- EX P L O RA T EU R DE S O LUT I O N S É C O L O G I Q U E S ET S O C I A LE S -
NOUVELLE FORMULE
N°
45
JUILLET AOÛT 2019
DÉCRYPTAGE
LE QUINOA
ÉTHIQUE OU PAS ?
COUV SOLUTIONS
AUTONOMIE
NOS DÉCHETS LA PASTÈQUE EN MUSIQUE JUSQU’À LA PEAU
MAR CHE ET RÊVE… DOSSIER
FRANCE 6,50 € - BELGIQUE 7,20 € - SUISSE 11 CHF
1 BONNES ADRESSES : LE
MASSIF DU SANCY
Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 98 913 € Siège social 19, rue Martel - 75010 Paris info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com
EDITO
Pascal Greboval R édacteu r en ch ef
Magazine bimestriel numéro 45 Juillet-août 2019 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Baldassari Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin
VERS UNE ÉCOLOGIE
ÉDITO SOCIALE ET
Journaliste multimédia Maëlys Vésir Stagiaires pour ce numéro Laura Remoué Cypriane El-Chami Directrice administrative et financière Céline Pageot Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Responsable commerciale Cyrielle Bulgheroni Direction artistique, maquette et mise en pages • www.hobo.paris hobo.paris - hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture © Miquel Llonch Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au numéro pour les diffuseurs Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peuvent être reproduits sans l’autorisation du magazine. Merci.
V
INTÉGRALE
oilà l’été, les vacances, le soleil, la chaleur. Cette période estivale que nous attendions avec joie, aujourd’hui, nous l’appréhendons. Les météorologues nous ont prévenus : l’été sera chaud. Peut-être encore plus chaud qu’en 2018, qui fut le deuxième été le plus chaud de l’histoire de France. On peut envisager avec bonhomie cette élévation de la température qui s’annonce et penser qu’une bonne crème solaire et un bon hamac entre deux arbres nous aideront à passer ce moment. On peut… On peut aussi penser qu’ils se trompent. On peut… Le souci, c’est que derrière ces prévisions estivales, se cache une autre augmentation de température, plus inquiétante. Celle des climatologues. Les accords de la COP21 de Paris avaient enjoint aux États de mettre en œuvre des politiques pour ne pas dépasser 1,5 degré à l’horizon 2050. La probabilité d’être au-delà des 2 degrés est désormais forte. La crème solaire ne suffit plus ! Alors nous sortons un Kaizen nouvelle formule. Quel lien entre cette nouvelle formule, la crème solaire et l’augmentation de la température, me direz-vous ? Chez Kaizen, nous pensons qu’il est encore possible d’éviter un emballement du mercure, de ne pas exploser le thermomètre. La prise de conscience écologique progresse dans la société, mais citoyen comme politique, il importe que nous passions de la parole à des pratiques plus fortes et plus nombreuses. Avec cette nouvelle formule, nous voulons toucher plus de monde et élargir le champ des possibles. Le temps est venu de donner toute sa dimension sociale à l’écologie. L’écologie doit être intégrale, mais elle ne peut être punitive et réservée aux classes aisées. Pour éviter de dépasser les 1,5 degré et d’être tous confrontés au chaos, nous voulons une écologie bienveillante et globale. Seules les émotions positives peuvent nous réunir et la joie de réussir peut être un bon moteur pour agir et se dépasser, ensemble. Si nous ne faisons rien aujourd’hui, nous serons responsables du chaos demain. Alors transformons ce risque en défi joyeux ! Ensemble et chacun à notre échelle, avec nos moyens, devenons explorateurs de solutions écologiques et sociales pour que perdure la joie de vivre. n
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SOMMAiRE RENCONTRE
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La cacique Tanoné
CHRONIQUE
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CHRONIQUE
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EN QUÊTE DE SENS
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Le quinoa, graine de joie ou de discorde ?
LA NATURE MISE À NU
GOÛT DE L’ENFANCE
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CRÉATEURS DE CULTURE
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DOSSIER
VIVRE EN OASIS
BD
VENT D’AILLEURS
Art-Mella Tou(te)s à poil !
MOTS CROISÉS
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NOS BONNES ADRESSES
Benoît Guillaume Amap : du bio pour tous
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Le Sancy
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CUISINE
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En mode zéro déchet ! La pastèque Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? La purée d’amande
Avions, sortons le train d’atterrissage !
BD
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La Ferme légère, l’autonomie, une histoire collective
Ideas Box, la culture comme droit fondamental
Grèce Low-tech, la bouée des réfugiés
Les bienfaits de la marche
EN CHIFFRES Crème solaire bio, quelle composition ?
Nos déchets en fanfare, Talacatak
Le renard, laissez-lui sa peau !
JE VAIS BIEN, LE MONDE VA MIEUX 72 Plogging, un corps sain dans un environnement sain
Florie Paul, de la finance au yoga
ÉCLAIRAGE
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Du livre à l’étagère invisible
Christophe André Chien de moi-même
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MARCHE ET RÊVE…
D.I.Y.
SOMMAIRE 10
La bio en France, quelle est sa part ?
ET SI ON LE FAISAIT ENSEMBLE ? Un labo pour s’autoréparer
Cyril Dion Le temps d’une écologie sociale
EN CHIFFRES
K AI ZEN N° 4 5 - JUIL L ET & AO ÛT 2 0 19
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RENDEZ-VOUS
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S'INSPIRER POUR AGIR
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CHRONIQUE
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Pierre Rabhi La marche
PORTFOLIO Yvon Boëlle 36
Origine du papier : pages intérieures : Belgique ; encart : Allemagne ; couverture : Pays-Bas. Taux de fibres recyclées : 0 %. Ce magazine est imprimé sur un papier issu de forêts gérées durablement. Eutrophisation : Ptot = 0,018 kg/t. Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement.
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R e ncon t r e
DÉCRYPTAGE
L au ra R em ou é et Pascal Greboval Maël ys Vésir
CACIQUE RENCONTRE TANONÉ
LA
Dans le Nordeste du Brésil, Ivanice Pires Tanoné est cheffe de la tribu des Kariri-Xocó. Peuple racine, lié physiquement et spirituellement à la forêt, leur vie est directement menacée par la déforestation. La cacique alerte aujourd’hui sur les dégâts causés par les industries et le pouvoir politique et appelle à une reconnexion avec la nature.
