Kaizen 25 : Travailler moins pour vivre plus

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mars avril 2016

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Magazine bimestriel numéro 25 Mars-avril 2016 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Diane Routex Éditeur Web Simon Beyrand Direction artistique • hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Maquette et mise en pages Schuller-Graphic Contact info@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 Abonnements et commandes Camille Gaudy camille@kaizen-magazine.fr 19, rue Martel - 75010 Paris Dessin de couverture T0ad Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIREN : 539 732 990 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs : Groupe HOMMELL Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci. En supplément à ce numéro : Brochure 14 magazines, tous différents, tous indépendants.

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Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège social 95, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com

Édito

Le travail du sage

A

vec ce Kaizen 25, nous soufflons notre quatrième bougie. Nous sommes heureux. En ces temps de crise, et notamment dans la presse, être là entre vos mains est une véritable joie. C’est grâce à vous, fidèles et enthousiastes, qui êtes nos meilleurs ambassadeurs. N’hésitez pas à continuer ! Nous bénéficions aussi d’un vent porteur : un nouveau monde se dessine. Le succès du film Demain – plus de 600 000 spectateurs à ce jour – en est une preuve palpable. Nos contemporains aspirent à une autre société. Soyons complets, c’est enfin grâce à ceux qui, depuis l’origine du magazine, de près ou de loin, travaillent ou ont travaillé sans compter. Nous ne nous plaignons pas, nous sommes tous heureux de travailler autour de ce projet, inspirés par la devise de Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. » Mais, soyons honnêtes, nous ne sommes pas tout à fait en cohérence avec le dossier de ce numéro qui invite à travailler moins (lire page 32). Autour de nous, différentes structures qui œuvrent dans une direction identique à la nôtre sont enfermées dans cette même contradiction : prôner la sobriété heureuse et être surchargés de travail. Une forme d’éco-burn-out nous guette. Vouloir changer le monde demanderait beaucoup de travail ? Possible ! Est-ce une question d’équilibre entre deux forces ? La danse voluptueuse du yin et du yang ? Comment répondre à cette question ? Pour autant, travailler moins nous semble nécessaire pour des raisons politiques, économiques et individuelles : pour passer du temps avec ses proches, créer, méditer, etc. Car, vouloir changer le monde sans sagesse aurait-il un sens ? Peut-être est-ce là notre défi à nous tous : infléchir la direction de notre destin, entretenir cet élan, avec vous, avec ces autres structures, vers une société plus juste, mais avec la sagesse comme guide. Telle est l’invitation de Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien (lire page 8). Tel est notre souhait. Au boulot, alors… Car, la sagesse, ça se travaille aussi. En résumé, travaillons à travailler moins pour vivre mieux ! Pascal Greboval Rédacteur en chef

Kaizen, késako ? Kaizen est un mot japonais signifiant littéralement « changement bon ». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un deuxième puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

kaizen • mars-avril 2016 • 3


ELLES-ILS FONT LEUR PART

JE SUIS LE CHANGEMENT

8

32 Dossier

64 Je vais bien, le monde va mieux Le citron

Rencontre Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien

68 Do It Yourself Des nichoirs à abeilles solitaires

15 Les pièces du puzzle La génétique, une industrie comme une autre ?

18 Portfolio

72 Nos bonnes adresses Chambéry Au boulot ! Travaillons moins !

76 Cuisine

48 Portraits Deux socioesthéticiennes

Sebastião Salgado 28 Une nouvelle Des violons et des arbres de Léonor de Récondo 30 La voie du Kaizen Christophe André

50 Vent d’ailleurs Au Bénin, développement économique rime avec environnement

Le plantain

53 Écologie intérieure par Gilles Farcet

83 Le sourire d’Yvan Saint-Jours

54 Et si on le faisait ensemble ? Roubaix invente la ville sans déchets

85 Les rendez-vous Kaizen

58 Le goût de l’enfance À l’école de la forêt 63 Politisons ! par Cyril Dion

4 • kaizen • numéro 25

88 Paroles de Colibris 90 La chronique de Pierre Rabhi

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© Sandrine Roudeix

Rencontre

L’amitié,

moteur de la sagesse ? Quand trois amis, un moine – Matthieu Ricard –, un psychiatre – Christophe André – et un philosophe – Alexandre Jollien –, prennent le temps d’échanger pendant une dizaine de jours dans une maison en Dordogne, naît un ouvrage exaltant : Trois amis en quête de sagesse. Ils nous livrent ici leur vision d’une société plus sage. Entretien réalisé par Pascal Greboval 8 • kaizen • numéro 25

Vous avez rédigé ce livre à trois voix pour répondre aux questions que tout être humain se pose sur la conduite de son existence. Ce titre, Trois amis en quête de sagesse, signifie-t-il que notre époque manque de sagesse ou que nous aspirons tous à devenir sage ? Avons-nous tous les mêmes aspirations ? Christophe André La sagesse est une aspiration éternelle des humains, en Orient comme en Occident. Sa quête n’a, à mon avis, rien de spécifique à notre époque. Par contre, notre civilisation occidentale, devenue très méfiante envers les maîtres à penser, ne valorise pas assez la sagesse, et admire trop la réussite, le succès, le statut, l’argent. Aux États-Unis, une étude de psychologie sociale avait montré que, si la plupart des gens admirent davantage le ­dalaï-lama que l’acteur américain Tom Cruise, la plupart préféreraient avoir la vie de Tom Cruise plutôt que celle du dalaï-lama ! Nous voulons bien admirer vaguement la sagesse, mais, au fond de nous, nous préférons la gloire et la richesse… Pourtant, la sagesse ne repose sur rien de complexe ; elle ne nécessite pas d’être très âgé, très cultivé ou très diplômé, juste de s’efforcer d’avoir – en y travaillant chaque jour – ce que Salomon demande à son Dieu dans la Bible : « un cœur intelligent ». C’est-à-dire un mélange d’écoute, de recul, de bienveillance, de curiosité, de discernement, de stabilité émotionnelle, d’équilibre intérieur, d’où émerge la sagesse. Matthieu Ricard Notre époque manque-t-elle de sagesse ? Sans doute. Aspirons-nous tous à devenir sage ? Cela semble douteux. En ce qui concerne le premier point, le fait qu’un certain nombre d’entre nous soit dépourvu de sagesse n’a rien de nouveau. Si notre époque manque de sagesse, il en allait de même des générations passées. Cela n’implique nullement une vision négative de l’être humain, mais indique le fait que, depuis des temps immémoriaux, le manque de discernement et la confusion mentale n’ont cessé de créer de multiples souffrances pour nous-même et pour les autres. Cela dit – et c’est ce qui reflète une vision profondément positive de l’être humain –, nous avons tous le potentiel de passer de l’ignorance à la connaissance, de l’égarement à la sagesse, de l’égoïsme à la compassion, des conflits intérieurs à une sérénité immuable. Bref, le manque de sagesse est une sorte d’addiction aux causes de la souffrance. Notre époque offre évidemment certaines particularités quant aux causes de ces souffrances. Je pense en particulier à l’essor de l’individualisme. Il ne faut pas perdre espoir,

car nous avons tous en nous la possibilité de devenir de meilleurs êtres humains, pour mieux nous mettre au service d’autrui. Alexandre Jollien La question de la sagesse est des plus passionnantes. C'est elle qui redonne saveur au quotidien, qui permet de dire « oui » au tragique de l'existence, de grandir jour après jour dans une joie et une paix profonde. Pourquoi l'associe-t-on encore à quelque chose de rabougri, de triste quand elle ouvre des allées de joie et d'allégresse, quand elle nous rend plus vivants et plus aimants ? Sur la route, il y a heureusement des guides : la philosophie et les grandes traditions. Aristote, par exemple, nous enseigne que le souverain bien, c'est le bonheur, et qu'il réclame la pratique de la sagesse, un art de vivre concret, en somme. En chemin, il est aisé de trébucher et de se casser la figure en s'égarant dans la poursuite de faux biens, comme le plaisir à tout prix, la reconnaissance, la richesse. Boèce a une très belle image : il dit que chacun cherche le bonheur, mais que plus d'un s'égare comme un ivrogne qui tente de rentrer à la maison sans vraiment se rappeler où elle se trouve. La sagesse, en un mot, c'est ce savoir de l'essentiel, ce savoir-être qui congédie les illusions, les bornes de l'égocentrisme et qui nous aide à aimer la vie et l'autre. Je pense que sous des milliers d'attentes, sous des rêves, se trouve en chaque femme et en chaque homme l'aspiration profonde à goûter le bonheur. Philosopher, c'est pratiquer une ascèse, se mettre en route sur un chemin. C'est, en quelque sorte, revenir à la maison, trouver au fond du fond la paix, la joie qui nous précèdent. Et, sur ce chemin, Spinoza apporte de l'eau à notre moulin lorsqu'il distingue les désirs adéquats, ceux qui naissent de notre nature profonde, et les désirs inadéquats, ceux que nous importons du dehors, via la publicité, par imitation, et qui nous aliènent. La sagesse est donc de devenir pleinement humain ici et maintenant. Cette quête vers la sagesse n’est-elle pas entravée – pour faire simple – par notre société de consommation qui brouille les pistes ? Vous consacrez un chapitre à la liberté dans votre livre. Nos sociétés se targuent de garantir nos libertés ; pourtant, elles favorisent notre addiction au sucre, aux réseaux sociaux, à la télévision... Tout le contraire de la liberté. Comment résister à ces pressions sociétales ? C. A. Oui, notre société nous perturbe psychologiquement ! Il y a des perturbateurs endocriniens qui kaizen • mars-avril 2016 • 9


© Sandrine Roudeix

Rencontre

L’amitié,

moteur de la sagesse ? Quand trois amis, un moine – Matthieu Ricard –, un psychiatre – Christophe André – et un philosophe – Alexandre Jollien –, prennent le temps d’échanger pendant une dizaine de jours dans une maison en Dordogne, naît un ouvrage exaltant : Trois amis en quête de sagesse. Ils nous livrent ici leur vision d’une société plus sage. Entretien réalisé par Pascal Greboval 8 • kaizen • numéro 25

Vous avez rédigé ce livre à trois voix pour répondre aux questions que tout être humain se pose sur la conduite de son existence. Ce titre, Trois amis en quête de sagesse, signifie-t-il que notre époque manque de sagesse ou que nous aspirons tous à devenir sage ? Avons-nous tous les mêmes aspirations ? Christophe André La sagesse est une aspiration éternelle des humains, en Orient comme en Occident. Sa quête n’a, à mon avis, rien de spécifique à notre époque. Par contre, notre civilisation occidentale, devenue très méfiante envers les maîtres à penser, ne valorise pas assez la sagesse, et admire trop la réussite, le succès, le statut, l’argent. Aux États-Unis, une étude de psychologie sociale avait montré que, si la plupart des gens admirent davantage le ­dalaï-lama que l’acteur américain Tom Cruise, la plupart préféreraient avoir la vie de Tom Cruise plutôt que celle du dalaï-lama ! Nous voulons bien admirer vaguement la sagesse, mais, au fond de nous, nous préférons la gloire et la richesse… Pourtant, la sagesse ne repose sur rien de complexe ; elle ne nécessite pas d’être très âgé, très cultivé ou très diplômé, juste de s’efforcer d’avoir – en y travaillant chaque jour – ce que Salomon demande à son Dieu dans la Bible : « un cœur intelligent ». C’est-à-dire un mélange d’écoute, de recul, de bienveillance, de curiosité, de discernement, de stabilité émotionnelle, d’équilibre intérieur, d’où émerge la sagesse. Matthieu Ricard Notre époque manque-t-elle de sagesse ? Sans doute. Aspirons-nous tous à devenir sage ? Cela semble douteux. En ce qui concerne le premier point, le fait qu’un certain nombre d’entre nous soit dépourvu de sagesse n’a rien de nouveau. Si notre époque manque de sagesse, il en allait de même des générations passées. Cela n’implique nullement une vision négative de l’être humain, mais indique le fait que, depuis des temps immémoriaux, le manque de discernement et la confusion mentale n’ont cessé de créer de multiples souffrances pour nous-même et pour les autres. Cela dit – et c’est ce qui reflète une vision profondément positive de l’être humain –, nous avons tous le potentiel de passer de l’ignorance à la connaissance, de l’égarement à la sagesse, de l’égoïsme à la compassion, des conflits intérieurs à une sérénité immuable. Bref, le manque de sagesse est une sorte d’addiction aux causes de la souffrance. Notre époque offre évidemment certaines particularités quant aux causes de ces souffrances. Je pense en particulier à l’essor de l’individualisme. Il ne faut pas perdre espoir,

