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DOSSIER
mars avril 2019
LE RIREcouv
PEUT-IL CHANGER LE MONDE ?
CLAIRE NOUVIAN :
« L’ARGENT DES CITOYENS EST UTILISÉ POUR DÉTRUIRE L’ENVIRONNEMENT ! »
ENFANCE
LE MASSAGE POUR MIEUX VIVRE L’ÉCOLE BONNES ADRESSES
LE HAVRE
Belgique 7,20 € - Suisse 11 CHF
Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 98 913 € Siège social 19, rue Martel - 75010 Paris info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 43 Mars-avril 2019 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Baldassari Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaires de rédaction Delphine Dias Emmanuelle Painvin Journaliste multimédia Maëlys Vésir Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Attachée commerciale Cyrielle Bulgheroni Direction artistique, maquette et mise en pages • www.hobo.paris hobo.paris - hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture © Catherine Delahaye / Photononstop Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr
Édito
éditoMieux vaut en rire
Si on faisait un Polaroid de ce début d’année, nous aurions à l’horizon des gilets jaunes, des gilets verts, des foulards rouges, des stylos rouges, des robes noires et un intrus avec une écharpe rouge, un petit Christophe B. perdu dans le supermarché. La France n’est plus un irréductible village gaulois, c’est Village People. Est-ce moins pire qu’un pays dirigé par un président aux cheveux orange ? Au moins, on peut chanter tous en chœur : YMCA, Y a Macron Chez Ardisson, YMCA… Pendant ce temps, au conseil des ministres, on entend In the Navy. Qui est le capitaine au costume blanc qui fait se trémousser ses collègues ? Castaner ou de Rugy ? Breaking news : BFM TV nous informe qu’en l’absence du chef pris par de grands ébats, les ministres répètent en canon « rame, rame, rameur, ramez, on n’avance à rien dans ce canoë ». Une forme de lucidité, vu la montée des eaux estimée par les climatologues. Ils nous préparent à notre destin : devenir des galériens. De ce fait, les gilets jaunes et verts devraient converger en enfilant tous des gilets orange, ceux qu’on trouve dans les avions. Ils pourraient défiler avec le slogan un peu long mais unique « Attachez et serrez les sangles. Gonflez votre gilet en tirant sur les poignées rouges ». Comme la chorégraphie est connue, reste à Francis Lalanne à composer la musique. Et le peuple enfin uni, tel un syndicat d’hôtesses de l’air, est prêt pour un lip dub : une version écolo des Parapluies de Cherbourg ; la collapsologie en chantant. Lalanne et Legrand réunis, paroxysme du « en même temps ». Du coup, Sardou roule une pelle à Poutou et reverse ses droits d’auteur pour rendre populaire le revenu universel de base. Vous riez jaune ? Ça aurait pu être pire ! Imaginez Jacques Séguéla en soutien aux gilets jaunes : pour exorciser sa citation Rolex, il transforme la nation en pub vivante pour Benetton ! Imagine… Pascal Greboval Rédacteur en chef PS : Cet édito n’a pas été écrit après absorption à forte dose de cidre from L.H., les effets secondaires étant à haut risque… et je ne disposais pas de toilettes sèches portables.
Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.
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Sommaire • Kaizen n 43 • mars-avril 2019 o
ELLES-ILS PENSENT 6
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Rencontre Claire Nouvian : « L’argent des citoyens est utilisé pour détruire l’environnement et les pêcheurs ! » Les pièces du puzzle Qui va à la chasse perd sa place dans la nature
ELLES-ILS FONT
JE CHANGE
sommaire 32 Portraits Écodécorateurs : du beau et du sain chez vous 34
Dossier
Le rire peut-il changer le monde ?
Portfolio
66 Je vais bien, le monde va mieux La verveine citronnelle 70 Do It Yourself Faire ses bougies maison pour mieux respirer 74 Nos bonnes adresses Le Havre 80
Urs Möckli : fossiles d’arbres et de plantes
Cuisine
Le poireau sauvage : encore meilleur que le cultivé !
50 Vent d’ailleurs L’Indonésie, vent debout contre la pollution plastique marine 55 Politisons ! Cyril Dion
24 Créateurs de culture Ce Que Mes Yeux Ont Vu : mixeur de culture solidaire 28 La voie du Kaizen Christophe André 30 Une nouvelle Le Loup, imaginée par Diane La Blanche
56 Et si on le faisait ensemble ? Des écobénévoles favorisent la cohabitation entre bergers et loups
87 Le sourire de Roukiata Ouedraogo
60 Le goût de l’enfance Le massage pour mieux vivre l’école
89 Les rendez-vous Kaizen
65 Écologie intérieure Gilles Farcet
94 La chronique de Pierre Rabhi
92 Une oasis Colibris
Origine du papier : pages intérieures : Belgique ; encart : Allemagne ; couverture : Pays-Bas. Taux de fibres recyclées : 0 %. Ce magazine est imprimé sur un papier issu de forets gérées durablement. Eutrophisation : Ptot = 0,018 Kg/t. Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement.
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Rencontre
Claire Nouvian « L’argent des citoyens est utilisé rencontre pour détruire l’environnement et les pêcheurs ! » Propos recueillis par Sabah Rahmani - Photos : Patrick Lazic
Pour préserver les ressources marines, l’association Bloom milite depuis 2005 contre les méthodes de pêche qui détruisent l’océan et fragilisent les pêcheurs artisans. Rencontre avec une association qui gagne ses combats : Claire Nouvian, présidente, Frédéric Le Manach, directeur scientifique et Sabine Rosset, directrice. Quelle est la situation de la pêche à ce jour dans le monde ? Frédéric Le Manach : Actuellement, un tiers des poissons pêchés dans le monde est surexploité. Les cas de surpêche sont nombreux, comme celui du cabillaud en Atlantique nord-ouest révélé dans les années 1980 ou celui du thon rouge en Méditerranée dans les années 2000. L’Europe est l’une des zones dans lesquelles la pêche est la plus intense à l’échelle mondiale. C’est un échec cuisant ! D’autant qu’en Méditerranée, la situation est encore plus critique avec plus de 90 % de surexploitation et un fort impact humain à cause de l’urbanisation des côtes, du transport maritime de l’exploitation pétrolière, etc. qui engendrent pollution et dégradation des habitats marins et des espèces qui y vivent. Dans ce contexte, comment Bloom se positionne-t-elle ? Sabine Rosset : Notre association a pour vocation de préserver les ressources marines avec un angle spécifique : celui de l’économie de la pêche durable. Nous luttons contre les méthodes de pêche destructrices et nous sensibilisons le grand public pour faire connaître ce secteur qui, jusqu’à récemment, était resté très opaque et méconnu. Nous essayons 6 • kaizen • numéro 43
également de défendre les pêcheurs artisans, peu représentés, car si l’on n’arrive pas à les protéger, ils sont voués à disparaître. Comment définissez-vous la pêche durable ? Frédéric Le Manach : Pour nous, la « pêche durable » va bien au-delà de la définition européenne ou américaine qui est productiviste et qui ne prend pas en compte la méthode de pêche, le nombre d’emplois détruits et l’utilisation du poisson. Pour Bloom, une « pêche durable » est une pêche qui, certes, ne surexploite pas les populations de poissons, mais qui maximise aussi les emplois tout en préservant au mieux les écosystèmes marins. Est-il possible de pratiquer une pêche durable dans le contexte actuel pour préserver l’écosystème des océans ? Frédéric Le Manach : Oui, c’est possible. Cela a clairement été identifié au niveau mondial : en l’occurrence, la pêche artisanale est le meilleur espoir de la pêche durable. Elle est la mieux placée pour préserver les écosystèmes marins. Elle favorise aussi la création d’emplois et elle est bien valorisée car son poisson est de très bonne qualité et beaucoup plus diversifié que celui de la pêche industrielle.
