Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 59 000 €. 95, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 9 juillet-août 2013 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeur de la publication Yvan Saint-Jours Directeur de la rédaction Cyril Dion Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Pascal Greboval Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées
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SOBRIÉTÉ HEUREUSE SUR ROUES…
Q
uelle ne fut pas notre surprise lorsque Yvan, l’un des co-fondateurs de Kaizen, nous a annoncé son intention de quitter sa petite maison du Calvados pour tenter l’aventure de la Tiny House (voir son billet p.69), une habitation minuscule et sur roues. A nos inquiétudes sur le peu de place dont il allait disposer, sur le fait qu’il n’aurait plus d’adresse, qu’il lui serait difficile de faire cohabiter ses deux enfants et lui dans 14m2 (il va en réalité en construire une deuxième), il nous opposa son grand sourire, un brin charmeur, en nous expliquant qu’il s’agissait là de limiter ses besoins au maximum, afin de ne pas avoir à travailler plus que de raison. Qu’il était question d’aventure intérieure, de contemplation, de réinventer la forme de son habitat et de partir à la rencontre des autres, aussi bien que de lui-même. Quel que soit le regard que l’on pose sur cette intention, elle nous ramène à un projet familier : la sobriété heureuse. L’antidote à la frénésie consumériste et à l’épuisement professionnel. Quel luxe plus grand que celui d’avoir le temps de choisir ce que nous entreprenons chaque jour et de pouvoir nous arrêter aussi longtemps que nous le voulons sous les pommiers en fleurs ? Quelle liberté plus farouche que de ne dépendre d’aucun salaire (ou le moins possible), de ne pas devoir à tout prix monnayer nos instants les plus essentiels pour rembourser un crédit, payer un loyer, survivre dans une société qui laisse de côté ses éléments les moins productifs ? La Tiny House n’est certainement pas le seul moyen d’y parvenir. Mais elle est une voie. Merci à Yvan de nous avoir redonné le goût de chercher la nôtre. Bon début d’été à tous ! Cyril Dion DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
édito
© M. Leynaud
KAIZEN “Changer le monde pas à pas”
kaizen 9 juillet août 2013
sommaire
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Édito
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Sommaire
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Manifeste
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Ils sont Kaizen
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Actus Colibris reportages
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Désenfumage : Le courrier est il plus écologique que l’email ?
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Si on le faisait : Tourisme participatif : privilégier la rencontre
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Ensemble on va plus loin : Incroyables comestibles
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Dossier : La Coméstique bio, la nature sur la peau
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Portfolio : La France, de l’aube à l’horizontal
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Portrait : Portraits de deux marcheurs
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DIY : Fais-le toi-même : La cosmétique maison avec les roses du jardin
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Infographie : Et si vous construisiez en paille ?
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Changeons l'éco : Charles Braine, un militant pêcheur
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Yes they can : Semons des graines dans les bibliothèques
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Un brin de kulture : Babel Gum, l’art en milieu rural
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Le sourire d’Yvan : Habiter mini c’est géant !
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Le bon plan : Le Diois dans la Drôme.
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Sauvage et délicieux : L'angélique
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Les rendez-vous Kaizen
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Chronique de Pierre Rabhi : C’est quoi être en vacances ?
Kaizen késaco ?
Kaizen est un mot japonais qui signifie littéralement «changement bon». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un second puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.
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LE NUMÉRIQUE C’EST PLUS ÉCOLOGIQUE ? TEXTE CYRIL DION DESSIN JULIE GRAUX
“En choisissant la facture électronique, vous vous simplifiez la vie tout en minimisant votre impact sur l’environnement.” Voici ce que j’ai pu lire sur l’enveloppe de mon fournisseur d’accès à Internet. Car oui, depuis de nombreuses années, l’idée selon laquelle le numérique est plus écologique que le papier s’enracine de plus en plus dans les esprits.
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Désenfumage
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ace aux tonnes de papier imprimées chaque jour, il apparaît tout naturel que le numérique, supposément dématérialisé, offre une alternative “propre”, “verte”, “économe en ressources”. Quitte à progressivement bannir le papier de nos environnements : lire ses romans sur une liseuse, ses manuscrits ou scénarios sur une tablette, ses courriers sur son téléphone, ses rapports sur son ordinateur… Regardons de plus près ce qu’il en est réellement. EMAIL VS FACTURE PAPIER Une analyse de cycle de vie réalisée par le groupe EcoInfo du CNRS à la demande de l’entreprise Pocheco (fabriquant d’enveloppes) a comparé l’impact d’un courrier papier et l’envoi d’un courriel. Loin d’être clichés ou uniformes les résultats montrent à quel point cet impact dépend du comportement de l’utilisateur. Ainsi, sur un faisceau de dix facteurs (parmi lesquels on compte épuisement des ressources, destruction de la couche d’ozone, changement climatique, consommation d’énergie, toxicité humaine, eutrophisation…), la facture numérique sera globalement moins dommageable si elle n’est jamais imprimée et si sa consultation en ligne dure moins de trente minutes (ce qui est fréquemment observé pour les relevés bancaires). Comme le note l’étude, “dès que la facture numérique est régulièrement imprimée (1 fois sur 3) son avantage environnemental sur la facture papier devient discutable”.
