Hep, taxi !

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Corinne Sauze

Hep, taxi ! Polar


€ Corinne Sauze — 2009 co.sauze@laposte.net € Les ‚ditions Keraban — 2008 ISBN 978-2-914899-20-5 contact@keraban.fr http://www.keraban.fr La loi du 11mars 1957 n’autorisant, aux termes des alin„as 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement r„serv„es … l’usage priv„ du copiste et non destin„es … une utilisation collective et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, toute repr„sentation ou reproduction int„grale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alin„a 1er de l’article 40). Cette repr„sentation ou reproduction, par quelque proc„d„ que ce soit, constituerait donc une contrefa†on sanctionn„e par les articles 425 et suivants du Code p„nal.


Ă„ ma famille, mes amis et Ă… tous ceux que j'aime



-I-

‡ Hep, taxi ! ˆ ‰a, c’est pour elle. En fait, personne n’utilise cette formule, mais C„line prend plaisir … se l’imaginer … chaque fois. Un bras lev„, une bouche arrondie, et c’est son tour d’entrer en scŠne. Ce geste lui „voque le ‡hep, gar†on!ˆ dans un caf„. Et invariablement, elle r„pond … l’appel. Parfois, le rendez-vous est convenu, et elle se contente d’attendre son client … une adresse d„termin„e. Encore … notre „poque, certains de ses clients sont surpris de d„couvrir une femme derriŠre le volant ; parfois, des femmes en sont rassur„es, surtout tard le soir et dans certains quartiers. 9


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Dans l’ensemble, ce job alimentaire lui convient. Il lui permet une certaine ind„pendance, s‹rement plus que confin„e dans un bureau sous la tutelle du moindre chef, et surtout, il lui apporte une foison d’informations pour alimenter sa passion souterraine : „crire des histoires. Et cet „ventail h„t„roclite d’Œtres humains lui fournit … leur insu un terreau in„puisable. Son occupation favorite consiste … extrapoler la vie de ces gens pass„s briŠvement dans son taxi, … observer ces instantan„s pleins de silences ou de paroles pour les combler … l’envi, avec la loupe d„formante de son imagination. ‡ Allo, z„bra 3, z„bra 3, r„pondez ! ˆ C„line se tourne vers le t„l„phone fix„ … c•t„ de son tableau de bord, d’un air autant amus„ que contrari„, avant d’appuyer sur une touche : ‡ Christian, arrŒte avec †a, ce n’est pas dr•le ! — Tu n’„tais pas fan de ‡Strasky et Huchˆ dans ton enfance ? — Tu as prononc„ le mot-cl„, ‡ enfance ˆ, 10


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c’est donc p„rim„. En tout cas, arrŒte avec †a, c’est embarrassant ! — Tu as des clients dans ton taxi ? — Non, si c’„tait le cas, on passerait pour quoi — Quelle importance ? — Christian, †a ne fait pas franchement s„rieux ! — Et alors, on „gaye son quotidien comme on peut! Faut te d„coincer, ma puce, ces clients, tu ne les reverras probablement jamais. Alors, ce qu’ils peuvent penser… — Tu crois que cela donne une image s„rieuse de notre compagnie ? Et arrŒte de m’appeler ta puce ! — Je ne peux plus tenir le r•le de ton grand frŠre protecteur ? — Je n’en ai pas, et je n’en ai jamais eu besoin, OK ? — Un pot ‡ chez Rachel ˆ pour me faire pardonner, alors ? — J’en conclus que c’est ta tourn„e ? — Tu ne perds jamais le nord, hein ? ˆ C„line se contente de mettre fin … leur „change, un sourire attendri sur ses lŠvres. En r„alit„, elle appr„cie le r•le protecteur de 11


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Christian, mŒme si elle ne le lui avouerait jamais. Etre fille unique n’avait pas toujours „t„ une panac„e, alors elle compense un peu de cette maniŠre, mŒme si elle s’abstient de l’avouer … Christian. Comme elle se garde de confier … qui que ce soit qu’elle espŠre un jour tomber sur un „v„nement inhabituel, comme on en voit uniquement dans les films. Un homme aux abois qui s’engouffre dans son taxi pour lui ordonner : ‡suivez cette voiture !ˆ ; un client mystŠrieux, qui lui r„pondrait, aprŠs son incontournable ‡ o• allons-nous ? ˆ, ‡ nulle part ! ˆ. Alors, l…, son cœur palpiterait enfin, et elle s’empresserait de rapporter son aventure … ses amis „bahis, dans leur caf„ favori. Elle ne manque pas d’anecdotes, gr‘ce … la diversit„ des personnes qui empruntent son taxi, mais rien de fonciŠrement palpitant. Elle se sent souvent comme un policier qui rŒve d’un crime … „lucider, alors qu’il reste cantonn„ … des cambriolages maladroits et des tapages nocturnes pr„visibles. MŒme si elle meur d’envie d’interroger son ami L„on … ce sujet, elle s’abstient prudem12


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ment, guŠre motiv„e … essuyer les remarques ironiques du policier, qui devinerait facilement pourquoi la question l’int„resse autant. Peut-Œtre a-t-elle rat„ sa vocation. Trouver un m„tier qui garantit un peu de piment, mais dans le cas d’une carriŠre policiŠre, un certain danger potentiel, aussi. L’aventure, d’accord, mais elle ne se sent pas de taille pour affronter une menace r„elle, pas celle foment„e par son imagination fac„tieuse. Elle aimerait juste de quoi vibrer un peu plus ; une boisson gazeuse pour varier des eaux plates, mais… light. En fait, elle a d„j… connu une rencontre surr„aliste dans son taxi, la premiŠre fois o• Lisa est entr„e dans sa vie. C„line stationnait dans une rue quelconque, occup„e … griffonner dans un carnet des id„es „parses, quand la portiŠre arriŠre de son taxi s’„tait ouverte, et qu’une jeune fille habill„e d’une grande robe aux fleurs color„es, toute droit „chapp„e des ann„es 70, s’„tait install„e l…, le regard hagard. AprŠs un coup d’œil prudent dans le r„tro, C„line lui avait demand„ prudemment : ‡ Je vous conduis o• ? ˆ. 13


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La jeune femme avait alors sursaut„, comme si quelqu’un venait de la r„veiller brusquement, avant de jeter un regard „perdu autour d’elle. ‡ Encore une de ces illumin„es qui ne sait mŒme pas o• elle se trouveˆ, avait alors song„ C„line. Avec un air taquin naturel, Lisa s’„tait reprise : ‡ Je ne sais pas, qu’est-ce que vous me conseillez ?ˆ. Croyait-elle se trouver dans un restaurant, et attendait-elle de C„line de lui sugg„rer le plat du jour ? D„concert„e dans un premier temps, C„line lui avait propos„ de la conduire au caf„ ‡ chez Rachel ˆ, son fief pr„f„r„. Et elles „taient aussi simplement et naturellement devenues amies. Et depuis ce jour, Lisa a fait de ‡ chez Rachel ˆ son fief personnel, presque plus son chez soi que son v„ritable appartement. En fait, c’„tait le cas pour tous les proches de C„line, et elle ne fit pas exception. ‡ Chez Rachel ˆ sonne un peu comme un bastringue de quartier populaire ou un caf„ de la gare. En fait, sa v„ritable appellation est ‡ le 14


