Le logement social au maroc / Etat des lieux et perspectives

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Sommaire Introduction I.Définitions des concepts 1. Pauvreté 2. Solidarité

II.Etats des lieux 1. Le Maroc indépendant 2. Exodes et pauvreté 3. Le modèle traditionnel du logement social

III.Cerner la pauvretés ses besoins 2

1. Identifier la pauvreté 2. Une vision axée sur la Propriété

IV.La stratégie actuelle 1. Historique 2. Le logement économique 3. Mode de Production

V.Impacts 1. Un marché régulé 2. Le prix au détriment de la qualité 3. Des réactions mitigées 4.Le tiers associé

Conclusion Bibliographie


I. Introduction L’habitat fait partie des besoins primaires de l’homme. Faisant partie des besoins fondamentaux de la pyramide de Maslow, il est un sujet central dans toutes les sociétés du monde. La question du logement des classes sociales a toujours été problématique en raison de la difficulté de loger des classes défavorisées dans des conditions adéquates. Historiquement, le passage de l’état régalien et gendarme à l’état de providence a imposé aux nations de réfléchir de manière globale à cette problématique. Si le sujet de réflexion est le même, les logiques et les mécanismes utilisés diffèrent totalement suivant le contexte et la culture de chaque pays. Il serait réducteur aux caractéristiques propres à chaque pays de vouloir réduite cette problématique à une seule réponse susceptible d’être transposée dans des milieux différents Certaines structures internationales telles que l’Onu Habitat travaillant de manière transversale sur la question des abris pour tous montrent la quasi-impossibilité de créer une machine à habiter pour classe défavorisée. Le Maroc est un de ces contextes complexes qui a choisi de développer sa propre stratégie de logement social, chose qui ne fut pas aisée en raison de son passé et de la fissure qu’a connu son histoire. En effet, après le départ du protectorat français, le Maroc a peiné à se retrouver et avait tendance à calquer certaines manières de faire de pays occidentaux considérés comme développés, la France ayant pu être considéré comme un modèle suprême en raison des traces imperceptibles qu’elle a pu laisser dans la vision des Marocains. Cependant,

certains domaines ne seront pas totalement touchés par cette tendance à transposer des stratégies sur le territoire national. Ce fut le cas pour la question du logement social. Comprendre la politique du logement social au Maroc équivaut à questionner dans un premier temps la perception de la pauvreté dans ce contexte arabo-musulman car l’étude sociologique d’un pays arabe laisse toujours transparaitre l’influence de la religion en tant que projet sociétal sur les mœurs et les traditions. Percevoir la pauvreté ne peut qu’aller de pair avec une réaction de la société sous sa forme institutionnelle mais également humaine. La solidarité dans ses différentes formes est un concept sinequanone pour comprendre la pauvreté au Maroc. Il est également impératif de comprendre l’importance du logement dans l’esprit du Marocain et la forme que celui-ci doit prendre dans le but de sortir de manière symbolique d’une pauvreté toujours physiquement existante. Comment les traditions et la perception de la société marocaine peuvent-elles définir la pauvreté ? Quel rôle pour le logement dans la conception de cette pauvreté ? Quelle est la stratégie de l’Etat Marocain pour loger les défavorisés ?

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II.Définition des concepts 1. Pauvreté

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Une définition absolue de la pauvreté est impossible. Le dictionnaire de l’académie française de 1798 le définit comme : « Indigence, manque de biens, manque de choses nécessaires à la vie. » 1 Celui-ci va faire évoluer cette définition dans son édition de 1986 qui deviendra : « Etat d’une personne dont les ressources ne couvrent pas les besoins ou fournissent à peine au nécessaire. » 2 C’est à partir de ces définitions que l’on a pu lire dans le cadre du Conseil européen de décembre 1984 ce qui suit : « L’UE entend par personnes pauvres «les personnes dont les ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’État membre dans lequel elles vivent » 3 . Cela introduit le fait que la pauvreté est spécifique à un contexte et une société précise. Pour comprendre cette pauvreté relative appliquée à la société marocaine, il faut donc comprendre ses spécificités. Le Maroc est un pays musulman sunnite de Doctrine Malékite. Bien qu’il existe une représentation du judaïsme et du christianisme du au fait que la liberté de culte est garantie par la constitution, la religion musulmane représente l’essence même de la société marocaine. L’étymologie

