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mai-juin 2017
TRANSITION ÉCOLOGIQUE
L’HYMNEcouv DE NOS CAMPAGNES
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Édito
Magazine bimestriel numéro 32 Mai-juin 2017 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Diane Routex Éditeur Web Simon Beyrand Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Comptabilité Patricia Lecardonnel Stagiaires pour ce numéro Gaëlle Coudert et Marine Samzun Direction artistique, maquette et mise en pages • hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Illustration de couverture © Julie Graux Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution
Jardinons édito nos territoires Vous connaissez à présent le nom des deux derniers prétendant-es à la location du palais de l’Élysée (ce n’est pas le cas au moment d’écrire ces lignes), voire du ou de la locataire. Alea jacta est. Quelle politique mènera-t-il ou mènera-t-elle ? Une politique de transition écologique ou un énième plan de restructuration économique ? Avec le dossier de ce numéro, nous l’invitons à suivre la première option. Car la France recèle de véritables laboratoires de transition écologique performants. Ce sont ces villages ou petites villes qui, portés par une dynamique citoyenne, ont mis en place des choix énergétiques, urbanistiques, économiques et culturels différents, et qui fonctionnent ! Le propos est moins de savoir s’il est plus écologique de vivre à la campagne qu’en ville, que de signifier que, portés par des valeurs communes, les Français-es sont en capacité de vivre autrement sur un territoire. Le mécanisme est bien connu : on se mobilise plus facilement pour aider les personnes que l’on croise quotidiennement que pour empêcher la fonte des glaces au pôle Nord ; on met plus d’énergie à sauver l’école du coin qu’à repenser le mix énergétique français. Certes, ce n’est pas systématique, mais la proximité favorise en général l’action. Et, bonne nouvelle : nous vivons tous sur un territoire, que ce soit un village ou un quartier d’arrondissement. Il ne s’agit donc pas de reproduire, d’importer un modèle rural en ville, à l’échelle nationale, mais d’être acteurs de notre territoire, là où nous habitons. Tel est le levier essentiel. Ne plus être spectateur, mais acteur de la cité. Donc, peu importe le ou la gagnant-e de cette grande téléréalité qui vient de s’achever, fabriquons ensemble avec nos voisins, amis, familles ces micro-sociétés plus humaines et plus vivables. Par capillarité, elles deviendront le modèle de demain.
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Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis
Pascal Greboval Rédacteur en chef
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Kaizen est un mot japonais signifiant littéralement « changement bon ».
Les Jardins de Gaïa vous donnent rendez-vous pour l’arrivée: celle desduPrimeurs dupar Darjeeling ! Mais c’est également une méthode changement les petits pas. La perspective de changer brutalement, passer tout au tout, réveille Issus de petits producteurs, tous nos thés du Darjeeling sont sélectionnés à lade main etdutravaillés avec toute la passion Aucun texte ni aucune illustration nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre et le savoir-faire nécessaires pour vous offrir des thés d’une finesse exemplaire. ne peut être reproduit-e sans courage, en faire un deuxième puis toute une multitude, chaque jour, avec l’autorisation du magazine. Merci.
régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.
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Z.A. - 6, rue de l’Écluse - FR-67820 Wittisheim - Tél. +33 (0)3 88 85 88 30 - courriervpc@jardinsdegaia.com - www.jardinsdegaia.com
Sommaire • Kaizen n
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ELLES-ILS PENSENT DEMAIN 6
Rencontre Rokia Traoré : « Ayez des rêves élevés ! »
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ELLES-ILS FONT LEUR PART
JE SUIS LE CHANGEMENT
sommaire 32 Portraits Le crieur public redonne la parole aux habitants 34
Dossier Transition écologique : l’hymne de nos villages
66 Je vais bien, le monde va mieux Le kyudo ou la quête de sa cible intérieure 70 Do It Yourself Une chevelure éblouissante grâce aux hennés
75 Je passe à l’acte 10 excellentes raisons de s’engager dans une Amap 11
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76 Nos bonnes adresses Clermont-Ferrand
Les pièces du puzzle Chiens, chats, lapins... Nos meilleurs amis ?
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Portfolio
Cuisine La consoude
L’art au bout des mains
50 Vent d’ailleurs Le premier écovillage d’Irlande devient un modèle de transition 55 Politisons ! Cyril Dion 24 Créateurs de culture La philosophie à la portée de tous
56 Et si on le faisait ensemble ? Adopte un détenu
28 La voie du Kaizen Florence Servan-Schreiber
60 Le goût de l’enfance Élèves et enseignants à l’école du savoir-être
89 Les rendez-vous Kaizen
65 Écologie intérieure Gilles Farcet
94 La chronique de Pierre Rabhi
30 Une nouvelle Cochon qui s’en dédit par Sylvie Hampikian
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87 Le sourire d’Yvan Saint-Jours
92 Paroles de Colibris
rencontre
Rencontre
rencontre
Rokia Traoré « Ayez des rêves élevés ! » La chanteuse malienne Rokia Traoré, figure emblématique des métissages, a dédié son nouvel album, Né So (2016) – « chez moi » en bambara –, à tous les réfugiés. Elle nous explique comment elle agit pour que les jeunes artistes maliens puissent vivre de leur travail dans leur pays. Entretien réalisé par Carole Testa - Photos : Daniel Roblin Vous avez grandi entre le Mali, l’Algérie, l’Arabie saoudite, la France et la Belgique. Que vous a ap‑ porté cette culture plurielle ? Le brassage culturel est une réalité. Dans tous les pays où nous avons vécu, mes parents souhaitaient que l’on découvre la culture locale. On peut décider de rester dans la facilité et le familier. Pour ma part, j’ai appris à aller vers le différent et à saisir le monde qui m’entoure. Écrire, lire, communiquer à travers l’expression artistique sont des manières de rencontrer ceux qui sont très éloignés de nous, et de toucher ce qu’il y a de plus humain en chacun. En 2013, avec d’autres chanteurs du monde entier, vous avez enregistré la chanson One woman pour promouvoir les droits des femmes, à l’initiative d’ONU Femmes. À cette occasion, vous avez dit : « Je ne pense pas être la moitié ni le quart d’un homme, je pense être une femme, je suis forte comme une femme doit l’être. » Comment voyez‑vous la force au féminin ? Une femme est forte quand elle réalise ses envies, ses projets, quand elle mène sa vie librement ! Les différences entre les hommes et les femmes ne devraient pas impliquer une supériorité. La vie qu’on a envie de mener est un choix libre et un droit, quels
