OASIS
1
UN NOUVEAU MODE DE VIE AUTONOMIE, PARTAGE et CONVIVIALITÉ 100 LIEUX DANS TOUTE LA FRANCE PRÉFACE DE PIERRE RABHI
Éditeurs Mouvement Colibris & SARL EKO LIBRIS Sièges sociaux Colibri - 18-20 rue Euryale Dehaynin 75019 Paris Ekolibris - 19 rue Martel 75010 Paris Contacts Kaizen www.kaizen-magazine.com Tél. 01 56 03 54 71 Colibris www.colibris-lemouvement.org Tél. 01 42 15 50 17 Numéro spécial Oasis 2e édition Avril 2019 Couverture imprimée sur papier recyclé blanchi sans chlore Intérieur imprimé sur papier certifié PEFC Directeur de la publication Patrick Baldassari Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaires de rédaction Delphine Dias Emmanuelle Painvin Diane Routex Journaliste multimédia Maëlys Vésir Abonnements et commandes Camille Gaudy abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 01 56 03 54 71 (de 14 h à 18 h) 19, rue Martel - 75010 Paris Attachée commerciale Cyrielle Bulgheroni Direction artistique, maquette et mise en pages • www.hobo.paris hobo.paris - hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture © Ed Carr Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au n° pour les diffuseurs Groupe HOMMELL • Tél. 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peut être reproduit-e sans l’autorisation du magazine. Merci.
3
ÉDITO Autonomie, partage, convivialité… Ces trois valeurs nous appellent à inventer un nouveau mode de vie, porteur de sens. À la suite de l’intuition de Pierre Rabhi, le mouvement Colibris développe le projet Oasis pour répondre à cet appel et encourager l’émergence de lieux de vie écologiques et participatifs. Il y a l’échelle individuelle des actions – celle des « bons gestes quotidiens » – et l’échelle nationale ou internationale – celle où les règles du jeu changent. Avec le projet Oasis, Colibris propose d’activer le potentiel immense d’une autre échelle : celle des actions collectives locales, de son quartier, son immeuble, son hameau… C’est le grand défi de notre société : le « faire ensemble ». Une aventure humaine semée d’embûches qui s’appuie sur la nécessaire transformation personnelle de chacune et chacun d’entre nous. Dans ce numéro spécial de Kaizen, nous vous présentons cent initiatives passionnantes, aux quatre coins de la France, en ville comme à la campagne. C’est le choix de la diversité et de l’abondance. Il y a sans doute une oasis près de chez vous. Chacun peut s’en inspirer pour se ressourcer, apprendre, inventer son lieu de vie, concrétiser son projet. Et nous pourrons, ensemble, créer cent oasis de plus dans les cinq ans à venir. Ces initiatives citoyennes sont une forme de politique et nous avons le pouvoir de montrer qu’un nouveau mode de vie écologique et participatif est possible ! Bon chemin à tous ! Mathieu Labonne, directeur de Colibris
Origine du papier : pages intérieures : Belgique ; encart : Allemagne ; couverture : Pays-Bas. Taux de fibres recyclées : 0 %. Ce magazine est imprimé sur un papier issu de forets gérées durablement. Eutrophisation : Ptot = 0,018 Kg/t. Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement.
3
4
ELLES-ILS ONT ÉCRIT, DESSINÉ ET PHOTOGRAPHIÉ POUR CE HORS-SÉRIE Nord-est
Philippe Bohlinger Journaliste indépendant à Nancy, membre du collectif de pigistes C’est l’Est, j’enseigne aussi le judo aux enfants : hajime ! Alors le terme japonais Kaizen me parle. Pour moi, un tatami est un formidable terrain de jeu pour cultiver le « changement bon », transmettre des valeurs et aller à la rencontre de l’autre.
Sud-est
Xavier Crépin Chargé de communication, rédacteur, ex-salarié et néo-indépendant, j’ai choisi Grenoble comme camp de base et poste d’observation. Mes sujets de prédilection sont l’architecture et l’urbanisme, la montagne, les sports de glisse, le vélo et tou-tes celles-ceux qui ont aussi choisi de faire un pas de côté... Christine Kristof Accompagnatrice de voyage et reporter durant une quinzaine d’années aux quatre coins de la planète, je m’engage – plume et appareil photo –, à son service. Membre des JNE (Journalistesécrivains pour la nature et l’écologie), je consacre mon travail aux questions écologiques et, plus précisément, depuis 2004, à la zone de jonction entre écologie et spiritualité. Je dirige depuis peu la revue Présence pour le Forum104. Couverture : ©Ed Carr ; p. 22-23 : © Philippe Bohlinger / © Éléonore Henry de Frahan / © Pascal Greboval ; p. 24-29 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 30-32 : © DR ; p. 33 : © DR ; p. 34-35 : © DR ; p. 36-37 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 38-39 : © DR ; p. 40 : © DR ; p. 41 : © DR ; p. 42 : ©Pascal Greboval ; p. 43 : © Pascal Greboval / © Philippe Bohlinger ; p. 44-45 : © Philippe Bohlinger ; p. 46-47 : © DR ; p. 50-51 : © Éléonore Henry de Frahan / © Pascal Greboval / © Christine Kristof ; p. 52-57 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 58 : © DR ; p. 59 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 60 :
CRÉDITS PHOTOS
Sud-ouest
Carole Testa C’est mon attirance pour l’habitat partagé qui m’a donné envie de travailler sur ce sujet pour Kaizen et Colibris. Par conviction écologique, mais surtout parce que l’humain me passionne. J’ai cherché à comprendre comment il fonctionne, seul et en groupe, avec ses richesses et ses contradictions, afin de mieux communiquer et mieux cohabiter. Florent Lamontagne pour l’écohameau de Verfeil-sur-Seye
Nord-ouest
Nolwenn Weiler Journaliste depuis une dizaine d’années, j’aime raconter aux lecteurs-trices de belles histoires de rêves devenus réalité, notamment en écoconstruction, dans les pages de La Maison écologique. Je me frotte aussi à de plus âpres sujets, sur les risques au travail ou les violences faites aux femmes. Je collabore à divers titres et fais partie de la rédaction de bastamag.net. Audrey Guiller Journaliste pour la presse écrite à Rennes, je travaille sur des sujets sociaux et familiaux. J’aime écrire sur les gens, leur façon de vivre et d’inventer, en France ou à l’étranger. J’anime aussi la rédaction du premier magazine féminin rédigé par des détenues en longues peines. © DR ; p. 61 : © Christine Kristof ; p. 62-63 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 64-65 : © Patrick Lazic ; p. 66 : © Christine Kristof ; p. 67 : © Patrick Lazic ; p. 68 : © Christine Kristof ; p. 69 : © Pascal Greboval ; p. 70-71 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 72-73 : © Christine Kristof ; p. 74 : © O. Mahdi – Terre vivante ; p. 75 : © DR ; p. 78-79 : © Anne-Sophie Mauffré / © Pascal Greboval ; p. 80-85 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 86 : © Anne-Sophie Mauffré ; p. 87 : © Pascal Greboval ; p. 88-89 : © DR ; p. 90-91 : © Tera ; p. 92-93 : © Anne-Sophie Mauffré ; p. 94 : © Pascal Greboval ; p. 95 : © DR ; p. 96 : © Carole Testa ; p. 97 :
4
Dessins
Cécilia Pepper Je suis née à Paris en 1987. Je commence à dessiner deux ou trois ans plus tard. Après un diplôme de sculpture à l’école Olivier de Serres, je suis partie en Norvège poursuivre mes études en cinéma d’animation. En attendant un nouveau séjour en Scandinavie, je vis à présent à Angoulême où je travaille pour des studios d’animation et comme illustratrice indépendante.