Créateur de culture
Créateurs de culture
Ce Que Mes Yeux Ont Vu : mixeur de culture solidaire Générer du lien social et éduquer au regard artistique, telles sont les deux missions de Ce Que Mes Yeux Ont Vu. Dans cette optique, cette entreprise relevant de l’économie sociale et solidaire propose d’inspirants ateliers culturels, basés sur les arts visuels. Texte Aude Raux - Photos Jérômine Derigny, collectif Argos
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Sara Paubel (à gauche) et Stéphanie Merran (à droite), cofondatrices de l’association Ce Que Mes Yeux Ont Vu, dans les locaux de l’incubateur qui les accueille.
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Créateur de culture
ini les sauts en parachute du haut d’un hélicoptère pour renforcer la cohésion d’équipe ! Fondée à Paris en 2016, l’entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) Ce Que Mes Yeux Ont Vu propose des ateliers culturels participatifs, sous la houlette d’un artiste. Ces rendez-vous sont destinés aux usagers des associations engagées dans la lutte contre toutes formes d’exclusion et de précarité, à leurs salariés et à ceux des entreprises. « Les responsables des ressources humaines sont de plus en plus nombreux à chercher, pour leurs employés, des activités porteuses de sens, avec un impact social positif », remarquent les cofondatrices, Stéphanie Merran et Sara Paubel. Toutes deux ont travaillé au Grand Palais en tant que chargées de médiation auprès des publics éloignés des établissements culturels, telles les personnes hébergées dans les centres d’urgence. « Nous voulions utiliser la culture comme un outil et non comme une finalité, expliquent-elles. Nous avons décidé de créer notre propre entreprise selon les valeurs de l’ESS. Avec pour mission de répondre à des problématiques sociales, via la culture. Nous nous adressons aussi bien à un employé qu’à un patron de grand groupe, à une personne sans domicile fixe ou à une femme victime de maladie discriminante. Ce qui nous importe, c’est la valeur humaine. Chacun a besoin de trouver du sens, de nouer des liens sociaux. Et pour nous, l’art est un excellent point de départ. » Le nom de leur entreprise s’inspire des mots d’un bénéficiaire du Samu social de Paris qui avait participé à l’un de leurs ateliers culturels. L’homme avait terminé le récit de son expérience ainsi : « Ce que mes yeux ont vu, en tout cas, c’était ça… » « Au-delà de la génération de mixité sociale, notre souhait, révèle Stéphanie Merran, est d’éduquer au regard pour permettre le changement. Ce n’est pas une question d’esthétique, de droit au beau, ni même d’accès à la culture. Dans nos ateliers artistiques, nous amenons chacun à être partie prenante, à donner son opinion, à s’insérer dans un projet collectif. C’est ce que permet l’art : partir à l’exploration non seulement de soi, mais aussi du monde. »
La valorisation de l’individuel dans le collectif Pour favoriser cette double exploration, Ce Que Mes Yeux Ont Vu a élaboré quatre formats d’ateliers culturels basés sur les arts visuels, dont l’un s’intitule « Faites le mur ». « Nous commandons à un artiste une œuvre qui sera réalisée de manière collective pour embellir le cadre de vie d’une association avec laquelle nous travaillons, comme l’Armée du Salut, Aurore ou Sol En Si, précise Stéphanie Merran. Le temps d’une journée, les salariés d’une entreprise ou de l’association elle-même et les bénéficiaires participent, ensemble, à sa réalisation, guidés par l’artiste. L’impact est de prendre sa place dans la société : même si je suis à la marge, j’ai une légitimité à peindre une partie de la fresque. Je me sens de nouveau important. C’est la valorisation de l’individuel dans le collectif. À travers une œuvre d’art, chacun découvre ce qu’il y a d’universel. » kaizen • mars-avril 2019 • 25
dossier
Dossier
Le rire peut-il changer le monde ? 34 • kaizen • numéro 43
dossier
Rien ne semble plus spontané que le rire. Réflexe naturel pour exprimer notre sentiment de joie, il est la « preuve d’une âme excellente », selon Jean Cocteau 1. Aussi bénéfique pour la santé que pour le corps social, le rire est pris au sérieux lorsqu’il s’invite dans les couloirs d’un hôpital, dans une séance de yoga du rire ou encore sur scène, à travers les sketchs d’un humoriste. Dans tous ses éclats, comment le rire façonne-t-il notre société et comment peut-il la faire évoluer ?
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Jean Cocteau, La Difficulté d’être (1947).
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© Olivier Prud’homme
Texte : Maëlys Vésir
Dossier
Le rire peut-il changer le monde
Nelly Quemener : « L’humour peut participer à des transformations dossier sociales »
© DR
Enseignante-chercheuse, Nelly Quemener a étudié l’évolution de l’humour en France d’un point de vue politique et sociologique. Ses travaux retracent une histoire de l’humour contemporain dans laquelle le rire fait figure de baromètre social depuis les années 1970.
Nelly Quemener est maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne Nouvelle Paris.
