Kaizen 39 : La nature, source de spiritualité ?

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juillet-août 2018

LA NATURE couv DOSSIER

SOURCE DE SPIRITUALITÉ ?

LES BONNES ADRESSES

LE PAYS BASQUE PAUL HAWKEN

VÉLO ÉLECTRIQUE

100 SOLUTIONS POUR LE CLIMAT

DE BONNES RAISONS DE PÉDALER

Belgique 7,20 € - Suisse 11 CHF


Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 142 720 € Siège social 19, rue Martel - 75010 Paris info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com

Édito

Magazine bimestriel numéro 39 Juillet-août 2018 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Oudin Directrice d’EKO LIBRIS Françoise Vernet Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaires de rédaction Emmanuelle Painvin Diane Routex Sarah Touzeau (stagiaire pour ce numéro) Stagiaire pour ce numéro Élise Pontoizeau Journaliste multimédia Maëlys Vésir Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Comptabilité Patricia Lecardonnel Attachée commerciale Cyrielle Bulgheroni Direction artistique, maquette et mise en pages • hobo@hobo.paris hobo.studio Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture Tamara Dean/Agence VU Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.

éditoLaisser pousser le silence

Une promenade dans la nature est souvent une invitation à rencontrer le silence, l’observer, l’écouter, le mesurer. Mer, montagne, campagne, désert… la plupart des espaces naturels ont en commun de faire résonner le silence. Lire, écrire un magazine, c’est aussi faire silence. Lire, c’est créer une bulle dans le tumulte. Écrire, coucher sur le papier, c’est mettre en sourdine ces cris du cœur, de colère, de joie dont les journalistes, les photographes sont témoins. Ainsi, telles les feuilles qui poussent ou tombent, les pages d’un magazine se tournent en silence. Peut-être ces pages ne sont-elles que les métamorphoses des arbres ? Elles gardent la mémoire, la posture du silence. Dans la nature, les oiseaux, les grenouilles, une cascade, une vague, une branche qui craque, un arbre qui chute viennent parfois rompre le silence. Pendant la lecture, l’écriture, il arrive aussi que le silence soit rompu, et de façon moins douce, moins mélodique. Mais combien de fois avonsnous parlé alors que nous aurions pu préserver le silence ? Souvent ! Alors, mieux vaut se taire et vous laisser avec cette question : de quoi le silence est-il le nom ? la source ? Nous avons une intuition. En proposant un dossier « Nature » dans ce magazine, nous vous offrons une double dose de silence. Pour y puiser votre réponse. Ce sera forcément la bonne ! Toute l’équipe de Kaizen vous souhaite un très bel été et de bonnes vacances : le temps du silence… Pascal Greboval Rédacteur en chef

KAIZEN MONTRE L’EXEMPLE Cher-e abonné-e, bonne nouvelle ! Le film de routage de Kaizen a changé. Il est désormais biodégradable et certifié Home Compost. En résumé, vous pouvez le mettre dans votre compost.

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Sommaire • Kaizen n  39 • juillet-août 2018 o

ELLES-ILS PENSENT 6

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Rencontre Paul Hawken : « Les humains sont motivés par les possibilités, pas par les problèmes » Les pièces du puzzle Le vélo : avec ou sans électricité

ELLES-ILS FONT

JE CHANGE

sommaire 32 Portraits Libraires itinérants, passeurs de culture en milieu rural 34

Dossier

La nature : source de bien-être et de spiritualité

Portfolio

66 Je vais bien, le monde va mieux Le Shinrin Yoku : la santé au pied de mon arbre 70 Do It Yourself Emballer sans polluer 75 Une randonnée, pas à pas… Les bastides albigeoises 76 Nos bonnes adresses Le Pays basque

Tamara Dean : Dans notre nature

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Cuisine

L’origan : le Sud dans un bouquet !

50 Vent d’ailleurs Auroville fête ses cinquante ans d’utopie 55 Politisons ! Cyril Dion 24 Roue libre Transport maritime : et si on mettait les voiles ? 28 La voie du Kaizen Christophe André 30 Une nouvelle C’était hier, imaginée par Frédérique Deghelt

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56 Et si on le faisait ensemble ? Luc-sur-Aude : premier village autonome en électricité solaire citoyenne

87 Le sourire de Roukiata Ouedraogo

60 Le goût de l’enfance La nature, salle de concert pour musiciens en herbe

89 Les rendez-vous Kaizen

65 Écologie intérieure Gilles Farcet

94 La chronique de Pierre Rabhi

92 La Fabrique des Colibris


Rencontre

Paul Hawken « Les humains sont motivés par les possibilités, pas par les problèmes » Pour l’écologiste américain, spécialiste du climat, Paul Hawken, freiner le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas. Dans son livre Drawdown, il dresse une liste de solutions pour « inverser le cours du réchauffement planétaire ». Texte : Maëlys Vésir, Sarah Touzeau

