2Face » (portraits d’Israéliens et de Palestiniens affichés sur le mur de séparation à Jérusalem), puis au film « Women are Heroes ». Aujourd’hui gratifié d’une solide reconnaissance internationale, il est plus que jamais à la recherche de sens dans ses projets et du moyen de transmettre sa démarche de création, de liberté et d’engagement au plus grand nombre. Le 31 mars prochain, la campagne « Tous candidats » s’appuiera sur son projet Inside-Out, pour le plus grand collage de portraits jamais réalisé dans le monde. Des dizaines de milliers de posters seront affichés dans plus de 40 villes de France pour donner un visage à tous ceux qui aspirent à une véritable transformation de notre société. L’occasion d’un entretien avec JR.
Collage sur le mur de séparation entre Jérusalem Est et Ouest, projet Face2Face
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lien à la ville dans un rapport direct avec la matière. Cyril : Aujourd’hui, tu es vu comme un artiste assez engagé, mais avais-tu dès le départ cette intention de participer à l’évolution de la société par ton travail ?
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Cyril Dion : Pourquoi fais-tu ce que tu fais ? JR : Pour être honnête, je n’ai pas de réponse claire. Ma démarche est née d’une grande curiosité, d’une envie de partager, d’interagir avec les gens. C’est pour cette raison que mon travail est en constante recherche et en perpétuelle évolution.
Légendes : 1 : Jeune de la cité des Bosquets : projet Portrait d’une génération 2 : «Le braquage» la photo qui a mis le feu aux poudres. Le jeune homme y tient en réalité un caméscope.
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Cyril : D’où vient cette idée de coller des photos immenses dans tous ces endroits ? JR : L’idée n’est pas de faire du gigantesque pour le gigantesque mais de s’adapter à l’architecture d’un endroit. Ce qui m’intéresse c’est de traduire notre
JR : Non. Tout est parti de ma période graffiti où j’écrivais mon nom partout. C’était l’envie d’exister, l’égocentrisme… Et puis les choses ont évolué au contact des gens. Le tournant s’est fait au moment des émeutes à Montfermeil en 2005. On avait utilisé un de mes collages, montrant mes amis de la cité des Bosquets pour illustrer les émeutes. On les faisait passer pour des gangsters. J’y suis alors retourné et j’ai fait une série de portraits au 28 mm (grand angle) où ils se caricaturaient eux-mêmes et je les ai affichés en grand dans les quartiers bourgeois de Paris. Un an plus tard, l’exposition était reprise par la mairie de Paris. Comme si on les avait réhabilités. Les autres projets sont partis de la même intention. Je voyais quelque chose se passer, comme le conflit au Proche-Orient. J’y allais, j’échangeais avec les gens et ça donnait naissance à une réalisation. On pourrait dire que la boucle a été bouclée lorsque nous avons monté Inside-Out : un projet collaboratif où chacun peut délivrer un message à travers son portrait. Tout passe par une plateforme où chacun peut télécharger sa photo puis recevoir un poster qu’il peut aller coller dans la rue. Le but est de transformer un message en œuvre artistique. En partant de moi, je me suis mis à parler des autres puis à donner aux gens un outil pour parler d’eux mêmes. Cyril : Quel impact as-tu pu constater suite à la mise en œuvre de tous ces projets ? JR : Curieusement, on pourrait dire qu’ils révèlent des fissures de notre société. En 2004 on a fait « 28 mm » à Clichy Montfermeil, et un an plus tard, la cité a brûlé pendant les émeutes. En
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changeons l’économie
BIENVENUE DANS L’ÈRE DE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE Texte : Anne Sophie Novel Dessin : Le Cil Vert
Le constat du besoin de changement de paradigme n’est plus à faire : depuis 40 ans se multiplient les analyses qui dénoncent les excès de notre société de consommation et en appellent à une société plus conviviale1. Dans la boîte à outils dont nous disposons pour modifier nos comportements se trouve la « consommation collaborative », déclinaison moderne des préceptes prônés par l’économie du partage – autrement qualifiée d’économie de la fonctionnalité. 1
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Cf. l’ouvrage d’Ivan Illich en 1973, La convivialité, aux éditions du Seuil
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L’union fait la force
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n ces temps d’indignation et de révolte, la consommation collaborative a de quoi faire bouger les lignes. Si le terme a été prononcé pour la première fois en 2007, il s’est popularisé suite à la publication, en 2010, de plusieurs ouvrages sur le sujet1. Qualifiant la croissance sans précédent des formes d’échange, partage, revente, location et troc, la consommation collaborative privilégie les relations peer to peer (entre pairs).