car nous avons tous en nous la possibilité de devenir de meilleurs êtres humains, pour mieux nous mettre au service d’autrui. Alexandre Jollien La question de la sagesse est des plus passionnantes. C'est elle qui redonne saveur au quotidien, qui permet de dire « oui » au tragique de l'existence, de grandir jour après jour dans une joie et une paix profonde. Pourquoi l'associe-t-on encore à quelque chose de rabougri, de triste quand elle ouvre des allées de joie et d'allégresse, quand elle nous rend plus vivants et plus aimants ? Sur la route, il y a heureusement des guides : la philosophie et les grandes traditions. Aristote, par exemple, nous enseigne que le souverain bien, c'est le bonheur, et qu'il réclame la pratique de la sagesse, un art de vivre concret, en somme. En chemin, il est aisé de trébucher et de se casser la figure en s'égarant dans la poursuite de faux biens, comme le plaisir à tout prix, la reconnaissance, la richesse. Boèce a une très belle image : il dit que chacun cherche le bonheur, mais que plus d'un s'égare comme un ivrogne qui tente de rentrer à la maison sans vraiment se rappeler où elle se trouve. La sagesse, en un mot, c'est ce savoir de l'essentiel, ce savoir-être qui congédie les illusions, les bornes de l'égocentrisme et qui nous aide à aimer la vie et l'autre. Je pense que sous des milliers d'attentes, sous des rêves, se trouve en chaque femme et en chaque homme l'aspiration profonde à goûter le bonheur. Philosopher, c'est pratiquer une ascèse, se mettre en route sur un chemin. C'est, en quelque sorte, revenir à la maison, trouver au fond du fond la paix, la joie qui nous précèdent. Et, sur ce chemin, Spinoza apporte de l'eau à notre moulin lorsqu'il distingue les désirs adéquats, ceux qui naissent de notre nature profonde, et les désirs inadéquats, ceux que nous importons du dehors, via la publicité, par imitation, et qui nous aliènent. La sagesse est donc de devenir pleinement humain ici et maintenant. Cette quête vers la sagesse n’est-elle pas entravée – pour faire simple – par notre société de consommation qui brouille les pistes ? Vous consacrez un chapitre à la liberté dans votre livre. Nos sociétés se targuent de garantir nos libertés ; pourtant, elles favorisent notre addiction au sucre, aux réseaux sociaux, à la télévision... Tout le contraire de la liberté. Comment résister à ces pressions sociétales ? C. A. Oui, notre société nous perturbe psychologiquement ! Il y a des perturbateurs endocriniens qui kaizen • mars-avril 2016 • 9


Au boulot !

Travaillons moins ! Le travail rend autonome et peut être un vecteur d'épanouissement. Mais il peut aussi nous abîmer. Et si on bossait un peu moins ? Pour partager les emplois, mais également pour reconquérir du temps, utile à l'individu et à la société. Allez, retroussons-nous les manches et essayons de lever le pied ! Dossier réalisé par Clarisse Briot

© Milena Boniek/PhotoAlto/Photononstop

Dossier

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Au boulot !

Travaillons moins ! Le travail rend autonome et peut être un vecteur d'épanouissement. Mais il peut aussi nous abîmer. Et si on bossait un peu moins ? Pour partager les emplois, mais également pour reconquérir du temps, utile à l'individu et à la société. Allez, retroussons-nous les manches et essayons de lever le pied ! Dossier réalisé par Clarisse Briot

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Dossier

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Dossier

Au boulot ! Travaillons moins !

Quel avenir pour le travail ?

sont justement des emplois difficiles à remplacer par la robotique, du moins dans l'immédiat. D. M. En effet, si nous nous engageons dans la reconversion écologique de façon intelligente, nous allons créer des emplois – comme le montre Jean Gadrey 3 – et même peut-être parvenir à “désintensifier” le travail, à condition de rompre avec la recherche obsessionnelle des gains de productivité au profit des gains de qualité et de durabilité. Si le but n'est plus le productivisme échevelé mis au service de quelques-uns, mais la satisfaction des besoins sociaux, alors il est possible de renouer avec un plein-emploi où le temps de travail à temps complet serait un peu plus court. Un tel processus exige de nouvelles règles internationales, le respect de normes sociales et environnementales strictes, une relocalisation de la production, des mécanismes de protection sociale puissants pour accompagner les transferts de main-d’œuvre des secteurs producteurs d’émissions de gaz à effet de serre vers les secteurs sobres et donc une rupture avec le mode de développement que nous connaissons depuis deux siècles.

Le travail et l'emploi sont-ils menacés de disparition ? Paul Jorion L'emploi va disparaître, car le travail humain sera de moins en moins nécessaire. En 1930, Keynes prédisait déjà qu'un jour on ne créerait pas suffisamment d'emplois par rapport au nombre d'humains qui naîtraient 1. La machine a remplacé l’humain sur des tâches dangereuses, fastidieuses et avilissantes. Mais, à la fin des années 1970, l'invention de l'ordinateur personnel modifie de manière dramatique le travail. Presque aucune tâche, manuelle ou intellectuelle, n'est désormais à l'abri de cette « ordinisation ». On croit à tort que plus une tâche paraît difficile, moins un ordinateur peut l'exécuter. De plus, si un travail semble complexe, il est logiquement bien rémunéré : il y aura donc une incitation financière à le remplacer par une machine. Dominique Méda Il y a vingt ans, dans Le Travail, Une valeur en voie de disparition ? 2,je soutenais qu'il fallait réduire la place du travail dans nos vies individuelles et sociales. Mais c'était pour mieux le redistribuer et permettre la reconnaissance d'autres activités importantes pour faire société : les activités politiques, citoyennes ou familiales. À la même époque, Jeremy Rifkin annonçait que le travail allait disparaître. Aujourd'hui, certains chercheurs disent qu’il avait raison ou soutiennent que la moitié des emplois auront disparu dans vingt ans à cause de l'informatisation 36 • kaizen • numéro 25

accélérée de nos sociétés. Il me semble que l'on entend tout et son contraire sur ce sujet : à la fois que l'emploi va disparaître, mais aussi que le progrès technique a été créateur d'emplois. Ces raisonnements témoignent d’un déterminisme technologique sans bornes et nous laissent entendre que nous n’avons aucune maîtrise sur le processus. Par ailleurs, on oublie de parler du changement majeur dans lequel on devrait s’engager au plus vite si l’on prend au sérieux la menace de dérèglement climatique : la reconversion écologique. C'est cette révolution-là – plus que la révolution numérique – qu'il me paraît infiniment urgent de prendre en compte. Dans un monde où le chômage est un mal endémique et le travail soumis à des mutations importantes, quelles sont les solutions possibles ? P. J. En 1950, le public informé savait qu'en l'an 2000, on travaillerait moins. Mais on ne pensait pas que la richesse individuelle du travailleur baisserait pour autant. On imaginait que les profits générés par la machine seraient partagés, pas comme c'est le cas actuellement : en dividendes versés aux actionnaires ou en bonus donnés aux dirigeants. Dans les années 1930, Henry Ford gagnait 40 fois plus que le moins bien payé de ses ouvriers. Aujourd'hui, le dirigeant d’une multinationale gagne 450 fois plus que le salaire moyen dans son entreprise. Face à cela, il faut modifier le cadre comptable dans lequel on considère que le travail est un coût à minimiser et les bonus et les dividendes un partage des bénéfices à faire croître au maximum. Le travail et le capital sont deux contributions nécessaires. Il faut donc qu'elles soient rétribuées équitablement à ce titre. Par ailleurs, nous savons que nous consommons chaque année 1,6 fois les ressources de la planète et que cette situation est intenable. Si l'on se fixait comme objectif de faire baisser l'empreinte humaine sur la Terre, il faudrait embaucher massivement pour préserver l'environnement et pour développer les énergies renouvelables. Ce

Avec le virage écologique, il faut donc aussi poursuivre la réduction du temps de travail ? D. M. Face à des taux de chômage élevés, il faut en effet redistribuer le volume de travail sur l'ensemble de la population active. Ce n'est pas simple à faire et ce n'est pas du tout la piste suivie actuellement,

Qui n'a jamais lu ou envoyé un courriel professionnel tard dans la soirée ou le dimanche ? Corollaire de la numérisation, la porosité entre les sphères professionnelles et personnelles commence à interpeller les entreprises, parmi lesquelles des sociétés pas forcément attendues sur ce terrain. Volkswagen a ainsi lancé un « dispositif de mise en veille des serveurs », entre 18 heures 15 et 7 heures du matin, pour les smartphones professionnels, quand PriceMinister a institué une demi-journée par mois sans courriels. Des initiatives encouragées par Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange dans son rapport « Transformation numérique et vie au travail » qui préconise de mettre en place « un droit et un devoir à la déconnexion » dans chaque entreprise. Reste aux intéressées à s'en saisir. À lire : Jonathan Crary, 24/7, Le Capitalisme à l’assaut du sommeil, Éditions Zones, 2014. Téléchargeable gratuitement sur le site de l’éditeur : www.éditions-zones.fr

© Frank Schinski/Agentur Ostkreuz/Picturetank

© Quentin Caffier

Va-t-on travailler moins ? Est-ce que l'emploi est en train de disparaître ? Avec quelles implications et quelles solutions ? Regards croisés de Dominique Méda, sociologue et philosophe, et Paul Jorion, chercheur en sciences sociales.

Vers un droit à la déconnexion au travail ?

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Dossier

Au boulot ! Travaillons moins !

« Le salarié souffre d'un conflit éthique. » 3 questions à Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, créatrice de la première consultation Souffrance et travail en 1997.

Y'a pas que le boulot dans la vie !

D'où vient la souffrance au travail ? Les Anglo-Saxons parlent de stress. En France, on regarde l'impact sur le psychisme, car le salarié français est particulièrement investi dans son travail. Il n'a pas avec lui un simple rapport pragmatique. Le travail est central dans sa vie. Il s'agit d'être utile au monde, de participer à l'œuvre collective et donc d'être reconnu par sa hiérarchie. Or les organisations ont progressivement rompu avec ces promesses. Le salarié souffre d'un conflit éthique. Il a l'impression de faire du « sale boulot ».

Ils ont choisi de lever (un peu) le pied. Pour voir grandir leurs enfants, être présent pour les autres, écrire des romans... Ils racontent leur cheminement et leur expérience d'une vie où le travail ne prend pas toute la place.

L

«

e temps partiel, j'y pensais depuis longtemps déjà. » Hugo, 32 ans, ingénieur dans l'éolien à Lyon, travaille depuis fin 2015 à 80 %. En devenant papa, Hugo a eu droit à un congé parental d’éducation à temps partiel. Si la naissance de sa fille a été le déclic, elle n'est pourtant pas la raison première de son désir de travailler un peu moins. « J'avais trop d'argent 1 et pas assez de temps, explique-t-il. Mes besoins sont simples : j'habite en centre-ville, je n'ai pas de voiture. Je ne m'offre pas de vacances très chères et mes passions sont peu

coûteuses : je joue de la trompette et je vois les copains ! » Mais, avec de tels arguments, difficile d'aller trouver son manager pour réclamer un temps partiel. « Je ressentais une certaine pression sociale qui m'empêchait de franchir le pas, reconnaît l'ingénieur, une envie de faire partie du système et la peur d’être mal vu par ma hiérarchie. » Alors, à la naissance de sa fille, le temps partiel devenu un droit, Hugo ne met pas plus d'une journée à prendre sa décision. « Je suis ravi de l'expérience », confie le jeune père, dont la compagne, fonctionnaire, a elle aussi adopté le temps partiel. Hugo passe ses lundis avec sa fille. Il consacre une partie de son temps à une activité qu'il n'avait pas prévue : la crèche parentale. « Je découvre un nouveau monde, s'enthousiasme-t-il. Je reste avec ma fille quand beaucoup de parents sont obligés de laisser leur bambin au pas de la porte. J'ai observé son premier échange de regard avec un autre enfant. Ce moment vaut clairement 20 % de mon salaire ! » Et, au travail, Hugo se révèle plus efficace. « Comme j'ai un boulot de dingue, je pensais que ça allait être l'horreur. Je sais maintenant que je travaille aussi bien à 80 % qu'à 100 %. En fait, je crois que je n'étais pas fait pour travailler à temps plein ! Je faisais beaucoup de présence, mais aussi pas mal de procrastination. »

Du temps libre pour vivre ses passions

La naissance de sa fille a été un déclic pour Hugo.