du mot Maroc en atteste. Issu du mot berbère Amerruk, diminutif du nom originel de Marrakech, il est lui-même originaire lui-même issu du mot berbère « amur n ukuc » qui signifie « terre de Dieu » ou « terre sacrée » 4 Dans la cultures musulmane, il existe 2 visions de la pauvreté : une vision symbolique et une vision physique. La vision symbolique aura son importance pour comprendre les modalités de la solidarité. Au niveau physique, la pauvreté se décline sous 2 formes :

Le Faqir est le profil du pauvre qui n’a pratiquement rien et n’arrive pas à satisfaire ses besoins. Ce profil a tendance à demander de l’aide à la communauté. Il est représenté par l’image du Fakir Indou qui est une forme de spiritualité soufi. Ses tours semblant magiques sont une théâtralisation d’actes pouvant être utilisés pour mendier et renvoient à des principes de patience face à la souffrance. Le Miskin, quant à lui, est un nécessiteux qui dispose de moyens mais qui ne lui suffisent pas pour

1 Le Dictionnaire de l'Académie française (5e édition), Paris, 1798 2 Dictionnaire de l'Académie française (9e édition), t. 3 (de Maquereau à Quotité), Imprimerie nationale/Fayard, 2011, 3 Les Travaux de l’Observatoire « Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale » 2000, Chapitre 1, page 25 4 Naït-Zerrad Kamal, « Lexique religieux berbère et néologie », 1998 5 Malik Ibn Anas « Al-Muwatta »


satisfaire l’ensemble de ses besoins. Le terme mesquinerie qui désigne une personne pauvre d’âme dérive de ce terme. Dans la société marocaine, la distinction entre les deux formes est perçue de manière subtile : le Faqir demande de l’aide tandis que le Miskin, dans une optique de dignité personnelle, ne la demandera généralement pas bien qu’il soit susceptible de l’accepter si elle vient de manière spontanée. Selon la doctrine malékite du sunnisme que respecte le Maroc, la pauvreté est également définie par une caractéristique temporelle. Le pauvre et le nécessiteux ne peuvent anticiper leurs besoins sur une période d’un an. 5 Cette précision est principalement dû à une forme de rémunérations ponctuelles relatives à des domaines telles que l’agriculture où de grosses sommes peuvent être récoltées une à deux fois par ans sans pour autant mettre leurs percepteurs à l’abri du besoin.

2. Solidarité

La vision symbolique de la pauvreté est une approche spirituelle insistant sur le fait que tous les humains sont pauvres et

au service du riche Créateur. Ainsi, chaque communauté est seulement l’administration en charge de la circulation de ses richesses. La forme de solidarité des sociétés arabes musulmanes est assez semblable aux formes de solidarité des milieux chrétiens et judaïques. Elle est une sorte de solidarité organique de Durkheim ajoutant une vision suprahumaine. Cet individu qui a commis une faute et doit réparer le mal qu’il a fait aux individus aura une réflexion mystique où il devra racheter ses fautes pour être récompensé dans l’au-delà. Une caractéristique essentielle de l’aumône et de la charité dans les sociétés musulmanes est que celle-ci doit être faite de manière anonyme pour préserver la dignité de ce Faqir qui ne voudra pas avouer son embarras. Dans ce but, aucune différence n’est faite entre l’aumône donnée au 2 formes de pauvres dont nous avons parlé auparavant. Il existera donc une forme de mystère sur la situation financière ou sociale réelle d’un individu qui choisira de ne pas la mettre en avant.