DIS MOI QUELS SONT TES BESOINS, JE TE DIRAI QUOI LOUER Aujourd’hui, le développement fécond et la notoriété en vogue de la consommation collaborative sont inversement proportionnels au degré de confiance accordé au monde de la finance et à la logique des marchés. Et pour cause : ce nouveau mode de consommation repose sur des logiques ancestrales (le partage, le don) remises au Rachel Botsman et Roo Rogers, What is mine is yours : the rise of collaborative consumption ainsi que The Mesh, de Lisa Gansky
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goût du jour par le succès du web participatif, l’usage massif des technologies mobiles et des réseaux sociaux. Le principe est simple : il s’agit de privilégier le partage des biens afin de maximiser l’utilité de leur application non plus pour un, mais plusieurs consommateurs. A bien y réfléchir en effet, nos actes de consommation ne sont pas tant motivés par le besoin de posséder un bien que par le service que nous rend ce bien. Autrement dit, ce n’est pas d’une voiture dont « j’ai besoin », mais de me déplacer. Dans ces conditions, pourquoi ne pas louer un véhicule « à la demande » ? Et si je possède une voiture, pourquoi ne pas la louer à d’autres conducteurs quand je ne l’utilise pas ? POUR UNE SOCIÉTÉ CONVIVIALE Si le raisonnement s’applique aisément à toutes les dimensions de notre quotidien (se loger, se nourrir, se déplacer, s’équiper, s’impliquer, se divertir, s’habiller, s’assurer, se financer, se soigner, s’éduquer et communiquer - voir la fiche
pratique), il a surtout le mérite de nous recentrer sur l’essentiel : une société où l’on cultive le bien-vivre et la richesse de l’être (plutôt que de l’avoir). Jean, par exemple, fait partie de ces consommateurs convaincus par ce mode de vie : c’est lors d’une « petite expérience (bénévole) » au sein de l’association starting-block2 qu’il a réalisé à quel point cela pouvait être épanouissant de penser collectif. Français installé en Belgique, il utilise beaucoup le covoiturage pour ses trajets Bruxelles-Paris : « C’est systématique ! Au boulot ça marche moins bien car les gens préfèrent garder leur autonomie ». Il vit dans une maison avec cinq autres colocataires âgés de 27 à 37 ans, et adore voyager en passant par les réseaux du type Hospitality Club ou Cough Surfing. Il a même pratiqué le WWOOFing pendant quatre mois en Espagne et soutient l’agriculture bio locale en achetant ses fruits et légumes au GASAP local (Groupe d’Achat Solidaire de l’Agriculture Paysanne, équivalent en Belgique des AMAPs en France, 2
http://www.starting-block.org/
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roue libre
LA PETITE REINE RELÈVE LE DÉFI DU DERNIER KILOMÈTRE Texte et photos Pascal Greboval
La migration des populations en ville a provoqué un étalement vers sa périphérie et une congestion en son centre. Ce changement démographique a densifié les flux de personnes et de biens. D’un coup de pédale La Petite Reine redonne un peu d’air…à la ville. Des centres-villes encombrés La moitié de la population française vit dans une zone urbaine de plus de deux cent mille habitants. Ces villes sont des nids à pollution sonore et atmosphérique, elles présentent une concentration importante de gaz et particules nocives pour la santé et l’environnement. Malgré des mesures telles que la limitation des émissions des Gaz à Effet de Serre (GES) par véhicule et le développement de transports en commun plus «propres», le secteur des transports, en France, reste tout de même le premier émetteur de GES avec 27 % des émissions. Si le déplacement des personnes fait l’objet de nombreuses études et préconisations pour en limiter l’impact, le transport de marchandises et en particulier le «dernier kilomètre» reste un domaine encore peu étudié. Un enjeu pourtant majeur d’après Daniel Boudouin, chercheur au cret-log1 : «Les livraisons urbaines représentent plus de 30% des émissions polluantes, pour 9 à 15% de l’ensemble de la circulation urbaine». 1
Centre de recherche sur le transport et la logistique
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Outre l’impact environnemental, le «dernier kilomètre» en centre-ville pèse sensiblement sur le coût du produit fini. A titre d’exemple les livraisons urbaines représentent pour les articles de grande distribution 30% du prix client. Face à ce constat environnemental et économique, il est essentiel de repenser le dernier kilomètre.