Photos
Éléonore Henry de Frahan Photographe humaniste, je tente de témoigner au plus proche de l’être humain et de son rapport au monde, en privilégiant toujours les rencontres avec celles et ceux qui expérimentent de nouvelles voies pour un monde plus humain et plus respectueux de la nature. Des aventures que je partage depuis dix ans avec le collectif Argos (rédacteurs et photographes associés). www.collectifargos.com
© DR ; p. 98-99 : © Florent Lamontagne ; p. 100-101 : © Carole Testa ; p. 102-103 : © DR ; p. 106-107 : © Pascal Greboval / © Éléonore Henry de Frahan / © Christine Kristof ; p. 108-113 : © Éléonore Henry de Frahan ; p. 114 : © DR ; p. 115 : © DR ; p. 116 : © DR ; p. 117 : © Sylvaine Alnot ; p. 118-119 : © DR ; p. 120121 : ©Éléonore Henry de Frahan ; p. 122 : © Pascal Greboval ; p. 123 : © DR ; p. 124 : © Christine Kristof ; p. 125 : © Nicolas Filloque ; p. 126-127 : © Laurent Jeauneau ; p. 128-129 : © Nolwenn Weiler ; p. 130 : © BRUDED ; p. 131 : © Bruno Foucal ; p. 134 : © Patrick Lazic ; p. 137 : © Christine Kristof
6
PRÉFACE DE PIERRE RABHI Propos retranscrits par Claire Eggermont
Tchouang-Tseu (ive s. av. J.-C.), dissertait déjà sur la question de la densité idéale des êtres humains, sous-entendue une convivialité positive pour éviter les conflits préjudiciables à la cohésion et à la cohérence de la communauté. Nul ne peut aujourd’hui ignorer que la prospérité du monde occidental s’est bâtie sur le pillage de la planète et des peuples du Sud, avec la complicité cupide des États censés les protéger. Une minorité accapare les quatre cinquièmes des ressources du patrimoine du genre humain. Tous ces déséquilibres actuels et les menaces qu’ils représentent pour l’avenir de l’espèce humaine sont révélés et exacerbés. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les leçons tirées de la récession actuelle puissent nourrir l’imagination d’une société nouvelle. Il est à noter que cette récession est loin d’affecter l’infime minorité à l’extrême pointe de la pyramide sociale, celle de l’avoir et du pouvoir. Les oasis préparent le futur L’ethnologie nous apprend que l’être humain a, par nature, un caractère clanique. De tout temps, les individus se sont réunis pour vivre en collectivité. Chaque corps social assurait son autonomie et veillait à ne pas outrepasser les limites dictées par la capacité du milieu à subvenir à ses besoins vitaux et par la nature humaine qui savait d’instinct qu’au-delà d’un certain seuil de densité, la cohésion du groupe était menacée. Quand le clan devenait trop important, une partie de ses membres essaimait, comme le font les abeilles. En tant que membre et cellule du groupe social, chaque individu avait une fonction précise et reconnue. Dans La République, Platon réfléchissait déjà à la cité idéale et affirmait qu’elle se devait d’être limitée, afin de maintenir l’harmonie avec le milieu, tout autant que l’harmonie du groupe. Il semble qu’un philosophe chinois,
En 1995, insurgé contre la civilisation hors-sol, sa dissipation des ressources naturelles et son aliénation de l’être humain, j’ai lancé le mouvement des Oasis en tous lieux, afin d’encourager la création de lieux de vie solidaires et écologiques. Depuis, la problématique n’a fait que s’accentuer. Notre société a érigé un système fragmenté, individualiste et générateur de dépendance, dans lequel ceux qui n’ont pas de moyens sont oblitérés socialement. Ils tombent alors dans l’indigence et sont pris en charge par des institutions, qui sont loin de pouvoir pallier le déficit d’une véritable solidarité sensible. Au sein de cette société déshumanisée, on peut se sentir aussi bien étranger dans sa propre famille que seul au milieu de la densité urbaine. Les individus se retrouvent agglomérés sans être en lien.
6
11 17
7
24 23 76 94
84 90
10
6 4
8
21
85
99
8 5 20
16
9
97
18 13
25
1
88
91 96 77 89 100 95 92 82 98 87 86 80
3 2 83
78
93
22 15
11 81
12
14 19
79
47
52
73
64
55
26
75 56 61
43
54
39 40
66
31
69 28 72 56 71
67
74
68 70 63 62 53 57
33
51 58
29 38
45
50
36
35 27 44 32
30
42 48
49 37 46
41 34
65 59
25 oasis du sud-ouest • p. 78
25 oasis du nord-ouest • p. 106
51 Écohameau d’Andral • p. 80
76 Les Z’écobâtisseurs • p. 108
52 Village des Pruniers / 53 Village de Pourgues • p. 86
77 La Maison autonome / 78 Les Voisins Terre Pelle • p. 114
54 La Ressourcerie du Pont / 55 Moulin de Busseix • p. 87
79 Espace Totem / 80 Les Petits Moulins • p. 115
56 Ferme Légère / 57 Abbaye Saint-Benoît
81 La Tour d’Auzay / 82 Le Clos d’Émile • p. 116 83 Bâtisseur d’horizons / 84 La Pâture des Chênes • p. 117
d’En Calcat • p. 88 58 Cantercel / 59 Prieuré de Marcevol • p. 89
85 Écohameau du Plessis, Centre Amma,
60 Tera • p. 90
Maison seniors du Plessis • p.118
61 La Servantie • p. 92
86 Troglobal • p. 120
62 Mange-pommes / 63 L’Ouvert du Canal • p. 94
87 Babel Ouest / 88 La Grée • p. 122
64 Écoquartier du Four à pain / 65 Sainte-Camelle • p. 95
89 L’Arbre de vie / 90 Le Bois du Barde • p. 123
66 La Maison des aînés / 67 Écolectif • p. 96
91 La Coudraie / 92 Monastère Sainte-Présence • p. 124
68 Abricoop / 69 Jeanot • p. 97
93 La Gibbeuse / 94 Ékoumène • p. 125
70 Écohameau de Verfeil-sur-Seye • p. 98
95 Oasis des 7 cercles • p. 126
71 Village Emmaüs Lescar-Pau • p. 100
96 Le Pré aux graines • p. 128
72 La Ferme du Colibri / 73 H’Nord • p. 102
97 La Pelousière / 98 Les Prés • p. 130
74 Hameau de Vispens / 75 Hameau Les Âges • p. 103
99 La Petite Maison /
11
100
Habitat différent • p. 131
10
SOMMAIRE Édito • p. 3 Présentation des auteurs • p. 4 Préface de Pierre Rabhi • p. 6 Oasis en quelques mots • p. 12 Lexique • p. 13 Vivre en oasis, c’est mieux et moins cher • p. 14 Les formes juridiques • p. 16 Comment les maires peuvent-ils soutenir la création d’oasis ? • p. 18 25 oasis du nord-est • p. 22
Gouvernance : des outils pour garder l’équilibre • p. 48 25 oasis du sud-est • p. 50 Le financement, la clef de tout projet • p. 76 25 oasis du sud-ouest • p. 78 Relations avec l’extérieur : loin du camp retranché, un groupe ouvert, actif et accueillant • p. 104 25 oasis du nord-ouest • p. 106 Succession : réfléchir aux départs et aux arrivées • p. 132 Ressources • p. 134
25 oasis du sud-est • p. 50
25 oasis du nord-est • p. 22 1 Écolline • p. 24
26 Le Village vertical • p. 52
2 Mosaïk / 3 Vergers vivants • p. 30
27 Habiterre / 28 Changement de Cap • p. 58
4 La Maison des Babayagas / 5 Greenobyl • p. 31
29 Geckologis / 30 Institut Karma Ling • p. 59
6 Couleur d’orange / 7 L’Air des Pichoulis • p. 32
31 Le Vieil Audon / 32 Oasis de Serendip • p. 60
8 Campus de la Transition / 9 La Lendemaine • p. 33
33 Espace de La Source / 34 Fontaine de l’Aube • p. 61
10 Le Lavoir du Buisson Saint-Louis • p. 34
35 L’Arche de Saint-Antoine • p. 62
11 Taizé • p. 36
36 Le Hameau des Buis • p. 64
12 La ferme de Chenèvre / 13 Corps de ferme
37 Bellecombe / 38 Mascobado • p. 66 39 Foyer Marie-Jean / 40 Les Amanins • p. 67
et bon voisinage • p. 38 14 La Veuglotte / 15 À Ciel Ouvert • p. 39
41 Monastère de Solan / 42 Tilia & Compagnie • p. 68
16 Le château des Avettes / 17 Anagram • p. 40
43 La Ferme des Fromentaux / 44 École de la Nature
18 Langenberg / 19 Ferme de la Chaux • p. 41
et des Savoirs • p. 69
20 Écologis Strasbourg Neudorf • p. 42
45 Le Château partagé • p. 70
21 Arbracoop • p. 44
46 Éourres • p. 72
22 L’Îlot des Combes / 23 Boult-aux-Bois • p. 46
47 Terre vivante / 48 Les Colibres • p. 74
24 Pré aux fleurs / 25 Le 56 • p. 47
49 Écoravie / 50 Les Pierrots de Colombine • p. 75
10
OASIS EN QUELQUES MOTS
12
Les critères qui définissent une oasis :
Dans un système qui prive les communautés humaines du pouvoir de subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens, se trouvent des lieux qui vont dans le sens d’une autonomie retrouvée et qui portent des valeurs communes en matière d’agriculture, d’énergie, de gouvernance, de coopération et d’ouverture sur le monde. Ce sont des oasis, des endroits où chacun peut trouver la réponse à ses propres besoins et, plus largement, contribuer à répondre à ceux de son territoire. Une oasis peut se situer en milieu rural ou urbain : écohabitat partagé, écohameau, écoquartier, écovillage, commune engagée dans une transition, monastère ayant une démarche écologique…
Dans sa forme la plus aboutie, une oasis se construit autour de cinq principes fondamentaux, qui peuvent être davantage des intentions que des réalisations abouties. Agriculture et autonomie alimentaire L’agriculture vivrière de proximité permet de tendre vers l’autonomie alimentaire de manière écologique par l’intégration harmonieuse de l’activité agricole à l’environnement. Il est nécessaire qu’une oasis développe des actions spécifiques pour produire une partie de sa nourriture de façon écologique : potager biologique partagé au sein de l’oasis, installation d’un producteur sur ses terres, relation directe et soutenue avec un producteur local pour l’approvisionnement de la majeure partie des aliments…
On distingue quatre types d’oasis :
Écoconstruction et sobriété énergétique Nos habitats et le confort de nos modes de vie ont un coût important en énergie et en eau. Les matériaux de construction sont souvent toxiques et nécessitent une énergie grise considérable. Une oasis cherche à diminuer l’empreinte de son habitat par la création de lieux de vie en harmonie avec le paysage, pensés pour réduire la consommation en énergie non renouvelable et en eau (phytoépuration, énergies solaires ou éoliennes, collecte des eaux de pluie, conception bioclimatique…) et à utiliser des matériaux naturels.