que soient le milieu social et le sexe. Pour ma part, j’ai dû me battre pour faire accepter certains de mes choix, comme celui de mon métier. Enfant de diplomate, je ne suis pas issue d’une famille de griots. Ma mère fait partie de la première génération de femmes instruites, puisqu’elle a obtenu un diplôme d’infirmière à la fin des années 1960. Pour elle, la musique comme choix délibéré était inconcevable. Pourquoi faire de la musique quand on n’est pas griot et quand on est instruit ? Autre exemple : je me rase le crâne au lieu de porter des tresses de cheveux artificiels, comme le font beaucoup de femmes africaines. Se raser est une coutume animiste qui est très mal perçue depuis que l’islam a pris plus de place. Pourtant, je le fais, j’affirme qui je suis. Parfois, l’obligation de lutter me fait apparaître comme féministe, alors que ce n’est pas mon but, car je conçois les relations dans la fraternité plutôt que dans l’opposition. Le titre « Sé Dan » (« respect »), tiré de l’album Né So et composé en anglais, a pour leitmotiv le mot respect : est‑ce pour vous la seule réponse possible aux radicalismes ? C’est la réponse non seulement aux extrémismes religieux, mais aussi aux radicalismes de tous genres que notre époque connaît. Notre capacité kaizen • mai-juin 2017 • 7
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Portfolio
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L’art au bout des mains
© Walter Hodges/Flirt/Photononstop
Grâce à elles, le bois, la terre, le cuir ou le verre se transforment en objets à la croisée du beau et de l’utile. Qu’elles empoignent, compriment, coupent, rabotent, frottent, déchirent ou caressent, les mains sont l’outil précieux qui relie l’artisan à la matière.
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Dossier
TRANSITION ÉCOLOGIQUE L’HYMNE DE NOS VILLAGES Loin de la mondialisation chaotique et énergivore, la transition écologique renoue avec la terre. Du global au local, c’est en milieu rural que les initiatives portent les fruits les plus mûrs. Décidés à agir, des femmes et des hommes
dossier
se mobilisent au quotidien pour incarner le changement dans l’agriculture, l’énergie, l’emploi, la démocratie, l’habitat ou encore la culture : revalorisant ainsi notre écosystème, trop longtemps maltraité. De plus en plus nombreux dans nos campagnes, des élus et des citoyens génèrent des dynamiques innovantes qui défient nombre d’obstacles. Rencontre avec ces pionniers qui sèment les graines de la transition.
Argentat-sur-Dordogne, où a lieu le festival Histoires de passages © Sylvain Golvet
1 • Faux-la-Montagne 2 • Loos-en Gohelle 3 • Loubressac 4 • Trémargat 5 • Septfonds 6 • Corbigny 7 • Boitron 8 • Sexcles 9 • Correns
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Dossier
Transition écologique L’hymne de nos villages
Habiter les bons espaces Pendant des années, les lotissements ont fleuri dans les campagnes françaises au détriment des terres agricoles. Tout en œuvrant pour dynamiser leur commune rurale, des élus trouvent des solutions d’aménagement – création d’écoquartiers et densification du centre-bourg – pour éviter cet étalement. Exemple à Faux-la-Montagne. Texte : Carole Testa
À
l’entrée de Faux-la-Montagne (Creuse), au cœur du plateau de Millevaches, six maisons habillées d’un beau bardage bois se dressent. Il s’agit de l’écoquartier du Four à pain, initié en 2009 dans ce territoire où la pierre prévaut dans l’architecture vernaculaire. Selon Catherine Moulin, l’édile de la ville, cet aménagement a pour objectif de « favoriser l’arrivée de nouveaux foyers. Les familles ne trouvent pas leur bonheur dans le bâti existant, or le maintien ou le développement de la population est indispensable à la survie de notre commune de quatre cents habitants. » À Faux-la-Montagne, les habitants ont pu participer à l’élaboration de l’écoquartier.
À première vue, on pourrait croire à un lotissement comme un autre. Mais, en regardant de plus près, nous sommes face à un exemple de développement rural durable et ce, dès la phase de conception du projet, qui fut coopérative. Élus, habitants du bourg ainsi que nouveaux arrivés ont œuvré ensemble pour créer cet écoquartier. La commune s’est notamment investie en faisant l’acquisition du terrain de 2 hectares. Pour mener à bien cette coopération, la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) L’Arban, à la fois opérateur immobilier et agence d’urbanisme, a pris en charge l’assistance à maîtrise d’ouvrage. « L’Arban a organisé des ateliers d’écriture architecturale et paysagère pour permettre aux habitants de s’approprier le projet et d’imaginer son aspect final », explique Stéphane Grasser, urbaniste et directeur de L’Arban. Furent mis en avant à cette occasion l’aspect évolutif (à la différence d’un lotissement en raquette où l’on ne peut pas ajouter de parcelles) et la nécessité d’avoir des espaces partagés (verger, zone de compostage) pour favoriser le lien social.
Écoprojet global
© L’Arban
© L’Arban
dossier
Coté construction, la priorité a été donnée aux matériaux naturels : paille, bois, chaux, terre locale, etc. Ce type d’habitat a le
Dossier
Transition écologique L’hymne de nos villages
Le numérique : l’économie des champs ?
dossier
Attirés par une vie plus proche de la nature, nombreux sont les candidats à s’interroger sur la possibilité de trouver du travail en zone rurale. Grâce au réseau social et au numérique, un nouveau modèle économique voit le jour dans nos campagnes. Texte : Carole Testa
© Pascal Greboval
«
Xavier de Mazenod, fondateur de Zevillage.net, met en place des outils pour travailler hors des grandes villes.