BIO EXPRESS 1954 Naissance au Brésil 1985 Devient la première femme cheffe de sa tribu 2017 Rejoint l’Alliance des Gardiens de Mère Nature 2019 Première tournée en France
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Vous séjournez en Europe pour la première fois, comment vous sentez-vous ici ? Tout est joli, j’apprécie que l’on puisse marcher tranquillement dans les rues, ce qui n’est pas toujours le cas au Brésil. En revanche, je ne pourrais jamais m’habituer à votre rythme de vie… Vous courez tout le temps ! Vous travaillez tellement que vous n’avez pas le temps de dormir ! Dans notre tribu, nous sommes libres et nous n’avons pas une telle obligation de travailler. Nous ne consacrons un tel temps qu’aux rituels sacrés, destinés au Grand Esprit. Qui est ce « Grand Esprit » ? Est-ce la même divinité que vénèrent les religions monothéistes occidentales ? Le Grand Esprit a créé la terre, la mer, les fleuves, le ciel : tout ! Nous croyons en son pouvoir créateur. Chacun en a sa vision selon les chemins qu’il emprunte, les rites qu’il pratique. Vous, nonautochtones, possédez également une culture spirituelle, mais elle n’est pas directement liée à la nature. Notre lien spirituel à la Mère Nature est un lien de protection. Nous l’observons et l’écoutons. De cette manière, nous savons comment la préserver.
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Cela fait des membres de notre tribu des gardiens de la Terre Mère. Nous avons un profond respect pour elle, nous la saluons en lui parlant dans notre propre langue. À leur arrivée au Brésil, les Portugais ont voulu nous interdire de la parler, mais nous avons réussi à la conserver. Car c’est par nos chants et cette même langue que nous pratiquons que nous nous sommes différenciés. Aujourd’hui comment se porte votre terre ? L’état de la nature m’inquiète beaucoup, en particulier le fleuve Sãn Francisco. Il était si étendu auparavant que nous ne pouvions pas percevoir l’autre rive. Le fleuve était immense et rempli de quantité de poissons ! Depuis dix ans, il s’assèche. L’eau disparaît et les poissons avec. Nos terres ont aussi été envahies par de grands propriétaires, pour l’élevage de bœufs. Actuellement, il ne nous reste plus qu’un seul hectare de terres pour cultiver notre manioc, nos patates douces, notre maïs… Notre peuple bénéficiait auparavant de plus de deux mille hectares ! Nous nous retrouvons désormais démunis avec peu de terre, sans eau, sans ressources pour manger. Je me demande ce qu’il adviendra de nous d’ici trois ans…
DÉCRYPTAGE
RENCONTRE
J’ENSEIGNE AUX ENFANTS “À REMERCIER LA NATURE. ” 7
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DÉCRYPTAGE La bio en France
e n ch iffres Fa n ny Co s t e s
Q UEL L E ES T SA PA R T ?
J ust in e L e J o n c o u r
Les chiffres sont clairs : la bio croît sur le territoire hexagonal et s’installe dans la consommation française. Et bonne nouvelle, la législation invite à accélérer la cadence. Restent toutefois des freins, surtout financiers, chez des consommateurs pourtant décidés à manger mieux et plus local.
ÉCLAIRAGE REPORTAGE
+ D’EMPLOIS :
Au 31 décembre 2018, la France comptait 155 347 emplois directs liés à l’agriculture biologique. Depuis 2012, ce nombre a quasiment doublé. Et la bio concerne désormais 14,3 % des emplois agricoles.
+ DE SURFACES : 2,03 %
x 3,7
2009
+ DE PRODUITS :
7,5 % 2018
Parmi ces surfaces, 2 millions d’hectares étaient certifiés bio et plus de 500 000 hectares en conversion.
Espagne 2,2 millions d’hectares pour environ 36 000 fermes
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Italie 2,05 millions d’hectares pour environ 64 000 fermes
France 2 millions d’hectares pour environ 41 000 fermes
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Allemagne 1,2 million d’hectares pour environ 27 000 fermes
10,1 % 4,3 % 12 %
Cultures fourragères
Grandes cultures
(alimentation d’élevage)
(céréales, oléagineux, protéagineux)
12
Vigne
23 % Fruits
7%
Légumes frais
21 % PPAM
(plantes aromatiques et médicinales)
Maël ys Vésir
ECL AIR A GE
DÉCRYPTAGE
L e Cil Ver t
LEÉCLAIRAGE QUINOA
GRAINE DE JOIE REPORTAGE OU DE DISCORDE ? Aliment « tendance » par excellence, le quinoa que nous consommons n’a-t-il pas un goût amer pour ses producteurs d’Amérique latine ? Ne devrions-nous pas privilégier une production française ? Autant de questions qui soulignent nos contradictions quand notre bien-être est en jeu dans notre assiette.
C
ordillère des Andes, 4 000 mètres d’altitude. Sur les hauts plateaux de l’Altiplano, à cheval sur la Bolivie, le Pérou et le Chili, les conditions cli matiques oscillent entre sécheresse extrême et gel. C’est pourtant dans cette région aride que pousse la majorité du quinoa exportée dans le monde. « Domestiqué il y a plus de sept mille ans sur les bords du lac Titicaca, le quinoa est cultivé depuis des générations par des familles de paysans andins », explique Didier Bazile, agro écologue, directeur régional du Cirad (Centre de coo pération internationale en recherche agronomique pour le développement) et spécialiste du quinoa. Sur le plan nutritionnel, cette plante herbacée, ou « pseudo céréale 1 », est une vraie mine d’or puisque dépourvue de gluten, riche en protéines, en acides aminés et en oligoéléments. Un « super aliment » qui a conquis les Occidentaux, dont les Français, qui en mangent près de 6 000 tonnes par an 2, principalement importé de Bolivie et du Pérou,
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premiers producteurs au monde. Notre consom mation toujours croissante de cette « graine des Incas » détruitelle les modes de vie des petits producteurs locaux ? Derrière ce tableau souvent caricatural se cache une réalité plus complexe.
DE « GRAINE DU PAUVRE » À « GRAINE DE STAR »… Cantonné depuis des millénaires à une agricul ture de subsistance, nourrissant les familles de producteurs andins, le quinoa fait l’objet de premières exportations à partir des années 1970 pour ravir les communautés végétariennes amé ricaines, puis connaît un premier boom dans les années 1990. « En plus de ses qualités nutri tionnelles, le quinoa attire les consommateurs occidentaux à la recherche de produits issus de l’agriculture biologique, précise Didier Bazile. Il est bio par défaut puisqu’il se cultive à haute altitude, là où il n’y a pas de ravageurs, et ne nécessite donc aucun pesticide. »
DOSSIER
Dossier réalisé par Stéphane Perraud
DÉCRYPTAGE
MARCHE ET RÊVE… PORTFOLIO
Mettre un pied devant l’autre, quoi de plus naturel ? Ce geste banal ouvre en fait bien des horizons. Marcher met autant le corps que l’esprit en mouvement. La marche est un acte créatif, poétique, thérapeutique, politique… C’est aussi un apprentissage de la lenteur. Pour redonner du sens à nos existences, calons notre rythme de vie sur celui de nos pas.
