Kaizen 4 : L'économie est à nous

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I

SOCIÉTÉ

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SANTÉ

I

ÉCONOMIE

I

AGRICULTURE

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HABITAT

I

ÉNERGIE

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ÉDUCATION

I

GOUVERNANCE

I

N°4

DOSSIER L’ÉCONOMIE EST À NOUS PORTFOLIO AU PIED DE MON ARBRE IDÉE REMUANTE ETIENNE CHOUARD : TIRAGE AU SORT

Qui peut parler aujourd’hui de société, de rapports humains sans les envisager à l’échelle du monde ? Encore faut-il s’entendre sur le monde que nous voulons. Un monde où l’économie est au service des hommes et des femmes, et pas le contraire. Bien sûr. Mais le pouvons-nous ? Comment agir ? Avec une banque ? Après tout, une banque, c’est fait pour construire. Le Crédit Coopératif, avec ses sociétaires, participe à l’essor de l’économie sociale et solidaire. Ce monde-là, vous pouvez le construire avec votre banque.

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NUMÉRO 4 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012

BythewayCreacom – Crédit Coopératif – Société coopérative anonyme de Banque Populaire à capital variable – RCS Nanterre 349 974 931 – APE 6419 Z – N° ORIAS 07 005 463 – 12, boulevard Pésaro – CS 10002 – 92024 Nanterre cedex – Illustration : Artus

CHANGER LE MONDE PAS À PAS

SI ON FAISAIT UN PEDIBUS

NUMÉRO 4 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012

M 05148 - 4 - F: 5,90 E - RD

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KAIZEN 3

KAIZEN «Changer le monde pas à pas» Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 10 000 €. 95 rue du faubourg Saint Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.fr Magazine bimestriel numéro 4 septembre-octobre 2012 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeur de la publication Yvan Saint-Jours Directeur de la rédaction Cyril Dion Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Lars van de Goor Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées

V

oici venir la rentrée, et avec elle un rythme effréné. Inscrire la grande à la chorale, le petit à l’équitation, acheter une nouvelle table de nuit, changer l’abat-jour, payer les impôts, emmener la voiture chez le garagiste… Et si nous profitions de cette période pour remplacer la frénésie du faire par la légèreté de l’être ? Être attentifs aux envies de nos parents qui vieillissent, être à l’écoute des besoins de nos enfants, être responsables de nos actes d’achats, être bienveillants avec nous-mêmes et ceux qui nous entourent, familiers et inconnus. Le chemin est-il si long entre le faire et l’être ? Aucun panneau n’indique la direction à suivre, chacun suit ses pas. Ce n’est donc pas un guide, un plan ou un schéma prêt à penser que ce numéro de rentrée vous propose, il ne s’agit pas d’un chemin bien balisé mais de quelques pistes qui nous semblent intéressantes ; des pas de petits que le pédibus conduit à l’école, des pas équitables avec des baskets écolo, des patients bien traités, des passagers heureux, des passerelles pour communiquer avec l’autre, avec soi, des pastels d’automne dans les sous-bois et des pas de côté pour replacer l’humain au cœur de l’économie. A découvrir pas à page…

édito

Bonne Lecture PASCAL GREBOVAL RÉDACTEUR EN CHEF

Régie de Publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50

Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci

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© M Leynaud

Distribution Presstalis

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SOMMAIRE KAIZEN 4 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012 ROYAUME-UNI

I N

G BELGIQUE

3

Édito

4

Sommaire

6

Manifeste

7

ils sont Kaizen

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ACTUS DES RÉSEAUX :

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DÉSENFUMAGE : Quelle dette ? Philippe Derruder

13 13 18

18

23 23 39 48 51

58

H F E KN

C J M

SI ON LE FAISAIT : Mettre en place un pédibus

58

ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN : Une maison de médecine intégrative

N

LE DOSSIER : Vers une économie locale

N

PORTFOLIO : La forêt par Lars van de Goor

23

A

PORTRAITS DE COLIBRIS : Des végétariens

13

CHANGEONS LA COMMUNICATION : Lexique du langage en CNV

56

INFOGRAPHIE : La basket écolo Veja

58

ROUE LIBRE : Des transports en commun gratuits

62

YES THEY CAN : Web pour un monde meilleur

64

IDÉE REMUANTE : « Le tirage au sort » par Etienne Chouard

71

LA MÉDIATHÈQUE de Philippe Derruder

73 73

LUXEMBOURG

58

L

B

73 ON

N 58

ESPAGNE

LE BON PLAN : Grenoble

76

SAUVAGE ET DÉLICIEUX : la châtaigne

82

CHRONIQUE de Pierre Rabhi

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DOM TOM

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MANIFESTE POUR UN CHANGEMENT DU MONDE PAS À PAS L

’humanité se trouve aujourd’hui face à un ultimatum, qui nous oblige à changer pour ne pas disparaître. La logique du progrès, qui aspirait à libérer l’être humain et à améliorer sa condition, est à l’évidence en train de l’incarcérer encore d’avantage. Dans un monde où l’indigence côtoie un superflu sans limite et où toute puissance est donnée à l’argent, les déflagrations sociales ne peuvent que s’amplifier et convulser l’ensemble de la société. L’ère de la technologie fondée sur les combustions énergétiques a relégué la nature, pourtant seule garante de notre survie, à un simple gisement de ressources à piller indéfiniment. Ce faisant, elle lui inflige des dommages considérables. Face à cet implacable constat nous aurions toutes les raisons de désespérer et pourtant, silencieusement, un nouveau monde est en marche. Tandis que la politique exerce une sorte d’acharnement thérapeutique sur un modèle obsolète, la société civile fait preuve d’un génie extraordinaire. Aux quatre coins du monde, des femmes et des hommes inventent une agriculture abondante, sans pétrole, fondée sur la diversité et l’interdépendance des espèces ; des modèles énergétiques utilisant les forces inépuisables de l’eau, du soleil et du vent ; des bâtiments ultra économes, faits de matériaux sains et locaux, produisant plus d’énergie