• Dans les oasis de vie habitent plusieurs familles. Ce sont des lieux de vie où un collectif expérimente le vivre-ensemble. • Les oasis ressources sont des lieux tournés vers l’accueil qui incarnent les différentes dimensions d’une oasis, mais où n’habite qu’une famille au plus. • Les graines d’oasis aspirent à devenir des oasis ressources ou des oasis de vie. Ce sont des projets déjà lancés, mais qui, soit ne sont pas encore construits, soit n’incarnent pas encore assez les valeurs d’une oasis.
Mutualisation L’une des causes des problèmes de la société occidentale (surconsommation, exclusion, misère…) est l’individualisme qui s’est installé dans nos modes de vie. Une oasis reconnaît qu’un nouvel équilibre est à inventer qui intègre le besoin individuel d’intimité et de souveraineté mais aussi la coopération, la cohésion et la solidarité que permettent des espaces et services collectifs. Les oasis prônent « le faire et le vivre ensemble », notamment par la mise en commun de moyens, d’infrastructures d’accueil ou de partage.
• Les écosites sacrés sont des lieux ancrés dans une tradition spirituelle qui trouve dans les fondements de sa démarche les motivations pour incarner avec responsabilité les valeurs de l’écologie et d’un vivre-ensemble fraternel.
Une gouvernance respectueuse La gouvernance d’une oasis traduit l’envie de cheminer ensemble et de faire évoluer son lieu de vie. Elle doit faciliter des relations humaines bienveillantes et respecter les besoins du collectif comme la souveraineté de chacun.
Compagnons oasis Les compagnons oasis sont des professionnels indépendants, travaillant en réseau collaboratif, formés et conventionnés par Colibris. Leur mission est de faciliter l’éclosion et le développement d’oasis partout en France. Ils proposent des formules accessibles d’accompagnement bienveillant et compétent. Celles-ci permettent de faire un tour d’horizon des problèmes existant au sein du projet et de faire émerger des pistes pour mettre en place des solutions.
L’accueil et l’ouverture sur le monde La recherche d’autonomie d’une oasis ne doit pas être vue comme un repli sur soi. L’oasis doit être ouverte à celui qui cherche un lieu de ressourcement, dans une volonté de partage, de convivialité et de transmission. Une oasis propose des formes d’accueil et d’éducation (permanentes ou temporaires, visites, ateliers, participation à des réseaux…) pour faire bénéficier le reste de la société de son expérience. 12
LEXIQUE
13
La permaculture est une « science du design » qui s’appuie sur des principes qui gouvernent la nature. Elle est particulièrement utile pour concevoir en conscience l’aménagement écologique d’un lieu et maximiser la production de nourriture avec peu d’énergie.
Un écoquartier est un projet d’aménagement urbain écologique porté et géré par une commune qui le finance – tout ou partie. Il suit les principes du développement durable tout en s’adaptant aux caractéristiques de son territoire. Les écovillages, ou écohameaux, sont des lieux de vie en zone rurale qui favorisent l’agriculture biologique, la construction écologique, la production d’énergies renouvelables et une mutualisation des biens et des systèmes de production nécessaires à la vie du lieu.
L’agroécologie est une technique inspirée des lois de la nature. Elle considère que la pratique agricole doit envisager l’ensemble du milieu dans lequel elle s’inscrit avec une véritable écologie, et non pas se cantonner à une technique. La SCI ou société civile immobilière est un contrat par lequel plusieurs personnes mettent en commun un bien immobilier. Les biens dont la SCI est propriétaire ne sont pas la propriété des associés. Ceux-ci sont propriétaires de parts sociales.
Habitat groupé, habitat partagé, cohabitat, habitat participatif : voilà différentes terminologies qui regroupent peu ou prou un même concept. Deux critères le définissent : • un ensemble de bâtiments souvent hybrides – mi-maison mi-appartement – constitué de logements privatifs et de parties communes ; • une volonté collective de construire et de gérer le lieu.
La SCIA ou société civile immobilière d’attribution a pour vocation « l’acquisition ou la construction d’un ensemble immobilier, en vue de sa division par fractions, destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ». L’objet d’une telle société comprend également la gestion et l’entretien des immeubles jusqu’à la mise en place d’une organisation différente résultant de la dissolution de la SCIA. Cette dissolution intervient par un acte de partage, généralement lorsque la construction est achevée. Dès lors la SCI laisse place au statut de la copropriété.
Une ZAC ou zone d’aménagement concerté est une zone à l’intérieur de laquelle une entité publique réalise l’aménagement et l’équipement de terrains. Un primo-accédant est une personne qui réalise un premier achat immobilier ou qui n’a pas été propriétaire de sa résidence principale durant les deux dernières années.
La SAS, ou société par actions simplifiée, est une société commerciale offrant aux actionnaires une grande liberté d’organisation, définie par des statuts.
Le plan de masse est obligatoire afin d’obtenir un permis de construire. Il présente l’emplacement du projet de construction par rapport à son voisinage immédiat et indique les limites et l’orientation du terrain, l’implantation et la hauteur de la construction, le tracé des voies de desserte et des raccordements.
La S3C ou SCCC – société civile coopérative de construction – a pour objet la construction d’un ou plusieurs immeubles ou maisons en vue de leur division par lots et destinés à être vendus aux associés. Les logements sont vendus à moindre coût à leurs membres du fait de l’absence de marge bénéficiaire dans le montage financier.
L’architecture bioclimatique utilise les éléments favorables du climat du lieu d’implantation afin d’en tirer un habitat au confort optimal et au coût énergétique le plus réduit possible, dans le respect de l’environnement. L’objectif principal est de réguler la température ambiante de manière la plus naturelle possible. Le maître d’œuvre conçoit les plans, organise, supervise, coordonne les différentes personnes qui travaillent sur un projet. Il est choisi par le maître d’ouvrage, qui est une personne physique ou morale commanditaire du projet.
Une SCIC ou société coopérative d’intérêt collectif est une coopérative de participation qui prend la forme d’une société anonyme ou d’une SARL à but non lucratif. Elle associe obligatoirement autour d’un projet des salariés, des bénéficiaires – clients, usagers, riverains, fournisseurs, etc. – et des contributeurs – associations, collectivités, sociétés, bénévoles, etc. – pour produire des biens ou des services d’intérêt collectif au profit d’un territoire ou d’une filière d’activités.
Une HLM ou habitation à loyer modéré est destinée aux personnes physiques ayant des ressources modestes et est construite grâce à une aide financière de l’État.
Une Scop ou société coopérative et participative est une société de type SARL, SAS ou SA, dont les associés majoritaires sont les salariés. 13
14
VIVRE EN OASIS, C’EST MIEUX ET MOINS CHER Vivre en oasis, c’est mettre en commun des valeurs qui favorisent un vivre-ensemble harmonieux, c’est aussi un moyen de réduire son impact environnemental et ses besoins économiques. Décryptage.
L’habitat participatif, c’est 10 à 30 % moins cher 3 000
2 500
kgCO2e / personne
2 000
Coût de construction et marge des opérateurs :
Mutualisations : 1 500
1 000
500
0
10 %
Le prix du terrain :
Habitant d’une oasis
10 %
10 %
4,9 tCO 2e / an En moyenne d’économies d’économies des espaces sont partagés dans ou plus si l’on prend en charge ou plus si l’on négocie auprès de un cohabitat. Leur coût est les risques du promoteur, si l’on la ville un rabais sur le terrain réparti entre les voisins, ce qui se passe d’un commercialisateur ou l’immeuble en échange les rend économiques. ou si les cohabitants assurent d’un impact social une partie des travaux. ou environnemental positif. Français moyen Source : www.coab.fr Construction et Consommation Alimentation Autres biens de Transports Services Services non entretien des d'énergie des consommation indivualisables individualisables logements logements
Empreinte carbone d’un habitant d’une oasis 12 000
Français moyen
10,1 tCO2e / an
10,1 tCO2e / an
La tonne équivalent tCO2 (tCO 2e) représente les émissions de gaz à effet de serre (GES) de chaque poste étudié, ramenées à une équivalence en CO2.