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III. état des lieux 1. Le Maroc indépendant

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Le protectorat français au Maroc a mis en exergue un contraste qui se niche dans l’identité même du marocain : La société marocaine est à la fois composée d’une part traditionnelle aux modes de vie très organiques et une autre qui aspire à la modernité. Ces deux visages de la société peuvent même être détecté dans une seule et même personne. La bourgeoisie marocaine instruite a été représentée au lendemain de l’indépendance en 1956 par la ville de Fès qui enfantera pour plusieurs décennies les décideurs politiques, les grands commerçants et hauts fonctionnaires du Maroc. De l’autre coté, une part de la société essentiellement rurale et illettrée est restée en marge du développement post protectorat. De grands bouleversements politiques placèrent la question de la sécurité nationale en tant que priorité absolue du Maroc, au détriment du développement social et de l’éducation. Ainsi, les deux coups d’état manqués contre le roi Hassan II achevèrent de placer le Maroc dans une situation d’urgence où il n’y avait pas sujet à s’occuper d’une classe sociale trop contraignante. Hassan II tiendra d’ailleurs un discours unificateur durant cette période. « Si je parlais à mon petit-fils, je lui dirais tout simplement que ce Sahara a toujours été lié au Maroc par les liens de l’allégeance et que, chez nous, souveraineté et allégeance (beïa) sont une seule et même chose. » 6

On utilisa pendant longtemps la

dualité « Maroc utile / Maroc inutile », expression qui aurait dû choquer le plus grand nombre dans un royaume qui se proclame unifié. Durant Ce n’est que très récemment que le Maroc a enfin réussi à se détacher de cette vision. Mohamed El Yazghi, fondateur de l’Association marocaine des droits humains, a déclaré en 2003 : « Nous avons enfin prouvé qu’il n’y a pas un Maroc utile et un Maroc inutile. Les régions les plus déshéritées et les plus exclues ont un potentiel extraordinaire dans des domaines particuliers pouvant leur permettre d’attirer des investissements et de participer au grand chantier du développement économique et social du pays. » 7

Cette situation expliquera par la suite le nombre grandissant de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté et entrainera un grand exode rural vers une ville représentant la modernité et la richesse.

2. Exodes et pauvreté

Avant les années soixante, l’exode était motivé par la présence d’équipements dans le milieu urbain qui n’existant pas en milieu rural. Un jeune partait vers la ville pour continuer ses études. Cependant, ces migrations étaient contrôlées. La pauvreté se faisait moins ressentir dans un milieu rural en raison de l’existence d’une solidarité forte où chaque communauté prenant le nom de Douar (petit village) prenait en charge les plus pauvres d’entre eux. Entre 1960 et 1970, 300 000 personnes ont quitté le monde rural pour la ville. Cette première phase a fait office de régulateur social ; la ville a

6 Jeune Afrique, « Interview de SAR Hassan II, roi du Maroc » 1985 7 Journal Le Matin, Juillet 2003, « entretien avec Mohamed El Yazghi »


aspiré les personnes à la recherche d’un emploi. La deuxième phase fut plus compliquée car ce chiffre augmenta exponentiellement pour plusieurs raisons : L’image que donnaient les exilés de la ville pouvait être idyllique. De plus, le désengagement de l’état et la baisse du recrutement des jeunes diplômés dans les milieux ruraux en raison du changement de paradigme dont il a été question auparavant couplé aux années de sècheresse poussèrent un plus grand nombre de personnes à quitter leurs terres. Ce départ vers la ville sans pour autant avoir de perspective professionnelle a marqué le début de la problématique de l’habitat social.

3. Le modèle traditionnel

du logement social

Historiquement, plusieurs typologies d’habitat existent pour les catégories défavorisées. Le système de Waqf en est un. Le Waqf représente un bien immobilisé après la mort de son propriétaire pour des fins charitables et qui a pour vocation de résoudre des problématiques sociales. Certains de ses biens pourront être loués gracieusement ou à un prix symbolique. Dans l’absence d’âme charitable ou de membres de la famille pouvant les accueillir, un membre de la classe défavorisé devra se tourner vers d’autres alternatives. Le système de