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L
’économie rurale de demain doit saisir la chance du numérique pour développer une économie de la connaissance ! » Ainsi Xavier de Mazenod résume-t-il sa vision de l’aménagement du territoire. Installé dans l’Orne depuis 2000, le fondateur du site Zevillage.net, consacré aux nouvelles formes de travail, connaît bien le sujet, qui se résume en une question : comment trouver du travail loin des grandes agglomérations ? « Numérique et réseau », répond-il. En clair, en développant une économie fondée sur des métiers qui font appel au savoir et à la transmission, même si « les activités numériques ne sont pas neutres du point de vue environnemental. Mais elles ne détruisent pas les terres agricoles, plaide-t-il. Ne rêvons plus d’une réindustrialisation massive. » Avec l’association L’Écloserie numérique, Xavier de Mazenod a créé, en 2010, un tiers-lieu dans le village de Boitron (344 habitants), en Normandie. Dans une maison de 80 m² prêtée par la mairie, il a mis en place des outils pour expérimenter d’autres manières de travailler : « Les travailleurs indépendants y trouvent des services multiples : un télécentre [lieu public donnant accès à Internet et aux autres technologies de la communication], un espace de coworking [lieu de travail partagé] et un espace de formation. Un fab lab [« laboratoire de fabrication »] a aussi été inauguré fin 2016 dans un bâtiment annexe de 40 m². Il permet de se former à l’informatique, à l’impression 3D… », explique ce passionné de technologies numériques. Pour une somme modique (moins de 50 euros par an), artisans et entrepreneurs peuvent utiliser le fab lab et ses outils – comme la machine de découpe au fil chaud – pour prototyper un nouveau produit. À L’Écloserie numérique, l’accès au numérique est moins un outil de travail qu’un vecteur de lien social. « Multiplier les usages d’un lieu permet de l’ouvrir aux habitants et de renforcer la dynamique globale », analyse Xavier de Mazenod. S’engage alors un cercle
Vent d’ailleurs
Le premier écovillage d’Irlande devient un modèle de transition Exemplaire en matière de transition écologique, le seul écovillage d’Irlande a accueilli ses premiers habitants en 2009, à Cloughjordan. Depuis, le bourg, qui se dépeuplait, est passé de quatre cents habitants à plus de six cents.
vent d’ailleurs
© Davie Philip
Texte : Manon Deniau
D
e la minuscule gare de Cloughjordan, dans le comté de Tipperary, il faut marcher une quinzaine de minutes avant d’arriver au seul écovillage d’Irlande. Ce laboratoire écologique à ciel ouvert de plus de 27 hectares a été classé parmi les cinq « meilleurs villages où vivre en Irlande » par le journal The Irish Times en 2012 et a reçu le Green Award ¹ de « communauté verte de l’année » de 2012 à 2014. Mais quel est donc le secret de cette oasis du nord ? Situé à deux heures en train de Dublin et bénéficiant déjà d’une vie associative active, le bourg de Cloughjordan paraissait l’endroit idéal pour implanter un écovillage. Tout commence à la fin des années 1990, quand des membres de la coopérative alimentaire Dublin Food Co-op se rassemblent, motivés à l’idée de créer le premier lieu durable et autonome d’Irlande. Dans cette optique, en 1999, ils fondent l’organisation à but non lucratif Sustainable Projects Ireland Limited (SPIL), fonctionnant comme une coopérative, et qui gère aujourd’hui les aspects légaux et financiers de l’écovillage. C’est en 2009 que les premiers écorésidents se sont installés à Cloughjordan. Grâce au bouche à oreille et aux annonces passées dans les journaux, ils sont aujourd’hui près de cent trente à avoir rejoint la communauté écologique. « Nous ne voulions pas être trop proches d’une grande ville, pour ne pas faire des allers-retours quotidiens à cause du travail », explique Duncan Martin, 67 ans, un habitant impliqué dans le projet depuis 2002. « Notre envie était malgré tout d’intégrer un endroit préexistant afin d’avoir un impact sur la population locale. » Wendy Bailey a suivi la création de l’écovillage depuis ses débuts : « Je voulais me donner la chance de vivre mieux, surtout pour mes enfants », raconte cette habitante de 48 ans qui ne connaissait à l’époque que Dublin et ses maisons en briques. C’est en 2005 que l’ancienne éducatrice spécialisée saute le pas et achète son terrain après avoir rencontré son compagnon, Pat Malone. Depuis, le couple a construit une maison en matériaux naturels : bois, chanvre et chaux.
Autosuffisance alimentaire et énergétique Comme les cinquante-quatre autres habitations bâties à ce jour dans l’écovillage, le domicile de Wendy Bailey et Pat Malone est équipé d’un système central de chauffage et d’eau chaude alimenté par une énorme pompe qui brûle des copeaux de bois inutilisés. D’après Peadar Kirby, professeur de sciences politiques à la retraite habitant dans l’écovillage, ce procédé permet à la cinquantaine d’habitations d’émettre annuellement 113,5 tonnes de carbone de moins qu’avec des moyens de chauffage conventionnels, tel le chauffage au fioul.
© Davie Philip
vent d’ailleurs La ferme communautaire fournit des légumes à 75 membres.
Et comme l’autosuffisance passe aussi par l’alimentation, une serre commune a été mise à la disposition des habitants pour faire pousser leurs fruits et légumes. Cloughjordan dispose par ailleurs de sa ferme biologique de 16 hectares, fondée par Pat Malone en 2008. Aujourd’hui, à la manière d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en France, elle compte soixantequinze « membres », qui paient 16 euros par semaine pour recevoir toute l’année les produits de l’exploitation. Un concept nouveau en Irlande. Selon Pat Malone, la conscience écologique se développe lentement dans le pays : « Aller vers ce type de nourriture n’est pas dans les priorités des Irlandais ; le porte-monnaie guide encore les choix. Nous avons dix ans de retard par rapport au reste de l’Europe. »
Transmission des savoirs Au-delà des paniers de légumes, l’écovillage et le village « traditionnel » de Cloughjordan se font désormais le vivier d’initiatives jamais expérimentées auparavant sur l’île. Le premier fab lab irlandais s’est installé ici en 2014, dans l’espace de travail WeCreate, un grand bâtiment gris métallisé qui surplombe le verger de l’écovillage. Imaginé par deux écovillageois, Anthony Kelly et Ben Whelan, ce « laboratoire de fabrication » permet à tout un chacun de créer kaizen • mai-juin 2017 • 51
Et si on le faisait ensemble ?