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Dans la campagne franc-comtoise, entre Belfort et Montbéliard, Jérôme profite lui aussi des joies du temps libéré. Cet ingénieur informatique de 40 ans ne travaille plus le jeudi depuis 2010. Une décision issue d'une « série de prises de conscience » amorcée cinq ans

Jérôme, décroissant, ne travaille plus le jeudi depuis 2010.

plus tôt, alors qu'il devenait père pour la troisième fois et commençait à s’intéresser à la décroissance. « J'ai peu à peu modifié mon mode de vie pour qu'il corresponde à mes nouvelles préoccupations, raconte Jérôme. La réduction du temps de travail me paraissait logique, d'autant que je commençais à manquer de temps pour gérer de façon confortable ma vie de famille, mes passions et mon activité professionnelle. » Et des passions, Jérôme n'en manque pas pour « occuper » ses jeudis. Auteur amateur de romans et de pièces de théâtre, il consacre sa matinée à l'écriture. À midi, il déjeune avec sa benjamine, qui fréquente l'école du village. L'après-midi, il le dédie aux tâches ménagères et aux rendez-vous divers – médecins, banques, artisans... « Le piège est de consumer tout ce temps libre avec ce genre de contraintes, relève Jérôme. Mais, globalement, le confort de vie pour toute la famille est amélioré. Les enfants sont rarement confiés à une garde extérieure et le stress du travail peut être plus facilement évacué. À titre personnel, je peux consacrer un temps non négligeable et de qualité à mes activités non professionnelles. J'y prends un plaisir incroyable ! » En parallèle de l'écriture, Jérôme a ainsi lancé une monnaie complémentaire en ligne 2, associée à une plate-forme d'échanges de biens et de services. « Le temps partiel m'a permis d'avancer plus vite sur ces projets, qui apportent, je l'espère, de la valeur et de l'utilité sociale. »

Comment se traduit cette souffrance ? Par deux types de pathologies. Celles de la surcharge : les troubles musculosquelettiques, le burn-out, les maladies cardiovasculaires qui résultent d'un travail réalisé en mode dégradé et de méthodes managériales pathogènes. Et les pathologies de la solitude : le harcèlement moral et les mises au ban transversales avec des collègues qui se désolidarisent en raison de la peur et de la mise en rivalité. Les pathologies s'aggravent et se modifient. Depuis quelques années, les violences réactionnelles – ou « pétages de plomb » – se multiplient et le burn-out devient massif 1. Comment agir ? La souffrance au travail coûte 3,5 % du PIB chaque année dans les pays industrialisés [en France, les dépenses totales de santé représentaient 11,6 % du PIB en 2013 selon la Sécurité sociale]. En France, le cadre médico-juridique est suffisant. Mais il faut sortir de l'idéologie dans laquelle le management est enfermé et qui repose sur deux stéréotypes : le salarié doit exécuter la tâche prescrite et on doit lui mettre la pression, sans quoi il ne pense qu'à ses RTT. À consulter : www.souffrance-et-travail.com, le site de l’association Souffrance et travail, avec ses guides pratiques et les coordonnées des consultations et cliniciens spécialisés. Plus de 3 millions de Français auraient un risque élevé de faire un burn-out – syndrome d'épuisement professionnel –, selon une étude publiée en 2014 par le cabinet Technologia.

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kaizen • mars-avril 2016 • 45


ménagères. Cela équivaut à 150 euros que nous avons versés en bons d’achats valables dans des commerces de la ville agréés “Zéro déchet” », explique Alexandre Garcin, devenu adjoint au maire chargé du développement durable. « J’étais sensible au sujet, indique Marie-Noëlle Vuillerme, trentenaire maman de deux jeunes enfants, mais l’idée de faire ensemble et non pas seule dans mon coin m’a encouragée à me lancer dans ce projet. Et le défi amenait un côté ludique. » En effet, toutes les familles ont reçu une balance pour peser chaque jour leurs déchets. Pour accompagner ces foyers, quatorze ateliers différents ont été mis en place par la ville, en partenariat avec des associations existantes : « Cela permet de créer une communauté, de faire du chemin ensemble et d’essayer d’aller le plus loin possible vers la réduction des déchets », précise Alexandre Garcin. Ainsi, les citadins ont pu découvrir comment faire du compost : « C’est un atelier où j’ai beaucoup appris, témoigne Loïc Pollet, volontaire enthousiaste, et c’est un levier qui m’a permis de réduire vite ma quantité de déchets. Mes trois enfants se sont aussi beaucoup amusés. » Des zones de compostage ont été installées par la ville et un « maître composteur » a été recruté. Pour aller au bout de cette dynamique, des formations au lombricompostage ont été mises

draps », révèle Marie-Noëlle. « Même si ma famille et moi ne participions pas à tous les ateliers, savoir que tout cela était possible nous a incités à aller chercher des recettes et des tutoriels sur Internet. Nous avons par exemple fabriqué des shampoings solides, économiques et très efficaces », conclut Loïc Pollet. Par ailleurs, la municipalité a aussi mis des poulaillers privés et semi-collectifs à la disposition des familles intéressées, dans le but de limiter certains déchets. Au bout de quelques mois, si les volontaires trouvent le fonctionnement concluant, ils peuvent racheter le matériel et les poules prêtés pour 40 euros.

Des ateliers Zéro déchet ont été mis en place par la ville.

Les commerçants peuvent aspirer à recevoir le label Zéro déchet.

Marie-Noëlle a troqué les couches jetables contre des lavables !

politique de réduction des déchets. L’élection gagnée, l’opération Zéro déchet a pu commencer. Sur la base du volontariat, pour ne rien imposer, 101 familles roubaisiennes ont été recrutées. La municipalité a lancé un appel sur Internet et diffusé l’information grâce aux associations de la ville. « Les foyers qui se sont engagés ont eu droit à une réduction de 50 % sur la taxe d’enlèvement des ordures

en place. D’autres ateliers, axés sur la vie quotidienne, ont montré aux familles comment fabriquer leurs produits d’entretien et acheter sans emballages. « Chacun est libre de participer ou non à ces ateliers gratuits. C’est à la carte, en fonction de ses besoins », reprend Alexandre Garcin. « J’ai appris à réaliser un gommage avec du marc de café et à coudre des sacs pour les courses dans de vieux

Béa Johnson [une Française installée aux États-Unis qui produit zéro déchet depuis plusieurs années, à l’origine du mouvement du même nom]. Nous avons par exemple réaménagé la cuisine en chinant une armoire de chirurgien toute vitrée pour pouvoir voir rapidement ce dont nous disposons. Il n’y a que sur les couches où il nous reste du chemin à parcourir : nous n’avons pas encore réussi à passer aux

Et si on le faisait ensemble ?

Roubaix

invente la ville sans déchets Comment faire pour qu’une ville devienne propre ? Inviter des familles volontaires à réduire leurs déchets, par exemple. Le défi Zéro déchet mis en place en 2014 par la municipalité de Roubaix, dans le Nord-Pas-de-Calais, a permis d’enclencher une dynamique vertueuse et est devenu un modèle pour le reste de l’Hexagone. Reportage au pays des Z’héros déchet. Texte : Licia Meysenq • Photos : Ville de Roubaix

Alexandre Garcin, l'élu à l'origine du défi Zéro déchet

L

«

a politique du zéro déchet évite d’augmenter le nombre d’agents de propreté et elle mobilise au-delà des cultures et des identités : elle donne un élan à la ville », analyse Alexandre Garcin. Issu d’un mouvement citoyen constitué lors des élections municipales de 2014, ce nouveau venu en politique a rejoint la liste de Guillaume Delbar, avec la condition que le candidat – devenu maire – instaure une 54 • kaizen • numéro 25

De nouvelles pratiques « Nous n’avons pas opéré de changements révolutionnaires dans notre ville, car il est difficile de tout bouleverser du jour au lendemain. Mais, si chacun s’implique et prend de nouvelles habitudes, il est tout à fait possible d'aller vers un monde durable pas à pas », explique l'élu. Le défi Zéro déchet, ce n’est pas seulement réduire ses ordures, c’est aussi proposer un mode de consommation et de vie différent. « Ça a changé la vie de ma famille, atteste Loïc Pollet. Nous nous sommes libérés du superflu, simplement et sans forcer, comme le décrit très bien

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ménagères. Cela équivaut à 150 euros que nous avons versés en bons d’achats valables dans des commerces de la ville agréés “Zéro déchet” », explique Alexandre Garcin, devenu adjoint au maire chargé du développement durable. « J’étais sensible au sujet, indique Marie-Noëlle Vuillerme, trentenaire maman de deux jeunes enfants, mais l’idée de faire ensemble et non pas seule dans mon coin m’a encouragée à me lancer dans ce projet. Et le défi amenait un côté ludique. » En effet, toutes les familles ont reçu une balance pour peser chaque jour leurs déchets. Pour accompagner ces foyers, quatorze ateliers différents ont été mis en place par la ville, en partenariat avec des associations existantes : « Cela permet de créer une communauté, de faire du chemin ensemble et d’essayer d’aller le plus loin possible vers la réduction des déchets », précise Alexandre Garcin. Ainsi, les citadins ont pu découvrir comment faire du compost : « C’est un atelier où j’ai beaucoup appris, témoigne Loïc Pollet, volontaire enthousiaste, et c’est un levier qui m’a permis de réduire vite ma quantité de déchets. Mes trois enfants se sont aussi beaucoup amusés. » Des zones de compostage ont été installées par la ville et un « maître composteur » a été recruté. Pour aller au bout de cette dynamique, des formations au lombricompostage ont été mises

draps », révèle Marie-Noëlle. « Même si ma famille et moi ne participions pas à tous les ateliers, savoir que tout cela était possible nous a incités à aller chercher des recettes et des tutoriels sur Internet. Nous avons par exemple fabriqué des shampoings solides, économiques et très efficaces », conclut Loïc Pollet. Par ailleurs, la municipalité a aussi mis des poulaillers privés et semi-collectifs à la disposition des familles intéressées, dans le but de limiter certains déchets. Au bout de quelques mois, si les volontaires trouvent le fonctionnement concluant, ils peuvent racheter le matériel et les poules prêtés pour 40 euros.

Des ateliers Zéro déchet ont été mis en place par la ville.

Les commerçants peuvent aspirer à recevoir le label Zéro déchet.

Marie-Noëlle a troqué les couches jetables contre des lavables !

politique de réduction des déchets. L’élection gagnée, l’opération Zéro déchet a pu commencer. Sur la base du volontariat, pour ne rien imposer, 101 familles roubaisiennes ont été recrutées. La municipalité a lancé un appel sur Internet et diffusé l’information grâce aux associations de la ville. « Les foyers qui se sont engagés ont eu droit à une réduction de 50 % sur la taxe d’enlèvement des ordures

en place. D’autres ateliers, axés sur la vie quotidienne, ont montré aux familles comment fabriquer leurs produits d’entretien et acheter sans emballages. « Chacun est libre de participer ou non à ces ateliers gratuits. C’est à la carte, en fonction de ses besoins », reprend Alexandre Garcin. « J’ai appris à réaliser un gommage avec du marc de café et à coudre des sacs pour les courses dans de vieux

Béa Johnson [une Française installée aux États-Unis qui produit zéro déchet depuis plusieurs années, à l’origine du mouvement du même nom]. Nous avons par exemple réaménagé la cuisine en chinant une armoire de chirurgien toute vitrée pour pouvoir voir rapidement ce dont nous disposons. Il n’y a que sur les couches où il nous reste du chemin à parcourir : nous n’avons pas encore réussi à passer aux

Et si on le faisait ensemble ?