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© Yvon Boëlle
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M ARCHE ET RÊVE
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PORTFOLIO
BON PIED BON ŒIL
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Une fois par an, le musicien-voyageur-photographe Boris Trouplin part se ressourcer sur les chemins. De ses longues marches, il ramène des clichés drôles, décalés et poétiques. Une autre vision de la France profonde.
«
n voiture ou en train, je ne peux que rega rder le paysage défiler pa r la fenêtre. À pied, je fais corps avec lui et je note des détails que je ne remarquerais pas autrement : un rocher à forme humaine, un papillon posé sur l’asphalte, des brindilles de pin figées dans la glace qui forment un tableau abstrait… La nature offre un spectacle permanent. » Boris Trouplin, musicien folk professionnel installé à La Ferté-Saint-Aubin, aux portes de la Sologne, sait poser des mots sur ses pas. Chaque jour, il va marcher dans la campagne
« La nature offre un spectacle permanent. » autour de chez lui avec un émerveillement renouvelé. Et une fois l’an, il part découvrir d’autres territoires par les chemins de traverse, en s’immergeant quelques semaines dans la France rurale, loin des axes touristiques. Il traverse le 24
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paysage lentement à raison de 25 à 30 kilomètres par jour. Sa démarche se veut contemplative, comme une retraite active.
TRAVERSER LE TERRITOIRE « Pour découvrir un territoire, il faut le parcourir à pied. En 2015, j’ai marché deux semaines entre le Marais poitevin et l’île d’Oléron. Le trajet s’est progressivement inscrit dans mon corps. J’ai également éprouvé cela en marchant en direction des Vosges en 2017. Je voyais chaque jour la fameuse “ligne bleue” se rapprocher. C’était concret, physique, palpable. La douce fatigue que procure la marche donne la sensation de traverser le paysage. » Boris aime l’eau froide des ruisseaux pour se délasser en journée, toucher le tronc des arbres pour ressentir leur présence, cueillir des baies sauvages… Autant de façons de communier avec la nature.
DÉCRYPTAGE
C’EST LE PIED ! PORTFOLIO THIERRY THÉVENIN
Ils sont guide de randonnée, cueilleur herboriste, chanteur ou bergère. Leur point commun ? La marche fait partie intégrante de leur métier. Portraits.
« Nous sommes conçus pour marcher »
P
ieds nus, un panier à la main, voici comment Thierry Thévenin arpente son terrain l’été venu. Paysan herboriste à Mérinchal, dans la Creuse, il cultive vingt plantes aromatiques et médicinales et en cueille soixante-dix autres à l’état sauvage, à quelques centaines de mètres de chez lui. « Lorsque j’herborise, je butine comme une abeille. Je marche toute la journée, mais sur de très courtes distances. Rien ne sert d’aller loin, on trouve du plantain, de l’achillée millefeuille et de l’ortie partout. Dans ce métier, il faut savoir se concentrer sur les variétés locales. D’autant qu’avec le réchauffement climatique, les plantes viennent jusqu’à moi. Elles migrent progressivement vers le nord. » Quand Thierry s’éloigne, c’est pour ramasser des bourgeons de hêtre ou d’aulne. Une « longue » marche d’au moins deux kilomètres ! Il n’utilise sa voiture qu’exceptionnellement pour aller cueillir en montagne de l’aspérule odorante, des feuilles de myrtille ou de P O U R A L L E R P L U S L O IN l’alchémille. La marche est inhérente à son métier. Elle lui permet d’obser• w w w.her be s de v ie .c om ver la nature au plus près et de repérer les sites où poussent les plantes. Ces dernières imposent leur rythme. Elles l’invitent à respecter les saisons et les quantités disponibles. « Cueillir près de chez soi oblige à protéger la ressource. Quand on se nourrit et qu’on se soigne avec son environnement immédiat, on prélève avec modération pour laisser les végétaux se régénérer. Dans le périmètre du marcheur, on trouve prati© Thierry Thévenin
DOSSIER
TRAVAILLER,
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quement tout ce dont on a besoin. Biologiquement, nous sommes conçus pour marcher et consommer ce qui pousse autour de nous. »
UNE HERBORISTERIE EN CIRCUIT COURT Comme Thierry Thévenin, ils sont plus de cinq cents paysans herboristes en France à vivre de ce métier. Mais ils restent en quête d’un cadre juridique pour l’exercer sans entraves. « J’ai le droit de cultiver et de cueillir un certain nombre de plantes et de les vendre, mais sans indiquer leurs propriétés ! C’est un vrai paradoxe. Depuis les temps anciens, toutes les sociétés savent par exemple que le thym soulage les indigestions et les coups de froid. Mais je ne peux pas l’écrire sur mes sachets, c’est du domaine de la pharmacopée. En revanche, je peux le préciser dans mes livres. » Ubuesque ! Il y a quelques années, Thierry a fait partie d’un collectif de cueilleurs condamnés en justice pour avoir vendu de la prêle des champs, avant d’être relaxés en appel. « Tout ça pour une tisane qui existe depuis le début de l’humanité, soupire-t-il. Le législateur doit créer un cadre juridique pour ce métier qui attire de plus en plus de jeunes. On est vingt fois plus nombreux qu’à mes débuts et la demande du public est forte. La filière des plantes aromatiques et médicinales est l’une des plus dynamiques du monde agricole. 30 % de la profession est en bio. » Thierry croit en une herboristerie en circuit court où l’on cueille et soigne à portée de pas. En espérant que la marche ne soit pas trop longue avant de trouver un vrai statut. n
Deux mille forestiers en marche pour défendre les forêts publiques, un bien commun menacé.
SOLUTIONS
BON PIED (DÉ)MARCHES 334
POLITIQUES
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Quel est le point commun entre Gandhi, Martin Luther King, les jeunes des banlieues françaises, les paysans du Larzac et les forestiers ? Tous ont organisé de longues marches pour affirmer leur identité. Décryptage.