8 Bidonville. (S. d.). Dans Dictionnaire Larousse en ligne.

Rahn par exemple est un type de location dans lequel le locataire donne une somme d’argent plus ou moins importante au propriétaire avant de signer le bail. Cette somme sera récupérée quand le locataire quittera le bien. En échange de l’immobilisation de cette somme, le locataire paiera un loyer faible en comparaison avec le prix du marché. Rassembler cette somme paraît plus difficile qu’elle ne l’est en réalité car les personnes bénéficiaires de ce marché peuvent compter sur la solidarité d’un membre de la famille qui sera prêt à leur avancer cette somme. L’habitat insalubre est l’avant dernière solution envisagée. Le Larousse dit du bidonville qu’il est une « Agglomération de baraques où s’entasse la population misérable d’une grande ville. » 8 Les choses sont cependant plus complexes que cela. Dans le cas du Maroc, deux sortes de bidonvilles existent, certains plus dans la légalité que d’autres. D’aucuns se sont installés sur des terrains vides sont se soucier de leurs propriétaires. D’autres ont été crées en raison de l’ignorance de leurs habitants. Des propriétaires terriens avides possédaient du foncier à proximité de la zone urbanisable. Ces terres n’étaient pas aménagées, équipé ou dans un cadre juridique pour accueillir du bâti. Elles furent tout de même morcelées en petits lots, ayant parfois des dimensions exiguës et absurdes, et furent vendus à des prix ridicules. Ce devenait très difficile de déloger une population installée depuis des années et disposant d’un contrat de vente de ces terres sans déranger la paix sociale d’une ville. On parla désormais d’habitat non règlementaire dans ce cas-là. Le silence des administrations renvoie à un sujet d’autant plus complexe qu’il est politiquement incorrect.

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IV.Cerner la pauvreté 1. Identifier la pauvreté

Le principal défi dans ce domaine est de savoir s’il y a capacité d’identifier le pauvre selon des critères objectifs afin de pouvoir proposer ce qui s’apparente à une aide gouvernementale au logement comme c’est le cas dans plusieurs pays. Ce processus est ambiguë au Maroc pour plusieurs raisons :

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1. Selon le rapport du HCP 9 , 40% du PIB du Maroc est informel. Cela veut dire qu’un peu moins de la moitié de la population travaille dans un secteur qui échappe au regard de l’état. Définir la pauvreté monétaire de cette part de la population devient donc très difficile. La peur du Marocain de payer des impôts ou de nouvelles taxes fait qu’il n’annoncera jamais combien il gagne en réalité lors des différentes enquêtes. 2. S’il est difficile pour un pauvre de cacher sa situation et s’identifier à la classe moyenne, le contraire est très aisé. Le manque de suivi des activités économiques. Le mendiant est l’exemple par excellence. Si la mendicité est censée représenter la quintessence de la pauvreté, elle est devenue une activité très lucrative. Si, parmi les 196000 mendiants10 du pays il existe des personnes dans le besoin, 62,4% en ont fait un métier à part entière. L’enquête révèle que, souvent, le mendiant est le chef de ménage (74,6%) et que 50% des personnes interrogées donnent de l’aumône quotidiennement. Un

mendiant, selon la zone dans laquelle il intervient et ses horaires de travail, peut arriver à des sommes mensuelles équivalente à 3 fois le Smic. Dans le cadre de campagnes de lutte contre la mendicité, des appréhensions de riches mendiants ont mis en exergue ce contraste. Certains d’entre eux se sont avérés être en possession de bien immobiliers, de liquidité financière leur permettant de vivre décemment pendant plusieurs années ainsi que des richesses sous d’autres formes telles que des bijoux.