Comment le rire, à travers le travail des humoristes, a-t-il évolué en France ? En fonction des époques et des bouleversements sociaux, on ne rit pas de la même façon et, surtout, on ne s’autorise pas à rire des mêmes choses. La liberté d’expression totale pour les humoristes n’existe pas, car il y a, selon les époques et les décennies, des limites à ne pas franchir et une configuration de la scène différente. Dans les années 1980, on s’autorisait à rire du sketch L’Africain de Michel Leeb parce que le contexte n’était pas le même, il y avait moins de garde-fous sur la question du racisme, alors qu’aujourd’hui, ça serait très problématique. Le fameux sketch de Desproges débutant par « on me dit que des juifs se sont glissés dans la salle » était quant à lui possible, car le comédien développait une approche scénique qui permettait une forme de distance avec les propos qu’il tenait sur scène. Le rire qu’un humoriste provoque rend compte des réactions autorisées, dans un dispositif donné, à tel ou tel propos. Le rire a un sens collectif et en dit plus long sur le public que sur l’humoriste lui-même. Autrement dit, rire ou pas d’un propos que d’aucuns pourraient juger raciste ou sexiste rend compte et dépend d’une certaine sphère d’autorisation du rire : « est-il respectable de rire de cette blague ? » Pierre Desproges et Coluche incarnaient-ils, dans les années 1970-1980, des figures de contre-pouvoir ? L’après 1968 voit émerger une scène que l’on retient comme un moment fort de l’histoire de l’humour en
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© Shutterstock DR
dossier
En jouant d’une posture « antisystème » sur scène, Coluche reste l’une des figures les plus emblématiques de l’humour politique des années 1970-1980 en France.
France : c’est ce qu’on peut appeler « la bouffonnerie contestataire ». Le comique des années 1970-1980 amène des questions autour des classes sociales. Il se construit contre l’ordre établi et l’élite bourgeoise. « Bonjour mes diams, bonjour messieurs », disait Thierry Le Luron en imitant Valéry Giscard d’Estaing en pleine affaire des diamants 1. Avec l’apparition des cafés-théâtres, des comiques se produisent davantage seuls sur scène et démocratisent le one-man-show. Ces endroits deviennent des espaces de contre-pied face aux codes de l’élite. Coluche est l’une des figures emblématiques de cet humour politique. « La chambre des “dépités”, la moitié sont bons à rien, l’autre moitié sont prêts à tout. Et le conseil des “sinistres”, c’est le mercredi, c’est le jour des gosses, alors ils vont au sable, ils font des châteaux, c’est sympa ! Y a le garde des “seaux” qui est là 2. » Dans un rôle d’observateur critique, il révèle les malversations et les manipulations du pouvoir en place. Dans vos travaux, vous expliquez que les humoristes adoptent dans les années 1990 un discours plus intime. La profession se dépolitise-t-elle ? Il n’y a pas de dépolitisation, mais on assiste, en effet, aux prémices de ce qu’on peut appeler une « politique de l’identité ». Avec une multiplication toujours aussi importante des cafés-théâtres et le développement de la cassette VHS, la scène humoristique se diversifie. Ce qui rassemble ces humoristes, comme Muriel Robin ou Pierre Palmade, c’est une forme d’humour, très
classique aujourd’hui, qui met en scène plein de types de personnages imaginaires dans des saynètes. Peu à peu s’y ajoutent les questions des différences culturelles et des stéréotypes avec une mise en scène de personnages aux identités « marquées ». Élie Kakou crée ainsi des protagonistes issus des minorités en jouant par exemple du stéréotype de la mère juive avec Madame Sarfati qui veut absolument marier sa fille, Fortunée, toujours célibataire. Smaïn incarne le « beur président » en étant lui-même arabe. Les humoristes ont-ils amené les questions liées aux minorités dans le débat public ? On peut dire qu’ils y ont participé. En France, dans les années 2000, parler de son identité était plutôt disqualifiant et pouvait être taxé de communautarisme, de particularisme, etc. Avec l’influence anglo-saxonne du stand-up, les humoristes français se sont approprié ce genre nouveau où l’on parle de soi et de ses différences. Cela a créé un espace où les minorités peuvent parler d’elles, ont la possibilité de créer un imaginaire nouveau et de casser les préjugés disqualifiants et menaçants. Dans ses spectacles, Jamel Debbouze, par exemple, parle des banlieues, de Trappes, où, pour lui, « l’ascenseur social est resté bloqué au sous-sol » et où « ça pue la pisse ! 3 » La question de la classe sociale est très présente et Jamel Debbouze prend le contre-pied de l’image du jeune de cité. Il joue des stéréotypes qu’on lui a renvoyés en tant que jeune Arabe pour les défaire et les déconstruire. Plus tard, grâce au Jamel Comedy kaizen • mars-avril 2019 • 37
Dossier
Le rire peut-il changer le monde
Haroun : « Le rire permet de nous renforcer »
dossier
© Benjoy
Souvent décrit comme un « sarcastico-gentil », l’humoriste Haroun joue sur scène de nos hypocrisies et de nos contradictions. Ce trentenaire à l’humour décapant porte un regard ironique sur notre société et utilise le rire comme arme de réflexion massive.
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hemise sobre, jean droit, lunettes sages et sourire en coin… En entretien comme sur scène, Haroun campe un look de premier de la classe avec une nonchalance attachante. Après une première vie en entreprise, où il propose des formations d’improvisation théâtrale, ce trentenaire passionné d’écriture revient à « ce qui l’anime depuis toujours » : l’humour. En 2013, après avoir enchaîné des soirées au chapeau sur les scènes ouvertes parisiennes, Haroun conquiert le public avec son premier spectacle Tous complices. Son terrain de jeu ? L’analyse du monde, des hommes et de leurs travers. « En tant qu’humoriste, j’aime aborder les comportements humains, les choses que l’on ressent mais que l’on n’ose pas dire, ou ce que l’on pense vraiment derrière des attitudes où l’on veut faire bonne figure. » Comme lors d’un de ses passages au Jamel Comedy Club en 2016 : « En temps de guerre, je ne sais pas comment je serais. Je pense que je vous dénonce tous… […] Quand Manuel Valls avait annoncé “nous sommes en guerre”, je me suis dit “nous tous ?” Parce que moi, j’ai des trucs à faire… »
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Ses interrogations, il les partage avec le public et il décrypte l’actualité par l’absurde pour mieux souligner nos hypocrisies et nos incohérences. « Les gilets jaunes, certains disent : “oui, mais y a des casseurs”. Surprise ! Lorsque tu bloques un mouvement social par la force, si on te balance de la lacrymo, tout le monde ne réagit pas en disant “tiens, ça ravigote” 1. »
Amener la réflexion Avec son ton pince-sans-rire et quasi immobile derrière son micro, cet amateur de Coluche et de Desproges ne cherche pas à chauffer la salle ni à raconter sa vie qu’il trouve « moins intéressante que le reste du monde ». Ce qu’il aime, c’est jouer avec les contre-pieds, les silences, ponctués parfois d’un « on rigole bien, hein ? » « J’adore prendre des sujets et les manipuler pour créer un rire parfois gêné, où le public se demande s’il doit rigoler ou non. » « Le Front national [aujourd’hui Rassemblement national] prend toujours comme exemple Jeanne d’Arc qui a repoussé les Anglais après avoir entendu des voix et être partie en guerre. J’aimerais prévenir le FN : quelqu’un qui entend des voix et qui part en guerre, de nos jours, on appelle ça un djihadiste 2. » Sans vulgarité ni violence, celui qui « attrape ses idées » de sketch dans des « romans ou articles » cultive la bienveillance. « J’essaye de ne jamais tomber dans de l’humour potache ou dans la méchanceté gratuite. » Une subtilité dans l’écriture qui lui permet d’aborder des sujets aussi sérieux que le conflit israélo-palestinien ou les armes. « En juin dernier, un sniper de l’armée israélienne a délibérément tiré sur une infirmière… Quoi ! elle a sorti des Doliprane et t’as eu peur, c’est ça 3 ? » S’il ne se sent pas du tout « investi d’une mission », Haroun est satisfait lorsqu’il peut « amener une
© Eléonore
dossier Pendant un cours de yoga du rire animé par Françoise Rousse, fondatrice de l’université du Rire à Paris.