Cela peut paraître étonnant. Et pourtant, si la facture papier est impactante par son impression et son acheminement, la facture numérique peut l’être tout autant par l’appareillage de son utilisateur (ordinateur, imprimante, box internet) et celle des fournisseurs d’accès (serveurs, centres de données), tant pour leur fabrication (matière première, énergie) que pour leur utilisation (énergie consommée pour l’envoi et le stockage des données). A lui seul, l’envoi de votre relevé de compte ou de votre note de portable va suivre cinq étapes, toutes consommatrices d’énergie : - Création de la facture par le fournisseur de service, sauvegarde, création de l’email et envoi ; - Réception de l’email par votre prestataire mail (Gmail, Orange, etc.) et consultation ; - Consultation de la facture sur le site de votre fournisseur de service (banque, opérateur web ou téléphone) ;
- Téléchargement en PDF ; - Archivage sur votre ordinateur et/ou impression. L’ensemble de ces opérations ramenées à l’échelle d’un utilisateur unique aura engendré une consommation de 36,5 Wh. Sachant qu'avec 1000 Wh (1 kWh) il est possible de regarder la télévision durant 30 h, de faire fonctionner un réfrigérateur pendant 4 jours, travailler 10 jours avec un ordinateur portable, s'éclairer durant 7 h avec une ampoule basse-consommation. LIVRE VS LISEUSE ET TABLETTE Côté livre papier, le rapport est sensiblement le même. Les deux études les plus citées montrent que la création du livre nécessite entre 1,3 kg en équivalent carbone (d’après l’institut Carbone 4) et 7,5 kg (institut Cleantech), contre 135 kg pour un Ipad et 168 kg pour une liseuse Kindle. Le ratio deviendrait intéressant au delà de vingt livres lus par an selon l’étude Cleantech KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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Et si on le faisait ?
Tourisme participatif : privilégier la rencontre TEXTE AUDE RAUX PHOTOS JEROMINE DERIGNY
“O
n ne propose pas aux touristes d’arpenter Notre Dame, mais de nouer une relation personnelle avec ceux qui vivent la ville”, explique Anne Hofman, chargée des activités de l’association de greeters Parisien d’un jour. Du mot anglais “to greet” (accueillir), les greeters sont des bénévoles qui reçoivent des voyageurs afin de leur faire partager l’amour de leur ville, en dehors des sentiers battus. Le concept a été créé en 1992, par une habitante de New-York, désireuse de changer l’image négative de Big Apple. Depuis, l’idée a voyagé : Allemagne, Chine, Côte d’Ivoire... La France est le pays où le concept a le plus essaimé. Première destination touristique mondiale, Paris a son association de greeters. Fondée en 2007, Parisien d’un jour rassemble 360 bénévoles. “Sans eux, sourit Anne Hofman, les visiteurs ne croiseraient que des chauffeurs de taxi ou des garçons de café. C’est aussi une façon de lutter contre le cliché du Parisien inamical ou pressé !”. Angénic Agnero fondatrice de Paris par rues méconnues emmènent les touristes hors de sentiers battus
Sortir des circuits balisés et de l’indifférence entre touristes et habitants : une bonne raison de se lancer dans le tourisme participatif.
UN TOURISME BASÉ SUR LA RENCONTRE De son côté, Angénic Agnero imprime la mémoire des vieux habitants des communautés de Belleville, quartier cosmopolite de Paris. ”En Afrique, on dit que lorsqu’un ancien disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle. Grâce à ma quête du passé, j’ai plein d’amis de 60 à 104 ans !” Et autant d’anecdotes sur le nord-est de la capitale. Riche de ses témoignages, la jeune femme a fondé,
en 2008, une association spécialisée dans le tourisme participatif : Paris par rues méconnues. Un samedi de printemps ensoleillé, on suit la “sésame de Belleville”, comme les anciens surnomment celle à qui aucune porte - pas même la plus digicodée - ne résiste. Trois heures d’une fabuleuse visite guidée, où prime le ressenti, en compagnie d’une autre Bellevilloise, Josiane. Le temps de rencontrer les figures locales, tel un résistant de la Seconde Guerre mondiale. KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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Ensemble, on va plus loin
Les Incroyables comestibles essaiment à Versailles TEXTE FRÉDERIQUE BASSET PHOTOS PATRICK LAZIC
Dans la cité royale de Versailles, comme dans plusieurs villes des Yvelines, des légumes poussent dans la rue. De la nourriture à partager gratuitement !
Q Samedi 4 mai, les incroyables comestibles en partenariat avec le mouvement des colibris ont transformé 63 villes en potagers et enclenché ainsi le lancement du volet agriculture de "La (R)évolution des colibris”.
ui aurait pu imaginer que poireaux et carottes allaient fleurir les avenues de Versailles ? S’inspirant du mouvement Incredible Edible (Incroyables comestibles, voir encadré), les cinquante jeunes du Rotaract de Versailles (traduisez “Rotary en actions”) ont pris l’initiative d’installer des “potagers solidaires” un peu partout dans la ville. Le principe est simple : chacun sème et plante des fruits et légumes qui seront récoltés par tous gratuitement. « Comme le disait Voltaire nous voulons “cultiver notre jardin” », déclare plein d’enthousiasme Thibaut Mathieu, étudiant en droit public et président du Rotaract.
L’aventure commence en juin 2012. Thibaut rencontre François Rouillay, coordinateur des Incroyables comestibles France, et l’idée germe de faire des Yvelines un département pilote. En août, Nick Green, jardinier de Todmorden (Angleterre) et l’un des initiateurs de Incredible Edible, vient soutenir l’initiative des jeunes Versaillais. “Les potagers sont le plus souvent associés aux seniors, constate Thibaut. Nous sommes en train de prouver qu’ils peuvent concerner tout le monde, même les jeunes. Ce projet sert l’intérêt général, il permet de prendre conscience des questions environnementales, sociétales et alimentaires. Mettre les mains dans la terre, faire pousser nos propres fruits et légumes, manger local, créer du lien social et intergénérationnel, voilà notre objectif !” Versailles n’est pas la première à rallier les Incroyables comestibles. En France, une soixantaine de villes ont déjà été conquises. En avril 2012, Colroy-laRoche en Alsace inaugure le mouvement ; aujourd’hui, des dizaines de bacs KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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Dossier
La Cosmétique bio, la nature sur la peau A qui confiez-vous votre peau ? Vous ne jurez que par les labels de la cosmétique bio ? Vous ne vous fiez qu’à vos recettes maison ? Vous ne vous êtes jamais posé la question ? Elle n’a pourtant rien de futile, contrairement au ton donné par les publicités du secteur. Or, on aimerait que ce ton change, que le discours marketing nous aide enfin à retrouver le chemin du bon sens et cesse de brouiller les pistes. C’est du moins ce pour quoi militent les tenants de la “slow cosmétique”… et nous avec.
