Kiblind#16

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N째16 10 000 ex.

le journal qui vous publie vous

Gratuit_Juin_Juillet_2007





Couverture >> SEIZE (Crédits photos - Raphaël Dagorne - www.dagorne-p hotographie.com) // Directeur de la publication >> Jérémie Martine z // Direction de la Rédaction >> Jean Tourette + Jérémie Martinez // Rédaction Kiblind >> Gabriel Viry + Guillaume Jallut + Antoine Thierry + Professeur Moriart y + Matthieu Sandjivy + Leslie Pignard // Graphisme : Arnaud Giroud + David Lesort (Pitaya Design Global + www.pitaya-design.com) + Kinga Sofalvi + Dan Salvado // Maquette >> Jérémie Martinez // Relecture >> Frédéric Gude // Respon sable Publicité >> Jean Tourette // Responsable Développement >> Gabriel Viry // Responsable Communication >> Maïté Dewuffel-Dessart // Chargé de communication >> Guillaume Jallut // Responsable Web >> Antoine Thierry Imprimerie JM. Barbou // ZAE Bondy Sud 8 rue Marcel Dassault 93147 Bondy Cedex// Tél >> 01 48 02 14 14 // contact@imprimerie-jmbarbou.fr Le magazine Kiblind est édité à 10 000 exemplaires par l’Association Kiblind // 4 rue des Pierres Plantées 69001 Lyon // www.kiblind.com // Tél >> 04 78 27 69 82 // contact@kiblind.com // ISSN : 1628-4046 Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs . Tous droits strictement réservés. L’ensemble de l’équipe Kiblind tient à remercier M. Sandjivy pour son indéfectible soutien, Estelle pour son aide sur Rétropo litain, Erwan pour ses photos sur la Hongrie, la Tourette Familiy pour son accueil, ainsi que tous ceux qui rendent cette aventure possible. À la rentrée prochai ne.

sommaire

dossier

Dans le cadre du dispositif «Emploi Tremplin», l’Association Kiblind est soutenue par la Région Rhône-Alpes et le FSE.

... UN OEIL SUR LYON

sur le zinc .

.

anachronique rétropolitain

arts de la rue

TOUT EST POSSIBLE 08

dossier urbain 5/5 .

cinéma

festival

chronique du ki

LYON 2027 11 .

PLACE DES JACOBINS 17 .

X-ROUSSE, UN NOM 19 .

lyon dans la presse

SOUS LES PAVÉS 20

international

JO NAPOT LYON 22 ... PAGES BLANCHES

.

.

EKIEM 26

sébastien pascot 28 terremer 30

.

émilie plateau 32

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seize 34

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CLAIRE TRISTAN 36

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mathilde proton 40 .

emmanuel mingaM 43 .

... BAZART

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JUSQU’AU BOUT ARTS DE RUE 47

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KOMPLEXKAPHARNAÜM 53

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FESTIVAL CINÉFIL 55

musique

noone + the oath 57 + LES DOIGTS DE L’HOMME 57

théâtre

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NÖJD 63

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FÊTES ESCALES 65

KILOSOPHE 66 ANKYLOSÉ 66



édito

holy days ?

P

assant des Spiritueux au Spirituel, Kiblind, voie locale et royale pour l’absolution de vos âmes, a décidé d’agir. Mieux vaut l’action, disent certains. Divination à vingt ans, Synchronicité* (qui donc peut se vanter d’avoir un SEIZE en couverture de son désormais fameux numéro 16 ?!). Nous avons même mis sur le coup des envoyés du désormais célèbre « Dieu du Cool » et de la Saucisse ! Se trouve également à notre disposition un Mage véritable, garant à la fois de la fiabilité orthographique du-dit Kiblind ainsi que de la pureté de l’atmosphère régnant au saint des saints : le 4PP. Kiblind, c’est un peu l’Agence tous risques à la lyonnaise. Mais venons-en donc au fond du sujet. Pour arriver à nos fins, nous avons empli cette délicieuse parution de « Positives Denken », comme le firent certains publicitaires allemands** par le passé. Ces pensées positives ont pour but d’agir sur votre subconscient. De vous faire repousser les frontières pour découvrir l’inconnu. De faire confiance à vos intuitions pour échafauder vos plans. De prendre le nouveau Pass Kiblind au retour des vacances. Avez-vous déja lu Kiblind jusqu’au bout ? Devenez l’Observateur. *Ding !* Avec Kiblind, vous venez de gagner dix points d’expérience, et c’est déjà pas mal... * (relire Jung) ** (campagne télé 2005/2006 « Du bist Deutschland »)

en couv + pages centrales

A. T.

ture es mixtes utilisées : spray, pein SEIZE artiste, plasticien. Techniqu ute en Déb ie. raph sérig n, ectio proj oir, à l’huile, fusain, marqueur, poch -2003: différentes animations avec 2001 avec l’expo « Graf à l’Art ». 2002 personnelles. Dernière exposition s expo ses nombreu le groupe Galop Art. Depuis 2003 : Kiblind n°5. culier : publication dans le magazine en date : Galerie Pastel. Signe parti m Contact >> seizart16@hotmail.co


sur le zinc

tout est possible (ensemble) G. V.

Sauf de recommencer. Pour s’attaquer aux fameux 100 jours, nous vous avons concocté un programme musclé… G. V.

Souvenez-vous

// Retour à la campagne // Rappelez-vous des sondages, du tracteur, de la course de chevaux ; continuez avec les « courses nature », le 3 juin, dans les Côteaux du Lyonnais, ou à Saint Forgeaux, le 16, pour une « balade naturaliste » (habillée). // Pour une « colère saine » // Sortez-la au bon moment, au salon Handica, le 6 à Eurexpo, ou lors du championnat de France de cécifoot, du 23 au 24 juin, à Gerland ; dès le premier juin, « offrez plus qu’un sourire », place de la République, grâce à l’Association des Paralysés de France. Dites-vous, en y repensant, qu’entre la Belle et la Bête (politique), le sourire n’était pas la seule chose à offrir… // Et si vous êtes encore en colère (mais pas énervé) // Préférez, aux verbales, les joutes nautiques, organisées du 16 au 17 juin sur le Rhône ; oubliez la Marseillaise, soutenez-lui un autre temps, celui (une journée, le 17 juin, dans le village de Bessenay) « de la cerise ». Le même jour, n’oubliez pas de voter, ni de la mettre sur le gâteau…

Demandez-le programme

// Travaillez plus… // Même le dimanche ; manquez notamment le festival (musique + théâtre) de l’Île Barbe (tous les dimanches, du 15 juillet au 5 août) ; dites-vous que le travail, vous y pensez tout le temps, même en vous rasant ; que ce n’est pas qu’une question de Barbe ; qu’il faut « libérer les énergies » et gagner plus. Tout est possible. Créer une entreprise, participer au 4e Salon des entrepreneurs, du 13 au 14 juin, et même fêter le 20e anniversaire de Lyon Place Financière, le 9 juillet, à la Chambre de Commerce. // La ville qui se lève tôt // Alors évitez les Nuits de Fourvières, dès le 8 juin, ou le Cinéma sous les étoiles, à partir du 15 juillet, place d’Ainay et de Sathonay. Pensez que la lumière, c’est même à l’aube, que votre ville l’a choisie ; visitez, du 12 au 14 juin, LumiVille, le salon international de l’éclairage public (à Eurexpo).