qu’ils n’en consomment ; des économies locales qui organisent une répartition équitable de nos richesses et encouragent l’autonomie du plus grand nombre ; des modèles industriels zéro déchet, utilisant les rebuts pour créer des produits nouveaux ; des lieux où chaque enfant peut s’épanouir et découvrir qui il est… Ces initiatives sont la preuve de vitalité de la vie qui veut vivre. C’est à ce monde que nous choisissons de donner la parole aujourd’hui, à ces personnes qui portent les (r)évolutions que nous attendons, à ces initiatives pionnières qui, par leur simplicité et leur bon sens, nous offrent de nouveaux horizons, de véritables raisons de croire en l’avenir. Pourtant, il ne s’agit pas de proposer ici un énième catalogue de solutions. Les initiatives, pour elles-mêmes, nous intéressent moins que l’esprit qui les porte. Car au delà de remplacer les énergies fossiles par les renouvelables ou l’agriculture chimique par la bio, c’est à l’âme humaine que nous nous intéressons. Au sens que nous donnons à nos vies, à nos capacités d’empathie et d’émerveillement, à notre profond désir d’être libres. Plus que tout, nous croyons qu’il ne peut y avoir de réelle métamorphose de nos sociétés sans un profond changement de

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Ils sont ceux qui la composent : chacune et chacun d’entre nous. Avec créativité, humour, légèreté et rigueur, nous nous engageons, au fil des pages de Kaizen, à inventer un nouveau rêve, et à le concrétiser en même temps. Plus que jamais nous avons soif d’inspiration et de reliance, pour construire dès à présent ce monde nouveau, dans lequel vivront demain nos enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants… Le temps est venu de placer l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de nous appuyer sur la puissance de la modération pour un vivre ensemble apaisé et heureux. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas la joie à laquelle chacune et chacun d’entre nous aspire de tout son être.

Kaizen késaco ? Kaizen est un mot japonais qui signifie littéralement «changement bon». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un second puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

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Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, il défend un mode de société plus respectueux de l’homme et de la nature. Il soutient le développement de l’agroécologie à travers le monde pour contribuer à l’autonomisation, la sécurité et la salubrité alimentaire des populations. Yvan Saint-Jours Objecteur de conscience, journaliste, fondateur du magazine La Maison écologique, je suis investi dans Colibris depuis quelques années. Si les questions d’habitat et d’énergie sont ma passion, je m’intéresse fortement à la place de l’enfant dans notre société. J’aime me promener au grand air souvent humide en Normandie. Cyril Dion Depuis que j’ai douze ans, je n’ai eu qu’une idée en tête : écrire. A dix-huit ans, je voulais créer la nouvelle revue « Les Temps Modernes » qui parlerait de notre temps, avec des penseurs, des artistes, qui nous aideraient à regarder le monde dans lequel nous vivons. Et écrire dedans. Aujourd’hui je fais beaucoup de choses passionnantes, parmi lesquelles : Kaizen ! Pascal Greboval A l’image de la vie qui est impermanence, j’aime… changer ce texte pour que les abonnés de Kaizen ne se lassent pas ! « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » Gandhi. Patrick Baldassari La « finance » c’était pour moi ce qui devait permettre à chacun d’être heureux, et puis j’ai découvert à travers mes passions la plongée, le VTT et la randonnée - que c’était tout le contraire… Que notre terre et notre mer étaient l’objet de convoitise, que le futur n’avait plus d’importance, que le profit primait sur l’humain, que le pouvoir prenait le pas sur l’intérêt collectif… Fort de ces constats, je me suis joint à l’équipe de Kaizen pour défendre d’autres valeurs tout en essayant d’apporter mes compétences dans le domaine administratif et financier. Lucile Vannier Un petit pas vaut bien mais deux petits pas amassent mieux

mousse, va pour deux petits pas, puis trois. De pas en pas, peu à peu, je découvre les chemins des autres, des silhouettes se dessinent et je vais à leur rencontre. Derrière leurs mots et leurs mains j’apprends à les connaître. Sandrine Novarino Fille de paysans, de formation agricole, passionnée de nature et de grands espaces, de lecture et de liberté… Je n’ai qu’un seul amour : Celui de la Terre ! Mon utopie, construire un monde meilleur où règnent beauté, harmonie et sagesse. Devant les causes défendues par le réseau Colibris et à travers l’équipe rédactionnelle du magazine, Alterrenat Presse a rejoint le navire, avec un grand enthousiasme! Linda Louis Épikurienne dans l’âme, je vois toujours la vie en Kaizen : préparer des boulettes de kasha, des cuirs de kiwi, du ketchup pour mes kids, chiner de la vaisselle kitsch, boire des kirs berrichons avec mes amis (et le lendemain du kéfir), bref ma spécialité, c’est la kuisine ! Le Cil Vert Dessinateur de BD perdant inexorablement ses cheveux. Dans son panier : des strips dans les magazines Esprit Village, Macadam, des dessins pour le CCFD-Terre Solidaire, les presses d’Ile de France, prochainement pour le CFSI... Et une BD écolo écrite avec JeanFred Cambianica : « Braillane, on est tous des jambons ». Fanny Dion J’aborde chaque reportage à peu près de la même façon, par une rencontre. C’est ce que j’aime dans ce que je fais : créer une relation avec les personnes que je photographie. J’aime que les gens se ressemblent et à la fois se trouvent beaux. D’ailleurs la plupart des gens sont beaux. Je ne le voyais pas avant, mais maintenant oui. C’est une des raisons pour lesquelles je suis heureuse de faire ce métier. Julie Graux A Bruxelles, le jardin d’enfant où j’ai passé mes trois premières années d’école s’appelait « Le colibri »... Plus tard j’ai butiné,

