Kaizen 29 : Gratuité, le temps du partage

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novembre décembre 2016

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DOSSIER

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LE TEMPS DU PARTAGE

BONNES ADRESSES

KAIZEN NO 29 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016

Laissez les herbes biologiques éveiller votre éclat du matin

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NANCY

Belgique 6,50 € - Suisse 9,40 CHF

RÉFUGIÉS

JACQUES GAMBLIN

OUVRONS NOS CŒURS

LA TERRE À BRAS-LE-CORPS


Magazine bimestriel numéro 29 Novembre-décembre 2016 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Véronique Bury Secrétaire de rédaction Diane Routex Éditeur Web Simon Beyrand Direction artistique • hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Maquette et mise en pages Schuller-Graphic Contact info@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 Abonnements et commandes Camille Gaudy camille@kaizen-magazine.fr 19, rue Martel - 75010 Paris Dessin de couverture : © T0ad Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées

ssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss

Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège social 19, rue Martel 75010 Paris www.kaizen-magazine.com

Édito

Le bonheur est gratuit

Q

uelle est la recette du bonheur ? Entretenir des relations durables et de qualité avec son entourage, nous révèle une étude menée pendant soixante-quinze ans par la Harvard Medical School. Les résultats, basés sur un suivi médical et psychologique d’un groupe de plus de 700 individus, démontrent aussi que la richesse des relations favorise une meilleure santé. Ainsi, nous n’avons pas besoin de grosses voitures, de belles maisons, d’une garde-robe renouvelée chaque saison, non, le bonheur est au bout du lien. On s’en doutait un peu ! Mais que cette étude soit réalisée au pays de l’oncle Picsou, quel pied de nez à la société marchande. Bonne nouvelle, donc. On sait à présent comment être heureux, et c’est gratuit ! Et comme la gratuité est au lien ce que l’œuf est à la poule, indissociable, les deux extrémités d’une même ficelle, nous pouvons tirer sur les deux bouts. Temps, espace, matériel, la palette de la gratuité est polychromatique. C’est ce tableau que nous vous donnons à lire dans ce numéro. Dans le dossier, il est question de dons de livres, de vêtements et autres produits, surplus de la société de consommation. Sous cette forme – gratiférias, Sel, etc. –, la gratuité est un avatar de notre surproduction, elle la régule, en créant du lien, un plus ! La gratuité revêt d’autres aspects encore plus riches. Par exemple, l’hébergement de réfugiés, ou donner de l’espace pour recevoir de l’humanité (lire notre reportage page 52). De toutes les situations présentées comme complexes – surproduction, crise des réfugiés, etc. – on peut donc tirer un bénéfice, en les regardant avec le prisme du don. À nous d’être créatifs et ouverts, car « nous sommes sans limites », nous dit Jacques Gamblin (lire page 8). À l’approche des fêtes de fin d’année, voilà un bel espoir, de beaux cadeaux potentiels. Offrir du lien à tour de bras, c’est du bonheur gratuit garanti. L’équipe de Kaizen vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année.

Pascal Greboval Rédacteur en chef

SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs Groupe HOMMELL Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.

Kaizen, késako ? Kaizen est un mot japonais signifiant littéralement « changement bon ». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un deuxième puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

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kaizen 29

novembre - décembre 2016

6 Dans la boîte aux lettres de Kaizen

UNE AUTRE BANQUE EST POSSIBLE ELLES-ILS FONT LEUR PART

JE SUIS LE CHANGEMENT

8 Rencontre Jacques Gamblin La Terre à bras-le-corps

34 Dossier

68 Je vais bien, le monde va mieux Gardez le souffle, passez au qi gong

13 Les pièces du puzzle Le bénévolat Temps perdu ou temps retrouvé ?

72 Do It Yourself Un vieux jean transformé en trousse des mers

17 Portfolio

76 Nos bonnes adresses Nancy Gratuité, le temps du partage

80 Cuisine

50 Portraits Conteur en milieu hospitalier : des histoires pour recréer du lien 52 Et si on le faisait ensemble ? Accueillir un réfugié chez soi : joie et partages garantis !

L’olive

57 Politisons ! par Cyril Dion

87 Le sourire d’Yvan Saint-Jours

30 La voie du Kaizen Christophe André

58 Goût de l'enfance École des Boutours : l'écologie, c'est classe !

89 Les rendez-vous Kaizen

32 Une nouvelle Le Chaud de la terre par Angélique Villeneuve

63 Vent d’ailleurs Earthships : l’art de recycler pour habiter sain

94 La chronique de Pierre Rabhi

Basile Ducournau Coups de foudre d’un chasseur d’orages 26 Créateurs de culture Clowns sans frontières : du rire pour sécher les larmes

67 Écologie intérieure par Gilles Farcet

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92 Paroles de Colibris

j'ai ouvert

Crédit Coopératif – Société coopérative anonyme de Banque Populaire à capital variable – RCS Nanterre 349 974 931 01213 – APE 6419 Z – N° ORIAS 07 005 463 – 12, boulevard Pesaro – CS 10002 – 92024 Nanterre cedex – Illustration : Artus – L A SU ITE & C O

ELLES-ILS PENSENT DEMAIN

mon compte coMme

on décide de s'ouvrir

aux

autres

#UneAutreBanque


Rencontre

Jacques Gamblin la Terre, à bras-le-corps Fin 2015, Jacques Gamblin en a enthousiasmé et surpris plus d’un avec sa déclaration d’amour faite à la Terre lors du festival de poésie Autrement le monde ?, à Nantes. Pourtant, au bruit médiatique, l’acteur préfère le silence et l’horizon du bord de mer. C’est dans ce cadre qu’il a expliqué patiemment à Kaizen l’attachement profond qui le relie à la planète. Propos recueillis par Pascal Greboval avec Lucile Vannier Photos : Pascal Greboval

Pascal Greboval Pouvez-vous nous raconter la naissance de ce discours – Mon climat – que vous avez prononcé à Nantes ? Jacques Gamblin La Maison des écrivains et de la littérature de Paris a proposé à trente et un écrivains d’écrire un discours sur le climat, j’en faisais partie. Cette commande m’a donné l’occasion de m’exprimer sur la question du climat. Il a fallu que j’évite les pièges du donneur de leçons, de la culpabilisation, de la science quand on n’est pas scientifique... Je ne suis pas certain d’y être parvenu. Ensuite, La Maison de la poésie a demandé à certains d’entre nous de venir lire leur discours au Lieu unique, à Nantes. Il y a eu une captation et ma lecture s’est retrouvée sur Internet. Il y a eu énormément de vues, ça m’a dépassé. Vous n’occupez pas l’espace médiatique en dehors des périodes de promotion de vos films et de vos pièces. Vous attendiez-vous à un tel écho ? En tant qu’acteur, mon rôle est d’apparaître pour jouer des personnages. Il me semble toujours nécessaire qu’il n’y ait pas trop de pollution visuelle de la part de celui qui les incarne pour que ces personnages soient crédibles, aussi je suis parcimonieux avec la représentation, l’apparence. Je tiens à faire 8 • kaizen • numéro 29

croire à mes personnages. D'un seul coup, il y a eu ce discours et je suis apparu comme un citoyen. L’exposition m’a gêné, mais je me suis dit que ça devait en être ainsi, que c’était le moment, même si je ne l’avais pas tout à fait décidé. Passée la colère initiale d’avoir été exposé sans donner mon accord, je suis devenu plutôt heureux d’avoir eu autant de retours positifs. Je pense que les spectateurs ont oublié l’acteur et qu’ils ont vu simplement un homme et ce qui lui tenait à cœur. D’où vous est venue la sensibilité à l’environnement qui émane de ce texte ? L’amour que j’ai de l’écologie vient de très loin, d’une enfance relativement proche de la nature, même si je suis né dans une ville [à Granville, dans la Manche] et de parents commerçants. Mais il y avait la proximité avec la mer, la course à pied, les agriculteurs dans mon entourage familial... Je suis quelqu’un du dehors, j’aime ça, j’en ai besoin. La ville m’oppresse, comme sans doute m’ont oppressé les objets dans la boutique de mes parents. J’étais en prise directe avec la consommation, parallèlement à mon besoin de sortir de ce milieu, de me retrouver dans la nature. Au fond, je ne sais pas comment m’est venu cet amour, quelles kaizen • novembre-décembre 2016 • 9


Rencontre

Jacques Gamblin la Terre, à bras-le-corps Fin 2015, Jacques Gamblin en a enthousiasmé et surpris plus d’un avec sa déclaration d’amour faite à la Terre lors du festival de poésie Autrement le monde ?, à Nantes. Pourtant, au bruit médiatique, l’acteur préfère le silence et l’horizon du bord de mer. C’est dans ce cadre qu’il a expliqué patiemment à Kaizen l’attachement profond qui le relie à la planète. Propos recueillis par Pascal Greboval avec Lucile Vannier Photos : Pascal Greboval

Pascal Greboval Pouvez-vous nous raconter la naissance de ce discours – Mon climat – que vous avez prononcé à Nantes ? Jacques Gamblin La Maison des écrivains et de la littérature de Paris a proposé à trente et un écrivains d’écrire un discours sur le climat, j’en faisais partie. Cette commande m’a donné l’occasion de m’exprimer sur la question du climat. Il a fallu que j’évite les pièges du donneur de leçons, de la culpabilisation, de la science quand on n’est pas scientifique... Je ne suis pas certain d’y être parvenu. Ensuite, La Maison de la poésie a demandé à certains d’entre nous de venir lire leur discours au Lieu unique, à Nantes. Il y a eu une captation et ma lecture s’est retrouvée sur Internet. Il y a eu énormément de vues, ça m’a dépassé. Vous n’occupez pas l’espace médiatique en dehors des périodes de promotion de vos films et de vos pièces. Vous attendiez-vous à un tel écho ? En tant qu’acteur, mon rôle est d’apparaître pour jouer des personnages. Il me semble toujours nécessaire qu’il n’y ait pas trop de pollution visuelle de la part de celui qui les incarne pour que ces personnages soient crédibles, aussi je suis parcimonieux avec la représentation, l’apparence. Je tiens à faire 8 • kaizen • numéro 29

croire à mes personnages. D'un seul coup, il y a eu ce discours et je suis apparu comme un citoyen. L’exposition m’a gêné, mais je me suis dit que ça devait en être ainsi, que c’était le moment, même si je ne l’avais pas tout à fait décidé. Passée la colère initiale d’avoir été exposé sans donner mon accord, je suis devenu plutôt heureux d’avoir eu autant de retours positifs. Je pense que les spectateurs ont oublié l’acteur et qu’ils ont vu simplement un homme et ce qui lui tenait à cœur. D’où vous est venue la sensibilité à l’environnement qui émane de ce texte ? L’amour que j’ai de l’écologie vient de très loin, d’une enfance relativement proche de la nature, même si je suis né dans une ville [à Granville, dans la Manche] et de parents commerçants. Mais il y avait la proximité avec la mer, la course à pied, les agriculteurs dans mon entourage familial... Je suis quelqu’un du dehors, j’aime ça, j’en ai besoin. La ville m’oppresse, comme sans doute m’ont oppressé les objets dans la boutique de mes parents. J’étais en prise directe avec la consommation, parallèlement à mon besoin de sortir de ce milieu, de me retrouver dans la nature. Au fond, je ne sais pas comment m’est venu cet amour, quelles kaizen • novembre-décembre 2016 • 9


