Kaizen 37 : Semences, quelles graines pour demain ?

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mars-avril 2018

DOSSIER

SEMENCES, couv QUELLES GRAINES POUR DEMAIN ?

NOS BONNES ADRESSES

LYON

MIEL

NAOMI KLEIN

CONSOMMONS LOCAL

BÂTIR L’ALTERNATIVE Belgique 7,20 € Suisse 10,40 CHF


Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège social 19, rue Martel - 75010 Paris info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 37 Mars-avril 2018 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet

Édito

édito

L’appel des graines

Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaires de rédaction Diane Routex Emmanuelle Painvin Éditrice Web Maëlys Vésir Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Comptabilité Patricia Lecardonnel Attachée commerciale Cyrielle Bulgheroni Stagiaire pour ce numéro Anissa Duport-Levanti Direction artistique, maquette et mise en pages • hobo@hobo.paris hobo.studio Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture Jérômine Derigny - Collectif Argos Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution

Des graines, nous en semons tous les jours : dans les bacs, dans les jardins, dans nos relations, dans le cœur des gens que nous croisons, dans le ventre des femmes que nous aimons… Il y a quelque chose de magique avec les graines, ces « petites choses » qui, poussées par la force du vivant, deviennent une belle capucine, un beau potiron, une belle amitié ou un beau bébé ! Il y a quelques années, Yvan SaintJours a semé une graine… Elle a germé, elle a poussé, elle est devenue Kaizen. Trente-sept numéros plus tard, appartientelle encore à celui qui l’a semée ? C’est la question, en creux, que pose notre dossier [lire pages 34 à 49]. Les graines, une fois devenues plantes, fruits, restent-elles propriété de celui qui les a cédées ? C’est le fantasme, devenu réalité, des grands groupes semenciers : des graines normées, non reproductibles, à usage unique. Selon ce principe, vous ne liriez pas Kaizen. C’est bien parce que des défricheurs souhaitent que leurs graines essaiment que nous nous faisons le relais de leurs initiatives. Nous sommes des passeurs de graines. Est-ce dans des toilettes (sèches), au bar du coin ou à la médiathèque que ce magazine a fleuri dans votre esprit ? Aujourd’hui, c’est à vous d’essaimer auprès de ceux, celles qui s’interrogent sur notre modèle de société. En famille, au bureau, en voyage… Semez, partout, joyeusement ! Vous êtes des pollinisateurs. Des semeurs d’espoir. Paysannes ou citoyennes, les graines doivent circuler. Ces « petites choses » ont décidément quelque chose de magique. Elles sont la vie. Pascal Greboval Rédacteur en chef

Régie de publicité et distribution

magasins spécialisés Ledans local avant tout AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50

Notre dissllerie, installée en Auvergne, privilégie la Distribution Presstalis proximité en nouant des partenariats avec des cueilleurs et au n° pour les diffuseurs desVente agriculteurs locaux. Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr

De la plante au flacon

Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.

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Producteurs deplus plus de deux décennies, nous KAIZEN MONTRE L’EXEMPLE savoir-faire unique dans la valorisason des Cher-epossédons abonné-e,un bonne nouvelle ! . médicinales Le film deplantes routage de Kaizenetaaromasques changé. Il est désormais biodégradable et certifié Home Compost. En résumé, vous pouvez le mettre dans votre compost.

De la culture ou cueilleee des plantes à la mise en flacon, nous maîtrisons chaque étape de la chaîne de fabricason pour une qualité irréprochable.

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Sommaire • Kaizen n 37 • mars-avril 2018 o

ELLES-ILS PENSENT 6

Rencontre Naomi Klein : bâtir l’alternative

11

Les pièces du puzzle Faire son miel du travail des abeilles

ELLES-ILS FONT

sommaire Dossier 34

Semences : à la racine de l’agriculture

14 Portraits Les apiculteurs, sentinelles de la biodiversité

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Cuisine

Les salades sauvages : des petites bombes énergétiques

20 Créateurs de culture Alain Guyard, le philosophe forain

Vavilov : voyage au temple des semences

70 Do It Yourself Donner une seconde vie aux emballages de la salle de bains

76 Nos bonnes adresses Lyon

18 Une nouvelle La fille du fleuve, imaginée par Clara Arnaud

Portfolio

66 Je vais bien, le monde va mieux Les plantes indispensables à votre santé : l’artichaut

75 Une randonnée, pas à pas… Les crêtes du Vercors, face au mont Blanc

16 La voie du Kaizen Christophe André

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JE CHANGE

50 Vent d’ailleurs Sénégal : des villageois régénèrent leurs fonds marins 55 Politisons ! Cyril Dion 56 Et si on le faisait ensemble ? Des jardins potagers pédagogiques fleurissent sur les toits parisiens 61 Écologie intérieure Gilles Farcet 62 Le goût de l’enfance Écolo crèche : la nature au cœur de la petite enfance

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87 Le sourire d’Yvan Saint-Jours

89 Les rendez-vous Kaizen 92 La Fabrique des Colibris 94 La chronique de Pierre Rabhi


© Kourosh Keshiri

rencontre


Rencontre

rencontre

Naomi Klein Bâtir l’alternative Essayiste et journaliste, la Canadienne Naomi Klein est devenue une icône de l’altermondialisme depuis la publication de son livre No logo en 2001. Avec son dernier ouvrage Dire non ne suffit plus, elle nous invite à fixer un nouveau cap pour fonder une société plus juste et plus humaine, ici et maintenant. Propos recueillis par Maëlys Vézir