’est une marche récente, mais peu connue. En septembre 2018, les forestiers de l’ONF (Office national des forêts) ont traversé la France pour défendre les forêts publiques. Et par là même, leur métier. « Nos forêts deviennent des usines à bois. Elles ne sont plus gérées durablement, elles tombent dans les mains du privé et des lobbies financiers. Nous voulions poser un acte politique fort pour alerter à la fois notre direction et l’opinion publique en allant à la rencontre des citoyens sur le terrain », explique Philippe Berger, coorganisateur de cette Marche pour la forêt. Pendant plus d’un mois, deux mille marcheurs se sont relayés pour arpenter la campagne. Quatre cortèges, partis de différentes régions, ont convergé vers l’emblématique forêt de Tronçais dans l’Allier. À l’issue, un manifeste signé par une vingtaine d’associations de protection de la nature (Greenpeace, la LPO, France nature environnement, Les Amis de la Terre…) rappelle que la forêt est un bien commun. « Nous voulions 32
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sortir de la manifestation traditionnelle. Des manifs, il y en a tous les week-ends à Paris où il est difficile de se faire remarquer. En organisant une longue marche en territoire rural, nous avons surpris tout le monde. On a affirmé pacifiquement notre identité. Ce fut déstabilisant pour les pouvoirs publics. Toutes les préfectures des départements traversés nous ont envoyé les gendarmes. En interne, cela a marqué les esprits. Tout le monde était impressionné par la logistique déployée pour créer des itinéraires, fédérer des énergies et héberger les marcheurs. Beaucoup d’habitants sont venus discuter et marcher avec nous. On a touché un nouveau public et relancé le dialogue avec la direction. On est véritablement sortis du bois ! »
JOUER SUR LA DURÉE « Les longues marches désorientent le pouvoir, plus habitué aux manifestations ponctuelles, explique Danielle Tartakowsky, professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris 8.
© Marche pour la forêt
DOSSIER
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PO R TFOLIO
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S t é ph a n e P e r rau d
Manu Galure PÈLERINAGES PHOTOGRAPHIQUES 3216 :
Yvon BoElle P H OTOGR A PHE BA ROUDEU R
Le photographe breton Yvon Boëlle s’est pris de passion pour les chemins de Compostelle. Ses images rendent palpable l’esprit qui règne sur les sentiers jacquaires.
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Pourquoi photographier les chemins de Saint-Jacques ? Le mot « Compostelle » m’a toujours fait rêver, au même titre que « Syracuse » ou « Brocéliande ». Ces noms sonnent comme une promesse d’évasion. Dans les années 1990, les chemins de Compostelle, jusque là essentiellement fréquentés par des pèlerins, ont commencé à attirer le grand public. En 1992, je les ai empruntés par curiosité quelques jours entre Roncevaux et Puente la Reina. Sur une courte distance, j’ai apprécié la diversité des paysages et des sites historiques. En 1996, quand mon éditeur m’a proposé d’illustrer un livre sur le sujet, j’ai saisi l’occasion. Depuis, je suis retourné marcher à maintes reprises sur ces chemins. Je ne suis pas croyant, mais une vraie dimension spirituelle s’en dégage. Ma religion consiste à partager la beauté des lieux et l’état d’esprit qui y règne. 36
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SOLUTIONS
Lucile Moussu 3265
481 Camino Francés, entre Nájera et Santo Domingo de la Calzada, province de La Rioja (Espagne).
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Au drey Gu il l er
TRANSITION
Et si on le faisait ensemble ?
L au ren t Gu izard
UN LABO POUR
BD REPORTAGE S’AUTORÉPARER Au Humanlab, à Rennes, personnes en situation de handicap et valides conjuguent leurs compétences pour fabriquerdes prothèses et des aides techniques à prix modique.
Solenne est venue de Paris au Humanlab pour y présenter la main bionique qu’elle a fabriquée.
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S
ur son écran d’ordinateur, Nicolas Pousset, 35 ans, regarde encore une fois les plans et les explications. Un papa américain l’a fait. Il a construit lui-même, à l’aide d’une imprimante 3D, un support amovible pour le bras de sa fille handicapée, immobilisée dans un fauteuil. Et il a partagé tous ses documents de fabrication en accès libre sur Internet. « S’il a réussi à le faire, pourquoi pas moi ? », se dit Nicolas Pousset, expert en programmation informatique. Dans son fauteuil, lui aussi est gêné
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par son bras gauche. Sa myopathie le bloque au niveau de sa sonde ventrale. C’est douloureux. Le support qui lui conviendrait est commercialisé à plus de 10 000 euros. Une amie en fauteuil lui parle alors du Humanlab, à Rennes : un laboratoire collaboratif de fabrication de prothèses et d’aides techniques pour et par les personnes en situation de handicap. Il est ouvert gratuitement, chaque jeudi, à quiconque a un projet d’objet ou un coup de main à donner. Quand Nicolas Pousset pénètre dans la grande pièce du laboratoire, au printemps 2017, il découvre le royaume du bricolage et du numérique : des ordinateurs, des imprimantes 3D, des découpeuses laser, des étagères d’outils, des kits d’électronique libre, des stations à souder et de grandes boîtes en plastique, qui contiennent chacune un projet en cours. Le Humanlab a ouvert fin 2016. Pour comprendre, il faut remonter quatre ans en arrière. Nicolas Huchet, jeune Rennais amputé de la main, découvre alors le fablab de Rennes, le LabFab. C’est l’un de ces espaces de travail collaboratifs, équipés d’outils numériques, qui ont essaimé dans les villes depuis dix ans. « À cette période, j’étais sans emploi, sans avenir, sans argent pour prétendre à une prothèse nouvelle génération, explique-t-il. J’ai demandé si on pouvait imprimer des mains en 3D. » Comme devant chaque nouveau challenge, Hugues Aubin, qui gère alors le LabFab, sourit. Un an plus tard, Nicolas Huchet réalise Bionicohand, une prothèse de main bionique réplicable, à moins de 850 euros. En 2014, il crée l’association My Human Kit, pour aller plus loin. Après une
E n q u e^ t e de sens
SOLUTIONS
FLORIE PAUL
DE ET LASIFINANCE ON Aud e Ra u x J é rô m i n e D e r i g ny, c o l l e ct if Arg o s
AU YOGA LE FAISAIT Suite à un burn-out, Florie Paul a quitté sa profession d’analyste en matières premières qu’elle exerçait au Vietnam pour devenir professeure de yoga et praticienne reiki. Un changement de vie qui lui apporte sérénité et bien-être… qu’elle transmet aux autres.
ENSEMBLE ?