Roubaix

invente la ville sans déchets Comment faire pour qu’une ville devienne propre ? Inviter des familles volontaires à réduire leurs déchets, par exemple. Le défi Zéro déchet mis en place en 2014 par la municipalité de Roubaix, dans le Nord-Pas-de-Calais, a permis d’enclencher une dynamique vertueuse et est devenu un modèle pour le reste de l’Hexagone. Reportage au pays des Z’héros déchet. Texte : Licia Meysenq • Photos : Ville de Roubaix

Alexandre Garcin, l'élu à l'origine du défi Zéro déchet

L

«

a politique du zéro déchet évite d’augmenter le nombre d’agents de propreté et elle mobilise au-delà des cultures et des identités : elle donne un élan à la ville », analyse Alexandre Garcin. Issu d’un mouvement citoyen constitué lors des élections municipales de 2014, ce nouveau venu en politique a rejoint la liste de Guillaume Delbar, avec la condition que le candidat – devenu maire – instaure une 54 • kaizen • numéro 25

De nouvelles pratiques « Nous n’avons pas opéré de changements révolutionnaires dans notre ville, car il est difficile de tout bouleverser du jour au lendemain. Mais, si chacun s’implique et prend de nouvelles habitudes, il est tout à fait possible d'aller vers un monde durable pas à pas », explique l'élu. Le défi Zéro déchet, ce n’est pas seulement réduire ses ordures, c’est aussi proposer un mode de consommation et de vie différent. « Ça a changé la vie de ma famille, atteste Loïc Pollet. Nous nous sommes libérés du superflu, simplement et sans forcer, comme le décrit très bien

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E

Vent d’ailleurs

Au Bénin,

développement économique rime avec environnement

n habit traditionnel, pianotant sur son ordinateur portable devant l’écolodge d’Avlo-plage, une étroite bande de terre béninoise pénétrant dans le Togo, entre la lagune et le golfe de Guinée, Is Deen Akambi illustre bien l’esprit de l’association Eco-Benin, dont il est le chargé de programme pour le Sud du Bénin. L’ONG met en place des actions locales, par et pour les habitants, mais affiche une ambition globale, intégrant protection de l’environnement et lutte contre le changement climatique. Alors qu’il a participé à la préparation de la COP21 avec le Réseau climat & développement, cet ingénieur en environnement coordonne désormais sur le terrain la restauration de la mangrove, la mise en place d’activités écotouristiques et la création d’une réserve de biosphère transfrontalière entre le Bénin et le Togo. À Nicoué-Condji, un village de 1 000 habitants au bord d’un bras du fleuve Mono – qui trace la frontière entre Bénin et Togo –, Élisabeth Vlavo, la cheffe du village, est ravie des opérations menées par l’association. Elle présente avec fierté la pépinière de 5 000 plants de palétuviers rouges 1 gérés par les habitants, qui seront utilisés pour replanter la mangrove, et d’acacias à croissance rapide, qui donneront un bois de chauffe ne mettant pas en péril l’écosystème. On peut observer des zones replantées dans le village d’Avlo, dont les 1 200 habitants sont répartis entre le fleuve et la plage. « La restauration de la mangrove a démarré en 2008, sur le lac Ahémé [connecté à la lagune, un peu plus au nord], raconte Is Deen Akambi. Avant, les pêcheurs coupaient les palétuviers pour fabriquer des acadja [des parcs à poissons en branchages], cuisiner, fumer le poisson ou faire le sel, ce qui commençait à poser des problèmes. » Le village d’Hakoué, sur la lagune, en a fait la triste expérience : faute de mangrove pour stabiliser le sol, des habitations ont été emportées par une inondation... Dans la zone nord du lac Ahémé, l’érosion des sols des bassins-versants et l’éboulement des berges a déjà entraîné une perte de fertilité

Dans le Sud du Bénin, entre océan et lagune, l’association Eco-Benin aide les populations locales à préserver leurs moyens de subsistance traditionnels en replantant la mangrove, mais aussi à en créer de nouveaux en développant l’écotourisme.

LAC AHÉMÉ

des sols, la disparition de plusieurs espèces de poissons et une diminution sans précédent de la production halieutique, ce qui entraîne des difficultés économiques pour une population constituée essentiellement de pêcheurs.

Rendre les communautés locales actrices La première étape du travail d’Eco-Benin a été de convaincre les habitants de l’intérêt de protéger leur mangrove, en organisant des réunions d’information et de sensibilisation dans les villages et en utilisant de grandes affiches explicatives – 80 % de la population de cette région est analphabète. Ensuite, ils ont identifié ensemble les zones à replanter. Des villageois – pêcheurs ou agriculteurs – ont été formés par l’association afin de s’approprier l’action et de devenir autonomes dans sa réalisation. Cent quarante-cinq d’entre eux maîtrisent désormais les techniques de pépinières, de plantation et d’entretien de la mangrove dans le Sud-Ouest du Bénin. En 2014, 44 hectares de mangrove et 15 hectares de bois de feu ont pu être replantés, avec le soutien financier de l’association GoodPlanet, s’ajoutant aux 23 hectares de mangrove replantés entre 2010 et 2012 dans la région du lac Ahémé. Véritables puits de carbone, les mangroves ont une capacité de stockage du CO2 plus importante que celle des forêts.

BURKINA FASO BÉNIN NIGERIA

TOGO CÔTE D’IVOIRE

GHANA

GOLFE DE GUINÉE

CAMEROUN

BÉNIN

Texte et photos : Catherine Sanson-Stern

TOGO

FLE

UV

O EM

NO

NIGERIA AVLO-PLAGE BOUCHE DU ROY

50 • kaizen • numéro 25

GOLFE DE GUINÉE

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E

Vent d’ailleurs

Au Bénin,

développement économique rime avec environnement

n habit traditionnel, pianotant sur son ordinateur portable devant l’écolodge d’Avlo-plage, une étroite bande de terre béninoise pénétrant dans le Togo, entre la lagune et le golfe de Guinée, Is Deen Akambi illustre bien l’esprit de l’association Eco-Benin, dont il est le chargé de programme pour le Sud du Bénin. L’ONG met en place des actions locales, par et pour les habitants, mais affiche une ambition globale, intégrant protection de l’environnement et lutte contre le changement climatique. Alors qu’il a participé à la préparation de la COP21 avec le Réseau climat & développement, cet ingénieur en environnement coordonne désormais sur le terrain la restauration de la mangrove, la mise en place d’activités écotouristiques et la création d’une réserve de biosphère transfrontalière entre le Bénin et le Togo. À Nicoué-Condji, un village de 1 000 habitants au bord d’un bras du fleuve Mono – qui trace la frontière entre Bénin et Togo –, Élisabeth Vlavo, la cheffe du village, est ravie des opérations menées par l’association. Elle présente avec fierté la pépinière de 5 000 plants de palétuviers rouges 1 gérés par les habitants, qui seront utilisés pour replanter la mangrove, et d’acacias à croissance rapide, qui donneront un bois de chauffe ne mettant pas en péril l’écosystème. On peut observer des zones replantées dans le village d’Avlo, dont les 1 200 habitants sont répartis entre le fleuve et la plage. « La restauration de la mangrove a démarré en 2008, sur le lac Ahémé [connecté à la lagune, un peu plus au nord], raconte Is Deen Akambi. Avant, les pêcheurs coupaient les palétuviers pour fabriquer des acadja [des parcs à poissons en branchages], cuisiner, fumer le poisson ou faire le sel, ce qui commençait à poser des problèmes. » Le village d’Hakoué, sur la lagune, en a fait la triste expérience : faute de mangrove pour stabiliser le sol, des habitations ont été emportées par une inondation... Dans la zone nord du lac Ahémé, l’érosion des sols des bassins-versants et l’éboulement des berges a déjà entraîné une perte de fertilité

Dans le Sud du Bénin, entre océan et lagune, l’association Eco-Benin aide les populations locales à préserver leurs moyens de subsistance traditionnels en replantant la mangrove, mais aussi à en créer de nouveaux en développant l’écotourisme.

LAC AHÉMÉ

des sols, la disparition de plusieurs espèces de poissons et une diminution sans précédent de la production halieutique, ce qui entraîne des difficultés économiques pour une population constituée essentiellement de pêcheurs.

Rendre les communautés locales actrices La première étape du travail d’Eco-Benin a été de convaincre les habitants de l’intérêt de protéger leur mangrove, en organisant des réunions d’information et de sensibilisation dans les villages et en utilisant de grandes affiches explicatives – 80 % de la population de cette région est analphabète. Ensuite, ils ont identifié ensemble les zones à replanter. Des villageois – pêcheurs ou agriculteurs – ont été formés par l’association afin de s’approprier l’action et de devenir autonomes dans sa réalisation. Cent quarante-cinq d’entre eux maîtrisent désormais les techniques de pépinières, de plantation et d’entretien de la mangrove dans le Sud-Ouest du Bénin. En 2014, 44 hectares de mangrove et 15 hectares de bois de feu ont pu être replantés, avec le soutien financier de l’association GoodPlanet, s’ajoutant aux 23 hectares de mangrove replantés entre 2010 et 2012 dans la région du lac Ahémé. Véritables puits de carbone, les mangroves ont une capacité de stockage du CO2 plus importante que celle des forêts.

BURKINA FASO BÉNIN NIGERIA

TOGO CÔTE D’IVOIRE

GHANA

GOLFE DE GUINÉE

CAMEROUN

BÉNIN

Texte et photos : Catherine Sanson-Stern

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À peine descendue du car, la petite troupe emprunte un sentier sinueux et broussailleux qui donne l’impression d’être déjà loin de la route. Arrivés au camp, les enfants s’installent trois par trois dans les tentes montées à l’avance, repèrent les frontières à ne pas franchir – délimitées par des lanternes accrochées aux arbres –, se réjouissent du feu qui restera allumé nuit et jour et font une grande découverte qui n’est pas du goût de tous : les toilettes sèches construites sur le site. Mais l’appel de la forêt est plus fort que leur appréhension, et les voilà partis à l’aventure. Adieu, monde virtuel ! La consigne était claire : portables et consoles devaient rester à la maison.

Immersion totale

Le goût de l’enfance

À l’école de la forêt Élaboré par l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France, le programme « De jour comme deux nuits » propose à des enfants de CM2 une exploration originale dans la forêt. Quand éducation à l’environnement rime avec émotions. Texte : Frédérique Basset • Photos : AEV

L

undi. Vingt-six élèves de CM2 de l’école Georges-Braque de Montigny-lès-Cormeilles (Val-d’Oise) débarquent dans la forêt de Ferrières, en Seine-et-Marne, prêts à jouer les Robinsons pendant trois jours. Cette aventure, ils la doivent à l’Agence des espaces verts (AEV) qui, après « Forestiers juniors » et « Agriculteurs juniors » (lire encadrés page 60), a lancé, en juin 2015, un nouveau projet intitulé De jour comme deux nuits. « Ce programme, explique France Hamy, responsable du service Éducation à l’environnement de l’AEV, vient clore le cursus Forestiers juniors, où, du CP au CM2, des écoliers – environ 7 000 par an – participent à des animations en forêt. Les écoles à qui nous proposons ce cursus sont situées à proximité des 58 • kaizen • numéro 25

forêts gérées par l'AEV. La seule contrainte est que toutes les classes de l'école y participent. Pendant cinq ans, ces élèves ont découvert les oiseaux, les insectes, les arbres… Mais, connaître le milieu naturel ne suffit pas ; pour le préserver, il faut l’aimer. C’est pourquoi nous avons imaginé cette formule qui permet de vivre des émotions fortes. La vie moderne ne favorise pas l’approche de l’environnement par les sens. En plongeant les enfants dans les sons, les odeurs et les couleurs de l’univers forestier, on encourage son appropriation. » Ici, pas de baraquements en dur : c’est en pleine nature que les écoliers vont camper ! Mené en collaboration avec les inspections académiques, le projet aura mis plus de deux ans à voir le jour.