On vous connaissait dans une vision contestataire, axée sur le non. On vous découvre ici en force de proposition, ancrée sur le oui. Comment expliquer ce virage ? Par rapport à mes précédents écrits, Dire non ne suffit plus est plus court et plus pragmatique. Il a été rédigé en moins de cinq mois, juste après l’élection de Donald Trump. Son arrivée à la MaisonBlanche a indigné une grande partie de la société civile et de la classe politique aux quatre coins du globe. On a souvent parlé de « tournant », de « rupture » ou d’« aberration »… Autant de termes que je réfute. Selon moi, son élection n’est pas un accident, mais une conséquence logique de tout un système de pensée, d’un capitalisme débridé entretenu depuis des années. Du développement des « super-marques » au néolibéralisme imposé à l’échelle mondiale en passant par le repli nationaliste et xénophobe, ce sont des tendances que j’ai étudiées tout au long de mes précédents essais. Donald Trump n’est que le résultat outrancier, le point culminant de ce que la culture américaine a pu créer. Il est le produit pur de la réussite matérielle comme but en soi et le symbole de la mainmise des grandes fortunes privées sur le

système politique. Il est un symptôme d’une maladie grave que traverse notre société, mais cette maladie, nous pouvons la guérir. Dans ce livre, vous posez les bases d’une résistance envers le président des États-Unis et contre sa « stratégie du choc ». Comment se manifeste-t-elle ? Une « stratégie du choc » est un ensemble de tactiques brutales imposées sous prétexte d’une période de crise, qu’elle soit politique, économique ou environnementale. Une méthode très prisée des partis xénophobes et d’extrême droite. En ce qui concerne Donald Trump, c’est une « machine à chocs ». À chaque discours, à chaque tweet, il crée la polémique. Il aime entretenir une sorte de divertissement médiatique pour détourner l’attention et introduire des politiques qui détruisent les ressources publiques et enrichissent une minorité. Il se nourrit des « chocs » qui rendent la population vulnérable pour faire passer en force les aspects les plus extrémistes de son programme. Que ce soit l’avalanche de décrets signés au début de son mandat, ses politiques raciale et sexuelle ou encore son retrait de l’Accord de Paris, symbole de son déni face au réchauffement climatique. kaizen • mars-avril 2018 • 7


Portfolio

portfolio Vavilov Voyage au temple des semences Photos : Jérômine Derigny, collectif Argos L’Institut Vavilov est la banque de graines la plus complète de la planète. Situé à Saint-Pétersbourg, en Russie, cet établissement étatique abrite, depuis 1894, une collection de semences unique au monde : 327 000 échantillons de 2 200 espèces de plantes cultivées. Pour réaliser le dossier consacré aux semences [lire pages 34 à 49], Jérômine Derigny, photos, et Aude Raux, texte, ont pu accéder à ce « grenier de l’humanité », fondé par un botaniste visionnaire, épris de génétique : Nicolaï Vavilov.

L’Institut Vavilov est situé sur la somptueuse place Saint-Isaac de Saint-Pétersbourg.

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portfolio

Les portraits de Nicolaï Vavilov, l’un des pionniers de la collecte de graines de plantes agricoles, sont omniprésents. Comme ici, dans la bibliothèque.

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dossier

Dossier

SEMENCES À la racine de l’agriculture Haricot coco du Trégor, épinard monstrueux de Viroflay, betterave crapaudine… Empreintes de poésie et de terroir, de nombreuses variétés cultivées sont menacées d’érosion génétique. Depuis le début du xxe siècle, 75 % des légumes, fruits et céréales ont déjà disparu ! En cause ? L’abandon des variétés locales au profit de semences uniformes et rentables. Aujourd’hui, seules 150 à 200 espèces végétales comestibles sont exploitées sur les 250 à 300 000 connues, et trois d’entre elles (riz, maïs et blé) produisent environ 60 % des calories et des protéines végétales consommées par l’homme. Alors, pour préserver la richesse de la biodiversité, de plus en plus de paysans prennent le maquis face aux multinationales semencières. En faisant leurs propres semences, ils renouent avec une pratique ancestrale et sèment l’espoir de voir notre patrimoine agricole revalorisé. Texte : Aude Raux - Photos : Jérômine Derigny

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Dossier

SEMENCES, À LA RACINE DE L’AGRICULTURE

« La semence est le premier maillon de la chaîne alimentaire »

dossier

La privatisation des semences, qui appartiennent au patrimoine de l’humanité, met en péril la sécurité et la souveraineté alimentaires mondiales. Désormais, celles-ci reposent sur un nombre restreint de variétés. La biodiversité se retrouve diminuée et les ressources génétiques appauvries. Cette main basse sur le vivant remet également en cause l’autonomie des paysans qui ne peuvent plus s’échanger librement et gratuitement des semences reproductibles. Blanche Magarinos-Rey, avocate en droit de l’environnement, auteur de Semences hors-la-loi 1, nous dévoile les dessous de ce « hold-up légalisé ». Comment en est-on arrivé à ce « hold-up légalisé » des semences ? Au début des années 1900, des collectionneurs français de semences, comme la famille Vilmorin, ont cherché à créer de nouvelles variétés. Comme leurs ancêtres du Néolithique, lors de la naissance de l’agriculture il y a plus de 10 000 ans, ils ont réalisé des croisements dirigés, ont sélectionné les meilleures plantes et ont multiplié celles qui donnaient le résultat optimal en fonction du climat et du sol. La nouveauté, c’est qu’ils ont cherché à distinguer ces créations nouvelles de l’offre semencière classique en publiant des catalogues de vente de graines. Cette distinction, visant à protéger juridiquement leurs créations et à s’approprier des dénominations officielles, s’est faite avec l’aide du pouvoir politique et réglementaire, officiellement soucieux de clarifier l’offre pour le consommateur. Pour être inscrite au Catalogue Officiel des espèces et variétés de plantes cultivées [lire chronologie page 39], une variété doit satisfaire des conditions d’inscription de nouveauté variétale et passer avec succès des tests de qualité réalisés par un groupement d’intérêt public : le Groupe d’Étude et de contrôle des Variétés Et des Semences (GEVES). Sans ces sésames, sa mise sur le marché est interdite. Or, les droits d’inscription sont trop élevés pour nombre de paysans 2. De plus, l’État a instauré un régime de 36 • kaizen • numéro 37

propriété intellectuelle des espèces végétales via un certificat d’obtention végétale qui se base sur trois critères dits DHS : Distinction (D), Homogénéité (H) et Stabilité (S) [lire mots-clefs page 37]. La principale conséquence a été l’érosion des variétés anciennes. Pourquoi un tel virage ? Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France souhaitait faire de l’agriculture un secteur à forte productivité en lui appliquant les principes de la révolution industrielle, qui tend à tout standardiser. Les laboratoires de recherche publique d’abord, tels que l’INRA, se sont alors mis à élaborer des variétés élites. Puis le secteur privé, chargé de créer de nouvelles variétés, a pris son essor. Autre acteur qui est entré en jeu par la suite : la grande distribution, avec ses exigences en termes de résistance au transport et de durée de vie à l’étalage. Cette obligation d’inscription des semences au Catalogue Officiel n’est-elle pas une nécessité sanitaire ? Le critère de qualité sanitaire n’entre absolument pas en jeu lors de l’enregistrement de la variété au Catalogue. C’est seulement lorsque les lots de semences sont mis sur le marché qu’ils doivent répondre à ce critère. S’applique alors la législation sanitaire européenne, dite Plant Health, inscrite dans