Adopte un détenu En Pays de la Loire, des familles accueillent chez elles des détenus pour des courts séjours en vue de préparer leur sortie. Un dispositif unique en France, qui fonctionne depuis vingt ans et peine à se dupliquer faute de moyens.
et si on le faisait ensemble ? Texte : Sophie Boutboul - Photos : Jérôme Blin/bellavieza
«
A
près avoir vidé une brouette de bûches, il lance un feu de cheminée et se réchauffe face au bois crépitant. À Saint-Mars du Désert (Loire-Atlantique), dans la maison d’Edwige, Jérémy 1 se détend. Quelques heures plus tôt, en ce matin glacial de janvier, le jeune homme de 26 ans poussait la porte métallique du centre de détention de Nantes pour rejoindre son éducatrice, venue le chercher pour sa permission. Pendant trois jours, et pour la deuxième fois, Jérémy s’installe chez Edwige, 67 ans. Venant de La Réunion, il a très peu de proches en métropole. Il a donc demandé à son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) s’il pouvait entrer dans le Dispositif d’accueil en famille proposé par l’association nantaise L’Étape, qui œuvre notamment pour l’insertion des sortants de prison.
Jérémy arrivera fin 2017 à la fin de sa peine de six ans. Après plusieurs rencontres avec des éducateurs voulant s’assurer qu’il n’était pas dans le déni de ses actes passés, et des discussions autour de son projet de maçonnerie, il a été accepté dans le programme. « Ça m’a fait bizarre d’arriver chez quelqu’un que je ne connaissais pas. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise, se félicite Jérémy, cheveux frisés et barbe courte. À la fin de ma première peine à La Réunion, je me suis senti abandonné. Les gens comme Edwige nous montrent qu’on n’est pas complètement des oubliés de la société, qu’on est toujours vivants. » En vingt ans d’existence, grâce à une vingtaine de fa m i l l e s , L’ É t a p e a a cco m p a g n é p l u s d e deux cents détenus. Edwige en a hébergé trente-neuf depuis 2000. Elle continue de correspondre avec certains par lettre ou téléphone. Un ancien prisonnier lui rend même visite une semaine par an. Un problème ne s’est posé qu’une fois depuis tout ce temps : un détenu n’était pas rentré dormir chez Edwige et L’Étape avait dû prévenir la gendarmerie. « L’Étape offre une sécurité, qui permet ce don de moments partagés, souligne le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation Bruno Fritel, du syndicat Insertion 44. Les détenus voient qu’il y a des gens prêts à les pardonner et qu’il est possible de se reconstruire dehors. »
Donner une deuxième chance Comme lors de son précédent séjour il y a trois mois de ça, Jérémy va prendre son premier déjeuner chez Edwige avec l’éducatrice Myriam. C’est le moment choisi pour la signature du contrat entre L’Étape, 56 • kaizen • numéro 32
et si on le faisait ensemble ?
Ayant peu de proches en métropole, Jérémy passe ses quelques jours de permission chez Edwige, qu’il ne connaissait pas avant.
le détenu et la famille, qui établit les objectifs de la permission. « J’ai envie d’improviser, de respirer l’air et d’évacuer tous ces barreaux de ma tête », annonce Jérémy, avec son accent créole chantant. Myriam prend note sur la table napée d’un tissu rouge, à côté du poulet rôti, tout en donnant un reçu à Jérémy pour son règlement de 1,50 euro par nuit, une participation symbolique dont doit s’acquitter le détenu. Un des autres objectifs de Jérémy est de reprendre contact avec sa sœur – ce qu’il fera. L’éducatrice reviendra le chercher après trois jours, puis dressera un bilan avec Edwige et lui. Une fois Myriam partie, Edwige et Jérémy fument une cigarette en discutant de cuisine réunionnaise, avant de sortir acheter un manteau pour Jérémy, frigorifié sous son pull fin. Lors du premier séjour, le motif de l’incarcération est abordé. « Je ne juge pas, je peux tout entendre, insiste Edwige, qui a commencé l’accueil en 2000 avec son mari, décédé depuis. Ça peut faire glauque quand on nous raconte des histoires de meurtre, mais quand on me demande si j’ai peur, je dis non ! Je fais confiance à L’Étape, qu’on peut joindre 24 heures sur 24. Si venir ici peut aider des personnes à reprendre le bon chemin, c’est le minimum que je puisse faire. » L’éducatrice Myriam analyse : « Les enfants des accueillants, eux-mêmes parents [la plupart des accueillants sont des retraités ayant des petits-enfants], ne sont pas toujours du même avis, et certains voisins les prennent pour des fous, comme ils logent parfois des personnes ayant des interdictions de contact avec les mineurs. Mais eux agissent avec cette volonté de donner une deuxième chance. » Après une nuit dans sa chambre aux murs boisés, Jérémy, parka noire neuve sur le dos, est prêt pour
une escapade à Pornic, à une heure de route de Saint-Mars-du Désert. Même s’il a peur de la voiture, il défie sa crainte aux côtés d’Edwige en scrutant les vaches et le paysage défilant au bord du bitume. « J’avais jamais vu la mer en métropole, ça fait du bien, je capte le soleil », sourit-il. L’iode titille les narines. « Tu veux aller toucher l’eau ? », questionne Edwige, alors que les mouettes crient. « C’est autorisé ? », s’enquiert-il. « Oui, bien sûr ! La mer est à tout le monde », rigole Edwige. Le ressac des vagues sur la plage déserte accompagne les sauts de Jérémy à travers les rochers. « Je vais t’aider à descendre, Edwige, j’ai l’impression d’être un superhéros », lance-t-il, le torse bombé, en lui tendant la main. « J’ai l’impression d’être une vieille », s’amuse la truculente Edwige.
