Kaizen 2 : Vivre sans pétrole et sans nucléaire, c'est possible !

Page 1

I

SOCIÉTÉ

I

SANTÉ

I

ÉCONOMIE

I

AGRICULTURE

I

HABITAT

I

ÉNERGIE

I

ÉDUCATION

I

GOUVERNANCE

I

CHANGER LE MONDE PAS À PAS

PORTFOLIO DES ABEILLES ET DES HOMMES

DOSSIER VIVRE SANS PÉTROLE ET SANS NUCLÉAIRE, C’EST POSSIBLE !

ET SI ON LE FAISAIT CRÉER UNE MONNAIE LOCALE L’ENTRETIEN THIERRY JANSSEN : LE DÉFI POSITIF

NUMÉRO 2 MAI-JUIN 2012

M 05148 - 2 - F: 5,90 E - RD

3:HIKPLE=]UZ^U]:?a@k@a@c@k; kaizen 2-EXE.indd 1

23/04/12 10:44


0:52

3

Ils sont

KAIZEN «Changer le monde pas à pas»

Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, il défend un mode de société plus respectueux de l’homme et de la nature. Il soutient le développement de l’agroécologie à travers le monde pour contribuer à l’autonomie, la sécurité et la salubrité alimentaire des populations.

Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 10 000 €. Filiale de l’association COLIBRIS 95 rue du faubourg Saint Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.fr

Yvan Saint-Jours Objecteur de conscience, journaliste, fondateur du magazine La Maison écologique, je suis investi dans Colibris depuis quelques années. Si les questions d’habitat et d’énergie sont ma passion, je m’intéresse fortement à la place de l’enfant dans notre société. J’aime aussi me promener au grand air souvent humide en Normandie.

Magazine bimestriel numéro 2 Mai-Juin 2012 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore

Cyril Dion Depuis que j’ai douze ans, je n’ai eu qu’une idée en tête : écrire. A dix-huit ans, je voulais créer la nouvelle revue «Les Temps Modernes» qui parlerait de notre temps, avec des penseurs, des artistes, qui nous aideraient à regarder le monde dans lequel nous vivons. Et écrire dedans. Aujourd’hui je fais beaucoup de choses passionnantes, parmi lesquelles : Kaizen !

un diplôme d’ingénieur et des amis qui me disaient «qu’il fallait être réaliste dans la vie !» J’ai alors tout plaqué et je me suis mis à dessiner ma première BD «Le scaphandre Fêlé» puis des illustrations pour des magazines et ONG (Esprit Village, Macadam, CCFD). Je suis réaliste... je crois que c’est pour ça que je fais de la BD.

Sandrine Novarino Passionnée de nature et de grands espaces, de lecture et de liberté… Je n’ai qu’un seul amour : Celui de la Terre ! Mon utopie, construire un monde meilleur où règnent beauté, harmonie et sagesse.Devant les causes défendues par le réseau Colibris et à travers l’équipe rédactionnelle du magazine, Alterrenat Presse a rejoint le navire avec un grand enthousiasme.

Anne-Sophie Novel Anne Sophie est économiste de formation, écolo par conviction, blogueuse par passion et journaliste de profession... Petit colibri de la toile, elle a fondé le collectif de blogueurs Ecolo-Info en 2007, s’intéresse de près aux locavores et croit en la force du collaboratif pour changer le monde ! Comment ne pas participer à Kaizen, dans de telles conditions ??

Patrick Viveret Philosophe, ancien conseiller référendaire de la Cour des Comptes, Patrick Viveret s’intéresse depuis de nombreuses années à ce qui compte et en tire parfois des contes. Il est notamment l’auteur de « Reconsidérer la richesse » aux éditions de l’Aube.

Patrick Baldassari Je ne sais pas ce que je fais dans cette aventure, toute ma carrière je l’ai réalisé dans la finance : la pure et dure, celle qui ne fait pas rire, celle qui structure et restructure…. Et puis voilà qu’un jour on m’a demandé si ce projet de magazine pouvait m’intéresser, non pas pour écrire, je vous en ferrais grâce, mais pour en assurer la gestion. Devant l’enthousiasme de l’équipe rédactionnelle et les causes défendues par Colibris je n’ai pas pu refuser.

Eric Julien Consultant en entreprise, spécialisé dans l’intelligence collective et l’accompagnement du changement, à la recherche des possibles de transformations des hommes et des organisations. Son urgence : retisser nos liens avec les peuples premiers, car leur survie et la nôtre sont forcément liées. Michel Valentin Ancien entrepreneur à succès, Michel Valentin a mis tout son savoir-faire au service de la construction des Amanins, un centre agroécologique inspiré par sa rencontre avec Pierre Rabhi et avec sa compagne Isabelle, qui y a installé l’école du colibri. Patrick Lazic Photographe depuis 19 ans, ce qui me touche profondément par la grâce de mon métier c’est d’aller à la rencontre de l’Autre. Cet autre, c’est l’homme cet inconnu. Appréhender toute cette humanité avec laquelle je vis. C’est au cœur de mes préoccupations et pour moi naturellement la photographie est l’outil qui me permet de rentrer en dialogue avec elle - parfois silencieusement - mais toujours de manière privilégiée. Et Kaizen nous donne à voir qu’il y a encore de bonnes raison de croire en cette humanité. Patrick Piro Journaliste spécialisé dans le domaine de l’écologie depuis vingt-cinq ans, Patrick Piro collabore notamment à l’hebdomadaire Politis. Il a récemment publié “le nucléaire, une névrose française” (édition Les Petits matins). Le Cil vert J’ai toujours dessiné. Pourtant à 24 ans je me suis retrouvé avec

kaizen 2-EXE.indd 3

Fanny Dion J’aborde chaque reportage à peu près de la même façon, par une rencontre. C’est ce que j’aime dans ce que je fais : créer une relation avec les personnes que je photographie. J’aime que les gens se ressemblent et à la fois se trouvent beaux. D’ailleurs la plupart des gens sont beaux. Je ne le voyais pas avant, mais maintenant oui. C’est une des raisons pour laquelle je suis heureuse de faire ce métier. Linda Louis Animatrice d’un blog de recettes écocitoyennes (www.cuisine-campagne.com) et auteure de livres de cuisine bio et végétarienne (La Plage), j’espérais collaborer un jour avec un magazine engagé au plan écologique et résolument positif. Aujourd’hui, je suis heureuse de rejoindre une équipe avec qui je partage les mêmes convictions ! Lucile Vannier Un colibri m’a réveillée – je ne dormais que d’un œil. Il avait besoin de plumes, j’ai eu envie de joindre la mienne à toutes celles qui page après page consacraient une belle énergie à construire ce magazine. Parce que grâce aux mots et aux images qui les portent, les colibris volent plus loin. Pascal Greboval Elevé dans la dichotomie manichéenne « des taiseux et des faiseux », plus tard sur le chemin, j’ai entendu la parole d’un indien, Gandhi : « Il ne faut pas croire ce que les gens disent mais voir ce que les hommes font ». Alors je tente de faire… un pas : le kaizen.