Chambre à air Deux leviers peuvent être actionnés pour donner de l’air à cet enfer urbain : la réalisation d’ELU, ce sont des plates-formes logistiques (voir encadré), et le recours à des véhicules moins polluants. Le premier relève avant tout de décisions politiques, les ELU étant en général mis en place par les collectivités locales (communes, agglomérations, chambres de commerce) ; le second peut être porté par des initiatives privées, en particulier des transporteurs. La petite reine porte pour l’instant le maillot jaune dans cette démarche. En 2001, Gilles Manuelle, soucieux de l’état
de la planète, étudie ce disfonctionnement urbain et fait ce constat : « Une camionnette de livraison pèse plus d’une tonne, livre en moyenne moins de 100 kg de marchandises et parcourt environ 15 km par jour. Une aberration ». Il imagine et conçoit un véhicule plus adapté : un triporteur assisté électriquement qui peut transporter 180 kg de marchandises pour un poids de 100 Kg, et n’émet pas de CO2. Outre ses vertus écologiques ce type de véhicule présente l’avantage, avec son poids plume et sa taille réduite, de ne pas endommager la voirie et de ne pas bloquer la circulation, en particulier lors des livraisons : un gain pour tous. Les commerçants peuvent se faire livrer toute la journée dans les centres piétons comme à Rouen où la circulation des véhicules thermiques est interdite après 11 heures. Les « vélivreurs », qui échappent au stress des bouchons, entretiennent simultanément des relations conviviales avec les clients et leur condition physique : « Depuis deux ans que je travaille pour la petite reine je n’ai jamais été malade, alors que je n’étais pas sportif et que le climat rouennais n’est pas toujours favorable » confirme Paul. Et in fine les citadins respirent moins de gaz polluants. Selon Christophe Gomez, directeur délégué de La petite reine, « l’entreprise génère une économie de 3 tonnes de CO2/an/véhicule par rapport à ses concurrents ».
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idée remuante
L’ADULTISME Ce poison invisible qui intoxique les relations parents-enfants Par Teresa Graham-Brett, traduction Béatrice Mera, photos Fanny Dion
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n tant que parents ou futurs parents, nous nous engageons à comprendre les besoins physiologiques et émotionnels de nos enfants. Nous cherchons des informations à propos de l’allaitement et de son incidence sur leur santé, nous choisissons au mieux leur alimentation et les jouets que nous leur proposons, nous tentons de leur offrir des expériences propices à leur bon épanouissement. En nous questionnant sur notre propre enfance nous imaginons quels parents nous pourrions être : différents des nôtres ou conformes à leur modèle ? Vous vous êtes peut-être interrogés, comme moi, sur la manière d’élever un garçon dans ce monde afin qu’il ne devienne pas sexiste. De même, comme nous sommes une famille métisse, j’ai aussi songé à la façon dont je pouvais l’aider à comprendre qui il est dans ce brassage multiculturel. Nous pouvons aussi opter pour une démarche écologique et vivre un quotidien respectueux de l’environnement, pour le bien-être de nos enfants et des générations futures. Ceci est affaire de choix délibérés.
Pourtant, le plus souvent, les parents ne cherchent guère à comprendre l’impact de l’environnement social et culturel qui contribue à former un point de vue sur les enfants, sur l’enfance et sur le rôle des parents. Le courant de pensée dominant sur l’éducation est basé sur le contrôle et la domination. Les écoles, les lieux culturels, religieux et même l’autorité parentale
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sont utilisés pour légitimer une négation des droits élémentaires des enfants à être traités avec respect et confiance. Cette conception du rôle des parents et de la place des enfants dans notre culture a pour origine l’adultisme, une tare qui intoxique les relations parents-enfants.