DOSSIER RÉALISÉ PAR EMMANUELLE VIBERT © Laure Maud pour GREEN IS BEAUTIFUL
Une autre cosmétique est possible
B
eaucoup d’entre nous ont appris à considérer les flacons de leur salle de bain d’un œil critique. De son côté le marché de la cosmétique bio connaît une croissance fulgurante. Une évolution suffisante ? Evidemment pas. Certains acteurs de la cosmétique naturelle nous invitent aujourd’hui à une grande désintoxication et à nous défaire une bonne fois pour toutes des messages du marketing, qui frôlent parfois la publicité mensongère. Salutaire.
En une dizaine d’années, les termes “parabens”, “silicone”, “EDTA” ou Tout commence au début du nouveau “sodium laureth sulfate” sont devenus millénaire. Une dizaine de pionniers de la cosmétique bio française lancent en des grossièretés. 2002 le label Cosmébio, pour permettre aux consommateurs de distinguer le Ces substances issues de la chimie, vrai du faux. Le succès est immédiat : les journalistes appellent, les postulants ingrédients de base dans l’industrie à la certification aussi. Le grand public est manifestement mûr pour remettre cosmétique, sont désormais suspectes. A l’opposé, les mots “naturel” et “bio” sonnent comme une formule magique aux oreilles des consommateurs en quête de produits sains. Que de chemin parcouru !
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Retour aux basiques En dix ans, les laboratoires qui formulent la cosmétique bio ont considérablement progressé. Bravo ! Mais après avoir fait le tour des produits sophistiqués, il nous prend comme une grande envie de simplicité.
L
© P. Greboval
a cosmétique naturelle et bio a-telle fait des progrès depuis les bains de Cléopâtre au lait d’ânesse ? “Quand on regarde 20 ou 30 ans en arrière, on réalise qu’un monde sépare les produits de jadis des gammes proposées aujourd’hui, constate la papesse du secteur Rita Stiens. Actuellement, on trouve dans les rayons tout ce dont on peut rêver : des soins du visage jusqu’au maquillage, en passant par les lotions corporelles, les produits d’hygiène cutanée, les produits capillaires…”. Dans les labos bio, on n’arrête pas le progrès. “Les plus belles améliorations concernent la parfumerie, estime Valérie Lemaire d’Ecocert. Aujourd’hui, les parfums de la cosmétique bio rivalisent avec ceux du conventionnel, on est sorti du genre grand-mère. Les textures ont aussi formidablement changé, plus fines, plus légères, elles pénètrent mieux.” Une évolution considérable qui a permis au secteur de séduire de nouveaux publics. Mais à contre-courant de cette sophistication des produits, on assiste à un retour à l’essentiel. La preuve en quatre points.
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L’argile un produit simple aux multiples fonctions
DE L’EAU, POUR QUOI FAIRE ? Une crème, c’est de l’eau plus de l’huile, émulsionnées comme une mayonnaise. Cela donne des textures très agréables mais l’eau n’apporte rien de particulier à notre peau. Idem dans les shampoings. C’est pourquoi la marque Douce Nature a eu l’idée simple et géniale de supprimer toute trace d’H2O dans ses “Fleurs de shampoing”. Résultat ? Un petit anneau, d’une dizaine de centimètres de diamètre, qui correspond à 400 ml de produit classique. Il ne manque de rien : des tensioactifs pour mousser, des huiles végétales pour nourrir les cheveux… Mais, conditionné dans un simple plastique, il permet de belles économies d’emballages et dégage moins de CO2 pendant son transport. Dans la valise aussi, il est bien plus léger qu’une bouteille remplie en majorité d’eau. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? LE FAIT MAISON La mode des cosmétiques maison n’aura échappé à personne. Surtout pas à Sylvie Hampikian qui en est devenue un des fers de lance. Vous la retrouverez d’ailleurs régulièrement à la rubrique DIY (faites le vous-même) de ce magazine. Vous voulez vous y mettre ? Consultez les livres très pédagogiques de cette docteur vétérinaire et experte pharmaco-toxicologue, ou suivez ses conseils de base : pour nourrir le visage
Portfolio
La France,
de l’aube à l’horizontal par Hervé Sentucq A ceux qui passeraient sans les voir, Hervé Sentucq révèle des horizons naturels enchanteurs, un patrimoine familier fondu dans le décor, des sites inattendus au tournant d’une route banale... De l'aube au calme crépusculaire, portfolio d'un panoramiste
Ci-dessus Valensole (04) et page précédente Queribus (11)
Pascal Greboval: Quelle place prend la photographie dans votre vie ? Hervé Sentucq : Selon moi, la photographie est une philosophie de vie : j’essaie d’être bien au quotidien, je cherche des scènes qui donnent du baume au cœur et enchantent ma vie. Je pense souvent à cette phrase du photographe Guy Le Querrec, “pour mieux voir, frottez-vous l’œil au papier de verre” : c’est ainsi que je regarde. La photographie et la vie se nourrissent mutuellement, en cela mes photos sont autant de petites choses qui mises bout à bout me rendent heureux. La photographie est aussi pour moi un moyen de transmettre, je la rapproche un peu de mon précédent métier d’enseignant. J’aime donner envie de se rendre sur les lieux que j’ai vus et photographiés, c’est 40