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bistrot des orangers ˆ. Et Rachel y tient le r•le de barmaid. Mais tous ses amis et clients privil„gi„s ont rebaptis„ le caf„ de son pr„nom. Ce lieu pris„ par le microcosme formant l’entourage de C„line n’offre mŒme rien de particulier. Pire, au vu des murs d„cr„pis, de la tapisserie us„e, voire abus„e, rien ne permet de trouver un attrait sp„cifique … cet endroit pour le moins banal. Ni branch„, ni lieu de rendez-vous de l’intelligentsia, pas non plus des putes du quartier, non, rien de marquant pour lui conf„rer une aura privil„gi„e. Enfin, si, juste un d„tail : ce caf„ possŠde une ‘me, gr‘ce aux personnes qui le fr„quentent assid‹ment. C„line ne remarque plus rien dans ce caf„. Peut-Œtre qu’un changement, mŒme imperceptible, pourrait attirer son attention. Pas s‹r ; elle est un meuble parmi d’autres en ce lieu, trop impr„gn„e de lui pour pouvoir le d„couvrir sous un autre angle. Un endroit plus rassurant qu’une antre familiale. Elle sait y trouver forc„ment un Œtre amical, et un accueil „gal. Quel foyer garantit cette chance … tous les coups ? DŠs que C„line p„nŠtre ‡ chez Rachel ˆ, 15


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c’est comme si elle absorbe un grand bol d’air frais vivifiant, malgr„ l’odeur tenace de tabac flottant au-dessus de la mŒl„e. Son regard habitu„ annihile d’office tous les clients „trangers d„j… attabl„s, pour se focaliser sur l’’lot isol„ o• stagne Lisa. De taille moyenne, la jeune femme de trente-cinq ans arbore une chevelure ch‘tain claire „paisse, sur un visage fin. Couleur noisette, ses yeux semblent souvent comme rire sous cape … l’id„e d’une bonne blague, ou affichent une palette riche de sentiments divers, pouvant passer sans transition du regard le plus tendre au plus dur. Comme … son habitude, Lisa porte des vŒtements trŠs ann„es 70, amples et color„es, ses tenues semblent toujours uniques, comme si elle s’appliquait … ne jamais acheter ces vŒtements uniformes provenant des mŒmes cha’nes de magasins o• tout le monde s’alimente. Malgr„ son attitude ‡ cool ˆ, Lisa semble lancer un message subliminal : ‡ je suis un modŠle unique ˆ. Et mŒme si elle n’en tire apparemment aucune fiert„, elle se fait 16


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comme un devoir de se montrer diff„rente. Le buste bien droit, Lisa semble avoir „difi„ un camp fortifi„ invisible autour de sa place habituelle. Un signal implicite pour dissuader toute personne „trangŠre d’approcher. Mais C„line possŠde un passe-droit tacite. Lisa se trouve plong„e en immersion totale dans un de ces journaux dont elle fait une orgie quotidienne. —‡ Tu as d„j… „pluch„ la presse ? ˆ la questionne C„line, dŠs qu’elle s’installe en face d’elle. Sans transition avec son air absorb„ pr„c„dent, Lisa lŠve ses grands yeux noisette sur son interlocutrice. C„line possŠde aussi le s„same pour franchir la frontiŠre „paisse que Lisa a construite entre son monde int„rieur et la r„alit„. Sa propre voix lui offre cet accŠs privil„gi„. Un „tranger n’aurait eu droit qu’… une longue indiff„rence, suivie d’un regard p„n„trant tout aussi long, avant d’obtenir l’aum•ne d’un simple mot de la bouche de Lisa. ‡ Du croustillant ? encha’ne C„line, sans laisser le temps … Lisa de la saluer. 17


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— Plut•t, oui… ˆcommence la jeune femme d’un air volontairement „nigmatique. C„line d„teste quand Lisa la fait mariner ainsi, mais patiente pour pouvoir acc„der … des pr„cisions, qui arrivent peu aprŠs : ‡ Un crime dans le quartier. ˆ Le mot ‡ crime ˆ p„tille dans les yeux clairs de C„line : ‡ Oh, L„on va Œtre fou de joie. Si c’est dans sa juridiction… — ‰a l’est, crois-moi, et nul doute que cette journ„e-l… va Œtre tout, sauf ordinaire. — Sauf si notre cher L„on chope la grosse tŒte, et ne daigne mŒme pas venir aujourd’hui, soupire C„line … cette id„e. — J’en doute. ˆ C„line s’apprŒte … rebondir sur la remarque de Lisa, mais l’arriv„e impromptue de Rachel tombe … point nomm„ : ‡ Qu’est-ce que je sers … notre aventuriŠre de la jungle urbaine ? ˆ L’arriv„e inattendue de Rachel soulage C„line. Elle redoute toujours de gaffer … cause de sa nature spontan„e, surtout quand il s’agit de L„on. Il lui voue une confiance aveugle, et 18


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C„line conna’t la valeur de ce sentiment qu’il dispense peu. Elle a rencontr„ L„on alors qu’elle „cumait les bancs de la Fac. “ l’„poque, il enquŒtait sur une affaire de trafic de drogue. MŒme s’il se voulait discret, son vieux complet sombre et sa mine assortie ne pouvaient le faire passer pour un „tudiant. Avec son air bourru et un peu lointain, C„line lui trouvait des airs de Colombo. D’entr„e, le personnage l’avait intrigu„e, attir„e. Cette personne … contre-courant ne pouvait que l’int„resser. Pas trŠs grand et trapu, L„on a pourtant une sorte de gr‘ce naturelle. Bien proportionn„, il est plut•t costaud que gros, mŒme s’il para’t toujours engonc„ dans ses fringues, s‹rement … cause d’un mauvais choix d’habillement. Ses cheveux sont d’un noir de suie, et son regard sombre lui donne un air soit m„lancolique les bons jours, soit grognon voire hostile les mauvais. “ l’heure actuelle, il glisse sur la pente le menant … la cinquantaine. C„line avait d‹ recourir … beaucoup de pers„v„rance pour gagner son estime, qu’elle 19


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avait obtenue gr‘ce … sa capacit„ d’„coute, sa discr„tion, et le respect de la nature intrinsŠque du policier. Pendant tout le temps de son enquŒte, ils s’„taient crois„s … plusieurs reprises, notamment dans le grand forum en plein air o• les „tudiants mangeaient, „tudiaient, papotaient ou rŒvassaient. Une approche laborieuse o• C„line progressait prudemment, comme par crainte d’effaroucher un animal sauvage. Ils „taient devenus quelque chose qui ressemble … des amis, mŒme si C„line doute encore aujourd’hui qu’il la considŠre vraiment ainsi. Impossible de savoir avec L„on ; trop herm„tique pour laisser filtrer le moindre sentiment. Et au fil du temps et du patient travail de persuasion de C„line, il „tait lui aussi devenu un habitu„ de . Cette derniŠre, grande femme blonde … la carrure for†ant naturellement le respect, avait aussi crois„ le chemin de C„line … la Fac. Rien ne les pr„destinait … devenir amies. Sauf peut-Œtre la facult„ de C„line … ne jamais se fier … une fa†ade, quelle qu’elle soit. Et Rachel en pr„sentait une impressionnante, 20