comme lui, partout. Me voilà illustratrice et paysanneboulangère bio dans le Perche avec Erik et nos trois filles. Lionel Astruc Auteur de plusieurs livres et directeur d’un cabinet de conseil, j’aime faire découvrir des initiatives économiques et sociales capables de susciter une remise en question profonde et constructive. Le fabricant de baskets Veja, l’entreprise Ambiance Bois ou encore la Compagnie électrique de Schönau - toutes évoquées dans ce numéro -font partie de ces cas pratiques qui doivent guider la transition.» Thierry Thouvenot Après un parcours riche dans l’univers de l’écologie, Thierry Thouvenot s’est tourné vers « l’écologie intérieure » : il pratique aujourd’hui la médecine chinoise et l’accompagnement psycho-corporel, à Grenoble et à Paris. Séverine Millet Ancienne avocate aujourd’hui consultante, Séverine Millet, auteur du guide « La stratégie du Colibri », est spécialisée dans l’environnement et les modes de vie durables auprès d’acteurs publics et privés. Raphaël Souchier Anthropologue et manager de formation, j’anime depuis 30 ans des réseaux de coopération et d’intelligence collective entre universités, collectivités et entreprises européennes. Auteur de « L’après Wall Street sera local », je suis passionné de formation, d’économie locale, d’écriture et de nature. Marieke Dijkstra Génération X : j’ai exercé divers métiers à des endroits différents, mais il y a toujours eu une constance: le besoin vital d’évoluer en plein nature. Ce n’est donc pas par hasard si je vis aujourd’hui dans un petit hameau alpin. Puis, il y a deux ans, j’ai découvert Pierre Rabhi et les Colibris dont la philosophie m’est chère. Et j’ai compris l’importance des liens entre les gens pour tenter de changer notre monde. C’est comme en montagne : pas à pas et ensemble!

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désenfumage

L’ÉCONOMIE DES CROYANCES ENTRETENUES QUE L’ON PAIE CHER! Texte : Philippe Derudder Dessin : Julie Graux

VII e sièc le avant J.-C. - L Mineure es Grecs inventen d’A t les pre métalliq mières p sie ues d’Oc ièces cident. N garde un otre voc e trace d abulaire ec « touche r le pacto ette origine : l’e xpressio le » renv au fleuv n oie effec e Pactole tivemen , où étaie pépites t nt prélev d’un allia ées les ge précie pièces le ux dans s plus a lequel le ncienne s s furent frappées XVI e sièc . le - Cop ernic for théorie q mule ua monnaie ntitative sur la m la première se dépré onnaie : cie quan « La abondan d elle de te ». Il p vient tro récisera notables p dans se su s Ecrits faute, co r la monnaie : « nsiste à Une plu introduir s grande ancienn e à côté e bonne d’une monnaie monnaie , une no mauvais uvelle e, car, n celle-ci on seule déprécie ment l’ ancienn dire, elle e, mais, la chass pour ain e. » si 1750 - L ’impératr ice Marie Habsbou -Thérès rg e de son effig fait émettre un thaler en ie : le M aria The or à devient re la prem ière mon sien Thaler (MT de l’ère T) naie inte mo rnatio dans les derne et sera ra pidemen nale colonies t exploit es d’Amériq é ue. Le te pagnoles et ang laises rme actu dérivé d u mot th el de « d ale oll étymolo gique de r, porte l’empre ar », inte cette as cendanc e.

Chef d’entreprise, Philippe Derudder démissionne en 1992, refusant de continuer à apporter sa contribution à un système auquel il ne croit plus et poussé par un souci de cohérence avec lui-même. Il se consacre depuis lors à la recherche de solutions économiques et financières alternatives. Il anime l’association AISES (Association Internationale pour le Soutien aux Économies Sociétales). Sa médiathèque p.71 www.aises-fr.org

La dette, un tigre de papier qui paralyse le monde - Savez-vous qu’en Grèce, on meurt faute de pouvoir accéder aux soins? - Ah ? N’y a-t-il pas de dispensaires ou d’hôpitaux ? De médecins, de personnel soignant? - Oh si, mais on ferme les premiers et on renvoie les autres. - Je ne comprends pas : puisque nos pays n’ont rien perdu de leur vraie richesse - leur histoire, leurs peuples, leurs cultures, leur sol, leur patrimoine, leurs connaissances, leurs savoirfaire ; puisque d’un côté il y a des besoins et que de l’autre tout est là pour y répondre, comment peuvent-ils être en situation de crise? - La dette mon bon monsieur, la dette ! Il faut se serrer la ceinture pour la rembourser. Tout est là effectivement, sauf l’argent ! - Êtes-vous en train de me dire qu’on est train de mourir de soif auprès d’une fontaine d’eau claire par manque d’argent…?

Une illusion : la rareté de l’argent Il fut un temps où la monnaie était matérielle, faite de métal précieux. Elle possédait donc une valeur propre et pouvait

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si on le faisait

LE PÉDIBUS, À PIED À L’ÉCOLE Texte et photos : Séverine Millet

Le trajet domicile-école est au cœur de la vie familiale, mais aussi des déplacements en voiture puisqu’il représente 20 % des trajets quotidiens. L’envisager autrement, et notamment à pied comme le propose le pédibus, est donc une alternative pertinente, tant écologique, sociale que de santé publique.