kaizen • mai-juin 2017 • 57
goût de l’enfance
Le goût de l’enfance
Élèves et enseignants à l’école du savoir-être Prendre conscience de ses émotions, apaiser ses tensions, s’affirmer avec bienveillance… Tout cela peut s’apprendre dès l’enfance. L’association Savoir-être à l’école propose des ateliers pour initier les élèves et les équipes éducatives au mieux vivre-ensemble en classe. Reportage. Texte : Sabah Rahmani - Photos : Éléonore Henry de Frahan et Tifenn Ripoll
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uelle est votre météo aujourd’hui les enfants ? » : des petites mains s’élèvent, les doigts écartés, pour former un soleil ; d’autres ferment le poing pour symboliser un nuage, tandis que quelques-unes font pianoter leurs doigts pour imiter la pluie. Ce jour-là, à l’école primaire Albert Petit de Bagneux (Hauts-de-Seine), la météo donne le climat de la classe. Le soleil exprimant le bien-être, le nuage un état moyen, et la pluie son humeur maussade. Dans le cadre d’un temps d’activité périscolaire (TAP), une quinzaine d’élèves de CM2 participent à l’atelier hebdomadaire « Mieux vivre ensemble grâce à la découverte et la compréhension des émotions et des comportements », animé par l’association Savoir-être à l’école. Cet après-midi, Aubéry Montero, animatrice et psychologue de formation, interpelle les enfants : « Que se passe-t-il quand on est colère ? » Dans un contexte scolaire où les récréations sont parfois le théâtre de scènes violentes, les réponses fusent : « On devient agressif ! » ; « On tape ! » ; « On peut être méchant, insulter et taper, même si c’est des amis ! » « Et les points positifs ? », les interroge-t-elle. « C’est impossible ! », lancent en chœur la moitié des élèves, surpris par une telle question. « En fait, ce n’est pas forcément toujours négatif. Parfois, la colère peut nous donner du courage pour exprimer des choses que l’on ne dit pas d’habitude. Le plus important, c’est de bien savoir gérer sa colère sans violence. C’est ce que l’on va apprendre progressivement dans cet atelier », explique calmement l’animatrice. Identifier ses émotions, repérer une situation stressante ou conflictuelle, utiliser des astuces pour apaiser un trouble, tels sont les objectifs de cet atelier original programmé sur un cycle de six séances pour cinq classes de cette école primaire. « Savoir nommer et prendre conscience de ses émotions est capital. Si un enfant a peur et ne peut pas l’exprimer, c’est bon qu’il puisse être aidé à le faire.
À partir de là, on peut entrer en communication et accompagner l’enfant à grandir, à s’ouvrir à l’autre et à être plus autonome », argumente Pierre Moorkens, philanthrope et entrepreneur belge, fondateur de Savoir-être à l’école. Apparu en France en 2014, ce projet est le petit frère de l’association belge Learn to Be, née en 2007. L’objectif ? « Permettre aux enfants et adolescents de disposer d’une éducation qui intègre la connaissance de soi et le savoir-vivre ensemble » et « accompagner les acteurs de l’éducation afin qu’ils bénéficient des formations, du soutien et des outils pour développer leur propre compréhension émotionnelle et relationnelle, et celle des leurs élèves ».
goût de l’enfance
Se laisser guider comme une marionnette ? Un bon exercice pour renforcer sa confiance en soi et en l’autre.
Mieux se connaître
Durant l’atelier, Aubéry Montero invite les enfants à faire une série d’exercices ludiques pour apprendre à faire attention à ses camarades, se laisser guider ou mieux se connaître à travers l’autre. Ainsi deux garçons improvisent une danse face à deux élèves qui reproduisent leurs mouvements en miroir. À l’autre bout de la classe, une jeune fille incarne une marionnette guidée par des fils imaginaires tenus par une camarade. De leur côté, quatre enfants écoutent des chiffres énoncés par les autres, puis répètent et complètent la série en ajoutant un son. Une fois les jeux terminés, les élèves sont invités à expliquer leurs
je vais bien le monde va mieux Je vais bien, le monde va mieux
Le kyudo ou la quête de sa cible intérieure Art martial dont le nom signifie « la voie de l’arc », le kyudo est une pratique de l’archerie traditionnelle japonaise. En visant la victoire permanente, non pas sur un adversaire, mais sur soi-même, le kyudo permet de dompter ses émotions et de développer courage et concentration. Texte : Aude Raux - Photos : Éléonore Henry de Frahan 66 • kaizen • numéro 32
je change
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La barbe blanche de Claude Luzet, professeur bénévole 6e dan 2, trahit une longue pratique (28 ans) : « Il ne s’agit pas de viser, mais d’être dans la cible », explique-t-il après avoir corrigé d’un millimètre la posture d’un archer. Il poursuit : « Une fois trouvée la forme parfaite, celle du squelette pris dans l’arc, on laisse gonfler l’énergie. Il faut être à l’écoute de sa respiration, abdominale, qui vient s’harmoniser avec le mouvement. Celui-ci doit être très fluide. On ne décide pas quand on tire, cela se fait au-delà de sa propre volonté. On éprouve alors une belle sensation. Presque une illumination. Comme si quelque chose nous dépassait. » Sur l’un des murs du kyudojo est affichée une calligraphie japonaise. On peut y lire cette définition : « Le kyudo, ce sont les nuages qui passent et l’eau qui coule. » Une révélation pour Laetitia Bachellez. La jeune femme pratique cet art martial depuis deux ans et demi : « J’ai enfin appris à lâcher prise. À laisser les choses se faire d’elles-mêmes. Désormais, je suis davantage indulgente envers moi. Je ne vise plus la performance, mais la discipline, l’exigence et l’éthique. La cible devient alors accessoire. Seule compte la quête de la beauté du geste. » n
je vais bien le monde va mieux
omme tous les arts martiaux, le kyudo, qui signifie “la voie de l’arc”, trouve son origine chez les samouraïs du Japon médiéval. La différence avec la tradition guerrière, c’est qu’on ne combat aucun adversaire extérieur : on recherche la victoire permanente sur soi-même », précise Claude Luzet, vice-président et directeur technique de l’association de Kyudo du Val Maubuée (Seine-et-Marne). « Cette discipline, ajoute-t-il, puise également dans les cérémonies pratiquées à la même époque à la cour impériale et dans les temples. Notons que les trois religions-philosophies que sont le shintoïsme, le confucianisme et le bouddhisme imprègnent le kyudo. » En ce lundi soir de mars, quinze archers vêtus de larges pantalons plissés et de kimonos participent à l’entraînement sous son regard bleu exigeant. L’un après l’autre, ils pénètrent en silence par groupe de cinq dans l’aire de tir abritée du magnifique dojo 1 de kyudo à Noisiel. Ils ancrent leurs pieds dans le parquet. Consolident leur posture. Et recherchent la gestuelle parfaite. Quand ils ne font plus qu’un avec leur arc de bambou, qui du haut de ses 2,20 mètres encercle leur corps et leur esprit, ils décochent une première flèche. Celle-là survole un espace ouvert de pelouse pour transpercer, 28 mètres plus loin, une cible de papier. Une seconde flèche fend la nuit. Puis le groupe repart aussi solennellement qu’il était arrivé. Et un autre lui succède, porté par la même chorégraphie codifiée.