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dissuadant les gens d’aller vers elle. Imposante et carr„e, son physique lui conf„rait une fiert„, un air suffisant complŠtement anachroniques avec sa nature r„serv„e et sensible. Rachel est aussi grande et imposante que C„line est petite et fine. MŒme leurs chevelures sont aux antipodes : Rachel possŠde une v„ritable criniŠre blonde, tandis que C„line a des cheveux ch‘tain coup„s en d„grad„s. Rachel a des yeux marron fonc„s et C„line des yeux vert clairs. Un observateur avis„ pourrait discerner dans leurs regards une mŒme timidit„, et chez C„line, une pointe de tristesse, qui de tout temps, n’a jamais „t„ complŠtement dilu„e au fond du verre translucide de ses yeux. Au fil du temps, et aprŠs avoir racl„ les mŒmes siŠges d’amphith„‘tres pour suivre leurs cours, des liens s’„taient tiss„s entre Rachel et C„line. Elles avaient le mŒme go‹t du contact, de soif d’apprendre, et d’ouverture sur le monde. Leurs timidit„s intrinsŠques les avaient aussi rapproch„es. Ce contraste saisissant entre son physique imposant et sa vraie nature r„serv„e co‹te … Rachel bien des d„boires, 21


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surtout le rejet de la plupart des femmes, croyant … tort que Rachel est une personne fiŠre et m„prisante, sans compter l’„ternelle rivalit„ f„minine. MŒme si Rachel ne semble pas s’en rendre compte ou en est plut•t ennuy„e, alors que les trois quart des femmes tueraient pour avoir son physique id„al, c’est une belle femme. Malheureusement pour elle, le nombre des pr„tendants qui papillonnent autour d’elle ne fait pas la qualit„. Et malgr„ son physique de rŒve, elle n’est jamais tomb„e sur le ‡ bon ˆ num„ro. C„line non plus, d’ailleurs, mais avec beaucoup moins de potentiel, en tout cas physique. Les deux copines se sont connues … l’‘ge de vingt ans, et flirtent maintenant avec la trentaine. Au gr„ de leurs chemins respectifs, l’une a „chou„ derriŠre un bar, l’autre derriŠre un volant de taxi, … parcourir le territoire limit„ des rues de Paris. Et mŒme si elles maudissent cet affreux coup du destin, elles ne sont pas m„contentes de leur sort. Elles ont quand mŒme d„croch„ un petit soup†on de libert„ non n„gligeable. 22


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* *

*

Rachel est … peine arriv„e auprŠs de la table de ses amies depuis quelques secondes, que Lisa lui demande : ‡ Tu es au courant pour le crime ? — La poisse, oui ! — La poisse ? s’„tonne Lisa. C’est un formidable coup de pub pour le quartier ! — Tu plaisantes, l… ? Je ne vois pas en quoi. Si vous voulez vous faire tuer ou voir du sang frais de prŠs, venez faire un tour ‰a , proche du lieu du crime, venez partager avec nous la frayeur de vous trouver au cœur de l’action. — Tu en rajoutes une couche, l…, Rachel ! intervient C„line. — C’est vrai… ˆ Rachel marque un temps d’arrŒt, avant de fixer un regard espiŠgle sur C„line: ‡ Au fait, ce genre d’histoire doit particuliŠrement t’exciter, C„line. ˆ Sur la d„fensive comme si on l’avait prise en flagrant d„lit de quelque plaisir interdit, 23


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C„line pr„fŠre lui renvoyer la balle : ‡ Pas toi ? — Si, c’est vrai, je l’avoue, mŒme si je trouve cela vraiment horrible. — Tant qu’on n’est pas dans le collimateur du tueur, hein, franchement… plaisante Rachel. — ‰a ne risque pas ! se rassure C„line, sans masquer complŠtement son inqui„tude. — Qu’en sais-tu ? la taquine Rachel. — Selon L„on, dans la plupart des cas, il s’agit d’un proche de la victime, se rassure C„line en r„citant sa le†on. — Et si on en faisait partie ?l‘che Lisa d’un ton „nigmatique. — ArrŒte, tu me fais flipper quand tu l‘ches des trucs comme †a… lui reproche C„line. — Tu as peut-Œtre raison de flipper, insiste Lisa, flegmatique. — ArrŒte, Lisa, intervient Rachel. Tu connais C„line, elle adore les frissons. Enfin, quand c’est elle qui les cr„e dans ses livres, pas dans la vie. — Tu me connais mal ! proteste C„line, outrag„e. 24


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— Que trop bien ! ne se formalise pas Rachel, avant de s’„loigner pour retourner servir des clients. — J’ai h‘te que L„on arrive, avoue C„line, tandis que Lisa d„guste du bout des lŠvres la tasse de th„ devant elle, comme s’il s’agissait d’un mets rare. — Si il vient, s’entŒte Lisa. Il doit avoir d’autres pr„occupations que de venir satisfaire notre curiosit„. ˆ Elle a … peine prononc„ ces mots, qu’un grand gaillard au visage poupon s’approche de leur table. Ag„ d’une quarantaine d’ann„es, Christian semble n’avoir jamais d„pass„ le stade de la vingtaine. Sa stature lui confŠre une autorit„ naturelle, adoucie par son visage d’„ternel adolescent. Dot„ d’une „paisse chevelure noire naturellement ondul„e, il a conserv„ un regard o• perle en permanence un air innocent, comme jamais entach„ par les vicissitudes du temps et de la vie. Son allure g„n„rale donne une impression (justifi„e) de gros nounours protecteur. Il a un style d’habillement cool et ind„mo25


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dable : jeans, baskets, et blouson. Il semble ainsi d„fier les ann„es coupe-gorge qui veulent lui rappeler qu’il vieillit. Depuis toujours, Christian a adopt„ une attitude d„contract„e, en harmonie parfaire avec son mode d’habillement. Il offre aux filles un sourire fraternel, avant de s’adresser … C„line : ‡ Je pense qu’on va devoir remettre ton verre … plus tard, C„line. Tu es attendue par une grande dame ! ˆ Il s’amuse … cr„er quelques secondes de suspense, sous l’œil curieux de Lisa et celui agac„ d’avance de C„line, avant de l‘cher: ‡ Ta cliente pr„f„r„e ! — Oh, non, soupire C„line. Pas maintenant. On attend L„on… Cela t’embŒterait d’y aller … ma place, Christian ? Je te revaudrai †a. — Cela ne me poserait aucun problŠme, mais elle ne veut que toi comme chauffeur. D’aprŠs elle, personne n’a ta facult„ d’„coute… — ...qu’elle prend s‹rement pour une admiration sans bornes, je me trompe, C„line ? intervient Lisa, sans dissimuler son amusement. 26


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— Dommage qu’il soit interdit de livrer le fond de sa pens„e … un client, se lamente C„line. ˆ Christian l’approuve avec un sourire complice, avant de lui ordonner gentiment : ‡ Tu devrais vraiment y aller, tu sais combien cette grande dame … horreur de poireauter. — Ce n’est pas vrai, pour une fois qu’il se passe quelque chose d’excitant dans ma vie… — Tu as rencontr„ quelqu’un ? l’interroge Christian, subitement intrigu„. ˆ C„line laisse „chapper un soupir agac„, avant de d„signer Lisa du menton : ‡ Lisa te mettra au courant. Et n’oublie pas ta promesse de me payer un verre. Je largue mon paquet encombrant, et je reviens daredare ici. Et si L„on passe, retiens bien ce qu’il dit pour tout me raconter dans les moindres d„tails, OK, Lisa ? Je compte sur toi… ˆ C„line n’attend pas son approbation, les gratifie d’un rapide ‡… plus !ˆ, avant de quitter le bar et rejoindre son v„hicule gar„ sur le trottoir d’en face. 27