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© DR

rencontre


Avec une équipe internationale de soixante-dix Depuis cinquante ans, la planète a changé. Chacun chercheurs, vous avez répertorié cent solutions pour a tenté des solutions individuelles, locales. Mais per« inverser le cours du réchauffement planétaire ». sonne n’a porté une vision globale. Comment avez-vous évalué leur efficacité ? Drawdown est plus politique que scientifique. Tout L’effet de ces mesures a été évalué au regard des émisce qui est présenté dans le livre était déjà public. sions, notamment de CO2, évitées en les appliquant. Simplement, personne n’avait encore rassemblé ces On peut calculer ce qui se passe si on arrête de rejeter données pour les regarder ensemble. Nous n’avons du CO2 ou si on capte le CO2 de l’atmosphère via les pas voulu apporter de nouvelles connaissances, nous avons voulu dire : « Regardez ce que nous savons plantes et le sol. Nous avons utilisé les études scientifiques déjà réalisées pour mesurer ce qui se pasdéjà, ce que nous sommes en train de faire. » serait dans ces deux cas. Nous n’avons choisi que des solutions déjà mises en œuvre et examiné ce Drawdown – que l’on pourrait traduire en français qui se passerait si ces solutions continuaient à par « retrait » – parle d’une inversion, et pas seuleprendre de l’ampleur, pendant encore trente ans. ment d’une réduction des émissions… Bref, nous avons rédigé ces solutions en nous apJe voulais que le titre du projet et du livre désigne puyant sur la réalité. l’objectif à atteindre. Les mots souvent utilisés pour Une fois l’effet de ces solutions évalué, nous les parler des émissions sont « stabilisation », « atténuaavons classées de la plus efficace à celle ayant de tion », « réduction ». Scientifiquement parlant, nous moindres conséquences. allons droit au désastre si Par exemple, certains gaz continuons à augmen« Si vous allez dans la mauvaise nous ont un effet de serre plus ter nos émissions. Seulement, puissant que le CO2 à quansi nous arrêtons toute direction, même en ralentissant, même tités égales, donc réduire émission d’ici 2050, nous leurs émissions peut avoir irons toujours au désastre, vous irez toujours dans des conséquences plus car les émissions déjà prograndes qu’une solution qui duites seront toujours préla mauvaise direction ! » se concentrerait sur la résentes sur la planète. duction de CO2. Drawdown désigne non seulement l’arrêt des émissions, mais aussi la captation Comment êtes-vous arrivés à cent solutions ? des substances déjà émises. C’est le seul objectif qui Nous avons utilisé des études scientifiques, des rapait du sens. Si vous allez dans la mauvaise direction, ports de l’IEA (International Energy Agency), des même en ralentissant, vous irez toujours dans la mauNations unies, de la Banque mondiale, du GIEC vaise direction ! Nous devons nous arrêter et changer (Groupe intergouvernemental d’experts sur le clide voie. Drawdown désigne la première année où la mat)… Nous avions environ cinq mille sources d’inforquantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère mation. Nous avons choisi parmi ces études les trois diminue. Et à la question « pouvons-nous l’atteindre cents solutions qui avaient les plus grandes conséavant 2050 ? », la réponse est « oui » ! quences. Nous avons fait quelques calculs pour préciser leurs effets. Progressivement, nous avons réduit Toutes les solutions que vous présentez existent et la liste. Finalement, sur les cent solutions gardées, fonctionnent. Lesquelles sont réalisables à l’échelle quatre-vingts ont une efficacité prouvée, les vingt des individus ? restantes sont scientifiquement validées et foncN’importe qui – ministre, fermier, PDG, enfant, maire… tionnent, mais sont encore récentes. – peut agir. Sur notre site, nous indiquons des ressources et comment chacun peut accélérer, influencer Pourquoi personne n’avait encore fait la liste des telle ou telle solution. Les gens pensent qu’ils ne solutions ? Cela fait pourtant des années que nous peuvent faire que des petites choses en tant qu’individus. Mais le monde, c’est une somme d’individus… entendons parler du changement climatique…

rencontre

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Portfolio

Tamara Dean portfolio Dans notre nature Photos : Tamara Dean/Agence VU

Tamara Dean, photographe australienne, explore la relation qui unit l’humain à la nature. Inspirée par les préraphaélites, en particulier les peintres John William Waterhouse et John Everett Millais, elle met en scène l’être humain dans un étrange univers. Dans la série In Our Nature, elle a photographié la troupe du Théâtre australien de Danse (Australian Dance Theatre) dans les forêts et les jardins botaniques d’Adélaïde. Chaque photographie représente une plante, un arbre. Les danseurs qui les accompagnent en reflètent l’essence.

« Nous ne sommes ni séparés ni supérieurs à la nature. Nous faisons partie de la nature et la détruire revient à nous détruire nous-mêmes. » Tamara Dean

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Dossier

LA NATURE : dossier source de bien-être et de spiritualité Comment la nature éveille-t-elle nos sens et notre conscience ? Alors que la société « moderne » tend à séparer l’humain de la nature, de nouvelles voies et pratiques de bien-être se développent en France pour nous re-lier à elle. Bains de forêt, écolieux, chamanisme moderne, immersion dans la nature, etc. : en renouant nos liens avec notre environnement, notre perception du monde évolue et nous ouvre des horizons inédits au quotidien, en ville comme à la campagne. Voyage dans cette nouvelle écologie intérieure et laïque.

Texte : Sabah Rahmani Photos : Éléonore Henry de Frahan, collectif Argos (sauf mention contraire)


dossier


Dossier

LA NATURE : source de bien-être et de spiritualité

Marcher en forêt, un bain de conscience

dossier

Santé, bien-être et poésie : la forêt offre de multiples remèdes pour se ressourcer le corps et l’esprit. La sylvothérapie rencontre un succès grandissant en France et nous invite à renouer avec la méditation contemplative de la nature. Immersion au cœur de la forêt vosgienne. La balade en forêt permet également d’améliorer sa santé en respirant l’air pur, surtout en montagne », explique le guide, auteur d’Un bain de forêt. Appelée aussi sylvothérapie, cette approche a été conceptualisée au Japon sous le nom de Shinrin Yoku [lire page 66]. Ses bienfaits se font vite sentir pour Benoît : « Je sens la transformation sur le moment. C’est vraiment une régénération et une purification. » Dans cette marche douce et consciente, la respiration est au cœur des sensations. Éric Brisbare rappelle aux participants que si « l’air pur est ici mille fois moins chargé en particules polluantes que dans les grandes villes, les arbres – particulièrement au printemps – sécrètent dans l’atmosphère des molécules d’huiles essentielles, appelées phytoncides, qui apportent une grande détente au corps. Se balader avec un rythme lent et une respiration profonde permet d’en bénéficier pleinement. »

Le chant de la forêt

L

e chant des feuilles qui grésillent sous ses pieds nus lui donne un air de danseur. Le pas délicat et suspendu, Benoît avance lentement, sa fine silhouette dans la file des marcheurs. Pour s’immerger dans la forêt des Vosges, il choisit le contact direct avec la terre. Le temps d’un week-end, lui et une dizaine de participants expérimentent le bain de forêt avec l’accompagnateur de montagne Éric Brisbare. Avec ou sans chaussures, leur marche en conscience sollicite toutes les fines attentions du corps pour aller à la rencontre des arbres et de leur environnement. « C’est une mise en éveil des sens où le but est d’observer la nature, mais aussi de sentir, toucher et ressentir l’arbre pour comprendre comment il fonctionne. 40 • kaizen • numéro 39