L

e soleil printanier inonde les rues paisibles de Crolles, petite ville de l’Isère blottie entre les massifs de la Chartreuse et de Beldonne, à 15 minutes de Grenoble. Au détour d’une haie, des voix d’enfants viennent secouer gentiment la torpeur matinale du quartier. Il est 8 h exactement, pas question d’être en retard. Il faut vingtcinq minutes pour faire le parcours : à pied surtout, un peu en trottinette, quatre enfants accompagnés d’un adulte sont en route vers l’école. Un nouvel arrêt, indiqué par un panneau attrayant, et la file s’étoffe, ils sont maintenant une dizaine à marcher d’un bon pas. Au carrefour suivant une autre

« ligne » de pédibus vient rejoindre la joyeuse bande. Dix-sept enfants, de 6 à 10 ans, et quatre mamans terminent ainsi le trajet pédestre. Ici, le pédibus s’appelle Pédicrobus. Sur le modèle d’un car de ramassage scolaire, il permet de parcourir à pied le trajet domicile-école (mois d’un km en général), en toute sécurité, sous l’œil attentif des parents accompagnateurs. Il suit un parcours et des horaires précis et est ponctué d’arrêts déterminés où les enfants viennent l’attendre. Pour eux c’est un vrai plaisir, un temps partagé avec les copains qui leur permet en outre « d’arriver plus réveillé et en forme à l’école ». KAIZEN | SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012

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ensemble, on va plus loin

ET SI ON SE SOIGNAIT… INTÉGRALEMENT ? Texte et Photos Thierry THOUVENOT

Comment donner à chacun les moyens de prendre en main sa propre santé, en faisant appel au meilleur de la médecine conventionnelle, mais aussi des médecines traditionnelles ou des recherches alternatives les plus pointues ? C’est possible… et ça se passe en Suisse. À l’origine, les femmes prennent leur santé en main

C

’est le long des vignes surplombant le lac de Neuchâtel que le Centre Prévention Santé propose depuis près de dix ans, dans un environnement écologique, une offre globale de soins, d’activités et de formations unique en Europe. Le projet est né dans le giron du Centre Femmes et Santé, un groupe de femmes désireuses de prendre leur santé en main à travers des groupes d’échanges, de discussions et d’autoexamens. Le centre, créé en 1982 près de Neuchâtel, fait appel deux ans plus tard aux compétences d’un médecin, Nathalie Calame, qui invite ensuite d’autres thérapeutes et professionnels de la santé à rejoindre l’aventure. Le Centre Prévention et Santé est créé en 1990 et s’ouvre à un public mixte. Il

s’installera en 2004 à Colombier, dans un bâtiment dont la construction a été financée par la Fondation Prévention et Santé. Pour Nathalie Calame, « le Centre s’est créé chemin faisant, au fil des rencontres et des opportunités ». Exploratrice inlassable des formes anciennes ou nouvelles de médecine, elle a su, tout au long de cette aventure humaine, attirer dans l’orbite du centre toute une galaxie de praticiens dont la variété n’a d’égal que leur enthousiasme pour l’approche pluridisciplinaire et alternative qui y est proposée.

Médecine conventionnelle, chinoise, quantique… : une co-existence feconde Les multiples soins proposés au Centre Prévention Santé (voir encadré) ont en commun de se fonder sur une approche

globale de l’être humain, dont les composantes physiques, psychiques et spirituelles sont considérées comme un tout intimement relié à son environnement. Les thérapies s’appuient sur des démarches et des traitements naturels, les médicaments allopathiques n’étant prescrits qu’en cas d’absolue nécessité. Si la médecine générale conventionnelle occupe une place certaine, elle coexiste avec d’autres pratiques, traditionnelles (acupuncture, phytothérapie, thérapies manuelles…) ou plus récentes. Selon Nathalie Calame, « le CPS garantit la variété de l’offre thérapeutique, explore les approches alternatives et reste particulièrement vigilant envers les maladies émergentes comme les pathologies environnementales ». C’est ainsi que de nouvelles thérapies telles que l’haptonomie (technique relationnelle fondée sur le toucher, de plus en plus pratiquée autour de la naissance), le décodage

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DOSSIER 23

L’économie est à nous

L’affichage du Nasdaq à New York et les tours de la Défense à Paris comptent parmi les symboles favoris des médias pour illustrer leurs sujets économiques. Comme ces monuments vertigineux, les leviers de la finance mondialisée semblent inaccessibles aux citoyens. Une vision contraire aux fondements mêmes de l’économie et à son sens étymologique : la « gestion du foyer, de la maison ». Les activités de production, d’échanges et de consommation concernent chacun d’entre nous. Il est nécessaire aujourd’hui de trouver les clés pour remettre l’économie au service des citoyens et de leurs territoires. Partons à la découverte d’initiatives concluantes, porteuses d’espoir et surtout reproductibles.

dossier réalisé par Lionel Astruc, Raphael Souchier, Pascal Greboval © P. Greboval

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DOSSIER 24

La nouvelle économie sera locale,coopérative et solidaire N

os achats provoquent des drames sociaux et écologiques sur des milliers de kilomètres. Nos emplois sont menacés par le surendettement de nombreux foyers américains (crise de 2008), ou par les avis des agences de notations (crise de 2011 à aujourd’hui) : en somme les citoyens ont perdu le contrôle de l’économie. Dans ces conditions, l’effondrement des ressources naturelles, le réchauffement climatique et le creusement des inégalités apparaissent comme des enjeux sur lesquels le peuple ne peut agir. Tout semble fait pour enfermer la population

dans un sentiment d’impuissance, alors même que « l’accès à l’emploi et la satisfaction des besoins de base (eau, nourriture, santé, énergie) pour tous et dans le respect de l’environnement, sont absolument réalistes » comme l’affirme l’économiste et entrepreneur belge Gunter Pauli. Au système actuel, basé sur une quête de profits à court terme et sur la compétition, il oppose les bénéfices à long terme d’une économie fondée sur les ressources locales et sur la coopération entre les entreprises, les organisations et les citoyens œuvrant sur un même territoire.