Dossier

SEMENCES, À LA RACINE DE L’AGRICULTURE

Le Biau Germe, semeur d’espoir À Montpezat, dans le Lot-et-Garonne, s’est enraciné un collectif de vingt-et-un producteurs de semences paysannes et biologiques : Le Biau Germe. Chacun, de façon autonome, multiplie ses semences dans sa ferme. Puis, ensemble, ils en assurent la vente en mettant tous les outils en commun.

dossier

L

a ferme de Damien Grossia et Sandie Bielle s’est parée des teintes flamboyantes de l’automne que rehaussent des courges rouge-orangé empilées au bord de leurs champs. Muni d’une machette, Damien découpe un à un les légumes pour en récupérer les graines. « Je vais les nettoyer, les faire sécher et les porter dans le bâtiment de Biau Germe, à Montpezat », explique l’artisan semencier. Situées dans un rayon de 25 kilomètres autour de ce village du Lot-et-Garonne, onze fermes composent ce groupement d’intérêt économique (GIE). Chacun des vingt-et-un producteurs du Biau Germe, dont la majorité travaille en couple, est responsable d’un certain nombre de semences de variétés anciennes. Autant de graines de légumes, fleurs, plantes aromatiques et engrais verts qu’ils se répartissent en début d’année pour les cultiver selon les techniques de l’agriculture biologique.

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Le bâtiment de production de semences de Biau Germe a des allures de ruche : chacun s’active à son poste de travail. Dans la salle de tri, les traditionnels tamis et tapis mécanique, destinés à enlever les débris et les graines abîmées, côtoient une trieuse optique flambant neuve. Les variétés anciennes collectées sont ensuite entreposées dans la salle de stockage. Lorsque Guillaume Rivoirard, artisan semencier au Biau Germe, ouvre la porte de ce « coffre-fort », des effluves d’huiles essentielles, émanant des sachets de graines, s’en échappent. Étape suivante : celle du laboratoire, qui sert à vérifier leur faculté germinative. « Pour reproduire les conditions de levée naturelle, certains tests sont placés au frigo dans le noir, d’autres au chaud sous des lampes, remarque Claire Del Puerto, artisane semencière. À chaque semence, son rythme : de trois jours pour le cresson, à deux mois pour la consoude. » Et à chacune, son écrin : papier buvard pour le radis, papier plissé pour la courgette ; quant aux gros grains comme le lupin, ils reposent sur un mélange de sable et de terreau. Le Biau Germe garantit un taux de germination de 90 % sur la majorité de ses variétés. Le test relevé, les graines passent par l’ensachage qui se fait à la main ou de façon mécanique. Toutes ces graines de variétés anciennes, cinq cents environ, sont répertoriées dans un catalogue mis à jour annuellement et sur le site www.biaugerme.com. « L’expédition des commandes se fait surtout l’hiver au moment où les jardiniers amateurs, qui représentent près des trois quarts de nos clients, rêvent de printemps ! », précise Annick Jost, artisane semencière. Pour 2018, plusieurs nouveautés de semences de variétés anciennes ont fait leur apparition aux côtés du haricot reine des pourpres et de la batavia goutte


dossier L’Institut Vavilov, le grenier du monde Saint-Pétersbourg abrite, depuis 1894, la plus ancienne et la quatrième plus vaste banque de semences au monde : l’Institut Vavilov. Grâce à l’exceptionnelle collection de cet établissement étatique, le seul à avoir été créé avant l’industrialisation de l’agriculture, le grenier de l’humanité est préservé. [voir portfolio pages 24 à 33]

S

ous le regard vif et la moustache conquérante du botaniste russe Nicolaï Vavilov, représenté dans un portrait sépia, Nicolaï Dzyubenko, directeur de l’Institut, honore le travail de toute une vie : « C’était un génie. Il avait compris, le premier, les dangers liés à l’érosion génétique. » Le temps fige de son ombre la mémoire du botaniste, pionnier de la collection de semences. L’institut éponyme abrite un bien commun de l’humanité : la collection de 327 000 échantillons de 2 200 espèces de plantes cultivées, dont plus de la moitié est unique au monde. Située à Saint-Pétersbourg, cette banque de semences est la plus ancienne et la quatrième plus importante des 1 500 banques génétiques de la planète. La seule à avoir été créée – en 1894 – bien avant l’utilisation des engrais et pesticides synthétiques. Sur la place SaintIsaac, située à quinze minutes à pied du fastueux musée de l’Ermitage, les deux bâtiments de l’Institut Vavilov se font face. Passé une imposante porte en bois, le silence du vestibule à la vertigineuse hauteur sous plafond enveloppe le visiteur. Un escalier central en marbre, dont chaque marche est ornée de plantes, le mène vers un buste à l’effigie de Nicolaï Vavilov qui dirigea ce centre de recherche étatique de 1921 à 1940. À ses pieds, repose un bouquet de fleurs. En tissu, pour qu’elles ne fanent jamais.

Boris Makarov, responsable de la banque de gènes à l’Institut Vavilov.

Né en 1887, dans une Russie qui criait famine, le généticien a sillonné le monde entier avec ses équipes de chercheurs. Pendant près de vingt ans, il a enrichi la collection de cet établissement en semences vivantes de légumes, fruits, céréales et en tubercules, principalement des pommes de terre. Ce visionnaire était kaizen • mars-avril 2018 • 45


Vent d’ailleurs

vent d’ailleurs Plage de l’île de Sipo.