Par petits groupes, les forestiers en herbe suivent les traces d’un sanglier qui s’est frotté contre un arbre pour se débarrasser de ses parasites, observent une fourmilière ou repèrent un nid d’oiseau et un terrier de renard. « Pourquoi on a mis du blanc sur un tronc d’arbre ? », demande une petite fille. « C’est une fiente d’oiseau », corrige Guillaume Humann, l’un des trois écoanimateurs de l’AEV. Les questions fusent : « Comment s’appelle cet arbre ? », « À qui est cette plume ? », « Et cette crotte ? », « J’ai trouvé une cartouche ! »… Guillaume en profite pour expliquer que, si les chevreuils sont trop nombreux, la chasse est autorisée dans la limite d’un certain quota afin de permettre aux arbres de grandir. C’est aussi l’occasion pour l’écoanimateur de parler des déchets non dégradables et du recyclage. « Ce vécu ancre dans l’esprit une connaissance de la forêt, mais crée aussi des émotions qui vont permettre aux enfants de se sentir partie intégrante d’un tout. Quand on est immergé dans un milieu, on fait moins de différence entre soi et le monde, on est “avec” et non “contre” ou “à côté”. » L’heure du déjeuner a sonné. Pas question de se faire servir ! Chacun prend part aux activités – préparation du repas, vaisselle, tri des déchets qui iront alimenter le compost des locaux de l’AEV –, car il s’agit aussi d’apprendre à vivre ensemble. « Ce camp vise non seulement à sensibiliser les enfants à la protection de la nature, mais également à la vie en collectivité, se réjouit la directrice de l’école, Catherine Ferry. Les élèves expérimentent le vivre-ensemble, l’entraide, le partage et le travail d’équipe. » Une fois la vaisselle rangée, chacun est libre de faire ce qu’il veut. Surprise ! Les enfants demeurent dans leur cocon de toile. Jusqu’à ce que deux d’entre eux se lancent dans la construction d’une cabane, bientôt suivis par leurs camarades. Autour de la cabane,

c’est une histoire qu’ils se racontent et un imaginaire qu’ils se construisent. Le reste de l’après-midi est consacré au thème choisi par Frédéric Holstein, l’enseignant accompagnant : la musique verte. « Il s’agit de fabriquer des instruments avec des éléments naturels, explique Frédéric, mais aussi de comprendre comment fonctionne le son. » Tandis que les uns tapent sur un tronc d’arbre avec un diapason qu’ils plongent ensuite dans un verre d’eau où ils peuvent observer les ondes se former, d’autres écoutent la sève des arbres avec un stéthoscope ou le déplacement d’un scarabée grâce à un amplificateur de sons. Puis, tous en cercle autour du feu, ils identifient sur des photos des instruments à vent, à cordes ou à percussion. « Tout au long de l’année, le son sera à l’honneur, précise Frédéric. Avant les grandes vacances, nous organiserons un spectacle où les enfants liront des histoires aux classes de maternelle en s’accompagnant avec les instruments de musique qu’ils auront fabriqués. »

Exploration nocturne Après le dîner, c’est l’heure du conseil des enfants, qui se tiendra tous les soirs pendant le séjour. Chacun raconte ce qui lui a plu ou déplu dans la journée, ses craintes, ses envies. « C’est un moment important où on leur donne la parole, souligne Catherine Ferry, un temps d’échanges qui leur permet d’exprimer leurs attentes. » Les écoliers participent activement à la vie du campement.

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À peine descendue du car, la petite troupe emprunte un sentier sinueux et broussailleux qui donne l’impression d’être déjà loin de la route. Arrivés au camp, les enfants s’installent trois par trois dans les tentes montées à l’avance, repèrent les frontières à ne pas franchir – délimitées par des lanternes accrochées aux arbres –, se réjouissent du feu qui restera allumé nuit et jour et font une grande découverte qui n’est pas du goût de tous : les toilettes sèches construites sur le site. Mais l’appel de la forêt est plus fort que leur appréhension, et les voilà partis à l’aventure. Adieu, monde virtuel ! La consigne était claire : portables et consoles devaient rester à la maison.

Immersion totale

Le goût de l’enfance

À l’école de la forêt Élaboré par l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France, le programme « De jour comme deux nuits » propose à des enfants de CM2 une exploration originale dans la forêt. Quand éducation à l’environnement rime avec émotions. Texte : Frédérique Basset • Photos : AEV

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undi. Vingt-six élèves de CM2 de l’école Georges-Braque de Montigny-lès-Cormeilles (Val-d’Oise) débarquent dans la forêt de Ferrières, en Seine-et-Marne, prêts à jouer les Robinsons pendant trois jours. Cette aventure, ils la doivent à l’Agence des espaces verts (AEV) qui, après « Forestiers juniors » et « Agriculteurs juniors » (lire encadrés page 60), a lancé, en juin 2015, un nouveau projet intitulé De jour comme deux nuits. « Ce programme, explique France Hamy, responsable du service Éducation à l’environnement de l’AEV, vient clore le cursus Forestiers juniors, où, du CP au CM2, des écoliers – environ 7 000 par an – participent à des animations en forêt. Les écoles à qui nous proposons ce cursus sont situées à proximité des 58 • kaizen • numéro 25

forêts gérées par l'AEV. La seule contrainte est que toutes les classes de l'école y participent. Pendant cinq ans, ces élèves ont découvert les oiseaux, les insectes, les arbres… Mais, connaître le milieu naturel ne suffit pas ; pour le préserver, il faut l’aimer. C’est pourquoi nous avons imaginé cette formule qui permet de vivre des émotions fortes. La vie moderne ne favorise pas l’approche de l’environnement par les sens. En plongeant les enfants dans les sons, les odeurs et les couleurs de l’univers forestier, on encourage son appropriation. » Ici, pas de baraquements en dur : c’est en pleine nature que les écoliers vont camper ! Mené en collaboration avec les inspections académiques, le projet aura mis plus de deux ans à voir le jour.

Par petits groupes, les forestiers en herbe suivent les traces d’un sanglier qui s’est frotté contre un arbre pour se débarrasser de ses parasites, observent une fourmilière ou repèrent un nid d’oiseau et un terrier de renard. « Pourquoi on a mis du blanc sur un tronc d’arbre ? », demande une petite fille. « C’est une fiente d’oiseau », corrige Guillaume Humann, l’un des trois écoanimateurs de l’AEV. Les questions fusent : « Comment s’appelle cet arbre ? », « À qui est cette plume ? », « Et cette crotte ? », « J’ai trouvé une cartouche ! »… Guillaume en profite pour expliquer que, si les chevreuils sont trop nombreux, la chasse est autorisée dans la limite d’un certain quota afin de permettre aux arbres de grandir. C’est aussi l’occasion pour l’écoanimateur de parler des déchets non dégradables et du recyclage. « Ce vécu ancre dans l’esprit une connaissance de la forêt, mais crée aussi des émotions qui vont permettre aux enfants de se sentir partie intégrante d’un tout. Quand on est immergé dans un milieu, on fait moins de différence entre soi et le monde, on est “avec” et non “contre” ou “à côté”. » L’heure du déjeuner a sonné. Pas question de se faire servir ! Chacun prend part aux activités – préparation du repas, vaisselle, tri des déchets qui iront alimenter le compost des locaux de l’AEV –, car il s’agit aussi d’apprendre à vivre ensemble. « Ce camp vise non seulement à sensibiliser les enfants à la protection de la nature, mais également à la vie en collectivité, se réjouit la directrice de l’école, Catherine Ferry. Les élèves expérimentent le vivre-ensemble, l’entraide, le partage et le travail d’équipe. » Une fois la vaisselle rangée, chacun est libre de faire ce qu’il veut. Surprise ! Les enfants demeurent dans leur cocon de toile. Jusqu’à ce que deux d’entre eux se lancent dans la construction d’une cabane, bientôt suivis par leurs camarades. Autour de la cabane,

c’est une histoire qu’ils se racontent et un imaginaire qu’ils se construisent. Le reste de l’après-midi est consacré au thème choisi par Frédéric Holstein, l’enseignant accompagnant : la musique verte. « Il s’agit de fabriquer des instruments avec des éléments naturels, explique Frédéric, mais aussi de comprendre comment fonctionne le son. » Tandis que les uns tapent sur un tronc d’arbre avec un diapason qu’ils plongent ensuite dans un verre d’eau où ils peuvent observer les ondes se former, d’autres écoutent la sève des arbres avec un stéthoscope ou le déplacement d’un scarabée grâce à un amplificateur de sons. Puis, tous en cercle autour du feu, ils identifient sur des photos des instruments à vent, à cordes ou à percussion. « Tout au long de l’année, le son sera à l’honneur, précise Frédéric. Avant les grandes vacances, nous organiserons un spectacle où les enfants liront des histoires aux classes de maternelle en s’accompagnant avec les instruments de musique qu’ils auront fabriqués. »

Exploration nocturne Après le dîner, c’est l’heure du conseil des enfants, qui se tiendra tous les soirs pendant le séjour. Chacun raconte ce qui lui a plu ou déplu dans la journée, ses craintes, ses envies. « C’est un moment important où on leur donne la parole, souligne Catherine Ferry, un temps d’échanges qui leur permet d’exprimer leurs attentes. » Les écoliers participent activement à la vie du campement.

kaizen • mars-avril 2016 • 59


je change

« Toujours avec l'espoir de rencontrer la mer, Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes, Mordant au citron d'or de l'idéal amer. » Stéphane Mallarmé, extrait du poème « Le Guignon », 1862

Je vais bien, le monde va mieux

Son portrait

Les plantes indispensables à votre santé

Connu et apprécié depuis l’Antiquité, le citron – ­Citrus limon – a gardé presque intact son nom latin de Citrus. C’est d’ailleurs le nom de tous les agrumes – famille des Rutacées –, aux fruits juteux entourés d’un zeste coriace ! Parmi eux, le citron compte de très proches cousins, aux propriétés voisines : citron vert – ou lime –, yuzu, combawa…

Le citron

Oh ! Combien de marins, combien de capitaines, ne sont arrivés au port que grâce aux citrons qui les ont empêchés de succomber au manque de vitamines. Depuis, le précieux fruit est devenu si commun dans nos cuisines que l’on a fini par oublier qu’il a acquis, sous le soleil du Sud, le statut de petite panacée du quotidien. Texte : Sylvie Hampikian • Photos : Olivier Degorce 64 • kaizen • numéro 25

Ses propriétés La vitamine C, c’est sa richesse. Non qu’il en soit le champion absolu, puisqu’il est battu entre autres par le kiwi, mais il fait bien partie du top 10 et apporte cette vitamine sous une forme parfaitement assimilée – ou biodisponible. Il est aussi une source de vitamines du groupe B, de fibres et de minéraux. Mais, en plus de son intérêt nutritionnel, le citron est véritablement une plante médicinale : il est digestif, antiseptique, anti-inflammatoire, antiallergique et tonifiant. Il est notamment utile en cas de syndrome grippal. Par sa richesse en antioxydants protecteurs

– flavonoïdes, acide citrique, vitamine C –, il contribue à la santé cardiovasculaire. Enfin, bien que de pH acide, il prévient l’ulcère gastrique et les naturopathes le classent comme alcalinisant 1.

On le prend comment ? Citron frais : pour en tirer bénéfice, inutile de vous forcer à suivre la mode du jus de citron le matin à jeun. Utilisez juste le fruit ou le jus frais le plus souvent possible, dans les plats salés ou sucrés, en l’ajoutant plutôt en fin de cuisson pour ne pas altérer les vitamines. Pensez aussi au citron vert, au combawa et au yuzu pour varier les plaisirs, leurs propriétés étant à peu près équivalentes. Dans le thé, les tisanes – digestives, toniques, antirhumes –, pressez quelques gouttes de citron ou ajoutez une tranche entière et écrasez-la à la cuillère pour libérer le jus et l’essence. Et si vous souffrez d’un mal de gorge, ne courez pas à la pharmacie : le bon vieux gargarisme au citron saura vous soulager. Faites tourner au fond de la gorge, en « grognant » comme un chat grincheux, le mélange suivant avant de le kaizen • mars-avril 2016 • 65


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« Toujours avec l'espoir de rencontrer la mer, Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes, Mordant au citron d'or de l'idéal amer. » Stéphane Mallarmé, extrait du poème « Le Guignon », 1862

Je vais bien, le monde va mieux

Son portrait

Les plantes indispensables à votre santé

Connu et apprécié depuis l’Antiquité, le citron – ­Citrus limon – a gardé presque intact son nom latin de Citrus. C’est d’ailleurs le nom de tous les agrumes – famille des Rutacées –, aux fruits juteux entourés d’un zeste coriace ! Parmi eux, le citron compte de très proches cousins, aux propriétés voisines : citron vert – ou lime –, yuzu, combawa…

Le citron

Oh ! Combien de marins, combien de capitaines, ne sont arrivés au port que grâce aux citrons qui les ont empêchés de succomber au manque de vitamines. Depuis, le précieux fruit est devenu si commun dans nos cuisines que l’on a fini par oublier qu’il a acquis, sous le soleil du Sud, le statut de petite panacée du quotidien. Texte : Sylvie Hampikian • Photos : Olivier Degorce 64 • kaizen • numéro 25

Ses propriétés La vitamine C, c’est sa richesse. Non qu’il en soit le champion absolu, puisqu’il est battu entre autres par le kiwi, mais il fait bien partie du top 10 et apporte cette vitamine sous une forme parfaitement assimilée – ou biodisponible. Il est aussi une source de vitamines du groupe B, de fibres et de minéraux. Mais, en plus de son intérêt nutritionnel, le citron est véritablement une plante médicinale : il est digestif, antiseptique, anti-inflammatoire, antiallergique et tonifiant. Il est notamment utile en cas de syndrome grippal. Par sa richesse en antioxydants protecteurs

– flavonoïdes, acide citrique, vitamine C –, il contribue à la santé cardiovasculaire. Enfin, bien que de pH acide, il prévient l’ulcère gastrique et les naturopathes le classent comme alcalinisant 1.