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“ ses c•t„s, la grande dame en question, ‚l„onore Didot, l’attend sans dissimuler son impatience. Quel nom ridicule ! Quand on sait en plus qu’il s’agit d’un pseudonyme, qu’elle a sciemment choisi pour ne pas utiliser le sien, †a fait peur. Si C„line avait le privilŠge de devoir se choisir un nouveau nom, nul doute qu’elle opterait pour un pseudo plus percutant. En r„alit„, elle ignore ce qu’elle se choisirait comme pseudonyme. Malgr„ sa banalit„, elle appr„cie son pr„nom, mais aimerait opter pour un nom de plume digne d’une identit„ toute neuve et originale. Malgr„ son imagination, C„line se r„vŠle incapable de deviner … quoi peut ressembler le v„ritable patronyme d’‚l„onore Didot. C„line a d„test„ cette femme dŠs leur premiŠre rencontre, mŒme si elle refuse de croire que la jalousie a un r•le pr„pond„rant dans cette aversion, car cette femme a r„ussi … ce qu’elle aspire : devenir une „crivain publi„e et reconnue. Mais le personnage lui para’t trop indigeste pour m„riter ce que la vie lui refuse … elle. Et 28


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comble de l’ironie, ‚l„onore Didot est sa seule cliente fid„lis„e. Pas assez snob pour s’offrir une voiture avec chauffeur, trop pour s’abaisser … se m„langer … la populace dans les transports en commun, l’„crivain a jet„ son d„volu sur leur modeste compagnie de taxis, et exige que C„line transporte son auguste derriŠre o• bon lui semble. D’une certaine fa†on, la jeune femme lui fait office de chauffeur, mŒme si C„line pr„fŠre ne pas trop s’attarder sur cette r„alit„ d„primante. Elle aurait s‹rement d‹ adopter une attitude diff„rente lors de leur premiŠre rencontre, toujours d„terminante pour la suite, mais elle „tait alors loin d’imaginer que cet Œtre abject deviendrait sa plus fidŠle cliente, et que rien n’y changerait quoi que ce soit, puisqu’elle n’a pas le droit d’afficher une attitude hostile envers un client, surtout si celui-ci n’a pas d’attitude agressive ou d„plac„e … son „gard. ‚videmment, cela la d„mange de lui d„baller tout son d„go‹t, surtout quand ‚l„onore „tale … tort et … travers ce mets savoureux de la r„ussite litt„raire sous le nez de quelqu’un qui en est priv„. Mais elle refuse l’humiliation 29


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d’avouer … cette bŒcheuse qu’elle aspire au mŒme r„sultat qu’elle, et qu’elle n’y parviendra peut-Œtre jamais. DŠs leur premiŠre rencontre, ‚l„onore avait mis les pieds dans le plat, cherchant incontestablement son admiration : ‡ Je suppose que mon nom vous dit quelque chose ? ˆ Comme entr„e en matiŠre, c’„tait d„j… horripilant. Que dire dans ces cas-l… ? ‡Bien s‹r que je sais qui vous Œtes, je suis une admiratriceˆ, ou alors : ‡non, jamais entendu votre nom ; on se conna’t ? ˆ. C„line n’avait mŒme pas eu le temps de se creuser la tŒte pour inventer une r„ponse ad„quate. Car dŠs lors, son silence adopt„ faute de mots passait probablement pour une attention respectueuse et admirative. “ tort. En fait, elle avait „t„ tellement souffl„e quand ‚l„onore lui avait d„bit„ son long pedigree de grande „crivain reconnue, qu’elle n’avait mŒme pas r„agi. Et voil…, sans le savoir, elle avait offert … ‚l„onore l’attention et l’admiration muette qu’attendait l’„crivain, pour mieux asseoir son ascendant sur autrui. 30


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Comme … son habitude, ‚l„onore est vŒtue d’un tailleur chic fleurant bon l’argent et affichant le mot ‡r„ussiteˆ en filigrane. Quelle que soit sa destination, C„line l’a toujours vue sous ses plus beaux atours. “ cause de son mode d’habillement trŠs classique, C„line a toujours „t„ incapable de lui donner un ‘ge. ‡ Entre deux ‘ges ˆ auraitelle d„clar„ si on lui avait demand„ son avis. Son visage non plus n’offre aucune indication. ‚l„onore Didot a un port de tŒte altier propre … une certaine bourgeoisie, le cou tendu, sur un visage „maci„ au nez pro„minent et ac„r„ comme une griffe d’aigle. Dans un d„sordre parfait, sa permanente se dresse fiŠrement sur sa tŒte. Quant … son regard noir, C„line n’y a toujours vu qu’une espŠce de m„pris hautain, saupoudr„ d’une pinc„e d’espiŠglerie. Mais elle n’est franchement pas objective sur le personnage… DŠs son arriv„e, l’„crivain la gratifie de son sourire habituel. Nul doute qu’‚l„onore possŠde une panoplie de diff„rents sourires … distribuer suivant ses interlocuteurs. 31


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En tout cas, C„line a toujours droit au mŒme, et n’y a jamais d„cel„ la moindre sinc„rit„. ‡ Ah, mon chauffeur pr„f„r„ ! l’accueille th„‘tralement l’„crivain. ˆ L… non plus, le compliment suppos„ ne porte aucune trace de franchise. ‡ O• allons-nous, aujourd’hui ?demande C„line, sans parvenir … dissimuler complŠtement son impatience. — Nous allons humer le crime ! ˆclame ‚l„onore Didot, la voix toujours en mode ‡th„‘treˆ. Si c’est de l’humour, c’est la premiŠre fois que C„line l’entend utiliser ce mode d’expression. Pourtant, ses „crits en regorgent, elle a forc„ment des r„serves quelque part. Sans se d„monter, C„line prend sa place attitr„e derriŠre le volant, tandis que l’„crivain prend la sienne, … l’arriŠre du v„hicule. Si cette derniŠre esp„rait avoir piqu„ la curiosit„ de C„line, elle a rat„ son but. ‚videmment, C„line a compris … quoi l’„crivain faisait allusion, mais ne souhaite … aucun prix lui faciliter la t‘che. 32


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‡ O• allons-nous, alors ? insiste-t-elle d’un ton professionnel, volontairement froid et distant. — Vous ne lisez pas les journaux ? ironise presque sa rivale. — Rarement, avoue C„line … contrecœur. — Pourtant, votre amie Lisa ne vous litelle pas la presse qu’elle d„vore comme moi tous les jours ? ˆ C„line se sent prise au piŠge, comme … chaque fois qu’elle a l’impression de s’Œtre trop d„voil„e, malgr„ sa volont„ de r„serve. ‡ Je ne l’ai crois„e que briŠvement, elle n’a pas eu l’occasion de m’en parler. ˆ Pourquoi se sent-elle oblig„e de se justifier ? ‡ Je vois… ˆ, dit l’„crivain, sans d„voiler si elle la croit ou non. Mais elle s’empresse de pr„ciser … C„line que le crime a eu lieu dans le quartier : ‡ Et c’est l… que nous nous rendons. J’ai besoin de sentir les lieux-mŒme du drame pour m’en inspirer, vous comprenez ? ˆ Serait-ce le secret de la r„ussite de sa ‡rivaleˆ ? Sentir les choses afin de mieux les appr„hender et les restituer ? 33