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un vrai bonheur d’apprendre parfois que mes livres y ont mené et accompagné des promeneurs. De même après avoir travaillé les limites en photo (composition, lumière) je reviens à un “juste milieu” dans la création ; cet équilibre est essentiel dans la vie, c’est un fil directeur. Pascal : Votre travail se compose exclusivement de panoramas, pourquoi avoir choisi ce format ? Hervé : J’ai fait le pari un peu fou de me spécialiser dans le panorama parce que j’avais envie de montrer le monde comme je le vois, avec une large focalisation. Le panorama me rappelle le cinéma, par son côté un peu cinémascope en haute résolution ; il correspond aussi chez moi à un désir d’immersion dans le paysage, une envie de faire partager des images uniques captées à des moments où elles seront particulièrement mises en valeur. Il donne l’impression que si l’on pose ses pieds dans les pas du
photographe on entrera dans le décor. Ce format ne permet pas d’englober toute la vue en une seule fois, le regard évolue suivant un sens de lecture assez accidenté, de gauche à droite, à travers les éléments. Pascal : Pourquoi privilégiez-vous les paysages situés en France ? Hervé : Cela vient d’une conviction ancienne qui me pousse à croire que nous avons des merveilles chez nous. J’ai toujours cherché le dépaysement auprès de moi, pour ne pas m’ennuyer et pour pouvoir partager mes découvertes. Je ne photographie que des lieux accessibles à tous, non loin des routes par exemple. On peut trouver à côté de chez soi des merveilles cachées, des lieux exotiques, insolites, c’est avant tout la façon de regarder qui compte. La France est un résumé du monde, elle recèle toutes les ambiances géologiques du globe… On peut faire un tour de la planète dans l’Hexagone.
Portraits de Propos recueillis par Anne Sophie Novel
Karen Guillorel “Quand le voyage enclenche cette mécanique d’ouverture, elle ne se referme jamais”
L
a raison pour laquelle on se met en marche est mystérieuse, on peut passer sa vie à essayer de la saisir. Mon premier appel du voyage m’a menée à Saint-Jacques-de-Compostelle en 2004, sans raison apparente. Puis il y a eu Istanbul en 2006, chemin que j’ai prolongé à vélo jusqu’à Jérusalem. Et enfin un périple ralliant Barcelone à Amsterdam avec des ânes et une bibliothèque itinérante en 2008. Je n'ai souvent compris pourquoi j’étais partie qu'après mon départ : la Turquie, c’était pour discerner ce qui rendait les européens réfractaires à son entrée dans l’Union Européenne. Idem pour Jérusalem : je ne croyais pas en l’image unique du conflit relayée par les médias. Et j’ai fini par réaliser que c’était le décès de mon grand-père qui m’avait poussée sur la route ; marcher fut une façon de cheminer avec lui. En marche, nul autre que soi ne peut mettre un pas devant l’autre : personne ne fera le “travail” à votre place. Ce principe, une fois acquis, se répercute dans tout acte de la vie : d’un point A à un point B, il traverse toute chose, à tout niveau ; c’est un cheminement à chaque fois. Sur la route, on est davantage disponible et plus à même de percevoir certaines choses de la vie. Une lumière particulière dans la forêt ou un objet insolite
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en ville se parent parfois d’un sens profond auquel on n’aurait pas été attentif dans un autre contexte. Quand le voyage enclenche cette mécanique d’ouverture, elle ne se referme jamais. Aussi ces périples au long court m’ont-ils construite, je suis en voyage partout, où que je sois, au quotidien et bien que travaillant à Paris. Jour après jour, même sédentaire, je continue d’être touchée par l’itinérance. Je songe aussi souvent aux rencontres que j’ai faites, car la réalité d’un voyage n’est pas toujours aussi belle qu’on le croit, elle est parsemée de conflits : je me suis parfois trouvée face à des personnes agressives et en colère. Elles ne comprenaient pas comment je pouvais partir sans travailler pendant aussi longtemps. En chemin, ce sont les vieux et les enfants qui saisissent le mieux le sens de cette démarche. Les premiers ont une approche sensible du départ, ils ont vécu et voient dans le chemin une métaphore de la traversée de l’existence. Les seconds sont enchantés de rencontrer là quelque chose d’inhabituel, c’est un ravissement évoquant pour eux le côté aventurier et galopin de celui qui quitte la maison. A Jérusalem, je notais mes rêves chaque matin. La nuit, je faisais un voyage intérieur parallèle à mon périple diurne. Je raconte tout dans “De l’aventure au voyage intérieur”, un livre qui reste proche de ma philosophie du voyage. Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’un premier cycle de voyages initiatiques de dix ans est terminé pour moi : il a été important dans mon chemin de vie, peutêtre le reprendrai-je plus tard...
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DIY - Fais-le toi-même
A rosir de beauté TEXTE SYLVIE HAMPIKIAN PHOTO PASCAL GREBOVAL
De Venus à Cléopâtre, de Damas aux Reflets de Saint-Malo, la rose et son parfum enchantent les sens depuis des millénaires. Bénéfique sous toutes ses formes, des huiles de massage aux poudres et aux crèmes, redécouvrez la “reine des fleurs”, un atout roi pour la cosmétique... maison.