SÉNÉGAL

Des villageois régénèrent leurs fonds marins En pleine mangrove, la première aire marine protégée communautaire du Bamboung, au Sénégal, s’étend sur un vaste espace de 7000 hectares, mis en conservation depuis 2003. Avec le soutien de treize villages environnants, un campement écotouristique et solidaire, Keur Bamboung, s’est créé pour financer la surveillance de la zone. Depuis, quatre-vingts espèces de poissons sont revenues dans le bras de mer. Texte : Sophie Boutboul - Photos : Raphaël Fournier

D

ans la région côtière du Sine Saloum, à 230 kilomètres au sud de Dakar, un pélican survole le bras de mer du Bamboung. La première aire marine protégée communautaire (AMPC) du Sénégal, créée en 2003, s’étend sur 16 kilomètres. Les 7000 hectares mis en conservation sont délimités au nord par le chenal du Diombos, où se situe le mirador, et au sud par la forêt de Kolé. La pêche y est interdite. Au sommet du mirador d’acier et de bois situé à l’embouchure de l’océan, Tidiane Seydi, 39 ans, et 50 • kaizen • numéro 37

Famara Ndiaye, 60 ans, se relaient toutes les quatre heures pour protéger la zone de la pêche. Ils surveillent le Bamboung en binôme depuis 2003. D’autres écogardes prennent le relais toutes les quarante-huit heures. Un matelas, posé sur le sol en bois, leur permet de se reposer. « On a attrapé six braconniers l’année dernière, mais avant, c’était chaque semaine », précise Famara, une barbe crépue parsemée de blanc. Une cicatrice sous l’œil droit lui rappelle ce jour où un pêcheur l’a attaqué, alors qu’il l’informait de l’amende encourue. Famara a passé plusieurs


Un employé de l’AMPC.

jours au dispensaire. Depuis, il se déplace toujours avec un bout de bois en forme de fusil de chasse qu’il a taillé lui-même. Les vingt-trois employés de l’AMPC ont presque tous commencé par le travail d’écogarde. Ce jour-là, les surveillants censés prendre la relève ne sont pas venus en raison d’un problème sur leur embarcation. Il faut ravitailler Tidiane et Famara. Le piroguier leur apporte un saut rempli de lait en poudre, sucre, riz, thé, piment, huile et pain. Grâce à ces nouvelles victuailles, Tidiane, visage rectangulaire, un tissu jaune noué sur le crâne, prépare devant leur maisonnette, sur des braises à même le sable, un thiéboudiène, le plat national, composé de poisson et de riz coloré. Les écogardes ont l’autorisation de pêcher quelques poissons pour se nourrir. La pirogue de ravitaillement repart du mirador en zigzaguant entre les bancs de sable. Direction : l’île de Sipo. Derrière les palétuviers, les cimes des palmiers dépassent. À quelques mètres de l’embarcation, des dauphins sortent leur corps fuselé de l’eau pour respirer. À Sipo, l’un des treize villages ruraux investis dans l’aire marine protégée, un campement écologique et touristique, fonctionnant à l’électricité solaire, a été conçu simultanément à l’aire marine pour soutenir financièrement le projet : Keur Bamboung. « À Bamboung, avant, tout le monde pêchait n’importe où, ce n’était pas durable », se souvient Haidar El Ali. L’ancien ministre de l’Écologie et de la Protection de la nature a également été le président de l’Oceanium, l’association qui, sollicitée par les villages, a créé l’aire marine protégée. Ici, grâce à l’engagement des villageois devenus surveillants de la zone, le site est passé de cinquante et une espèces de poissons en 2003, à plus de cent trente aujourd’hui, avec une augmentation de la biomasse et le retour du maquereau bonite, de la sardinelle ronde, du mérou bronzé (thiof en wolof) et même des dauphins. « L’aire marine est née chez moi, à Soucouta, grâce à mon frère Ibrahima Diamé, qui a parcouru la région à la recherche du meilleur lieu pour une aire marine protégée », retrace l’ex-écogarde Abdoulaye Diamé, visage émacié et corps mince flottant dans une chemise ample. En 2002, Ibrahima Diamé et Haidar El Ali ont sillonné les bolongs du delta du Saloum à la recherche d’un bon habitat pour les poissons. « La beauté du Bamboung, sa richesse en larves de poisson, notamment de thiof, son accès difficile nous ont convaincus », retrace Haidar El Ali.

vent d’ailleurs

« Avec mon frère et Haidar, on est alors partis sensibiliser les villageois. On allait chez eux leur parler de poissons, de coquillages, on leur amenait un mérou bronzé, par exemple, pour qu’ils saisissent bien qu’il y en avait beaucoup moins et que notre but était que l’espèce se développe à nouveau… », ajoute Abdoulaye. Ibrahima Diamé et Haidar El Ali contactent alors les scientifiques français de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) pour avoir un état de référence du site en termes d’espèces de poissons présentes ou éteintes sur la zone. Patrice Brehmer, chercheur à l’IRD, travaille sur l’aire marine protégée depuis 2003. « Côté données, c’est aujourd’hui encourageant, appuie-t-il. On note la présence d’une belle diversité spécifique et surtout de poissons de L’écogarde Tidiane Seydi. À gauche, le mirador.

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et si on le faisait ensemble ? Et si on le faisait ensemble ?