Véritable éloge de la lenteur, du silence et des sens, la marche est ponctuée d’exercices d’observation et de relaxation. Allongé sur le sol, chacun savoure ce bain de verdure. Grâce à la conscience de sa place dans l’espace, les parfums, les lumières et les couleurs se teintent d’un nouvel horizon, plus grand, plus profond. Puis le silence intérieur fait place au chant de la forêt. Sous la mélodie des vents et des feuillages, des oiseaux et des mouches, le temps se pare d’éternité. « C’est juste magique », témoigne Françoise après l’exercice, encore surprise qu’un groupe puisse être aussi attentif. La rencontre avec les arbres éveille les sensations les plus inattendues. Qui connaît le goût d’une écorce, d’une résine, d’une feuille de hêtre ou d’une épine de sapin ? Qui a déjà humé l’arôme d’une sève


Dossier

LA NATURE : source de bien-être et de spiritualité

La nature à portée dossier de main Comment rester en lien avec la nature, à la maison, au travail, en ville ou à la campagne ? Pris par notre rythme quotidien et des pensées qui encombrent l’esprit, nous oublions parfois d’observer et de savourer avec attention ce qui nous entoure. Voici quelques pistes pour maintenir en conscience nos affinités avec le vivant.

Se nourrir en conscience

Si l’air que nous respirons est indispensable à la vie, l’alimentation est notre premier contact physique avec la terre. Savourer une tomate, siroter un jus de fruit frais, humer les parfums des épices, déguster un plat mijoté avec amour… Tous ces gestes simples nous rappellent chaque jour notre lien intime et vital avec la nature. « Je suis une mangeuse éveillée », écrit la naturopathe Ariane Roques dans son livre-jeu Se nourrir en conscience 1. En éveillant nos sens, l’autrice nous invite à jouer, ressentir et méditer autour des saveurs. Observer, sentir, toucher, mâcher, respirer profondément : prendre conscience de chaque étape est essentiel. Manger en silence ou les yeux bandés sont autant d’exercices ludiques qui aident à renouer avec les joies de la table. Car nourrir son corps, c’est aussi nourrir son esprit. Dans certaines cultures animistes, on parle même de « manger chamaniquement » lorsqu’il s’agit de manger « l’esprit des aliments », explique Paul Degryse, formateur en chamanisme [lire pages 44 et 45]. Source d’énergie et de santé, une alimentation saine est aussi un bel hommage rendu à notre terre nourricière ! 48 • kaizen • numéro 39

L’eau, source de vie

Elle est à l’origine de l’apparition de la vie sur Terre. Elle fait circuler les éléments – oxygène, nutriments… – au cœur du monde minéral, végétal, animal et humain. Elle régule la température de la planète et celle des corps. Elle constitue le corps humain à 65 % – correspondant à 45 litres en moyenne pour un adulte. Quel génie ! Essentielle dans l’alimentation, l’eau est aussi une ressource indispensable pour se laver. À son contact, depuis la nuit des temps, les civilisations ont élaboré des pratiques de purification du corps : bain, douche, hammam, sauna et autres rites… L’eau et ses vapeurs ont de multiples vertus. Prendre conscience qu’au quotidien l’eau nous apporte détente, hygiène, beauté et santé, c’est aussi renouer avec son pouvoir.


vent d’ailleurs © Aude Petin

Vent d’ailleurs

Auroville fête ses cinquante ans d’utopie À quelques kilomètres de Pondichéry, en Inde du Sud, Auroville est un véritable laboratoire d’expérimentation écologique et spirituelle. Cinquante ans après sa création, la « ville de l’Aurore » poursuit sa quête d’unité humaine. Texte : Frédérique Basset

A

uroville n’est plus une jeune fille, mais pas encore une vieille dame. Née en 1968 du rêve d’une Française, Mirra Alfassa – appelée Mère par ses adeptes –, compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo, la ville a surgi d’une terre rouge désertique de 25 kilomètres carrés (2 500 hectares) dans le Tamil Nadu, sur la pointe sud de l’Inde. Alors qu’en Europe, certains faisaient la « révolution », d’autres rejoignaient ce désert pour y bâtir un monde nouveau, affranchi de la religion, de la 50 • kaizen • numéro 39

politique et autant que possible de l’argent. À 12 kilomètres de Pondichéry, cette cité internationale, parrainée par l’Unesco et soutenue par le gouvernement indien, accueille aujourd’hui environ 2 500 personnes d’une cinquantaine de nationalités différentes, dont la moitié est indienne. Deux millions d’arbres ont été plantés et les maisons en pierre ont remplacé les huttes en bambou des origines. En ce 28 février 2018, Auroville fête ses 50 ans. Il est 4 heures 30 du matin. Quatre mille personnes ont


Extraits de la charte d’Auroville « Auroville appartient à toute l’humanité. Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle et du progrès constant. Auroville sera le lieu de recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète. »

rejoint en silence l’amphithéâtre du Matrimandir, cette énorme sphère d’or construite en quarante ans par les Aurovilliens, lieu de méditation qui irradie le cœur de la cité. Tandis qu’un grand feu de joie embrase le ciel d’encre, la voix enregistrée de Mère énonce la charte d’Auroville [lire encadré]. Dans l’aube naissante, une guirlande d’enfants défile, portant des vases remplis d’eau venue de 300 régions du monde, qu’ils versent dans la grande vasque de l’amphithéâtre. Un symbole de l’unité planétaire, comme il y a cinquante ans, les poignées de terre originaires de 121 pays recueillies dans l’urne du Matrimandir.