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Salle où l’on enseigne et pratique les arts martiaux. Dans les arts martiaux japonais, chacun des grades de la ceinture noire.
Nos le bonbonnes plan adresses
Clermont-Ferrand Gonflé à l’air bio
Texte et photos : Pascal Greboval - Dessin : Manu Thuret
BOIRE ET MANGER Le chocolat, vous l’aimez un peu, beaucoup, passionnément ? Quelle que soit la dose dont vous avez besoin, vous trouverez à L’ARMOIRE À CUILLÈRES l’excellence. Dans ce bar à chocolat, Mallorie cultive le bon goût. « Tout n’est pas bio, assume-t-elle, mais de qualité. Pour le chocolat, je travaille avec des producteurs du monde entier qui peuvent garantir notamment la traçabilité, car ce n’est pas un secteur très éthique [lire Kaizen n o 30]. Pour les autres aliments et boissons, je m’approvisionne en bio ou localement. » Dans ce lieu confortable, vous apprécierez de boire, manger ou croquer le chocolat sous toutes 76 • kaizen • numéro 32
ses formes. L’Armoire à cuillères recèle d’autres saveurs. En plus des concerts et soirées contes, Mallorie propose des animations originales : le speed-booking (vous avez quatre minutes pour présenter et défendre votre livre), la choco-sophrologie et le macramé. Et si LE TEMPS D’UN VERRE vous testiez un vin naturel ? Après leurs études de sommellerie, trois amis découvrent la biodynamie par l’intermédiaire du vigneron Jean-Pierre Frick, pionnier du bio en Alsace. En 2015, Amélie et les deux Alexandre ouvrent un bar à vin qui privilégie les vins naturels et biodynamiques. « Contrairement à une cave, le bar à vin permet d’avoir un échange, de créer du lien. » Dans ce bar à la décoration originale, il est agréable de boire un verre accompagné d’une planche de produits locaux ou bio.
je change LA BERGAMOTHÉE, « c’est un lieu engagé sur des valeurs humanistes, où l’on prend son temps et où on se fait plaisir », garantit Nathalie, créatrice de ce restaurant-salon de thé végétarien. À la carte : des plats de saison composés de produits locaux ou bio. Et au sous-sol, une petite salle conviviale avec une programmation culturelle éclectique : concerts, théâtre, conférences… Bref, un bon endroit pour faire une pause !
Sur la place du marché Saint-Pierre, au café MYRTILLE, Marie-Laure propose depuis 2015 une cuisine locale, bio et végétarienne, avec des options véganes. Avec une carte qui change chaque jour, l’expression « cuisine de saison » prend tout son sens ici. Marie-Laure a même réussi à convaincre son maraîcher de cultiver des pois chiches made in Auvergne. Le circuit court, ça marche dans les deux sens ! Alors, pour un thé ou un déjeuner, c’est assurément une bonne adresse.
le bon plan
BIEN DANS SON CORPS Dans sa BOUTIQUE NATURELLEMENT, Claire propose des vêtements et des chaussures « écologiques, équitables et confortables », en privilégiant les marques allemandes. Vous trouverez ici lin, chanvre et bambou pour vous couvrir de la tête aux pieds. Et même quelques bijoux de créateurs locaux recyclant les capsules de café ou travaillant l’ivoire végétal. Après une formation d’ayurvéda et d’herboristerie, Floriane a naturellement ouvert HERBULA, « un lieu pour favoriser le bien-être à travers l’alimentation. Je conseille aux clients d’intégrer certaines épices ou herbes à leur alimentation selon leur profil. » Ici, épices et plantes sont 100 % bio. « Conjuguer création et produits bio est une grande satisfaction », témoigne Emmanuelle dans son beau salon HAIRATORIUM. « J’allais arrêter la coiffure quand j’ai découvert les couleurs végétales. » Pour autant, pas question pour la créatrice de rester terne : « J’aime bien conserver un état d’esprit espiègle, le bio doit être joyeux et rock’n’roll ! » Pour atteindre cet objectif, la jeune femme conjugue deux ingrédients : des produits naturels et du temps. « S’il le faut, les gens restent deux à trois heures. Comme les colorations végétales tiennent mieux, au final, sur un an, le budget n’est pas plus élevé que pour des traitements capillaires classiques. » kaizen • mai-juin 2017 • 77
Cuisine
La consoude cuisine Pour nous consolider Elle en impose, avec sa tige robuste, ses grandes feuilles pointues et ses jolies fleurs blanchâtres, roses ou bleu intense. À l’image de sa carrure d’athlète, la consoude est la plante qui soigne aussi bien les petits bobos que les fractures. Tendre et savoureuse, elle apporte une vague iodée qui ne laisse pas indifférent. Textes et photos : Linda Louis
SAUVAGE & DÉLICIEUX !