Pour imaginer ce nouveau paradigme, Gunter Pauli s’est contenté d’observer les écosystèmes : leur résistance tient à leur forte capacité d’adaptation et aux interdépendances qui unissent les êtres vivants. « De la même manière, la construction d’un modèle industriel

« l’accès à l’emploi et la satisfaction des besoins de base (eau, nourriture, santé, énergie) pour tous et dans le respect de l’environnement, sont absolument réalistes » Gunter Pauli Tuningen, une ville éxemplaire de la réussite économie et sociale du Bade-Wurtemberg © D Gauzin Muller

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DOSSIER 28

MOVE YOUR MONEY Et si Cantona avait raison ? Fin 2010, le footballeur Eric Cantona, choqué par les pratiques abusives des banques, proposait à chaque citoyen d’en retirer son argent pour sanctionner leur cupidité. Pour que son projet aboutisse il aurait fallu qu’il s’appuie sur des compétences et une stratégie dont il ne disposait pas. Ailleurs, des citoyens, journalistes, entrepreneurs et investisseurs s’y sont attelés, lançant le mouvement Move your Money (« bouge ton argent »). Ils obtiennent des résultats impressionnants. DÉVALISER LES BANQUES

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uelques jours avant Noël 2009, Arianna Huffington (propriétaire du journal internet éponyme), écrit sur son blog « si suffisamment de gens ayant mis de l’argent dans l’une des six grandes banques (américaines ndlr) le transfèrent vers des banques plus petites, plus locales, alors, nous, le peuple, aurons collectivement fait un grand pas vers le rétablissement du système financier, afin qu’il redevienne ce qu’il est censé être : le moteur productif et stable de la croissance ». La fondation Move Your Money est lancée, ainsi qu’un site et un blog. Le spot très efficace d’Eugene Jarecki fait un gros buzz.

La principale motivation de ce grand « déménagement » bancaire est de réduire la puissance des banques multinationales et leur rôle sur les marchés financiers. Aux Etats-Unis, quitter une grande banque pour une banque locale présente des avantages pour le consommateur, car le coût des services y est plus faible (en 2009, les frais de découvert s’élevaient à 35 $ en moyenne dans les grandes banques, et 25 $ dans les petites. Un écart semblable existe pour les frais de chèque sans provision1). En outre, depuis plusieurs années, la satisfaction des clients y est régulièrement mieux notée2. En prêtant davantage aux entreprises (34% des prêts consentis)

que les grandes (28%)3 , les petites banques favorisent l’économie réelle. Étroitement insérées dans une communauté locale envers laquelle elles sont redevables, ces banques sont également plus fiables. A l’été 2012, 10 millions de comptes4 avaient déjà été transférés des ‘Six Grosses’ banques de Wall Street5 vers une banque publique (appartenant à une ville, un comté ou un Etat), une banque locale ou une coopérative de crédit. Des entreprises, églises, syndicats, universités, municipalités (Los Angeles...) et des Etats (Massachusetts, Nouveau Mexique...) rejoignent à leur tour cette relocalisation financière.

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DOSSIER 34

Quand l’utopie coopérative devient réalité Comment une entreprise peut-elle réunir les meilleures conditions pour que ses collaborateurs privilégient la coopération plutôt que la compétition et partagent pouvoir et dividendes équitablement ? Face à cette question de société, Ambiance Bois incarne une réponse concrète et inspirante depuis 25 ans. EGALITÉ DES SALAIRES, TEMPS PARTIELS ET POLYVALENCE

D

ans de nombreuses entreprises, le cloisonnement des tâches, la concurrence entre employés et les écarts de salaires excessifs contribuent à isoler les individus sans que rien ne leur permette d’intervenir sur cette stratégie élaborée par les actionnaires et les gérants. La crise sociale que nous traversons doit beaucoup à ce fonctionnement suscitant des comportements défensifs de repli sur soi, d’individualisme et d’agressivité. Une situation qui se traduit par un niveau de pression devenu insupportable pour beaucoup, y compris pour les cadres dont un tiers se dit prêt à craquer1. Les créateurs d’Ambiance Bois, entreprise de vente directe de matériaux en mélèze et d’éco-construction, n’ont pas attendu

que la crise atteigne son paroxysme actuel pour imaginer un modèle alternatif et entreprendre autrement. L’idée de cette aventure germe dans l’esprit de six scouts au cours des années 1980 : ils souhaitent prolonger le plaisir de la collectivité au-delà des camps qui rythment leurs vacances. Après s’être formés au sciage, au séchage et au rabotage, ils concrétisent leur projet en 1988 en créant dans le Limousin une scierie appelée Ambiance Bois. Plus tard, la mise en œuvre du bois à travers la construction, l’aménagement et la rénovation de maisons viendront s’ajouter aux missions de la société. Mais toute l’originalité de cette organisation réside dans son fonctionnement qui offre une piste concrète pour redonner du sens au travail. « Au sein d’Ambiance Bois les salariés n’ont pas une tâche fixe : ils passent d’un poste à l’autre, en fonction de leurs aspirations

et de leurs compétences, afin que chacun participe aux travaux les plus ingrats comme aux plus gratifiants, explique Chantal Galibert qui travaille depuis 2001 dans l’entreprise. Même la direction est tournante, ajoute-t-elle : Le président est tiré au sort parmi un panel de volontaires (voir idée remuante page 65). Nous avons en effet la conviction que chacun est polyvalent et peut à la fois réaliser des tâches manuelles et administratives, voire stratégiques. Ce statut équivalent entre les membres se traduit d’ailleurs par un revenu égal pour tous, supérieur de 5% au Smic » précise-t-elle, tout en admettant que ce niveau de revenu assez bas peut apparaître comme un point faible. Chacun bénéficie en outre d’une mutuelle payée à 100% par l’entreprise et de la possibilité de travailler à temps partiel afin de pouvoir s’impliquer davantage dans sa vie familiale et locale. Ainsi le temps

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portfolio

AU PIED DE MON ARBRE

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L’œil sensible et l’objectif exercé de Lars van de Goor, photographe hollandais épris de paysages, fixent les couleurs et les lueurs fugitives de l’automne. Kaizen a choisi de le suivre pour un voyage à travers ses prises de vues…

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changeons la communication

COMMUNIQUER POUR VIVRE Texte : Isabelle Desplats photo : Fanny Dion

Échanger de façon constructive est primordial dans la vie quotidienne. Au sein du couple, de la famille, au travail, entre amis… partout une communication bienveillante peut nous permettre d’aller à l’essentiel, augmente les chances de nous relier les uns aux autres tout en considérant les besoins de chacun.