L’actif “rose” sous la loupe
A
voir un teint de rose : tout est suggéré dans cette image ! La rose est en effet une source incontournable d’actifs cosmétiques. Le plus précieux et sans doute le plus connu est l’essence de rose, traditionnellement produite en Bulgarie, mais aussi entre autres en Inde et au Maroc. Outre son parfum envoûtant, elle est riche de nombreuses vertus pour le corps comme pour l’esprit : antirides, cicatrisante, tonifiante pour la peau, relaxante, antidépressive... Cependant, il s’agit d’un véritable article de grand luxe (environ 20 euros le millilitre). On peut la remplacer à moindre coût par les huiles essentielles de géranium rosat (de préférence la variété bourbon) ou de bois de rose. Sans en avoir la subtilité ni la puissance, elles en constituent un ersatz de grande qualité. Et puis la rose est généreuse, elle offre bien d’autres trésors… plus abordables : - L’hydrolat (ou eau de rose) : une substance issue du processus de distillation des pétales de rose à la vapeur d’eau produisant l’essence de rose. Etant donné le très faible rendement, cette technique présente l’avantage de récupérer beaucoup de vapeur d’eau. Celle-ci une fois refroidie donne la délicieuse eau de
rose. Chargée d’environ 0,4% d’actifs aromatiques, elle est astringente, adoucissante et tonifiante. C’est la lotion visage idéale pour toutes les peaux et un basique incontournable pour les cosmétiques maison. - L’huile végétale de rosier muscat (ou huile de rose musquée) : cette huile végétale précieuse est extraite des graines du cynorrhodon, faux fruit du rosier Rosa rubiginosa. Dotée d’un doux parfum de noisette, elle est fine et très bien absorbée par l’épiderme. Son usage offre un réel plaisir et laissera une peau satinée. Adoucissante, hydratante, antirides, cicatrisante, régénératrice des cellules épidermiques, elle aide également à lutter contre la déshydratation. Elle favorise ainsi le rajeunissement cutané et la restauration des peaux endommagées, notamment par les rayons ultraviolets du soleil. Idéale pour traiter les rides, les ridules, les cicatrices et les vergetures, elle convient tout particulièrement aux peaux matures et sèches. On peut l’employer pure (quelques gouttes en massage du visage, matin et soir avant d’appliquer sa crème habituelle). - le macérât (ou huile à la rose) : à ne pas confondre avec l’huile de rosier évoquée ci-dessus, il s’agit ici de pétales de
roses parfumées que l’on a fait macérer dans une huile végétale de son choix, le plus souvent de tournesol. Ce macérât aux délicates senteurs de rose peut s’employer en soin de massage, adoucissant et relaxant, pour le corps comme pour le visage. Il peut également servir de phase huileuse dans la plupart des préparations cosmétiques maison. En revanche, il est très rare d’en trouver dans le commerce, d’où l’intérêt de savoir le préparer soi-même (voir recette) : c’est facile, pas cher et précieux ! - La poudre de rose : injustement méconnue en France, elle est surtout appréciée en Inde, où on l’utilise pour les soins de beauté inspirés de la médecine ayurvédique. Il suffit de l’imprégner de liquide (eau de source, eau florale, lait, huile végétale, jus d’aloès…) pour obtenir une pâte qui pourra s’appliquer comme masque, aux vertus astringentes, tonifiantes et défatigantes. Effet bonne mine garanti ! On peut confectionner cette poudre soi-même (voir recette du masque “poussière de rose”) ou l’acheter toute prête, dans les épiceries indiennes ou dans les magasins ou sites Internet spécialisés dans la vente de produits cosmétiques.
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Et si vous construisiez en paille ? COMPILÉ PAR PASCAL GREBOVAL ET YVAN SAINT-JOURS
Alors que le prix d’un terrain et celui de l’énergie atteignent des sommets, pourquoi ne pas envisager l’auto-construction en paille ?
POURQUOI CONSTRUIRE AVEC DES MATÉRIAUX ÉCOLOGIQUES ? Bien que les maisons conventionnelles soient plus performantes d’un point de vue énergétique, le label BBC n’est pas une assurance garantie (lire l’article désenfumage de Vincent Rigassi dans Kaizen 3). En outre elles ne respectent pas obligatoirement une approche bioclimatique (orientation des pièces à vivre au sud), source d’économie et de bien-être.
Nom du poste
Conventionnelle 1er prix
Conventionnelle
Maison écologique bois
Maison écologique monomur
Maison paille
Comparatif des frais de fonctionnement et des performances
Chauffage
1 221
1 119
358
487
266
210
210
130
130
701
701
371
371
371
465
465
238
238
238
2 597
2 495
1 097
1 226
1 005
Eau chaude Électricité et abonnement Eau potable Totaux (€/an) Données : fiabitat.com
Conventionnelle 1er prix
Conventionnelle
Maison écologique bois
Maison écologique monomur
Maison paille
Et des frais d’entretien
138 726
142 623
89 202
91 594
53 065
2 775
2 852
1 784
1 832
1 061
Nom du poste
© P. Greboval
Frais sur 50 ans Frais rapportés à l’année
Données : fiabitat.com
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Charles Braine un militant pêcheur TEXTE PASCAL GREBOVAL PHOTO MARKÉTA SUPKOVA
En charge du programme pêche durable au WWF pendant 4 ans, Charles Braine a changé de bord, il est devenu marin pêcheur. Rencontre avec un homme en transition.