On le prend comment ? Citron frais : pour en tirer bénéfice, inutile de vous forcer à suivre la mode du jus de citron le matin à jeun. Utilisez juste le fruit ou le jus frais le plus souvent possible, dans les plats salés ou sucrés, en l’ajoutant plutôt en fin de cuisson pour ne pas altérer les vitamines. Pensez aussi au citron vert, au combawa et au yuzu pour varier les plaisirs, leurs propriétés étant à peu près équivalentes. Dans le thé, les tisanes – digestives, toniques, antirhumes –, pressez quelques gouttes de citron ou ajoutez une tranche entière et écrasez-la à la cuillère pour libérer le jus et l’essence. Et si vous souffrez d’un mal de gorge, ne courez pas à la pharmacie : le bon vieux gargarisme au citron saura vous soulager. Faites tourner au fond de la gorge, en « grognant » comme un chat grincheux, le mélange suivant avant de le kaizen • mars-avril 2016 • 65


je change

DIY

Do It Yourself

Construire des nichoirs à abeilles solitaires

90 % des abeilles sauvages sont solitaires, c’est-à-dire qu’elles vivent et travaillent seules. Leur rôle est essentiel, car elles pollinisent de nombreuses plantes boudées par les abeilles domestiques. Du fait de la dégradation de leur milieu de vie, les abeilles solitaires subissent un fort déclin. En leur installant des nichoirs, nous pouvons favoriser leur préservation. Texte : Aurélie Aimé • Photos : Jérômine Dérigny

I

l existe environ 800 espèces d’abeilles solitaires en France. Pourtant, on les remarque beaucoup moins que leurs cousines, les abeilles domestiques, dites sociales, qui vivent dans les ruches. N’ayant pas de miel à défendre, les espèces solitaires sont peu agressives. Vous identifierez peut-être l’abeille maçonne, qui est velue, noire et rousse, ou l'abeille charpentière, très grosse et noire, plus facile à apercevoir. Les abeilles solitaires recherchent de petites cavités pour pondre leurs œufs. 70 % d’entre elles optent pour de la terre recouverte d’un peu de végétation. Les autres font leurs nids dans les tunnels d’insectes en tous genres, dans du bois mort ou dans les tiges de plantes creuses ou pleines – dites tiges à moelle. Les abeilles solitaires trouvent de moins en moins ces éléments dans la nature. Pourtant, leur survie est capitale, car elles sont les seules à polliniser certaines espèces de plantes. Alors, comment faire pour les aider ? Si vous possédez un jardin, commencez par bannir les insecticides, pesticides et autres produits chimiques dont la substance active pénètre dans les plantes. Si vous souhaitez passer la tondeuse, faites-le tôt le matin ou le soir, pour ne pas déranger les insectes.

Si possible, songez également à étaler les floraisons au maximum sur l'année pour proposer du nectar le plus longtemps possible. Favorisez les aromates – menthe, origan, sauge, sarriette, thym, bourrache... –, ainsi que les plantes de prédilection des solitaires : lavande, achillée, marguerite, lupin, verge d'or, corbeille d’or, serpolet, pois de senteur, campanule, cosmos, souci, coquelicot, digitale, angélique, fenouil… Pour multiplier les lieux de nidification, vous pouvez opter pour des plantes à moelle – rosier, buddleia, hydrangea, framboisier, deutzia, symphorine, ronce, sureau, fusain… – ou à tiges creuses. Par ailleurs, ne supprimez plus les « mauvaises herbes » – berce, chélidoine, lierre terrestre, pâquerette, pissenlit, bouton d’or, tanaisie… – qui font le régal des abeilles solitaires. Enfin, avec quelques éléments de récupération ou un simple tronçon de bois, vous pouvez leur construire vous-même un abri et ainsi participer à leur préservation. Explications en images... ■

kaizen • mars-avril 2016 • 69


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DIY

Do It Yourself

Construire des nichoirs à abeilles solitaires

90 % des abeilles sauvages sont solitaires, c’est-à-dire qu’elles vivent et travaillent seules. Leur rôle est essentiel, car elles pollinisent de nombreuses plantes boudées par les abeilles domestiques. Du fait de la dégradation de leur milieu de vie, les abeilles solitaires subissent un fort déclin. En leur installant des nichoirs, nous pouvons favoriser leur préservation. Texte : Aurélie Aimé • Photos : Jérômine Dérigny

I

l existe environ 800 espèces d’abeilles solitaires en France. Pourtant, on les remarque beaucoup moins que leurs cousines, les abeilles domestiques, dites sociales, qui vivent dans les ruches. N’ayant pas de miel à défendre, les espèces solitaires sont peu agressives. Vous identifierez peut-être l’abeille maçonne, qui est velue, noire et rousse, ou l'abeille charpentière, très grosse et noire, plus facile à apercevoir. Les abeilles solitaires recherchent de petites cavités pour pondre leurs œufs. 70 % d’entre elles optent pour de la terre recouverte d’un peu de végétation. Les autres font leurs nids dans les tunnels d’insectes en tous genres, dans du bois mort ou dans les tiges de plantes creuses ou pleines – dites tiges à moelle. Les abeilles solitaires trouvent de moins en moins ces éléments dans la nature. Pourtant, leur survie est capitale, car elles sont les seules à polliniser certaines espèces de plantes. Alors, comment faire pour les aider ? Si vous possédez un jardin, commencez par bannir les insecticides, pesticides et autres produits chimiques dont la substance active pénètre dans les plantes. Si vous souhaitez passer la tondeuse, faites-le tôt le matin ou le soir, pour ne pas déranger les insectes.

Si possible, songez également à étaler les floraisons au maximum sur l'année pour proposer du nectar le plus longtemps possible. Favorisez les aromates – menthe, origan, sauge, sarriette, thym, bourrache... –, ainsi que les plantes de prédilection des solitaires : lavande, achillée, marguerite, lupin, verge d'or, corbeille d’or, serpolet, pois de senteur, campanule, cosmos, souci, coquelicot, digitale, angélique, fenouil… Pour multiplier les lieux de nidification, vous pouvez opter pour des plantes à moelle – rosier, buddleia, hydrangea, framboisier, deutzia, symphorine, ronce, sureau, fusain… – ou à tiges creuses. Par ailleurs, ne supprimez plus les « mauvaises herbes » – berce, chélidoine, lierre terrestre, pâquerette, pissenlit, bouton d’or, tanaisie… – qui font le régal des abeilles solitaires. Enfin, avec quelques éléments de récupération ou un simple tronçon de bois, vous pouvez leur construire vous-même un abri et ainsi participer à leur préservation. Explications en images... ■

kaizen • mars-avril 2016 • 69


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Nos bonnes adresses

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Chambéry Chambéry, capitale des alternatives ? Peut-être ! La Cité des ducs déborde d’initiatives positives. Une multitude de lieux pour vivre (déjà) autrement vous y attend. Texte et photos : Pascal Greboval • Dessin : Manu Thuret

Manger En plein centre, au bout de la place Saint-Léger, se côtoient deux belles vitrines : À l’herboristerie e et Le Café botanique. Dans les deux établissements, le même esprit règne, celui d’Yves Yger. Natif de Bretagne, pharmacien pendant 25 ans du côté de Guingamp, Yves voulait « vivre à la montagne » et en avait assez « de vendre des produits qui n’avaient pas vraiment de sens ». C’est ainsi que l’ex-pharmacien est devenu un peu par hasard herboriste et restaurateur. Le hasard faisant toujours bien les choses, deux bonnes adresses sont nées : l’une où trouver des plantes, des tisanes et des conseils avertis pour votre santé, et l’autre où manger de bons plats équilibrés. Et, comme Yves a de multiples talents, il anime des causeries botaniques pour vous initier aux miracles de la nature. 72 • kaizen • numéro 25

« Il ne suffit pas d’être ingénieur, il faut être ingénieux » : voilà qui pourrait être la devise de Pascale. Titulaire d’un DEA en pollution atmosphérique, mais avec un horizon professionnel bouché, la jeune femme crée l’association La Mandragore (lire plus bas) pour sensibiliser à l’écologie via l’alimentation. Pour ce faire, elle se met à organiser des buffets, un exercice que cette passionnée de cuisine goûte avec plaisir. Encouragée par le succès rencontré, elle décide de faire un pas de plus en 2009 et ouvre Biodîner r, un petit restaurant-traiteur dont la cuisine bio et locale est à forte teinte végétarienne. De passage en centre-ville ou pour vos réceptions, c’est assurément l’adresse qu’il vous faut ! Du local pour vos papilles et vos oreilles ? C’est possible au Bruit qui court, un café-restaurant « ouvert sur le monde » en mode slow. Amorcé par quatre copains et géré en Scop, ce lieu éthique et solidaire sert une cuisine faite maison avec les produits de la

région sur fond de concerts avec des artistes locaux, de soirées danse ou, plus inattendu, d’apéros tricot. C’est aussi ici que sont distribués les paniers d’une Amap chambérienne. Bref, un endroit à fréquenter sans modération. Venez prendre une tarte t, telle est l’invitation de Georges et Nathalie qui, dans leur petite échoppe, vendent des tartes – CQFD – réalisées avec des produits locaux et bio. À déguster sur le pouce ou à emporter. Georges est présent, avec d’autres producteurs bio plus ou moins nombreux selon la saison, sur le marché bio qui a lieu tous les jeudis après-midi sur la place du Palais de justice. Juste derrière cette place, aux beaux jours, vous trouverez un restaurant à ciel ouvert : La Charrette du potager. Comme le nom l’indique, Yolaine et Carole proposent du matin au soir des repas 100 % bio et végétariens faits maison, enfin… sur une petite charrette ! Depuis 1983, La Cantine savoyarde a mis en place un système simple et plein de bon sens : récupérer les plats non servis en milieu scolaire pour les fournir « retravaillés » aux personnes en situation de précarité. « Ce ne sont pas des retours d'assiette. Les plats récupérés n'ont pas franchi la barrière du self-service », précise Alain d'Estournelles, directeur de La Cantine savoyarde. Résultat, en moyenne, la cantine sert 62 500 repas par an, soit 171 repas par jour !