Et si…

// Ça ne passe pas // Pensez à autre chose, soyez plus (f )estival, participez : à la fin des Intranquilles (jusqu’au 3 juin, aux Subsistances), au Festival du Cirque (du 2 au 8 juin, à Caluire), à Tout l’monde dehors, à partir du 22, au Reggae Sun Festival, le 20 juillet, à Villefranche-sur-Saône ; la liste est longue, et si vous avez le Blues, c’est Sathonay-Village, du 21 au 23 juin. // Ça jase encore (sur Cécilia...) // Préférez jazzer tout seul, à partir du 6 juin à Francheville (Fort-en-Jazz), le 15, à Saint-Genis Laval, le 24, à Pierre-Bénite, ou à Vienne, du 28 juin au 13 juillet. // Richard Virenque est Ministre des Sports // Dites que c’est à l’insu de ce que vous pensiez ; boycottez, le 3 juin, le Grand prix cycliste Lyon Gerland, puis le Velocio (cyclotouriste près de Saint-Étienne), du 9 au 10 juin, le Tour de France, en juillet, et pourquoi pas les Vélo’v… // ET SI VOUS ATTENDEZ LE 14 juillet // Préférez la mayonnaise à la marseillaise, les pique-nique entre copains (comme le 22 juin, à la Guillotière) aux repas républicains…


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un oeil sur lyon

sur le zinc

15,9 En avril, Lyon a battu un record de chaleur : 15,9° en moyenne, avec des montées régulières à plus de 30°. Le précédent record, pour un mois d’avril, datait de 1945 (14°).

C’est le budget en euros du nouveau « portail culture » de la ville de Lyon : www.culture.lyon.fr Le site présente tout ce qu’il faut savoir sur la vie culturelle lyonnaise : agenda, réservation de places, programmation et événements des établissements culturels, entrées par discipline (théâtre, musique, danse, expos, ciné, conférence, livres, festivals…) ou par public (jeune public, personnes à mobilité réduite, professionnels …).

80 000

30 L’âge de la maturité pour Radio Canut, une des premières radios libres de France, née en 1977. Les festivités, sobres, ont été organisées du 26 avril au 1er mai dernier. Plus d’infos sur : www.regardeavue.com/radiocanut

C’est le nombre de touristes qui ont visité Lyon, en 2006. Un chiffre en nette augmentation, notamment pour le tourisme d’affaires (salons, congrès….) qui représente près de la moitié des arrivées. Côté « loisirs », la capitale des Gaules est une destination de plus en plus prisée par les tours opérateurs étrangers, notamment en Asie et aux États-Unis.

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UN OEIL SUR LYON

dossier urbain 5/5

Dossier urbain 5/5

lyon, 2027

Imaginons la ville de demain. Comme un jeu de pistes pour se demander à quoi la ville pourrait ressembler dans vingt ans, question gouvernance, image, population. Nous ne sommes pas les hérauts de l’histoire. Voici donc une histoire dont vous êtes les héros. Suffit de prendre les bons numéros, pour atterrir au bon endroit.


étape n°1 : choisissez un des 3 scenarii suivants 1> Après un mandat difficile de Laurent Wauquiez, ancien ministre UMP, parachuté de la Haute-Loire, Najat Belkacem, 49 ans, gagne les municipales de 2026. Pour la gauche lyonnaise, cela sonne « la fin de la parenthèse Wauquiez » et le retour à la dynamique urbaine qu’avait initiée, entre 2001 et 2014, le regretté Gérard Collomb. Au-delà de sa personnalité, une femme, mère de trois enfants, Najat Belkacem a promis de relancer les grands chantiers inspirés par l’ancien maire de Lyon, comme la construction de logements sociaux dans les communes de l’Ouest lyonnais. La Loi SRU étant arrivée à terme en 2020, un nouveau texte a été promulgué, révisant à la baisse (15 % au lieu de 20, à l’horizon 2030) la proportion de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Moins ambitieuse, la loi prévoit des mécanismes qui empêcheront les moins volontaires de passer à travers. « L’arrivée de Najat est un grand espoir, pour Lyon », assure Razzye Hamadi, Secrétaire national du Parti Socialiste Rénové, même si le nouveau maire est déjà pressenti, en cas de victoire du PSR aux présidentielles de mai, pour occuper un poste de ministre. >> RDV au n°6> 2> En ce jour d’hiver, à 24 degrés, on s’est laissé aller au micro-trottoir, sur le confluent. Tiens ! Un dix-huitard attardé, avec T-shirt orange. « La politique locale ? Entre la droite qui se déchire, et les socialistes incapables de faire sans les Verts… De toute façon, la ville c’est plus rien sans la région… Et la région. Sans l’Europe... ». La révolution du centre (de Lyon), on lui a dit sans façon. >> RDV au n° 5> 3> À 82 ans, Dominique Perben enchaîne son quatrième mandat à la tête de Lyon, après avoir « laminé » la gauche, une nouvelle fois, dès le premier tour des municipales. Lyon reste à droite, quoi de plus logique dans une ville qui a voté Sarkozy à 53,08 % en 2007, 56,87 % en 2012, puis à 51,13 %, en 2022, pour son retour « aux affaires ». Perben, ça fait déjà 19 ans. Les Lyonnais lui doivent une politique volontariste en matière économique : la ville étend son influence et, grâce à son dynamisme, la région Rhône-Alpes est passée

de la 8e à la 4e place en Europe en l’espace de vingt ans. Malgré cela, les problèmes du logement (la Fondation Abbé Pierre recense une quarantaine de bidonvilles et des déséquilibres multiples sur le marché local) et du « vivre ensemble », entre les quartiers, restent endémiques. >> RDV au n°4>