Directeurs de la publication Yvan Saint-Jours et Cyril Dion Rédacteurs en chef Pascal Greboval, Yvan Saint-Jours Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Eric Tourneret Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées

Régie de Publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci

23/04/12 14:50


SOMMAIRE KAIZEN 2 MAI - JUIN 2012 8

3

ils sont K

4

sommaire

6

manifeste

7

édito

8

ET SI ON LE FAISAIT : créer une monnaie locale

12

ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN : tous candidats, 40 villes se mobilisent

17

DÉSENFUMAGE : les marchés financiers : les rassurer ?

20 20

PORTFOLIO : apiculteurs nomades par Eric Tourneret

42

PORTRAITS DE COLIBRIS : deux agroécologistes Burkina et France

44

CHANGEONS LA GOUVERNANCE : l’intelligence Collective, une pratique de 4000 ans chez les Indiens Kogis

48

INFOGRAPHIE : derrière les urnes… la démocratie en chiffre

51

ROUE LIBRE : partir en vacances en vélo

57

MA SANTÉ, NOTRE PLANÈTE : rencontre avec Thierry Janssen : le défi positif

63

LA MÉDIATHÈQUE DE Mélanie Laurent

69

74 74

kaizen 2-EXE.indd 4

BELGIQUE

LUXEM

K B D

H

20

L

65

LE DOSSIER : énergie (vivre sans pétrole et sans nucléaire)

35

65 65

PAYS-BAS

ROYAUME-UNI

N

M F 8

74 20

C

O E

8 J A

ESPAGNE

LE BON PLAN : Nantes SAUVAGE ET DÉLICIEUX : l’ortie CHRONIQUE de Pierre Rabhi sur les élections

23/04/12 14:50


MANIFESTE POUR UN CHANGEMENT DU MONDE PAS À PAS L

’humanité se trouve aujourd’hui face à un ultimatum, qui nous oblige à changer pour ne pas disparaître. La logique du progrès, qui aspirait à libérer l’être humain et à améliorer sa condition, est à l’évidence en train de l’incarcérer encore d’avantage. Dans un monde où l’indigence côtoie un superflu sans limite et où toute puissance est donnée à l’argent, les déflagrations sociales ne peuvent que s’amplifier et convulser l’ensemble de la société. L’ère de la technologie fondée sur les combustions énergétiques a relégué la nature, pourtant seule garante de notre survie, à un simple gisement de ressources à piller indéfiniment. Ce faisant, elle lui inflige des dommages considérables. Face à cet implacable constat nous aurions toutes les raisons de désespérer et pourtant, silencieusement, un nouveau monde est en marche. Tandis que la politique exerce une sorte d’acharnement thérapeutique sur un modèle obsolète, la société civile fait preuve d’un génie extraordinaire. Aux quatre coins du monde, des femmes et des hommes inventent une agriculture abondante, sans pétrole, fondée sur la diversité et l’interdépendance des espèces ; des modèles énergétiques utilisant les forces inépuisables de l’eau, du soleil et du vent ; des bâtiments ultra économes, faits

de matériaux sains et locaux, produisant plus d’énergie qu’ils n’en consomment ; des économies locales qui organisent une répartition équitable de nos richesses et encouragent l’autonomie du plus grand nombre ; des modèles industriels zéro déchet, utilisant les rebuts pour créer des produits nouveaux ; des lieux où chaque enfant peut s’épanouir et découvrir qui il est… Ces initiatives sont la preuve de vitalité de la vie qui veut vivre. C’est à ce monde que nous choisissons de donner la parole aujourd’hui, à ces personnes qui portent les (r)évolutions que nous attendons, à ces initiatives pionnières qui, par leur simplicité et leur bon sens, nous offrent de nouveaux horizons, de véritables raisons de croire en l’avenir. Pourtant, il ne s’agit pas de proposer ici un énième catalogue de solutions. Les initiatives, pour elles-mêmes, nous intéressent moins que l’esprit qui les porte. Car au delà de remplacer les énergies fossiles par les renouvelables ou l’agriculture chimique par la bio, c’est à l’âme humaine que nous nous intéressons. Au sens que nous donnons à nos vies, à nos capacités d’empathie et d’émerveillement, à notre profond désir d’être libres. Plus que

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 6

23/04/12 14:50


NOUS

Avec créativité, humour, légèreté et rigueur, nous nous engageons, au fil des pages de Kaizen, à inventer un nouveau rêve, et à le concrétiser en même temps. Plus que jamais nous avons soif d’inspiration et de reliance, pour construire dès à présent ce monde nouveau, dans lequel vivront demain nos enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants… Le temps est venu de placer l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de nous appuyer sur la puissance de la modération pour un vivre ensemble apaisé et heureux. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas la joie à laquelle chacune et chacun d’entre nous aspire de tout son être.

Kaizen késaco ? Kaizen est un mot japonais qui signifie littéralement «changement bon». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un second puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

Et quelle nouvelle du lancement de Kaizen numéro 1 ? Vous avez été plus de deux mille à nous faire confiance et à vous abonner. Pendant ce temps quelques milliers d’autres ont découvert ce nouveau magazine dans leur kiosque. Nous vous remercions et espérons que vous trouverez à nouveau dans ces pages de quoi nourrir votre flamme pour construire une société profondément écologique et humaine. Bonne lecture ! CYRIL DION, DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

kaizen 2-EXE.indd 7

édito

© M. Leynaud

tout, nous croyons qu’il ne peut y avoir de réelle métamorphose de nos sociétés sans un profond changement de ceux qui la composent : chacune et chacun d’entre nous.

Ça y est, nous connaissons enfin le nouveau Président de la République française ou nous n’en sommes pas loin. En avonsnous pour autant fini avec notre devoir civique ? Non. Tout comme le locataire de l’Élysée, notre mandat commence ! Dans ce numéro de Kaizen, nous abordons la question cruciale de la « real politique ». Qui a réellement le pouvoir de transformer la société ? Face à nos économies qui vacillent, à nos ressources naturelles qui s’épuisent, à notre biodiversité qui disparaît, sommesnous réellement impuissants ? Et devonsnous attendre que le changement vienne d’ailleurs que de nous-mêmes ? Je ne le crois pas. Nous sommes cette société. Nous sommes l’économie, la politique, la culture. Nous sommes les élus, les entrepreneurs, les agriculteurs, les ingénieurs, les artistes, les mécaniciens, les enseignants, les consommateurs. Nous sommes ceux qui choisissent, qui élisent, qui achètent, qui fabriquent... Nous sommes les créateurs de ce monde. Il est trop aisé de repousser la responsabilité hors de nous-mêmes. Chacun de nous, depuis l’endroit où il se trouve (dans sa famille, son activité professionnelle, là où il fait ses courses) peut choisir d’orienter la société dans un sens ou dans un autre. Et nous pouvons nous rassembler pour peser sur les grandes orientations politiques, à l’échelle nationale et européenne. C’est cette vision que nous développons dans Kaizen en donnant à voir tous ceux qui s’engagent concrètement dans ces voies. Dans ce numéro nous abordons les questions de la démocratie, de la santé, de la monnaie et plus longuement de l’énergie. Car oui, vivre sans pétrole et sans nucléaire sera bientôt possible !