Le rire comme « thérapie » :
nouveau remède pour une (r)évolution intérieure au quotidien ? Et si le rire devenait l’outil de développement personnel par excellence ? Rigologie, yoga du rire, rirothérapie… autant de techniques de bien-être autour du rire qui fleurissent en France depuis une quinzaine d’années. Leur but ? Permettre un lâcher-prise au quotidien et nous aider à nous relier à nos émotions et à celles des autres.
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’est devenu un rendez-vous incontournable. Tous les lundis soir, Emmanuel se presse de rejoindre, dans un petit local de Fontenay-leFleury (Yvelines), son club de… rire ! Ce directeur d’administration a découvert le yoga du rire par un membre de sa famille et participe aux séances depuis plus d’un an maintenant. « C’est un pur moment de détente où je fais le plein d’énergie et qui me permet de mieux appréhender ma semaine », explique-t-il. Ici, il n’est pas question de se raconter des blagues, mais de pratiquer une technique de bien-être venue d’Inde – théorisée par le docteur Madan Kataria en 1995 – qui combine des « rires sans raison » et des exercices corporels et respiratoires. « On s’échauffe en se frottant le corps et en pratiquant des respirations abdominales, puis on attaque des séries d’exercices où l’on provoque la mécanique du rire », explique Carole Fortuna, animatrice du club de Fontenay-le-Fleury. Sans se parler, les participants 42 • kaizen • numéro 43
sont invités à taper des mains en poussant des « ah ah ah », « oh oh oh » de manière accentuée, ou bien à se déplacer dans la salle en se passant du « rire en pommade » tout en jouant avec son voisin. « Le yoga du rire se base sur un fait scientifique : le cerveau ne fait pas la différence entre un rire forcé et un rire naturel 1. Il sécrète les mêmes taux d’endorphine dans les deux cas », détaille l’animatrice.
Mettre de côté le mental De ces rires simulés viennent les rires naturels, notamment pendant la « méditation du rire », dernier exercice où les participants s’allongent en cercle et relâchent toute la pression. « J’ai bien travaillé mes zygomatiques ce soir », se réjouit Gary, qui s’est pris d’un fou rire interminable et a contaminé ses camarades comme une vague d’énergie communicative. « J’ai comme la sensation d’avoir
Dossier
Le rire peut-il changer le monde
Clowns hospitaliers : le rire plus fort que les maux
dossier
C
e matin, Yousra, 12 ans, ne s’attendait pas à une telle visite dans sa chambre d’hôpital. C’est avec émerveillement qu’elle voit surgir non pas des blouses blanches, mais des costumes colorés et deux nez rouges, ceux de Flambert et Paprika. Le temps d’un quart d’heure, avec de simples accessoires et de l’improvisation théâtrale, les deux clowns transforment la pièce de la patiente en navire géant affrontant la tempête. « Je ne m’y attendais pas, ils m’ont fait trop rire », se réjouit Yousra, devenue capitaine du bateau imaginaire. « Je me suis autant amusée que ma fille, raconte sa mère, Naïma. C’était une belle surprise qui nous a fait oublier pendant quelques instants que nous étions à l’hôpital. » Depuis avril 2017, les comédiens de la compagnie Le Roi de Sable ont lancé Le Rire Soleil, leur « programme de soins clownesques », après une formation complète auprès du Rire médecin 1. Une à deux fois par semaine, ils enfilent leur costume de clown et s’immiscent dans le quotidien des enfants hospitalisés au service pédiatrique du centre hospitalier Robert-Ballanger, en banlieue parisienne. « Notre objectif est d’amener un ailleurs, une bulle d’évasion qui rompt avec la condition hospitalière de l’enfant, explique Aurélien, alias Flambert. Ici, il est l’objet de
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© Maëlys Vésir
Apporter de la joie et du rire aux enfants malades, c’est l’objectif de Rire Soleil, des clowns hospitaliers qui interviennent au service pédiatrique de l’hôpital intercommunal Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). L’un des seuls collectifs de clowns de la capitale à intervenir en banlieue.
soins avec des protocoles à suivre et nous, on vient casser ce cadre avec le langage physique et émotionnel du clown qui est universel. »
Faire rire les enfants et… les bébés ! Au fil des visites, certains visages deviennent familiers et pour certains enfants, la présence des clowns est devenue incontournable. Dans la salle d’attente, Ina, 9 ans, est venue pour un soin régulier suite à plusieurs opérations chirurgicales. Il suffira d’une note d’ukulélé et d’un chant au loin dans le couloir pour la faire bondir de sa chaise et rejoindre les clowns avec le sourire aux lèvres. « On a créé des liens forts avec certains enfants avec qui on établit alors des codes et pour qui on devient un point de repère, explique Johanna, alias Paprika. Ça arrive aussi que des enfants ne veuillent pas nous voir et c’est très bien qu’ils retrouvent un pouvoir décisionnel parce qu’ils ne peuvent pas dire non à une piqûre, à un soin, à un traitement, mais ils peuvent dire non à notre présence. » Ces interventions clownesques se poursuivent jusqu’au service de néonatologie où les bébés peuvent profiter d’une berceuse de Paprika ou bien des gargouillis tendres de Flambert. « L’approche ici est évidemment différente, on ne cherche pas à
vent d’ailleurs
Vent d’ailleurs
L’Indonésie Vent debout contre la pollution plastique marine L’Indonésie est, après la Chine, le deuxième État à déverser le plus de déchets plastiques dans les océans du globe. Pour lutter contre la pollution marine, les initiatives déferlent sur cet archipel de polymères, menées notamment par des jeunes. Texte : Aude Raux - Photos : Laurent Weyl
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À
Les deux sœurs cofondatrices de l’association Bye Bye Plastic Bags.