Dossier

Gratuité, le temps du partage

Donner est un geste naturel, essentiel, qui cimente les rapports humains. Dans une société dominée par l'argent, la gratuité est la face cachée de l'économie, la base du lien social. Des magasins pour rien aux réseaux de glanage, des marchés gratuits aux logiciels libres, des sites de dons aux échanges de services, partons à la rencontre de celles et ceux qui, au quotidien, jouent la carte de la gratuité. Car donner procure autant de plaisir, sinon plus, que de recevoir. Dossier réalisé par Stéphane Perraud

KAIZEN GRATUIT ? Vanter les mérites de la gratuité dans un magazine payant ne serait-il pas un rien contradictoire ? Certes, oui. Aussi, quand vous aurez lu ce numéro de Kaizen, donnez-le à une personne que vous aimez. Qui, elle-même, l'offrira à l'un de ses proches. Et ainsi de suite. Avec un seul exemplaire,

Dessin : © Julie Graux

créez un cercle vertueux.


Dossier

Gratuité, le temps du partage

Donner est un geste naturel, essentiel, qui cimente les rapports humains. Dans une société dominée par l'argent, la gratuité est la face cachée de l'économie, la base du lien social. Des magasins pour rien aux réseaux de glanage, des marchés gratuits aux logiciels libres, des sites de dons aux échanges de services, partons à la rencontre de celles et ceux qui, au quotidien, jouent la carte de la gratuité. Car donner procure autant de plaisir, sinon plus, que de recevoir. Dossier réalisé par Stéphane Perraud

KAIZEN GRATUIT ? Vanter les mérites de la gratuité dans un magazine payant ne serait-il pas un rien contradictoire ? Certes, oui. Aussi, quand vous aurez lu ce numéro de Kaizen, donnez-le à une personne que vous aimez. Qui, elle-même, l'offrira à l'un de ses proches. Et ainsi de suite. Avec un seul exemplaire,

Dessin : © Julie Graux

créez un cercle vertueux.


Dossier

Gratuité, le temps du partage

des particuliers –, mais il joue clairement un rôle social. « Quoi de plus pertinent que de s'inscrire dans l'économie du don au moment où la financiarisation de l'économie provoque une vaste crise sociale ? », interroge Debora. Si le don n'est pas déconnecté de l'économie, il remet toutefois en cause la notion d'échange, car il n'est pas basé sur la réciprocité, à l'inverse de la vente ou même du troc. Ces systèmes partent du postulat que tout objet ou service a une valeur pour les parties en présence. On ne peut les acquérir qu'en compensant par un échange d'argent, ou éventuellement d'un objet ou d'un service de la même valeur. Pour Mark Boyle, auteur du livre L'Homme sans argent (Les Arènes, 2014), cette réciprocité détruit le lien social : « Imaginez un parent qui présenterait à son enfant pour ses 18 ans la facture de tout ce qu'il lui aurait coûté jusque-là !, écrit-il. Si l'enfant réglait cette somme, il n’aurait plus de “dette” envers son parent, mais il romprait par là tout lien avec lui. Cet exemple nous montre que seul le don sans condition peut faire naître un sentiment de gratitude et permettre le vivre-ensemble. » n

Des magasins pour rien

Servez-vous, c'est gratuit ! Au Siga-Siga, la seule boutique gratuite de Paris, on peut prendre tout ce qu'on veut sans payer. Une autre vision de l'économie.

© Véronique Bury

culture du don que de la gratuité », observe Debora. « Nous voulons casser cette barrière et montrer que l'économie de la gratuité a toute sa place dans la société. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'échanges monétaires que le magasin se situe en dehors du système économique. »

La face cachée de l’économie

Ici, on peut donner sans prendre. Prendre sans donner. Ou les deux…

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La penderie croule sous les vêtements – « On nous en apporte chaque jour des sacs entiers. » – et les étagères sont pleines de jouets et de vaisselle. S'ajoutent des bibelots, du petit électroménager, des bijoux, du matériel sportif, des disques, des DVD, des livres… Pas de doute, nous vivons dans une société d'abondance. « Les visiteurs apportent en moyenne beaucoup plus qu'ils ne prennent. Il faut parfois les encourager à repartir avec quelque chose », s'amuse Debora. En trois ans d'existence, le Siga-Siga est devenu un acteur reconnu de l'économie sociale et solidaire. Il répond à un triple objectif, environnemental, social et citoyen. Les clients se transforment volontiers en bénévoles pour accueillir les nouveaux. « Certaines personnes doivent être accompagnées. Car la gratuité peut faire peur. Au début, elles n'osent rien prendre, même si elles sont dans le besoin. En France, on a davantage la

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Chaque jour, des sacs entiers de vêtements sont donnés…

iga-Siga signifie « doucement-doucement » en grec moderne, le proS jet de magasin gratuit étant né pendant la crise financière grecque. Ce nom exprime la solidarité avec toutes les populations qui font les frais de la financiarisation de l'économie.

POUR ALLER PLUS LOIN - laboutiquesansargent.org

© Véronique Bury

© Véronique Bury

egardez mon blouson ! Il est magnifique, non ? Je l'ai trouvé ici et il ne m'a rien coûté. À chaque fois que je viens, je repars avec un nouveau vêtement. Des magasins comme ça, il en faudrait partout », déclare Christian, 47 ans, qui explique vivre des minima sociaux. « Mais j'apporte un objet de temps en temps. C'est important de donner, même quand on n'a pas grand-chose. » Comme Christian, 800 clients fréquentent chaque semaine le Siga-Siga 1 , la seule boutique sans argent de Paris. Installé dans l'ancienne gare de Reuilly, dans le 12e arrondissement, le lieu connaît un succès croissant. « Nous recevons tous les publics : des précaires, des jeunes branchés, des familles, des retraités… Sans prix, tout le monde se retrouve à égalité. Il n'y a plus de discrimination par l'argent », explique Debora Fischkandl, cofondatrice du lieu. Le fonctionnement du magasin est simple : chacun est invité à venir déposer des objets en bon état dont il n'a plus l'utilité et à prendre ce qui lui fait envie. On peut donner sans prendre, prendre sans donner. Ou les deux. Personne ne vous surveille, l'ambiance est chaleureuse et bienveillante.

Nous touchons là un point essentiel. Le terme « économie » vient du grec ancien οἰκονομία [oikonomía], qui signifie la « gestion de la maison ». Il n'est pas question de rentabilité, mais du souci de consommer de façon juste des biens et des services. Ainsi, le Siga‑Siga n'est pas rentable sur le plan financier – il fonctionne grâce à une subvention de la région Île‑de‑France, des contrats aidés financés par Pôle emploi, un loyer gratuit de la ville de Paris et des dons

© Véronique Bury

R

«

Le Siga-Siga s'inspire du concept de free shop qui serait né aux États-Unis à la fin des années 1960. En France, les magasins gratuits commencent à se développer. La boutique parisienne n'est pas la première du genre. Mulhouse possède depuis 2009 son « Magasin pour rien » et une dizaine d'autres sont répertoriés, à Rennes, Toulouse, Chalon‑sur‑Saône, mais aussi dans des communes plus petites comme Saint-Quay-Portrieux (22), Carignan‑de‑Bordeaux (33), Eybens (38), Ferfay (62) ou Les Angles (66).

… preuve quotidienne que nous vivons dans une société d'abondance.

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« Don après don, nous changeons le monde. »

La gratuité, source de liens L'absence de monnaie crée du lien et de la cohésion sociale. Qu’il s’agisse des Sel – Systèmes d'échange local – ou des Incroyables comestibles, des mouvements permettent de mettre en avant les échanges humains plutôt que l’argent. Et cela n'a pas de prix.

J

«

'avais besoin d'un coup de main pour poncer mon portail. Un adhérent du Sel [Système d'échange local] s'est proposé. En retour, je lui ai prêté ma voiture », témoigne Dominique Saulay, l’une des membres du Sel des Pyrénées. Tout au long de l'année, les 75 adhérents de l'association se rendent ainsi de petits services. Et ce, depuis ­vingt-deux ans ! C'est ici, en Ariège, que le premier Sel français a vu le jour. Le principe : créer des échanges non marchands entre les habitants d'un même territoire avec pour principale ambition de générer des liens. « Nous n'avons rien inventé. Autrefois, on s'entraidait entre voisins. Nous avons ressenti le besoin de renouer ces liens et de les rendre plus visibles », explique Dominique. Question visibilité, c'est une réussite. Il existe aujourd'hui 620 Sel en France  1. Chacun instaure une unité d'échange virtuelle entre ses membres, basée sur le 40 • kaizen • numéro 29

temps. « Chez nous, on compte en grains. Soixante grains équivalent à une heure de service, quel qu'il soit. Une heure de bricolage vaut la même chose qu'une heure de formation linguistique ou une heure de garde d'un animal. Il n'y a plus de riches, plus de pauvres, c'est parfaitement égalitaire. Pour autant, ce n'est pas totalement gratuit, car le système reconnaît la valeur de l'échange entre les personnes. Une valeur avant tout humaine », poursuit-elle. Plus pratique que le troc, qui implique une réciprocité immédiate, le Sel permet de différer les services dans le temps et entre les personnes. Exemple, cet hiver j'apprends le tricot à Marie, qui garde les enfants de Sylvie. Laquelle donne des cours d’informatique à Julien, qui prête sa tondeuse à René. Ce dernier me donnera au printemps un panier de légumes et la boucle sera bouclée ! Lorsqu'il s'agit d'un bien matériel, comme les légumes, la conversion en

don crée une proximité immédiate. Dans certaines villes, des membres organisent des pique-niques Freecycle au cours desquels ils s'échangent objets et vêtements. Dans la société de consommation dans laquelle nous vivons, nous prouvons tous les jours qu'une autre relation aux objets est possible. » freecycle.org