Liens en tout genre Originaires du Québec, les premières Accorderies françaises ont vu le jour en 2011 à Paris et Chambéry. Née d'un jeu de mots, l’Accorderie désigne un réseau local où des particuliers – les Accordeur(e)s – « s'accordent » pour échanger des services sans avoir recours à l'argent. Quelle que soit la faveur échangée, une heure de temps fournie donne droit à une heure de service. Chacun fait pour les autres ce qu'il sait faire selon ses disponibilités : des conseils pour cuisiner, la restauration de meubles, l’apprentissage de sports, etc. Quand un Accordeur rend un service, il reçoit du bénéficiaire un chèque-temps qu'il pourra utiliser plus tard pour demander à d'autres un coup de main. Le principe est simple, démocratique et solidaire. Il met en place un système économique alternatif qui repose sur la création d’une nouvelle forme de richesse égalitaire. C’est ouvert à tous et à toutes… Depuis 2001, l’association La Mandragore contribue à éveiller la population à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Et l’éventail des outils utilisés pour satisfaire cet objectif est large. Avec les talents et les compétences de ses adhérents, La Mandragore organise des stages pratiques d’échange et d’apprentissage de savoir-faire : meubles en carton, produits cosmétiques, cuisine, couches lavables, etc. Des ateliers sont proposés aux enseignants et ani-

mateurs pour permettre une sensibilisation des enfants aux enjeux environnementaux. Enfin, les adhérents peuvent acheter des produits bio moins cher grâce au groupement d’achats mis en place par l’association. Le Café bonnes nouvelles, c’est Kaizen version arbre à palabres. Depuis janvier 2012, cinq fois par an, ce collectif invite qui veut à partager, le temps d’une soirée, des bonnes nouvelles pour changer de regard et se tourner vers des initiatives inspirantes. Envie d’apprendre à jardiner et de mettre en place un jardin partagé, quel que soit votre statut – particulier, association ou collectivité ? L'association Savoie vivante vous accompagne dans toutes vos approches autour du vivant et du jardin en particulier. Lieu de gratuité par excellence, Savoie récup récupère tout type d’objets du quotidien réutilisables : vaisselle, bibelots, livres, vélos, linge, habits, décorations, jeux, jouets, petits meubles pour les redonner gratuitement.

Culture C’est parce qu’il avait « envie de planer un peu plus » qu’Alain a quitté le secteur de l’aérospatial dans lequel il a travaillé pendant quinze ans pour ouvrir la Librairie Le Bois d'amarante u. Outre trois fortes thématiques valorisées – nature, environnement et voyage –, Alain revendique « ne vendre que les livres qu[’il] souhaite » pour sortir du cercle infernal des offices et des retours. En entrant ici, vous discuterez avec un passionné qui vous aiguillera au travers des rayons. Alain organise aussi des rencontres-dégustations avec des auteurs locaux et nationaux.

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Chambéry Chambéry, capitale des alternatives ? Peut-être ! La Cité des ducs déborde d’initiatives positives. Une multitude de lieux pour vivre (déjà) autrement vous y attend. Texte et photos : Pascal Greboval • Dessin : Manu Thuret

Manger En plein centre, au bout de la place Saint-Léger, se côtoient deux belles vitrines : À l’herboristerie e et Le Café botanique. Dans les deux établissements, le même esprit règne, celui d’Yves Yger. Natif de Bretagne, pharmacien pendant 25 ans du côté de Guingamp, Yves voulait « vivre à la montagne » et en avait assez « de vendre des produits qui n’avaient pas vraiment de sens ». C’est ainsi que l’ex-pharmacien est devenu un peu par hasard herboriste et restaurateur. Le hasard faisant toujours bien les choses, deux bonnes adresses sont nées : l’une où trouver des plantes, des tisanes et des conseils avertis pour votre santé, et l’autre où manger de bons plats équilibrés. Et, comme Yves a de multiples talents, il anime des causeries botaniques pour vous initier aux miracles de la nature. 72 • kaizen • numéro 25

« Il ne suffit pas d’être ingénieur, il faut être ingénieux » : voilà qui pourrait être la devise de Pascale. Titulaire d’un DEA en pollution atmosphérique, mais avec un horizon professionnel bouché, la jeune femme crée l’association La Mandragore (lire plus bas) pour sensibiliser à l’écologie via l’alimentation. Pour ce faire, elle se met à organiser des buffets, un exercice que cette passionnée de cuisine goûte avec plaisir. Encouragée par le succès rencontré, elle décide de faire un pas de plus en 2009 et ouvre Biodîner r, un petit restaurant-traiteur dont la cuisine bio et locale est à forte teinte végétarienne. De passage en centre-ville ou pour vos réceptions, c’est assurément l’adresse qu’il vous faut ! Du local pour vos papilles et vos oreilles ? C’est possible au Bruit qui court, un café-restaurant « ouvert sur le monde » en mode slow. Amorcé par quatre copains et géré en Scop, ce lieu éthique et solidaire sert une cuisine faite maison avec les produits de la

région sur fond de concerts avec des artistes locaux, de soirées danse ou, plus inattendu, d’apéros tricot. C’est aussi ici que sont distribués les paniers d’une Amap chambérienne. Bref, un endroit à fréquenter sans modération. Venez prendre une tarte t, telle est l’invitation de Georges et Nathalie qui, dans leur petite échoppe, vendent des tartes – CQFD – réalisées avec des produits locaux et bio. À déguster sur le pouce ou à emporter. Georges est présent, avec d’autres producteurs bio plus ou moins nombreux selon la saison, sur le marché bio qui a lieu tous les jeudis après-midi sur la place du Palais de justice. Juste derrière cette place, aux beaux jours, vous trouverez un restaurant à ciel ouvert : La Charrette du potager. Comme le nom l’indique, Yolaine et Carole proposent du matin au soir des repas 100 % bio et végétariens faits maison, enfin… sur une petite charrette ! Depuis 1983, La Cantine savoyarde a mis en place un système simple et plein de bon sens : récupérer les plats non servis en milieu scolaire pour les fournir « retravaillés » aux personnes en situation de précarité. « Ce ne sont pas des retours d'assiette. Les plats récupérés n'ont pas franchi la barrière du self-service », précise Alain d'Estournelles, directeur de La Cantine savoyarde. Résultat, en moyenne, la cantine sert 62 500 repas par an, soit 171 repas par jour !

Liens en tout genre Originaires du Québec, les premières Accorderies françaises ont vu le jour en 2011 à Paris et Chambéry. Née d'un jeu de mots, l’Accorderie désigne un réseau local où des particuliers – les Accordeur(e)s – « s'accordent » pour échanger des services sans avoir recours à l'argent. Quelle que soit la faveur échangée, une heure de temps fournie donne droit à une heure de service. Chacun fait pour les autres ce qu'il sait faire selon ses disponibilités : des conseils pour cuisiner, la restauration de meubles, l’apprentissage de sports, etc. Quand un Accordeur rend un service, il reçoit du bénéficiaire un chèque-temps qu'il pourra utiliser plus tard pour demander à d'autres un coup de main. Le principe est simple, démocratique et solidaire. Il met en place un système économique alternatif qui repose sur la création d’une nouvelle forme de richesse égalitaire. C’est ouvert à tous et à toutes… Depuis 2001, l’association La Mandragore contribue à éveiller la population à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Et l’éventail des outils utilisés pour satisfaire cet objectif est large. Avec les talents et les compétences de ses adhérents, La Mandragore organise des stages pratiques d’échange et d’apprentissage de savoir-faire : meubles en carton, produits cosmétiques, cuisine, couches lavables, etc. Des ateliers sont proposés aux enseignants et ani-

mateurs pour permettre une sensibilisation des enfants aux enjeux environnementaux. Enfin, les adhérents peuvent acheter des produits bio moins cher grâce au groupement d’achats mis en place par l’association. Le Café bonnes nouvelles, c’est Kaizen version arbre à palabres. Depuis janvier 2012, cinq fois par an, ce collectif invite qui veut à partager, le temps d’une soirée, des bonnes nouvelles pour changer de regard et se tourner vers des initiatives inspirantes. Envie d’apprendre à jardiner et de mettre en place un jardin partagé, quel que soit votre statut – particulier, association ou collectivité ? L'association Savoie vivante vous accompagne dans toutes vos approches autour du vivant et du jardin en particulier. Lieu de gratuité par excellence, Savoie récup récupère tout type d’objets du quotidien réutilisables : vaisselle, bibelots, livres, vélos, linge, habits, décorations, jeux, jouets, petits meubles pour les redonner gratuitement.

Culture C’est parce qu’il avait « envie de planer un peu plus » qu’Alain a quitté le secteur de l’aérospatial dans lequel il a travaillé pendant quinze ans pour ouvrir la Librairie Le Bois d'amarante u. Outre trois fortes thématiques valorisées – nature, environnement et voyage –, Alain revendique « ne vendre que les livres qu[’il] souhaite » pour sortir du cercle infernal des offices et des retours. En entrant ici, vous discuterez avec un passionné qui vous aiguillera au travers des rayons. Alain organise aussi des rencontres-dégustations avec des auteurs locaux et nationaux.

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Cuisine

Le plantain

… un champignon végétal en bord de chemin

Trousse de secours des randonneurs, savoureux légume aux notes terrestres, bio-indicateur pour les sols et garde-manger des oiseaux et des chenilles, le plantain est toujours placé en haut du panier de l'amateur de cueillette sauvage. Textes et photos : Linda Louis

Sauvage & délicieux !

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l ne paie pas de mine, avec ses feuilles nervurées et ses drôles de boutons floraux. Les mauvaises langues prétendront même qu'il ne vaut pas une ortie ou un pissenlit ! Et pourtant, le plantain mérite que l'on se penche sur lui, à l'image d'un acteur qui brille dans un second rôle. Ses vertus médicinales sont remarquables, sa saveur de champignon indéniable, la facilité à le reconnaître et le trouver appréciable. On rencontre le plantain abondamment et dans tous les biotopes, à l'exception du milieu forestier. Bien qu'il existe en France une vingtaine d'espèces, ramassez de préférence les trois plus connues – majeur, intermédiaire et lancéolé –, car les autres sont souvent inféodées à des milieux spécifiques parfois protégés – bord de mer, montagne, région méditerranéenne... Vous les trouverez sur les bords des chemins, dans les jardins, les prairies, partout où les êtres humains, leurs machines ou les animaux circulent. Les fanas de pelouse aux allures de moquette ont beau tondre et retondre, le plantain repousse inexorablement. En effet, plus le sol est tassé, plus le plantain prospère, avec pour mission de décompacter le sol. Dans les zones les plus piétinées pousse en premier lieu le plantain majeur – aux feuilles et aux racines plus larges –, dans les zones moyennement sollicitées le plantain intermédiaire, et dans les coins les plus tranquilles le plantain lancéolé – aux feuilles fines. On peut ainsi deviner les chemins de circulation les plus empruntés. Le plantain joue exactement ce même rôle d’« aération » sur notre organisme lorsqu'il est soumis aux phénomènes d'allergies comme l'urticaire et l’œdème liés à des piqûres d'ortie ou d'insecte. Les tissus engorgés par la production d'histamine, une molécule impliquée dans le déclenchement de réactions inflammatoires, sont « décompactés » grâce aux principes actifs de la plante. Pour finir, mémorisez ces petites rimes utiles : « L'herbe aux cinq coutures 1 agit sur les piqûres, les coupures et les petites blessures, elle soulage les troubles oculaires, urinaires et pulmonaires. » Vertus thérapeutiques et médicinales La plante excelle dans la lutte contre les symptômes allergiques, les infections cutanées, oculaires et de la gorge, la toux, la constipation et l'inconfort urinaire.

Identification de Plantago major (Plantaginacées) Plante vivace de 10 à 50 cm de hauteur portant une inflorescence en forme d'épi cylindrique. Feuilles de 5 à 20 cm de long larges et ovales, vert mat, assez épaisses, rarement velues, marquées de 5 à 9 nervures parallèles bien visibles, avec un pétiole de 3 à 7 cm de long. Inflorescence en forme d'épi fin et cylindrique de 4 à 12 cm de long, vert tendre et lisse à l'état jeune, vert jaunâtre à la floraison, puis teintée de marron à la formation des graines. Habitat dans les jardins, au bord des chemins, dans les prairies au sol plus ou moins compacté et dans les lieux incultes. Récolte de mars à novembre des feuilles avant la floraison, des boutons de fleurs encore verts, pleins et fermes – non fleuris, sans quoi ils sont amers. Autres variétés de plantain Plantago media – plantain intermédiaire : feuilles moins grosses que le plantain majeur, légèrement velues, sessiles – sans pétiole – ou ayant un pétiole large et court, formant une rosette basale très plaquée au sol ; inflorescence plus courte que le plantain majeur. Plantago lanceolata – plantain lancéolé : feuilles longues, fines, en forme de lance ; petite inflorescence en forme d'épi ovoïde. Plantago coronopus – plantain corne-de-cerf ou maraîcher : feuilles très fines dont la forme évoque les bois d'un cervidé, velues ; inflorescence proche de celle du plantain majeur. Toutes les variétés de plantain sont comestibles. Le psyllium blond, alicament apprécié des végétaliens, est également un plantain – variétés indiennes et pakistanaises.