l’issue d’un cours sur l’engagement, inspirées par la maxime de Gandhi « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde », Isabel et Melati Wijsen ont commencé par ramasser les déchets plastiques qui parsemaient leur chemin vers la plage de sable noir volcanique de Seseh. En 2013, les deux sœurs néerlando-balinaises, alors respectivement âgées de 10 et 12 ans, ont fondé l’association Bye Bye Plastic Bags. « Changer l’état d’esprit des enfants est plus facile que changer les habitudes des adultes qui ont grandi sans penser aux conséquences négatives du plastique dans les océans », constatent-elles. Leur conscience écologique est née à la Green School. Cette école privée, située à Ubud, une commune de Bali, a été créée en 2008 par un couple d’expatriés nord-américains désireux d’apprendre à la jeune génération indonésienne à vivre en harmonie avec la nature. Très vite, Isabel et Melati ont embarqué de nombreux autres jeunes pour des nettoyages d’envergure des plages de cette île de l’archipel indonésien. Les deux sœurs ont, en 2013, lancé une pétition en ligne visant à interdire les sacs plastique (dont la durée de vie s’élève à 450 ans) qui a recueilli 70 997 signatures. Convaincues que l’éducation est la clef du changement, les fondatrices de Bye Bye Plastic Bags interviennent régulièrement dans les écoles et ont publié une brochure de sensibilisation. Face à tant de détermination, le gouverneur de Bali les a reçues en 2015 et s’est officiellement engagé à bannir les sacs plastique. L’aura des deux sœurs a depuis dépassé les frontières de leur île : plus d’1,3 million de personnes ont visionné leur conférence TED et elles sont invitées à témoigner de leur expérience dans le monde entier.
vent d’ailleurs
Réduire, Réutiliser et Recycler À les rencontrer, à la sortie des classes, dans la maison de leurs parents qui ouvre sur un jardin luxuriant cerclé de rizières, on oublie la candeur de leur âge. « On connaît désormais l’urgence à appliquer la règle des 3 R : Réduire (nos déchets), Réutiliser (les produits au lieu de les jeter), Recycler (les matières premières) », déclament les deux adolescentes qui concluent l’entrevue avec ce message porteur d’espoir : « Les moins de 14 ans ne représentent peutêtre que 25 % de la population mondiale, mais ils sont 100 % de l’avenir. »
Un avenir qu’elles espèrent ainsi voir virer du noir au bleu : actuellement, l’Indonésie est le pays qui déverse le plus de déchets plastiques dans l’océan au niveau mondial, après la Chine 1. Pas étonnant que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ait choisi, en février 2017, de lancer sa campagne mondiale « Océans propres » dans cet État du Sud-Est asiatique, le quatrième plus peuplé de la planète avec 265 millions d’habitants. Objectif : mettre un terme aux déchets plastiques, dont 8 millions de tonnes sont déversées chaque année dans les océans. À cette occasion, l’Indonésie s’est engagée à réduire cette pollution de 70 %, d’ici 2025.
Les « larmes de sirène » sous le microscope des chercheurs « S’il y a moins de déchets plastiques dans les océans, les animaux marins ne mourront plus autant », estiment Isabel et Melati. En novembre 2017, un cachalot s’est échoué sur une plage d’Indonésie, l’estomac lesté de six kilogrammes de déchets plastiques. L’enjeu est également vital pour l’humanité : près de la moitié de la population mondiale dépend directement des océans pour sa subsistance 2 et le poisson est l’une des denrées alimentaires les plus échangées à l’échelle de la planète 3. Gede Hendrawan en est bien conscient. Directeur du groupe de recherche sur l’environnement marin et côtier à l’université Udayana à Denpasar, à Bali, il mène, depuis 2014, des recherches sur la pollution plastique marine. Les résultats énoncés par le professeur nous plongent dans l’abîme : « 80 % des détritus que nous avons kaizen • mars-avril 2019 • 51
et si on le faisait ensemble ? Et si on le faisait ensemble ?
Des écobénévoles favorisent la cohabitation entre bergers et loups Le loup, dont la population ne cesse de croître en France, est bien implanté dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges et le Massif central. Chaque année, des éleveurs ovins déplorent des pertes ravivant les tensions autour de la question de la protection de l’espèce. L’association Ferus, née en 2003, forme des bénévoles pour protéger les troupeaux, souvent avec succès. Textes : Élodie Horn - Photos : Benjamin Larderet
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Humains et chiens gardent les loups à distance des troupeaux.
e jour se lève sur le col Saint-Jean, dans le parc des Baronnies provençales, situé à cheval entre les départements de la Drôme, du Vaucluse et des Hautes-Alpes. Louis Canon vient de passer sa quatrième nuit dans sa tente plantée à côté d’un troupeau de brebis. À 1 159 mètres d’altitude, seul le cliquetis de leurs cloches et les jappements de patous viennent troubler le silence. Ces chiens de montagne massifs évoluent au milieu du troupeau qu’ils sont en charge de protéger. Leur présence et celle de Louis Canon est motivée par la même raison : dissuader les loups de s’y attaquer. « Si j’entends quelque chose de suspect durant la nuit, je suis chargé de contacter les éleveurs et d’effrayer les potentiels prédateurs en faisant du bruit et en allumant le projecteur », explique le bénévole âgé de 33 ans. Enseignant-chercheur en informatique à Besançon, Louis Canon participe au programme PastoraLoup. Ce chantier d’écobénévolat unique en Europe est initié par Ferus, une association qui milite en faveur de la protection du prédateur. Le programme s’appuie sur un constat défendu par Ferus : la présence humaine maintiendrait les canidés éloignés des troupeaux auxquels ils s’attaquent à la belle saison. En 2017, 11 803 animaux domestiques ont été victimes du loup, dont une majorité d’ovins. L’association recrute et forme des volontaires pour effectuer des semaines de surveillance et prêter main-forte aux éleveurs touchés par la prédation. C’est pour aider Claire Lapie et Yann Rudant, un couple d’éleveurs-bergers installés à Ballons, un village au pied de la montagne, que Louis Canon est venu pour deux semaines. Comme tous les matins, Yann Rudant monte au col pour nourrir les chiens chargés de garder le troupeau de 150 brebis. Il en profite pour proposer à Louis Canon de se retrouver à l’heure du déjeuner. En échange de la surveillance de nuit, les éleveurs assurent les repas du bénévole. « On se retrouve généralement un soir sur deux pour prendre le repas ensemble. Un peu comme dans une colocation, on a des moments partagés et d’autres où l’on est séparés pour que ce ne soit pas trop lourd », précise le bénévole qui expérimente ce programme pour la première année. Le reste de la journée, il prend du temps pour
et si on le faisait ensemble ? lire, se promener et identifier la flore environnante. Il aide aussi les éleveurs dans leurs tâches quotidiennes, en séparant les agneaux des brebis ou en installant les filets de sécurité. Pour ce passionné de nature, c’est une façon de découvrir un monde inconnu, tout en donnant de son temps à bon escient. « Je suis vraiment tranquille. Je me déconnecte de mon ordinateur et d’une partie du monde. Je me reconnecte aussi à un autre. Même si je considère que le loup a le droit de vivre, cette expérience me permet aussi de me confronter aux problématiques que rencontrent les éleveurs sur le terrain. Pour l’ouverture d’esprit, c’est bien de discuter avec des personnes qui ont d’autres points de vue que le sien », souligne l’enseignant, par ailleurs végétarien.