2. Une

vision axée sur la Propriété Les HLM en France et au Québec sont des exemples de logement social axés sur sur la location. La location n’est pas une option envisageable au Maroc pour plusieurs raisons. La définition de la pauvreté dans sa vision temporelle ne permet pas de réponse par un loyer car une personne en situation précaire n’est jamais assurée de pouvoir payer son loyer sur le long-terme. De plus, la volonté de détenir un bien immobilier de n’importe quel type ou taille est

9 Haut commissariat au plan, « Enquête nationale sur le secteur informel. Rapport de synthèse », 2012, https:// www.hcp.ma/file/120086/ 10 Ligue marocaine pour la protection de l’enfance, en collaboration avec l’Entraide nationale et l’appui du ministère de la santé, « Enquête sur la mendicité » 2004


très présent chez la classe pauvre. Si la proportion nationale des propriétaires dans les ménages est de 65,6%, elle explose au niveau du 1/5eme de la population la plus pauvre. Les indicateurs de pauvreté résident en réalité dans le nombre de pièces habités, le nombre de personnes par logement et les caractéristiques

générales du logement. Entre 75% et 80% du 1/5eme des ménages les plus pauvres en milieu urbain habitent dans des logements de moins de 2 pièces. L’habitat non règlementaire n’a pas forcément accès à des services de base tels qu’une source d’éclairage convenable ou un toit en dur étanche.

V. la stratégie actuelle 1. Historique

Le logement social au Maroc sous sa forme actuelle est un secteur relativement récent. En 2003, le Maroc s’est doté de cette politique en complément de l’incitative pour le développement humain en parallèle du programme « Villes sans bidonvilles » qui sont au nombres de 58 sur le territoire national en 2017. Elle a fait le point essentiellement sur la promotion de l’habitat social, la résorption de l’habitat insalubre ainsi que l’anticipation du développement urbain.

2. Le logement économique A partir de 2007, des avantages fiscaux ont été accordés par la nouvelle loi de finance11 au profit des promoteurs immobiliers producteurs de logements à moins de 200.000 dirhams (Environ 18 000 euros). En 2008, un nouveau produit est apparu. L’appartement FVIT (faible valeur immobilière totale) au prix de

140.000 dirhams visait une population gagnant moins d’une fois et demi le Smic. En 2010, ayant constaté l’échec de l’appartement FVIT, La plupart des efforts se sont concentrés sur l’appartement social classique dont la valeur est passé de 200.000 à 250.000 dirhams (environ 22.000 euros). L’appartement coute en réalité 290.000 dirhams. Les 40.000 dirhams de la TVA sont reversés au promoteur par l’état.

3. Mode de production

Le secteur privé a produit 78,1% des logements sociaux annuels. Le groupe Al Omrane, premier opérateur d’aménagement au Maroc résultant de la fusion des Établissements Régionaux d’Aménagement et de Construction publics en société anonyme, en produit 19,6%. L’ensemble du secteur public ne représente que de 2,4% de la production de logement sociaux12 . En 2015, 183.234 logement sociaux ont été produits dont 80% d’unités à 250.000 dirhams. Le ministère de l’habitat vise la création de 800.000 unités. L’Objectif est de réduire le déficit en logement de 50% à l’horizon 2021

11 Dahir n°1-07-211 du 16 Hija 1428 (31 décembre 2007) portant promulgation de la loi de finances n°38-07 pour l’année budgétaire 2008, B.O. N°5591 bis -20 Hija 1428(31 décembre 2007). 12 Ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville, Direction de la promotion immobilière « Tableau de bord du secteur de l’immobilier 2011 »

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VI.Impacts 1. Un marché régulé

Les prix de l’immobilier au Maroc comparés au pouvoir d’achat restent dans l’ensemble modérés, sauf dans le cas de certains quartiers précis de grandes villes comme Casablanca, Marrakech ou Tanger. Le logement social fait office de témoin et de régulateurs dans des quartiers en comparaison avec le moyen standing. Un appartement social ne peut être acquis que sous certaines conditions. Parmi les plus restrictives, on peut citer : • N’avoir jamais bénéficie d’un produit subventionné par l’état.

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• Etre résident ou exerçant une activité professionnelle dans la ville où se situe le projet • Ne pas être propriétaire de logement ou de terrain dans la zone du projet • S’engager à résider pendant une durée de 4 ans révolue dans le ledit logement. Cette dernière règle empêche l’acquéreur de le revendre dans les 4 premières années qui suivent sa livraison. Cependant, une fois ce délai passé, les reventes sont choses courantes. En prenant compte du bénéfice que voudra faire son propriétaire, les prix restent accessibles et annoncent la tranche de prix du logement moyenne gamme qui ne s’en éloigne jamais.