KAIZEN 7

23/04/12 14:50


si on le faisait

CRÉER UNE MONNAIE LOCALE Texte : Anne Sophie Novel dessin: Le Cil Vert

FAITES CHAUFFER LA PLANCHE À BILLETS Depuis la crise de 2008, l’engouement pour les monnaies locales n’a jamais été aussi fort. Pour cause : leur capacité à remettre le système financier au service de l’économie. Alors que 97% des transactions monétaires se font aujourd’hui sur les marchés financiers, les monnaies complémentaires relocalisent les transactions monétaires et l’épargne. Une solution en accord avec les valeurs citoyennes.

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 8

23/04/12 14:50


9

T

ous l’expriment avec le même enthousiasme : utiliser une monnaie locale donne la sensation de se réapproprier les richesses. « Quand je paye en «abeilles», je sais où je vais, je reste dans un réseau de prestataires qui ont beaucoup d’éthique » confie Françoise Lenoble, à Villeneuve sur Lot. Aussi la co-présidente d’Agir pour le Vivant, l’association à l’origine de la monnaie locale complémentaire du Villeneuvois, admet dépenser plusieurs centaines d’abeilles pour mois : pour son alimentation, mais aussi l’habillement, le restaurant… Alors que cette monnaie d’un nouveau genre a fêté son deuxième anniversaire en janvier 2012 et compte plus de 10 000 abeilles en circulation - l’équivalent de 10 000 euros - pas moins de soixante professionnels de secteurs très variés ont intégré le réseau. Pour en arriver là, Agir pour le vivant a débuté sa réflexion courant 2008 en compagnie de Philippe Derudder et de son Guide de mise en place d’une monnaie locale complémentaire. La monnaie a été expérimentée dès l’été 2009 sur le marché bio de Villeneuve : alors émise sur des petits cartons grands comme un ticket de bus sur lesquels était représentée schématiquement une abeille, la monnaie intrigue déjà les curieux. « Payer ses fruits et légumes avec

des bouts de papier, ce n’est pas commun » reconnaît Philippe Derudder « mais là commence le travail de sensibilisation de la monnaie complémentaire ». Les premiers billets ont été émis en janvier 2010, lançant ainsi officiellement l’abeille, qui compte aujourd’hui une centaine d’utilisateurs. Si la période de lancement fut relativement facile et rapide, Françoise Lenoble reconnaît que les membres de l’association ont été « audacieux, inconscients, irresponsables » et se sont enrichis de cette expérience pour adapter le projet au fur et à mesure : « le plus dur n’est pas de trouver des consommateurs qui ont envie de changer le monde, mais de les convaincre de passer à l’acte » expliquet-elle. Le changement prend du temps et les adeptes de l’abeille ont conscience d’essaimer lentement, mais sûrement. Pour cela, l’association organise des projections de films, des conférencesdébats, des rencontres : « il y a des bénéfices à la crise », explique Philippe Derudder, « certains s’interrogent, sont ébranlés et posent alors des questions différentes. » Là est tout l’intérêt des monnaies locales et complémentaires : même s’il ne faut pas les considérer comme une bouée de sauvetage, elles permettent d’accélérer

les prises de conscience. Il s’agit de « redonner du sens à nos échanges et inciter les citoyens à ne pas acheter n’importe quoi, fabriqué n’importe où et par n’importe qui » souligne Frédéric Bosqué, à l’origine du SOL Violette à Toulouse. Dans la ville rose, la mise en place de la monnaie locale a bénéficié du soutien des élus de la majorité municipale dans le cadre d’un processus de co-construction avec les différents acteurs locaux. Les collèges mis en place pour assurer le lancement du SOL Violette se sont réunis tous les mois pendant un an afin de définir règles de fonctionnement, gouvernance, périmètre, etc. La mairie a accepté de financer l’expérimentation en 2010, et l’association Folies (qui porte le projet) s’était donné pour objectif d’atteindre 150 solistes (utilisateurs de la monnaie) et une trentaine d’Acteurs SOL (prestataires acceptant la monnaie) à la fin 2011. Objectif largement dépassé : quelques semaines après son lancement en mai 2011, le SOL Violette comptait plus de 400 utilisateurs et plus de 60 prestataires ! En 8 mois, le réseau s’est agrandi de 5 % et l’équivalent de 40 000 euros de marchandises ont été échangés dans le réseau. En avril 2012, l’association ne compte pas moins de 700 solistes et 80 prestataires.

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 9

23/04/12 14:50


© F. Dion © S. Gayet kaizen 2-EXE.indd 12

23/04/12 14:50


13

ensemble, on va plus loin

NOUS SOMMES LE CHANGEMENT DE LA SOCIÉTÉ ! Texte : Cyril Dion

TOUS CANDIDATS : UNE CAMPAGNE POUR REMETTRE LE CITOYEN AU CŒUR DE LA POLITIQUE Le 31 mars dernier, près de 5000 portraits géants de citoyens anonymes ont fleuri sur les murs de 40 villes de France. Une façon de donner un visage à tous ceux qui aspirent à un véritable changement de société.

L

e 20 octobre 2011, l’ONG Colibris a lancé, parallèlement aux élections présidentielles, la campagne Tous candidats. Son message est simple : si nous voulons que la société change, c’est à nous d’évoluer et de la faire changer. Voter ne suffira pas. Pour y participer, chacun était invité à réaliser son affiche de campagne avec photo et slogan sur le site : www.touscandidats2012.fr. Et par là même à montrer combien de personnes souhaitent réellement construire une société écologique et humaine. Plus de 25 000 personnes se sont prêtées à l’exercice tandis que 300 000 personnes sont venues visiter le site Internet. Le 31 mars dernier, il était proposé de faire un pas supplémentaire : afficher son visage dans la rue. Pour cela Tous candidats s’est appuyé sur le projet du photographe JR Inside Out (voir Kaizen 1) qui permet à chacun de s’exprimer en collant son portrait, sans message ni logo, dans les rues de sa ville. Ainsi, dans près de 40 villes de France, les passants intrigués ont pu contempler les

visages de 5000 inconnus, pour la plupart souriants, hauts d’un mètre trente, qui les regardaient droit dans les yeux. Si une telle initiative peut paraître sympathique, enthousiasmante pour certains, elle peut aussi sembler bon enfant et inutile pour d’autres. Mais l’est-elle vraiment ? Pourquoi avoir choisi, dans cette période d’élections, de porter un tel message : « nous sommes le changement de la société » ? N’avons-nous pas mieux à faire ? Ne devrions-nous pas nous intéresser davantage aux programmes des candidats, à la réalité de cette élection ?

enrayer des problématiques aussi graves que le dérèglement du climat, la disparition dramatique de milliers d’espèces animales et végétales chaque année, l’effondrement progressif de notre système économique et financier, l’épuisement des ressources naturelles, la raréfaction de l’eau potable, la privatisation des biens communs de l’humanité (semences, terres, eau, forêts…), la montée inexorable du chômage, la faim galopante qui touche maintenant plus d’un milliard d’êtres humains. Nous pourrions continuer cette liste à loisir.