noix de coco… Des plantes qui nourrissent et qui soignent aussi. « Nourriture et médecine ne sont pas deux choses différentes : c’est l’endroit et l’envers d’un seul corps », écrit Masanobu Fukuoka dans La Révolution d’un seul brin de paille 1. C’est aussi le lien à la terre qui relie Marie à Auroville depuis douze ans. Paysagiste dans un bureau d’études à Paris, la Française, alors âgée de 28 ans, claque la porte un beau matin. « Ma vie était facile, mais absurde ! » D’Istanbul à Katmandou, six mois à vélo pour aller voir l’ailleurs. En 2006, la jeune femme rentre à Paris et rencontre Léonard, son futur mari, qui s’apprête à s’installer à Auroville. « J’avais un a priori négatif, on m’avait dit que c’était une secte. Mais en arrivant, j’ai su que c’était un endroit où l’on pouvait grandir. C’est ici que j’ai trouvé ma voie : travailler avec le vivant et comprendre que l’humain peut en faire partie. » Marie s’occupe pendant sept ans des jardins du Matrimandir, avant de rejoindre le jardin botanique : là où la terre était nue dixhuit ans plus tôt, s’étend aujourd’hui un fabuleux jardin de 20 hectares où travaillent une dizaine de salariés occidentaux et tamouls, et autant de bénévoles. On y trouve un arboretum, un jardin ornemental, un jardin des orchidées, un labyrinthe végétal, un jardin indien, un autre de cactus, un verger, un jardin japonais, des plantes tinctoriales 2, un potager, une pépinière d’espèces forestières et bientôt un herbarium. « Nous n’avons aucune subvention, mais grâce aux revenus des jardins paysagers que l’on crée pour des hôtels ou des communes dans le reste de l’Inde, nous sommes autonomes. »

vent d’ailleurs

Travailler avec le vivant Depuis sa création, Auroville est un véritable laboratoire d’expérimentation écologique : tri des déchets, énergies solaire et éolienne, constructions en terre crue, recyclage des eaux usées et récupération de l’eau de pluie. Si l’eau est un bien précieux pour les habitants, elle l’est aussi pour la terre. Sans elle, pas de fruits et légumes pour nourrir la cité. Après des études dans une école Krishnamurti en Angleterre, d’où il est originaire, Krishna s’est installé à Auroville il y a vingt-cinq ans. Dans sa ferme – Solitude Farm –, il rend hommage à la vision d’un paysan zen japonais, Masanobu Fukuoka, qui avait développé un art de cultiver en imitant la nature. À Solitude Farm, pas de grosses machines ni de produits chimiques de synthèse, mais une terre vivante grâce à une technique toute simple : le mulch. « Toute la matière organique autour de nous est notre biomasse qui enrichit le sol et le rend fertile », rappelle Krishna. La ferme est une jungle où poussent des plantes locales : tapioca, taro, curcuma, piment, okra, épinard sauvage, millet, riz, © Frédérique Basset ananas, banane, goyave, papaye,

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© Frédérique Basset


et si on le faisait ensemble ? Et si on le faisait ensemble ?

Luc-sur-Aude : premier village autonome en électricité solaire citoyenne Dans l’Aude, le petit village de Luc-sur-Aude a réussi un tour de force inédit. Son parc photovoltaïque, né d’un financement citoyen, remplit quasiment ses besoins en électricité. Une innovation que les Lucois aimeraient voir reproduire à l’échelle de chaque municipalité. Texte : Marion Paquet - Photos : Simon Pouyet

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Jean-Claude Pons, le maire, et les citoyens de Luc-sur-Aude ont préféré un parc photovoltaïque de taille modeste, adapté aux besoins de la commune.

S

ur les hauteurs de Luc-sur-Aude, village de 240 habitants, le parc de panneaux photovoltaïques se fait discret. Invisible depuis la plupart des habitations, il est en service depuis décembre 2017, niché dans un creux de la montagne, face au sud, entre les vignes, les garrigues et les pins : un paysage typique de la haute vallée de l’Aude. Il s’agit du premier parc photovoltaïque de France financé par des citoyens. Sur une surface d’un demi-hectare, il paraît presque anecdotique comparé aux vignes. Quatre ans après son lancement, le maire de la commune, Jean-Claude Pons, n’en revient toujours pas que ce projet ait pu voir le jour : « C’était loin d’être gagné. » Maire depuis une dizaine d’années, Jean-Claude Pons affirme n’appartenir à aucune mouvance politique : « En tant qu’élu, j’estime devoir représenter tous mes administrés. En revanche, si je n’étais pas maire, je pourrais prendre des positions militantes. » Sans artifice, dans ses vêtements de producteur d’olives et d’herbes aromatiques, Jean-Claude Pons est convaincu de la nécessité, face à l’urgence du changement climatique, d’accélérer les actions en faveur de la transition énergétique. Mais il sait aussi qu’il est important de ne pas aller trop vite pour investir les villageois dans cette mission : « Il faut faire participer les gens au maximum pour qu’ils s’intéressent au projet. Obtenir le consensus est une bonne façon de gérer la société selon moi. » Si l’idée du parc vient de la mairie, les élus n’envisageaient pas un projet auquel les habitants n’adhèreraient pas : « Nous avons été sollicités par plusieurs entreprises souhaitant louer des terrains pour y installer un parc de plusieurs hectares, se souvient le maire, mais cela ne correspondait pas aux attentes des habitants. Depuis 2010, nous menons une politique d’économies d’énergie, en éteignant l’éclairage public la nuit, en installant des panneaux solaires sur le toit du foyer communal… Nous étions donc favorables à la création d’un parc, mais nous ne voulions pas d’une installation surdimensionnée, dans laquelle le village ne serait pas impliqué. Il valait donc mieux prendre notre production d’énergie en main. Toutefois, nous n’aurions pas demandé à la population d’investir sans l’aide de la Région. » Dans un appel à projets,

et si on le faisait ensemble ?

l’Occitanie promettait 1 euro de subvention pour chaque euro citoyen investi, dans la limite de 100 000 euros. « Avec le recul, je pense que nous aurions pu financer le parc sans l’aide de la Région, estime Jean-Claude Pons, mais sans ce soutien, nous n’aurions pas osé le faire. »