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e ses yeux couleur beu labradorite, Florie Paul regarde le chemin parcouru : « À 31 ans, j’ai déjà vécu plusieurs vies. » La jeune femme a ainsi suivi un sillon autre que celui tracé par ses études d’ingénieure agronome à l’Institut supérieur d’agriculture de Lille. Lors de son année-césure, l’étudiante est partie travailler au Népal pour l’association Maison des Himalayas. « Le choc ! raconte-t-elle. Pendant six mois, j’ai partagé le quotidien d’une famille qui élevait des chèvres pour faire du fromage. Cette expérience m’a transformée. J’ai appris à devenir autonome et à ouvrir mon esprit. Le retour en France a été d’autant plus difficile : notre société de surconsommation m’est apparue vide de sens. » Aussi, Florie a choisi de revenir au Népal pour les trois stages qui ponctuaient ses études. À la fin de celles-ci, en 2011, elle a travaillé pendant un an au Ghana comme assistante-analyste dans le secteur du cacao. Avant de poser ses bagages au Vietnam en tant qu’analyste financière dans le café, pour le compte d’une société basée aux États-Unis. « Je me donnais à fond, se souvient-elle. Le salaire était conséquent pour compenser la charge de 50
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travail, mais je n’avais pas le temps de dépenser mon argent. Lorsque je partais sur le terrain, en “brousse”, je travaillais de 6 heures à 23 heures, à cause du décalage horaire. Mes congés se résumaient à douze jours par an. Surtout, je subissais énormément de pression de la part des traders. » Au bout de deux ans, son corps lui a envoyé les premiers signaux : « Je pleurais le matin en partant travailler et le soir en rentrant chez moi. Je souffrais de maux de ventre. Le stress était tel que j’étais proche de l’ulcère. Et fin 2015, j’ai fait un burn-out. J’avais 27 ans. En bonne perfectionniste, j’ai eu honte de ce que j’ai considéré comme un échec. Mon corps m’avait lâchée. »
SE POSER LES BONNES QUESTIONS Florie a cependant décidé de l’écouter et s’est inscrite à une retraite yoga en Thaïlande. « Je pratiquais déjà cette discipline, mais en mode “Instagram” : je faisais la compétition de la meilleure posture avec mes voisines de tapis ! Loin de la dimension spirituelle du yoga. Pendant ce stage, je me suis posé les bonnes questions : la performance me rend-elle heureuse ? À quoi bon essayer de rentrer dans le moule de la société ? Pourquoi dépenser mon salaire en soins et mettre
Mar in e Sam zu n
GoU^t de l'enfance
SOLUTIONS
Teresa Su árez Zapater
NOS DÉCHETS EN FANFARE
ET SI ON TALACATAK LE FAISAIT ENSEMBLE ? L’association parisienne Talacatak initie des enfants à la fabrication d’instruments de musique brésilienne à base de récup. Reportage lors d’un atelier hebdomadaire « éco-orchestre » pour les 6-10 ans.
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on instrument préféré, c’est la guitare-bouteille », déclare fièrement Camille, 9 ans. La petite blonde à lunettes s’amuse à faire résonner un fil de pêche glissé dans une bouteille en plastique éventrée, décorée en papier mâché. Comme une cinquantaine d’autres enfants, Camille participe depuis un an aux ateliers de l’association Talacatak, située dans le 20e arrondissement de Paris, qui les initie à la fabrication d’instruments de musique à base de déchets. Tous les jeudis, elle prend part à l’« éco-orchestre » avec ses camarades Liam et Charlie, sous la houlette de Robin, jeune formateur de 26 ans. « Vous savez ce qu’est un ocarina ? », lance-t-il à ses trois élèves d’un air complice. Silence intimidé dans la petite salle de l’association où règne un joyeux bric-à-brac. Ingénieur en robotique de formation et luthier amateur, Robin se saisit de l’instrument 100 % récup qu’il a fabriqué avant la séance et en joue devant les enfants médusés. « J’essaie de leur montrer que tout ce qu’on utilise vient directement de chez eux », commente le jeune animateur, barbe brune et cheveux en broussaille. Depuis sa création en 2004, Talacatak affiche une triple ambition : allier apprentissage de la musique et sensibilisation environnementale dans un but éducatif.
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RENDRE LA MUSIQUE ACCESSIBLE Animé d’une forte fibre écologique, Lionel Haïun, le fondateur, a lui-même tenté l’expérience au retour d’un long séjour au Brésil. Avec un bidon d’huile, une corde et une toile cirée, il reproduit le son typiquement brésilien du rebolo, une percussion locale. Animant alors des sessions d’éveil musical, il tente de mêler les deux expériences, mais en « n’y croyant que très peu », avoue-t-il aujourd’hui, avant de préciser : « J’ai assisté à quelque chose d’incroyable : l’engouement des enfants a été phénoménal ! » Quinze ans plus tard, il identifie clairement les tenants pédagogiques inhérents au projet : « développement de l’astuce et acquisition d’autonomie ». Chaque année, environ neuf mille enfants et adultes assistent aux ateliers donnés par Talacatak, « l’onomatopée qui chante le rythme au Brésil », comme le fredonne en boucle le fondateur. « Canette, carton, scotch ! », déclame Liam, d’un ton impérieux. « Perspicace ! », lui rétorque Robin, avant même d’avoir interrogé les élèves sur les éléments servant à fabriquer l’ocarina. Suivi de près par Camille et Charlie, Liam se dirige vers la réserve de canettes en métal près de la fenêtre. Le petit garçon brun au regard facétieux choisit avec soin ce qui deviendra son instrument. « Ça rend la musique plus accessible : ils n’hésitent pas à utiliser les instruments à fond, car ils savent comment les
vent d'ailleurs
Math il de D oiezie
SOLUTIONS
LOW-TECH
GRÈCE
LA BOUÉE CRÉATEUR DE DES RÉFUGIÉS CULTURE
Située à moins de sept kilomètres de la Turquie, l’île de Lesbos, en Grèce, est devenue la porte d’entrée en Europe pour des milliers de migrants. En réponse à la crise humanitaire, l’association française Low-tech Lab leur propose des outils « basse technologie » pour répondre aux besoins élémentaires et reprendre confiance en soi.