étape n°2 : « miroir, miroir » 4> Chaque lyonnais s’en souviendra. Sur le plan de l’image, les années 2000 auront été, pour Lyon, le temps du rayonnement. Sportif (8 championnats de suite, pour l’OL, une coupe d’Europe en 2009, un nouveau stade l’année suivante, mais le début des rendez-vous manqués dès la saison 2011-2012) ; touristique (les 6 millions de visiteurs sont dépassés en 2010 !) ; culturel, etc. En 2013, Lyon est la Capitale européenne de la culture. C’est presque déjà trop tard, vu les signes de reflux observés de part et d’autre. Des échecs successifs pour organiser de nouveaux événements. Un manque de cohérence dans la politique culturelle. Récemment encore, sur la chaîne cryptée Canut +, Guy Walter, vieille figure de la création « made in Lyon », déplorait « l’agrégat d’événementiels » au détriment d’une politique de fond. À vouloir trop en faire, la liaison tourisme/ culture a également perdu de son élan. Même le musée du Confluent, 18 ans après son ouverture, voit sa fréquentation baisser depuis 2022… En dépit de son dynamisme économique, l’image de la ville est en déclin. Dans les enquêtes d’opinion, il est désormais rare de l’apercevoir parmi les villes où « les Français (aimeraient) bien vivre ». Même Saint-Étienne est arrivée devant, en 2025, dans le classement annuel du quotidien Lagardère. Cette dégradation se traduit également dans la variation de la population : entre 0,5 et 1 % de baisse, chaque année, depuis une dizaine d’années, alors qu’on avait les mêmes taux en positif, vingt ans plus tôt. Prenant la mesure du décalage entre la réalité économique et l’image de la ville, en France et à l’étranger, le Très Grand Lyon a lancé un vaste programme de consultation et de promotion, intitulé « Lyon 2040 ». Une étude sera notamment menée auprès des habitants et de ceux qui ont quitté la ville, par l’Institut TNS SoFresh. >> RDV au n°9>


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UN OEIL SUR LYON

dossier urbain 5/5

5> Tous les observateurs vous le diront : Lyon est capable du meilleur comme du pire. De réaménager tout un quartier (La Duchère, Le Confluent…) et d’autoriser un chantier qui va en déstabiliser un autre. On avait déjà vu ça, il y a plus de soixante ans, avec la Part Dieu, première génération. Les Vélo’v ont aussi pâti de cet effet. On a connu le meilleur : le succès phénoménal de ces vélos en libre service, installés il y a 22 ans dans l’ensemble de l’agglomération. Lyon a été la première grande ville à accueillir ce dispositif, avant Bruxelles, Paris, Berlin, Rome, Shangai, Athènes, New York… Pourtant, en 2018, lorsque le contrat de Decaux ne fut pas renouvelé, la ville ne fit rien pour « sauver » les vélos progressivement abandonnés par l’américain Clear Channel. L’entretien, des bornes et des vélos, s’est nettement dégradé, et dans les faits, une proportion importante est aujourd’hui hors de circulation. Dans l’appel d’offres, Clear Channel s’était aussi engagé à installer des tapis roulants de surface le long des grands axes piétons. Le premier a vu le jour dans la rue Victor Hugo, en 2021. Les lyonnais peuvent avancer jusqu’à 8 km/h, en parcourant les publicités animées qui défilent sous leurs pieds. D’autres tapis doivent être installés d’ici 2031, sur la Presqu’île et dans le quartier de la Part-Dieu. Mais les travaux sont sans cesse bloqués par les interventions des militants de « Casseurs de pub », une association créée il y a près de trente ans. >> RDV au n°7> 6> Ca va (très bien) sans dire : Lyon est « the place to be » du début du 21ème, La ville affiche une réussite sur tous les plans, en particulier pour combiner attraction économique et ambition sociale. Le monde entier regarde. L’américain Electronic Arts, créateur de Simcity, a même édité un jeu, Devenez Maire de Lyon, après avoir repris Otarie (ex-Atari), le spécialiste local. On en est à la troisième édition, le jeu se vend partout en France, et même dans certains pays étrangers (Espagne, Canada, Italie…). Autre symbole : la ville a intégré depuis 2023 le très select Top 20 du cabinet Mercer sur les villes les plus agréables du monde. Très loin devant Paris. >> RDV au n°8>

étape n°3 : « lyonnaises, lyonnais » 7> Ils n’ont pas bougé d’un iota, malgré les fortes évolutions des trente dernières années. Lyon est toujours réputée ville froide, bourgeoise, segmentée. La Presqu’île et le 6e ne se mélangeront définitivement jamais. La Croix-Rousse est toujours la colline des bobos vieillissants (+ enrichissants), les plus jeunes ont trouvé de nouveaux territoires, dans le 7e, à Vaise ou à Villeurbanne. Les racines spatiales sont profondes, à Lyon plus qu’ailleurs. Les grands mouvements se déroulent surtout en dehors, à l’Est notamment, réinvesti par des familles relativement aisées. >> RDV au n°10>


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UN OEIL SUR LYON

dossier urbain 5/5

8> Fiers et attachés à leur environnement, les Lyonnais sont les premiers ambassadeurs de leur ville. Une ville qui s’exprime, qui bouge, qui crée… Il n’y a qu’à voir : l’affluence sur les quais du Rhône, chaque soir. Sur le Confluent, également. Des nouveaux lieux à la mode émergent en permanence, alors que l’aménagement du quartier est en cours de finalisation. La participation des habitants aux grands événements urbains est aussi un signe fort. La ville arrive à fédérer les talents, les origines et les générations autour de projets communs, comme les Triennales ou les Nuits Sonores, fameux festival électro dont la 25e édition vient de réunir plus de 200 000 participants… Même le poussiéreux 8 décembre a été « karcherisé », depuis deux ans, par les talentueux designers de Pitaya Concept Worldwide… Lyon est une ville jeune. Les jeunes couples à bébé forment l’image dominante des passants rue de la Ré. Alors que le pays n’arrête pas de vieillir, la ville jouit d’un taux de fécondité exceptionnel : 2,2 enfants par femme, en moyenne, contre 1,6 à l’échelle nationale. >> RDV au n°10> 9> Les Lyonnais identifiés comme tels, ce sont toujours les mêmes. Sur le mur peint, côté Saône, ils sont quasi tous morts (Bernard Pivot, le dernier, l’an passé, à l’âge de 91 ans) mais restent très présents dans l’esprit de la ville. Qui dit lyonnais pense encore… : à Bocuse, dont les héritiers ont perdu le Nord, et trois autres brasseries en l’espace de 5 ans ; à l’Abbé Pierre qui, vingt ans après sa mort, reste la personnalité préférée des Français, avec Joakim Noah, « basketteur au grand cœur »… Bruno Bonnell, ex-d’Infogrammes, adore toujours les couvertures type « 50 lyonnais qui comptent », grâce à son succès dans les GPS pour piétons. Depuis quinze ans, sa société enchaîne les taux de croissance à deux chiffres et devrait être cotée, en 2029 ou 2030, au NASDAQ de New York. On pense aussi à Guy Darmet, l’omniprésent directeur de la Maison de la Danse qui, à 80 ans, continue à exporter, dans une trentaine de pays, son « Lyon Dancing Tour », une mini biennale de 5 jours avec grand défilé de clôture. Enfin, « Walt » Sidney Govou, 48 ans grisonnant, est toujours à la tête d’OL Coiffure,