2. Le prix au détriment

de la qualité

Dans ce cas de figure, le promoteur vend ses appartements au prix de revient et se rémunéré par les 40 000 dirhams (à peu près 3600 euros) de TVA récupérée en amont, soit une marge très confortable de 20 à 30%13 . Le prix de revient est divisé comme suit : • Entre 10 et 25% du coût est consacré au foncier. Selon les zones, le m2 est négocié entre 800 et 1500 dirham (entre 70 et 132 euros). Pour justifier ces prix anormalement bas, ces terrains sont, bien entendus, en marge de la ville. En comparaison, le prix moyen du foncier d’un immeuble moyen standing dans la ville de Casablanca est de l’ordre de 8000 dirham le m2 (720 euros à peu près) Des ventes de terrains de l’état à des prix inférieurs aux prix du marché permettent de rapprocher quelques projets des centres. •

4% de frais de viabilisation.

• Entre 49 et 53% en frais de construction soit un cout de construction brut compris entre 2200 et 2500 dirhams le m2 (entre 200 et 230 euros) • Entre 7 et 9% en frais divers (Architectes, ingénierie, gestion etc.) Ces écarts de couts définissent les 10% de variations Cela va sans dire que L’appartement résultant privilégie les économies sur la qualité des prestations. L’appartement social à 25000 est de type T3 d’une surface comprise entre 52 et 58 m2.

13 Auteur inconnu, « Construire un immeuble, combien ça coute, combien ça rapporte», Janvier 2007 http:// lavieeco.com/news/argent/construire-un-immeuble-combien-ca-coute-combien-ca-rapporte-6104.html


La surface préconisée est de 55 m2. Ces prix font bien souvent abstraction de l’isolation phonique et thermiques à 300 dirham le m214 , d’un ascenseur ou d’un double-vitrage. Un effort très récent a été mis en œuvre pour que les appartements disponibles en rezde-chaussée, s’il en existe et n’ont pas été remplacés par du commerce, soient accessibles aux personnes à mobilités réduites. Les parkings couverts sont également optionnels. Quant au traitements paysagers, bien qu’il fasse partie des cahiers de charge, il est une dépense qui arrive en fin de projet et est bien souvent réduite.

3.

Des réactions mitigées

Dans le cadre du programme « ville sans bidonvilles », beaucoup d’anciens habitants se sont vu proposer des appartements sociaux gratuitement pour se reloger lors de la destruction de leurs anciens logements. Cette solution fut un échec car beaucoup de ces personnes refusaient le logement collectif qui ne collaient pas à leurs modes de vie et critiquaient ardemment ces programmes. Ce refus de migrer du bidonville vers le bétonville a dû lutter contre un bon nombre de soulèvements sociaux.

4.

Le tiers associé

La solution adoptée à Casablanca, ville grandement touchée par le phénomène du logement insalubre fut le tiers associé. Des lotissements équipés en voirie et en accès aux réseaux urbains sont développés sur des terrains publics ou domaniaux pour accueillir les habitants des bidonvilles jugés prioritaires. Ces lots seront vendus en moyenne à 70.000 dirhams (6200 euros). Le cout d’acquisition et de construction étant trop cher pour ces classes, on autorisa 2 ménages bénéficiaires du même lot de terrain d’associer une personne tierce qui s’engagera à acheter le lot destiné à ces familles, construire un immeuble en R+3 et livrer un logement par famille. La principale différence avec les solutions précédemment évoquées est l’échelle du lot limitée par rapport aux programmes de logements sociaux classiques. Chaque famille occupera un étage du bâtiment construit. L’étage restant et le rez-de-chaussée, le plus souvent commercial, reviendra au tiers qui dans la majorité de cas est une personne physique ayant un lien de parenté avec l’un des ménages. Dans certains cas, celui-ci est résident à l’étranger. Les 2 ménages se partagent donc un logement pendant 11 mois par an.