C
ousine de la bourrache, du myosotis et de la vipérine, la consoude fait partie d’une famille de plantes ayant toutes une caractéristique peu glamour… Du poil aux pattes ! En effet, Mesdames les Borraginacées sont recouvertes d’un duvet, plus ou moins rêche selon les espèces. Mais cet inconvénient comporte un avantage, et pas des moindres : 80 • kaizen • numéro 32
il facilite leur identification. Ainsi, on ne confondra pas les feuilles rêches de la consoude avec celles de la digitale pourpre, très douces… mais toxiques ! Le goût plus ou moins iodé de la consoude rappelle celui du concombre ou de l’huître, surtout pendant la floraison. Les beignets que l’on réalise avec sont d’ailleurs appelés « sole végétale », car leur texture
je change IDENTIFICATION DE SYMPHYTUM OFFICINALE (BORRAGINACÉES)
croustillante en surface et moelleuse à cœur rappelle celle de la sole meunière. C’est le mucilage (substance visqueuse présente dans les algues ou les graines de lin) qui donne cette étonnante sensation en bouche. L’oreille d’âne (ou langue de vache, au choix !) est aussi bien connue des amateurs de cuisine sauvage que des jardiniers. Comme avec l’ortie, on prépare avec un purin stimulant la croissance et la floraison des plantes. Riche en potasse, elle est complémentaire de l’ortie connue pour sa haute teneur en azote. Ce purin agit également en tant que répulsif contre les parasites et comme activateur de compost. Toxicité ? L’agence américaine Food and Drug Administration indique que la consoude ingérée à haute dose (surtout ses racines) serait hépatotoxique (foie) à cause de ses alcaloïdes pyrrolizidiniques. Les herboristes évoquent une injuste chasse aux sorcières… Par précaution, consommez-en sans en abuser, et de préférence les feuilles de la grande consoude (fleurs blanches) contenant moins d’alcaloïdes que les consoudes à fleurs roses.
• Plante vivace de 30 à 120 cm de hauteur, robuste, munie d’une tige épaisse, de grandes feuilles et, à son sommet, de fleurs en forme de clochettes tubuleuses et poussant en colonie. • Feuilles de 10 à 15 cm de large et jusqu’à 25 à 30 cm de longueur, ovales, lancéolées, aux nervures bien visibles, pétiolées (avec une « tige » en forme de gouttière) pour les inférieures, non pétiolées pour celles situées en haut de la tige, vert foncé mat, épaisses, recouvertes d’un duvet de poils plus ou moins rêches. • Fleurs blanc jaunâtre, rosées ou violet clair *, à corolle tubuleuse d’environ 2 cm de long, enroulées en spirale avant leur ouverture (floraison de mai à juillet). • Racine ramifiée, recouverte d’une peau brunâtre et à la chair blanche, de 1 à 2 cm d’épaisseur (récolte au printemps ou en automne). • Habitat au bord des chemins humides, des rivières, dans les fossés, au pied des peupliers, là où le sol est gorgé d’eau.
cuisine
À ne pas confondre avec… La digitale pourpre (Digitalis purpurea), très toxique, aux feuilles vert plus clair, veloutées au toucher, aux nervures peu visibles au-dessus et bien visibles rosées en dessous, présente en forêt parmi les fougères. La consoude tubéreuse (Symphytum tuberosum) de 20 à 40 cm de hauteur, à fleurs jaune clair, aux feuilles inférieures plus petites que les supérieures, aux propriétés médicinales moins intéressantes que la grande consoude.
* La consoude hérissée (Symphytum asperum) et la consoude de Russie (Symphytum × uplandicum) souvent présentes dans les jardins, comportent des fleurs rose vif ou bleu violacé.
En cuisine
Les feuilles de consoude se cuisinent en beignets ou comme des épinards : en soupe, en poêlée, dans des quiches ou cakes salés, les omelettes, les soufflés au fromage. Elles peuvent être ébouillantées et remplacer les feuilles d’algue nori pour confectionner des makis. Ne les consommez pas crues, car elles irritent les muqueuses de la bouche. En revanche, les fleurs sont comestibles crues et décorent les salades ou les tartines de fromage. n
Vertus thérapeutiques et médicinales C’est l’une des meilleures plantes cicatrisantes, consoude venant du latin consolidare, « consolider, affermir ». Vulnéraire (guérit les blessures), astringente (resserre et assainit les tissus), émolliente et adoucissante (apaise les parties enflammées), la consoude est la plante antibobos par excellence. Elle contient de l’allantoïne, substance qui stimule la multiplication cellulaire. Pour les gerçures, les plaies suppurantes, les brûlures ou coups de soleil, les dermatoses, les piqûres d’insectes, réalisez une décoction : 100 g de racines sèches concassées bouillies à couvert et à feu doux pendant 20 minutes dans 500 ml d’eau ; à appliquer avec une compresse 3 ou 4 fois par jour.