Écoconstruction (choix technologique) -1,3 tCO2e / personne
kgCO2e / m2 SHON construit
10 000
8 000
6 000
4 000
Mutualisation (choix collectif) -1,0 tCO2e / personne
Habitant d’une oasis
Mode de vie sobre (choix individuel) -2,9 tCO2e / personne
2 000
0
Source : calculs réalisés sur le Hameau des des BuisBuis (50 (50 personnes) Source : calculs réalisés par Colibris et Carbone4 à partir du Hameau habitants). 3000
14 2500
4,9 tCO2e / an
16
LES FORMES JURIDIQUES En France, choisir le statut juridique pour créer un lieu de type habitat groupé est un processus complexe. La loi Alur votée en 2014 a pour vocation de faciliter les démarches juridiques. Néanmoins, trouver un notaire ou un juriste rodé à ces montages est un préalable important. Il existe différentes combinaisons possibles entre toutes les formes existantes, selon les besoins des groupes : limiter la spéculation, assurer le financement des espaces collectifs mutualisés… Petit tour d’horizon.
En revanche, il y a peu de mutualisation, sauf si les copropriétaires établissent un règlement en ce sens. • L’association syndicale libre (ASL), plus souple qu’une copropriété. Depuis quelques années, il est possible de cosigner un permis d’aménager et donc de ne pas créer de structure avant la phase de construction. L’ASL peut être créée au moment du permis d’aménager et gérer ensuite les travaux. • L’attribution en jouisssance, dans des sociétés non dissoutes : SCCC ou SAA. La société est propriétaire de l’ensemble immobilier : chaque foyer a la jouissance d’un lot qui lui est attribué par l’état descriptif de division ; les espaces communs sont en jouissance partagée. • La coopérative d’habitants relevant de la loi Alur.
Pour commencer : l’association loi 1901 Avant de passer à la phase de construction, la plupart des groupes en projet se constituent d’abord en association. Statut bien connu, dont l’objet est à but non lucratif, l’association peut servir les porteurs de projets comme point de départ. Un groupe peut s’appuyer sur ce statut pour agir en tant que personne morale. Outre l’acquisition des biens immobiliers nécessaires au fonctionnement, ce statut permet aussi à toute personne d’effectuer des apports avec droit de reprise. Un contrat d’apport associatif peut être signé entre chaque apporteur – membre de l’association – et l’association. Stipulé dans l’objet de l’association, il peut engager les premiers frais destinés à être remboursés. Il permet à chaque adhérent d’apporter les fonds nécessaires au préfinancement du projet – études juridiques et architecturales afférentes à sa réalisation, par exemple – tout en lui garantissant d’être remboursé ensuite par la structure créée pour porter l’opération immobilière. Il n’est pas souhaitable que l’achat du terrain soit fait par l’association.
La loi Alur permet à des personnes de s’associer pour concevoir ensemble leurs logements et des espaces communs et en assurer la gestion. Elle reconnaît deux types d’habitats participatifs : • Les coopératives d’habitants : les habitants – coopérateurs – sont à la fois collectivement propriétaires de la coopérative et locataires du logement qu’ils occupent au sein de la coopérative. Les coopératives d’habitants ne sont pas spéculatives : le coopérateur sortant récupère la valeur nominale de son apport et de son épargne, indexés à l’indice de référence des loyers, sans rapport avec le prix du marché. Cette disposition facilite l’accès aux nouveaux habitants, dans un souci de mixité sociale et de pérennisation du projet. La gouvernance repose sur le principe « une personne égale une voix ». • Les sociétés d’attribution et d’autopromotion (SAA) : selon le montage juridique choisi, la propriété est collective – attribution en jouissance – ou revient à chaque copropriétaire – attribution en propriété. Les modalités de gouvernance sont décidées par le groupe lors de la rédaction des statuts : gouvernance coopérative « une personne égale une voix », ou décisions au prorata des millièmes.
Pour construire : quatre modes juridiques • La copropriété, où chacun est propriétaire d’un lot correspondant à son logement et sa quote-part des parties communes : SCI, SCIA, SCCC dissoute ou SAA dissoute. Cette forme est peu coûteuse et simple. Elle permet de bien distinguer les parties privées des parties communes, de louer ou de vendre à son choix – au prix du marché.
Une fois les logements construits, la structure adoptée peut rester en place pour gérer l’habitat dans la durée ou le montage juridique peut évoluer, répondant ainsi mieux aux besoins des habitants. 16
18
COMMENT LES MAIRES PEUVENT-ILS SOUTENIR LA CRÉATION D’OASIS ? Propos recueillis par Licia Meysenq et Pascal Greboval
Trois maires qui ont accompagné l’établissement d’oasis sur leur commune donnent leurs clefs pour que les projets aboutissent. Jean-Noël Malan, maire de Olmet-et-Villecun, commune de 144 habitants, au sud de Lodève (Hérault) Comment avez-vous été sensibilisé à ce type d’habitat ? Lorsque j’ai été élu, en 2008, nous avons dû mettre en place un plan d’urbanisme [dans le cadre du règlement national d’urbanisme]. Or notre commune a une double particularité. Elle est composée de deux villages : l’un est classé Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et donc on ne peut pas construire à proximité, et l’autre est en glissement de terrain. Nous avons voté avec le conseil municipal la mise en place d’un plan local d’urbanisme (PLU) et, dans celui-ci, nous avons décidé de créer un nouveau hameau [l’Écohameau du Claux, lire page 66]. J’ai voulu que ce hameau soit surtout social, c’est-à-dire accessible aux petits budgets. Étant donné que nous sommes sensibles à l’écologie dans l’équipe, nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas faire un hameau vert, respectueux de l’environnement avec des matériaux locaux et accessible aux petits budgets ? » Comment avez-vous trouvé les citoyens ? Nous sommes proches de la Méditerranée, le terrain constructible est cher. Les jeunes du pays qui ont peu de moyens ne peuvent acheter ici, alors ils partent dans les banlieues. Nous voulions favoriser ces personnes-là, offrir aux locaux du terrain à bas coût dans notre commune. Cela s’est très vite su et il y a eu beaucoup de candidats.
18
22
NORD-EST 24 • Écolline 30 • Mosaïk / Vergers vivants 31 • La Maison des Babayagas / Greenobyl 32 • Couleur d’orange / L’Air des Pichoulis 33 • Campus de la Transition / La Lendemaine 34 • Le Lavoir du Buisson Saint-Louis 36 • Taizé 38 • La ferme de Chenèvre / Corps de ferme et bon voisinage 39 • La Veuglotte / À Ciel Ouvert 40 • Le château des Avettes / Anagram 41 • Langenberg / Ferme de la Chaux 42 • Écologis Strasbourg Neudorf 44 • Arbracoop 46 • L’Îlot des Combes / Boult-aux-Bois 47 • Pré aux fleurs / Le 56
22
NORDEST
24
OASIS DE VIE >> SAINT-DIÉ-DES-VOSGES (88) >> CRÉATION 2012 >> HABITANTS 18 >> CONTACT ecolline.over-blog.com
JOURS DE RESSOURCEMENT À ÉCOLLINE Après des années d’autoconstruction et de chantiers participatifs, les occupants de cet écohabitat goûtent au plaisir de leur nouvelle vie en communauté. À l’entrée d’Écolline, les places de stationnement du par‑ king collectif sont figurées par de petits cailloux blancs. En progressant sur le chemin d’accès piéton de cet étonnant écohabitat groupé perché sur les hauteurs de Saint‑Dié‑des‑Vosges, on voit émerger les panneaux solaires et les bardages non traités. Les dix maisons basse consommation de ce projet lancé en 2008 sont sorties de terre en 2012. Toutes sont occupées, à l’exception de deux dans l’attente de finitions : végétalisation des toitures, enduits, etc. Elles sont aménagées en deux « groupes » avec chacune leur jardin privatif : à une première bande de six maisons mitoyennes et un local technique s’ajoute une seconde bande de quatre maisons un peu plus en hauteur. Un enrochement d’imposants blocs de grès rose, une roche emblématique des Vosges, a été édifié en bordure du che‑ min. Il retient le talus d’une placette qui assure une conti‑ nuité entre les deux groupes de logements. Nous rencontrons Christophe, dit Tof, Stéphanie, Florence et Bernadette dans la maison ronde autoconstruite par Anne Burgeot, cheville ouvrière de ce projet et l’une des premières occupantes des lieux. Cette femme passionnée et énergique a également bâti la maison de sa sœur han‑ dicapée, Catherine, mitoyenne à la sienne. Autour de la table, les Écolliniens évoquent leur besoin de « se poser » après des années intenses de chantier. Copropriété de 1,5 hectare Mais ils parlent aussi de leur désir d’avancer sur l’aména‑ gement des espaces extérieurs qui portent encore les traces des années de travaux : mini‑pelleteuse, véhicule utilitaire et blocs de pierre à l’entrée du site, serres de stockage de matériaux derrière les maisons, etc. Pas évident lorsqu’on sait que les parties communes repré‑ sentent les deux tiers de la surface de cette copropriété de 1,5 hectare. Enherbé et bordé d’arbres, ce vaste espace 24
NORDEST
27
OASIS DE VIE >> ÉCOLLINE
L’espace extérieur collectif va faire l’objet dans les prochaines années d’un aménagement en permaculture.