Nous pensons au contraire qu’il n’a jamais été aussi important de porter ce message et voici pourquoi.

Or il semble que notre démocratie soit provisoirement devenue incapable de réagir. Nous sommes comme paralysés devant la catastrophe. Nos responsables politiques sont manifestement conscients de la situation (il serait malaisé de l’ignorer) si l’on en croit leurs déclarations : « Nous avons le pied collé sur l’accélérateur et nous fonçons vers l’abîme » disait Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, en 2009, au sujet du dérèglement climatique. « La maison brûle et nous regardons ailleurs »

En ces temps électoraux, alors que la conjonction des crises atteint une forme de paroxysme dans le monde, il est urgent de nous rendre à l’évidence : nous vivons également une profonde crise de la démocratie. Jamais la situation écologique, économique, sociale n’a demandé autant de courage politique, de détermination pour KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 13

23/04/12 14:50


17

désenfumage

RASSURER LES MARCHÉS FINANCIERS, DISENT-ILS… Texte : Patrick Viveret Dessin : Julie Graux

Février 2007. Plu sieurs é bancaire tablisse s spécia me lisés dan de type s les cré nts Subprim dits e fo défauts nt faillite de s suite a ux Etats-Un paiements qui s e multip is. lient aux Septem bre 200 8. ment a méricain La banque d’in vestisse e Lehm faillite ann Bro thers fa it Février 20 la troisiè 11. Le parleme nt grec me feuil a adopté le FMI, l’U E et la B de route impos ée par le CE afin qui attein d’assain t plus de ir sa dett 160% de e son PIB .

Rassurer les marchés financiers. Telle devrait être la préoccupation première des gouvernements. Soit, étudions un instant le propos pour tenter de voir s’il a une quelconque cohérence et essayons de comprendre comment on rassure les dits marchés. La meilleure façon d’y voir clair est encore de nous tourner vers la presse financière au sommet de laquelle trône bien sûr son quotidien de référence : le Wall Street Journal... Comment donc fonctionnent ces fameux marchés ? Quelles sont leurs règles du jeu et les motivations de leurs acteurs selon la bible de la finance, notamment en situation de crise ? Tiens, voici une réponse intéressante puisqu’elle date d’un éditorial rédigé au moment du krach de 1987 : « Wall Street ne connaît que deux sentiments : l’euphorie ou la panique ! ». Non ce n’est pas un bulletin d’indignés ou un texte tiré de la presse altermondialiste, c’est bien le Wall Street Journal ! Nous qui étions disposés à croire que les marchés étaient régis par un arbitrage rationnel destiné à optimiser les investissements… Le pire est qu’il ne s’agit pas d’un coup de chaud isolé, sorti de l’esprit délirant d’un éditorialiste ayant un peu forcé, comme la plupart des traders, sur la cocaïne. Voici par exemple un autre propos d’un acteur ô combien impliqué et expert puisqu’il s’agit d’Alan Greenspan, l’ancien président de la FED, la banque fédérale américaine. Comment croyez-vous que ce monsieur sérieux caractérisait le comportement des marchés financiers à l’époque de sa présidence ? Par leur « exubérance irrationnelle » ! Rien de moins...

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 17

23/04/12 14:51


Euphorie, exubérance, panique. Cela ne vous rappelle rien ? Laissez-moi réfléchir… Mais oui, c’est bien la définition de la psychose maniaco-dépressive ! Et savez-vous ce que l’on préconise dans ce type de cas, quand la personne perd le contact avec le réel, notamment économique, afin de la protéger elle même et d’épargner ses proches ? Des mesures de tutelle ou de curatelle. Pourrait-on alors imaginer que la question des marchés ne relève pas de la régulation économique mais de l’Organisation Mondiale de la Santé ?

pour la laisser aux financiers. Et l’on a vite fait de comprendre quand on regarde d’un peu plus près ces algorithmes que leur sophistication mathématique est mise au service d’une logique finalement très pauvre, moutonnière, mimétique si l’on veut avoir l’air savant, puisqu’ils amplifient les mouvements de hausse et de baisse et ne sont même pas capables du discernement propre au boursicoteur avisé qui, selon le dicton, était capable « d’acheter au son du canon et de vendre au son du violon »

Car, circonstance aggravante, il n’y a pas que les humains qui sont malades, les ordinateurs aussi. Savez-vous que plus de 70% des opérations financières aux Etats-Unis et plus de 50% en Europe sont réalisées par des automates capables d’opérer des centaines de transactions à la seconde ? Si nous nous trouvions dorénavant face à une situation où la fameuse injonction : « Il faut rassurer les marchés financiers ! » deviendrait : « Il faut rassurer les robots financiers ! », le bon peuple finirait par se poser quelques questions. Masquons donc cette information gênante. Et si par malheur une question est posée à ce sujet, noyons-la dans le jargon financier. Répondons : « vous voulez parler du “ high trading ” ? Ou mieux, du «trading algorithmique» ?». Rien ne vaut un flot de jargon incompréhensible pour détourner les questions embarrassantes.

Résumons : nous sommes donc en présence de comportements maladifs et d’automates moutonniers. Qui croire alors ? Où sont les gens sérieux et responsables ? Ah oui, j’oubliais : dans les agences de notation bien-sûr... Alors examinons le bilan de ces fameuses agences et puisque leur note la plus basse est le triple C demandons-nous s’il ne serait pas temps de leur discerner un triple D pour caractériser leur défaut d’anticipation, d’évaluation et de responsabilité.