L’épargne citoyenne finance le parc Ont donc été organisés forums, réunions publiques, ainsi que permanences pour exposer le projet aux villageois et recueillir leurs avis. Une enquête a été réalisée pour identifier les craintes, réticences et attentes des habitants. S’y sont exprimées plusieurs interrogations : les panneaux solaires peuvent-ils être recyclés ? Contiennent-ils des terres rares ? Le parc va-t-il avoir des répercussions sur la faune ? Sur la flore ? Un long travail de documentation pour répondre à toutes ces questions a suivi : « Je m’inquiétais des conséquences environnementales du parc, se rappelle Valériane, Lucoise de 23 ans, mais nous avons été bien informés. Nous avons bien compris dans quoi nous nous lancions. » La famille de Valériane a acquis plusieurs parts de 100 euros, montant fixe des actions mises en vente. En moyenne, le retour sur investissement est estimé à 5 % bruts par an. « En investissant dans le parc, les citoyens placent leur épargne dans des actions plus rémunératrices que des livrets bancaires », précise JeanClaude Pons, pour qui « le défi était d’injecter cette épargne locale vers l’énergie photovoltaïque ». Les citoyens-actionnaires toucheront ce bénéfice grâce à la vente de l’électricité produite par les panneaux à Enercoop 1. Pour Valériane, faire appel à l’épargne citoyenne semble aujourd’hui relever de l’évidence : kaizen • juillet-août 2018 • 57


goût de l’enfance

Le goût de l’enfance

La nature, salle de concert pour musiciens en herbe Dans les bois comme à la plage, la nature offre toute une palette de sons et de jeux. Avec un peu d’astuce et d’observation, les balades peuvent se transformer en découverte joyeuse et créative d’instruments de musique, fabriqués avec des éléments naturels. Texte : Sabah Rahmani - Photos : Olivier Deveaux

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C

e jour-là, dans les bois, la forêt chante pour les enfants… et pour le bonheur des plus grands ! Sur les rives de la Sèvre, près de Clisson (Loire-Atlantique), Elise, 4 ans, et Yanis, 12 ans, suivent les pas d’Arnö, maître enchanteur de ces lieux. La balade prend la forme d’une mélodie joyeuse où petits et grands découvrent l’art de fabriquer des instruments de musique à partir d’éléments naturels. « Les arbres, les plantes et les fruits ont besoin de toi pour chanter. Noisettes, glands, fleurs, feuilles, tiges peuvent se transformer en Flutins des bois ! Un peuple enchanteur qui adore imiter les oiseaux, mais aussi pétarader, vrombir, chanter ou siffloter », écrit avec poésie Arnö Pellerin, musicien et auteur du Guide magique des instruments de la nature. Depuis une dizaine d’années, Arnö remet au goût du jour la musique verte, approche originale, ludique et créative de la nature, longtemps pratiquée par nos ancêtres. À peine le chemin entamé, le trio s’arrête au pied d’un chêne majestueux. Arnö montre aux enfants un tas de glands qui couvre le sol. Il prélève le chapeau de l’un d’eux, le place entre son index et son majeur, le creux vers le haut. En resserrant les doigts et le poing, il laisse une fente de 2 millimètres, pour poser ensuite ses lèvres sur sa main, près de l’orifice. En soufflant fort dans la fente, l’air s’engouffre alors dans la cupule du gland et, surprise, un sifflement aigu jaillit comme par enchantement ! Émerveillés, les enfants souhaitent essayer à leur tour ce tour de magie ! Après quelques tentatives, Yanis réussit à siffler sous le regard ébahi d’Elise. « Un jour, j’ai cru halluciner en voyant quelqu’un siffler dans la tige d’un pissenlit. Je me suis dit “c’est incroyable ce que nous offre la nature !” », se souvient Arnö, qui a su garder une âme d’enfant. « J’ai toujours un petit couteau sur moi. L’essentiel est d’avoir un Opinel pour couper du bois mort ou des herbes hautes, percer des petits trous, mais il est surtout important d’inventer des choses, car on peut créer de nombreux instruments dans la nature », explique-t-il en fouillant dans sa petite sacoche. À l’aide d’une branche sèche d’une renouée du Japon qu’il perce, d’un élastique et d’un papier sulfurisé – pouvant être remplacé par une peau d’oignon –, Arnö fabrique, en quelques minutes, un mirliton ou un kazoo. En découvrant le son comparable à une petite trompette qui zozote, Elise et Yanis se prennent au jeu avec enthousiasme, fredonnant des airs improvisés, ou celui de la célèbre musique de Star Wars.

Discuter avec les oiseaux En véritable conteur des bois, Arnö emmène le duo un peu plus loin pour lui raconter la petite histoire du sureau, à quelques mètres du bord de l’eau : « Déjà au Moyen-Âge, on appelait cet arbre… l’arbre des fées. Pourquoi ? Parce que c’est un arbre qui chante ! Les bergers faisaient de petites flûtes avec ses branches. » En creusant l’intérieur d’un morceau de branche sèche pour le vider de sa mousse, on peut, en ajoutant un petit bout de noisetier, fabriquer un petit sifflet : un appeau. « C’est ça qui te permet de discuter avec les oiseaux. Ils répondent au chant du sifflet. Cela peut être un rouge-gorge, un merle ou encore une chouette ! », dévoile le musicien. Aussitôt la démonstration faite, quelques oiseaux répondent au chant des novices.

goût de l’enfance

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je vais bien le monde va mieux

Je vais bien, le monde va mieux

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je change

Le Shinrin Yoku : la santé au pied de mon arbre Vous connaissiez les bains de mer et les bains de soleil ? Voici les « bains de forêt », traduction littérale du japonais Shinrin Yoku. Cette pratique consiste à plonger dans la forêt pour entrer en harmonie avec les arbres, grâce à l’éveil de ses cinq sens. Texte : Aude Raux - Photos : Éléonore Henry de Frahan, collectif Argos

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je vais bien le monde va mieux