tifs qui ont rythmé les premières années de vie à Écolline se sont également ralentis, laissant place à une phase d’accalmie. « Cela fait drôle de ne plus observer cette dyna‑ mique‑là », commente Tof, un brin nostalgique. « C’était des moments de créativité, de bienveillance et d’ouverture de cœur », insiste Bernadette. Plusieurs bénévoles ont eu un déclic, les confortant ou les dissuadant d’entamer un projet en autoconstruction. Cette dynamique collective s’est poursuivie à travers deux stages de permaculture : un pre‑ mier stage d’initiation de deux jours suivi par un stage d’approfondissement de treize jours qui a réuni vingt personnes. Pleinement engagés dans les associations locales, les occu‑ pants désirent se recentrer sur leur petite communauté. Formée à la Communication NonViolente – elle préfère parler de communication « bienveillante » –, Stéphanie a mis en place des « causeries », une fois par mois, pour susciter des rencontres où l’on parle de tout, sauf du chan‑ tier. Florence explique : « Nos vies ont beaucoup changé. Il y a eu des événements familiaux, professionnels, de santé. Une personne, c’est un tout. Le fait de parler de soi peut aider les autres habitants à comprendre nos envies, nos besoins. » Les outils de la Communication NonViolente et de la sociocratie amenés par Stéphanie, mais aussi Michèle, ont permis de faire fonctionner le groupe, de résoudre les conflits sans avoir recours à une médiation extérieure. En effet, des décalages ont pu apparaître entre les occu‑
BOIS, PAILLE ET TERRE 100 % LOCAUX Principaux constituants des ossatures bois et des bardages, le pin et le douglas ont été prélevés dans les forêts voisines. De même, la paille nécessaire à l’isolation des murs extérieurs provient de Meuse et de Champagne-Ardenne. La terre argileuse présente sur le site a permis de réaliser les enduits muraux, la végétalisation des toitures et l’aménagement de murs en terre banchée qui séparent les habitations. L’eau chaude sanitaire et le chauffage proviennent de la chaufferie au bois collective qui est alimentée à tour de rôle en bois locaux – 20 stères par an – par les Écolliniens. Elle est installée aux côtés d’un ballon de 2 000 litres et de la VMC double flux dans un local technique situé à l’extrémité de la première bande de maisons. L’eau du ballon est préchauffée grâce à une ressource inépuisable : l’énergie solaire, captée par les panneaux thermiques. Pour leur électricité, les Écolliniens ont choisi la coopérative Énercoop avec un abonnement de 24 kW. Pour profiter de l’énergie naturelle, les maisons ont été orientées sud-sud-est, selon les principes de l’architecture bioclimatique, avec en façade nord des surfaces vitrées réduites en triple vitrage et, au sud, des surfaces vitrées équipées d’un double vitrage. Au final, si les températures oscillent entre -10 °C l’hiver et 30 °C l’été, les besoins en bois pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire se limitent à ceux d’une grosse maison individuelle non isolée.
27
NORDEST
29
OASIS DE VIE >> ÉCOLLINE
TROIS QUESTIONS À FLORENCE, PIONNIÈRE D’ÉCOLLINE, APRÈS DIX ANS D’EXPÉRIENCE « C’est enrichissant, de se confronter à l’altérité.. » Comment avez-vous intégré Écolline ? Je fais partie des pionnières. J’étais institutrice à l’époque et j’ai trouvé dans une école un flyer pour une soirée sur le mouvement des Castors durant laquelle un intervenant devait parler des maisons en paille. Comme le sujet nous intéressait, avec mon compagnon, nous y sommes allés. À la fin de la soirée, l’intervenant, Vincent Pierré (qui deviendra le thermi‑ cien du projet), nous a parlé d’un futur habitat groupé dans les Vosges et qu’une visite aurait lieu le samedi suivant. Nous y sommes allés et j’ai eu un coup de foudre pour le terrain : une prairie avec deux chevaux, à l’époque. À la fin de la réu‑ nion, Anne Burgeot (autre fondatrice du lieu) et moi, on a demandé « qui est prêt à mettre combien dans le projet ? » et on a fait une fiche avec les numéros de téléphone et les adresses des uns et des autres. Ce n’est pas un groupe qui s’est formé, puis a cherché un terrain ; c’est un terrain qui a formé un groupe !
Titouan 2 ans suit l’exemple de sa mère, Florence, il construit sa maison.
L’autoconstruction est dans l’ADN d’Écolline. Comment avezvous vécu ce chantier ? Moi, j’aime bien bricoler, mon compagnon, encore plus. Il avait déjà construit la maison de ses parents avec ses frères quand il était plus jeune. Et nous avions suivi un stage avec Botmobil, pour la construction en paille. Le plus dur, ça a été le début parce que je savais faire des choses, mais j’avais l’impression de ne pas avoir ma place par rapport à mon compagnon. Mais quand on est passés à la phase « enduit », on ne travaillait pas forcément sur les mêmes choses au même moment et ça a été beaucoup plus facile, j’ai coaché des chantiers avec des bénévoles toute seule, c’était beau‑ coup plus fluide. Nous avons mis en place beaucoup de chantiers participatifs. En fait, ce fut un travail de titan.
lancer dans l’autoconstruction de sept maisons en même temps avec des savoir‑faire différents, avec des personnes d’horizons différents, c’est aussi une sacrée aventure humaine. On a toujours essayé de faire en sorte que les décisions soient prises en essayant de contenter le plus de monde possible. Raison pour laquelle nous n’avons jamais fait de vote à la majorité ! Mais il y a deux ans, on a eu besoin d’évoluer et on a fait intervenir des gens de l’Université du Nous pour nous coacher, nous apprendre autre chose. En interne, on avait des personnes qui s’y connaissaient en CNV (communication non violente), mais ça ne nous suffisait plus, donc on s’est tournés vers la sociocratie. On commence à être à l’aise avec, mais on se rend compte que se former avec quelqu’un d’extérieur régulièrement apporte énormé‑ ment. Au final, je suis très contente de vivre ici. Ce n’est pas facile tous les jours parce qu’on a des attentes différentes les uns des autres, mais c’est aussi ce qui est enrichissant : se confronter à l’altérité et ce que l’on fait avec ça. Tout ceci amène à faire un travail sur soi. Ça m’a fait évoluer.
Écolline vient de fêter ses dix ans. Vous, Florence, résidez ici depuis trois ans. Quel est votre premier bilan ? C’est un projet assez fou, ambitieux, qui demande encore beaucoup d’énergie parce que c’est une grosse aventure. Se
29
NORDEST
36
ÉCOSITE SACRÉ >> TAIZÉ (71) >> CRÉATION 1940 >> HABITANTS 80 >> CONTACT www.taize.fr
TAIZÉ L’histoire du village de Taizé est indissociable de celle de la communauté monastique fondée par le Suisse Roger Schutz. Créée à l’origine dans un esprit de réconciliation entre protestants et catholiques, elle abrite aujourd’hui quatre-vingts frères et attire presque cent mille personnes par an pour des rassemblements. De nombreux jeunes Européens fréquentent le site. Ils étaient d’ailleurs des milliers à réfléchir à de nouvelles solidarités en août 2015 pour les 75 ans de la communauté.
36
50
SUD-EST 52 • Le Village vertical 58 • Habiterre / Changement de Cap 59 • Geckologis / Institut Karma Ling 60 • Le Vieil Audon / Oasis de Serendip 61 • Espace de La Source / Fontaine de l’Aube 62 • L’Arche de Saint-Antoine 64 • Le Hameau des Buis 66 • Bellecombe / Mascobado 67 • Foyer Marie-Jean / Les Amanins 68 • Monastère de Solan / Tilia & Compagnie 69 • La Ferme des Fromentaux / École de la Nature et des Savoirs 70 • Le Château partagé 72 • Éourres 74 • Terre vivante / Les Colibres 75 • Écoravie / Les Pierrots de Colombine
50
SUDEST
52
OASIS DE VIE >> VILLEURBANNE (69) >> CRÉATION 2013 >> HABITANTS 23 >> CONTACT www.village-vertical.org
LE VILLAGE VERTICAL,
LES AVENTURIERS DE LA COOPÉRATIVE RETROUVÉE Depuis 2013, la France compte un nouveau village. Un Village vertical à l’organisation horizontale. Mais ce qui passera peut-être pour l’acte fondateur du renouveau des coopératives d’habitants n’a rien d’une querelle de clocher. Pour comprendre ce « programme immobilier » atypique, levons le voile, avec l’aide de ses « Villageois », sur un projet qui a débuté en 2005. changé, à part les voitures, de plus en plus envahissantes. » Situé au 4e étage, leur appartement offre une vue d’ensemble sur la ZAC des Maisons Neuves, dont le Village vertical fait partie. D’un côté, les membres du Village recherchaient un terrain pour leur projet ; de l’autre, la Métropole de Lyon souhaitait promouvoir une opération d’habitat participatif. Il faudra presque quatre années « d’efforts » et de négociations aux deux parties pour s’accorder. Un consensus a été trouvé en 2008 autour d’une parcelle orientée au sud, condition nécessaire à la performance énergétique du bâtiment. Inconvénient à être au cœur d’une opération d’aménagement d’environ quatre cents logements, le Village vertical aura passé ses premières années entouré d’un chantier, toujours en cours. Mais cette position convient bien aux Villageois, qui tenaient à inscrire leur projet dans un quartier populaire. Les expressions « quartier populaire » et « logement social ou très social » reviennent régulièrement dans la bouche d’Antoine, pour qui le Village vertical montre qu’un autre modèle économique est possible en matière de logement. Avec sa compagne Cécile, ils sont à l’initiative du projet et le seul foyer d’origine encore présent dans le groupe. « L’idée d’initier, de financer et de concevoir un immeuble écologique pour le gérer de manière démocratique dans le cadre de la propriété publique est née il y a une dizaine d’années, quand nous attendions notre premier enfant. Plutôt
Olivier vit au Village vertical avec Ximena et leurs deux enfants depuis avril 2015. Il a grandi dans les immeubles voisins, de petites « barres » des années 1960. Il apprécie toujours ce quartier de La Ferrandière, à une dizaine de minutes du centre de Villeurbanne, tout proche des 3e et 8e arrondissements de Lyon. « Ça a assez peu
52
SUDEST
64
OASIS DE VIE >> BERRIAS-ET-CASTELJAU (07) >> CRÉATION 2001 >> HABITANTS 50 >> CONTACT www.la-ferme-des-enfants.com
LE HAMEAU DES BUIS Ce lieu de vie et d’accueil est animé par une cinquantaine d’habitants âgés de 3 à 85 ans. Une vingtaine de logements écologiques et bioclimatiques sont construits autour d’une école, qui est le cœur du projet. Créée par Sophie Rabhi, elle favorise une éducation respectueuse de l’enfant. Elle reçoit quatre-vingts élèves de la maternelle au collège et se compose d’une ferme comprenant un petit élevage – chèvres, poules, cochons, poneys, ânes –, un verger, ainsi que des serres et des potagers maraîchers cultivés en agroécologie.