Pastoralisme et attaques Yann Rudant et Claire Lapie, après une première vie à Amiens, sont venus s’installer dans la vallée de la Méouge. En 2013, Yann, qui a été technicien forestier, se forme auprès de Jean-Luc, un berger. « Il cherchait quelqu’un pour l’aider, même sans expérience. J’ai fait cinq saisons à ses côtés afin d’apprendre les kaizen • janvier-février 2019 • 57
Le goût de l’enfance
goût LE MASSAGE de l’enfance
pour mieux vivre l’école Initié aux États-Unis il y a une petite vingtaine d’années, le massage à l’école pour les 4 à 12 ans tend à se démocratiser en France aussi. Nous avons suivi un cycle de sept séances au sein d’un collège parisien. Retour sur une initiative qui améliore la concentration et le bien-être de tous les élèves. Texte et photos : Véronique Bury
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’est un mercredi matin pas tout à fait comme les autres au collège Beaumarchais, dans le 11e arrondissement de Paris. Au deuxième étage, dans la salle 32 de la professeure de français Raphaëlle Labbé, les yeux d’une trentaine d’élèves se ferment en silence. Ici, on ne parle plus, on chuchote. On n’écrit plus au crayon sur les cahiers, on glisse les mains sur le dos de son camarade de classe pour y reproduire « des cœurs de plus en plus grands », « des ailes de papillon », « des lunettes » ou encore « les pas lourds d’un ours ». Les tables ont été poussées légèrement sur le côté et les élèves se sont répartis en binômes dans les allées autour des chaises. Aujourd’hui, c’est séance de massage. « Cela vous surprend d’apprendre le massage à l’école ? » avait questionné Sophie Colombié, l’intervenante du jour, spécialiste du massage à l’école, avant de commencer son cycle de sept séances. « Oui, ce n’est pas courant ! » avaient alors répondu 60 • kaizen • numéro 43
la plupart des élèves de cette classe de sixième. Quelques semaines plus tard, l’étonnement a fait place à l’enthousiasme et à l’action. Dans la salle de classe, les bruits et les rires étouffés de la première séance se sont transformés comme par magie en doux silence. Les paupières, peu à peu, se sont fermées, les corps se sont détendus, apaisés. Seules les indications de Sophie Colombié continuent de rythmer la séance hebdomadaire d’une heure, dont environ quarante à quarante-cinq minutes de massage. Parfois, un élève chuchote à son camarade : « Ça va ? Je n’appuie pas trop fort ? » Mais le ton ne monte jamais plus haut. À peine les entend-on changer de place lorsque la première routine de quinze gestes est terminée et que le massé se lève pour endosser à son tour le rôle de masseur. « Je suis très impressionnée depuis trois ou quatre séances par le silence, mais aussi par la qualité des massages des élèves et leur capacité à fermer les yeux. Même les
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La verveine citronnelle est si incontournable dans les infusions qu’on la croit tout droit sortie d’un bon vieux bréviaire moyenâgeux. Que nenni, car elle n’a fait son apparition dans la médecine occidentale qu’au tout début du xixe siècle. Mais son arôme unanimement apprécié a bien vite fait d’elle la vedette américaine des plantes à tisane.
On l’emploie comment ? EN TISANE : la verveine citronnelle est une plante polyvalente, qui convient en toutes circonstances, été comme hiver. On l’apprécie surtout le soir, mais elle peut être consommée à tout moment de la journée. Son arôme agréable améliore le goût d’autres plantes amères ou aux senteurs médicinales, comme la sauge ou la camomille par exemple. La tisane de verveine se prépare en infusion. Comptez 6-7 grammes de feuilles séchées ou fraîches (soit une bonne pincée) pour une tasse de 25-30 centilitres. Versez de l’eau, préalablement portée à ébullition, sur les feuilles et laissez infuser 5 minutes, de préférence sous un couvercle.
je vais bien le monde va mieux
Son portrait
Répondant au nom scientifique d’Aloysia triphylla ou de Lippia citriodora, la verveine citronnelle est également nommée verveine odorante ou verveine du Pérou. Cette belle exotique fut rapportée des Indes occidentales au xviiie siècle par quelques botanistes européens. Elle fut rapidement appréciée pour son parfum délicat et réussit même à voler la première place à notre véritable verveine officinale (Verbena officinalis), une petite plante discrète de nos campagnes aux actions digestive et anti-inflammatoire, mais au goût particulièrement amer. Sa concurrente latino développe au contraire un arôme vert et citronné, si gourmand que c’est un vrai plaisir de profiter de ses vertus.
Ses propriétés La verveine est surtout appréciée pour ses propriétés digestives et apaisantes. Elle est tout spécialement indiquée le soir, après le repas, pour favoriser l’endormissement. On peut notamment l’associer à la camomille, au tilleul, à la fleur d’oranger ou à la mélisse. Prise régulièrement, elle améliorerait la circulation veineuse, en cas de tendance aux jambes lourdes, aux varices ou aux hémorroïdes. Elle est également recommandée aux personnes hypertendues. Elle ne présente aucune contre-indication et convient aux enfants dès le plus jeune âge. La seule précaution concernant la verveine s’applique à sa récolte. En effet, les feuilles fraîches pouvant être légèrement irritantes pour les peaux sensibles, mieux vaut porter un vêtement à manches longues si on a l’intention d’en cueillir des brassées.