Mais voilà, un nombre croissant de citoyens ont décidé de s’intéresser aux questions de la finance, car si Clémenceau disait à propos de la guerre que c’était une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires, il est désormais temps de proclamer que le financement de nos économies est une chose trop sérieuse

- Défaut d’anticipation : Elles n’avaient vu venir ni la faillite de grandes entreprises comme Enron, ni celle de grandes banques comme Lehman Brothers, ni l’explosion de produits toxiques comme ces prêts à taux variables nommés subprimes, cyniquement vendus à des ménages américains dont on savait qu’ils ne pourraient pas les rembourser. Tous bénéficiaient du triple A à la veille de leur faillite ! - Défaut d’évaluation : il n’existe aucun critère dans le système de notation des agences qui ressemble au minimum requis pour obtenir un label de «responsabilité sociale» intégrant les

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 18

23/04/12 14:51


Vivre sans pétrole, sans nucléaire, c’est possible !

kaizen 2-EXE.indd 20

23/04/12 14:51


DOSSIER 21

Epuisement des ressources fossiles, conflits armés générés par leur exploitation, dérèglement climatique, dangerosité de l’atome, les constats s’accumulent pour nous montrer l’impasse de notre course folle à l’énergie. Il est grand temps de mettre en place une transition énergétique viable. Des femmes et des hommes en sont convaincus, ils sont déjà dans une autre ère. A nous, citoyens, élus, entrepreneurs de suivre le chemin ouvert par ces pionniers… dossier réalisé par Cyril Dion Patrick Piro Yvan Saint-Jours

© C. Faimali / Argos / Picturetank

L’île suédoise de Gotland, située en mer Baltique, a fait le pari d’ici à 2025 d’être 100 % indépendante de l’utilisation d’énergies fossiles

kaizen 2-EXE.indd 21

23/04/12 14:51


35

interview

DES ABEILLES ET DES HOMMES Deux récentes études, l’une de l’INRA et l’autre de l’Université de Stirling en Angleterre, démontrent que l’utilisation de certains pesticides perturbe le sens de l’orientation des abeilles qui ne retrouvent plus leurs ruches. Bien sûr il faut interdire les produits phytosanitaires incriminés, mais au-delà, il faut continuer à renforcer ce lien millénaire qui existe entre les abeilles et les êtres humains. C’est pour cette raison que nous ouvrons dans ce numéro nos pages à Eric Tourneret, le photographe des abeilles, qui en connaît un rayon. kaizen 2-EXE.indd 35

23/04/12 14:51


Berlin. Philipp Markert, près d’Alexanderplatz, sur l’église de la résurrection qui a été transformée en centre de conférence environnemental avec un toit végétalisée et des panneaux solaires.

Pascal : Les abeilles sont-elles en train de disparaître ?

Pascal Greboval : Comment t’est venue cette idée de photographier les abeilles ? Eric Tourneret : Les abeilles ont commencé à venir me voir en 2004. Je dis ‘venir me voir’ parce ce sont elles qui sont venues vers moi. Ça a commencé par des rêves. Je rêvais de photos, d’images en couleurs d’abeilles. Elles étaient très présentes. Un jour, comme je suis quelqu’un de très pragmatique, je suis allé voir sur le terrain si j’aimais ça et s’il y avait une belle histoire à raconter. Pascal : Et que nous racontent les abeilles ? Eric : Les abeilles forment un couple essentiel avec les fleurs sur terre. Elles ont apporté à la grande chaîne alimentaire du vivant une abondance et une diversité jusqu’alors inconnues. La sexualité des fleurs, dynamisée par le transport du pollen par les insectes et les abeilles

(système de pollinisation croisée), a pu générer une myriade de nouvelles espèces, mais également une production de fruits, de noix et de légumes bien formés en quantité. L’abondance de cette production de semences a apporté aux mammifères une source régulière et importante de nourriture. L’alliance des abeilles et des fleurs a ainsi créé les conditions nécessaires à la vie de l’homme sur terre. Pascal : Quand on regarde tes photos on voit autre chose que le monde des abeilles. Eric : Quand on parle abeilles ou apiculture, on parle environnement, on parle humains, économie, culture, on parle de la réalité d’aujourd’hui. On parle même de politique parce qu’il y a une reine - ou un roi, ça dépend de l’époque, les visions diffèrent.

Eric : Ce ne sont pas seulement les abeilles ! Les insectes, les espèces animales et végétales, les peuples, les langues disparaissent, aussi... Dans l’histoire de l’humanité, on n’a jamais connu une telle extinction d’espèces et de diversité. Les abeilles ont 80 millions d’années et je pense que nous disparaîtrons avant elles. Actuellement, leur très grande mortalité est limitée aux pays développés ou en voie de développement, qui utilisent un système agricole intensif, basé sur l’emploi massif de l’agrochimie. L’abeille se heurte aux nouveaux besoins de l’humain : colza, tournesol, oléagineux, maïs… Cette production agricole qui sert principalement à l’élevage est un fléau du système économique, c’est ça le vrai problème ! Nous devons revenir à des choses plus basiques, plus proches de la vie que cette idéologie dominante et totalitaire. Restons sur ce terrain : chaque année, selon les scientifiques de l’Inra, la pollinisation apporte à la production agricole de l’humanité un don de 155 milliard d’euros. Un service gratuit de la nature plus qu’important quand on le compare aux résultats d’une entreprise comme Monsanto qui, toutes activités mondiales confondues, dégage un bénéfice de plus ou moins un milliard d’euros par an. Cette comparaison donne à réfléchir et donne un prix à la pollution. Pascal : Selon toi, comment pouvonsnous changer les choses et que peuvent nous apporter les abeilles ? Eric : Il faut se dire « Oui, je peux changer quelque chose dans ce monde-là. Ce ne sont pas les marchés financiers qui décident tout. Je peux acheter local, circuler à vélo…». Quand je cherche à photographier une activité donnée de la ruche, je dois écouter la vie. Nous devons être attentifs à ce qui se passe pour changer les choses.

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 36

23/04/12 14:51


1 kaizen 2-EXE.indd 44

23/04/12 14:52


45

changeons la gouvernance

POUR UNE GOUVERNANCE « VIVANTE » Texte : Eric Julien Photo : Pascal Greboval

Retrouver les chemins de l’intelligence collective ?

1 : Le village de Tchendukua, où sont formés, encore aujourd’hui, de jeunes enfants à devenir « Mamu », garant de l’équilibre de la communauté. 2 : De tradition orale, les Kogis commencent leurs temps d’échanges à la tombée de la nuit, et ce, parfois jusqu’aux petites heures du matin. Les flammes éclairent timidement les visages ...

Se mettre en chemin collectivement pour réaliser un projet, décider ensemble, quels axes prioriser pour atteindre un objectif au service d’un groupe ou d’une communauté sont autant de préoccupations universelles et récurrentes qui ont toujours traversé l’humanité. Si nos sociétés modernes ont largement perdu les savoir-faire convergés, énergies et intentions au service d’un projet ou d’un sens partagé, sans écriture - et donc sans comptes-rendus et sans Internet - certaines communautés « racines », autochtones ou premières, ont su faire vivre et perdurer des systèmes originaux et « vivants » de fonctionnement collectif. C’est le cas du peuple Kogis en Colombie. Leur redécouverte représente sans doute une urgente nécessité.