64
78
SUD-OUEST 80 • Écohameau d’Andral 86 • Village des Pruniers / Village de Pourgues 87 • La Ressourcerie du Pont / Moulin de Busseix 88 • Ferme Légère / Abbaye Saint-Benoît d’En Calcat 89 • Cantercel / Prieuré de Marcevol 90 • Tera 92 • La Servantie 94 • Mange-pommes / L’Ouvert du Canal 95 • Écoquartier du Four à pain / Sainte-Camelle 96 • La Maison des aînés / Écolectif 97 • Abricoop / Jeanot 98 • Écohameau de Verfeil-sur-Seye 100 • Village Emmaüs Lescar-Pau 102 • La Ferme du Colibri / H’Nord 103 • Hameau de Vispens / Hameau Les Âges 78
SUDOUEST
80
OASIS DE VIE >> LE VIGAN (46) >> CRÉATION 2008 >> HABITANTS 45 >> CONTACT www.web.andral.org
AU ÉCOHAMEAU D’ANDRAL, LE CERCLE DE LA COMMUNICATION ARRONDIT LES ANGLES DES MAISONS CARRÉES Dans cette oasis, les habitants et futurs habitants apprennent et appliquent une communication respectueuse de soi et des autres. Une expérience très enrichissante. À l’ombre de grands arbres, une quinzaine de personnes sont assises en cercle. Certaines habitent déjà sur place, d’autres sont en pleins travaux, quelques-unes réfléchissent encore à la possibilité de rejoindre le groupe, mais toutes peuvent participer aux réunions plénières pour s’informer et décider des axes d’évolution du hameau. Un léger accrochage vient de donner lieu à quelques échanges francs, mais calmes et respectueux. Pourtant, il n’a pas été résolu par la parole. « J’ai envie de vous proposer un petit jeu, lance Patricia, l’animatrice. Voici une ligne au milieu du cercle, vous allez vous positionner à gauche ou à droite pour répondre à mes questions. Êtes-vous plutôt pain ou galette de riz ? Prendre la parole avant que l’autre ait fini de parler, est-ce un manque de respect ou le rythme normal d’une conversation ? » Tous se positionnent en riant. « On a beau partager les mêmes valeurs, on n’a pas forcément la même manière de communiquer », conclut l’animatrice. Ce jeu vient relancer la dynamique du groupe. Avec d’autres volontaires, Patricia s’est formée à la communication non violente et aux outils de communication de l’Université du Nous. Le rôle de facilitateur de Patricia consiste à favoriser la parole de chacun et l’intelligence de groupe. La plénière a commencé par le gong léger d’un bâton sur un bol tibétain. Premier tour de parole : les participants ont exprimé leur « météo », leur ressenti 80
SUDOUEST
89
OASIS RESSOURCE >> LA VACQUERIE-ET-SAINT-MARTIN-DE-CASTRIES (34) >> CRÉATION 1990 >> CONTACT www.cantercel.com
CANTERCEL : HABITER, C’EST NOUS RELIER À L’ENVIRONNEMENT Des architectes s’interrogent sur le sens du mot habiter et l’importance de percevoir ce qui nous entoure. Des stagiaires participent à leurs expérimentations. Dans un espace naturel sauvage, situé entre le Massif central et le Languedoc, se nichent quelques maisons, ateliers et prototypes réalisés dans le cadre de stages. Fondateurs du lieu, les architectes Annick Lombardet et Jean-Pierre Campredon vivent sur place. Outre leur cabinet d’architecture, ils animent l’association Sens Espace Europe sur ce « site expérimental d’architecture » de 100 hectares. En lien avec des partenaires institutionnels et industriels dans toute l’Europe, ils assurent l’accueil d’étudiants en architecture et d’ingénieurs, la formation d’architectes et d’auto-
constructeurs, et l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour des projets d’habitat collectif. « Bien mieux que nous, les animaux connaissent leur territoire et celui des autres, explique Jean-Pierre Campredon. Au lieu de percevoir, nous intellectualisons, nous moralisons, et cela génère des conflits. L’architecture peut nous aider à développer cette sensorialité. » Pour sensibiliser le plus grand nombre, l’association lancera en 2019 une offre de séjour : les visiteurs auront la possibilité d’expérimenter l’hébergement en gite, cabane ou refuge éco-construits.
OASIS RESSOURCE >> ARBOUSSOLS (66) >> CRÉATION 2014 >> CONTACT dimidb@free.fr
PRIEURÉ DE MARCEVOL, UNE SPLENDEUR À PARTAGER À 600 mètres d’altitude, face au massif du Canigou, le prieuré de Marcevol resplendit au cœur d’une nature sauvage. Une fondation le protège. C’est pour préserver ces deux trésors, nature et patrimoine, que quelques amis ont créé la Fondation du prieuré de Marcevol. Un mécène a acheté le site et l’a mis à leur disposition. Aujourd’hui, avec quatre salariés en CDI, le prieuré peut être visité et accueille des classes découvertes, ainsi que des groupes avec un formateur en yoga, tai-chi… Les membres de la Fondation ont développé des formations autour de l’agroécologie (couverts végétaux, agroforesterie…). En effet, au-delà du prêt de pâturages à des éleveurs de brebis et chevaux, ils ont ouvert un potager à vocation éducative et productive, pour alimenter notamment les cuisines de leur centre d’hébergement. Ils cultivent aussi des plantes aromatiques associées à des amandiers (et prochainement des oliviers) pour produire des herbes séchées et des huiles essentielles, avec un salarié et des chantiers d’insertion. La création d’une oasis de vie sur le site n’est pas encore possible. Mais Dimitri de Boissieu, de la Fondation, est fier de participer à un vaste projet de gestion du site naturel, en lien avec des agriculteurs, des professionnels du tourisme, de l’éducation et des sports de nature : « Cette démarche crée une belle synergie sur le territoire. »
89
SUDOUEST
98
OASIS DE VIE >> VERFEIL-SUR-SEYE (82) >> CRÉATION 2008 >> HABITANTS 20 >> CONTACT verfeil-eco.over-blog.org
L’ÉCOHAMEAU DE VERFEIL-SUR-SEYE,
UNE (R)ÉVOLUTION RÉUSSIE !