la marque franchisée qu’il a reprise, à la fin de sa carrière sportive, lorsque le club a dû se séparer de certains de ses actifs. A l’image de ses peoples, le passé a du mal à s’effacer, et les Lyonnais semblent, à certains égards, incapables de se renouveler… >> RDV au n°10>

étape n°4 : « retour aux source » 10> À Kiblind, dans un immeuble de la Duchère, on regarde tout ça, en noir ou en blanc. Il y a aussi de la matière grise, parmi la trentaine d’employés qui s’attèlent à la rédaction du 221 (votre journal, devenu mensuel), au lancement du Pass culturel régional et aux autres projets (production, réalisation de contenus culturels et artistiques pour des livres numériques, etc.) A l’étage de la direction, on essaye, à 46-47 ans, de rester au contact, un peu brioché-poivre-et-salé… G. V.

de réels projets* * Seules les dates restent encore très fictives

>> 2008-2009 : Ouverture sur le Confluent du Musée et du «pôle loisirs». Le réaménagement complet du quartier prendra 25 ans environ. >> 2007-2012 : Réaménagement du quartier de la Part-Dieu. >> 2009 : Tour Oxygène à la Part-Dieu. >> 2012 : Fin des travaux dans le quartier de la Duchère. Prolongement du Métro à Oullins.




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UN OEIL SUR LYON

anachronique

anachronique

place des jacobins Parmi les places emblématiques qui font tout le prestige de Lyon, la place des Jacobins apparaît plus fréquemment comme un lieu autour duquel on tourne, à défaut d’être une place sur laquelle on flâne. Pourtant, elle expose un monument dédié au génie artistique de Lyon. S’il vous plait !

À

la différence des sites qui jouissent d’un accès facilitant la contemplation, la place des Jacobins est une sorte de rond-point. A tel point qu’on en oublie toute interrogation sur son histoire et la fontaine qu’elle exhibe. Au Moyen-Âge, ce carrefour était l’artère principale de la Presqu’île, depuis la rue Confort jusqu’à la rue Mercière. Elle tire son nom d’un couvent investi par les frères dominicains de Saint-Jacques en 1218, construit dans la continuité de l’église NotreDame de Confort. Un sanctuaire qui s’était déjà illustré dans l’histoire, en accueillant notamment la désignation d’une éminence de premier plan : en 1316, les cardinaux s’y réunirent en conclave pour élire le nouveau pape Jean XXII, qui devait ensuite être sacré en la cathédrale Saint-Jean. Alors, si tous les chemin mènent bien à Rome, comme on le dit, pourquoi ne pas illustrer la formule par un rond-point…

Aux Arts, et cetera

L’église et son couvent furent rasés en 1816. La Révolution était passée par là et de nombreux édifices religieux en pâtirent, aussi bien que tout

symbole de l’Ancien Régime. Mais en 1865, la municipalité commanda à l’architecte Gaspard André et au sculpteur Charles Delaplanche une fontaine commémorant, non pas l’histoire pontificale, mais le génie artistique de la ville. Sous le lanternon, au sommet de la sculpture, quatre artistes lyonnais symbolisent quatre périodes d’esthétiques différentes. Philippe Delorme, le grand architecte de la Renaissance, personnifie le 16e siècle ; Gérard Audran, le graveur de la manufacture des Gobelins, évoque le 17e siècle ; Guillaume Coustou, le sculpteur à qui l’on doit l’allégorie de la Saône et du Rhône sur le piédestal du Louis XIV de la place Bellecour, représente le 18e siècle ; et Hippolyte Flandrin, célèbre peintre local et élève d’Ingres, incarne l’esprit du 19e siècle. Mais si l’hommage est de taille, sa réception est aujourd’hui toute relative. Car entraînés par le mouvement centrifuge, les visiteurs étourdis ont tôt fait d’associer le monument et le nom de la place. Et de voir dans les quatre personnages, non pas les artistes insignes, mais quatre Jacobins en majesté… J. T.



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UN OEIL SUR LYON

rétropolitain

rétropolitain

croix-rousse... un nom Une colline rouquine peuplée de taches de douceur. Des croix en forme de ralliement. Un quartier à part au nom bizarre. Représentez la X…

S

i l’histoire de la Croix-Rousse est intimement liée à la ville à l’emblème félin, la « colline qui travaille » , en référence à son passé Canut, n’a jamais cessé de jouer de sa singularité. C’est qu’ici il fait bon vivre. Pendant très longtemps la colline qui s’appelait alors Saint-Sébastien, dont l’un des vestiges est la montée du même nom, a été associée aux domaines de Cuire au nord et de l’île Barbe à l’ouest. Jusqu’au 15e siècle, ces trois territoires situés entre la Bresse, la Dombe et la ville de Lyon étaient en effet sous l’influence d’ecclésiastiques qui s’affrontaient pour l’acquisition des différents terrains. Ces terres n’obtiendront qu’une paix relative avec la protection du Roi de France en janvier 1455 et seront regroupées sous le nom de Franc Lyonnais. Le nom de Croix-Rousse n’apparaîtra qu’un siècle plus tard.