2

KAIZEN | MAI JUIN 2012

1 kaizen 2-EXE.indd 45

23/04/12 14:52


51

roue libre

VIVE LES SLOW-VÉLO-VACANCES Texte et photos Pascal Greboval

Tel un rituel, avec l’été qui approche, la question récurrente : que faire pour les vacances ? Si nous partions à vélo ? Une fois l’idée lancée, le plus gros effort est à fournir maintenant, en amont : mettre de coté les préjugés… « C’est pour les sportifs, ça va être très dur ». La multiplication des itinéraires balisés facilite l’accès à ces vacances dynamiques qui conjuguent nomadisme et bien-être. Pour découvrir les slow-vélo-vacances, suivez le guide… « 1303 kilomètres ! » Gaëlle, cadre dans un établissement bancaire est fière d’annoncer à ses collègues le total des kilomètres parcourus lors de ses dernières vacances, pourtant elle avoue « ne pas pratiquer la moindre heure de sport durant l’année ! ». Son secret ? « Avec mon mari nous prenons notre temps, l’idée c’est de déconnecter, de découvrir des lieux insolites, romantiques, l’objectif n’est pas de se faire suer -dans les deux sens du terme-, c’est de se ressourcer, de s’affranchir du rythme que nous imposent les courriels, la hiérarchie, les clients ». Cette trentenaire parisienne n’est pas un cas isolé. Michel Bonduelle, auteur de dix guides sur ce sujet, confirme : « Ce type de vacances est en pleine expansion, les gens souhaitent simultanément retrouver le contact avec la nature, se sentir libres, et garder un coté « vacances » qui peut être différent pour chacun : visite de château, de musée, dégustation, profiter des plages etc. Partir

kaizen 2-EXE.indd 51

23/04/12 14:53


à vélo permet de répondre à toutes ces aspirations. Ce sont les mêmes clés que le succès du vélo en libre service dans les grandes villes de France : liberté, bienêtre et une dose d’écologie ». D’ailleurs à bien y réfléchir les 1303 kilomètres effectués par cette citadine ne sont pas, quand on les analyse, un exploit sportif : sachant qu’elle est partie 24 jours, on obtient une moyenne de 54 km par jour soit environ 4h de vélo quotidien, ce qui laisse du temps pour la sieste, les pique-niques, les rencontres et les visites.

Les Voies Vertes, la clef des champs Le développement de ce tourisme alternatif est principalement lié à l’émergence en France des Voies Vertes : des chemins sécurisés et réservés aux vélos et rollers qui permettent de pédaler loin des voitures. « C’est par ce type d’itinéraire que nous avons commencé, témoigne Gaëlle, notre premier périple fut de suivre le canal de Nantes à Brest (340 km) : un pur moment de bonheur ! Sept jours loin des voitures, dans une bulle d’oxygène, sur un chemin bien balisé et sans difficulté, avec en prime tous les soirs une dégustation de crêpes ! ». Les Voies Vertes qui sillonnent la France et une partie de l’Europe ont en commun de proposer des chemins à faible dénivelé, accessibles à chacun et qui ne nécessitent pas d’être féru d’orientation car les parcours sont fléchés. Cette alternative aux célèbres chemins de grande randonnée (GR) favorise un nomadisme touristique innovant et intergénérationnel : « les séniors peuvent, grâce à ces chemins, partir en vacances itinérantes sportives en toute tranquillité » souligne Michel Bonduelle. De même pour les enfants : « Faire marcher des enfants sur de longues distance n’est pas toujours facile alors que leur proposer de faire du vélo à leur rythme, en sites protégés, devient un plaisir ». Emmanuelle, maman de deux enfants de deux et quatre ans, atteste : « C’est un compromis idéal quand on veut passer des vacances un peu dynamiques avec des enfants en bas âge. Nous les parents, nous nous faisons plaisir sur les vélos et les enfants derrière dans la remorque vivent à leur rythme et nous interpellent quand ils le veulent. Nous nous arrêtons pour observer, une écluse, une fleur… C’est ludique, pédagogique et ça crée une proximité très forte avec nos enfants, c’est vraiment chouette. Il faut juste préparer les étapes avant le départ pour qu’elles ne dépassent pas les

kaizen 2-EXE.indd 52

trente kilomètres, ce qui nous permet de les effectuer dans la matinée et de profiter de l’après-midi à loisir ».

Quelle destination ? Avec plus de 7000 km d’anciennes voies ferrées ou chemins de halage recyclés en Voies Vertes en France, le choix est vaste. Le plus important est de ne pas vous surestimer : Commencez par vous tester sur un week-end, ou en empruntant un itinéraire qui vous inspire. Vous pouvez compter 20 à 30 kilomètres par jour pour les premières étapes si vous êtes novice. Rapidement vous trouverez le rythme qui vous convient, en moyenne 50 km par jour pour des adultes peu sportifs, moins avec des enfants, alors que les sportifs taquineront les 100 km. Chacun fait comme il l’entend car en réalité l’intérêt est ailleurs. Les kilomètres au compteur sont des moyens et non une finalité : chaque coup de pédale est l’occasion d’observer un papillon en vol, une coccinelle posée sur le guidon, une buse qui plane, un chevreuil qui broute au bord du chemin ; de contempler les champs de tournesols, les forêts de pins, et surtout, d’être acteur de ses vacances : habiter chaque minute, re-prendre conscience de l’être, se relier comme dans un état méditatif. « Bouddha na jamais dit qu’il fallait méditer assis en lotus ! ». Le luxe suprême est de pouvoir s’arrêter à tout instant, contrairement à la voiture ou au TGV qui filent à toute allure, laissant les sentiers vicinaux et les bourgs à l’abri des regards. Vous découvrirez des marchés sympathiques au cœur de villages typiques où les producteurs locaux viennent écouler les fruits et légumes

de saison, ou encore « un improbable bistrot limousin tenu par des anglais où vous vous réchaufferez après avoir pris une averse sur la tête, en attendant que le soleil revienne ». Le vélo devient le lieu des vacances et non le moyen d’y parvenir, l’important n’est pas la destination, c’est le chemin. Un chemin pavé de valeurs partagées par les cyclistes qui l’empruntent, et qui se matérialise aussi par de belles rencontres. « Quand il faut tirer les enfants dans les remorques et que le climat n’est pas idéal, il arrive d’avoir de vrais coups de blues le soir. Sans rien demander, souvent, des familles viennent spontanément nous réconforter avec bienveillance. Ça fait partie des beaux moments de ce type de vacances, on se dit que la solidarité, le lien, ça existe encore » témoigne Emmanuelle. Il est vrai que cheminer à vélo vous déroule un tapis rouge de bons préjugés, d’une aura de sympathie que tous les voyageurs au long cours reconnaissent. Gaëlle perçoit dans ce type de vacances une valeur encore plus forte : « Bien sûr il y a les rencontres : ici un concert de violon impromptu donné par un couple d’irlandais qui traverse l’Europe en vélo, là des pique-niques improvisés avec des cyclistes qui suivent le même parcours… Mais il y surtout une prise de conscience : On se rend compte que l’on peut faire des centaines de kilomètres sans pétrole, sans aide, en étant autonome loin des carcans, des schémas que l’on veut nous imposer. Que l’on peut aller loin, coup de pédale après coup de pédale, pas à pas ; ça forge la confiance en soi ». A vous maintenant, tel Robert Louis Stevenson, d’écrire vos plus beaux kilomètres. ◗