Qu’est-ce que l’adultisme ? Le professeur Barry Checkoway de l’Université de Ann Arbor dans le Michigan voit dans l’adultisme « Tous les comportements et les attitudes qui partent du postulat que les adultes sont meilleurs que les jeunes, et qu’ils sont autorisés à se comporter avec eux de n’importe quelle manière, sans leur demander leur avis ». Pour lui, hormis les prisonniers et quelques autres groupes sous la coupe de diverses institutions, la vie des jeunes en société est sans doute la plus contrôlée. Parce qu’ils considèrent parfois que leur comportement est bénéfique, certains adultes se réservent le droit d’abuser de leur autorité sur les jeunes. Lorsqu’un groupe d’adultes est traité de la sorte, on appelle cela de l’oppression. Si nous n’envisageons pas l’adultisme ainsi c’est parce que les générations précédentes ont été éduquées de cette façon et que nous avons intériorisé cette attitude. Le fondement de l’adultisme repose une mésestime des jeunes et sur la confusion entre éducation et oppression. Pour s’émanciper de cette situation sclérosée, les jeunes vont avoir besoin de la
participation active des adultes. La prise de conscience de notre propre tendance à l’adultisme constitue une première étape pour évoluer. Les médias portent leur part de responsabilité : Tout au long de notre vie, nous sommes bombardés d’informations sur l’histoire, les coutumes et les traditions, avec souvent un manque de recul favorisant la diffusion des discriminations, des stéréotypes et des préjugés sur certains groupes d’individus, parmi lesquels les enfants, dont le manque de maturité a trop souvent tendance à être considéré comme une déficience.
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Légendes ; 1-2 : Maxime est des créateurs du 2 sous de table 3 : Florian derrière le comptoir du café citoyen
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Entre les vielles maisons bourgeoises de la capitale des Flandres et les façades contemporaines d’Euralille il fait bon déambuler. Mais où faire ses premiers petits pas ? Visite guidée d’un autre Lille… où tout peut se faire à pied.
le bon plan
LILLE Texte et Photo Pascal Greboval
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La Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités - MRES. Commencez votre journée lilloise par un petit tour à la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités : la MRES. Véritable boite à idées pour « vivre ensemble » autrement, cette grande maison est bien plus qu’une adresse postale. Elle met en musique l’activité des 109 associations qu’elle héberge, proposant ainsi un programme riche et complet : nature (sorties ornithologie, astronomie, jardinage, etc.), culture (expositions, formations) et citoyenneté (conférences, débats). La MRES abrite aussi un centre de documentation important, spécialisé sur les thématiques de votre nouveau magazine préféré. Enfin bien caché dans un petit local au fond du couloir à gauche, un petit
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magasin bio, discret mais pratique pour les habitants du quartier : le Robin des Bios. Une visite s’impose !
Déjà l’heure de déjeuner ? Direction rue du Plat. La Source Soyez attentifs quand vous arrivez au numéro 13 de la rue du Plat, rien ne laisse penser que se niche ici un lieu emblématique de l’écologie Lilloise. A droite de la petite vitrine, une petite porte qui donne accès à un petit magasin bio. Vous pouvez évidemment faire vos petites courses, mais ce serait dommage de ressortir aussitôt : prenez le temps de vous assoir à une table, les différentes salles et la terrasse pour les belles journées ensoleillés n’attendent que vous. La décoration est sobre mais l’important ici c’est l’humain. Daniel, le créateur du lieu, est convaincu et convainquant : « Je tente cuisiner comme une mère le ferait pour ses enfants, avec plein d’amour. Je prends le temps de choisir les plus beaux légumes, les meilleurs fruits. Vous prenez des fruits pourris pour vos enfants ? Non. Alors pourquoi le ferais-je pour mes clients ? ». Cette sensibilité, Daniel la cultive dès la source avec ses fournisseurs, les maraîchers bio locaux, en leur assurant un prix d’achat correct, « ils ont plus de valeur que leurs légumes ! »
L’humain est aussi au centre de la gestion du personnel. En 2009, poussant la notion d’économie sociale dans ses retranchements, il a laissé les clefs de la boutique à ses dix salariés pour leur permettre de s’approprier La source après son départ en retraite. Et coté assiette ? Le maître des lieux, formé dans les plus grands restaurants, a su mettre son art et sa sensibilité au service de ses convictions : « Cuisiner avec des légumes bio c’est mieux que le caviar [de mes débuts] ». Résultat, des menus - végétariens et carnés - bon marché (12€) qui mettent de bonne humeur pour le reste de la journée. Et si vous êtes vraiment pressés La source propose aussi des plats à emporter.