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bduljalil est concentré, les yeux rivés sur un circuit électrique. Une enceinte lui a été confiée à réparer. Il exécute cette activité consciencieusement. Depuis un mois, Abduljalil passe régulièrement l’après-midi dans le maker space, atelier ouvert par l’association française Low-tech Lab en décembre 2018 sur l’île grecque de Lesbos. Depuis 2015, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 630 000 migrants, ont atterri ici après avoir traversé, à leurs risques et périls, le bras de mer qui sépare l’île de la Turquie. Sur la colline, le centre d’accueil de jour One Happy Family surplombe ce détroit, à quarante minutes à pied de Mytilène, la ville principale de l’île. Ouvert en 2017 par une ONG suisse, il ressemble à un petit village, avec son école, son cabinet médical, son café, sa banque avec sa monnaie locale, sa salle de sport, son jardin et son atelier, géré par des associations comme Low-tech Lab. C’est un e-mail, lancé comme une bouée à la mer, qui a fait émerger le projet Low -tech for Refugees. Andreas Müller-Hermann, un Allemand qui a fait fortune grâce à une société de logiciels informatiques, écrit fin 2017 au Low-tech Lab. Il revient de 60
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l’île, où il a été volontaire pendant plusieurs mois. Par un ami, il a entendu parler des initiatives de l’association. Créée en 2013, elle promeut les innovations techniques répondant à des besoins élémentaires, accessibles en termes de coût et de savoir-faire, respectueuses de l’environnement et réparables. Parmi ses projets : un tour du monde en catamaran pour découvrir des lowtech et les expérimenter à bord 1. « Je me suis dit que si l’association traversait le monde pour voir comment les low-tech fonctionnent, elle devait venir à Lesbos, car le monde était déjà présent ici. Toutes les nationalités et tous les contextes y sont représentés », se remémore Andreas. Moins de trois mois après l’envoi de cette missive, Marjolaine Bert, salariée du Low-tech Lab, rejoint Lesbos. Elle organise fin février 2018 un premier atelier pour initier des Grecs et des migrants du camp de Pikpa, au sud-est de l’île, à la technique du frigo du désert, permettant de maintenir ses aliments au froid sans électricité. En mai 2019, le projet du Low-tech Lab en Grèce s’est étoffé. Dans le maker space, plusieurs prototypes sont exposés, comme une douche solaire réalisée à partir de bouteilles en plastique ou des tawashi, éponges fabriquées à partir de tissus récupérés. Ils sont accompagnés d’un tutoriel rédigé
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AUTONOMIE
DU LIVRE
D.I.Y. Auré l ie Ai m é
À L’ÉTAGÈRE JE VAIS BIEN LE INVISIBLE MONDE VA MIEUX
J é rôm i n e D e r i g ny, co l l e ct if Arg o s
Le minimalisme profite à l’environnement comme à notre bien-être. Et si on commençait par alléger notre bibliothèque ? Pour mettre en valeur nos livres favoris, l’étagère suspendue, dite « invisible », est aussi pratique que poétique.
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algré l’essor du livre numérique, le livre papier a de beaux jours devant lui. Dans l’idée de réduire notre impact environnemental, quel support privilégier ? D’après le Syndicat national de l’édition, le livre numérique ne représente que 8,6 % du chiffre d’affaires du secteur. L’impact environnemental réel des tablettes et autres supports mobiles est difficile à évaluer, car les constructeurs s’abritent derrière le secret industriel. Toutefois, les procédés ayant le plus de conséquences sont l’extraction de minéraux et métaux (coltan, lithium…), utilisés notamment pour les batteries, ainsi que le transport du site de production au point de vente. Le problème réside aussi du côté de l’obsolescence programmée des appareils, qui ne sont pas conçus pour être réparés, et qu’il faut donc régulièrement remplacer. Ainsi, il faudrait lire entre 22 1 et 180 2 livres papier pour obtenir une empreinte carbone équivalente à celle du numérique… Comment expliquer ce grand écart dans les chiffres ? L’empreinte varie d’un livre à un autre, en fonction du papier utilisé, des transports, etc. Concernant le livre papier, selon l’Ademe, l’édition ne représente que 7 % de la consommation totale de papier en France. Et selon le Syndicat national de l’édition, 93 % du papier acheté par les éditeurs est certifié ou recyclé 3. Il faut aussi prendre en 68
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compte le fait que bien conservé, un livre peut avoir une très longue durée de vie, voire plusieurs mains et plusieurs vies : prêts en bibliothèque, échanges et dons via les « boîtes à livres 4 », ventes d’occasion, recyclage 5, etc.
BIBLIOTHÈQUE RÉCUP POUR LIVRES FÉTICHES Dans l’optique d’alléger notre intérieur, et si nous commencions par faire le tri pour conserver uniquement nos livres fétiches, ceux que nous sommes susceptibles de relire. Pour les avoir à portée de main, pourquoi ne pas réaliser une bibliothèque en récup, par exemple en superposant des cagettes à pommes ou des caisses de vin, ou en transformant divers objets en étagères : les vieux tiroirs d’une commode, les morceaux d’une palette ou une belle branche de bois flotté… On peut aussi réaliser une étagère dite « invisible », car constituée par l’un des livres. Minimaliste et parfaite dans les petits espaces, celle-ci est très facile à réaliser. n 1. Source : Cleantech. 2. Source : Institut Carbone 4. 3. https://www.sne.fr/actu/enquete-papier-93-du-papier-achete-parles-editeurs-de-livres-est-certifie-ou-recycle/ 4. www.boite-a-lire.com 5. Recyclivre, par exemple, récupère à domicile vos livres d’occasion. Les plus abîmés sont transformés en pâte à papier, les autres sont vendus en ligne, et 10 % des revenus sont reversés à des associations qui luttent contre l’illettrisme et pour l’accès à la culture.