églant nos pas sur ceux de Jean-Marie Defossez, nous partons au plus profond de la forêt de Fontainebleau et de nous-mêmes pour une séance de Shinrin Yoku, « bain de forêt » en japonais [lire page 40]. « Rentrer dans la forêt, c’est facile. Ce que je voudrais, c’est que vous laissiez les arbres rentrer à l’intérieur de vous », conseille le formateur en sylvothérapie. Notre respiration rythme notre marche, à l’image des arbres : « Ce sont de véritables invitations à inspirer et expirer, remarque Jean-Marie Defossez. Les arbres absorbent le gaz carbonique et respirent avec leurs pores, dans un état d’ouverture perpétuelle. » Selon le sylvothérapeute, plus notre souffle s’allonge, plus intenses sont nos sensations. Après une trentaine de minutes, il nous invite à nous arrêter pendant une heure, le temps de choisir un arbre et de faire connaissance avec lui. Mon regard est happé par un frêle pin sylvestre dont la cime s’étire haut vers le ciel. Guidée par la voix de JeanMarie Defossez, je ferme mes paupières et pose mes mains sur le tronc de l’arbre pour continuer de me relier à lui par le toucher, jusqu’à l’enlacer. Puis mon ouïe se met en éveil : j’écoute le bruit du vent dans son feuillage. Enfin, je sens les fragrances qui en émanent et goûte un petit morceau de son écorce. Nous partageons notre ressenti avec le sylvothérapeute qui nous propose ensuite de « syntoniser avec l’arbre, c’est-à-dire de nous mettre à la même fréquence que lui ». Je ferme de nouveau les yeux en me concentrant sur « cet être différent ». Puis les décille, pour porter un autre regard : celui de l’acceptation de l’arbre en tant qu’individu à part entière. « Il s’agit de s’éveiller à l’invisible, explique Jean-Marie Defossez. Sans faire intervenir le mental. Au contraire, en libérant notre intuition pour être davantage perméable à la bienveillance et à

l’empathie que vous transmet l’arbre. C’est comme si vous alliez cueillir un kilo de paix en forêt pour la rapporter chez vous ! » D’après le sylvothérapeute, les arbres ont toujours occupé une place particulière dans toutes les civilisations : « Regardez, par exemple, les chênes de la forêt de Brocéliande vénérés à l’époque des druides, jusqu’au Survivor Tree des attentats du 11-Septembre, en passant par l’arbre de la connaissance dans la Bible et le Shinrin Yoku au Japon. Pas étonnant : ce sont des êtres d’exception. » Grâce à eux, je repars avec l’impression que le fait de vivre « ici et maintenant » s’est enraciné en moi. n POUR ALLER PLUS LOIN • www.sylvotherapie.net • Jean-Marie Defossez, Sylvothérapie, le pouvoir bienfaisant des Arbres. Retrouver son énergie et se ressourcer, Jouvence, 2018

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le bon plan Nos bonnes adresses

Le Pays basque, terre d’initiatives locales Texte et photos : Pascal Greboval

DORMIR Sur les hauteurs de Ciboure, près de la plage et de Saint-Jean-de-Luz, Isabelle et Éric vous accueillent dans leur belle maison DORRE PEAN. Rénovée avec des matériaux biosourcés, elle est équipée de panneaux solaires pour la production d’eau chaude sanitaire. Côté décoration, le couple a également choisi des matériaux écologiques, à la fois cosy et sains. Les chambres confortables, avec peignoirs et savons biologiques fournis, donnent accès à une cuisine commune. Tout autour de la maison, un joli jardin offre divers espaces de détente, dont un Jacuzzi. Pour partager ses bonnes adresses ou échanger sur les avantages d’une démarche zéro déchet, Éric est toujours disponible, notamment lors du petit-déjeuner qu’il prépare avec passion. Depuis sa création, en 1999, le camping d’ETCHE ZAHAR, à Urt, s’inscrit dans une démarche écologique forte : tri des déchets ; voies de circulation non 76 • kaizen • numéro 39

goudronnées pour limiter les phénomènes d’imperméabilisation et de ruissellement ; avantages aux transports doux, en particulier le vélo, avec des espaces prévus pour les cyclorandonneurs (label Accueil Vélo). À noter : les campeurs qui laissent leur véhicule sur le parking extérieur bénéficient d’un tarif réduit.


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MANGER

Toujours à Bayonne, mais un peu à l’écart du centre, L’ÉPICIER BIO conjugue ce même principe de boutique et restaurant 100 % biologiques. Cette épicerie à taille humaine privilégie les produits locaux. En formule rapide à emporter ou traiteur, Pauline propose dans son petit coin-cuisine des plats savoureux et des desserts véganes et sans gluten. Les emballages sont en PLA – un polymère issu de la culture de canne à sucre ou de maïs – ou en carton, et les couverts en bois. Le tout à un bon rapport qualité-prix afin d’être accessible au plus grand nombre. À Bidart, la chaîne de magasins alimentaires bio L’EAU VIVE offre un bel espace de restauration. Vous pourrez y manger des salades, des plats chauds et même ce que vous avez acheté dans le magasin. Une pause saine et pas chère sur la route entre Bayonne et Hendaye ! Attaché à sa culture et son terroir, le Pays basque offre un bon terreau aux magasins collaboratifs. À Bayonne, OTSOKOP en reprend les grands principes. On y trouve des produits de base, alimentaires et non alimentaires, de qualité et essentiellement biologiques. La priorité est donnée aux producteurs et artisans locaux. L’originalité se situe surtout dans le fonctionnement. Le supermarché est une coopérative non lucrative : il appartient aux clients-membres. Chacun prend part aux décisions stratégiques selon le principe « une personne, une voix » lors des assemblées générales. Les membres coopérateurs participent au fonctionnement du supermarché, en donnant trois heures de leur temps toutes les quatre semaines, pour s’occuper de la caisse, de la mise en rayon, du nettoyage, etc. Les postes salariés sont réduits au strict minimum afin de diminuer les prix. Et pour que les citoyens deviennent de véritables consomm’acteurs, le magasin propose des ateliers pour apprendre à faire soi-même des produits