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C„line ronge son frein une nouvelle fois, et l’interroge d’un air aussi d„tach„ que possible : ‡ Cela s’est pass„ o• ? — Je vais vous guider, c’est … deux pas d’ici. ˆ Dans ce cas, pourquoi emprunte-t-elle son taxi ? Elle ne peut pas marcher ? C„line comprend alors qu’elle l’utilise une nouvelle fois : pas de victoire sans t„moin. Et nul doute que ‚l„onore attend d’elle un r•le d’admiration actif, avec un cran plus „lev„ que d’ordinaire. Alors, soit, elles iront renifler ensemble le parfum rance et envo‹tant du crime. Comme le parcours se r„vŠle ultra rapide, … peine deux rues du caf„, le taxi de C„line n’a mŒme pas la possibilit„ de prendre son envol. Arriv„es sur place, il s’avŠre enfantin de rep„rer le lieu du crime. Il suffit de s’approcher de la masse de badauds rassembl„s derriŠre des barriŠres dress„es par la police pour interdire l’accŠs au lieu du drame. C„line frissonne quand elle reconna’t au bout de l’impasse bloqu„e son boulanger, l… o• elle se rend chaque jour pour chercher sa 34


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pr„cieuse baguette. Tout … coup, ce lieu familier s’est mu„ en un territoire inconnu et dangereux. Dans le r„troviseur, elle ne peut pas „chapper … l’excitation brillant dans les yeux de sa passagŠre. Elle ne peut nier qu’elle-mŒme est contamin„e par la curiosit„, malgr„ une l„gŠre angoisse. Elle gare la voiture … proximit„ des autres curieux, satisfaite de pouvoir assister au spectacle avec l’excuse de son travail. ‡ Et maintenant, que fait-on ? — Comment †a, que fait-on ? s’indigne l’„crivain. Humer le crime, vous vous souvenez ? ˆ C„line se retient difficilement de lui r„pliquer qu’on ne sent rien de ce v„hicule. ‡ Ne vous inqui„tez pas pour le compteur, laissez-le tourner. Je descends voir. ˆ Et sans se pr„occuper du sort de C„line, l’„crivain et son tailleur Chanel s’extraient du taxi. C„line n’a aucune envie de stagner dans son excuse de taxi, loin derriŠre les barricades. Elle d„cide d’abandonner sa couverture pour se rendre au cœur de l’action. 35


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Puisque la cl„ de la r„ussite consiste apparemment … humer les choses, elle va avancer … d„couvert dans l’espoir de sentir un parfum r„v„lateur. Par contre, elle s’applique … rester … bonne distance de sa cliente, mais sans la perdre de vue, au cas o• l’„crivain choisirait subitement de se rapatrier dans son carrosse priv„. Tout en approchant du lieu du crime, et face … la muraille d„limit„e par la police autour du p„rimŠtre du drame, C„line se sent en proie … un sentiment d„stabilisant. Un peu comme un enfant qui d„couvre pour la premiŠre fois que c’est ‡pour de vraiˆ, que les morts derriŠre l’„cran protecteur de la t„l„ ne se relŠveront pas. Peut-Œtre est-ce cette impression-l… que recherche ‚l„onore en d„sirant se rendre sur les lieux. Mais … part cela, elle ne ressent rien de particulier. Doit-elle creuser dans ses propres „motions ou faire appel … son imagination pour cerner au plus prŠs cette v„rit„ virtuelle, invisible … ses yeux, mais palpable quelque part, dans une dimension parallŠle. Non, absolument rien de ce c•t„-l… non plus. Se trouver sur les lieux ne lui procure qu’un sentiment de 36


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malaise grandissant. Elle se sent tout … coup honteuse de cette curiosit„ qu’elle considŠre finalement comme assez malsaine. Elle ne s’attendait pas … reconna’tre un visage familier au milieu de cette scŠne un peu surr„aliste. C’est pourtant logique que L„on „cume les lieux-mŒmes du drame, peutŒtre pour flairer lui-mŒme quelque chose. Au lieu de la rassurer, cette vision la d„stabilise. Son cher ami si secret lui appara’t presque comme un „tranger dans ce r•le qu’elle ne lui a jamais vu tenir : celui d’un policier dans l’exercice de ses fonctions. ‚videmment, elle l’a rencontr„ dans le cadre d’une autre enquŒte, mais rien de comparable avec un crime. Elle doute qu’il s’approche d’elle en plein travail, mais dŠs qu’il l’aper†oit, il d„laisse provisoirement le territoire cadenass„ de son enquŒte, franchit mŒme ses propres barriŠres, avant de se planter devant elle, pour lui offrir un sourire empreint de fatigue et de complicit„ : ‡ Tu n’as pas pu attendre de me voir ? — MŒme pas, se justifie C„line, mal … l’aise. En fait, c’est une cliente qui m’a amen„e l…, et… ˆ 37


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Elle ne peut mŒme pas poursuivre son explication laborieuse, car ‚l„onore a surf„ au milieu des badauds, avant de s’interposer entre eux : ‡ Alors, C„line, vous ne me pr„sentez pas ? C„line reste trop souffl„e par l’intrusion brutale de sa rivale, pour r„agir au mieux : ‡ Hum… L„on Paris, ‚l„onore Didot. ˆ Grand sourire in„dit de l’„crivain … l’intention de L„on, m„lange … la fois conqu„rant, respectueux et avide. ‡ C„line ne vous a pas pr„cis„ qui je suis, je… — Pardonnez-moi, mais j’ai du travail ˆ, l’interrompt L„on, sans s’embarrasser de la moindre amabilit„ polie. ‡Merci, L„on, songe amŠrement C„line, merci de m’avoir laiss„ en h„ritage un face … face embarrassantˆ. Pourtant, le visage de ‚l„onore pos„ sur le sien affiche un int„rŒt in„dit, un peu comme quand on d„couvre quelqu’un sous un angle diff„rent. C„line a-t-elle subitement perdu son simple statut de chauffeur … son service, d’Œtre humain sans identit„, juste une machine … conduire, sans cervelle et sans int„rŒt ? 38


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‡ Je ne savais pas… bredouille l’„crivain ˆ, subitement embarrass„e. C„line pourrait jouir de cet allant inattendu sur sa rivale, mais se trouve trop d„sabus„e par ce retournement de situation pour en profiter. D’ailleurs, ‚l„onore semble en panne de mots ; un comble pour un „crivain, non ? ‡ Oh, on se conna’t trŠs peu… l’aide involontairement C„line, mŒme si elle minimise ainsi son lien avec L„on. — Quand mŒme ! proteste l’„crivain. Il est venu droit vers vous, toutes affaires cessantes ! ˆ C„line ne prend mŒme pas le temps de savourer cette pointe d’admiration nouvelle dans la voix de l’„crivain, mŒme si elle y per†oit „galement un soup†on de jalousie. ‡ Et maintenant ? interroge C„line, d’un ton le plus neutre possible. — “ vous de me le dire… ˆ C„line se trouve d„sar†onn„e par cette r„ponse cul-de-sac. Quand elle se trouve face … ‚l„onore, la balle n’est jamais dans son camp. D’ordinaire, elle se contente de lui ob„ir, pas de prendre la moindre initiative. Et mŒme si cette id„e lui fait horreur, elle pr„fŠre ce r•le passif d’ex„cutante. 39