Pour traiter les troubles osseux, articulaires, tendineux et de calcification, réalisez un cataplasme : mixez des feuilles fraîches bien lavées avec un peu d’eau et faites bouillir cette pâte 1 minute. Enveloppez-la encore chaude entre deux compresses et serrez avec un bandage sur la zone à traiter (à changer toutes les 4 heures) ; ou imbibez une compresse avec la décoction et maintenez-la avec un bandage pendant 30 minutes, 4 fois par jour. Pour tous ces maux, vous pouvez également préparer la recette de baume donnée page suivante. En usage interne, la consoude était autrefois indiquée pour les maladies des voies respiratoires, les diarrhées et les ulcères. kaizen • mai-juin 2017 • 81
je change
Rendez-vous Avril [CONFÉRENCE KAIZEN] 27 avril à 19 h 30 / Marseille (13) La permaéconomie, ou l’économie au service de la vie. Avec Emmanuel Delannoy, fondateur de l’association Inspire. Friche La Belle de mai - 41, rue Jobin Entrée libre Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences
Mai [DÉBAT KAIZEN/LA RECYCLERIE] 9 mai à 18 h 30 / Paris Urbaines ou rurales, comment les micro-fermes redessinent le paysage. Avec Roger des Prés, créateur de La Ferme du bonheur, Maxime de Rostolan, coordinateur du projet Fermes d’avenir et Marie-Monique Robin, réalisatrice du documentaire Qu’est-ce qu’on attend ? La Recyclerie - 83, boulevard Ornano - 75018 www.larecyclerie.com/agenda [CONFÉRENCE KAIZEN] 10 mai à 19 h 30 / Paris Oasis, un nouveau mode de vie. En quoi ces nouveaux modes de vie participent à relever les défis environnementaux et sociaux auxquels notre société est confrontée ? Avec Elvira Jaouën, maire de Courdimanche, Mathieu Labonne, coordinateur du projet Oasis et Pierre-Yves Jan, de la Coordin’action nationale des associations pour l’habitat participatif. Goethe-Institut - 17, avenue d’Iéna - 75116 Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences [CONFÉRENCE KAIZEN] 16 mai à 19 h / Lyon Pour une adolescence joyeuse. Comment accompagner les adolescents vers une autonomie et leur donner la liberté d’être ? Avec Adrian Serban, pédiatre ; Emmanuelle Piquet, fondatrice des centres de consultation À 180° et Chagrin Scolaire ; et Brigitte Julian et Maude Lallier, de la Compagnie du Pied levé. Goethe-Institut - 18, rue François Dauphin - 69002 Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences [KAIZEN PARTENAIRE] 25 au 27 mai / île de Groix (56) Salon Ressources, 1re édition. Un salon pour réveiller nos consciences et nos possibles pour réenchanter le monde. https://laressource.lelieuagroix.com
L’AGENDA MAI-JUIN 2017
[KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE] 25 au 28 mai / Colmar (68) Foire Écobio d’Alsace, 36e édition. Conférence Kaizen samedi 27 à 14 h 30 : L’adolescence, une étape vers l’autonomie. Clément Defèche, enseignant à l’école Steiner, Joana Herbillon, adolescente de 16 ans et Caroline Kusternak, thérapeute. Parc des expositions www.ecobio.alsace • 09 77 69 11 23 [CINÉ KAIZEN] 29 mai à 20 h 30 / Paris Ciné-débat autour du film Captain Fantastic en présence de Clara Bellar réalisatrice du film Être et devenir. Cinéma Le Chaplin - 24, place DenfertRochereau - 75014 www.lescinemaschaplin.fr/denfert
[CONFÉRENCE KAIZEN] 14 juin à 19 h 30 / Paris Pour une adolescence joyeuse. Comment les adolescents vivent cette phase de transition ? Avec Marie Rose Moro, directrice de la Maison des adolescents de Cochin, Muriel Menuet, proviseure adjointe du lycée Eugénie Cotton à Montreuil et Laure Reynaud, cofondatrice de Scholavie. Goethe-Institut - 17, avenue d’Iéna - 75116 Réservations : www.kaizen-magazine. com/conferences
Juillet [SÉJOUR KAIZEN] 9 au 15 juillet / Vernines (63) Séjour Randonnée et qi gong au gîte Le Bonheur dans le pré, associant marche douce et disciplines d’éveil corporel. Au cœur des volcans d’Auvergne, vous découvrirez l’art énergétique chinois. www.kaizen-magazine.com/vacancesqigong • 04 73 21 54 78
rendez-vous Juin
[CONFÉRENCE KAIZEN] 2 juin à 20 h / Aix-en-Provence (13) Demain, quelle agriculture ? Avec Carole et Sylvain Meneaud, éleveurs de porcs bio, Frédéric Denel, payculteur réseau Fermes d’avenir et André Huber, animateur en agroécologie. La Baume, 1770, chemin de la Blaque Réservations : www.kaizen-magazine.com/conferences
RENCONTRES « JE PASSE À L’ACTE » Deux nouveaux titres « Je passe à l’acte » (coédition Kaizen/Actes Sud) sortent en mai ! Ne les manquez pas, ainsi que les nombreuses rencontres organisées autour de cette collection dans toute la France !
[KAIZEN PARTENAIRE] 2 au 4 juin / Correns (83) Festival Joutes musicales de printemps, 20e édition. www.le-chantier.com 3 et 4 juin / Auvillar (82) Premières rencontres Science et conscience. Avec : Philippe Guillemant, Fabien Rodhain, Jeanne Ayache… http://asceau.over-blog.com 06 95 59 67 32 [SÉJOUR KAIZEN] 8 au 11 juin / Saint-Andéol (26) Séjour Méditation créatrice à La Lune en bouche. Pour apprendre à créer, à changer, à se transformer, à prendre soin, à se réparer avec la méditation comme outil. Animé par Stéphanie Dumas, chiropracteur, conférencière, coach de vie. Réservations : www.kaizen-magazine.com/ vacances-la-lune-en-bouche
28 avril à 18 h Librairie Les Bien-aimés, 2, rue de la Paix, Nantes 28 avril à 19 h Librairie Raconte-moi la Terre, 14, rue du Plat, Lyon 2e 6 mai à 14 h Théâtre du Centaure, 2, rue Marguerite de Provence, Marseille 9e 6 mai à 15 h Librairie Le Pavé du canal, 3 bis, quai F. Pouillon, Montigny-le-Bretonneux 10 mai à 15 h 30 Librairie des Batignolles, 48, rue des Moines, Paris 17e 19 mai à 18 h Librairie du Square, 61, rue des Batignolles, Paris 17e 22 mai à 15 h 30 Librairie Inkipit, 57, avenue Aristide Briand, Antony 23 mai à 17 h 30 Libraire Pedone, 13, rue Soufflot, Paris 5e 30 mai à 18 h 30 Librairie Nouvelle d’Orléans, 2, place de la République, Orléans 2 juin à 17 h Librairie de Provence, 31, cours Mirabeau, Aix-en-Provence 3 juin à 11 h Librairie Actes Sud, place Nina Berberova, Arles 3 juin à 15 h Librairie Le Pavé du canal, 3 bis, quai F. Pouillon, Montigny-le-Bretonneux 3 juin à 16 h Librairie Maupetit, 128, La Canebière, Marseille 1er 9 juin à 19 h Librairie Des livres et vous, place de l’Église, Sarrant 16 juin à 18 h Librairie Graine de Livres, 16, rue de la Gare, Valdahon 17 juin Médiathèque, 1, place de la Loi, Baume-les-Dames 23 juin à 18 h Librairie Lucioles, 13, place Charles de Gaulle, Vienne 24 juin à 14 h Librairie Mise en page, 45, avenue des Frères Lumière, Lyon 8e