le bon plan

LA GALUPE ou l’histoire d’une belle reconversion… Doublement étoilée au Guide Michelin sous la direction du chef Christian Parra jusqu’en 2002, cette ancienne auberge s’est métamorphosée en un chaleureux café-restaurant-épicerie-librairie… et plus encore ! Pascale et Didier sont à l’origine de cette mue. Après avoir embrassé l’urbanisme, l’enseignement et l’éducation populaire pour elle, l’édition pour lui, ils se lancent dans ce projet en 2016, suite à l’obtention du CAP cuisine par Didier. Aux murs, lors des expositions, sur les étagères de livres ou dans les assiettes, le couple favorise le local. Le pêcheur qui les fournit réside dans la maison d’en face, à 50 mètres, au bord de l’Adour ! Bref, pour savourer un bon repas, partager un apéro-tapas, assister à un concert ou une conférence, acheter de la littérature ou de la lingerie locales : direction Urt. Vous passerez un excellent moment. Située dans le centre piétonnier de Bayonne, LA CHAYOTE est à la fois une épicerie et un restaurant où vous ne trouverez que des produits biologiques. Installé depuis 1996 dans la rue d’Espagne, Bernard a su faire évoluer son échoppe au fil du temps. Côté boutique, on trouve fruits et légumes, fromages, vins, céréales, mais aussi produits cosmétiques et d’entretien ainsi que des ouvrages sur la santé et le bienêtre. Attenant à la boutique, l’espace restauration permet aux végétariens, végétaliens, comme à ceux qui mangent de la viande ou du poisson de se réunir autour d’une même table pour déguster des plats typiques du Moyen-Orient : moussaka, chakria, fassoulia, etc. Un bon endroit pour déjeuner ou dîner (vendredi et samedi) à un prix raisonnable.

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cuisine

Cuisine

L’origan Le Sud dans un bouquet ! Un vent du sud souffle sur nos assiettes pour peu que l’on égraine des fleurs et des feuilles d’origan. Herbe aromatique des pizzas et des coulis de tomates, la sauvageonne prospère dans les prairies au soleil, forcément ! Textes et photos : Linda Louis

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’avez-vous jamais remarqué des petits bosquets de fleurs violettes et pourpres dans les prairies sèches ou près des fossés ? Approchez-vous et humez leur parfum… Vous reconnaissez cette odeur évoquant les plats ensoleillés ? C’est de l’origan ! Il fait partie des plantes sauvages aromatiques les plus prisées des aficionados de la cueillette des bords de chemin. Contrairement au thym sauvage qui reste inféodé aux régions du sud, l’origan se plaît partout en France, à partir du moment où il a les pieds dans la terre sèche et la tête au soleil. L’origan commun (Origanum vulgare) ressemble beaucoup à la marjolaine (Origanum majorana). Pour les reconnaître, rien de plus simple. La première plante est vivace, autrement dit, elle repousse chaque année au même endroit (d’où son autre nom de marjolaine vivace). Impossible de l’arracher, son rhizome rampant ne peut pas être déterré à mains nues. C’est une plante rustique qui peut supporter les - 15 °C. La seconde plante, la marjolaine, est annuelle et fait son cycle au début du printemps pour mourir ensuite en automne. Elle s’arrache facilement, car ses racines sont très fines. Amusez-vous à collectionner au jardin différentes espèces d’origan : l’origan compact (Origanum compactum L.) qui, comme son nom l’indique, est plus buissonnant et se cultive généralement en pot ; l’origan de Syrie (Origanum syriacum L.) ou zaatar, à feuilles rondes, persistantes, duveteuses et à fleurs blanches, utilisé pour faire le mélange éponyme, zaatar, à base d’origan, de sésame et de sumac ; l’origan grec (Origanum vulgare L. var. hirtcum) ou origan vert, aux fleurs blanches et à l’arôme puissant et épicé. Pour les entretenir, rien de plus simple : peu d’arrosage, une taille à ras de la plante en automne et pas d’eau en hiver.

IDENTIFICATION D’ORIGANUM VULGARE L. (LAMIACÉES)

Plante herbacée vivace de 30 cm à 80 cm de hauteur (une fois montée en fleurs), reconnaissable par son port buissonnant, ses tiges carrées, dressées, ramifiées (souvent persistantes en hiver) et ses inflorescences en petites panicules rose clair et pourpres très odorantes. • Feuilles opposées, pétiolées, assez petites (jusqu’à 2 cm de long), rondes à ovales, entières ou parfois pourvues de petites dents sur la marge, vert foncé. • Fleurs rose clair et bractées violettes, pourpres, disposées en petits bouquets ronds serrés au sommet de la plante. • Habitat naturel dans les prairies, les lieux secs incultes, les fossés exposés au soleil. • Récolte des fleurs et des feuilles entre juillet et août.

cuisine

En cuisine

L’origan peut s’utiliser frais en saison ou séché. Pour ce faire, disposez les tiges fleuries et feuillues sur de grandes plaques et laissez-les sécher au soleil (ou au déshydrateur). Vous pouvez les conserver telles quelles dans un bocal hermétique ou prélever les sommités fleuries et les feuilles en les pinçant entre le pouce et l’index tout en tenant la tige de l’autre main. Cette herbe aromatique se marie avec tous les légumes d’été (aubergine, tomate, courgette, poivron, fenouil, oignon rouge…) et aromatise agréablement les coulis de tomates et les ratatouilles. Elle s’égraine sur des pizzas, mais aussi sur des lasagnes ou autres gratins de pâtes, et des légumes rôtis à l’huile d’olive. Elle apporte une vague de fraîcheur aux concombres à la crème, aux fromages de type

feta ou chèvre en saumure. Côté sucré, on peut ajouter ses fleurs dans les salades de fruits, les gâteaux, les crumbles ou les tartes aux fruits d’été (abricot, nectarine, pêche, prune…).