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‡ Non, c’est plut•t … vous de me le dire ˆ, lui r„torque prudemment C„line. La balle stagne dans le camp adverse, comme si ‚l„onore se retrouvait „galement d„munie dans cette inversion des r•les. ‡ En fait, j’aimerais vous demander une faveur … titre personnel ˆ, annonce brutalement l’„crivain. ‡ “ titre personnel ? Mais de quel droit ? ˆ pense C„line avec colŠre, sans oser l’exprimer. ‚l„onore profite de cette brŠche dans la partie adverse, pour lancer sa balle d„cisive : ‡ Me tenir au courant… si jamais votre ami a du neuf dans cette affaire. Vous comprenez, j’ai besoin de ces informations pour „tayer mes arguments dans mon prochain livre. ˆ Et puis quoi, encore ? Jamais C„line n’allait fournir des cartouches … son ennemie sur leur territoire commun. Elle n’a aucune envie de se lancer dans une histoire policiŠre, puisqu’elle privil„gie les anecdotes qu’elle tisse autour de ses clients rencontr„s en coup de vent, mais de l… … donner des points … l’ennemie … ‡ Bien s‹r, ment-elle … l’„crivain, sans se soucier du manque de sinc„rit„ que trahit sa voix. 40


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— Merci. Je vous paye la course, je crois que je vais rentrer … pied. Marcher m’„claircira les id„es. ˆ Encore un secret de r„ussite ? C„line se contente d’encaisser la course, et de la saluer sans conviction, press„e de retourner … son QG, l… o• l’action continue … se d„rouler sans elle. Elle n’a qu’une h‘te : avaler au plus vite ces mŠtres de bitume, avant de pouvoir se barricader dans son cocon personnel, entour„e de ses proches. Et le bar “chez Rachel” offre ce r•le rassurant. ‡ Toujours press„e, dame C„line… ˆ L’interpell„e s’arrŒte net, contrari„e d’Œtre ainsi stopp„e dans son „lan de fuite en avant. Elle s’en veut aussit•t de cette pens„e, dŠs qu’elle d„couvre Simon devant elle. VŒtu d’un complet veston tellement „lim„ qu’il est difficile de deviner sa couleur d’origine, Simon est un SDF d’une quarantaine d’ann„es au visage creus„ de toutes parts, comme si chaque „preuve de la vie lui avait laiss„ la cicatrice d’un coup de canif au passage. 41


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Ses cheveux „pars grisonnants semblent avoir perdu le souvenir du moindre contact avec un peigne et confŠrent … Simon un air lunaire. DerriŠre les stries des meurtrissures de la vie sur son visage, on devine un faciŠs empreint d’une certaine innocence qui lui donne l’air d’avoir vieillir pr„matur„ment. Malgr„ la duret„ de sa vie, une petite flamme semble briller en permanence dans ses yeux couleur vert d’eau. De taille moyenne et plut•t mince, il semble souvent comme recroquevill„ sur luimŒme comme pour se parer d’un mauvais coup, mŒme quand il est debout. C„line se sent subitement affreusement coupable, elle sait que quand on vit dans la rue, la notion du temps est diff„rente, et que d’une certaine fa†on, on ne court plus aprŠs rien. ‡ Qu’est-ce que tu fais ici ?s’„tonne-t-elle. Tu es loin de ton territoire. ˆ Par loin, elle entend une rue modeste parallŠle au caf„ ‡ chez Rachel ˆ, l… o• il a d„pos„ son empreinte avec quelques cartons 42


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de r„cup„ration, et tout un bric-…-brac hors d’usage, qui constitue ses seules possessions mat„rielles en ce bas monde. ‡ Ce n’est pas parce que je vis dans la rue, que je ne sais pas ce qui se passe ! — Je sais, Simon, tu as les oreilles qui tra’nent partout… — En l’occurrence, il m’a suffit d’ouvrir un journal jet„ dans la rue, et de le lire, ironise-t-il. — Je croyais que tu avais du mal … lire le fran†ais. — Il y a tant de choses que tu ne connais pas de moi, C„line. — Je sais, et c’est tant mieux, cela te donne encore plus de charme, tous ces mystŠres ! ˆ Simon pr„fŠre „luder le compliment : ‡ Enfin, bref, j’ai eu envie de savoir ce qui se passe dans votre monde. ˆ C„line est habitu„e … la barriŠre que met Simon entre ‡son mondeˆ, et ‡le sienˆ. Elle lui envie mŒme parfois ce refus d’entrer dans la danse du plus grand nombre. “ moins que les circonstances de son existence ne l’aient 43


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accul„ dans cette impasse, qui n’en a peut-Œtre que l’apparence. Un air taquin sur son visage ab’m„ par le temps et ses al„as, il „coute C„line poursuivre : ‡ Pourtant, il s’en passe aussi dans le tien ! — Ouais, bof, … part quelques disputes entre poivrots, des luttes pour chasser les intrus de mon territoire, rien de bien exaltant. Alors que l…… ˆ C„line frissonne quand elle r„alise tout … coup que mŒme s’il ne se m„lange pas … son monde, celui-ci peut l’atteindre, lui plus que les autres. Il vit dans la rue, … la merci du premier cingl„ venu. Cible facile pour le faire dispara’tre des deux mondes, d’un seul claquement de doigts. Elle se retient avec peine de lui faire part de cette observation, mais se doute qu’il lui r„pondrait en avoir v„cu de pires. Et elle se sentirait frustr„e d’ignorer quoi. ‡ ‚coute, Simon, je suis d„sol„e… — Mais tu dois filer ˆ, complŠte Simon … sa place. 44


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Devant l’air coupable de C„line, il encha’ne : ‡ Ne te bile pas pour †a, ma grande. Je sais que dans ton monde, il est de coutume de toujours courir, pour tout et n’importe quoi. C’est d„j… sympa de ta part de faire quelques haltes auprŠs d’un pauvre bougre comme moi, qui a d„pos„ sa carcasse dans une gare d„saffect„e, et se contente de regarder passer les trains… — Rien ne t’empŒche de grimper dans un au passage. — TrŠs peu pour moi, j’ai d„j… donn„, et d„raill„ trop souvent. En restant … quai, je prends moins de risques, crois-moi. ˆ Encore une fois, C„line se mord la langue pour „viter de questionner Simon sur son pass„ et rassasier ainsi sa curiosit„. Rong„e par une culpabilit„ dont elle ignore la source exacte, elle se contente de murmurer tendrement … Simon : ‡ Prends soin de toi. — Toi aussi. ˆ Bizarrement, cet „cho r„sonne „trangement aux oreilles de C„line. Presque comme si Simon pressentait qu’elle allait en avoir 45