Des jardins potagers pédagogiques fleurissent sur les toits parisiens L’association Veni Verdi aide les établissements scolaires et les entreprises à cultiver des potagers sur leurs toits dans la capitale. Un bon moyen de verdir la ville et de permettre aux citadins de se reconnecter à la terre nourricière. Texte : Aude Raux - Photos : Jérômine Derigny

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U

n mercredi matin, bien alignés à l’image d’une rangée de carottes, dix élèves d’une classe de CM2 grimpent les quatre étages de leur établissement. Sur le toit-terrasse de l’école élémentaire publique Tanger, dans le 19e arrondissement de Paris, Anaïs Franc les accueille au milieu de choux, betteraves et navets qui détonnent avec l’ensemble de tours vertigineuses en toile de fond. La jeune femme exerce un service civique à Veni Verdi, une association fondée en 2010 par Nadine Lahoud afin d’aménager des jardins participatifs en ville. « Vous souvenez-vous des activités de mercredi dernier ? », questionne Anaïs Franc. Des mains se lèvent : « Oui, c’était sur les graines. » « On a égrené des tomates. » « Et on a aussi semé des graines de salade. » « Aujourd’hui, précise l’animatrice, je vous propose d’observer, avec patience, les êtres vivants autour de vous. » Ce qui enchante l’un des enfants : « J’espère qu’on va voir des hérissons. » Munis de feuilles de papier et de crayons, les élèves se dispersent dans leur jardin perché. D’une superficie de 300 m2, le potager a pris racine à l’automne 2016. Trois petites filles s’accroupissent devant un massif de menthe odorante : « Oh ! Ça sent le thé à la menthe », remarque l’une d’elles, tout en écartant les branches. « Et regardez, là, il y a une coccinelle. » Anaïs Franc leur explique que, grâce à ce coléoptère qui dévore les pucerons nuisibles aux plantes, les jardiniers peuvent pratiquer une culture naturelle, sans engrais chimiques ni pesticides. Un groupe de garçons découvrent, eux, un sac de terreau dans lequel prolifèrent des vers de terre. Les réactions sont partagées : « Trop cool ! » « Trop dégueu… » Pendant ce temps, deux copains s’interrogent sur l’identité d’une petite bête : « Tu crois que c’est un scarabée ? » « Sûr que non : les scarabées, ça a une armure et ça résiste au désert. J’en ai vu à la télé. C’est peut-être un cafard. »

Le mercredi matin, les élèves de l’école primaire Tanger, dans le 19e arrondissement de Paris, ont un cours empirique, perchés sur le toit de leur établissement.

et si on le faisait ensemble ?

Un potager à l’école pour étudier le cycle du vivant Anaïs Franc leur demande de le dessiner, de bien noter sa couleur, le nombre de ses antennes et de ses pattes et de le prendre en photo avec l’une des tablettes numériques de l’école pour l’étudier ensuite

en classe avec leur instituteur, Mathieu Chadeffaud. À écouter ce dernier, ce jardin représente un précieux outil pédagogique : « Cela me permet d’éveiller mes élèves aux sciences naturelles de façon très concrète. Et de les initier à l’informatique. » À la rentrée de septembre, l’instituteur a mis en ligne un blog intitulé Les CM2A au potager. Il y poste des photos et des textes rédigés par les enfants. C’est aussi une fenêtre sur la vie à l’école pour les parents qui peuvent suivre leurs aventures. Certains jardiniers en herbe ont même rapporté un petit bout de verdure à la maison, comme Philippe : « L’animatrice m’a donné des graines de salade verte. Je les ai semées dans des pots sur le rebord de la fenêtre. Je les observe tous les matins avant de partir à l’école et en rentrant. Grâce à Anaïs, je vais avoir la connaissance des plantes et des insectes. » kaizen • mars-avril 2018 • 57


goût de l’enfance

© Eléonore Henry de Frahan

Le goût de l’enfance

Écolo crèche : la nature au cœur de la petite enfance 62 • kaizen • numéro 37


Alimentation bio et locale, jouets conçus avec des objets de récupération, tri des déchets, produits d’entretien 100 % naturels… Plus de trois cents crèches en France adoptent au quotidien les bons gestes pour respecter davantage la nature et le bien-être des enfants. Accompagnées par le réseau Écolo crèche, beaucoup d’entre elles obtiennent un label « écolo » pour récompenser leurs efforts et continuer dans ce sens. Reportage.

© Eléonore Henry de Frahan

goût de l’enfance Texte : Maëlys Vésir

Exit les produits chimiques Pendant ce temps, dans la crèche municipale Armand Silvestre à Courbevoie, en banlieue parisienne, Christine, auxiliaire de puériculture, fabrique du lait hydratant 100 % maison. « Le liniment est extrêmement simple à faire : un peu d’huile bio et

de l’eau de chaux et le tour est joué. C’est beaucoup plus écologique et plus économique. [9,35 euros le litre contre 22 euros le litre pour les liniments bio du commerce les moins chers] » Dans cette crèche d’une capacité d’accueil de soixante enfants, tous les produits chimiques ont été progressivement bannis. On nettoie le sol avec du Les enfants sont quotidiennement savon noir, les plans de change initiés aux joies du jardinage pour et les jouets avec du bicarbo- se reconnecter avec la nature. nate de soude, du vinaigre blanc et de la lavande. « Les enfants sont toujours au sol et mettent beaucoup de choses à la bouche, constate Madeleine, agent polyvalent. C’est beaucoup plus sain, et la santé des petits est préservée avec ce type d’entretien. » Peu de chance aussi de trouver des produits chimiques dans les activités manuelles. La pâte à modeler, par exemple, est réalisée avec de la farine, du sel, du bicarbonate et de l’huile. D’autres ateliers sont, eux, animés avec des objets recyclés. « C’est incroyable le © Eléonore Henry de Frahan

C

’est devenu un petit rituel. Tous les matins, Marvin et ses camarades, tous âgés de moins de 6 ans, se dirigent vers le poulailler. Ensemble, ils nourrissent les poules et se mettent à la recherche d’œufs frais. Ils n’hésitent pas non plus à se salir les mains dans le jardin pour déterrer des topinambours du potager ou mettre les épluchures au compost. « On essaye de sortir tous les jours, peu importe la météo », raconte Anne de Chalendar, directrice de la crèche parentale Petit à Petit à La Rochelle. « Alors que les enfants ont ce lien inné avec la nature, le temps passé dehors est aujourd’hui en chute libre 1. Ils ont besoin de garder ce contact et cet émerveillement face à l’environnement qui les entoure. Mettre les mains dans la terre, par exemple, ça active le système immunitaire ! », ajoute-t-elle. Même à l’intérieur de la crèche, la nature n’est jamais très loin. Cet après-midi, les enfants peuvent jouer dans une piscine… de feuilles !