Vertus médicinales

L’origan est une plante tonique, stimulante, digestive, stomachique, carminative, antitussive, antiseptique et antispasmodique. En aromathérapie, on l’utilise surtout en huile essentielle. Sa richesse en tanins et phénols lui confère des propriétés anti-inflammatoires et anti-infectieuses notables. Ballonnements, flatulences, troubles digestifs et de transit : une tasse de tisane trois fois par jour. Infusez 30 grammes d’origan dans 1 litre d’eau pendant 10 minutes. Plaies, piqûres, brûlures, démangeaisons de la peau, eczéma (application externe) : 3 gouttes d’huile essentielle d’origan diluées dans 1 cuillère à café d’huile d’olive trois fois par jour. Maux de tête, rhumatismes, douleurs inflammatoires, courbatures : même dosage que ci-dessus. Toux et troubles ORL : une tasse de tisane trois fois par jour (ou inhalation). Infusez 50 grammes d’origan dans 1 litre d’eau pendant 10 minutes. À haute dose, l’origan peut être excitant et n’est pas recommandé pour les personnes nerveuses ou cardiaques. Le thymol et le carvacrol contenus à haute dose dans ses huiles essentielles sont très puissants. Mal utilisée, l’huile essentielle d’origan peut donc s’avérer toxique. n kaizen • juillet-août 2018 • 81


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Rendez-vous 9 juin au 6 octobre / Paris-Bayonne Tour Alternatiba : 5 800 km à vélo dans 200 territoires afin de promouvoir les alternatives au dérèglement climatique. Il y a forcément une étape près de chez vous ! https://etapes.tour.alternatiba.eu

Juillet 1er juillet de 9 h 30 à 23 h / Poucharramet (31) Festival AgitaTerre : l’association 3PA Formation vous invite à découvrir des alternatives durables, locales et citoyennes autour des Communs. www.association3pa.wixsite.com/agitaterre

6 au 8 juillet / Lyon (69) Dialogues en humanité : il est trop tard pour être pessimiste ! La Résistance aujourd’hui, c’est l’optimisme ! www.dialoguesenhumanite.org 7 juillet à 16 h / Aubervilliers (93) Rencontres à la librairie Les Mots Passants : dans le cadre du festival Sous les pavés les arbres, avec Marie-Noëlle Himbert pour la collection Je passe à l’acte et Stéphane Durand pour la collection Mondes Sauvages. http://associations.aubervilliers.fr 8 juillet au 31 août / La Roche-sur-Grane (26) Séjours d’été Vivre ses vacances autrement : venez partager des moments de détente respectueux de l’humain et de la terre. Vivez au rythme des Amanins et participez au travail de la ferme. www.lesamanins.com

L’AGENDA JUILLET-AOÛT 2018 26 juillet au 11 août / Luc-en-Diois (26) 17e Rencontres des Ami-e-s de S!lence : pour vivre ensemble de façon festive dans la simplicité volontaire, partager nos expériences d’autogestion et nos savoirs, mettre la main à la pâte dans divers ateliers et lâcher prise… Ferme Paulianne - Route de Châtillon - 26310 www.amies.revuesilence.net

Août 7 au 9 août / Mens (38) Stage Je démarre mon rucher familial : vous rêvez d’avoir une ou deux ruches dans votre jardin, mais ne savez pas par où commencer ? Venez apprendre les bases théoriques et les gestes techniques indispensables pour débuter en toute sérénité. Centre Terre vivante Domaine de Raud - 38710 https://boutique.terrevivante.org

rendez-vous

2 au 8 juillet / Val-Maravel (26) Stage Renouer avec ses sens : une voie d’éveil ? « L’humain est un lieu de perception. Renouer avec ses sens éveille ce lieu sacré et s’incarne dans une relation aimante au corps physique. » École de la nature et des savoirs www.ecolenaturesavoirs.com/stage/ habiter-la-terre

4 au 8 juillet / La Roche-sur-Grane (26) Stage Concevoir et créer son jardin familial en permaculture : concevez et créez un petit jardin familial agroécologique selon les méthodes de la permaculture, guidés par l’expérience de Jean-Guy Deloffre et Éric Lantenois. www.lesamanins.com

9 au 13 juillet / Roquevidal (81) Stage Le potager agroécologique : découverte des gestes pratiques pour créer une oasis productrice de légumes, mais aussi un havre de paix où se ressourcer. www.terre-humanisme.org/formation/ le-potager-agroecologique 10 au 14 juillet / Saint-Lys (31) Altervillage ATTAC 2018 : en autogestion, les participants mettent en pratique des modes de vie alternatifs et expérimentent un autre monde. Le programme est articulé autour d’ateliers théoriques et d’ateliers de mutualisation d’expériences. www.france.attac.org/agenda

11 au 19 août / Val-Maravel (26) Stage Immersion nature familles : comment retrouver une relation d’alliance, et non de domination, avec cette nature qui nous porte et nous fait vivre ? École de la nature et des savoirs www.ecolenaturesavoirs.com/stage/ immersion-nature 15 août / Olargues (34) Estivale de la bio d’Olargues 80 exposants proposent de découvrir leurs produits : vins, fromages, viandes, miels, confitures, pains, huiles, fruits et légumes… www.bio34.com

POUR ALLER PLUS LOIN AVEC LE DOSSIER NATURE, BIEN-ÊTRE ET SPIRITUALITÉ Stage de chamanisme : l’art de renaître à soi-même [lire page 45] Paul Degryse, chamane-enseignant, propose des stages physiques et revitalisants de six jours dans le Tarn et le Gard, avec 20 % de théorie et 80 % de pratique, le plus souvent dans la nature. 15 au 20 juillet, 22 au 27 juillet, 26 au 31 août à Puycelsi (Tarn), 19 au 24 août à Rogues (Gard). www.chamanisme-ecologie.com

Bain de forêt dans les Vosges [lire page 40] Au cours d’un week-end dans les Vosges, Éric Brisbare, accompagnateur de montagne, mène une initiation à la sylvothérapie, à travers des séances de mise en éveil des sens et d’étreinte avec les arbres. 14 et 15 juillet, 25 et 26 août. Autres dates à la demande. Départ garanti à partir de 6 personnes. www.unbaindeforet.fr

L’Arbre à Spirales : centre de ressourcement dans la Drôme [lire page 42]

Sur les crêtes de la Drôme provençale, cet écolieu tenu par Marilyn propose des activités de pratiques corporelles et de ressourcement au cœur de la nature. 7 au 8 juillet : stage de qi gong santé. 9 au 15 juillet : retraite méditation. 10 au 16 août : clown ta vie. www.arbre-a-spirales.fr

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