Quelques autres sites de don à visiter : donnons.org, consoglobe.com, recupe.net, co-recyclage.com, gashare.net, nonmarchand.org

grains reste évidemment subjective. L'important n'est pas là, mais dans le lien. « Trop de gens pensent qu'ils n’ont rien d'intéressant à offrir. Ils ne réalisent pas l'étendue de leurs compétences », ajoute Dominique. Savoir réparer un vélo, repasser des chemises, préparer un gâteau, maîtriser Internet ou jardiner sont autant de richesses qu'on peut mettre à disposition d'autrui. « Adhérer à un Sel permet de prendre conscience de sa propre valeur et de trouver sa place dans la société. »

Nourriture à partager Si le Sel induit une forme de réciprocité dans l'échange, il n'en est pas de même avec les Incroyables comestibles. Cette fois, on est dans le don pur et simple. Né en Angleterre en 2008, le principe consiste à proposer des plants de légumes, de fruits ou d'aromatiques en accès libre devant chez soi. Il suffit de poser une jardinière avec un petit panneau « Nourriture à partager ». « Quand j'ai installé mon premier bac de ciboulette au pied de mon immeuble il y a deux ans, je n'attendais rien en retour », se souvient Gaël Lorin, qui vit dans la banlieue de Rennes. « J'ai observé que mes voisins venaient se servir. J'en ai alors parlé en réunion de copropriété et, ensemble, nous avons construit un second bac, avec des fraises, des tomates, des blettes et des courges. On a même planté des framboisiers, des cassissiers et des groseilliers dans la haie. Je peux vous dire que les fruits ne restent pas longtemps ! » Séduits par la démarche, d'autres habitants du quartier se sont lancés dans l'aventure. Gaël a pu picorer des fruits et légumes tout l'été dans les bacs autour de chez lui. Mais, surtout, il a rencontré d'autres amateurs de jardinage insoupçonnés. Ils s'échangent des conseils, des graines, des plants ou des recettes de cuisine. De véritables relations de voisinage se sont © Incroyables comestibles

© Julien Chaillou. Incroyables comestibles

Marina Vaillant a le sens de la formule. Ingénieure à Lannion, en Bretagne, elle a créé en 2006 un site de dons sur sa commune en rejoignant le réseau Freecycle. L’idée est simple. Vous avez un objet à donner ? Proposez-le sur le Net. Un internaute viendra le récupérer pour lui donner une seconde vie. « Dernièrement, j'ai donné de la vaisselle à des étudiants et j'ai récupéré un filet à jouets pour le bain », témoigne Marina. « Lannion est une petite commune. Quand on croise une personne qui nous a donné quelque chose, on lui demande des nouvelles. Le

Créer l'abondance potagère… Ou de simples liens entre voisins.

donc nouées en pleine ville à partir d'un simple bac de ciboulette en accès libre. « Si tout le monde s'y mettait, nous pourrions créer une véritable abondance potagère », assure Jean-Michel Herbillon, cofondateur du mouvement Incroyables comestibles en Alsace en 2012. Mais, dans les faits, l'opération se limite souvent à quelques bacs par village ou quartier. Pas de quoi nourrir la population. « Peu importe, cela permet de poser un acte juste, gratuit et tourné vers l'autre, qui questionne sur la souveraineté alimentaire, poursuit Jean-Michel. La petite salade ou les trois radis qu'on récupère sont d'abord une nourriture intellectuelle. Ils font germer des liens entre les habitants. » n 1

La liste est disponible sur annuairedessel.org.

POUR ALLER PLUS LOIN - lesincroyablescomestibles.fr

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Dossier

Gratuité, le temps du partage financières, écologiques ou simplement humaines, pour voir du monde ! » Le Repair café se double désormais d'un atelier numérique, le Boc@l, dans lequel on peut notamment créer des pièces à partir d'une imprimante 3D afin de réparer un objet abîmé.

Partager des savoirs Dans les ateliers d'autoréparation, des bricoleurs amateurs transmettent gratuitement leurs savoir-faire à leurs voisins. Immersion.

de leur valeur commerciale au profit de leur valeur d'usage. L'échange se fait au poids. « Si j'amène 500 grammes de vis à bois que je n'utilise pas, je peux repartir avec autant de vis pour le plâtre dont j'ai l'utilité », précise Frédéric. La Quincaillerie collaborative dispose actuellement de près de 500 kilos de matériel : des serrures de porte, des charnières, des équerres, des rondelles, des joints, des colliers, des prises électriques et même des pièces pour la voiture et le vélo ! Une balance est mise à disposition et personne ne contrôle qui prend quoi. « Tout est basé sur la confiance, et cela fonctionne très bien », se réjouit Frédéric. « Notre stock a même tendance à grossir, preuve qu'on donne plus qu'on ne prend. Cela rassure sur la nature humaine. » n

Mutualiser la quincaillerie Pour les vis et les boulons, les bénévoles du Repair café de Chemillé vont se servir à la Quincaillerie collaborative, créée à proximité par Frédéric Priou, un ancien menuisier-ébéniste. Une idée aussi simple que géniale. « Je suis parti d'un constat : quand on bricole, on n'a jamais les bons clous, les bons écrous… On doit sans cesse racheter de pleines boîtes qu'on n’utilise qu’à moitié. Plutôt que de les stocker chez soi, autant les mutualiser avec les bricoleurs du voisinage », explique-t-il. Séduit par la démarche, le magasin de matériaux écologiques de la commune a mis gratuitement une partie de son local à disposition. Chacun peut venir se servir librement en fonction de ses besoins. Les pièces sont déconnectées

POUR ALLER PLUS LOIN repaircafe.org www.facebook.com/laquincailleriecollaborative À lire : Stéphane Perraud, Créer un atelier d'autoréparation, mode d'emploi, Les P'tits manuels de Village, 2016

S

on mixeur sous le bras, Karima attend sagement son tour. Dans la salle des fêtes de Neuville-sur-Saône (69), ils sont une petite dizaine de curieux, comme elle, à avoir rejoint ce vendredi soir les bénévoles du Repair café. Un rendez-vous bimensuel où chacun peut venir réparer gratuitement – ou à prix libre – un appareil défectueux. Ancien réparateur à la retraite, Max se pose en adversaire de l'obsolescence programmée. « Aujourd'hui, les objets sont de moins en moins démontables et les services après-vente poussent à racheter du neuf. Pourtant, les pannes sont souvent réparables », assure-t-il en connaisseur. « Je veux transmettre tous les trucs et astuces que j'ai acquis au cours de ma carrière et rendre les gens autonomes. » Il invite Karima à dévisser elle-même son appareil. En quelques secondes, ils trouvent ensemble la « panne » : l'axe refusait de tourner, car il manquait simplement de graisse ! « Nous parvenons à réparer en moins d'une heure plus de 80 % de ce 44 • kaizen • numéro 29

© Éléonore Henry de Frahan

L'échange et la convivialité s'invitent autour d'un appareil en panne.

qu'on nous apporte », constate Sophiane Zennouda, informaticien et créateur de ce Repair café. Le concept, né en Hollande en 2009, essaime dans le monde entier. La France compte déjà plus d'une centaine de ces ateliers d'autoréparation citoyens (lire Kaizen no 16), en ville comme à la campagne. À Chemillé-en-Anjou, commune rurale du Maine‑et‑Loire, le Repair café est installé dans le centre social et ne désemplit pas. « La réparation d'objets rapproche les gens. C'est formidable de voir des personnes si différentes discuter autour d'un grille-pain en panne », témoigne Yvan Godreau, cofondateur du lieu. « Chacun vient pour des motivations différentes :

Châteauneuf-sur-Charente (16) compte 3 500 habitants. Quand Isabelle Nanglard et ses amies ont investi le terrain de camping de la commune pour monter la première gratiféria – « foire gratuite », lire Kaizen no 18 – de France en 2012, la moitié de la population a participé à l'événement ! « On a invité les habitants à déposer des objets qu'ils n'utilisaient plus et à en prendre d'autres. Ça a tellement plu que le concept a rapidement essaimé dans tout le département, puis dans la France entière », explique‑t-elle. Côté organisation, rien de plus facile. « Sans argent, tout est plus simple. La mairie prête volontiers une salle ou un espace vert. Il suffit de quelques bénévoles, d'un peu de communication, et le reste suit », reprend-elle. La gratuité fait parfois remonter des peurs. On lui demande souvent comment réagir face à une personne qui veut tout prendre. Sa réponse : faire preuve de détachement. Ce qui est donné est donné. L'essentiel, c'est que ces objets aient une seconde vie. Si, malgré la pression des regards, quelqu'un ressent le besoin de prendre en quantité, c'est sans doute qu'il en a besoin. Accumuler rassure, mais cela ne dure qu'un temps. « Chacun peut ressentir cette envie irrépressible de prendre. Mais plus on participe à des gratiférias, plus on se libère du matériel. Quand on sait que tout est disponible, on a moins besoin de pos-

séder », note Marie Benoît, membre du collectif Barbezieux en transition. « Sur nos gratiférias, le problème est plutôt inverse. On se bat pour pouvoir offrir un café, une part de gâteau. Tout le monde veut nous donner un euro pour nous remercier. Je ne cesse de répéter : “Apprenez à recevoir !” »

© Stéphane Perraud

© Stéphane Perraud

SE LIBÉRER DU MATÉRIEL DANS LES GRATIFÉRIAS

Au marché gratuit, le public a parfois plus de mal à prendre qu'à donner !

kaizen • novembre-décembre 2016 • 45


Gratuité, le temps du partage

Je glane donc je suis

C

elui qui donne est aussi parfois celui qui reçoit le plus. Quand Évelyne Marcy, productrice de plantes aromatiques et médicinales à Darbres, en Ardèche, a accepté d'accueillir un groupe de glaneurs dans ses plantations, elle ne pensait pas en retirer autant de satisfaction. « J'avais une vieille parcelle de romarin en pleine repousse. Économiquement, ce n'était pas intéressant à récolter. Pour autant, je trouvais dommage d'arracher les pieds sans faire une dernière cueillette », se souvient-elle. « Six personnes sont venues glaner. Je leur ai fait visiter ma ferme, je leur ai présenté mon activité et on a préparé ensemble un sirop de romarin. L'agriculture est un métier solitaire, on prend rarement le temps de parler au public. Ce fut un grand moment de partage. » Ancienne enseignante reconvertie à l'agriculture biologique, Évelyne a retrouvé l'espace d'une demi-journée son goût pour la pédagogie. « Quand il y a transmission de savoir comme ici, le glanage est pleinement réussi. On demande aux agriculteurs de nous consacrer un peu de temps. On ne vient pas uniquement pour cueillir », explique Fabienne Boivin, animatrice au Civam Ardèche (Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural). Depuis l'été dernier, elle mène des opérations de glanage comme celle-là dans son département avec un public défavorisé. Plusieurs objectifs : 46 • kaizen • numéro 29

© Re-Bon

Le glanage consiste à ramasser les fruits et légumes qui restent dans les champs après la récolte. Gratuit par nature, il peut créer un lien fort entre paysans et glaneurs. Du don contre don.