Lancé voilà plus de dix ans, l’écohameau de Verfeil-sur-Seye a bien grandi ! Cet habitat participatif a su trouver un équilibre grâce au temps, mais aussi à de mûres réflexions et à différents projets. La vie à Verfeil-sur-Seye est active et en parfaite harmonie avec la nature qui l’environne. Orientés plein sud, face au village, les trois hectares aménagés, dont un constructible, sont naturellement délimités par la végétation et le ruisseau Nego Soume. Aujourd’hui, sept maisons de 60 à 140 mètres carrés sont installées, avec une huitième en construction et un terrain prêt à bâtir. Équipées de toilettes sèches, d’une collecte d’eau pluviale, d’une électricité verte (via Enercoop), de chauffe-eau solaires, ces habitations bioclimatiques sont bâties avec des matériaux écologiques sélectionnés par les résidents : murs en bottes de paille, enduits naturels, structures en bois… S’ajoutent à cela des équipements collectifs dont une halle ouverte avec cuisine et un atelier, un système de phytoépuration, un poulailler, un potager et
un « jardin-forêt ». Lancé en 2018 avec un financement participatif, ce projet à long terme a connu ses premiers aménagements avec la plantation de 300 arbres, la création de retenues d’eau, de noues et de buttes en permaculture favorisant la biodiversité. Priorité au vivre-ensemble Huit foyers vivent sur place constituant un groupe intergénérationnel de 5 à 72 ans, composé de douze adultes, actifs et retraités, et de huit enfants, scolarisés dans une école voisine. Ce collectif aux accents lusophone, anglais ou flamand prône au quotidien un équilibre de vie entre l’humain et la nature, le collectif et l’individuel. « L’enrichissement se fait par les personnes… et l’écosystème existe à tous les niveaux, dans les habitats comme au potager ! glisse avec sourire Elsa, traductrice et jeune maman, installée depuis trois ans. J’apprécie la force du groupe, son enthousiasme et je puise chez les autres pour avancer. » À Verfeil-surSeye, la solidarité est inhérente et naturelle. « Ce sont les personnes qui construisent le lieu ! » clame Stephan, un des pionniers. Pour en faire partie, il faut participer à différentes rencontres, échanger avec les habitants, marquer sa motivation, avant d’acter son désir par écrit. L’inclusion est approuvée si le projet du foyer demandeur est bien en cohérence avec l’écohameau. Pour les grandes décisions, des réunions ou « cercles de parole » sont organisés chaque semaine. Chacun y donne son avis, quel que soit son âge, et émet des propositions. C’est le consentement qui prime : pas d’objection, la proposition est adoptée. Sinon, elle est retravaillée jusqu’à ce qu’elle convienne à tous. Ces rencontres sont complétées par un « cercle de partage », une fois par mois, sur un thème choisi au hasard. Une façon
Jardin en permaculture, arbres, la connexion à la nature est forte à Verfeil.
98
106
NORD-OUEST 108 • Les Z’écobâtisseurs 114 • La Maison autonome / Les Voisins Terre Pelle 115 • Espace Totem / Les Petits Moulins 116 • La Tour d’Auzay / Le Clos d’Émile 117 • Bâtisseur d’horizons / La Pâture des Chênes 118 • Écohameau du Plessis, Centre Amma, Maison seniors du Plessis 120 • Troglobal 122 • Babel Ouest / La Grée 123 • L’Arbre de vie / Le Bois du Barde 124 • La Coudraie / Monastère Sainte-Présence 125 • La Gibbeuse / Ékoumène 126 • Oasis des 7 cercles 128 • Le Pré aux graines 130 • La Pelousière / Les Prés 131 • La Petite Maison / Habitat différent 106
NORDOUEST
108
OASIS DE VIE >> LOUVIGNY (14) >> CRÉATION 2010 >> HABITANTS 26 >> CONTACT ecozac.louvigny.free.fr
LES Z’ÉCOBÂTISSEURS, L’ART DE LA CONCILIATION Dans la banlieue sud-ouest de Caen, les Z’écobâtisseurs ont réussi, après six ans de conception et de chantier, à créer un habitat agréable pour leurs treize familles. Fin d’après-midi à Louvigny. Côté route, la rangée de maisons mitoyennes de l’habitat groupé Les Z’écobâtisseurs semble silencieuse. Côté jardin, c’est une autre histoire. Sur la pelouse commune, Antonin a installé son P’tit marché bio. Les habitants du quartier sont venus y choisir navets, betteraves, oignons et autres haricots. Panier au bras, quelques-uns discutent devant Le Fournil de Philippe, la boulangerie bio installée sur le site. Depuis quatre ans, Philippe Denis, l’un des Z’écobâtisseurs, cuit pains et brioches au levain naturel dans un four à bois qu’il peut voir depuis sa fenêtre. « Le quartier est plutôt résidentiel, explique Christian Delabie, un autre habitant. On a tous vite accepté d’accueillir chaque semaine un maraîcher ainsi que la boulangerie. Cela nous ouvre aux voisins et dynamise la vie sociale. » Depuis 2012, la famille Delabie occupe l’un des treize logements en ossature bois de l’habitat participatif, répartis en deux blocs parallèles de maisons mitoyennes. Chaque maison, de 70 à 120 m², dispose de 60 m² de jardin privatif, d’un espace vert collectif et de potagers partagés. De la baie vitrée du salon lumineux de Christian, on aperçoit des fleurs et des arbustes ondoyants. Là où, douze ans plus tôt, il n’y avait qu’un terrain vague.
En plus de jardins privatifs, les Z’écobâtisseurs disposent de potagers partagés.
trop cher. En 2006, à trois semaines du dépôt du permis de construire, la plupart des familles quittent le bateau. Celles qui restent sont bien décidées à ne pas enterrer leur rêve. Un nouveau groupe se constitue, qui développe davantage une réflexion sur la densité urbaine et se satisfait donc de maisons mitoyennes. L’heureux coup du sort vient alors de Louvigny, une commune de l’agglomération caennaise que l’ancien collectif n’avait pas contactée. La municipalité veut y mettre en place une ÉcoZAC. « Ils nous ont proposé un terrain de 5 000 m2. Nous voulions nous y installer à dix maisons. Ils en ont exigé treize. » En 2007, l’association Les Z’écobâtisseurs naît.
Des débuts difficiles L’idée de l’habitat coopératif naît en 2005. Christian Delabie travaille alors dans l’environnement et souhaite monter un projet avec des collègues : « Nous avons demandé à recevoir un terrain auprès de dix-neuf communes autour de Caen. La seule réponse que nous avons reçue a été négative. » Ils se tournent donc vers un terrain privé. Un couple d’architectes travaille des plans mais, le groupe étant parti sur une idée de maisons individuelles, le devis est beaucoup 108
NORDOUEST
113
OASIS DE VIE >> LES Z’ÉCOBÂTISSEURS
3 QUESTIONS À CHRISTIAN DELABIE, Z’ÉCOBÂTISSEUR « Tout le monde a un poêle à bois, à bûches ou à granulés. » Quels matériaux avez-vous choisis ? Des matériaux écologiques et locaux, au maximum. Les constructions ont des ossatures en bois. Le principal isolant est la paille, puis la ouate de cellulose. Nous avons acheté la paille en balles rondes et l’avons transformée en pavés chez un agriculteur. Il en a fallu deux cents à trois cents par maison. Pour les cloisons intérieures, nous avons opté pour des plaques Fermacell [obtenues uniquement à partir de gypse et de fibres de papier], du bois et des briques de terre crue. Les murs extérieurs sont recouverts d’enduits à la chaux, teintée légèrement différemment pour chaque maison. Ces constructions sont-elles bioclimatiques ? Oui. Chaque logement a une face sud pour récupérer au maximum la lumière. Des pergolas apportent de l’ombre l’été pour éviter les surchauffes de l’habitat. Au nord, des espaces tampons – garage, cellier, cave, entrée – protègent les pièces de vie. Chacun a été libre de son aménagement intérieur : l’une d’entre nous a réduit la surface vitrée au sud, pour plus d’intimité. Mais, par conséquent, elle a un peu froid et doit chauffer plus.
TROIS ANS APRÈS, QU’EN PENSENT-ILS ? Car « on parle beaucoup du montage des projets, mais peu de ce que produit la vie de ces groupes », Pascal Gourdeau, Z’écobâtisseur, a mené une petite étude sur le ressenti de chacun des habitants après trois ans de vie sur le site.
Et côté énergétique ? Tout le monde a un poêle à bois, à bûches ou à granulés. Par crainte de manquer de confort, un ménage a équipé sa salle de bains d’un chauffage électrique : il ne s’en sert jamais. Nous avons des chauffe-eau solaires. L’hiver, la plupart produisent leur eau chaude de manière électrique. Moi, non : je consomme moins de 1 000 kWh par an pour 120 m2. Certains ont choisi Enercoop, d’autres les fournisseurs traditionnels.
Ils apprécient ou ont apprécié (dans l’ordre d’importance) : • réussir une aventure collective ; • découvrir les autres ; • participer aux chantiers manuels collectifs ; • constater la façon dont le projet a changé certains membres ; • les moments de fêtes et de repas partagés ; • l’équilibre entre vie personnelle et vie collective ; • leur maison. Ils ont moins bien vécu : • la longueur du chantier, les relations avec les architectes et les artisans ; • l’intégration dans le groupe ; • le fonctionnement des réunions et le mode décisionnel perçu par certains comme peu démocratique ; • l’affectation des logements ; • le manque actuel de vie collective, selon certains.