L’heure du crime Minuit. Voici l’heure du crime. Sortant d’une chambre voisine, Un homme surgit dans le noir. Il ôte ses souliers, S’approche de l’armoire Sur la pointe des pieds Et saisit un couteau Dont l’acier luit, bien aiguisé. Puis, masquant ses yeux de fouine Avec un pan de son manteau, Il pénètre dans la cuisine Et, d’un seul coup, comme un bourreau Avant que ne crie la victime, Ouvre le cœur d’un artichaut. Maurice Carême Au clair de la lune © Fondation Maurice Carême

je vais bien le monde va mieux

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je change

Je vais bien, le monde va mieux

Les plantes je vaisàbien indispensables votre le santé L’artichaut monde va

mieux

Décortiquer un artichaut, c’est découvrir une anatomie complexe recélant de petits secrets : le fond, le cœur et ce « foin » qui ne se mange pas… Bref, c’est un légume qui se mérite. Mais la plante elle-même porte un autre secret : ses feuilles, précieuses alliées de notre santé. Texte : Sylvie Hampikian - Photos : Olivier Degorce et Amandine Geers

Son portrait

Ses propriétés

L’artichaut n’est autre qu’un gros chardon apprivoisé ou, plus précisément, un cardon sauvage qui a perdu ses épines en chemin. Originaire des régions méditerranéennes d’Europe, il est cultivé comme légume depuis la Renaissance italienne. Mets délicat, apprécié des cours royales et des tables les plus riches, il s’est démocratisé au xxe siècle sur les étals des marchés. Nous en consommons le capitule, ensemble de fleurs regroupées sur un réceptacle que l’on appelle fond d’artichaut. Nous grignotons aussi la chair des « feuilles » ou, plus rigoureusement, des bractées formant la base du capitule floral. Mais l’artichaut n’est pas seulement un concentré de vocabulaire botanique, c’est aussi une source de bienfaits pour la santé, tant au plan diététique que médicinal. Car il bénéficie d’un autre atout, plus méconnu. Il s’agit de ses vraies feuilles, celles qui sont portées par les tiges et ne finissent jamais dans notre assiette tant elles sont amères. Pourtant, notre foie les adore !

L’artichaut du rayon légumes (capitule) présente de nombreux atouts nutritionnels, notamment une grande richesse en fibres et en inuline. Ce sucre non digestible est un prébiotique qui sert de carburant à la flore digestive, essentielle aux défenses de l’organisme et à la régulation des métabolismes. Revers de la médaille, en bon carburant, l’artichaut peut produire des gaz d’échappement ! L’artichaut du rayon herboristerie (feuilles) est une plante médicinale majeure, reconnue comme l’amie du foie. Son principe actif amer est un polyphénol, la cynarine – ou acide dicaféylquinique. Il augmente la sécrétion de bile et facilite ainsi la digestion. Il exerce aussi de puissants effets protecteurs du foie et une action drainante et détoxifiante. À une époque où il est difficile d’échapper à la pollution et à la malbouffe, l’artichaut est donc un de nos plus précieux alliés pour nettoyer notre corps des nombreux déchets chimiques qui l’encombrent. Il peut aussi kaizen • mars-avril 2018 • 67


Nos bonnes adresses

le bon plan Lyon

Un cœur vert Texte et photos : Pascal Greboval

MANGER Après des études de cuisine à l’Institut Paul Bocuse, Benoît décide de créer, en 2014, un oxymore gustatif : YABIO. Le mariage de deux concepts qui se tournent le dos : le burger et la bonne bouffe. Pari réussi ! Que vous soyez végan, végétarien ou mangeur de viande, vous savourerez chez lui de délicieux burgers, autour d’une même table, ou au soleil. Il est vrai qu’avec des produits 100 % biologiques,

labellisés et locaux, le jeune homme s’est donné les moyens d’offrir des burgers de qualité à des prix tout à fait raisonnables : 7,80 euros le burger. « C’est grâce à la politique de circuit court que j’ai mise en place que je peux proposer ce bon rapport qualitéprix. Sans les producteurs locaux, Yabio n’existerait pas », milite Benoît. Cette relation privilégiée, il l’a poussée au maximum. Pour les frites, par exemple, il a collaboré avec un maraîcher pour trouver la variété la plus adaptée. Résultat : de vraies frites ! Et pour être complet, il a ouvert une boulangerie – MAISON GUITEL – qui fabrique les bans [les pains du burger]… bio évidemment ! Et si la réouverture des HALLES DE LA MARTINIÈRE résumait notre capacité à écrire l’Histoire, à nous prendre en main ? La plus vieille halle de Lyon [1838] était convoitée par différents groupes de l’industrie agroalimentaire, et autres promoteurs. La mobilisation des riverains a permis qu’elle redevienne, après six années de combat, une halle conviviale et vivante.


je change D’un côté, L’ÉPICERIE DES HALLES, créée ex nihilo par de jeunes gens dynamiques, qui ne propose que des produits bio et locaux, de l’autre un food court [aire de restauration] autour duquel sont réunis des restaurants qui se rejoignent sur les mêmes valeurs : bio, de proximité et de qualité. On y trouve une crêperie – MADAMANN – tenue par les sympathiques Simon et Vincent, EL BAR, un bar à tapas orchestré par l’équipe de LA CUISINE ITINÉRANTE (acteur engagé sur la métropole), une poissonnerie-bar à huîtres, LA CRIÉE DES MONTS D’OR, vigilante sur les espèces proposées, et le bar à jus MOI qui propose aussi une cuisine sans lactose et sans gluten [lire ci-contre]. En résumé : un vrai de lieu de vie, très agréable pour faire ses courses ou manger dans une ambiance de marché. LE CAFÉ VERT, c’est l’histoire d’une mue tranquille. Après avoir été, dans un premier temps, un « simple » – mais charmant – coffee shop, le Café Vert a proposé des brunchs crudivores et bio. Puis, la demande grandissant, il s’est transformé en 2016 en restaurant. En quelques mois, Julie et Matthieu ont fait de ce lieu un chouette endroit pour les amoureux de cuisine saine et locale. Tout est végan, sans gluten et biologique. Et pour être cohérent, le jeune couple s’est lancé dans une politique zéro déchet avec le compostage des déchets verts. Avec sa vue sur la Saône, depuis la petite terrasse, le Café Vert est une bonne adresse dans le Vieux Lyon pour savourer un moment sympa.