Au de R au x
je vais bien, le monde va mieux
AUTONOMIE
Él éon ore Hen r y de Frah an, col l ectif A rgos
PLOGGING
UN CORPS BDSAIN DANS UN ENVIRONNEMENT SAIN
ARMELLA
Pratiqué dans les pays nordiques, le plogging consiste à collecter des déchets pendant son jogging. La maxime des adeptes de ce sport aux bénéfices multiples : « un corps sain dans un environnement sain ! »
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’ai déjà commencé à collecter des déchets », s’exclame Paola Montenegro en arrivant, tout essoufflée, au point de rendez-vous fixé par la Run Eco Team de Paris dans le parc des Buttes-Chaumont. Une fois les joggeurs au complet, Carole-Anne Rambaud, l’une des ambassadrices de cette association de coureurs écologiques, livre quelques consignes : « Nous allons jusqu’à la cathédrale Notre-Dame. Cela fait un parcours de 8 kilomètres. Je rappelle qu’on s’arrête aux feux rouges. » Une voix l’interrompt : « On peut s’arrêter même quand ils sont au vert ? Histoire de souffler ! » Carole-Anne Rambaud la rassure : « Pas de panique, le rythme est tranquille. On n’est pas dans la performance. Concernant les déchets, ne vous trimballez pas avec du verre qui risque de se briser. Renversez bien les fonds de canettes de bière avant de les mettre dans votre sac-poubelle. Attention aux vélos et aux trottinettes quand vous ramassez des détritus dans le caniveau. Enfin, jetez les ordures dans les poubelles au fur et à mesure, en veillant aux consignes de tri, mais gardez-en quelquesunes pour la photo finale. Allez, c’est parti ! » Sous un ciel ensoleillé, un dimanche matin, une vingtaine d’hommes et de femmes d’une trentaine d’années, armés de sacs, munis de gants, s’élancent. La majorité a revêtu le tee-shirt siglé du logo de la
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Run Eco Team : « 1 run = 1 déchet » et de ce slogan : « Cours pour un monde plus propre. »
DEVENIR « RÂLEUR ACTIF » Le fait de collecter des déchets en faisant son jogging a été popularisé en France par Nicolas Lemonnier, un habitant d’Ancenis-Saint-Géréon (Loire-Atlantique) : « En 2015, alors que je rentrais de courir, j’ai ramassé un paquet de cigarettes qui avait été jeté sur le trottoir. Avant de le mettre à la poubelle, j’ai pris un selfie. J’ai reçu dix fois plus de commentaires – tous encourageants – que lorsque je postais, sur la page Facebook du groupe A Year of Running, une photo de ma tête dégoulinante de sueur ! » Nicolas Lemonnier a alors créé un groupe dédié, puis une association, pour embarquer le plus de monde dans son sillon de joggeur citoyen. Aujourd’hui, l’initiative est présente dans cent trois États et rassemble plus de vingt mille membres. Comme Audrey Rousseau, une jeune Nantaise : « Grâce au plogging, on passe de râleur passif à actif. » Ses paroles font écho à celles de Nicolas Lemonnier : « Derrière la simplicité du geste, il y a du sens. Cela m’a ainsi permis de prendre conscience de l’état de la planète et de réduire, pas à pas, mon impact. Par exemple, dans mon cabinet d’ostéopathe, j’utilise désormais une housse d’examen lavable. Avec ma femme, nous compostons nos déchets organiques. Nous allons
e n ch iffres Fa n ny Co s t e s
Crème solaire bio AUTONOMIE
QUELLE COMPOSITION ?
J ust in e L e J o n c o u r
SÉLECTION 30 % CULTURELLE
Si agréables qu’ils soient, les rayons du soleil attaquent notre peau. L’application d’une crème solaire est donc hautement recommandée. Pour choisir la meilleure, les indices de protection constituent un premier filtre. Et pour éviter les allergies et limiter l’impact sur l’environnement, les émulsions bio sont conseillées.
Au moins
Au moins
10 %
d’eau et/ou d’eau florale
d’huile végétale
Au moins
Environ
de filtres UV minéraux
d’agents émulsifiants ou gélifiants
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5%
Moins de
2%
• Moins de 1 % de conservateurs • Moins de 1 % de parfum • Plus de 1 % d’agents solvants et/ou hydratants
d’alcool
CE QUI EST BIO DANS VOTRE CRÈME : • Des huiles végétales, comme l’huile de prune ou l’huile de sésame • Des agents solvants et/ou hydratants, comme la glycérine végétale • Des parfums, comme la fleur de monoï ou la vanille • Des eaux florales, Au moins 90 % comme l’eau de rose des ingrédients doivent • Des extraits végétaux être d’origine naturelle, riches en vitamines, dont plus de 10 % issus comme l’aloe vera de l’agriculture biologique.
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• De silicone • De parabènes • D’ingrédients issus de la pétrochimie
Il existe 27 filtres UV autorisés en cosmétique, mais 2 seulement sont minéraux et autorisés dans la composition des crèmes solaires bio : le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc. L’eau, les sels, les minéraux ou filtres UV ne peuvent pas être certifiés biologiques, car non issus de l’agriculture.
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NOS bonnes adresses Pascal Greboval
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BONNES ADRESSES LE SANCY Vous avez lu le dossier et vous avez envie de marcher ? Rien de mieux qu’un séjour dans le massif du Sancy et le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne ! Les balades sont accessibles, l’air est sain et l’authenticité au rendez-vous.
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GÎTE LE BONHEUR DANS LE PRÉ Hameau de Fontsalive - 63210 Vernines www.gitelebonheur.fr « Il est où le bonheur ? » Chez Paul ! Avec sa vue à 180 degrés sur le puy de Dôme et la chaîne des Puys, son bien nommé gîte Le Bonheur dans le pré vous invite à vous délester de votre sac de soucis. Outre sa vue, le gîte est réalisé selon les principes bioclimatiques avec des matériaux biosourcés, et chauffé au bois, ce qui permet de s’y sentir bien dès l’arrivée. Il peut être loué en groupe ou en chambre individuelle. Mais l’intérêt majeur de venir chez Paul est de pouvoir conjuguer marche et qi gong. Accompagnateur de montagne, Paul vous fera découvrir le massif lors de balades à la journée. Et pendant ou après ces randonnées, dans une salle spacieuse du gîte, vous pratiquerez le qi gong. Basée sur des principes de médecine traditionnelle chinoise, cette pratique permet de se détendre, de développer son équilibre, bref d’entretenir sa santé. Et si vous préférez pratiquer le qi gong ailleurs que sur les volcans, Paul propose quelques stages dans d’autres régions.
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cui sin e , E N M, OD E ZE R O D E CHET ! Linda Louis
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LA PASTÈQUE CUISINE
RECYCLONS SA PEAU ET SES GRAINES ! En cette période estivale, la pastèque tombe à point nommé pour nous désaltérer. Mais que faire de sa peau ? Au compost ? C’est la solution de facilité, alors qu’il existe des idées gourmandes pour la transformer. Quant aux graines, elles sont délicieuses grillées et légèrement salées.
AVEC LA CHAIR ROUGE TROP FARINEUSE Il arrive parfois que certaines pastèques soient farineuses et peu agréables au goût. Ne jetez surtout pas leur chair ! Réalisez un smoothie avec en ajoutant un peu de sucre (100 grammes pour 700 grammes de chair). Cette compote crue peut également être transformée en sorbet. Si vous n’avez pas de sorbetière, disposez-la dans une boîte hermétique et grattez la surface avec une fourchette toutes les deux heures jusqu’à ce que l’ensemble soit bien congelé. Vous obtiendrez un délicieux granité ! Ou plus simple, congelezla dans des moules pour esquimaux.