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besoin, et la mettait ainsi en garde. C„line se maudit de poss„der cette imagination fac„tieuse. Soit, un tueur vient de souiller son quartier, mais en quoi serait-elle directement concern„e, mŒme si elle br‹le d’envie d’en apprendre davantage … ce sujet ? La vue familiŠre du bar o• elle s’est reconstitu„ une nouvelle famille l’apaise aussit•t. Ici, rien ne peut lui arriver. Mais qu’en sait-elle, aprŠs tout ? DŠs qu’elle entre et d„couvre Lisa enlis„e … sa table habituelle, ses courtes appr„hensions s’envolent. Elle s’abstient n„anmoins de montrer son enthousiasme … Lisa, pour s’„pargner d’„ventuelles taquineries. Mais elle est r„ellement soulag„e de la retrouver l…, tel un port d’attache rassurant. ‡ Tu as une petite mine, toi ! ˆlui fait remarquer Lisa, dŠs qu’elle voit C„line d„barquer … sa table. ˆ C„line pr„fŠre esquiver le sujet : ‡ Christian est parti ? — Le devoir avant tout ! Et toi, tu as eu droit … une petite visite guid„e des lieux du crime avec ta grande rivale „crivain ? 46


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— Comment as-tu devin„ ? — Cette femme est limpide, crois-moi. Un jeu d’enfant pour voir clair dans son jeu. ˆ C„line se retient de lui avouer qu’elle n’avait rien vu venir, mŒme si avec du recul, cela lui parait „vident qu’‚l„onore ne pouvait pas faire moins que de s’y rendre. Mais pourquoi la tra’ner avec elle ? La r„ponse est „vidente, elle avait besoin d’un t„moin ou plut•t d’une admiratrice passive, comme toujours. ‡ Un petit th„ te ferait du bien, je me trompe ? s’enquiert Lisa d’un ton doucereux et apaisant. — Caf„, Lisa, caf„. Tu le fais exprŠs, ou quoi ? — Je me dis qu’un jour o• tu seras moins vigilante, tu go‹teras, et tu ne pourras plus t’en passer ! — J’ai d„j… go‹t„, Lisa. — Pas comme il le faut, la preuve ! ˆ La r„plique finale revient … Lisa, car C„line pr„fŠre ne pas rebondir et changer de sujet : ‡ J’ai vu L„on en action tout … l’heure, et je doute qu’on le revoie de sit•t ici. — Je suis persuad„e du contraire. Il ne pourra pas s’empŒcher de nous faire profiter 47


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de cette affaire, il doit Œtre surexcit„ ! — Pas tant que †a. Je l’ai trouv„ plut•t pr„occup„. — Tu parles, il ne peut pas se l‘cher avec ses collŠgues, mais avec nous, il ne va pas se priver ! Et j’espŠre qu’il nous donnera tous les d„tails. — ‰a, j’en doute. Le secret professionnel, tu en fais quoi ? — Il parlera, crois-moi ! — L…-dessus, je te fais confiance ! ˆla taquine C„line. L’ambiance s’assombrit d’un cran sans crier gare, quand L„on d„barque dans le caf„. L’air grave et les traits tir„s, il semble ainsi pr„venir du danger de la moindre incursion malvenue sur son territoire min„. C„line et Lisa captent ce message subliminal, et se contentent de le saluer pr„cautionneusement. Il s’est … peine install„ … leur table, que Rachel se positionne prŠs de lui : ‡ Ah, le retour de notre grand h„ros ! Je te sers quoi ? Tu es en service, ou je peux te servir un truc fort ? — Je suis toujours en service, lui r„torque L„on, bourru. 48


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— Pour le sens de l’humour, on repassera. Alors, tu veux boire quoi ? — Ce que tu veux, †a m’est „gal. ˆ Aucune des filles ne relŠve cette r„ponse, mŒme si chacune comprend combien il doit Œtre d„sabus„ pour laisser le soin … d’autres de choisir … sa place, alors qu’il ne permet jamais … quiconque de d„cider de quoi que ce soit pour lui. Rachel pr„fŠre ne pas s’attarder, et s’„loigne rapidement vers son comptoir protecteur, loin du malaise inh„rent … l’arriv„e de L„on. La tension du policier est tellement palpable, que Lisa et C„line s’abstiennent prudemment d’ouvrir la bouche, hormis pour d„guster leurs boissons, d„viateur momentan„ … cet instant tendu. ‡ En fait, je ne mentais pas, je suis vraiment en service, s’exprime enfin L„on. — Tu suspectes l’une de nous deux ? s’excite tout … coup Lisa, alors que C„line s’assombrit de plus en plus. — Pas encore, lui pr„cise L„on, sans laisser percevoir s’il plaisante ou non. C„line, connais-tu Armelle Bisaux ? ˆ Surprise par la question, C„line marque un 49


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temps d’arrŒt pour consulter ses archives personnelles, avant d’annoncer son verdict : ‡ Ce nom ne me dit rien. — Et Aure Belin ? — Bien s‹r, tout le monde la conna’t, c’est une journaliste star du journal de 20 heures ! — C’est elle qui a „t„ retrouv„e morte dans l’impasse… — Ce n’est pas possible ! s’exclament en chœur C„line et Lisa, incr„dules. — Sale affaire, croyez-moi. Mais il y a autre chose qui me pr„occupe beaucoup, c’est qu’elle avait dans son portefeuille une seule piŠce d’identit„, et elle portait ton nom, C„line. ˆ L’int„ress„e a besoin de longues secondes pour saisir les paroles de L„on, et surtout, leur port„e. ‡ Non seulement c’„tait … tes nom et pr„nom, poursuit L„on, mais tout l’„tat civil te correspond, C„line. ˆ C„line reste trop d„contenanc„e par cette nouvelle surr„aliste pour avoir la moindre r„action. ‡ Attends une seconde, s’en mŒle Lisa. 50


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Combien d’identit„s avait cette femme ? — Trois, en tout. Son nom de l’„tat civil, Armelle Bisaux, son pseudo pour la t„l„, Aure Belin, et elle est morte avec des papiers au nom de C„line, et c’est bien ce qui me trouble le plus. ˆ C„line reste toujours trop abasourdie pour r„agir. ‡ Quand on m’a communiqu„ l’identit„ de la victime par t„l„phone, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait vraiment de toi, et… ˆ L„on est incapable de poursuivre, et C„line devine combien cette information a d‹ lui donner un choc. Mais comme L„on est allergique … la moindre effusion sentimentale, il pr„fŠre s’arrŒter net, et ne livrer aucun des sentiments qui ont d‹ l’habiter avant de d„couvrir la v„ritable identit„ de la victime. ‡ Bref, poursuit L„on, tu n’as pas une bribe d’explication sur ce mystŠre ? Tu ne connaissais pas la victime, tu ne l’avais jamais crois„e ? R„fl„chis bien, †a pourrait Œtre important. — L„on, je t’assure que je n’ai jamais rencontr„ cette fille, je la connaissais uniquement par la t„l„. Comment est-ce possible ? ˆ 51


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En fait, elle aurait envie de hurler cette phrase, tant cette situation lui para’t irr„elle. Observer un „v„nement inhabituel planqu„e derriŠre les barriŠres avec le reste des badauds est une chose, mais appara’tre au cœur de cette histoire, mŒme par un biais aussi inattendu, en est une autre. ‡ Comment est-ce possible ? r„pŠte-t-elle d’un air perdu. — J’aimerais bien le savoir, crois-moi. Surtout qu’Aure Belin a „t„ d„couverte … proximit„ d’ici, alors qu’elle ne mettait jamais les pieds dans ce quartier, d’aprŠs les premiers „l„ments de l’enquŒte. — Tu ne penses tout de mŒme pas que j’ai quelque chose … voir avec… commence C„line. — Bien s‹r que non, mais il faut que je suive toutes les pistes, et mŒme si c’est une co–ncidence, elle avait des papiers … ton nom, et elle a „t„ tu„e … proximit„ de ton bar f„tiche... — De notre bar f„tiche, rectifie C„line. — Je dois retourner bosser, mais s’il te pla’t, essaye de r„fl„chir … tout †a, d’accord, C„line ? Je sais bien que tu n’es pour rien 52