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Isabelle DESPLATS Coach et formatrice en qualité relationnelle et intelligence collective, j’accompagne des personnes et des organisations pour faire chaque jour un pas vers plus de cohérence et d’unité. Je commence par respecter moimême cet état d’esprit et la joie est mon repère. Je suis co-fondatrice de Colibris.

Quels types de relations aimez-vous vivre ? A chaque fois que je pose cette question à un groupe j’entends invariablement la même réponse : « des relations harmonieuses, du respect, de la bienveillance, de l’écoute, du partage, des dialogues constructifs… ». Que souhaitez-vous éviter ? Réponse : « L’agressivité, les non-dits, le ton qui monte, les situations où chacun veut imposer son opinion ou se tait pour ne pas envenimer les choses, les frustrations… ». Quelles en

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sont les conséquences ? : « Blocages, défiance, rupture de dialogue, découragement, démobilisation, perte de temps et d’énergie… » Combien de couples aimants, d’initiatives locales ou de projets collectifs magnifiques échouent-ils enlisés dans les tensions ou les conflits d’ego ? Malgré nos aspirations, il semblerait que parler, écouter, dialoguer représente souvent un véritable défi. L’enjeu est pourtant de taille, car la communication conditionne tous les domaines de notre vie : intime et familiale, sociale, professionnelle et politique. Elle détermine donc notre aptitude au bonheur. La nature elle-même nous montre qu’un organisme sain est un système au sein duquel les échanges sont fluides : si les cellules d’un corps sont en lutte les unes contre les autres ou cessent de communiquer entre elles, c’est la maladie ou la mort. Ce qui est naturel pour les cellules nécessite un apprentissage pour les humains. Voilà pourquoi je suis étonnée que les compétences relationnelles

ne figurent pas en tête des priorités de l’éducation, puisqu’elles fondent la possibilité des êtres humains à vivre ensemble d’une manière soutenable. Elles influencent nos projets, notre capacité à créer ensemble.

Pourquoi une communication et une coopération si complexes ? Marshall B. Rosenberg, confronté tout jeune à des comportements racistes dans son quartier, collabore au titre de Docteur en psychologie clinique avec Carl Rogers, psychologue humaniste qui mit en évidence le pouvoir de l’empathie au milieu du siècle dernier. Il s’interroge : Comment certaines personnes parviennent-elles à conserver leur bienveillance naturelle en toutes circonstances alors que d’autres sont amenées à la perdre ? Ce questionnement le conduit à repérer les modes de pensées et de langage habituels qui nous coupent de nousmêmes et des autres, engendrant potentiellement la violence.

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roue libre

DES BUS À L’ŒIL Texte Pascal Greboval Dessin Le Cil Vert

La gratuité comme nouvelle arme d’incitation massive à l’usage des transports en commun ? C’est le choix effectué par une vingtaine de villes en France. Dans une époque où l’argent perd sa valeur d’échange pour s’imposer comme valeur absolue, la notion de gratuité lève immédiatement des boucliers… fiscaux. Voyage en gratuité.

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Gratuit pourquoi ? « Nous vivons dans un monde où la gratuité n’existe pas, tout a un coût ; pourquoi, comment la justifier dans les transports ? C’est une ineptie ». Les arguments fusent lorsqu’on évoque la notion de gratuité. Le très sérieux Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) en charge de promouvoir les transports collectifs sur les territoires précise d’ailleurs clairement dans sa lettre d’information du mois de juin 2012 qu’il « n’encourage pas cette pratique. Il est important de rappeler que même gratuit pour l’usager, le transport public ne l’est pas pour la collectivité qui, en se privant des recettes des usagers, devra compenser cette perte. » Les différentes personnes chargées des transports dans les villes ayant opté pour la gratuité évoquent trois principales motivations à l’origine de leur décision. Un choix politique : « L’accès au transport, à la mobilité, peut être considéré comme un droit fondamental à notre époque » selon Benjamin Delplanque, responsable du service transports de l’agglomération de Compiègne, première ville de France à avoir instauré cette mesure en 1975. « La gratuité est un levier social à double effet : elle allège bien sûr le budget transport des familles, mais elle permet aussi aux personnes résidant en périphérie d’accéder

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plus aisément aux services des centresvilles ainsi qu’à leur zone d’emplois ; elle rétablit une certaine égalité parmi les habitants d’un territoire étendu. Tel était le souhait de Jean Legendre, maire de l’époque : assurer des liaisons entre les pôles d’activités et les différents quartiers d’habitation ». Paul Pluviaud, vice-président de la communauté d’agglomération responsable de cette disposition à Châteauroux, confirme : « la gratuité s’inscrit dans la logique de la Loi d’orientation sur les transports intérieurs de 1982 (Loti), qui a pour objectif de favoriser l’accès au transport pour tous. Ce système permet aussi de redynamiser le centre-ville, concurrencé par les zones commerciales périphériques ». Il est d’ailleurs intéressant de constater que la gratuité, sujet clivant dans la société, est mise en œuvre par des élus de l’ensemble de l’échiquier politique (de l’UMP à Compiègne au PC à Aubagne). A PontSainte-Maxence, dans l’Oise, la proposition émanant d’un élu de droite fut appliquée au mandat suivant par une équipe de gauche. Un constat financier : Des recettes liées à la billettique très faible (à Pont-SainteMaxence elles étaient inférieures à 10 %) qui ne couvrent pas souvent les coûts

logistiques consubstantiels au service payant (billet ou carte d’abonnement, contrôle, etc.). Un taux de fréquentation très faible : Ce fut à Châteauroux le levier majeur. Jean-François Mayet, maire de la ville, a opté pour la gratuité parce qu’il trouvait insensé de voir circuler des bus vides.