Beaucoup de fruits et légumes non calibrés sortent du circuit commercial

faciliter l'accès à des produits locaux de qualité pour ces personnes, les inciter à changer leur mode d'alimentation, créer une solidarité entre le monde paysan et les citoyens et limiter le gaspillage alimentaire. Le glanage redonne de la valeur à des productions qui auraient été jetées faute de pouvoir intégrer le circuit commercial. En agriculture, il y a beaucoup de pertes (lire encadré ci-contre). En cause, la fragilité des produits et les aléas du climat, la surproduction ou, à l'inverse, le prix de la main-d'œuvre qui dissuade de ramasser les parcelles peu productives et, enfin, une demande de fruits et légumes de plus en plus calibrés.

Une pratique ancestrale Les paysans autorisent depuis des siècles les habitants à passer derrière eux après la récolte. Mais la pratique perd en spontanéité et se cherche un cadre (lire encadré ci-contre). Le Civam Ardèche s'est donc constitué un réseau de petits producteurs, majoritairement en bio. « On se rend un service mutuel », reprend Fabienne. « Récemment, l'un d'eux nous a appelés pour venir ramasser des poires qui avaient pris la grêle. Elles n'étaient plus commercialisables, mais on a pu les transformer en jus. Sans nous, elles auraient pourri sur l'arbre. On lui a laissé un verger tout propre. » Les glaneurs conservent une partie de la récolte pour

En mai 2016, l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a publié une étude sur les pertes et les gaspillages alimentaires en France. Si l'on tient compte de l'ensemble des filières, 10 millions de tonnes de produits sont perdus ou gaspillés chaque année pour l'alimentation humaine, d'une valeur estimée de 16 milliards d'euros. Au final, 32 % des pertes se font au stade de la production, 21 % au moment de la transformation, 14 % pendant la distribution et 33 % après achat par le consommateur. Concernant les fruits et légumes, 11 % sont perdus dès le stade de la production, soit 625 000 tonnes de légumes et 313 000 tonnes de fruits par an. Répartition des pertes et gaspillages alimentaires en France CONSOMMATION

33 %

14 % DISTRIBUTION

POUR ALLER PLUS LOIN civamardeche.org/glanage-social re-bon.wixsite.com/re-bon

Que dit la loi ? Depuis 1994, le glanage est soumis au seul article 520 du Code civil, selon lequel « dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles ». Ce qui permet de les ramasser. Sauf que pénétrer sur une propriété sans l'accord de son propriétaire reste interdit. Si vous souhaitez glaner, il est donc prudent de demander l'autorisation. Toutefois, en l'absence d'arrêté municipal interdisant cette pratique, les juges peuvent se montrer cléments. Un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 21 juin 2007 a admis le glanage dans le cas où il était « étroitement lié aux coutumes locales ». La loi en revanche permet de fouiller librement les poubelles se trouvant sur la voie publique…

PRODUCTION

32 % 21 % TRANSFORMATION

625 000 tonnes de légumes sont perdues chaque année au stade de la production.

© Lionel Lourdel/Photononstop

Dossier

Pertes et gaspillages alimentaires en France

leur consommation personnelle, et le reste est donné au relais alimentaire local. Le Civam propose une petite compensation financière aux agriculteurs qui accueillent des glaneurs. Mais un certain nombre la refusent, estimant qu’il s’agit d'un don contre don. Ingénieure paysagiste en Loire-Atlantique, Flavie Duprey a créé en 2014 l'association Re-Bon pour démocratiser le glanage auprès du grand public et lutter contre le gaspillage alimentaire. Elle peut compter sur un réseau de 500 glaneurs bénévoles et une quinzaine de maraîchers dans un rayon de 60 kilomètres autour de Nantes. « En fin d'été, l'un d'eux nous a proposé de venir ramasser des haricots trop clairsemés pour rentabiliser une récolte. En 30 minutes à deux, on en a cueilli 20 kilos ! », témoigne Flavie. Mais les quantités sont généralement plus importantes, surtout avec les pommes de terre. Après la récolte, il en reste toujours enfoui dans le sol. Mieux vaut les enlever pour éviter qu'elles germent. En une heure, un petit groupe de glaneurs peut en sortir plusieurs centaines de kilos ! Le champ est alors prêt pour l'année suivante. Tout le monde est gagnant. Le surplus est donné à des associations d'aide alimentaire ou à des événements festifs et gratuits comme les disco soupes. En trois ans et 150 sorties, Re-Bon a glané 21 tonnes de fruits et légumes. « Cela paraît beaucoup, mais ce n'est rien par rapport à ce qui est jeté. Certains producteurs de la région perdent une tonne par semaine ! », assure Flavie. « Les petits paysans bio sont plus sensibles à la notion de gaspillage et beaucoup nous appellent spontanément. Les gros agriculteurs conventionnels intègrent les pertes dans leur bilan et se sentent moins concernés. Leur réponse serait plutôt : si les gens ont faim, il y a du travail chez moi… » En matière de gaspillage, il y a encore du travail pédagogique à faire. n


D

Accueillir un réfugié chez soi :

joie et partages garantis ! Alors que l’Europe peine à s’accorder sur une politique commune au sujet de l’accueil des réfugiés, des citoyens à travers la France font le choix de l’entraide et de l’ouverture à l’autre. Texte : Pauline Bandelier • Photos : Sinawi Medine

52 • kaizen • numéro 29

écologiques, humaines, économiques et financières actuelles : « Je pense que tout est lié et que la situation risque malheureusement de s’aggraver. Nous devons mettre en place dès aujourd’hui des attitudes et des rapports humains différents », souligne Alain.

À travers la France, des réseaux solidaires Un pari de solidarité qu’ont fait d’autres citoyens à travers la France. À Rennes, Élisabeth et Bernard Philippe font partie du réseau national d’hospitalité temporaire pour les demandeurs d’asile Bienvenue !. Depuis trois ans, au sein de l’habitat groupé dans lequel le couple réside, un studio est mis à disposition un mois par trimestre, en échange d’une contribution de 5 euros par nuit payée par le couple à la copropriété. Bernard explique comment le système a évolué au fil du temps : « Au départ, Bienvenue ! n’avait pas défini de période maximum d’accueil et il est arrivé que des personnes restent jusqu’à un an chez les hébergeurs, ne laissant pas la place pour d’autres. C’est pourquoi le réseau a limité l’accueil à deux à quatre semaines, renouvelables deux fois Avec un voisin de l'habitat groupé où il vit, Bernard joue avec le fils d’Oyunsuvd, arrivée de Mongolie.

© DR

Et si on le faisait ensemble ?

ominée par le mont Bégo, la vallée de la Roya, située dans les Alpes-Maritimes, s’étire gracieusement le long de la frontière italienne. En 2005, Alain, ethnobotaniste, et Camille Créton, géologue et agricultrice, se sont installés dans une ancienne châtaigneraie à 830 mètres d’altitude pour fonder une famille. Un soir de 2015, Camille croise sur la route deux jeunes migrants : « Ils venaient de marcher deux jours en tongs sur les terrains caillouteux de montagne, ils étaient épuisés : je ne pouvais pas les laisser comme ça au bord de la route… Je les ai invités à se reposer quelques jours à la maison. Ils ont pu faire une halte et réfléchir à la suite de leur parcours », raconte-t-elle. À quelques kilomètres de chez Alain et Camille, à Vintimille, un « Calais italien » s’est constitué depuis le rétablissement par la France des contrôles à la frontière italienne en juin 2015. En effet, une partie des personnes débarquées par bateau en Italie – plus de 130 000 sur les neuf premiers mois de 2016 selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – continuent leur chemin en direction de la France, de l’Angleterre et du nord de l’Europe. Arrêtés par la police aux frontières dans les trains ou sur la route, majeurs comme mineurs sont systématiquement renvoyés en Italie. Depuis mai 2016, les autorités italiennes tentent de désengorger Vintimille – où près de 1 000 personnes sont bloquées en permanence – en les renvoyant vers les centres d’accueil et de tri du sud de l’Italie, les fameux « hot spots ». Mais les migrants reviennent rapidement, certains en étant déjà à leur troisième ou quatrième voyage. Ils tentent alors de traverser la frontière en faisant appel aux passeurs ou en traversant la vallée de la Roya. Depuis leur première expérience d’accueil, Alain et Camille hébergent régulièrement des gens. Une hospitalité synonyme pour eux d’ouverture sur le monde : « Nous avons du plaisir à faire ce que l’on fait, nous rions beaucoup, apprenons l’arabe. Et plus besoin d’allumer la télévision pour savoir ce qu’il se passe au Soudan », sourit Camille. Autour d’eux, ils ont même fait des émules : « Certains de nos amis ont décidé d’ouvrir leur porte à leur tour. Aujourd’hui, un réseau informel s’est mis en place dans la Roya. » Un engagement humaniste qui se fait souvent en parallèle d’une réflexion plus globale sur les crises

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Accueillir un réfugié chez soi :

joie et partages garantis ! Alors que l’Europe peine à s’accorder sur une politique commune au sujet de l’accueil des réfugiés, des citoyens à travers la France font le choix de l’entraide et de l’ouverture à l’autre. Texte : Pauline Bandelier • Photos : Sinawi Medine

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écologiques, humaines, économiques et financières actuelles : « Je pense que tout est lié et que la situation risque malheureusement de s’aggraver. Nous devons mettre en place dès aujourd’hui des attitudes et des rapports humains différents », souligne Alain.

À travers la France, des réseaux solidaires Un pari de solidarité qu’ont fait d’autres citoyens à travers la France. À Rennes, Élisabeth et Bernard Philippe font partie du réseau national d’hospitalité temporaire pour les demandeurs d’asile Bienvenue !. Depuis trois ans, au sein de l’habitat groupé dans lequel le couple réside, un studio est mis à disposition un mois par trimestre, en échange d’une contribution de 5 euros par nuit payée par le couple à la copropriété. Bernard explique comment le système a évolué au fil du temps : « Au départ, Bienvenue ! n’avait pas défini de période maximum d’accueil et il est arrivé que des personnes restent jusqu’à un an chez les hébergeurs, ne laissant pas la place pour d’autres. C’est pourquoi le réseau a limité l’accueil à deux à quatre semaines, renouvelables deux fois Avec un voisin de l'habitat groupé où il vit, Bernard joue avec le fils d’Oyunsuvd, arrivée de Mongolie.