UN NOM EN FORME DE SYMBOLE

Guillaume de Port, un seigneur basé sur le territoire du Franc Lyonnais décide de commander une croix de mission catholique. Celle-ci, fabriquée en pierre de Couzon, est de couleur jaunasse, orangée ou, selon les appréciations, simplement rousse. On retrouve cette même pierre sur les façades anciennes des immeubles de canuts. Les terrains qui entourent la croix à l’époque vont peu à peu être rebaptisés « terrains de la Croix-Rousse ». Au fil du temps, les commerces et les auberges florissant sur cette longue route allant de Saint-Sébastien à

Cuire, le quartier prendra le nom de ce symbole à la fois local et religieux. La croix sera d’ailleurs démolie à plusieurs reprises lors des guerres de religion, des révolutions et sa présence est, encore aujourd’hui, parfois discutée. Le nom de Croix-Rousse s’imposa donc progressivement de lui-même. L’histoire entre la ville de Lyon et le territoire de la Croix-Rousse, quant à elle, est beaucoup plus compliquée. Au 16e siècle, Louis XII et François 1er ordonnèrent la construction d’une enceinte fortifiée s’étendant de la Saône au Rhône, qui se trouvait en lieu et place de l’actuel boulevard de la Croix-Rousse, et qui isolait Lyon du reste des communes du nord. Pourtant, profitant des droits avantageux acquis par les Seigneuries du « Franc Lyonnais » en matière d’imposition sur le vin, la Croix-Rousse devint au 17e siècle le lieu où de nombreux Lyonnais aimaient venir festoyer. L’appartenance de ce quartier au grand voisin lyonnais devenait de plus en plus évidente et le 24 mars 1852, par arrêté impérial, il fut définitivement annexé. Le quartier de Cuire sera, quant à lui, rattaché à la commune de Caluire-etCuire. Par la suite, en 1865, l’enceinte murale, dernier rempart, fut démolie sous l’ordre de Napoléon III et le quartier de la Croix-Rousse prit tout naturellement le titre de quatrième arrondissement de Lyon. Néanmoins, il y a toujours quelque chose ici dans l’air qui respire un doux parfum aux effluves singuliers. J. M.


lyon dans la presse

sous les pavés La plage a disparu. Mai 68, emporté par la marée. Liquidation totale, contre malade imaginaire. Pour le 69, on attendra les parasols, histoire de pas laisser faire, par derrière…

L

a France, bien sûr, fut la muse du printemps. Désirée, à droite et à gauche. On se souvient de Villepin qui pensait que « ça lui démangeait le bassin ». On pense encore à tous ceux qui l’ont astiquée (la France), au fond de la bassine. Becassine, aussi. Tu l’aimes ou tu la kiffes. On a vu des porte-drapeaux et des étendards en berne.

Faites l’amour…

A Lyon, la presse s’est intéressée à Gérald, crieur public à la Croix Rousse, « colline rebelle où demeure l’esprit canut » (Le Monde) qui mena la fronde, avec près de 200 manifestants, contre la venue de Sarko. Ou à la scène musicale lyonnaise (Le Peuple de l’Herbe, High Tone, Ezekiel, etc.) défendant, en chœur, « une France qui (à la fois) se couche tard et se lève tôt ». On n’en attendait pas moins. Et pas davantage, de ses adversaires (prenons J.-M. Bigard), les imaginant par exemple appeler les prostituées lyonnaises, qui « risquent d’être délogées à nouveau » (du Quai Rambaud), à « travailler plus, pour gagner plus ».

On pensait à l’esprit de mai. Et comme on n’était qu’en avril, on abandonna la campagne, le temps d’une virée nocturne, en ville. C’est donc l’histoire de Pierre M. à qui sa femme, Sandrine B., refusait de se donner depuis la naissance de leur enfant. Libération nous met dans l’ambiance, façon Quai du Polar (la troisième édition, organisée au Palais Bonday, du 29 mars au 1er avril dernier, a rencontré un vif succès) ou Secret d’actualité. Pierre M. a donc assassiné sa femme et jeté son corps dans la Saône, en pleine nuit, sous le Pont de la Mulatière. Mais il a remarqué entre temps la présence d’un pêcheur qui « semblait l’observer ». « Négocier son silence (…) ou s’en débarrasser » : le vieil homme finira aussi au fond du fleuve, après avoir reçu 16 coups de marteau. Les deux corps furent retrouvés, dès le lendemain, et le coupable, rapidement identifié. Le procès a eu lieu, il y a quelques semaines, à Lyon. On aurait pu y voir le premier jugement contre soixante-huitard attardé, accusé de n’avoir joui, sans entraves…


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UN OEIL SUR LYON

lyon dans la presse

Ils ont coupé les fleurs…

Pas la guerre

Il y eut la bataille électorale, avec ses dommages collatéraux, dont l’agression d’un jeune d’origine maghrébine, par des militants du Front National à Thizy, petit village du Beaujolais. La presse s’en fit largement l’echo, notamment Libé, reprenant les propos de Bruno Gollnisch qui révise encore son histoire. Selon lui, ce serait les militants du mouvement qui auraient été attaqués par une « bande ethnique » composée de « jeunes d’origine immigrée, qui sèment la terreur dans ce bourg paisible. » On se croirait à Poitiers. Le Figaro nous ramène à Lyon, « dans le très huppé 6e », pour nous décrire la « rixe spectacle », genre Fight Club, entre des collégiens lyonnais. À l’origine, une banale bagarre entre deux jeunes, se terminant par un affrontement savamment organisé, dans une cour d’immeuble. Un ancien élève fait même payer les participants pour « assister au spectacle ». Et plusieurs jeunes auraient filmé la scène puis diffusé les images du « combat ». Des poursuites judiciaires et des mesures disciplinaires vont être exercées à l’encontre du « vainqueur du match », et de certains spectateurs. A Lyon, ils pourraient même passer par la case prison, dans le premier Établissement Pour Mineurs (EPM) qui va ouvrir ses portes, en juin, à Mézieu. Un journaliste du Point en dessine le plan : 60 cellules individuelles regroupées dans 10 petites maisons, « pas de miradors, ni de barbelés », des repas pris en commun, deux agents en moyenne (surveillant + éducateur) par détenu, des jeunes de 13 à 18 ans en détention préventive. Et pour l’encadrement, on imagine (encore) des matons à cols Mao, comme André Glucksmann ou Max Gallo…

Mais ils n’ont pas empêché le printemps. Comme un relent de 68 qui montre qu’à Lyon, on a encore le sens des saisons. Même si la clé des champs semble désormais ouvrir sur les berges sur Rhône, et que le camping a quitté la ferme pour l’Université de la mode. Métro s’intéresse sur le sujet à la « camping collection » déclinée, pendant la Semaine de la Mode, à travers plusieurs événements (« ateliers de relooking, élection de Miss camping »). On n’est pas à la plage. Mais les Lyonnais semblent se soucier du pavé. Les circulations douces deviennent une véritable spécialité locale, comme en atteste le succès des Vélo’v, ou le développement des cyclopotains (des taxis tricycles) décrits par Le Monde comme des « OVNI en forme de goutte d’eau ». Le concept a été initié à Lyon en 2003 et vient d’arriver à Nantes, après Nice et Grenoble. « L’habitat écolo » a, lui aussi, de l’avenir. Pour une journaliste du Point, c’est « un marché en plein essor », déjà matérialisé par le premier lotissement écologique de France construit à Saint-Priest (300 maisons entièrement étudiées pour améliorer l’isolation, récupérer l’eau de pluie, etc.) ou encore, par le succès de l’association Oikos, une structure d’information et de formation installée à Villeurbanne, sollicitée notamment pour la construction de maisons en bois. On y planterait bien des pâquerettes, puisqu’il reste des fleurs, malgré les fusils… G. V.