P
ascal Greboval : Comment êtesvous venu à troquer le costume de militant au WWF ayant travaillé sur le dossier pêche pendant le grenelle de l’environnent contre le ciré de marin ? Charles Braine : Le changement n’a pas été si radical, j’ai toujours eu un pied dans le monde de la pêche, bien avant d’entrer dans le milieu associatif. Dès l’enfance la pêche m’a passionné, je passais une partie de mes vacances chez mes grands-mères - l’une en Normandie, où je taquinais la truite, l’autre en Bretagne où je pêchais le bar. Plus tard j’ai suivi une formation d’ingénieur agronome spécialisé en halieutique ; je fus successivement mareyeur à Rungis, puis en charge de la pêche accidentelle des dauphins dans un bureau d’étude et enfin chargé de programme sur la pêche durable au WWF. J’y ai passé quatre années passionnantes, mais j’y ai laissé beaucoup d’énergie. Pour faire passer trois amendements mineurs dans un texte de loi (un règlement sur le thon rouge), il m’a fallu des mois de travail sans compter mes heures, 56
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sans vraiment voir le résultat. J’ai pris conscience que pour faire bouger le monde de la pêche en France il était préférable de privilégier l’exemplarité aux leçons de morale, d’être acteur de bonnes pratiques qui essaiment. J’avais besoin de réel. Pascal : Arrivez-vous à suivre les techniques de pêche, les recommandations que vous préconisiez pour une pêche durable ? Charles : Les méthodes douces existent depuis longtemps déjà. Aujourd’hui j’exerce plusieurs techniques dont la ligne, le casier et le filet que je mets à l’eau de nuit pour une durée très limitée. De manière générale, il faut privilégier les “arts dormants” (lignes, casiers, filets ou pièges) par rapport aux “arts traînants” (chaluts, dragues à coquillages). Mais la pêche durable est moins une question de technique qu’une vision globale. Il faut maîtriser l’impact du bateau (consommation, pollution des produits d’entretien), optimiser les modèles économiques avec des circuits courts pour réduire les prises et mettre en place des
modèles vertueux. Il faut établir de nouvelles passerelles entre le monde de la pêche et le monde commercial. Pascal : Quels sont ces modèles vertueux ? Peut-on appliquer le modèle AMAP au monde de la pêche ? Charles : Les AMAP pêche sont très délicates à mettre en place. Il en existe, notamment à Lorient, mais il est très difficile de garantir une régularité. Nous sommes dépendants - plus que les maraîchers - de facteurs que nous ne maîtrisons pas : la météo, la présence ou non de bancs de poissons, etc. Mais avec mon bateau de 5 mètres et mes 20 kg de poisson par sortie, je n’ai aucun intérêt à entrer dans un processus d’expédition traditionnel par camion vers Rungis. C’est la raison pour laquelle je favorise le circuit court et/ou direct. Trois fois par semaine je vends sur le port de pêche de mon village. J’ai aussi trouvé en parallèle une entreprise de type mini-grossiste, qui privilégie les valeurs humaines et environnementales : Terroir d’avenir fournit en direct une cinquantaine de restaurants à Paris.
Cultivons les graines dans les bibliothèques TEXTE ET PHOTOS CHRISTELLE GERAND
Banque de semences, prêt de vélo, cours de tricot : deux femmes réinventent le rôle de la bibliothèque municipale contemporaine.
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a bibliothèque municipale de Fairfield dans le Connecticut ressemble à s’y méprendre à ses consœurs. Mais entre les œuvres de fiction, les magazines et les ordinateurs, un écriteau indique “bibliothèque de graines”. Dans les tiroirs, des semences de fruits et légumes. Le principe, simple, est calqué sur le prêt de livres : un catalogue de semences répertorie les centaines de graines “empruntables”. Des oignons de Southport, qui faisaient la fierté de la ville il y a cent ans, aux dizaines de variétés de haricots, de choux et de tomates, on trouve de tout dans les rayons. Chacun peut utiliser autant de plants qu’il le souhaite, manger sain tout l’été, faire sécher quelques graines et restituer son emprunt dès la génération suivante. Ce samedi, Kate Carroll est venue rapporter des graines de tomates. “On peut obtenir 20 graines avec une seule tomate. C’est incroyable, j’ai pu rendre tout ce que j’avais emprunté avec un
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seul fruit !” Kate est une habituée du jardinage, mais cette sexagénaire n’avait pas conservé de graines depuis son enfance. “Désormais je me sens davantage connectée avec mes plantes. Et comme les semences sont gratuites, je fais plus d’expérimentations, s’enthousiasme-t-elle. Je me demande bien ce que vont donner mes tomates cerises noires cette année…”. L’idée de la banque de semence a germé dans l’esprit des bibliothécaires Nancy Coriarty et Mary A. Coe il y a trois ans. Ferventes partisanes du manger sain, bio et local, convaincues que le jardinage est un savoir ayant toute sa place dans une bibliothèque, elles ont visé juste. Fairfield dénombre 60 000 habitants mais sa bibliothèque est la plus active de toute la Nouvelle-Angleterre, région comprenant six Etats du NordEst du pays.
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Créateur de Culture
Babel-Gum, un festival itinérant TEXTE CAROLE TESTA PHOTOS LUCIE FRANÇOIS
À la fois saltimbanques et animateurs de développement local, les jeunes acteurs du festival itinérant Babel-Gum créent des moments de culture en milieu rural.
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Les folles queues, après leur concert (à gauche), et le public goûteront la soupe préparée par Stéphane, régisseur de Babel Gum.