Envie d’un temps calme après le repas ? Il n’y a qu’à traverser la rue… Le Reflet du Soleil Dans ce temple de la tranquillité, la politique est claire : « garantir un moment de calme et de paix aux personnes qui pénètrent ici ». Pour atteindre cet objectif Brigitte, qui a créé cet institut en 1996, a une stratégie à double détente : - Premier temps : on ferme tout. On vous assure le silence - porte du magasin fermée [un oxymore enthousiasmant], téléphone sur répondeur, silence radio, pas de musique. - Second temps : on prend soin de vous. Brigitte qui s’est d’abord formée à la naturopathie en 1980, puis aux techniques de soins préconisés par le Dr Hauschka et enfin aux massages ayurvédiques, met son savoir à votre disposition au travers d’une large palette de soins. Elle vous remet, avec son équipe, sur le chemin d’un bien être hexogène et… endogène. Voilà, vous êtes en pleine forme, laissez vous porter en direction la vielle ville, ses rues piétonnes et la bouquinerie Oxfam.
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La bouquinerie Oxfam Boutique de l’ONG internationale, voici une adresse pour flâner intelligemment et « participer à la construction d’un monde plus juste ». Vous trouverez dans ce magasin livres, CD et autres DVD de seconde main donnés par des particuliers et vendus à des prix abordables. Un petit salon vous permet de faire vos choix tranquillement et d’échanger avec les bénévoles, sensibles aux causes humanitaires, qui gèrent ce lieu. Vous trouverez également quelques produits du commerce équitable (thés, chocolat, etc.).
Ces pérégrinations vous on donné soif ou envie d’échanger autour d’un verre 100% bio ? Rendez-vous au bout de la rue. Le Café Citoyen « L’alter-lieu » par excellence. En 2005, Florian et Laurent, deux jeunes lillois engagés dans la vie associative locale, souhaitent permettre à des groupes ou collectifs de pouvoir se réunir dans un lieu sympathique, autour de produits issus de l’agriculture biologique. Bien que béotiens dans le monde de la brasserie, ils créent le « Café Citoyen » et… ça fonctionne ! Sur trois étages, ce bar atypique permet à chacun de trouver sa place de citoyen. Conférences, concerts, débats, le programme est impressionnant ! (à découvrir sur leur site). Vous pouvez également
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sauvage et delicieux
L’AIL DES OURS
Textes et photo : Linda Louis
Une plante au caractère bien trempé !
A chaque printemps, l’ail des ours colonise les forêts humides et vallonnées, les recouvrant d’un beau manteau vert et odorant. Pour ce premier numéro, Kaizen a choisi d’ouvrir le bal des cueillettes avec ce sauvageon qui ne manque pas de piquant ! Comment reconnaître l’ail des ours Comme la plante aime l’eau et l’ombre, elle se développe avant tout dans les forêts alluviales (traversées ou entourées par une rivière, un petit cours d’eau). On la retrouve également dans les bois denses ou vallonnés, la formation de cuvettes permettant de conserver un maximum de fraîcheur et d’humidité. Elle ne pousse jamais seule, mais en colonie (grande étendue de spécimens concentrés sur un même lieu). L’ail des ours n’est pas forcément montagnard puisqu’on le trouve presque partout en France, à l’exception du sud-ouest et du pourtour méditerranéen.
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