Sources : Catherine Lagrange, « La maison se met au vert », Le Point, 15/3 ; Chistophe Labbé, « Une prison modèle pour les ados », Le Point, 22/3 ; Fabrice Arfi, « La Croix-Rousse, colline rebelle où demeure l’esprit canut », Le Monde, 7/4 ; Fabrice Arfi, « Les prostituées de Lyon risquent d’être délogées à nouveau », Le Monde, 10/4 ; « Deux militants frontistes mis en examen dans le Rhône pour avoir frappé un jeune homme d’origine maghrébine », Nouvelobs.com / Associated Press, 13/4 ; Alice Géraud, « J’ai vu les types du FN qui frappaient le jeune », Libération, 14/4 ; « Le camping sous toutes ses coutures », Métro, 17/4 ; Yan Gauchard, « Les taxis-tricycles électriques se multiplient en ville », Le Monde, 18/4 ; Marie-Christine Vernay, « Ateliers de substance », Libération, 21/4 ; Frédéric Poignard, « Des collégiens lyonnais inventent la rixe spectacle », Le Figaro, 2/5 ; Alice Géraud, « Il jette sa femme dans la Saône et se débarrasse d’un témoin », Libération, 2/5 ; « Les artistes lyonnais contre Nicolas Sarkozy », Nouvelobs.com, 3/5.


International

jo napot lyon Si une jolie créature au petit nez retroussé et au décolleté abyssal se présente à vous cet été et vous murmure à l’oreille : « Jo napot », répondez-lui avec un sourire de « french lover » : « Jo napot, kivanok». Sachez que « Jo Napot » signifie « Bonjour » en Hongrois. « Kivanok » est le p’tit truc en plus qui fait toute la différence. Certes, cette rencontre estivale à Lyon est peu probable mais elle n’est peut-être pas impossible.

S

ur la route qui mène au Far Est, on connaît déjà « à peu près » Budapest, la fille de l’Est comme le chante si joliment le fils de l’incroyable H. Cependant, celle que l’on nomme aussi la perle du Danube n’est pas le seul joyau de la couronne aux six frontières. Loin de vouloir rompre l’exotisme, je vous invite à découvrir la Hongrie au fil des liens qui unissent la région Rhône-Alpes à la Transdanubie du Sud. Ecoutons l’enfant qui parle... - « Dis maman, qu’est-ce que c’est la Transdanubie du Sud ?

- C’est une région du sud-ouest de la Hongrie qui se compose des départements de Baranya, Somogy et Tolna. Parmi les 7 régions, c’est celle qui compte le moins d’habitants (9,7 % de la population du pays y vit). - Pourquoi y a-t-il si peu d’habitants en Transdanubie du Sud ? - Car la Hongrie est un pays dont la tête a grandi plus vite que le corps. On dit que c’est un « pays hydrocéphale ». Budapest est la tête du pays car elle


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UN OEIL SUR LYON

international

concentre la majorité de la population active. » La Transdanubie du Sud, dont on parle encore peu, demeure le répère des hongrois en mal de mer à cause de son fameux lac Balaton. Entre nous, je vous conseille de visiter Tihany. Ce joli petit village qui borde le lac dispose d’une vue imprenable sur des eaux turquoises. Goûtez aussi les spécialités de la région : foie gras de canard chaud dans son écrin d’oignons confits accompagné d’un vin blanc liquoreux de Tokay ou de Vilany.

La Transdanubie du Sud et Rhône-Alpes au corps accords

À Lyon, on aime manger à la bonne franquette la rosette avec un canon de beaujolais ; enTransdanubie du Sud on déguste foie gras et Tokay ! Nos papilles gustatives se répondent... Et la boue du lac Balaton peut très vite se transformer en or pour le RhôneAlpin qui en a assez des destinations précuites. Inutile désormais de vous préciser pour quelles raisons la région Rhône-Alpes a jeté son dévolu sur la Transdanubie du Sud au lieu d’assomer Budapest à coups de projecteur. De surcroît, la Transdanubie du Sud est riche en sources thermales aux vertus thérapeutiques. De nombreux complexes thermaux attirent un tourisme international. Conscient des richesses de cette région et de leur potentiel économique, le conseil régional Rhône-Alpes a signé en mai 2001 une déclaration d’intention de coopération avec les départements de Tolna, Baranya et Somogy. En Mars 2006, la signature à Pècs (pron.: Pètch) d’une convention de coopération décentralisée entre la région RhôneAlpes et la région Transdanubie du Sud entérine les échanges entre les deux régions. Comme le précise, Lucyna Gravière, chargée de mission au conseil régional, il s’agit d’échanges de « matière grise » et de « savoir-faire ». Ainsi, la

Transdanubie du Sud, en s’inspirant du modèle rhône-alpin, a lancé en 2005 un appel à projet afin d’impulser la création de « pôles de compétitivité ». Pècs, la plus grande ville de la Transdanubie, est le centre culturel et financier de la région. Reconnue pour la qualité de son enseignement universitaire et pour son rayonnement culturel, la ville a également séduit Lyon. Un jumelage Pècs-Lyon a vu le jour afin de dynamiser les échanges universitaires. Depuis septembre 1995, l’Institut d’Administration des Entreprises de Lyon 3 a mis en place en collaboration avec l’Université Technique de Budapest, l’Université de Pécs et l’Université de Szeged, un programme de management français, conjointement à un diplôme supérieur de gestion hongrois. L’objectif est de former des cadres biculturels, adaptés aux besoins des entreprises occidentales, capables de développer des liens industriels et commerciaux entre la France et la Hongrie.

Et, la culture ?... Pas d’accord !