C’est gratuit et plein Le constat commun aux vingt villes concernées est éloquent. La fréquentation a augmenté : elle a progressé de 208 % à Châteauroux depuis la mise en place de la gratuité en 2001, de 147 % à Aubagne après trois ans de gratuité ; le nombre de voyages/habitant/an à Châteauroux et Compiègne affiche presque le double de la moyenne des agglomérations de taille identique. Enfin avec 1,6 millions de kilomètres parcourus à Compiègne contre 1,1 en moyenne, ces statistiques démontrent qu’il ne s’agit pas de « sousréseau ». Mais l’exonération n’explique pas tout. A Châteauroux Paul Pluviaud rappelle que « parallèlement à la mise en place de la gratuité, la ville a travaillé à une modification du réseau. Rapidement l’augmentation de la

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yes they can

Texte : Charlotte Alix Photo : Frédéric Autran

Et si le web contribuait à rendre le mondde plus vert et plus solidaire ? A New York, les acteurs de la sccène technologique y trravaillent avec créativité. Des projets in ntelligents voient le jour grâce à l’outil internet. « Venez ! Regardez mon jardin : je cultive de la menthe, du gingembre, du cresson, des tomates... ». Jane Best, le visage buriné par le grand air, accueille les visiteurs avec un enthousiasme communicatif. Dans le quartier populaire de Bedford-Stuyvesant, au cœur de Brooklyn, le jardin communautaire du 462 Halsey Street a fière allure. Il y a encore quelques mois, ce terrain n’était qu’une vaste décharge à ciel ouvert ; c’est aujourd’hui une vingtaine de parcelles où pousse une grande variété d’herbes et de légumes. A l’origine de ce projet communautaire et écologique, une jeune maman de 26 ans : Shatia Jackson. Pour créer ce jardin collectif elle s’est appuyée sur le site internet Ioby, une plate-forme de

crowdfunding (système de financement collectif sous forme de dons) spécialisée dans les projets écologiques. « Pour lever des fonds, nous avons utilisé Facebook et Twitter. Les réseaux sociaux sont des outils merveilleux car ils rassemblent toutes les générations dans un même espace. Même ma grand-mère a un compte Facebook ! » Utiliser le web à des fins altruistes est une dynamique assez récente. Pour la fondatrice de Ioby, Erin Barnes, nous avons atteint un tournant : « Internet est en train de changer notre façon de communiquer. Regardez le rôle des réseaux sociaux dans le printemps arabe ou dans l’émergence de mouvements citoyens comme Occupy Wall Street ! En créant Ioby, nous avions pour objectif

d’adapter cette dynamique à une échelle plus locale : à partir de petits projets, nous espérons changer les choses, un quartier après l’autre ».

L’émergence du cleanweb En développant la communication par messagerie électronique ou visioconférence, internet devrait permettre de réduire la consommation de papier (il reste des progrès à faire en la matière) et de limiter considérablement les déplacements professionnels. Mais les possibilités offertes par le web vont bien au-delà de ces démarches simples. Aux États-Unis, les informaticiens se sont emparés des problématiques environnementales et ont donné naissance au « cleanweb ». Des compétitions sont

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idée remuante

PILE DANS L’URNE OU FACE AU SORT Texte : Étienne Chouard Photos : Fanny Dion

Dans un contexte de méfiance générale à l’encontre des responsables politiques (44% d’abstention au second tour des élections législatives en juin 2012), le temps est venu de débattre publiquement du mode de désignation de nos représentants : élection ou tirage au sort ? Et pour quel mandat ? Étienne Chouard, est enseignant en économie et en droit dans un lycée. En 2005, une analyse critique du projet de traité constitutionnel européen, publiée sur son site, fait d’Etienne Chouard un bloggeur influent. Quand on étudie la question, on s’aperçoit avec surprise que l’élection n’est pas la solution idéale qu’on nous présente et qu’elle peut même être un parfait outil de manipulation. Le choix de l’élection, il y a deux-cents ans, a été imposé... par des élus... et n’a plus jamais été débattu depuis. Le tirage au sort n’aurait-il pas été trop vite jeté aux orties alors qu’il présente des qualités inestimables pour le plus grand nombre ?

Un choix originel oublié Les révolutionnaires américains (Madison en 1776) et français (Sieyès en 1789) ont fait un choix décisif qui s’impose encore aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique : ils ont renoncé explicitement à la démocratie, au profit de ce qu’ils ont appelé « le gouvernement représentatif1 ». Les citoyens ont alors été réduits au rang d’électeurs, sans avoir été consultés, sans conserver aucun pouvoir entre deux scrutins, en somme ce que dénonçaient déjà Rousseau et Marat2 à propos du parlement anglais. Ce choix de société n’a pas été débattu par l’ensemble des citoyens à l’époque, ni validé

par le peuple depuis : il a été imposé par les futurs élus eux-mêmes, d’autant plus facilement que l’élection constituait un progrès par rapport au système d’hérédité de l’Ancien Régime. L’idée du tirage au sort comme mode de désignation démocratique des représentants est désormais tombée dans l’oubli, très opportunément pour certains ! Dans son ouvrage Principes du gouvernement représentatif, publié en 1995, le politologue Bernard Manin évoque l’opposition entre tirage au sort et élection à l’occasion d’une analyse globale de la démocratie représentative :

Le tirage au sort présente des qualités inestimables pour le plus grand nombre

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1 : Rue de Londres un atelier ouvert à tous pour réparer son vélo 2 : A Grenoble 3 bonnes adresses pour déjeuner avec des produits locaux et de saisons 3 : le sourire de Linda : invitation au voyage et à la boutique Regards d’ailleurs

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« Au bout de chaque rue, une montagne » écrivait Stendhal à propos de Grenoble, sa ville natale. Arrêtons-nous avant les montagnes, à la recherche de quelques enseignes éthiques.

le bon plan 3

GRENOBLE Texte et Photo Pascal Greboval

Bouger Un p’tit vélo dans la tête Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le centre ville de Grenoble est l’un des plus plats de France. Il est donc facile, agréable et rapide d’y circuler à vélo. Pour sensibiliser les grenoblois à cette pratique, l’association « Un p’tit vélo dans la tête » organise depuis 1994 des balades et des événements festifs. Mais le principal argument pour inciter à suivre les pistes cyclables, c’est sans doute l’aide apportée aux cyclistes en cas de pépin. En effet une roue crevée, un câble de frein cassé ou un dérailleur mal réglé envoient souvent un vélo à la cave. Pour y remédier l’association a mis en place des ateliers « d’heureux

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cyclages » où les adhérents disposent gratuitement d’un stock de pièces détachées et d’outils, et peuvent recevoir les conseils des salariés et des bénévoles pour réparer leur deux-roues à moindre frais. L’adhésion annuelle va de 15 à 25 € en fonction des moyens de chacun et propose un tarif « famille » à 40 €.