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AVEC LA PEAU Avant de cuisiner la peau de pastèque, il convient de retirer avec un économe la peau vert foncé, trop coriace et amère, puis la chair vert clair, pour laisser apparaître la chair blanche qui est comestible. Si celle-ci est bien tendre, vous pouvez la consommer crue ou l’émincer très finement et la saler pour l’attendrir, comme vous le feriez avec un concombre. Si elle est trop dure, ébouillantez-la deux minutes dans une casserole d’eau bouillante salée. ON PEUT RÉALISER : - une salade à la crème : émincez la chair finement comme pour un concombre ; placez-la dans une passoire, ajoutez un voile de sel et laissez égoutter pendant une heure ; disposez-la dans un saladier, ajoutez 2/3 de crème soja pour 1/3 de vinaigrette, une échalote hachée et du poivre noir ; pour une version asiatique, réalisez une sauce composée de 1 c. à s. de miel, 1 c. à s. de sauce soja, 2 c. à s. d’huile de sésame, 2 c. à s. de vinaigre de riz, 1/2 c. à c. de piment rouge et ajoutez quelques bâtonnets de pastèque rouge ; - un gaspacho : mixez la chair avec des tomates fraîches pelées, un poivron rouge, une gousse d’ail pelée, du sel de céleri et du poivre ; - une confiture : coupez la chair en petits cubes. Pesez-la et ajoutez le même poids de sucre, le zeste et le jus d’un citron (pour 500 grammes de chair), le zeste et le jus d’une orange (pour 500 grammes de chair), un pouce (20 grammes) de gingembre râpé.
cui sin e
, CET INGRE DIENT BIO, J'EN FAIS QUOI ? Li n d a L o u i s
LA PURÉE D’AMANDE CUISINE AUTONOMIE
UN SAVOUREUX SUBSTITUT AU BEURRE OU À LA CRÈME
C’est un produit phare des rayons bio que l’on est tenté d’acheter, mais que l’on ne sait pas toujours bien utiliser. Son prix, relativement élevé, peut interpeller, mais ramené au prix d’une tablette de beurre et à ses nombreux bienfaits nutritionnels, sautons le pas et régalons-nous !
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RENDEZ-VOUS L’A GEN DA J UIL L E T-A OÛ T 20 19 JUILLET 20 juin au 16 juillet / Oise (60) Festival des Forêts : 27e édition Sur quinze sites des forêts de Compiègne et de Laigue, le Festival des Forêts propose un bain de nature musical à travers des concerts de musique classique et des randonnées musicales. www.festivaldesforets.fr 5 au 7 juillet / Lyon (69) Dialogues en humanité : 19e édition Festival citoyen sous les arbres, gratuit et ouvert à tous, pour se faire du bien Thème : Racontons-nous Demain… Plus de cent cinquante ateliers et trois parcours proposés : « Tous responsables des droits de chacun », « Demain tous nomades, demain tous migrants » et « Inventer demain en interrogeant les récits qui façonnent nos vies ». Parc de la Tête d’Or et Vieux-Lyon 69006 Lyon www.dialoguesenhumanite.org 6 au 13 juillet / Ferme du Plessis (28) Experience Week : 9e édition Le Centre Amma-Ferme du Plessis organise une semaine pour découvrir en profondeur la vie en communauté écologique. Cette expérience est particulièrement destinée aux personnes qui envisagent de créer ou de rejoindre une oasis. 28190 Pontgouin https://www.etw-france.org/ experience-week-2019/
la ferme en nous aidant dans nos activités paysannes quotidiennes. 26400 La Roche-sur-Grâne www.lesamanins.com 15 au 19 juillet / Argentonnay (79) 5 au 9 août / Canté (09) Stage : Cheminons vers l’autonomie Organisé par Terre & Humanisme Vous rêvez d’une vie de famille plus autonome ? Venez découvrir comment reconquérir votre liberté tout en diminuant votre impact sur la planète. Un choix à la fois politique et économique avec, à la clé, une bonne dose d’épanouissement personnel. Association On loge à pied 79150 Argentonnay Ferme de la Fustière 09700 Canté www.formation.terre-humanisme.org
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31 juillet au 11 août / Kingersheim (68) Camp Climat 2019 Coorganisé par Alternatiba, Les Amis de la Terre et ANV-COP21 Formation aux mobilisations non violentes pour relever le défi climatique – de la stratégie de campagne à la fabrication de banderoles –, le tout avec un fonctionnement en autogestion, le compostage de la grande majorité des déchets générés, de l’électricité 100 % renouvelable fournie par Enercoop, des repas végétariens à base de produits locaux… et des activités de détente, de la musique, des projections de films, soirées et concerts, pour un été engagé en toute convivialité ! 68260 Kingersheim www.campclimat.eu
J U I L L E T- AO Û T 7 juillet au 29 août / Les Amanins (26) Séjours d’été Vivre ses vacances autrement… En famille, en solo ou entre amis, venez partager des moments de détente respectueux de l’homme et de la terre. Vivez au rythme des Amanins sur plusieurs jours et participez au travail de
AO Û T 4 au 10 août / Val-Maravel (26) Stage immersion nature familles Animé par Éric Julien, Michel Racine, Muriel Fifils, Othello Ravez Un séjour pour se retrouver en famille au cœur de la nature, la nature au cœur…
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Une expérience à vivre ensemble, car la nature peut (re)devenir un acteur à part entière de nos vies, interférant dans nos relations, dans nos manières d’être et agir. Des explorations, des activités menées dans une démarche globale de relance autour du vivant. Site de La Comtesse, Haut-Diois (Drôme) www.ecolenaturesavoirs.com 18 au 22 août / Devesset (07) Festival Danse du Mouvement de La Vie : 1re édition Thème : Soyons le changement Sessions de découverte de la DMLV avec Armelle Six, sa fondatrice, et quinze facilitateurs : « une invitation à se reconnecter à ses valeurs profondes et à ses rêves enfouis, afin d’oser devenir la personne magnifique que nous sommes, vivre une vie emplie de sens et contribuer à un monde meilleur ». Également au programme : concerts et conférences. Le Village du Lac 07320 Devesset https://www.weezevent.com/ festival-danse-du-mouvment-de-la-vie
À VENIR KAIZEN PRÉSENT ET PARTENAIRE 13 au 15 septembre / Obernai (67) Biobernai : 16e édition Le salon de l’agriculture biologique en Alsace Thème : Où est l’essentiel ? www.biobernai.com KAIZEN PARTENAIRE 20 au 22 septembre / Montpellier (34) Festival pour L’école de la Vie : 5e édition L’événement de la rentrée des classes pour découvrir le meilleur des innovations pédagogiques ! Conférences, ateliers, projections, exposants, restauration, concerts. Château de Flaugergues www.festival-ecole-de-la-vie.fr KAIZEN - N° 45 - JUILLET & AOÛT 20 19
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