© DR

Et si on le faisait ensemble ?

ominée par le mont Bégo, la vallée de la Roya, située dans les Alpes-Maritimes, s’étire gracieusement le long de la frontière italienne. En 2005, Alain, ethnobotaniste, et Camille Créton, géologue et agricultrice, se sont installés dans une ancienne châtaigneraie à 830 mètres d’altitude pour fonder une famille. Un soir de 2015, Camille croise sur la route deux jeunes migrants : « Ils venaient de marcher deux jours en tongs sur les terrains caillouteux de montagne, ils étaient épuisés : je ne pouvais pas les laisser comme ça au bord de la route… Je les ai invités à se reposer quelques jours à la maison. Ils ont pu faire une halte et réfléchir à la suite de leur parcours », raconte-t-elle. À quelques kilomètres de chez Alain et Camille, à Vintimille, un « Calais italien » s’est constitué depuis le rétablissement par la France des contrôles à la frontière italienne en juin 2015. En effet, une partie des personnes débarquées par bateau en Italie – plus de 130 000 sur les neuf premiers mois de 2016 selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – continuent leur chemin en direction de la France, de l’Angleterre et du nord de l’Europe. Arrêtés par la police aux frontières dans les trains ou sur la route, majeurs comme mineurs sont systématiquement renvoyés en Italie. Depuis mai 2016, les autorités italiennes tentent de désengorger Vintimille – où près de 1 000 personnes sont bloquées en permanence – en les renvoyant vers les centres d’accueil et de tri du sud de l’Italie, les fameux « hot spots ». Mais les migrants reviennent rapidement, certains en étant déjà à leur troisième ou quatrième voyage. Ils tentent alors de traverser la frontière en faisant appel aux passeurs ou en traversant la vallée de la Roya. Depuis leur première expérience d’accueil, Alain et Camille hébergent régulièrement des gens. Une hospitalité synonyme pour eux d’ouverture sur le monde : « Nous avons du plaisir à faire ce que l’on fait, nous rions beaucoup, apprenons l’arabe. Et plus besoin d’allumer la télévision pour savoir ce qu’il se passe au Soudan », sourit Camille. Autour d’eux, ils ont même fait des émules : « Certains de nos amis ont décidé d’ouvrir leur porte à leur tour. Aujourd’hui, un réseau informel s’est mis en place dans la Roya. » Un engagement humaniste qui se fait souvent en parallèle d’une réflexion plus globale sur les crises

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Le goût de l’enfance

École des Boutours : l’écologie, c’est classe !

directrice, Mélanie Pointreau. Seule ombre au ta‑ bleau, les classes de vingt-neuf élèves sont bien chargées, mais ce problème n’est pas du ressort de l’architecte… » « Transmettre des valeurs éco‑ logiques à nos enfants est très important, renchérit Nicolas Haas, parent d’un élève de grande section. Ils doivent avoir conscience qu’on habite une Terre aux ressources limitées, et cette école est un mo‑ dèle pour eux. » Cette volonté était aussi celle de la municipalité. « On a accouché d’une belle école qui a un véritable potentiel pédagogique, affirme Gabriel Lapeyre, directeur du cabinet du maire. Même si les élus ne sont pas tous des écologistes convaincus, ils ont tous adhéré au projet proposé par nos architectes. D’autant que son coût de 6,4 millions d’euros n’est pas plus élevé que celui d’une école classique. Et ce, grâce à une maîtrise d’œuvre interne et des architectes qui ont le temps de négocier les prix, contrairement aux cabinets d’architecture exté‑ rieurs. C’est un projet pionnier qui va dans le bon sens et nous entendons continuer à rénover et construire des bâtiments publics de cette façon. » Il est encore trop tôt pour savoir si des économies

d’usage ont pu être réalisées, mais Gabriel Lapeyre souligne que la mairie est persuadée qu’« il y en aura sur le long terme. »

Un potager sur le toit Dans la cour, des végétaux comestibles ont été plan‑ tés en partie par les enfants et leurs parents : mélisse, tilleuls, framboisiers, mûriers, lavande, plaqueminiers, nashis, ou encore des variétés locales comme le pom‑ mier Calville de Rosny. « Les arbres assurent plusieurs fonctions, indique Emmanuel Pezrès : ils absorbent l’eau, donnent des fruits, dispensent de l’ombre en été tout en laissant filtrer le soleil en hiver, et sont, en plus, des puits de carbone. » Une mare pédago‑ gique, labellisée LPO – Ligue pour la protection des oiseaux –, comme l’ensemble du site, accueille in‑ sectes et canards colverts. Seule concession aux high-tech : un petit panneau photovoltaïque pour actionner une pompe qui permet d’oxygéner la mare afin d’en chasser les moustiques. Et parce que tout ici fait pédagogie, les gouttières ouvertes laissent la pluie s’écouler directement dans les plantations. Quoi de mieux pour comprendre le cycle de l’eau ?

Depuis la rentrée 2014, une école maternelle de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, accueille les enfants dans un bâtiment bioclimatique, aux matériaux biosourcés, et doté d’un potager sur son toit. Un lieu rêvé pour des écocitoyens en herbe. Texte : Frédérique Basset • Photos : Éléonore Henry de Frahan

D

es enfants qui jouent, d’autres qui courent en riant ou se confient des secrets. Une cour d’école qui ressemble à toutes les autres. Ou presque. Car la maternelle des Boutours de Rosny‑sous-Bois, qui accueille sur deux étages quelque deux cents élèves depuis la rentrée 2014, est un modèle d’architecture écologique et biocli‑ matique, dont les matériaux sont biosourcés. Lequel a d’ailleurs été primé par l’Ademe, l’Agence de l'en‑ vironnement et de la maîtrise de l'énergie, en 2013. « Les matériaux sont pour la plupart locaux avec un bilan carbone zéro », explique Emmanuel Pezrès, l’un des architectes de la commune responsable de la maîtrise d’œuvre. Résultat, une structure en paille, bois, ouate de cellulose, terre crue et peintures 58 • kaizen • numéro 29

végétales à base d’huile de colza bio. Dans le cou‑ loir, face aux casiers et patères en bois de toutes les couleurs, une petite fenêtre de « vérité » remplie de paille montre aux enfants les dessous du bâti‑ ment. Un bâtiment conçu selon les principes bio‑ climatiques, c’est-à-dire tirant le meilleur parti des conditions du site et de son environnement. Orienté sud-est, il exploite au mieux le soleil et utilise les low-tech 1 – des matériaux durables, économiques, locaux et réparables –, une ventilation naturelle grâce à de nombreuses fenêtres, et des chaudières à pellets – granulés de bois –, couplées à des puits canadiens 2 afin de réguler la température. « Cette école offre aux enfants et aux enseignants un cadre de vie dans lequel on se sent bien, reconnaît la

Dans le quartier des Boutours, l’agriculture n’est pas un concept nouveau. Avant l’arrivée du chemin de fer, Rosny-sous-Bois faisait partie de la ceinture nour‑ ricière de Paris. Cette tradition revit, à moindre échelle, sur le toit de l’école, conçu pour être un lieu de culture. L’agriculture urbaine ayant le vent en poupe, l’idée était de reconnecter les enfants au vi‑ vant et de leur donner le goût d’une nourriture bio et locale. Le toit-terrasse de 700 m 2, entièrement kaizen • novembre-décembre 2016 • 59


Le goût de l’enfance

École des Boutours : l’écologie, c’est classe !

directrice, Mélanie Pointreau. Seule ombre au ta‑ bleau, les classes de vingt-neuf élèves sont bien chargées, mais ce problème n’est pas du ressort de l’architecte… » « Transmettre des valeurs éco‑ logiques à nos enfants est très important, renchérit Nicolas Haas, parent d’un élève de grande section. Ils doivent avoir conscience qu’on habite une Terre aux ressources limitées, et cette école est un mo‑ dèle pour eux. » Cette volonté était aussi celle de la municipalité. « On a accouché d’une belle école qui a un véritable potentiel pédagogique, affirme Gabriel Lapeyre, directeur du cabinet du maire. Même si les élus ne sont pas tous des écologistes convaincus, ils ont tous adhéré au projet proposé par nos architectes. D’autant que son coût de 6,4 millions d’euros n’est pas plus élevé que celui d’une école classique. Et ce, grâce à une maîtrise d’œuvre interne et des architectes qui ont le temps de négocier les prix, contrairement aux cabinets d’architecture exté‑ rieurs. C’est un projet pionnier qui va dans le bon sens et nous entendons continuer à rénover et construire des bâtiments publics de cette façon. » Il est encore trop tôt pour savoir si des économies

d’usage ont pu être réalisées, mais Gabriel Lapeyre souligne que la mairie est persuadée qu’« il y en aura sur le long terme. »

Un potager sur le toit Dans la cour, des végétaux comestibles ont été plan‑ tés en partie par les enfants et leurs parents : mélisse, tilleuls, framboisiers, mûriers, lavande, plaqueminiers, nashis, ou encore des variétés locales comme le pom‑ mier Calville de Rosny. « Les arbres assurent plusieurs fonctions, indique Emmanuel Pezrès : ils absorbent l’eau, donnent des fruits, dispensent de l’ombre en été tout en laissant filtrer le soleil en hiver, et sont, en plus, des puits de carbone. » Une mare pédago‑ gique, labellisée LPO – Ligue pour la protection des oiseaux –, comme l’ensemble du site, accueille in‑ sectes et canards colverts. Seule concession aux high-tech : un petit panneau photovoltaïque pour actionner une pompe qui permet d’oxygéner la mare afin d’en chasser les moustiques. Et parce que tout ici fait pédagogie, les gouttières ouvertes laissent la pluie s’écouler directement dans les plantations. Quoi de mieux pour comprendre le cycle de l’eau ?