23/04/12 14:53


57

ma santé, notre planète

LE DÉFI POSITIF

Entretien avec Thierry Janssen par Lionel Astruc, photos Fanny Dion

©P. Greboval

Saupoudrer quelques bonnes pratiques telles que le yoga, la méditation ou l’alimentation biologique sur notre vie quotidienne ne suffit pas à transformer en profondeur notre relation au corps. Dans ce domaine, changer de paradigme à l’échelle individuelle nécessite d’accepter de nouvelles priorités. Cette évolution s’apparente davantage à un chemin spirituel qu’à l’application de recettes. Thierry Janssen en sait quelque chose, lui qui, dans les années 1990, a bouleversé sa vie en tournant le dos à une brillante carrière de chirurgien pour se vouer aux médecines complémentaires et alternatives. Devenu psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnement des malades atteints de pathologies somatiques, il nous livre son analyse et nous donne quelques clés pour trouver soi-même sa propre « solution intérieure »

kaizen 2-EXE.indd 57

« Changer notre approche de la santé c’est adopter une nouvelle philosophie de vie »

23/04/12 14:53


Lionel Astruc : Les problèmes d’hygiène de vie (alimentation, rythmes de vie, sommeil, tabac…) ont un impact considérable sur les pathologies graves et chroniques comme les maladies cardiovasculaires, cancers, dépressions etc. Nous sommes donc en grande partie responsables de notre état de santé. Malgré cela, rares sont les individus qui acceptent d’adopter concrètement un mode de vie plus sain. Comment l’expliquez-vous ? Thierry Janssen : Beaucoup d’entre nous compensent le stress, la fatigue ou la maladie par la consommation : nourriture grasse et sucrée, médicaments injustifiés, télévision ou ordinateur… Ils refusent de prendre le risque de changer pour un mode de vie plus adapté à leurs besoins fondamentaux incluant un rythme de vie apaisé, un sommeil suffisant, une alimentation saine ou encore la pratique du sport. Nombreux sont ceux qui vivent donc très loin de leur propre nature, loin d’eux mêmes. En réalité, ils sont paralysés par leur désir d’être ancré dans la modernité et leur besoin

de confort matériel. Ils sont prisonniers d’un cercle vicieux mais la volonté d’en sortir n’est pas suffisamment forte. Le frein au changement n’est pas seulement psychologique. Avec le temps il devient aussi physiologique : nous possédons dans le cerveau une petite structure appelée l’amygdale (différente de celle située dans la gorge) qui gère les émotions censées nous alarmer telles que la peur par exemple. Or l’amygdale des individus soumis à des rythmes effrénés - notamment dans le cadre professionnel - se désactive : ils ne reçoivent plus les signaux d’alarme. Leur état de stress leur paraît normal. Si vous leur proposez de lâcher prise en pratiquant par exemple la méditation ou en faisant de la sophrologie, alors ils sont pris d’angoisse : l’amygdale considère cette situation de repos comme contre nature et génère de nouveaux signaux d’alarme. Lionel : Quels sont les facteurs qui conduisent l’individu à ce déni de soi-même ?

Thierry : La raison majeure est que notre culture moderne et occidentale a placé l’être humain au-dessus de la nature. Il est censé vivre en dehors d’elle et la maîtriser. Dans cette illusion de toute puissance nous avons du mal à accepter les frustrations imposées par l’ordre naturel des choses. Parmi elles il y a l’inconfort et la mort que nous tentons d’occulter par tous les moyens. Dès que le maintien de la bonne santé implique de subir un inconfort momentané (accepter de réduire le rythme de travail, refuser tel ou tel aliment etc…), nous ne comptons que sur des moyens extérieurs à nous mêmes : des biens de consommation. Un tranquillisant, un verre, une friandise ou une heure de télévision pour oublier. Or pour continuer à être fabriqués et consommés, ces produits nous imposent un mode de vie qui va à l’encontre des besoins essentiels à une bonne santé. Ce mode de vie est polluant et s’avère finalement pathogène. Nous le constatons sans prendre pour autant la mesure de notre implication individuelle dans ce processus : nous croyons que nous sommes totalement

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 58

23/04/12 14:53


1 : L’ADDA : Un cocktail d’alimentation saine, d’entreaide, d’intelligence et d’humour servi par Claire. 2 : Un déjeuner sain pour une après-midi dynamique ? rendez vous chez Laurence. 3 : Toutes ces adresses sont à accessibles en Bicloo, les vélos en libre service de la ville de Nantes www.bicloo.nantesmetropole.fr

1 2

65

À Nantes le temps des Ducs de Bretagne et des riches armateurs est révolu. Aujourd’hui la place est à l’éco-citoyen qui se déplace en Bicloo. Idéal pour découvrir de bonnes adresses sans émettre de CO2. Visite à coups de pédales…

le bon plan

3

NANTES Texte et Photo Pascal Greboval

LES ENFANTS ET LES COPAINS D’ABORD A l’Abord’âge Café Comme dans tous les bars pour enfants, à « l’Abord’âge », tout est mis en œuvre pour distraire les plus jeunes : jeux, espaces aménagés, etc. La touche en plus : des valeurs communes, un désir d’œuvrer pour plus d’harmonie. Créé par des parents du quartier, « A l’Abord’âge » s’est fixé comme cap de favoriser les mixités (sociale, culturelle et intergénérationnelle), sensibiliser

enfants et adultes aux produits issus du commerce équitable et de l’agriculture biologique et tricoter du lien, notamment au sein des familles en rupture. Ici, pas obligation d’acheter ou de consommer. Des ateliers (cuisine, maquillage), des bourses aux vêtements et de nombreux autres événements sont proposés par la sympathique équipe du café pour toucher les rivages d’un monde plus humain, tout cela à prix abordable.