Grandir Mon petit Oko Alexandra et Franck sont de jeunes parents qui ont eu envie d’élever leur enfant dans un environnement sain, en évitant les produits nocifs. Pour faciliter les choix des parents inscrits dans la même démarche et attachés au bien

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Laurent, une joie de vivre que l’on retrouve dans ses plats Au clair de Lune

La joyeuse équipe du bar pour enfants « A la soupape »

être des nouveaux nés, ils ont créé le magasin qu’ils auraient aimé trouver en tant que clients. Ainsi vous trouverez chez eux des vêtements bio et des accessoires écolo (sacs de portage, couches lavables…) ainsi que l’expérience et la bienveillance d’un couple sensible à votre démarche. La Soupape Pascale avait un rêve : dédier un lieu à l’enfance et à l’art. Il s’est concrétisé en 2008 entre les murs de « la Soupape », un café pour enfants porté par une association forte de 2400 adhérents et 40 bénévoles. Ici personne n’est tenu de consommer, la priorité est donnée à l’accueil de chacun et l’échange permis entre tous. Dans cette perspective, la sympathique équipe d’animation propose des ateliers pour tous les goûts et tous les âges, des spectacles, ou encore la location du lieu pour organiser des fêtes d’anniversaires et autres réjouissances. Favorisant l’épanouissement des plus jeunes, une assemblée des enfants a vu le jour : un groupe de minots âgés de 7 à 12 ans peut ainsi s’initier à la prise de décision et à l’expression, notamment à travers la rédaction d’un journal interne reflétant la vie du café. Enfin dans une volonté d’ouverture à la vie de quartier, la Soupape sert tous les midis des repas végétariens pour les enfants qui ne souhaitent ou ne peuvent pas déjeuner à la cantine.

Déguster L’Arbre à thé Pendant dix-sept ans Carole a tenu un atelier de plantes médicinales dans le Trièves voisin. Constatant le déplacement des populations vers les zones urbaines, elle a souhaité tisser « un

pont entre la ville et la campagne, pour apporter un peu de nature aux citadins » en créant un salon de thé au centre de la cité. Depuis juin 2012 voilà donc un nouvel arbre dans la ville où il fait bon aller se poser quand on cherche un peu de calme. Carole y cuisine les produits des petits paysans du Trièves et agrémente les belles « tartes salades » qu’elle concocte à l’heure du déjeuner de fleurs qu’elle seule sait dénicher. Au Clair de Lune Permettre au plus grand nombre de trouver des produits bio et locaux à des prix modérés, tel était le souhait de Laurent et Laurence quand ils ont ouvert ce petit restaurant en 2007. Pari réussi ! Dans une ambiance chaleureuse, on déguste ici des plats préparés à base de légumes de saison à prix modique (formules à partir de 10 €). « On arrive même à s’approvisionner en pois chiches dans le Trièves et éviter ainsi de les faire venir de Turquie », s’exclament en cœur Laurent et Laurence. Festina Lente « Hâte-toi lentement », telle est la délicate invitation que vous lance Florina depuis son restaurant bio. Prenons donc notre temps pour savourer l’endroit, les plats, et le sourire de la maîtresse des lieux. Doux mélange de simplicité et de subtilité, voici une adresse où déjeuner en toute quiétude. Florina propose également des cours de cuisine de 3 heures environ (42 € par personne) et organise des soirées littéraires et musicales tous les deux mois.

S’habiller Regards d’Ailleurs Ancienne cadre supérieure dans une très grande entreprise, Linda a appris

au cours de ses voyages professionnels et personnels à observer, à s’intéresser à ce que l’on trouve ailleurs et aux autres façons de créer. Pour satisfaire son besoin d’agir et son désir de cohérence, elle a ouvert une petite échoppe où vous trouverez vêtements, sacs et accessoires pour adultes et enfants issus du commerce équitable. Son souhait aujourd’hui : sensibiliser les consommateurs, leur montrer que derrière chaque objet se cachent une culture et des hommes qui créent et qui vivent autrement. Un petit coin aménagé en salon de thé permet de papoter entre amis pendant une séance d’essayage. Pour compléter cette invitation à la découverte, l’antenne grenobloise de l’association de voyage Au Bout du Monde (www.abm.fr) organise des soirées découvertes gratuites le vendredi.

S’approvisionner Épicerie locavore Cette épicerie ouverte récemment propose des produits frais locaux (pain, fruits, légumes, œufs...) venus de l’Isère ou des départements limitrophes. Au hasard des rayonnages, on pourra par exemple y trouver des produits d’entretien ardéchois (lessive et liquide vaisselle de La Bulle verte). 80% des produits proviennent de l’Isère, parcourant en moyenne 80 km pour arriver à destination. A l’image des AMAP, l’épicerie a également mis en place différentes formules de paniers locavores. Soligren Soligren est un lieu polymorphe. On trouve sous cette enseigne une gamme variée de produits frais provenant de l’agriculture locale, mais aussi des vêtements issus du commerce équitable distribués par Artisans du Monde et

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sauvage et delicieux

LA CHÂTAIGNE Textes et photo : Linda Louis

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