Pècs est élue capitale européenne de la culture pour 2010 tandis que la ville de Lyon a déposé sa candidature pour 2013. Peut-on espérer que ce point commun entre les deux villes confère davantage d’envergure culturelle au jumelage entre Pècs et Lyon ? La ville de Pècs va-t-elle solliciter autour de cet événement phare la ville de Lyon ? Autant de questions qui demeurent actuellement en suspens. Sachez, néanmoins, qu’il existe un fonds dédié aux projets de création, de diffusion et de formation artistiques dans le cadre des programmes de coopérations décentralisées de la région RhôneAlpes. Son appellation, FIACRE (Fonds pour l’Innovation Artistique Culturelle en Rhône-alpes) vous fait peut-être frissoner... À bon entendeur, salut ! L . P.



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pages blanches

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le journal qui vous publie vous...












Lire... + Livre & Lire dans Kiblind : un inédit… En collaboration avec Kiblind, Livre & Lire vous propose de découvrir, dans ce numéro, un texte inédit d’un écrivain qui débute son parcours éditorial. Les textes de Claire Tristan sont extraits d’un manuscrit intitulé Ceux qui s’en vont.

Livre & Lire Livre & Lire est le mensuel du livre en RhôneAlpes publié par l’Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation (ARALD), association financée par la région RhôneAlpes et la DRAC de Rhône-Alpes. Il propose un regard sur la vie du livre et de la lecture dans notre région, présentée à travers la diversité de ses écrivains, de ses traducteurs, de ses éditeurs, mais aussi de ses librairies et de ses bibliothèques. Livre & Lire est disponible sur abonnement et consultable en ligne sur www.arald.org.

Ceux qui s’en vont, c’est l’histoire d’une fuite. Celle d’une jeune femme qui disparaît. Ève laisse derrière elle des parents qui s’interrogent. Elle abandonne sa famille comme son propre père l’a fait, autrefois, lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant. Atavisme familial ? Peut-être. Mais en même temps que la fuite, Ceux qui s’en vont raconte les parents partant à sa recherche. Un autre voyage. Dans le premier texte, « Lire… », Ève replonge dans le souvenir d’enfance, dans le passé familial et dans cette librairie pourvoyeuse de mots, « ceux qui rendent intouchable ». « Neige... », second texte, est le récit de la jeune héroïne qui, alors qu’elle est encore chez ses parents, regarde la neige tomber et se sent exister.


Et il y eut les mots. Longs et brefs ; ceux du dictionnaire et les autres. ( - C’est quoi, un néologisme ? - Un mot inventé, qui n’existe pas. - Il existe, je l’ai écrit… Né-o-lo-gis-me, marqué en rouge dans la marge. - C’est un mot très beau, mais il n’existe pas.) Elle aimait les mots, pour eux-mêmes et pour les univers qu’ils invoquaient. Les mots pour eux-mêmes, pour leur musicalité, leurs sonorités. Le frou-frou rassurant des mots dans le silence. ( - ça ne veut rien dire. - Oui, mais c’est joli. - Oui, mais ça ne veut rien dire.) Les mots, comme des perles multicolores qui, mis les uns à la suite des autres, formaient de vrais colliers dont elle se parait. Les mots, brimborions magiques, gris-gris fabuleux, à elle, rien qu’à elle. Ceux du dictionnaire et les autres. ( - Qu’est-ce que je viens de dire ?) Les mots aussi pour leur univers, leur contrée mystérieuse. Tu te lèves l’eau se déplie Tu te couches l’eau s’épanouit L’univers des mots comme un rempart bien plus sûr que les hauts murs de la maison. ( - Tu n’écoutes jamais la consigne en entier.) Elle voyagea à dos de mots dans la Bretagne celte – Arthur, Merlin, Morgane – et dans la mythologie grecque – le regard aveugle d’Œdipe. Elle partit sur l’île de Robinson, au centre de la terre, tout autour du monde, en train, en bateau, à dos d’éléphant, au fond du terrier d’un certain lapin…

( - Tu as encore oublié la moitié de ce que je t’ai dit…) … du côté de chez Swann et au bout de la nuit. Elle était lexico-dépendante et son dealer tenait une petite échoppe, dans une rue étroite du quartier de la Croix-Rousse – une librairie spécialisée dans la littérature de jeunesse. Des livres partout, en haut, en bas, du sol au plafond. Avant chaque période de vacances, sa mère l’emmenait là pour « faire le plein ». Cérémonial immuable. Le bonheur est dans la répétition. 1) Pousser la porte au son aigrelet de quelques clochettes qui s’entrechoquent. 2) L’odeur du livre neuf, du papier avide de lecteurs. 3) Entendre s’écarter les tiges mobiles de bambou qui forment un rideau séparant le magasin de l’arrière-boutique. Le tendre cliquetis des baguettes de bambou qui se sont écartées sur le passage de la libraire. Et deviner, dans l’espace dévoilé par le balancement alangui des lames de bambou, des cartons pleins de livres. Des livres en liberté, des livres sauvages que l’on a reclus là pour qu’ils ne se carapatent pas à la première occasion. 4) La libraire, à la peau mate, au regard mélancolique de tous ses horizons parcourus. Son calme, pareil à celui de ses livres. 5) Ensuite, choisir. La voix douce de la libraire qui évoque ces univers comme on esquisse un paysage. Un jour, Ève fut surprise – pas déçue, juste surprise – et comprit qu’il existait deux entités : le paysage et celui qui le regarde. Le monde se colore de teintes différentes selon les yeux qui se posent sur lui. 6) S’en aller, gagner la rue avec, suspendu à la main, un sac en plastique lourd de toutes les promesses. 7) Lire, avec avidité. Même dans la rue, même dans la voiture, à en avoir la nausée. Il y eut les mots, ceux qui rendent intouchable. Claire Tristan


Neige...   Ce jour-là, ce jour de décembre, la neige, depuis le ciel liquide, a floculé jusque sur la terre.   Le jardin a repoussé les hauts murs qui l’enceignent. Les deux peupliers ont reculé de plusieurs mètres. La perspective a changé. Rien n’est vraiment comme d’ordinaire. C’est normal. Il a neigé. Aussi, tout semble plus vaste, plus inaccessible. Ça a commencé tout à l’heure, à cause de l’air saturé de flocons, de ce poudroiement blanc. L’espace s’est dilaté, s’est amplifié pour contenir ces particules innombrables. L’œil ne pouvait voir les deux peupliers au bout de l’allée sans que son champ visuel ne fut traversé de ces corpuscules neigeux s’échouant depuis les hauteurs avec une régularité muette de métronome. Et entre l’œil et les deux peupliers défilaient les lignes successives de ce régiment infini.   Il a neigé. Tout semble plus vaste, inaccessible. À cause aussi de ce silence ouaté à présent que le ciel s’est tu, à cause de cette blancheur immaculée de la terre, de cette puissante réflexion lumineuse de la neige sur la prunelle des yeux maintenant