abel-Gum a déployé sa caravane sous la pluie. À Gramat dans le Lot, en novembre 2012 puis en mars 2013, le public est moins nombreux qu’espéré mais l’équipe ne se laisse pas décourager. Ainsi, Stéphane Linon a frappé aux portes pour récolter ici et là des légumes du jardin, qui se retrouvent en julienne dans une soupe au cumin très parfumée. À l’entrée de la demi-yourte il la sert aux habitants, aux musiciens et aux danseurs pour les réchauffer avant le bal-concert. Dans la yourte, les Cousins du Quercy, un collectif de très jeunes musiciens, ne se lassent pas de faire vibrer les violons. Les spectateurs se sont levés pour danser en cercle un bal occitan improvisé. En 2009 quand l’aventure a commencé, Gwen Rio, Stéphane Linon et à l’époque, Julien Chassagne voulaient pallier le manque de lieux de diffusion culturelle en milieu rural. En trois ans seulement, ces “néo-forains” ont animé une dizaine de festivals, principalement autour de Toulouse et dans le Lot mais aussi en Bretagne, et espèrent parcourir toute la France. Chaque escale dure environ
dix jours, le temps de tisser une véritable relation avec les artistes et les habitants. L’équipe est domiciliée à Lalbenque dans le Lot, un lieu idéal pour recharger les batteries - humaines et mécaniques... avant de repartir de plus belle ! D’ailleurs, “gum” est un clin d’œil à la gomme des pneus des caravanes. Financés par la Caf et des collectivités territoriales, ils pratiquent volontiers le prix libre en sensibilisant le public à leurs contraintes budgétaires. La force de ces nomades tient à leur polyvalence : Gwen, administratrice issue du milieu des politiques culturelles, s’occupe aussi des décors et de la cuisine ; Stéphane, circassien, assure la régie générale et l’entretien du convoi. Le même soir, il peut débattre en costume avec des habitants avant de réparer une fuite d’eau, allongé sous la caravane. Il est assisté dans ses travaux de bricolage par Chloé, comédienne et créatrice de personnages tout-terrain, qui vient théâtraliser le service au bar et la billetterie. L’équipe s’agrandit : elle accueille désormais Arnaud, technicien du son, et Camille chargée de KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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Habiter mini c’est géant !
Le sourire d'Yvan
PAR YVAN SAINT-JOURS
part (vous savez comme le colibri, le petit oiseau là… ). Et comme un oiseau je fais un mini nid. Une maison de la taille d’un nid ! Ça tombe bien car cette maison elle s’appelle la tiny house (prononcer taille-nid). Et le slogan révolutionnaire que je scande tout seul en attendant d’être plus nombreux c’est “Mieux vaut tiny que pas d’nid !”. ◗
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beaucoup le Yvan, qu’est-ce que ça va être ?!”). Mais je fais fi des critiques, ma vie commence déjà à changer, j’en veux pour exemple cette nouvelle kai-zen-attitude qui s’est emparée de moi depuis peu. Il y a quelques jours je me suis rendu chez Ikea pour faire comme tout le monde. A l ‘entrée je prends le petit crayon et la “je-dois-acheter-plein-detrucs-liste” qui va avec, gracieusement offerts par le géant suédois. Une demieheure plus tard, je trouve enfin la sortie de ce labyrintho-consommationniste et passe à la caisse l’air léger, le crayon offert sur l’oreille et les mains dans les poches. Eh oui, je n’ai pas de place dans ma mignonnette maisonnette et je dois donc me recentrer sur l’essentiel absolu, l’ultime nécessaire, le précieux utile. Alors adieu futiles babioles, achats compulsifs, et autres trucmuches à l’obsolescence programmée ! Imaginez encore quand je suis entré l’autre matin dans le magasin d’écomatériaux “Bonjour je voudrais de la lasure pour toute ma maison”. Un large sourire se dessine sur le visage du commerçant et dans ses yeux je peux lire “enfin les affaires reprennent, avec cette crise qui n’en finit pas de durer, à croire que jamais la relance ne pourra s’économiser… ou l’inverse”. Je m’en vais dans le rayon et reviens avec un petit pot de 2,5 litres. ”Monsieur, avec un pot de cette contenance vous ne ferez qu’une toute petite pièce”. “Eh bien justement, lui réponds-je, c’est exactement la taille de ma maison, et si tout va bien j’aurai fini pour le déjeuner”. Alors voilà, j’ai commencé une révolution, minuscule, histoire de faire ma
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’ai récemment démarré une drôle d’aventure (drôle dans le sens de bizarre, mais aussi de rigolo). J’ai en effet entrepris la construction d’une maison de 10 m2. Non non, Lucile n’a pas oublié de corriger une faute que je n’ai pas faite, la maison ne fait pas 100, mais bien 10 m2. La superficie d’une chambre d’enfant en somme. “Mais diantre quelle mouche le pique ?”, pensez-vous soudainement en levant le nez de votre magazine préféré pour évaluer la superficie de la pièce où vous vous trouvez. Et vous ajoutez : “Mais c’est super mini ! Il est maxi zinzin ce type !”. J’assume la zinzinerie. Et pourquoi donc me lancer dans une pareille entreprise alors que c’est la crise et qu’il faut à tout prix relancer l’économie car la croissance est infinie ? Parce que j’ai envie, voire besoin, de simplicité. Et que je me suis dit que quand je serai mort il sera trop tard pour tenter la vie simple puisque je serai mort (ceci dit je planche aussi sur un projet de mort simple, mais c’est une autre histoire). Imaginez un instant la nouvelle vie qui s’ouvre à moi ! L’espace et le temps vont enfin faire bon ménage. Car qui dit mini espace, dit mini ménage, et donc gain de temps. Et qui dit gain de temps dit des siestes plus longues, des discussions plus profondes, des rires plus forts, des méditations plus méditatives. Et puis un mini espace à vivre, ce sont des mini charges, donc moins besoin d’argent, donc moins de travail (j’entends d’ici Pascal, notre vénérable rédacteur en chef dont les origines terre à terre de sa Haute-Normandie ne sont jamais bien loin : “Ah ben déjà qu’il travaille pas
Pour suivre cette minuscule réalisation, un minuscule blog : www.latinyhouse.com KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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Le bon plan Le Diois, dans la Drôme
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TEXTE ET PHOTOS PASCAL GREBOVAL
Pour certains le Diois est le modèle d’un nouveau paradigme qu’ils appellent de leurs vœux. Il est vrai qu’avec 70 % des surfaces cultivées en bio, ce territoire détonne dans le paysage français. Et si vous profitiez des vacances pour le découvrir ? OÙ DORMIR ? VOUS AVEZ L’EMBARRAS DU CHOIX ! a Lune en bouche, comme une invitation au rêve… En1999 Françoise et Jean Claude ont posé leurs valises belges dans cet ancien corps de ferme du XVIIe s. de la belle vallée de Quint. Ils avaient besoin de changement, de retrouver un lien avec la nature, de ne plus “vivre sans sens et avoir l’argent pour moteur”. Inspiré par le livre de Julien Fouin Maison bio, Jean Claude rénove la bâtisse avec des matériaux sains - enduit chaux, terre, chanvre, panneaux solaires, etc. N’hésitez pas à questionner Jean Claude sur le sujet, c’est un expert… timide. Apres une saine baignade dans la mare écologique, le soir venu, vous échangerez longuement avec vos hôtes dans la cour, car le “tourisme de rencontre” est au cœur de la Lune en bouche.