Depuis la rentrée 2014, une école maternelle de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, accueille les enfants dans un bâtiment bioclimatique, aux matériaux biosourcés, et doté d’un potager sur son toit. Un lieu rêvé pour des écocitoyens en herbe. Texte : Frédérique Basset • Photos : Éléonore Henry de Frahan

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es enfants qui jouent, d’autres qui courent en riant ou se confient des secrets. Une cour d’école qui ressemble à toutes les autres. Ou presque. Car la maternelle des Boutours de Rosny‑sous-Bois, qui accueille sur deux étages quelque deux cents élèves depuis la rentrée 2014, est un modèle d’architecture écologique et biocli‑ matique, dont les matériaux sont biosourcés. Lequel a d’ailleurs été primé par l’Ademe, l’Agence de l'en‑ vironnement et de la maîtrise de l'énergie, en 2013. « Les matériaux sont pour la plupart locaux avec un bilan carbone zéro », explique Emmanuel Pezrès, l’un des architectes de la commune responsable de la maîtrise d’œuvre. Résultat, une structure en paille, bois, ouate de cellulose, terre crue et peintures 58 • kaizen • numéro 29

végétales à base d’huile de colza bio. Dans le cou‑ loir, face aux casiers et patères en bois de toutes les couleurs, une petite fenêtre de « vérité » remplie de paille montre aux enfants les dessous du bâti‑ ment. Un bâtiment conçu selon les principes bio‑ climatiques, c’est-à-dire tirant le meilleur parti des conditions du site et de son environnement. Orienté sud-est, il exploite au mieux le soleil et utilise les low-tech 1 – des matériaux durables, économiques, locaux et réparables –, une ventilation naturelle grâce à de nombreuses fenêtres, et des chaudières à pellets – granulés de bois –, couplées à des puits canadiens 2 afin de réguler la température. « Cette école offre aux enfants et aux enseignants un cadre de vie dans lequel on se sent bien, reconnaît la

Dans le quartier des Boutours, l’agriculture n’est pas un concept nouveau. Avant l’arrivée du chemin de fer, Rosny-sous-Bois faisait partie de la ceinture nour‑ ricière de Paris. Cette tradition revit, à moindre échelle, sur le toit de l’école, conçu pour être un lieu de culture. L’agriculture urbaine ayant le vent en poupe, l’idée était de reconnecter les enfants au vi‑ vant et de leur donner le goût d’une nourriture bio et locale. Le toit-terrasse de 700 m 2, entièrement kaizen • novembre-décembre 2016 • 59


je change 1

2

3

4

Je vais bien, le monde va mieux

Gardez le souffle,

passez au qi gong Le qi gong est une discipline traditionnelle chinoise dont l’objectif est de canaliser l’énergie du corps par la maîtrise de son souffle. Voici quatre exercices accessibles au plus grand nombre que l’on peut effectuer au quotidien afin d’apaiser ses émotions, préserver son énergie et se faire du bien. Texte : Véronique Bury • Photos : Patrick Lazic

N

é il y a plus de cinq mille ans, le qi gong, littéralement « travail de l’énergie », est un peu à la Chine ce que le yoga est à l’Inde. Une pratique gymnique traditionnelle de santé qui se base en grande partie sur la maîtrise de l’énergie vitale. Elle permet en effet, en associant mouvements lents et exercices de respiration, d’« apporter une vitalité au corps, en faisant circuler l’énergie sans avoir besoin de passer par un effort physique intense », explique François Fournier, professeur de qi gong. Plus concrètement, « le qi gong permet d’entretenir un équilibre harmonieux entre le corps et l’esprit », de « diminuer le stress », mais aussi d’« améliorer la souplesse du corps, le bien-être et la santé » du plus grand nombre. Pour cela, il est intéressant de suivre un cours avec quelqu’un pour vous guider, mais vous pouvez également commencer chez vous, en prenant dix minutes pour reproduire les uns après les autres les quatre exercices de base d’une séance. Le mouvement de régulation (1) est une sorte d’échauffement. « Il permet d’apprendre à caler 68 • kaizen • numéro 29

l’intention de la respiration sur le geste et de donner un rythme à la séance », explique François Fournier. Vient ensuite le mouvement d’équilibrage (2), qui vise à réguler les polarités du corps. Car nous avons tous en nous deux types de polarités : « électrique lorsque l’on est en colère, et magnétique lorsque l’on est triste ». On parle aussi de yang et de yin. L’exercice permet donc « d’aller chercher alternativement l’énergie du ciel, le yang, et de la terre, le yin, en les amenant à se rencontrer dans le bas-ventre ». On peut ensuite enchaîner avec le mouvement global d’ouverture (3), qui est un exercice de tonification du corps. « L’idée ici est de puiser l’énergie de la terre, de la faire traverser notre corps pour la faire ressortir par notre crâne, un peu comme une fleur qui s’ouvre. » Enfin, le mouvement global de fermeture (4) vient clore cette séance de dix minutes en aidant à se recentrer sur soi-même. « On va chercher l’énergie dans le ciel pour la faire couler telle une cascade dans notre corps. Cela permet de le nettoyer et de le libérer de toutes ses tensions. » Et d’être prêt pour attaquer sa journée. ■

Mouvement 1 :

Les pieds légèrement écartés, inspirez lentement en levant les bras devant vous à l’horizontale, paumes vers le sol, puis redescendez-les en expirant. Enchaînez huit fois ce mouvement en essayant de conserver une gestuelle souple.

Mouvement 2 :

Les pieds légèrement écartés, mains croisées devant le bas-ventre, montez le bras droit lentement paume vers le ciel et « poussez » le sol avec la main gauche en inspirant. Redescendez le bras droit et remontez le bras gauche en expirant. Après avoir croisé les deux mains au niveau du bas-ventre, faites le même exercice en inversant les bras et répétez l’ensemble quatre fois.

mouvement de régulation

mouvement d’équilibrage

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Gardez le souffle,

passez au qi gong Le qi gong est une discipline traditionnelle chinoise dont l’objectif est de canaliser l’énergie du corps par la maîtrise de son souffle. Voici quatre exercices accessibles au plus grand nombre que l’on peut effectuer au quotidien afin d’apaiser ses émotions, préserver son énergie et se faire du bien. Texte : Véronique Bury • Photos : Patrick Lazic

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é il y a plus de cinq mille ans, le qi gong, littéralement « travail de l’énergie », est un peu à la Chine ce que le yoga est à l’Inde. Une pratique gymnique traditionnelle de santé qui se base en grande partie sur la maîtrise de l’énergie vitale. Elle permet en effet, en associant mouvements lents et exercices de respiration, d’« apporter une vitalité au corps, en faisant circuler l’énergie sans avoir besoin de passer par un effort physique intense », explique François Fournier, professeur de qi gong. Plus concrètement, « le qi gong permet d’entretenir un équilibre harmonieux entre le corps et l’esprit », de « diminuer le stress », mais aussi d’« améliorer la souplesse du corps, le bien-être et la santé » du plus grand nombre. Pour cela, il est intéressant de suivre un cours avec quelqu’un pour vous guider, mais vous pouvez également commencer chez vous, en prenant dix minutes pour reproduire les uns après les autres les quatre exercices de base d’une séance. Le mouvement de régulation (1) est une sorte d’échauffement. « Il permet d’apprendre à caler 68 • kaizen • numéro 29

l’intention de la respiration sur le geste et de donner un rythme à la séance », explique François Fournier. Vient ensuite le mouvement d’équilibrage (2), qui vise à réguler les polarités du corps. Car nous avons tous en nous deux types de polarités : « électrique lorsque l’on est en colère, et magnétique lorsque l’on est triste ». On parle aussi de yang et de yin. L’exercice permet donc « d’aller chercher alternativement l’énergie du ciel, le yang, et de la terre, le yin, en les amenant à se rencontrer dans le bas-ventre ». On peut ensuite enchaîner avec le mouvement global d’ouverture (3), qui est un exercice de tonification du corps. « L’idée ici est de puiser l’énergie de la terre, de la faire traverser notre corps pour la faire ressortir par notre crâne, un peu comme une fleur qui s’ouvre. » Enfin, le mouvement global de fermeture (4) vient clore cette séance de dix minutes en aidant à se recentrer sur soi-même. « On va chercher l’énergie dans le ciel pour la faire couler telle une cascade dans notre corps. Cela permet de le nettoyer et de le libérer de toutes ses tensions. » Et d’être prêt pour attaquer sa journée. ■

Mouvement 1 :

Les pieds légèrement écartés, inspirez lentement en levant les bras devant vous à l’horizontale, paumes vers le sol, puis redescendez-les en expirant. Enchaînez huit fois ce mouvement en essayant de conserver une gestuelle souple.

Mouvement 2 :

Les pieds légèrement écartés, mains croisées devant le bas-ventre, montez le bras droit lentement paume vers le ciel et « poussez » le sol avec la main gauche en inspirant. Redescendez le bras droit et remontez le bras gauche en expirant. Après avoir croisé les deux mains au niveau du bas-ventre, faites le même exercice en inversant les bras et répétez l’ensemble quatre fois.

mouvement de régulation

mouvement d’équilibrage

1

2

3

4

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Se divertir

Nos bonnes adresses

Nancy

À la confluence des initiatives Nancy ne se résume pas au classicisme de sa célèbre place Stanislas, classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Ville étudiante, la préfecture de Meurthe-et-Moselle abrite aussi un mouvement citoyen qui favorise l’émergence de lieux différents, éthiques, bio et solidaires. Texte et photos : Pascal Greboval • Dessin : Manu Thuret

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Se cultiver

Manger Dans le marché couvert, une bande de joyeux copains œuvre pour une alimentation saine. Au p'tit bio e, dans une ambiance décontractée et conviviale, Vincent prépare quiches, soupes et autres petits mets sans prétention et d’un excellent rapport qualité prix. « Cuisine du marché », voilà qui qualifie très bien la carte du restaurateur. Il se procure les légumes chez ses voisins et amis d’enfance Croc'us e, une petite échoppe qui vend fruits et légumes bio dans le marché. Dans leur boutique rue Mac Mahon, vous trouverez en plus des aliments secs et des produits ménagers. Soucieux de ne pas soutenir les grands groupes qui se cachent parfois derrière certaines marques bio, Sébastien et Mike, les deux créateurs, mettent un point d’honneur à vendre des produits venant de petits fournisseurs.