MOI est simultanément un bar à jus pressés à froid, la spécialité du lieu, un bar à soupes, un bar à smoothies, un bar à miels et un restaurant sans gluten et sans lactose. En résumé : un spot où l’on prend soin de soi. Et pour être en pleine forme, le temps de votre pause déjeuner, vous pouvez profiter d’un massage sur chaise, d’une séance de luminothérapie ou prendre un Bol d’air Jacquier. Nicolas et Margot sont jeunes, sympas et depuis qu’ils ont vu le film Demain (documentaire réalisé par Cyril Dion en 2015), ils veulent faire « leur part ». « Qu’est-ce qu’on peut faire pour changer les choses ? », s’interrogent-ils alors. Engagés dans une démarche zéro déchet, ils réalisent « qu’il est compliqué de tout trouver en vrac dans un seul magasin à Lyon ». Convaincus qu’on n’est jamais mieux servi que par soi même, ils décident de créer BULKO : un magasin sans emballage. Le concept est maintenant connu ; on vient avec ses sacs, ses boîtes (on peut aussi en trouver sur place) et on prend la quantité de son choix, en vrac. La grande majorité des produits est bio (80 %) et locale. Pour accompagner les écoconsommateurs dans cette démarche, Nicolas et Margot proposent trois ateliers DIY par semaine, des conférences sur ce thème, et même des cours de yoga.

le bon plan

Une cuisine sans gluten ni lactose, tel est le leitmotiv de Virginie. Forte du succès du blog éponyme qu’elle a créé en 2012, elle décide d’ouvrir en 2015 MY PETITE FACTORY : un « lieu où elle peut faire goûter ses recettes ». Entre coffee shop et restauration rapide, My Petite Factory propose des plats équilibrés et éthiques. Ils sont présentés sous des formes variées, qui changent tous les jours : buddha bowls, burgers, bagels, quiches, soupes et d’incroyables pâtisseries redoutablement addictives ! Avec une formule déjeuner à 9,90 euros, voilà une bonne adresse pour manger bio (à 75 %) et local. Pour vos gâteaux d’anniversaire, Virginie propose par ailleurs une formule traiteur. Et enfin, pour essaimer, des cours de cuisine à domicile.

Dans une démarche similaire, DAY BY DAY vend aussi des produits en vrac. Pour sensibiliser le plus grand nombre à cette dynamique sans emballage, le magasin propose environ 20 % de produits bio et a la volonté d’atteindre 50 % dans les années à venir. AU PANIER DES GONES est une épicerie sociale et solidaire qui propose des produits alimentaires et d’hygiène. Portée par un collectif d’associations et de bénévoles qui se relaient, elle permet aux personnes qui traversent une période économique complexe de trouver des produits à moindre prix. Issus de déstockages, banques alimentaires, etc., ils sont vendus en moyenne à 50 % de leur valeur marchande. kaizen • mars-avril 2018 • 77


CLAYTONE DE CUBA

LAITERON MARAÎCHER

PISSENLIT

CARDAMINE HIRSUTE

cuisine Cuisine

MOURON BLANC

LAMPSANE

LAITUE SCARIOLE PORCELLE ENRACINÉE DOUCETTE

BOURSE-ÀPASTEUR

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PÂQUERETTE


je change

Les salades sauvages Des petites bombes énergétiques Le printemps signe l’arrivée (ou la renaissance) de petites merveilles étalées comme des étoiles : les salades sauvages ! Plaquées le plus souvent au sol, en rosettes, parfois polymorphes, douces ou amères, tendres ou avec de la « mâche », elles font partie intégrante d’un savoir-cueillir rural autrefois légion, hier quasi oublié, aujourd’hui sur le retour.

cuisine

Textes et photos : Linda Louis

L

es salades sauvages ne sont pas réunies dans un classement botanique à part entière, car elles appartiennent à différentes familles, se trouvent sous diverses formes (rosette basale ou tiges feuillues) et milieux. Elles sont néanmoins regroupées dans une catégorie liée à leur usage alimentaire, caractérisé par leur goût agréable, leur texture tendre (selon l’époque) et leur comestibilité (selon la quantité). Si la cueillette de nombreuses variétés de salades fait partie d’un folklore populaire assez répandu dans le sud de la France, elle se cantonne généralement ailleurs au pissenlit, à la doucette et au cresson. Riches en vitamines et oligo-éléments (fer et vitamine C pour les Brassicacées ; magnésium, calcium, vitamines A et B pour les Composées), elles donnent un « coup de boost » opportun à notre organisme fragilisé par les repas gras des mois passés. Si on mange quotidiennement une petite portion de mesclun, riche en eau et en fibres, notre organisme profite également d’un drainage hépatique et urinaire. Les salades sauvages sont des petites bombes énergétiques qui, au-delà de leurs intérêts nutritionnels, nous relient à nouveau avec la Nature, trop souvent mise de côté en hiver.

En cuisine

Lors de la cueillette, disposez vos rosettes à part, afin de pouvoir les trier facilement de retour à la maison. Lavez-les dans plusieurs bains d’eau froide. Utilisez un saladier, pour que la terre puisse retomber au fond, plutôt que de les rincer dans une passoire. Ajoutez du vinaigre blanc pour le dernier bain.

L’assaisonnement est l’élément culinaire caractéristique de la salade dont l’étymologie se recoupe avec les ingrédients utilisés pour la mettre en valeur. Salade vient en effet de sel et son équivalent latin, acetarium, vient d’acetum (vinaigre). Sans la vinaigrette, le plat disparaît1 ! Pour les salades plus coriaces, comme la porcelle, salez, laissez reposer 20 minutes pour les attendrir, puis ajoutez la vinaigrette [recette page 84]. Le vinaigre balsamique, les noix, les amandes, les carottes et betteraves râpées atténuent leur amertume, l’ail haché les sublime. Dégustez-les crues en pesto [recette page 84], en jus à l’extracteur, hachées avec du fromage blanc, cuites en soupe, dans les quiches, etc.