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Plus près de Die, direction les Gîtes de Chapias. En 2000, Joëlle en proie à de graves problèmes de santé soupçonne la pollution parisienne d’être la cause
de ses maux et ressent un grand besoin d’air pur. Elle entend parler du Diois comme d’un territoire en marche et tombe sous le charme. Fatiguée aussi par son métier, elle se lance dans un projet d’accueil : “C’est une activité complète, on touche à plein de domaines différents”. En parallèle, elle découvre les problèmes de pollutions intérieures et décide de rénover cette grande maison avec des matériaux sains pour en faire des gîtes confortables. Dans cet endroit calme loin de toute habitation, vous trouverez détente et sérénité, c’est sûr ! Depuis qu’elle vit dans cet environnement sain, Joëlle est en pleine santé ! Aux portes du Diois, un peu plus à l’écart, l’Arche des Trois becs. Sylvie et Eric ont eux aussi été guidés par un désir de changer de vie, de revenir à la nature après un violent burn-out. C’est avant tout le volet énergétique qu’ils ont développé : panneau solaire pour chauffer une piscine avec vue imprenable, petite éolienne, chaudière à granulés de bois, etc. Au total ils économisent 14 tonnes
de CO2 par an par rapport aux équipements qu’ils ont trouvés à leur arrivée en 2009. Ce nouveau cadre a profondément modifié leur mode de vie : Sylvie s’est formée aux massages, Eric au potager. Ils ont à présent une approche globale du bien-être… et font tout pour que leurs hôtes en profitent aussi. A l’autre bout de la vallée, du côté de Chatillon-en-Diois, au Paon du jour, c’est dans une maison neuve à ossature bois qu’Evelyne et Michel vous accueillent dans leurs chambres d’hôte. Passionnés par les oiseaux… et les papillons (les connaisseurs auront reconnu l’un d’entre eux dans le nom du site), ils aiment faire découvrir aux enfants, la métamorphose d’une chenille en chrysalide puis en papillon, plaisir de découverte partagé par les grands. Si vous voulez connaître la vie quotidienne d’un producteur bio, rendezvous chez Jean-Marie à la ferme des Lamberts, dans le petit village de Miscon, où 80 % des exploitations sont KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013
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L’angélique TEXTES ET PHOTOS LINDA LOUIS
Son élégance, son envoûtant parfum mentholé et anisé ainsi que ses vertus médicinales remarquables ont contribué à diffuser sa réputation de plante divine.
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erbe aux anges, herbe du SaintEsprit, herbe aux fées… Autant de noms populaires qui vont si bien à l’angélique ! Aujourd’hui encore elle bénéficie d’une aura particulière, véhiculée depuis le Moyen Âge par les religieux qui cultivaient cette simple dans les monastères. Au bord des fossés, elle est là, majestueuse et robuste, formant des pompons de fleurs parfumés qui attirent d’emblée l’œil du promeneur. La plante est en effet l’une des plus grandes aromatiques poussant sous nos latitudes.
Comme l’anis, la carotte, le carvi, le cerfeuil, le cumin, le fenouil ou le persil, elle fait partie de la famille des Apiacées (autrefois nommée Ombellifères). Mais attention, d’autres plantes cousines sont très toxiques, comme l’œnanthe 74
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safranée, la berce du Caucase, voire mortelles comme la ciguë. En étant consciencieux dans votre analyse botanique (voir ci-contre), vous pourrez glaner cette plante et la cuisiner. Et si vous craignez de ne pas savoir la reconnaître, plantez de l’angélique cultivée et le problème est réglé ! Pour vous en procurer, deux options : soit vous achetez des plants chez un pépiniériste, soit vous récupérez des graines fraîches (passé un mois, elles perdent quasiment toute leur capacité germinative) et vous les semez sur un terrain tassé et compact (utilisez un rouleau). L’angélique est bisannuelle, c’est-àdire qu’elle produit simplement des feuilles la première année, puis des fleurs la deuxième année (mais ce rythme est très variable, elles peuvent mettre jusqu’à 5 ans pour se développer).
Après sa floraison, la plante meurt car sa survie n’est assurée que grâce aux graines qu’elle aura produites (plante monocarpique). Elle développe une certaine amertume qu’il convient d’apprivoiser selon les parties utilisées, les espèces et les recettes choisies. L’angélique archangélique est par exemple plus douce que la sylvestre, mais cette dernière, une fois confite au sucre, n’est plus amère. De manière générale, on récolte les pétioles (“tiges” des feuilles) avant la floraison totale. Cependant certains amateurs de cuisine sauvage n’appliquent pas systématiquement ce principe (surtout s’il s’agit de l’angélique archangélique) et prélèvent les pétioles plus tard, du moins avant que la plante ne monte en graines. Une fois de plus, s’ils sont confits au sucre, aucune amertume ne sera sentie. En cuisine et en médecine, les utilisations de l’angélique sont très nombreuses ; mais avant de passer à la pratique, observons de plus près ses critères de détermination…