Utiliser le jeu comme facilitateur de lien, tel était le pari de Maxime et Gabriel en créant La Feinte de l'ours, un café associatif qui propose aux grands et aux petits – plutôt après 6 ans –, de se retrouver autour d’une table du mardi au samedi de 19 heures à minuit : « C’est quand même mieux que de regarder la télé », résume Samuel, le président de l’association. Au milieu des mille jeux en stock, dont cent renouvelés chaque année, que vous soyez venu seul ou en groupe constitué, l’équipe de bénévoles vous guidera vers le jeu qui vous convient le mieux et vous fera passer un bon moment en vous en expliquant les règles au préalable. Et pour les entreprises ou autres entités qui souhaitent créer du lien, l’association organise des animations sur mesure. Créer du lien est aussi le leitmotiv de Mélodie, la femme-orchestre du bar Trois petits points t . « C’est un bazar culturel où chacun peut présenter ce qui l’anime, le passionne. L’objectif est que personne ne reste dans son coin », résume la jeune femme. Et, dans cette dynamique, la programmation qu’elle insuffle – et qui est complétée par des propositions extérieures –, couvre différents horizons. « Ça va du chamanisme japonais aux concerts de metal, en passant par le théâtre et des débats politiques. » Bref, curieux de tout poil, il faut guetter la programmation de près. Des thérapeutes viennent aussi dispenser leur pratique dans des salles qui leur sont dédiées. « Polliniser avec des ondes bienveillantes des personnes qui passent ici me donne le sourire », conclue Mélodie.

d’un potager communautaire sur un toit, la création d’une champignonnière participative dans une cave, l’installation de jardins au sein d’écoles et maisons de retraite, etc. Librairie indépendante depuis sa création en 1994, L’Autre rive promeut principalement trois genres : la littérature, les livres jeunesse et les sciences humaines. Frédéric et Emma veillent depuis 2012 à la qualité des ouvrages proposés. Et, pour favoriser la découverte culturelle, ils organisent régulièrement des rencontres avec les auteurs.

Ingrid et Kevin sont jeunes, engagés et, depuis juillet 2016, ils proposent à L'Appétit bio r une restauration rapide 100 % labellisée bio. « Il n’y avait pas de restaurant à Nancy qui correspondait à nos envies et nos valeurs… Alors nous l’avons créé ! » Ils travaillent au maximum avec les producteurs locaux et leurs burgers ou wraps sont accompagnés de légumes de saison. Quant aux frites faites à la main par Ingrid, elles justifient à elles seules votre venue. Outre l’effort porté sur la qualité des ingrédients, ce jeune couple s’est inscrit dans une approche globale avec tri des déchets par exemple. Gravitant autour de l’agglomération nancéenne, le food truck Les Fermiers d’ici réalise burgers et purées du terroir lorrain, à base d’ingrédients majoritairement issus de l’agriculture biologique.

Créé en 2011, le Centre culturel autogéré de Nancy (CCAN) est un endroit atypique, militant, associatif et convivial. Il a pour but de promouvoir des pratiques qui favorisent l’émergence d’une société non marchande. Géré uniquement par les bénévoles, le CCAN organise des soirées et des événements sur des thématiques telles que l’autogestion, le féminisme, les luttes LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer et intersexués), l’écologie radicale et le véganisme. Bref, militant actif, ce lieu est pour vous. Développer l’agriculture écologique en ville est la raison d’être de Racines carrées. Créée par trois jeunes gens motivés, Inès, Joffrey et Sara, l’association se veut être une organisation de discussions et d’échanges autour de l’agriculture urbaine et ses nombreuses implications : la mise en place

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À la confluence des initiatives Nancy ne se résume pas au classicisme de sa célèbre place Stanislas, classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Ville étudiante, la préfecture de Meurthe-et-Moselle abrite aussi un mouvement citoyen qui favorise l’émergence de lieux différents, éthiques, bio et solidaires. Texte et photos : Pascal Greboval • Dessin : Manu Thuret

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Manger Dans le marché couvert, une bande de joyeux copains œuvre pour une alimentation saine. Au p'tit bio e, dans une ambiance décontractée et conviviale, Vincent prépare quiches, soupes et autres petits mets sans prétention et d’un excellent rapport qualité prix. « Cuisine du marché », voilà qui qualifie très bien la carte du restaurateur. Il se procure les légumes chez ses voisins et amis d’enfance Croc'us e, une petite échoppe qui vend fruits et légumes bio dans le marché. Dans leur boutique rue Mac Mahon, vous trouverez en plus des aliments secs et des produits ménagers. Soucieux de ne pas soutenir les grands groupes qui se cachent parfois derrière certaines marques bio, Sébastien et Mike, les deux créateurs, mettent un point d’honneur à vendre des produits venant de petits fournisseurs.

Utiliser le jeu comme facilitateur de lien, tel était le pari de Maxime et Gabriel en créant La Feinte de l'ours, un café associatif qui propose aux grands et aux petits – plutôt après 6 ans –, de se retrouver autour d’une table du mardi au samedi de 19 heures à minuit : « C’est quand même mieux que de regarder la télé », résume Samuel, le président de l’association. Au milieu des mille jeux en stock, dont cent renouvelés chaque année, que vous soyez venu seul ou en groupe constitué, l’équipe de bénévoles vous guidera vers le jeu qui vous convient le mieux et vous fera passer un bon moment en vous en expliquant les règles au préalable. Et pour les entreprises ou autres entités qui souhaitent créer du lien, l’association organise des animations sur mesure. Créer du lien est aussi le leitmotiv de Mélodie, la femme-orchestre du bar Trois petits points t . « C’est un bazar culturel où chacun peut présenter ce qui l’anime, le passionne. L’objectif est que personne ne reste dans son coin », résume la jeune femme. Et, dans cette dynamique, la programmation qu’elle insuffle – et qui est complétée par des propositions extérieures –, couvre différents horizons. « Ça va du chamanisme japonais aux concerts de metal, en passant par le théâtre et des débats politiques. » Bref, curieux de tout poil, il faut guetter la programmation de près. Des thérapeutes viennent aussi dispenser leur pratique dans des salles qui leur sont dédiées. « Polliniser avec des ondes bienveillantes des personnes qui passent ici me donne le sourire », conclue Mélodie.

d’un potager communautaire sur un toit, la création d’une champignonnière participative dans une cave, l’installation de jardins au sein d’écoles et maisons de retraite, etc. Librairie indépendante depuis sa création en 1994, L’Autre rive promeut principalement trois genres : la littérature, les livres jeunesse et les sciences humaines. Frédéric et Emma veillent depuis 2012 à la qualité des ouvrages proposés. Et, pour favoriser la découverte culturelle, ils organisent régulièrement des rencontres avec les auteurs.

Ingrid et Kevin sont jeunes, engagés et, depuis juillet 2016, ils proposent à L'Appétit bio r une restauration rapide 100 % labellisée bio. « Il n’y avait pas de restaurant à Nancy qui correspondait à nos envies et nos valeurs… Alors nous l’avons créé ! » Ils travaillent au maximum avec les producteurs locaux et leurs burgers ou wraps sont accompagnés de légumes de saison. Quant aux frites faites à la main par Ingrid, elles justifient à elles seules votre venue. Outre l’effort porté sur la qualité des ingrédients, ce jeune couple s’est inscrit dans une approche globale avec tri des déchets par exemple. Gravitant autour de l’agglomération nancéenne, le food truck Les Fermiers d’ici réalise burgers et purées du terroir lorrain, à base d’ingrédients majoritairement issus de l’agriculture biologique.

Créé en 2011, le Centre culturel autogéré de Nancy (CCAN) est un endroit atypique, militant, associatif et convivial. Il a pour but de promouvoir des pratiques qui favorisent l’émergence d’une société non marchande. Géré uniquement par les bénévoles, le CCAN organise des soirées et des événements sur des thématiques telles que l’autogestion, le féminisme, les luttes LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer et intersexués), l’écologie radicale et le véganisme. Bref, militant actif, ce lieu est pour vous. Développer l’agriculture écologique en ville est la raison d’être de Racines carrées. Créée par trois jeunes gens motivés, Inès, Joffrey et Sara, l’association se veut être une organisation de discussions et d’échanges autour de l’agriculture urbaine et ses nombreuses implications : la mise en place

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Identification d’Olea europaea (Oléacées) *

Sauvage & délicieux ! «

Cuisine

L'olive

… le fruit d’hiver de la garrigue ! Dégustée entière à l'apéritif, dans un tajine ou sous forme d'huile sur du pain frais, l'olive laisse toujours en bouche une empreinte suave et aromatique gorgée de soleil. Patience est le maître-mot pour cette drupe – fruit charnu à noyau – qui se récolte en hiver et demande un soin particulier avant d'être croquée. Texte et photos : Linda Louis

K

ss-kss, kss-kss... » Qu'il est bon d'imaginer le chant des cigales en cette période hivernale ! L'olive nouvelle chante aussi dans nos assiettes, pour notre plus grand plaisir. Depuis longtemps, nous entretenons un rapport privilégié avec ce fruit pas comme les autres... Dans l’Antiquité gréco-romaine, l'olivier symbolise la paix, l'abondance, la gloire et les honneurs. Il était d'usage de brandir une de ses branches pour annoncer la fin d'une bataille. Cette symbolique est également présente dans l'histoire de la blanche colombe de l'arche de Noé, revenue avec un rameau d'olivier dans son bec, annonçant la fin du Déluge. L'olivier illustrait la notion de force et de pouvoir chez les empereurs, les poètes ou les athlètes, couronnés avec ses branches. Aujourd'hui encore, une branche d'olivier figure sur le drapeau bleu des Nations unies et en broderie sur le costume des membres de l'Académie française. En France, l'arbre tortueux vit dans le pourtour méditerranéen, mais pas seulement. On le retrouve à l'intérieur des terres, en Ardèche, dans l'Aude ou la Drôme. Certaines variétés se sont acclimatées aux régions plus fraîches et on peut obtenir de belles récoltes d'olives en Bretagne ou en Centre-Val de Loire. L’espérance de vie de l’olivier peut excéder les 2 000 ans ! Il existe, au Liban, à Bechealeh, des oliviers âgés d'environ 6000 ans ! À Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), un spécimen vénérable vieux de plus de deux millénaires affiche un impressionnant tour de taille de 23 mètres ! L'arbre produit les précieuses olives, omniprésentes dans la gastronomie méditerranéenne, ingrédient de base du fameux régime crétois. Préparées et conservées entières, souvent parfumées avec des aromates ensoleillés ou réduites en huile, elles font partie des rares fruits ne pouvant être consommés tels quels. Leur chair est bien trop amère à cause de l’oléopicrine qu'elles contiennent. Si, un jour, vous

• Arbre très rameux, à tronc tortueux, pouvant atteindre 20 m de hauteur, à l'écorce brune et crevassée. • Petites feuilles opposées, ovales allongées, très fines, vert glauque sur le limbe supérieur et vert clair argenté avec une nervure médiane sur le limbe inférieur. • Petites fleurs blanches tubulaires, en grappe et lâches. • Fruit charnu – ou drupe – , vert foncé à l'état jeune, vert clair, ocre, rosâtre, violet puis noir à maturité complète, contenant un noyau allongé et pointu. • Habitat ensoleillé, sur sol aride et calcaire. • Récolte des fruits d'octobre à mai. * Variété cultivée

êtes tenté de croquer dans une olive tout juste cueillie sur l'arbre, vous ne serez pas déçu du voyage ! La Dame exprime tout son talent après avoir été désamérisée et conservée longuement en saumure. Suivez-nous, on vous explique comment faire...