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Do It Yourself
Faire ses bougies maison pour mieux respirer Rien de tel que des bougies pour créer à la maison une ambiance chaleureuse ou parfumer délicatement une pièce. En les achetant dans le commerce, on peut limiter les effets néfastes des émissions de certaines bougies industrielles en sélectionnant des compositions naturelles. Que faut-il savoir afin de faire le bon choix pour son intérieur ? Et si nous apprenions à les fabriquer nous-mêmes ?
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Texte : Aurélie Aime - Photos : Jérômine Derigny, collectif Argos
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ouvent composées de cires minérales, les bougies du commerce peuvent également contenir des cires d’origine animale ou végétale, dont l’impact est variable. La cire d’origine animale est en majorité créée par les abeilles, bien que d’autres insectes produisent des substances cireuses : on voit d’ailleurs se développer des élevages à échelle industrielle dans des pays comme la Chine. Ce type de cire est sain pour l’homme, mais sa production nécessite l’exploitation intensive de ces pollinisateurs, que l’on sait menacés. Il existe toutefois des marques qui favorisent l’émergence d’une apiculture bio et locale, respectueuse des colonies d’abeilles et de l’environnement (Cœur d’Abeille, Cire d’Abeille, Ballot-Flurin, Apicia…). La cire d’origine végétale, quant à elle, est également sans danger dans la composition des bougies, et a pour autre avantage d’avoir un temps de combustion long, elle dure plus longtemps. Elle peut être fabriquée à partir de soja, de coco, de cacao, de colza, ou encore de palme. Attention donc, en fonction des plantes employées, à ce qu’elle soit garantie sans OGM et ne contribue pas à la déforestation. Les bougies à base de cire animale ou végétale sont toutefois plus onéreuses que celles fabriquées à partir de pétrole, il faut compter de 10 euros à 20 euros les 75 grammes. Il est également possible de créer soi-même ses
bougies naturelles, en achetant les matières premières et en utilisant des récipients de récup’pour les couler, tels que bocaux, tasses, boîtes de conserve… C’est la solution la plus économique. Dans ce cas, il suffit de se procurer la cire sous forme de bloc ou de paillettes et de la faire fondre au bain-marie. Pensez également à garder vos fonds de bougies, vous pourrez ensuite les recycler et en créer de nouvelles. Certaines cires peuvent être utilisées comme ingrédient unique, c’est le cas du soja. La cire d’abeille, plus dure, s’utilise couplée à une huile ou à un beurre végétal, à hauteur de 50 % maximum. Pour parfumer vos bougies, pensez aux fragrances naturelles sans alcool ou aux huiles essentielles (HE, à doser entre 5 % et 10 % maximum). Toutes les HE ne sont pas utilisables pour parfumer une bougie. L’ylang-ylang, l’eucalyptus citronné, le lavandin super, la menthe, le vétiver, le palmarosa, le cèdre de l’Atlas s’y prêtent notamment très bien. Vérifiez le point éclair de votre fragrance ou de votre HE, il doit être supérieur à 65 °C, afin que la bougie ne s’enflamme pas à sa surface. Enfin, une autre option petit budget et écologique consiste à réaliser des bougies uniquement à base d’huile végétale. Elles présentent l’avantage de durer longtemps et d’être, elles aussi, saines à tous points de vue. kaizen • mars-avril 2019 • 71
Nos bonnes adresses
bonnes adresses LE HAVRE, un nouveau souffle vers… Vous rêviez de L.A. ? Et si vous préfériez L.H. ? Il y a la plage et la promenade tout pareil mais, à la différence de la mythique ville californienne, la cité normande est inscrite au patrimoine de l’Unesco. Votre empreinte carbone y sera bien meilleure. Texte et photos : Pascal Greboval - Dessin : Manu Thuret
VISITER Touristes ou Havrais, envie de visiter Le Havre de façon conviviale ? Contactez un des quatorze greeters [voir Kaizen numéro 9] qui officient en ville. Tirant leur nom de l’anglais to greet signifiant saluer, ces bénévoles vous font découvrir, en fonction de vos appétences, les édifices des architectes qui ont reconstruit la ville (Auguste Perret, Oscar Niemeyer), l’histoire des peintres (Claude Monet, Eugène Boudin…) ou des écrivains (Gustave Flaubert, JeanPaul Sartre…) qui ont laissé leur empreinte, ou tout simplement une balade entre terre et mer. Avec ses grandes avenues plates, Le Havre est idéale pour se déplacer à vélo. Et si vous montez sur les hauteurs de la ville, le retour sera facile. La première règle avant d'enfourcher le vélo consiste à s’assurer qu’il soit en état. À la fois atelier d’autoréparation et 74 • kaizen • numéro 43
de réparation, LA ROUE LIBRE vous aide dans cette voie. Vous pouvez soit réparer votre bicyclette seul ou accompagné d’un bénévole, pour apprendre si besoin, soit déposer votre vélo, et les salariés s’en chargent à coût réduit. Les cotisations annuelles sont également proposées à prix modiques : de 12 à 46 euros l’année. Par ailleurs, l’association organise des sorties nocturnes et des sessions de vélo-école, des
Cuisine
Le poireau sauvage Encore meilleur que le cultivé ! Au début du printemps, on le trouve sur les marchés traditionnels du Sud de la France, présenté en petits fagots. Il faut dire que le poireau des vignes fait partie des légumes sauvages les plus fins. Cherchez bien, il prospère dans de nombreux départements français ! Textes et photos : Linda Louis
cuisine
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Omelette soufflée aux poireaux sauvages et aux champignons
Temps de préparation : 25 min Cuisson : 6 min • Conservation : aucune Pour 2 personnes : 4 œufs, 30 g de farine de blé type 65 (ou de riz), 150 ml de lait (vache, brebis, soja nature), 15 g de beurre (ou d’huile d’olive), 2 poireaux sauvages lavés, 100 g de champignons frais lavés et émincés finement, sel et poivre du moulin 1. Cassez les œufs. Séparez les jaunes des blancs. Dans un saladier, fouettez les jaunes avec la farine et une bonne pincée de sel. 2. Faites chauffer le lait dans une petite casserole à feu doux jusqu’à ébullition. Versez-le sur le mélange œufs-farine tout en fouettant vivement. Reversez cette préparation dans la casserole, placez-la sur le feu et continuez de la battre jusqu’à épaississement. Réservez pour la suite. 3. Préchauffez le four à 180 °C. Montez les blancs en neige (pas trop fermes). Incorporez-les délicatement à l’appareil aux œufs à l’aide d’une spatule. 4. Faites chauffer une poêle moyenne à feu modéré pendant une vingtaine de secondes, puis ajoutez le beurre. Il doit fondre d’emblée. Versez sans attendre l’omelette dans la poêle, augmentez légèrement le feu et laissez cuire 30 secondes. 5. Enfournez la poêle et laissez cuire l’omelette à découvert pendant 4 minutes. 6. Faites revenir rapidement les champignons frais, lavés et émincés dans une petite poêle. 7. Sortez l’omelette du four (elle doit être cuite mais encore tremblotante). Laissez-la reposer pendant quelques minutes, le temps d’émincer finement les poireaux sauvages. 8. Disposez les poireaux émincés et les champignons sur l’omelette, poivrez, puis, à l’aide d’une spatule, repliez-la en deux. Dégustez-la sans attendre.