113
NORDOUEST
119
OASIS DE VIE >> PONTGOUIN (28) >> CRÉATION 2002 >> HABITANTS 120 >> CONTACT www.etw-france.org
une quinzaine de personnes se montrent intéressées par le projet et travaillent à sa réalisation, car il y aura tout à faire : voirie, réseau, montages juridique et financier. Le groupe fait le constat que pour que le projet soit viable, il faut proposer 28 parcelles. Elles occupent 5 000 mètres carrés des 37 000 mètres carrés du terrain. Le coût d’acquisition d’un terrain est de 41 000 euros pour les grandes maisons, pouvant accueillir des familles, et de 31 000 euros pour les maisons plus petites. Ce prix inclut l’achat des bâtiments communs. L’écohameau est juridiquement porté par une association syndicale libre (ASL), forme d’organisation alternative à la copropriété. Les 32 000 mètres carrés restants sont consacrés aux espaces communs avec des vergers, des bassins, des potagers en permaculture, une grande maison commune avec des chambres d’amis, trois laveries et d’autres bâtiments communs. Pour les parties privatives, chacun est libre de construire la maison de son choix à condition qu’elle respecte la charte de construction de l’écohameau. Une charte à forte orientation écologique : obligation d’installer des toilettes sèches dans chaque maison – car trois stations de phytoépuration ont été mises en place dans l’écohameau –, forte incitation à l’utilisation du matériau paille pour la construction et l’isolation, et, a minima, façades en matériaux naturels. Des choix effectués par consentement par l’ensemble des habitants lors de plénières. Pour les décisions du quotidien, un comité de pilotage de sept personnes, désignées selon le principe d’élection sans candidat, a été mandaté par le groupe. Un mode de gouvernance qui fonctionne bien en mode projet. Restera à éprouver ce système quand les premiers habi-
tants emménageront mi 2019 . Mais les résidents savourent déjà une petite victoire : être acceptés par les voisins. Pour preuve, le vice-président de région et la députée de la circonscription inaugureront cet écohameau, sans compter les locaux qui viennent le week-end visiter les chantiers des maisons en paille. « Ce n’était pas gagné, reconnaît Mathieu Labonne, avec la forte dimension spirituelle indienne associée à Amma, mais ils se rendent compte aussi que c’est une chance de redynamiser une zone rurale avec une vraie vision écologique sérieuse. » Prendre soin des seniors D’autant que le dynamisme qui règne sur ce lieu ne s’arrête pas là ! Préoccupé par le sort réservé aux seniors en France, Amma a invité les personnes qui sont de passage au centre ou futurs habitants de l’écohameau à réfléchir pour créer un habitat participatif pour seniors. Pour lancer l’opération, le fonds de dotation ETW-France Embracing the World a alloué un budget important pour ce projet. 24 personnes résideront à partir de 2020 dans des studios de 25 ou 50 mètres carrés à quelques encablures du écohameau et du centre Amma. Les personnes volontaires ont déjà rempli des questionnaires pour exprimer leurs besoins : une salle commune où elles pourront manger ensemble le midi, des personnes en capacité de les aider dans les tâches devenues difficiles (courses, ménage…), etc. Ainsi, ce triptyque centre spirituel-écohameau-habitat groupé pour seniors est un petit modèle de territoire résilient pour faire face aux crises qui s’annoncent. 119
NORDOUEST
120
OASIS DE VIE >> GENNES (49) >> CRÉATION 1997 >> HABITANTS 30 >> CONTACT troglobal.wordpress.com
TROGLOBAL
En 1997, deux amis achètent un site troglodyte à l’abandon. Ils ont alors une vision et une approche originales du lieu, leur désir étant de créer un endroit ouvert et expérimental. Le nom, Troglobal, est une contraction des mots « troglodyte » et « global ». Les gens de passage ainsi que les résidents partagent et animent la vie de groupe, participant également à des réunions hebdomadaires. En plus de l’ancrage historique et architectural fort, une approche culturelle riche réunit artistes, artisans, musiciens, jardiniers…
120
132
SUCCESSION : RÉFLÉCHIR AUX DÉPARTS ET AUX ARRIVÉES De la forme juridique choisie par les habitants dépendent beaucoup d’aspects d’une succession, comme le prix de revente d’un logement ou le droit du groupe à donner son avis sur les arrivants. La loi Alur permet de clarifier certains points. Dans les habitats en accession à la propriété, les mutations sont peu nombreuses : à peine un tiers des logements, a observé l’association Éco Habitat Groupé lors d’un large recueil d’expériences publié sous le titre Voyage en terre méconnue, 40 années d’habitats groupés 1. Les voisins ont tendance à vieillir ensemble. Dans les programmes locatifs, en revanche, le renouvellement et le rajeunissement sont plus courants. En tout cas, « la plupart des habitants ont envisagé un moment quitter leur logement », surtout à l’heure de la retraite, note Éco Habitat l’esprit du projet malgré les renouvellements. Dès l’origine, ils inscrivent Groupé. Parce que leur bien « ne correspondait des clauses « dans les chartes, les statuts ou les conventions avec les plus à leurs besoins, que le projet collectif s’était bailleurs, réservant les possibilités de cooptation ou demande d’adhéessoufflé ou qu’ils ont eu envie de tourner la sion des arrivants aux valeurs partagées », explique Éco Habitat Groupé. page ». D’où l’intérêt de réfléchir en amont aux À Angers, le groupe Habitat différent (lire page 131) mêle propriétaires conditions de succession. et locataires. Les propriétaires ont signé une convention avec le bailleur social stipulant qu’après avoir rencontré les familles candidates, ils Intégrer de nouvelles personnes au collectif peuvent donner un ordre de priorité – suite à un vote à la majorité. L’avis du groupe a le plus souvent – mais pas toujours – été respecté. Quoi de plus difficile que de connaître une perParfois, le bailleur s’est appuyé sur le groupe et sa qualité d’accueil sonne sans l’avoir côtoyée pendant des années et pour y installer des personnes en situation difficile. dans des situations très variées ? Pourtant, dans Les voisins nantais de Babel Ouest (lire page 122), eux, ont rédigé les oasis, des gens qui se connaissent peu ou pas une simple clause : s’il y a vente d’un lot, le notaire doit avertir les du tout peuvent décider de s’engager ensemble autres habitants, qui sont prioritaires pour l’achat. On observe qu’une dans une aventure engageante émotionnellement, fois le chantier d’habitat participatif fini, la moitié des groupes basfinancièrement et professionnellement. Alors comcule en copropriété. À part un engagement moral, rien n’oblige alors ment faire ? Peut-on anticiper les difficultés ? le vendeur à choisir un acheteur adhérant au projet. C’est pour cela L’inclusion des nouveaux peut se concevoir de difque les Rennais de La Petite Maison (lire page 131), habitat créé en férentes manières. S’il n’y a pas une seule bonne 1987, ont choisi de ne pas dissoudre leur SCCC. « Dans ce cadre, façon de faire, si chaque collectif doit trouver le un acheteur doit forcément obtenir deux accords : celui du vendeur processus qui lui convient, il ne peut cependant et celui de la société », détaille Pierre-Yves Jan, habitant et coprépas faire l’impasse sur cette question délicate. sident de Parasol, association qui contribue au développement des La majorité des groupes tiennent à conserver 132
134
Livres
RESSOURCES
• Collectif, Guide pratique de l’autopromotion, 2011 (rééd. en 2015), Association Éco-quartier Strasbourg et CAUE du Bas-Rhin • Camille Devaux et al., Accompagner les projets d’habitat coopératif et participatif, 2011, Fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM (FNSCHLM) et L’Union sociale pour l’habitat (USH), téléchargeable gratuitement sur www.hlm.coop • Bruno Parasote, Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux, Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, 2011, Éditions Yves Michel • Christian La Grange, Habitat groupé : Écologie, participation, convivialité, 2008, Éditions Terre Vivante • Matthieu Lietaert, Le Cohabitat, Reconstruisons des villages en ville !, 2012, Éditions Couleur livres • Yves Connan, Habitat groupé participatif, 2012, Éditions Ouest-France • Pascal Greboval, Vivre en habitat participatif, 2013, Éditions Alternatives • Pierre Lefèvre, L’Habitat participatif, 40 ans d’habitat participatif en France, 2014, Éditions Apogée • Pascale d’Erm, Vivre ensemble autrement : Écovillages, habitat groupé, écoquartiers, 2009, Éditions Ulmer • Ivan Maltcheff, Les Nouveaux Collectifs citoyens, Pratiques et perspectives, 2011, Éditions Yves Michel • Robina McCurdy, Faire ensemble, Outils participatifs pour le collectif, 2013, Passerelle Éco • Marshall Rosenberg, Les Mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Initiation à la Communication NonViolente, 2016 (3e éditon), Éditions La Découverte • Diana Leafe Christian, Vivre autrement, 2015, Éditions Écosociété
134
kaizen
140
construire un autre monde … pas à pas
OASIS UN NOUVEAU MODE DE VIE AUTONOMIE, PARTAGE et CONVIVIALITÉ
Dans toute la France, des femmes et des hommes imaginent et construisent depuis des années des lieux de vie différents : écohameaux, écoquartiers, habitats groupés, etc.
Appelons-les oasis. Ils sont, à leur échelle, la maquette d’une société plus écologique et plus citoyenne. Nous proposons un ouvrage de référence, inspiré par Pierre Rabhi, qui présente 100 oasis. L’objectif est de donner des clefs aux citoyens et aux élus pour réimaginer nos territoires, bâtir ensemble des oasis à leur image et créer des espaces de vie en commun.
979-10-93452-4-01
présente 100 LIEUX