Et l’olivier sauvage ? L'olivier sauvage ou oléastre (Olea oleaster) pousse dans les zones les plus méridionales de notre pays où la température moyenne annuelle dépasse 15 °C. Contrairement à l'olivier cultivé, il est buissonnant, très rameux, épineux, ses branches sont minces, ses feuilles courtes, arrondies – parfois lancéolées – et ses fruits ronds et très peu charnus. Quand récolter les olives ? La cueillette doit s'effectuer au minimum à partir de la véraison, autrement dit, quand la drupe change de couleur et commence à virer du vert foncé au vert-jaune clair. L'olivaison, ou récolte, est réalisée au fil des besoins : • en octobre, les olives vertes, pour les conserves ; • en novembre, les olives vertes à jaunes, pour l’huile d'olive ; • en décembre, les olives roses et violettes – « olives tournantes », pour les conserves ; • en décembre-février – voire plus selon certaines régions et préparations –, les olives noires pour les conserves. Ces périodes sont fluctuantes d'une variété d'olivier, d'une exposition solaire, d'une région, d'une saison kaizen • novembre-décembre 2016 • 81


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L'olive

… le fruit d’hiver de la garrigue ! Dégustée entière à l'apéritif, dans un tajine ou sous forme d'huile sur du pain frais, l'olive laisse toujours en bouche une empreinte suave et aromatique gorgée de soleil. Patience est le maître-mot pour cette drupe – fruit charnu à noyau – qui se récolte en hiver et demande un soin particulier avant d'être croquée. Texte et photos : Linda Louis

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ss-kss, kss-kss... » Qu'il est bon d'imaginer le chant des cigales en cette période hivernale ! L'olive nouvelle chante aussi dans nos assiettes, pour notre plus grand plaisir. Depuis longtemps, nous entretenons un rapport privilégié avec ce fruit pas comme les autres... Dans l’Antiquité gréco-romaine, l'olivier symbolise la paix, l'abondance, la gloire et les honneurs. Il était d'usage de brandir une de ses branches pour annoncer la fin d'une bataille. Cette symbolique est également présente dans l'histoire de la blanche colombe de l'arche de Noé, revenue avec un rameau d'olivier dans son bec, annonçant la fin du Déluge. L'olivier illustrait la notion de force et de pouvoir chez les empereurs, les poètes ou les athlètes, couronnés avec ses branches. Aujourd'hui encore, une branche d'olivier figure sur le drapeau bleu des Nations unies et en broderie sur le costume des membres de l'Académie française. En France, l'arbre tortueux vit dans le pourtour méditerranéen, mais pas seulement. On le retrouve à l'intérieur des terres, en Ardèche, dans l'Aude ou la Drôme. Certaines variétés se sont acclimatées aux régions plus fraîches et on peut obtenir de belles récoltes d'olives en Bretagne ou en Centre-Val de Loire. L’espérance de vie de l’olivier peut excéder les 2 000 ans ! Il existe, au Liban, à Bechealeh, des oliviers âgés d'environ 6000 ans ! À Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), un spécimen vénérable vieux de plus de deux millénaires affiche un impressionnant tour de taille de 23 mètres ! L'arbre produit les précieuses olives, omniprésentes dans la gastronomie méditerranéenne, ingrédient de base du fameux régime crétois. Préparées et conservées entières, souvent parfumées avec des aromates ensoleillés ou réduites en huile, elles font partie des rares fruits ne pouvant être consommés tels quels. Leur chair est bien trop amère à cause de l’oléopicrine qu'elles contiennent. Si, un jour, vous

• Arbre très rameux, à tronc tortueux, pouvant atteindre 20 m de hauteur, à l'écorce brune et crevassée. • Petites feuilles opposées, ovales allongées, très fines, vert glauque sur le limbe supérieur et vert clair argenté avec une nervure médiane sur le limbe inférieur. • Petites fleurs blanches tubulaires, en grappe et lâches. • Fruit charnu – ou drupe – , vert foncé à l'état jeune, vert clair, ocre, rosâtre, violet puis noir à maturité complète, contenant un noyau allongé et pointu. • Habitat ensoleillé, sur sol aride et calcaire. • Récolte des fruits d'octobre à mai. * Variété cultivée

êtes tenté de croquer dans une olive tout juste cueillie sur l'arbre, vous ne serez pas déçu du voyage ! La Dame exprime tout son talent après avoir été désamérisée et conservée longuement en saumure. Suivez-nous, on vous explique comment faire...

Et l’olivier sauvage ? L'olivier sauvage ou oléastre (Olea oleaster) pousse dans les zones les plus méridionales de notre pays où la température moyenne annuelle dépasse 15 °C. Contrairement à l'olivier cultivé, il est buissonnant, très rameux, épineux, ses branches sont minces, ses feuilles courtes, arrondies – parfois lancéolées – et ses fruits ronds et très peu charnus. Quand récolter les olives ? La cueillette doit s'effectuer au minimum à partir de la véraison, autrement dit, quand la drupe change de couleur et commence à virer du vert foncé au vert-jaune clair. L'olivaison, ou récolte, est réalisée au fil des besoins : • en octobre, les olives vertes, pour les conserves ; • en novembre, les olives vertes à jaunes, pour l’huile d'olive ; • en décembre, les olives roses et violettes – « olives tournantes », pour les conserves ; • en décembre-février – voire plus selon certaines régions et préparations –, les olives noires pour les conserves. Ces périodes sont fluctuantes d'une variété d'olivier, d'une exposition solaire, d'une région, d'une saison kaizen • novembre-décembre 2016 • 81


valable pour 1 personne - 7€ au lieu de 10€

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NOVEMBRE [KAIZEN PARTENAIRE & PRÉSENT] 5 au 13 novembre / Paris Salon Marjolaine Conférence Kaizen le mardi 8 novembre à 14 h : La finance au service de l’homme ou l’homme au service de la finance ? Avec Bernard Kimmel (fondateur d’Arcadie) et Jérôme Henry (directeur Innovations, Digital et e-banque au Crédit coopératif). Animation : Pascal Greboval Parc floral de Paris - 75012 www.salon-marjolaine.com 01 45 56 09 09

L’AGENDA KAIZEN 2016 NOVEMBRE - DÉCEMBRE

[KAIZEN PRÉSENT & PARTENAIRE] 25 au 27 novembre / Lille (59) Salon NaturaBio, 16e édition Grand Palais www.salon-naturabio.com 01 45 56 09 09 25 au 27 novembre La Roche-sur-Foron (74) Salon Naturellia www.naturellia.com • 04 50 03 03 37 26 et 27 novembre / Saint-Étienne (42) Salon Tatou Juste, 11e édition Parc des expositions www.tatoujuste.org • 06 52 77 56 85

RENDEZ-VOUS 8 au 13 novembre La-Roche-sur-Grane (26) Forum « Un changement humain pour un changement de société » www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05 12 au 20 novembre / France entière Semaine de la solidarité internationale, 19e édition www.lasemaine.org [KAIZEN PARTENAIRE] 14 novembre à 19 h / Paris Atelier-conférence de Bernard Alonso : Permaculture humaine, des clés pour vivre la transition. Cet atelier vous transmettra des outils applicables pour amorcer votre transition. Mairie du 20e arrondissement 6, place Gambetta Réservations : www.universitetransition.org 18 au 20 novembre / Poitiers (86) Salon Respire la vie, 15e édition Parc des expositions www.respirezlavie.com • 01 45 56 09 09 22 et 23 novembre La-Roche-sur-Grane (26) Formation Initiation à la Sociocratie www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05 23 novembre / La-Roche-sur-Grane (26) Atelier École du Colibri et pédagogie de la coopération www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05

www.salon-marjolaine.com Direct Matin

24 au 27 novembre La-Roche-sur-Grane (26) Atelier La facilitation à travers le corps et le mouvement www.lesamanins.com • 04 75 43 75 05

[DÉBAT KAIZEN] 30 novembre à 19 h 30 / Paris Penser par soi-même : guide de résistance Dialogue entre Harald Welzer (à l’occasion de la parution en français de son livre Penser par soi-même : guide résistance) et Françoise Vernet, directrice du magazine Kaizen. En partenariat avec la Heinrich‑Böll‑Stiftung et les éditions Charles Léopold Mayer. Goethe-Institut 17, avenue d’Iéna - 75116 Inscriptions au 01 44 43 92 30 ou info@paris.goethe.org [KAIZEN PRÉSENT & PARTENAIRE] 30 novembre-4 décembre Grenoble (38) Salon Naturissima SPL Alpexpo - Avenue d'Innsbruck www.naturissima.com • 04 76 39 66 00

DÉCEMBRE 2 au 4 décembre / Bergerac (24) Foire bio de Bergerac, 12e édition foirebiobergerac.canalblog.com 2 au 4 décembre / Montpellier (34) Salon BioHarmonies Parc des expositions www.salon-bioharmonies.com 04 66 62 07 16 [CONFÉRENCE KAIZEN] 13 décembre à 19 h / Lyon (69) Zéro déchet, pourquoi pas vous ? Avec Coline Vinçon (Zero Waste France) et Pauline Veillerot (Mouvement de palier). Animation : Françoise Vernet Goethe-Institut, 18, rue François Dauphin, 69002 Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences [CONFÉRENCE KAIZEN] 14 décembre à 19 h 30 / Paris La gratuité, une économie réparatrice ? Avec Debora Fischkandl (directrice de la Boutique sans argent), Jean-Michel Cornu (auteur du livre Tirer bénéfice du don) et Étienne Gonnu (de l'April, l’Association pour la promotion et la recherche en informatique libre). Animation : Pascal Greboval Goethe-Institut 17, avenue d’Iéna - 75116 Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences L’argent récolté avec le prix des entrées sera utilisé pour proposer des abonnements à Kaizen gratuits à des personnes ayant des ressources limitées. Jusqu’à 40 abonnements pourront ainsi être offerts.

PASSEZ À L’ACTE ! Kaizen est heureux de vous proposer de vous/nous rencontrer régulièrement dans la vie réelle pour échanger, partager vos projets et construire ensemble lors des cafés Kaizen, dit Kawaa-Kaizen ! Durant la semaine du 2 au 10 novembre, nous avons le plaisir de nous associer au mouvement Fraternité générale pour organiser, partout en France, des débats autour de la fraternité, pour lutter contre les rejets et les replis communautaires et identitaires. N’hésitez pas à participer ou à organiser une rencontre fraternelle autour de chez vous ! Pour tout savoir et vous inscrire : www.kaizen-magazine.com/rencontres

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