Recommandations importantes

Ramassez les feuilles avant la floraison pour éviter l’amertume. Attention à l’échinococcose alvéolaire ou maladie du renard. C’est une maladie rare – une dizaine de cas par an – mais grave, concentrée sur le quart nord-est du pays. Cueillez dans les jardins, loin de la présence de l’animal, et sur les talus, dont la pente limite les possibilités de déjections. Attention aussi à la douve du foie, souvent contractée après la consommation de cresson sauvage. Pour vous prémunir de ce risque, cuisez votre cresson. Bien sûr, ne ramassez pas les salades poussant sur les trottoirs ou vers des vignes cultivées en conventionnel. n 1 Dans son Ode à Jamyn, Pierre de Ronsard écrivait : « Nous laverons nos herbes à main pleine, […] La blanchirons de sel en mainte part, L’arrouserons de vinaigre rosart, L’engresserons d’huile de Provence »

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je change

Rendez-vous Mars KAIZEN PARTENAIRE 7 au 21 mars / Rambouillet, Saint-Arnoulten-Yvelines, Les Essarts-le-Roi (78) La Quinzaine des Possibles : rencontres, projections et débats autour de la transition, de l’éducation, de l’alimentation. 7 mars à 20 h Les Lois naturelles de l’enfant. Soirée d’ouverture en présence de Céline Alvarez. Réservations : www.kaizen-magazine.com/ participer-a-nos-evenements/ ou www.tinyurl.com/quinzainedespossibles 09 61 22 89 91

KAIZEN PARTENAIRE 24 mars / Paris Colloque Information et communication : quels enjeux et quel avenir ? www.9milliards.com/quoi-de-9 CONFÉRENCE KAIZEN 29 mars à 19 h / Lyon 2e (69) Les semences paysannes. Avec Robert Ali Brac de La Perrière, BEDE (Biodiversité, échanges et diffusion d’expériences) et Sabrina Novak, CRBA (Centre de Ressources de Botanique Appliquée). Modération : Françoise Vernet, directrice de Kaizen. Goethe-Institut - 18, rue François Dauphin Réservations : www.kaizen-magazine.com/ participer-a-nos-evenements/

L’AGENDA MARS-AVRIL 2018 ATELIER KAIZEN 7 avril de 10 h à 17 h / Paris Montessori à la maison 0-3 ans. En présence de Nathalie Petit, auteure du livre éponyme dans la collection Je passe à l’acte coéditée par Kaizen et Actes Sud. Réservations : www.kaizen-magazine.com/ participer-a-nos-evenements/ KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 12 avril de 10 h à 17 h / Rennes (35) Colloque Cantines scolaires : nourrir durablement nos enfants. Maison des associations (MDA) 6, cours des Alliés www.metropole.rennes.fr

rendez-vous Avril

KAIZEN PARTENAIRE 11 mars à 16 h / Saint-Marcellin (38) Salon du livre de Saint-Marcellin De l’action indivisuelle à l’action collective. Rencontre avec Françoise Vernet, directrice de Kaizen, Laurence Breton (Ambiance Bois) et Dehlia Chabert (Biocoop). Espace Saint-Laurent - Salle de conférence 1, bd du Champ de Mars KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 16 au 19 mars / Paris Salon Vivre autrement, 30e édition. Parc Floral de Paris 75012 - Bois de Vincennes www.salon-vivreautrement.com

KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 23 au 25 mars / Rennes (35) Forum Changer l’économie : comment réconcilier l’économie avec la planète ? 4 ateliers avec les auteurs de la collection Je passe à l’acte, coéditée par Kaizen et Actes Sud, animés par Pascal Greboval, rédacteur en chef de Kaizen. 23 mars à 17 h / Réparer nos objets ensemble, Aude Raux. 23 mars à 18 h / Manger moins (et mieux) de viande, Gilles Daveau. 24 mars à 16 h / S’engager dans une AMAP, Françoise Vernet. 25 mars à 14 h 30 / Moins d’auto pour aller au boulot, Corentin Le Martelot. Les Champs Libres - 10, cours des Alliés www.leschampslibres.fr

CONFÉRENCE KAIZEN PARIS-MAIRIE DU 2e 5 avril à 19 h 30 / Paris Semences : quelles graines pour demain ? Avec Véronique Chable, Patrick de Kochko, Blanche Magarinos-Rey. Réservations : www.kaizen-magazine.com/ participer-a-nos-evenements/

KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 6 au 8 avril / La Rochelle (17) Festival Terre & Lettres : conférences, projections, débats. 7 avril à 16 h / Mieux connaître et comprendre la nature. Conférence en présence d’Ernst Zürcher et Inès Trépant. Modération : Françoise Vernet, directrice de Kaizen. Médiathèque Michel Crépeau www.terre-et-lettres.org KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 6 au 8 avril / Lagny-sur-Marne (77) Festival La beauté sauvera le monde : expositions, conférences, tables rondes… 8 avril à 17 h / Action et engagement personnel. Table ronde en présence de Sabah Rahmani, rédactrice en chef adjointe de Kaizen, Julien Vidal, Émeline Bentz, Chiara Milani, Nicolas Chabanne. www.festivalagny.fr/programmation/

KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 14 avril à 14 h / Auneau (28) Disco soupe et ciné-débat. En présence de Françoise Vernet, directrice de Kaizen. Médiathèque d’Auneau - 2-4, place du Marché 02 37 91 90 90 KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 7 et 8 avril / Paris Salon VeggieWorld Le Centquatre - 5, rue Curial - 75019 www.veggieworld.de/fr CONFÉRENCE KAIZEN 19 avril à 19 h / Marseille (13) L’alimentation par le plaisir. En présence de Caroline Jammet, Nadia Sammut et Ariane Roques. Modération : Françoise Vernet, directrice de Kaizen. L’essentiel - Voutes de la Major Quai de la Tourette - 13002 Réservations : www.kaizen-magazine.com/ participer-a-nos-evenements/ Vous souhaitez prendre part à la transition vers une société plus durable et plus solidaire ? Kaizen est heureux de s’associer au tiers-lieu culturel La REcyclerie pour organiser un débat mensuel sur les solutions à mettre en œuvre. L’occasion de construire, ensemble, le monde que nous voulons. La Recyclerie - 83, boulevard Ornano - 75018 www.larecyclerie.com/agenda

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