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 65

23/04/12 14:54


Les fruits et légumes, vecteurs de lien social et de sensibilisation à l’écologie : voilà l’arme d’initiation pacifique de plusieurs associations nantaises ADDA Si près de l’hyper-centre, et si loin du tumulte ! Bienvenue au « Local » de L’ADDA, une caverne d’Ali-Baba où vous aurez tout de suite envie de poser votre sac tant on y trouve de quoi le remplir, en particulier des trésors de bienveillance. A l’origine, quelques amis souhaitaient souligner l’impact du circuit de l’alimentation (engrais, transformation, transport, etc.) sur les problèmes de changement climatique. Ils voulaient à la fois sensibiliser et donner des outils pour se nourrir autrement : Ils créeront l’ADDA (Aide au Développement Durable par l’Alimentation) qu’ils rebaptisent en 2011 «AujourD’hui, restaurons DemAin». Claire, jeune retraitée, prend le projet à bras le corps. Elle est à l’origine de l’ouverture du « Local » où vous pouvez acheter des paniers bio (10 €) sans obligation d’engagement, trouver des fruits et légumes récupérés au MIN (voire même les acquérir gratuitement, la notion de don est centrale à l’ADDA), troquer vos vêtements, partager des repas en mode hors sac, donner ou prendre des cours de cuisine, échanger les biens dont vous ne faites plus usage via une bourse « je cherche, je donne», bénéficier d’outillage mutualisé et organiser ou assister à des conférences. Le tout pour une cotisation annuelle de 10, 20 ou 30 €… au choix. La porte est ouverte et certains jours les roses sont offertes ! Ecopole A deux pas de l’ADDA, l’Ecopole a pour mission d’informer, de sensibiliser et d’aider à la conduite du changement vers des pratiques respectueuses de l’environnement. L’équipe d’Ecopole oriente plus particulièrement son action sur le jardin vivrier et l’alimentation : Atelierspratiques dans les jardins familiaux, chez les particuliers ou aux pieds des immeubles, rencontres pour échanger les savoirs, et mise en place de bacs à jardins pour cultiver en tous lieux. Ecopole tente ainsi de donner goût au jardinage urbain

et de faire comprendre que manger bio peut s’avérer moins onéreux que l’achat de produits issus des filières traditionnelles. On y trouve également un centre de documentation gratuit riche de milliers d’ouvrages ainsi qu’un lieu accueillant des conférences portant sur tous les thèmes liés à l’écologie. Ecos Dominique Leroy n’a pas attendu de lire le dossier du premier numéro de Kaizen « Vers les villes comestibles » pour créer Ecos. Cette association propose différents dispositifs pour développer une agriculture urbaine. Son atout principal : une serre mutualisée abritant les semis des jardiniers urbains. Des animations sur le jardin complètent le volet agriculture urbaine. De son côté, la Cuistomobile, module de cuisine transportable, vient à la rencontre des habitants des quartiers afin de leur proposer des ateliers thématiques. Fondée en 2005 suite à l’organisation d’un camping urbain à la Maison Radieuse de Rezé, Ecos s’inscrit dans cet héritage et continue à promouvoir la réappropriation des techniques traditionnelles, la créativité urbaine et la sensibilisation au « faire soi-même ». L’association milite également en faveur du développement d’une monnaie locale (voir page 8).

Après avoir cultivé la terre, réveillons nos papilles Méli-Mélo Une inauguration ? Une cérémonie ? Quel traiteur choisir et comment sortir des sentiers battus ? A Nantes Méli-Mélo propose une alternative intéressante : Des buffets à base végétale réalisés par des personnes en insertion. Aussi inexplicable qu’inattendu c’est un vrai succès, « parce qu’on ne dit pas végétariens, s’amuse Patricia Delcour, responsable de MéliMélo, mais sur base végétale, ça évite les a priori ! L’originalité des goûts fait le reste. Quant au côté insertion, il faut être lucide : Certains achètent du « social », d’autres en revanche y trouvent une simplicité qui fait défaut chez les traiteurs traditionnels ». Mais Méli-Mélo est bien plus qu’un traiteur, c’est la partie la plus visible de l’association « Oser forêt vivante » qui recouvre cinq chantiers d’insertion travaillant en synergie. Par exemple, l’atelier menuiserie fabrique des coffrets destinés à l’activité de conserverie naturelle

lacto-fermentée de Méli-Mélo dont les légumes sont issus de l’atelier jardin. Chez Laurence Comme l’indique le nom de ce restaurantsalon de thé Laurence est l’âme du lieu, mais une âme avec laquelle vous pouvez dialoguer facilement : Elle est juste là, à l’entrée, dans sa cuisine ouverte où tous les jours elle innove en fonction des saisons. Sa ligne de conduite : « Monter que l’on peut manger des repas végétariens variés cuisinés à l’aide de produits bio et être en bonne santé ». La tradition : Une soirée indienne s’y tient tous les vendredis. Terroirs bio « Quitte à manger vite, autant manger bien ». C’est cette réflexion qui a poussé Nicolas à quitter son ancienne vie professionnelle où il mangeait toujours trop vite pour ouvrir un restaurant-salad’bar certifié bio. Si vous avez peu de temps pour déjeuner, profitez des convictions et des talents de Nicolas pour déguster tartes, pâtes, et autres plats à base de produits frais et de saison.

Une touche indienne, suite… Massage Ayurveda et cuisine indienne Richard est peut-être l’indien le plus connu de Nantes ; Il est vrai que son sourire et sa bienveillance facilitent l’approche. Il a importé de Pondichéry un art de vivre où équilibre alimentaire et soins du corps se conjuguent naturellement. Dans la journée Richard prodigue ses massages ayurvédiques sur une magnifique table en bois, le vendredi soir on le retrouve aux fourneaux pour les soirées indiennes chez Laurence ! Deux activités qui tendent vers un même objectif : le bien-être.

KAIZEN | MAI JUIN 2012

kaizen 2-EXE.indd 66

23/04/12 14:54


69

sauvage et delicieux

L’ORTIE

Textes et photo : Linda Louis

Alliée de notre potager, armoire à pharmacie de campagne, exquis légume sauvage, l’insaisissable ortie retrouve enfin ses lettres de noblesse ! C’est la plante idéale pour faire ses débuts en cuisine sauvage ! Abondante, facile à reconnaître et savoureuse, l’ortie devrait s’inviter plus souvent dans nos menus. Riche en protéines (8 acides aminés), en vitamines (A, B, C, E) et en sels minéraux (calcium, fer, magnésium, zinc, sélénium, silice…), elle mérite sa réputation de plante aux mille vertus. Les piqûres qu’elle provoque en démotivent plus d’un, mais une fois muni d’une paire de gants et d’un jean épais, la cueillette se fait très facilement. Prenez le temps de vérifier les éventuels œufs présents sous ses feuilles : c’est une plante hôte qui accueille et nourrit de nombreux insectes (comme le paon du jour). Au début du printemps, prélevez ses jeunes pousses au ras du sol. En été et en automne, quand la plante a pris son essor, sélectionnez les quatre feuilles terminales (en haut de la tige). Une fois lavées et hachées, elles perdent leur pouvoir urticant. Même remarque pour la cuisson et le séchage (sur des clayettes au grenier, au déshydrateur ou au séchoir solaire).

kaizen 2-EXE.indd 69

23/04/12 14:55


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.