cuisine
Pesto de poireaux sauvages Temps de préparation : 10 min Cuisson : 5 min Conservation : 1 semaine Pour 200 g de pesto : 100 g de poireaux sauvages, 30 g d’amandes blanches, 50 ml d’huile d’olive, 20 g de parmesan, une pincée de sel 1. Coupez le pied des poireaux. Fendez-les en deux dans le sens de la longueur et rincez-les abondamment. 2. Faites griller les amandes à sec dans une poêle pendant 5 minutes. Laissez-les refroidir. 3. Mixez tous les ingrédients ensemble jusqu’à obtention d’un pesto. Versez-le dans un pot et conservezle au frais maximum une semaine. À savoir : dégustez ce pesto de poireaux sauvages avec des pâtes, du riz, sur des tartines de pain avec du fromage, ajoutez-en une cuillère à soupe dans une salade verte, un bol de soupe… 82 • kaizen • numéro 43
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Rendez-vous L’AGENDA MARS-AVRIL 2019 MARS KAIZEN PRÉSENT 8 au 11 mars / Nîmes (30) Salon Sésame Parc des Expositions www.salon-sesame.com 8 au 10 mars / La Roche-sur-Grâne (26) Les Amanins : cycle de formation aux bases de la Communication Non Violente (CNV) La Communication NonViolente® offre un moyen concret de passer du discours aux actes. En travaillant sur nos habitudes de pensée et de communication, en nous reliant à notre intention de vivre dans un monde où les besoins de chacun sont pris en considération. Sophie Rousseau animera les trois modules de base en deux fois trois jours. Ainsi, vous pourrez commencer à expérimenter et à mettre en pratique le processus CNV dans votre quotidien, dans votre vie personnelle et dans vos projets professionnels et citoyens. www.lesamanins.com
19 au 23 mars / École Caminando et château de Saint-Ferréol (26) École de la nature et des savoirs : accompagner une éducation différente Vous êtes « professionnel » de l’éducation, enseignant, instituteur, éducateur à l’environnement ou intéressé par les questions d’éducation. Vous souhaitez créer votre école, explorer d’autres possibles pédagogiques en lien avec la vie, la nature ? À l’occasion de ce parcours, vous pourrez découvrir comment la pédagogie, le vivre-ensemble et l’apprentissage peuvent s’inspirer de la nature, être un prolongement du « vivant » en nous et autour de nous. www.ecolenaturesavoirs.com
d’intelligence collective ? S’appuyant sur les principes du vivant, le parcours de Facilit’acteurs se caractérise par la présence d’invités « grands témoins », l’étude de cas, l’apprentissage d’outils et d’une communication « intersubjective » ainsi que de mises en situation décalées comme leviers d’innovation. www.ecolenaturesavoirs.com
AVRIL 3 au 7 avril / Dompierre-sur-Besbre (03) Cinéma-Nature fête ses 30 ans ! Rencontres Cinéma-Nature 78, place Yves-Déret 03290 Dompierre-sur-Besbre www.rencontres-cinema-nature.eu
rendez-vous
11 au 15 mars / Lablachère (07) Terre & Humanisme : formation au potager agroécologique Comprendre comment un jardin naturel est partie intégrante d’un écosystème dont vous faites partie vous-même. Découvrir, à travers de premiers gestes pratiques, comment prendre soin des plantes et de son environnement pour créer une oasis productrice de légumes, mais aussi un havre de paix où se ressourcer. Alternant pratique et théorie, ce stage vous procurera les bases essentielles pour bien démarrer votre jardin dans le respect de la nature. www.terre-humanisme.org KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 15 au 18 mars / Paris 12e Salon Vivre Autrement Le salon éthique et bio Parc floral de Paris www.salon-vivreautrement.com
22 au 24 mars / Paris 19e Survival Expo Autonomy & Outdoor Le salon du Survivalisme Paris Event Center 20, avenue de la Porte de la Villette www.survival-expo.com 25 au 29 mars / Lablachère (07) Terre & Humanisme : approche(s) de la permaculture L’objectif de ce stage est d’aiguiser le sens de l’observation pour découvrir comment mettre en interrelation les éléments présents dans un jardin, une habitation, un village… retrouver des gestes simples et une place juste dans notre environnement ; travailler avec la nature et non contre elle. www.terre-humanisme.org KAIZEN PRÉSENT 29 au 31 mars / Tours (37) Salon Zen & Bio Parc des Expositions www.salon-zenetbio.com/tours 29 mars au 1er avril / La Roche-sur-Grâne (26) École de la nature et des savoirs : Facilit’acteurs module 1 Vous êtes manager, consultant, coach, formateur, intéressé par les questions d’animation d’équipe ou d’accompagnement du changement ? Vous avez besoin d’animer des groupes, de travailler votre posture ou d’expérimenter de nouvelles pratiques
13 au 15 avril / La Roche-sur-Grâne (26) Les Amanins : cycle d’accompagnement à la parentalité Isabelle Peloux (enseignante et fondatrice de l’école du Colibri aux Amanins, formée par l’Adyre), Anne Fruchaud (psychopraticienne relationnelle formée par l’Adyre et à la CNV) et Marie-Christine Bonnaud (psychopraticienne formée à la thérapie relationnelle et à l’IFS) proposent un accompagnement sur trois journées pour parler de la relation avec vos enfants. Pour nous adapter à votre organisation personnelle, nous vous proposons de vivre ce cycle soit au cours de trois jours consécutifs soit sur trois samedis. www.lesamanins.com 21 au 25 avril / La Roche-Sur-Grâne (26) Les Amanins : séjour Un printemps enjoué, pour les grands et les petits www.lesamanins.com 26 au 28 avril - Trégunc (29) Festival Grains de sable Week-end familial et festif autour d’une foire biologique et alternative réunissant, depuis quinze ans, plus d’une centaine d’exposants, avec des spectacles, des conférences, des animations et des ateliers pour enfants et adultes. Entrée 3 euros. Gratuit pour les moins de 18 ans. www.asso-paresse.org kaizen • mars-avril 2019 • 89