Finalement, les habitants insatisfaits de leurs nouveaux logements se contentaient d’y habiter pendant 4 ans avant de le revendre. Cette somme leur permettait d’acheter un nouveau domicile dans un bidonville plus éloigné et de se permettre une dépense qualitative telle que l’achat d’une voiture d’occasion ou de constituer une épargne. 14 Reda Harmak, « Ce que gagnent les promoteurs dans le logement social», lavieeco.com, septembre 2011. http://lavieeco.com/news/economie/ce-que-gagnent-les-promoteurs-dans-le-logement-social-20257.html

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Conclusion Solution momentanée ? Tout en limitant l’engagement financier de l’Etat, les pouvoirs publics axent leur politique sur l’organisationde la collecte de l’épargne des ménages et le développement de la promotionimmobilière privée. Si le logement social répond effectivement aux besoins de la société marocaine actuelle, il est peutêtre en train de créer une forme d’exclusion sociale qui se fera sentir de manière violente dans les décennies à venir. Dans les années 1990, à Casablanca, on enfermait à Al Ank15 , sorte de prison qui ne se nomme pas comme telle, les indésirables que l’on ne voulait pas afficher dans la ville. Ce phénomène fut le même à l’époque dans plusieurs pays tels que la Russie ou le Japon. Ironie du sort, le centre d’Al Ank est aujourd’hui localisé dans l’une des zones les plus prisées et les mieux cotées de la ville en raison de sa proximité à la mer.

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Aujourd’hui, les indésirables sont envoyés en périphérie de la ville dans un système où le transport devient de plus en plus compliqué. C’est une sorte d’éviction et de ségrégation selon le niveau de moyen des populations. Si ce peut être une réponse à la pauvreté dans le volet du logement, elle est purement utilitariste. Dans le cadre de ses travaux sur les fonctionnements sociaux, Amartya Sen avance l’hypothèse qu’exclusion et pauvreté sont désormais indissociables.16 La pauvreté implique aussi un accès insuffisant aux services sociaux et à l’information et une absence de participation à la vie publique, chose que le logement social ne prend pas compte dans sa tentative de réponse. La stratégie du logement social de l’état marocain se doit de réfléchir à la spatialisation des programmes de logements sociaux. Une telle réflexion sera accompagné d’outils de financement avancés afin de couvrir ces nouvelles formes de dépenses. La qualité du bati doit également évoluer. De premiers indicateurs montrent qu’une reflexion est menée à ce propos comme le projet de logement social à energie positive 17 . 15 Rafkk Ikram, «El Hank: La version moderne des oubliettes», l’économiste, mai 1998 http://www.leconomiste.com/article/el-hank-la-version-moderne-des-oubliettes 16 Amartya Sen, « Social exclusion : concept, application and scrutiny , Office of Environment and Social Development,Asian Development Bank, June 2000 17 Auteur inconnu« LEP-Logement social à energie positive » ’Ecole Mohammed VI de Cluser Cluster Efficacité Energetique des Matériaux de Construction- Formation dans les Métiers du Bâtiment et des Travaux Publics de l’OFPPT https://www.construction21.org/maroc/data/exports/pdf/lep---logement-social-a-energie-positive.pdf


Biblographie Baduel Pierre Robert, « Habitat état et société au Maghreb », Edition du CNRS, 2003

Bentahar Hachemi et Mehyaoui Mohamed, « Logement social au maroc entre logique économique et finalité sociale », 2014

Navez-Bouchanine Françoise« Les interventions en bidonville au Maroc », 2002

Ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville, Direction de la promotion immobilière « Tableau de bord du secteur de l’immobilier 2011 », Observatoire de l’habitat, janvier 2013

Fonds Fiduciaire Hollandais pour les Logements Sociaux (FFHLS) « La performance macroéconomique et sectorielle des politiques du logement dans des pays de la région MENA: Une étude comparative (Algérie, Egypte, Iran, Jordanie, Liban, Maroc, Tunisie et Yémen), 2005. 13 Ondh, « Habitat social et inclusion », mai 2012

Serhane Abdellah, « le Financement de l’habitat social au Maroc », EDIT Consult Casablanca 2003.


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