- Piqûres – ortie, abeille et autres hyménoptères, après retrait du dard –, coupures et petits bobos : frottez quelques feuilles sur la zone concernée afin de laisser pénétrer le suc vert : effet instantané, à renouveler en cas de besoin. Ou mixez les feuilles avec un peu d'huile, appliquez et laissez agir. - Orgelet, crasse dans l'œil ou problème oculaire : infusion de tisane – 30 g de feuilles fraîches par litre d'eau bouillante – à imbiber une fois refroidie sur une compresse ou à appliquer en bain d'œil, 4 fois par jour. - Toux et maux de gorge : sirop de plantain réalisé en faisant bouillir 100 g de feuilles fraîches dans 500 ml d'eau pendant 10 minutes, en laissant reposer une nuit et en refaisant bouillir le lendemain avec kaizen • mars-avril 2016 • 77


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Cuisine

Le plantain

… un champignon végétal en bord de chemin

Trousse de secours des randonneurs, savoureux légume aux notes terrestres, bio-indicateur pour les sols et garde-manger des oiseaux et des chenilles, le plantain est toujours placé en haut du panier de l'amateur de cueillette sauvage. Textes et photos : Linda Louis

Sauvage & délicieux !

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l ne paie pas de mine, avec ses feuilles nervurées et ses drôles de boutons floraux. Les mauvaises langues prétendront même qu'il ne vaut pas une ortie ou un pissenlit ! Et pourtant, le plantain mérite que l'on se penche sur lui, à l'image d'un acteur qui brille dans un second rôle. Ses vertus médicinales sont remarquables, sa saveur de champignon indéniable, la facilité à le reconnaître et le trouver appréciable. On rencontre le plantain abondamment et dans tous les biotopes, à l'exception du milieu forestier. Bien qu'il existe en France une vingtaine d'espèces, ramassez de préférence les trois plus connues – majeur, intermédiaire et lancéolé –, car les autres sont souvent inféodées à des milieux spécifiques parfois protégés – bord de mer, montagne, région méditerranéenne... Vous les trouverez sur les bords des chemins, dans les jardins, les prairies, partout où les êtres humains, leurs machines ou les animaux circulent. Les fanas de pelouse aux allures de moquette ont beau tondre et retondre, le plantain repousse inexorablement. En effet, plus le sol est tassé, plus le plantain prospère, avec pour mission de décompacter le sol. Dans les zones les plus piétinées pousse en premier lieu le plantain majeur – aux feuilles et aux racines plus larges –, dans les zones moyennement sollicitées le plantain intermédiaire, et dans les coins les plus tranquilles le plantain lancéolé – aux feuilles fines. On peut ainsi deviner les chemins de circulation les plus empruntés. Le plantain joue exactement ce même rôle d’« aération » sur notre organisme lorsqu'il est soumis aux phénomènes d'allergies comme l'urticaire et l’œdème liés à des piqûres d'ortie ou d'insecte. Les tissus engorgés par la production d'histamine, une molécule impliquée dans le déclenchement de réactions inflammatoires, sont « décompactés » grâce aux principes actifs de la plante. Pour finir, mémorisez ces petites rimes utiles : « L'herbe aux cinq coutures 1 agit sur les piqûres, les coupures et les petites blessures, elle soulage les troubles oculaires, urinaires et pulmonaires. » Vertus thérapeutiques et médicinales La plante excelle dans la lutte contre les symptômes allergiques, les infections cutanées, oculaires et de la gorge, la toux, la constipation et l'inconfort urinaire.

Identification de Plantago major (Plantaginacées) Plante vivace de 10 à 50 cm de hauteur portant une inflorescence en forme d'épi cylindrique. Feuilles de 5 à 20 cm de long larges et ovales, vert mat, assez épaisses, rarement velues, marquées de 5 à 9 nervures parallèles bien visibles, avec un pétiole de 3 à 7 cm de long. Inflorescence en forme d'épi fin et cylindrique de 4 à 12 cm de long, vert tendre et lisse à l'état jeune, vert jaunâtre à la floraison, puis teintée de marron à la formation des graines. Habitat dans les jardins, au bord des chemins, dans les prairies au sol plus ou moins compacté et dans les lieux incultes. Récolte de mars à novembre des feuilles avant la floraison, des boutons de fleurs encore verts, pleins et fermes – non fleuris, sans quoi ils sont amers. Autres variétés de plantain Plantago media – plantain intermédiaire : feuilles moins grosses que le plantain majeur, légèrement velues, sessiles – sans pétiole – ou ayant un pétiole large et court, formant une rosette basale très plaquée au sol ; inflorescence plus courte que le plantain majeur. Plantago lanceolata – plantain lancéolé : feuilles longues, fines, en forme de lance ; petite inflorescence en forme d'épi ovoïde. Plantago coronopus – plantain corne-de-cerf ou maraîcher : feuilles très fines dont la forme évoque les bois d'un cervidé, velues ; inflorescence proche de celle du plantain majeur. Toutes les variétés de plantain sont comestibles. Le psyllium blond, alicament apprécié des végétaliens, est également un plantain – variétés indiennes et pakistanaises.

- Piqûres – ortie, abeille et autres hyménoptères, après retrait du dard –, coupures et petits bobos : frottez quelques feuilles sur la zone concernée afin de laisser pénétrer le suc vert : effet instantané, à renouveler en cas de besoin. Ou mixez les feuilles avec un peu d'huile, appliquez et laissez agir. - Orgelet, crasse dans l'œil ou problème oculaire : infusion de tisane – 30 g de feuilles fraîches par litre d'eau bouillante – à imbiber une fois refroidie sur une compresse ou à appliquer en bain d'œil, 4 fois par jour. - Toux et maux de gorge : sirop de plantain réalisé en faisant bouillir 100 g de feuilles fraîches dans 500 ml d'eau pendant 10 minutes, en laissant reposer une nuit et en refaisant bouillir le lendemain avec kaizen • mars-avril 2016 • 77


je change

MARS [CONFÉRENCE KAIZEN] 3 mars à 19 h / Marseille Que dit la quantique ? Avec Philippe Guillemant et Maxence Layet La Friche - Réservations : www.kaizen-magazine.com/conferences

DU 13 AU 15 AVRIL

5 et 6 mars / La Roche-sur-Grane (26) Stage Psychologie & coopération : un stage pour s’interroger sur l’écologie relationnelle. www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05

AU THÉÂTRE D’ANNONAY (ARDÈCHE).

[KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE] 11 au 14 mars / Paris Salon Vivre autrement, 29e édition Parc Floral - 75010 www.salon-vivreautrement.com

PIERRE RABHI, THIERRY JANSSEN, PASCAL LÉGITIMUS, FRANCE GUILLAIN, LAURENCE SALOMON, PATRICK VIVERET…

17 au 20 mars / Paris Salon Destinations nature, 32e édition. Le salon des randonnées, des sports et des voyages nature. Paris Expo Porte de Versailles - 75015 www.randonnee-nature.com

présenté par Aurélie Godefroy et Anne Ghesquière

Conférences, dégustations, projections, rencontres, dédicaces autour du thème

L’AGENDA KAIZEN 2016 MARS - AVRIL

"LE BONHEUR EST DANS L’ASSIETTE" Plus d’infos sur : WWW.LABIODANSLESETOILES.COM

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mars 2016

29 e édition Parc Floral de Paris

18 et 19 mars / Paris Printemps de l’optimisme Conseil économique, social et environnemental - 75016 www.printempsdeloptimisme.com

Château de Vincennes Horaires : 10h30 – 19h / 18h le lundi

18 au 20 mars / Lyon (69) Salon du randonneur, 10e édition Centre de congrès www.randonnee.org

Vivre Autrement l e

s a l o n

13 au 15 avril / Annonay (07) Festival la Bio dans les étoiles Thème : Le bonheur est dans l’assiette. Avec Pierre Rabhi, France Guillain, Laurence Salomon, Thierry Janssen… www.labiodanslesetoiles.com

23 mars / La Roche-sur-Grane (26) Atelier École du Colibri et pédagogie de la coopération avec Isabelle Peloux. Vous seront présentés la pédagogie et les outils mis en œuvre au sein de l'école du Colibri : éducation à la paix, coopération, gestion mentale... www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05

17 au 21 avril / Montlahuc et Die (26) Parkours Accompagner une éducation différente. Porteurs de projets ou enseignants en poste, ces journées proposent de vivre l’école autrement. Intervenante : Muriel Fifils, directrice de l’école primaire Caminando. www.ecolenaturesavoirs.com 04 75 21 43 84

31 mars au 3 avril / Grenoble (38) Salon du Bois et de l’Habitat, 16e édition Alpexpo salondubois.com

RENDEZ-VOUS

Conférences gratuites et réservations conseillées

RS CO U PAR VINS DES O BI

[CONFÉRENCE KAIZEN] 23 mars à 19 h 30 / Paris Travailler moins pour vivre mieux ? Avec Dominique Méda, philosophe et sociologue, Paul Jorion, chercheur en sciences sociales, et Manuel Brunet, cofondateur d’Arcadie. Conférence animée par Cyril Dion. Goethe-Institut - 17, avenue d’Iéna 75116 - Réservations : www.kaizen-magazine.com/conferences

18 au 20 mars / Grimaud (83) Salon La Vie autrement www.bio-logiques.fr 18 au 20 mars / Charleroi (Belgique) Salon Bio Foodle, 7e édition Charleroi Expo www.biofoodle.be

é t h i q u e & b i o

19 mars à 20 h 30 / Monde entier Le WWF appelle les citoyens à couper l'électricité partout dans le monde pendant une heure, pour célébrer leur engagement pour la planète. www.earthhour.fr

pour 2 personnes ou à télécharger sur www.salon-vivreautrement.com

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Votre entrée gratuite

20 au 30 mars / France et monde Semaine pour les alternatives aux pesticides, 11e édition www.semaine-sans-pesticides.fr

AVRIL 1er avril au 1er mai / Vannes (56) Festival Photo de Mer, 12e édition www.photodemer.fr

15 au 17 avril / Metz (57) Salon Bio&Co, 3e édition Parc des expositions www.salonbioeco.com

PASSEZ À L’ACTE ! Sentez-vous ce radoucissement de l’air ? Voyez-vous ces bourgeons qui s’ouvrent peu à peu sur les arbres ? Le printemps est là ! Célébrons le réveil de la nature en allant au plus près d’elle… 12 mars / Paris Atelier du Club des jardiniers Villette : parents et enfants en binôme jardinent un potager selon des méthodes naturelles. La Villette - 75019 www.lavillette.com • 01 40 03 75 89

[KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE] 2 et 3 avril / Paris Salon Veggie world Le Centquatre - 5, rue Curial - 75019 veggieworld.de/fr

26 au 28 mars / Montaigut-sur-Save (31) Stage Identification et utilisation des plantes sauvages les plus courantes. terre-humanisme.org • 04 75 36 65 40

5 au 12 avril / Paris et Île-de-France Festival international du film d'environnement (Fife), 33e édition : une centaine de films seront présentés fife.iledefrance.fr

9 et 10 avril / Lablachère (07) Stage Plantes sauvages comestibles : savoir reconnaître et cuisiner les plantes sauvages utiles au quotidien. terre-humanisme.org • 04 75 36 65 40

8 au 10 avril / Besançon (25) Salon Bio&Co, 9e édition Micropolis www.salonbioeco.com

[SÉJOUR KAIZEN] 20 au 24 avril / Saint-Andéol (26) Séjour Cueillette et cuisine de plantes sauvages à La Lune en bouche. Chaque matin : sortie botanique, cueillette de fleurs, de plantes et fruits sauvages, préparations culinaires… Après-midi : baignade, randonnée, visites, qi gong, atelier pain, atelier pizza… Les repas végétariens et bio sont préparés ensemble. Ce stage sera animé par Paule Donneaud, amoureuse des plantes sauvages depuis toujours. www.kaizen-magazine.com/vacances

12 au 17 avril / La Roche-sur-Grane (26) Forum Éduquer pour élever les consciences : un séminaire d’intelligence collective unique dédié aux professeurs, enseignants, éducateurs et citoyens parents. www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05

LA SÉLECTION BIO & NATURELLE

84 • kaizen • numéro 25

kaizen • mars-avril 2016 • 85


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