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l…-dedans, mais je ne voudrais pas, je… bref, fais attention … toi. Je repasserai plus tard, on en reparlera. ˆ DŠs que L„on a liquid„ sa limonade glac„ed’une seule traite, il s’efforce d’esquisser un l„ger sourire, avant de quitter le caf„. Rest„es seules, Lisa et C„line restent un long moment … contempler leurs tasses vides. Aucune des deux n’ose rompre le silence, mŒme s’il est „vident qu’une multitude de pens„es s’agite dans leurs cerveaux respectifs. C„line reste m„dus„e par ce que vient de lui apprendre L„on. D’une certaine fa†on, elle a „t„ assassin„e ce jour-l…. Comment est-ce possible ? Cette femme avait des papiers … son nom sur elle, cela implique forc„ment que le tueur en a eu connaissance aussi. Qu’est-ce que cela signifie ? AprŠs l’excitation initiale, une crainte sourde s’empare d’elle, … l’id„e que quelque part, un monstre est peut-Œtre … sa recherche…



- II -

‡ H„ bien, pour une pr„sum„e morte, tu m’as l’air d’avoir la pŒche ! — Lisa, ce n’est pas le moment id„al pour faire de l’humour ˆ, lui r„torque C„line avec tendresse. AprŠs la bombe l‘ch„e la veille par L„on, C„line avait prolong„ le plus longtemps possible son s„jour dans le bar, et avait mŒme r„ussi … se d„tendre gr‘ce aux pr„sences bienveillantes de Christian, Lisa et Rachel. Mais dŠs qu’elle s’„tait retrouv„e chez elle, l’angoisse l’avait prise … la gorge. Elle avait recul„ au maximum la perspective de ce face … face silencieux avec elle-mŒme, mais devait bien rentrer dormir, … un moment ou … un 55


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autre. Jamais le silence de son modeste deux-piŠces ne lui avait autant pes„. C„line avait privil„gi„ les meubles de couleur claire chez elle, ainsi qu’un am„nagement limite minimaliste. Peut-Œtre en r„action avec l’appartement de ses parents regorgeant de bibelots et de photos sur les meubles, mais sa d„co „tait vraiment simple. Une bibliothŠque emplie de livres align„s au garde-…-vous, une armoire fonctionnelle pour ses vŒtements, et rien pos„ sur sa commode basse en pin. Le strict minimum semble Œtre le ma’tre-mot de son int„rieur. Pour „gayer un peu son univers, elle a un ficus fidŠle et quelques reproductions de peinture au mur, un Egon Schiele repr„sentant une danseuse, et un paysage am„ricain d’Edward Hopper. Mais ce soir-l…, son univers familier ne lui avait „t„ d’aucun r„confort. Malgr„ sa volont„ de d„tourner ses pens„es angoiss„es, toutes ses tentatives avaient avort„ : rien … la t„l„ ou … travers un livre est parvenu … la d„livrer. Le sommeil l’avait quand mŒme cueillie … son insu, et elle s’„tait r„veill„e plus optimiste 56


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que la veille, en partie gr‘ce … la lumiŠre rassurante du jour. Arriv„e ‡ chez Rachel ˆ, elle se sent aussit•t soulag„e. Elle est surprise de r„aliser combien cette routine parfois honnie puisse se r„v„ler si rassurante dans ces circonstances inhabituelles. Pourtant, rien n’a chang„ autour d’elle, mais elle se persuade que le danger ne peut pas se faufiler entre ces murs familiers. ‡ J’ai „pluch„ tous les journaux, lui annonce Lisa, et je n’ai trouv„ aucune allusion … tes papiers d’identit„ retrouv„s sur la morte. — Tant mieux, je n’ai vraiment pas envie d’affoler ma famille. — Que dirais-tu d’un petit th„ pour te donner du courage ? — Tu n’abandonnes jamais ! Je pr„f„rerai un petit caf„, bien serr„ — Cela fait du bien de changer un peu ses habitudes, parfois ! — Surtout pas aujourd’hui, j’ai besoin de ‡comme d’habitudeˆ. — Pourtant, tu rŒves bien d’une autre existence, de vivre de tes „crits, de… — Pas aujourd’hui, Lisa. 57


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— D’accord, mais on en reparlera… — Si tu veux, capitule C„line. Tu as vu L„on, aujourd’hui ? — Pas encore, non. Mais tu sais, j’ai bien r„fl„chi et j’ai pens„ que tu as pu tout bŒtement „garer tes papiers d’identit„ un jour, et que quelqu’un les a copi„s … ton insu, tout simplement. — C’est plausible, mais dans quel but ? — Pas n„cessairement pour quelque chose en rapport avec le meurtre. — J’aimerais que tu aies raison, mŒme si cela ne me rassure pas pour autant. Mais tu devrais quand mŒme en parler … L„on. — En fait, il est pass„ aprŠs ton d„part hier soir, et il pense que c’est une possibilit„. — Et pourquoi ne m’as-tu pas t„l„phon„ pour me pr„venir ? — Tu avais l’air crev„e, je ne voulais pas te d„ranger. — Tu as bien fait. J’espŠre que j’aurais beaucoup de courses aujourd’hui, cela me changera les id„es. — MŒme si ta copine „crivain fait partie du lot ? — Je crois que mŒme la voir me rassurerait aujourd’hui. 58


HEP, TAXI !

— Alors, tu dois vraiment flipper ! — Tu n’aurais pas peur … ma place ? — Je ne sais pas. Tout cela est trŠs excitant, mais quand c’est loin de soi. Tu peux toujours te dire que tu peux contribuer … l’enquŒte. — Et tu crois que †a m’excite ? — ‰a devrait, non ? Tu rŒves bien d’un peu d’action. — C’est vrai, mais comme tu l’as dis, loin de moi. ˆ Pour la premiŠre fois depuis qu’elle la conna’t, Lisa semble en panne de mots pour d„tendre l’atmosphŠre. MŒme si Lisa n’avoue jamais ouvertement ce genre de sentiments, C„line est convaincue qu’elle s’inquiŠte pour elle. ‡ Alors, la revenante, qu’est-ce que je te sers pour te ressusciter ? ˆ L’arriv„e inopin„e de Rachel d„contracte aussit•t C„line. ‡ Ne change rien aux bonnes habitudes. Un petit caf„, bien serr„, s’il te pla’t. ˆ Rachel lui offre un sourire en coin, avant de retourner vers son comptoir. 59


HEP, TAXI !

Gr‘ce … son allure altiŠre, Rachel semble vraiment la ma’tresse du lieu. C„line se surprend … suivre son amie du regard avec tendresse. MŒme si elle conna’t l’envers de son d„cor, C„line a toujours appr„ci„ cette force „manant de Rachel, surtout gr‘ce … sa stature impressionnante. Ce jour-l…, cette apparence rassurante apaise C„line encore plus que d’ordinaire.

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Imprim„ en France par TheBookEdition.com (Lille – Nord) ISBN 978-2-917899-20-5 D„p•t l„gal mai 2009



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