Mada, un premier roman noir et blanc

que l’opacité de l’air s’étiole – les murs blancs d’Andalousie sous le soleil. La terre semble tenir en respect ceux qui la regardent, par sa virginité farouche, par sa fragilité, par son évanescence neigeuse. Alors le portail est si lointain, les peupliers sont si distants qu’il faudrait bien de la volonté pour sortir, pour continuer à vivre au rythme coutumier. Non, quand il a neigé, il n’y a qu’une chose à faire : cesser un peu d’exister et regarder dehors, depuis la fenêtre. Lorsqu’il a neigé, c’est le moment pour regarder autour de soi, comme pour la première fois. Parce que rien n’est vraiment comme d’ordinaire. Parce que tout est vaste, inaccessible.   Et c’est si dur de savoir cette innocence de la neige si fugace, une innocence de quelques heures. Et c’est si dur d’imprimer son pas dans la neige. Il faut s’y contraindre. Et passer cet instant, au contraire, fouler la neige. Marcher dans la neige. Marquer de sa présence le monde. Mes empreintes dans la neige comme l’encre sur la page ; j’existe.

Claire Tristan

Le premier roman de Claire Tristan nous plonge dans l’histoire et la géographie des hommes et des femmes de l’océan indien. Mada, c’est Madagascar, cette île où la narratrice, qui vit désormais à la Réunion, a passé son enfance. Entre cette femme noire et Claire, une « z’oreille » – une métropolitaine blanche –, dont elle garde le petit garçon, se noue un fil sentimental et narratif. C’est à Claire, c’est à nous, lecteurs, que la nourrice raconte son histoire douloureuse. Un destin pris dans celui de la colonisation qui, au-delà des lois et des commémorations, continue à nous saisir. Le livre de Claire Tristan fait de même. Laurent Bonzon Claire Tristan, Mada, Éditions de l’aube, 2006 Claire Tristan est née à Lyon en 1972. Elle vit aujourd’hui à Vienne, où elle est professeur de lettres. En 2006, elle a bénéficié d’une bourse d’aide à l’écriture allouée par l’Arald, avec le soutien de la Drac Rhône-Alpes.


Réponse à une lettre non adressée Rien n’a commencé aujourd’hui. Hier il avait neigé, phénomène banal pour un mois de janvier, pourtant pour Elle c’était le signe que cette année commençait mal. L’hiver c’est une sale période comme l’automne et parfois le printemps. Elle pensait que si on était croyant on ne pouvait pas croire en la météo et que si on ne croyait pas en un dieu c’était stupide de croire en des pronostiques de scientifiques qui portent leurs regards uniquement sur des écrans d’ordinateur. Elle, Elle aurait pu croire en une météo de marin ou de berger mais Elle ne connaissait ni l’un ni l’autre ; du coup, tous les matins, Elle ouvrait ses volets et s’habillait à vu de nez : s’il était tout rouge et larmoyant Elle mettait un bonnet, une écharpe et des moufles, sinon juste une écharpe. Mais le mieux quand c’est comme ça c’est de ne pas sortir du tout, et à l’occasion pour s’occuper dans ses excès de fainéantise Elle répondit à La lettre qu’Il ne lui a jamais adressée.

Dans ce texte Elle se raconte en trouvant des pseudonymes torturés pour que, si quelqu’un parcourt bêtement ces lignes, les allusions directes aux personnes de son entourage ne soient pas trop évidentes. Par exemple Laura s’appellera Sam, c’est futé ! D’ailleurs c’est moins pour raconter sa vie que sa non vie qu’Elle écrit, ou plutôt la vie qu’Elle s’imagine tous les soirs dans son lit deux places qui n’abrite définitivement qu’une seule personne : Moi. Moi est un pronom affreux et terriblement accusateur, pour parler de Moi, on utilisera Elle, qui est bien plus détaché et sexuellement approprié : Moi est une fille. Nous disions donc Elle aime Il, mais rien n’est si simple. Dans un monde parfait tout irait parfaitement entre eux ; malheureusement pas grand chose ne tourne rond par ici (sauf le oulahop doré de Sam, mais dans ce contexte on s’en fout pas mal).


La vérité c’est que cette sale histoire est une agglutination de conneries informes faites par l’un ou par l’autre et dont elle garde pour seul souvenir le goût subtile et très reconnaissable du vomi resté au fond de la gorge, et même que ça pique des fois. Elle aimerait réparer, soigner la plaie, mais quand celle-ci est encore ouverte et dégoulinante de globules bicolores ça sert à rien de mettre un pansement même s’il est géant et qu’Harry Potter est dessiné dessus. Peut être qu’il faut juste attendre que la chance dise « OK à ton tour, profite cocotte et bonne bourre ». La chance est sûrement grossière : pour se pointer une fois tous les trente-six du mois faut ne pas être à cheval sur les bonnes manières ! Alors c’est décidé, Elle va prendre les choses en main, s’en remettre à cette putain de chance qui ne l’a pas appelée « cocotte » depuis trop longtemps ! De toute façon y’a plus rien d’autre à faire, on ne peut pas forcer une personne à nous parler,

et encore moins à nous aimer... Surtout quand nous même on ne sait pas faire : Elle est persuadée que c’est un sorcier vaudou qui est la source de toute cette chienlit, il aurait planté une aiguille maléfique dans le cœur d’une poupée à son effigie en proclamant un sortilège éternel : Elle ne sera pas aimée ! C’est certainement l’explication la plus rationnelle qu’on puisse trouver. D’ailleurs si un jour Elle retrouve ce sorcier de malheur autant dire qu’il va moucher rouge ! Des fois Elle a la vague impression de revivre, comme si ça ne faisait qu’une journée qu’Elle était Moi. Ça lui est arrivé hier matin, Elle ne se souvenait plus que sa mère mangeait uniquement des yaourts aux fruits, ou de la dernière fois qu’Elle avait enlevé les cheveux de sa brosse. Un trou de mémoire comme une absence qui dure des fois quelques minutes, cette fois ça a duré un an. Un an de rien, d’un silence oppressant comme lorsqu’on voit des paillettes juste avant de tomber


dans les pommes, cette fraction de seconde où on est plus vraiment soi, ni même quelqu’un d’autre. Un flottement, une noyade. L’émersion ne se fait pas toute seule, au début on ne fait pas gaffe, c’est avec l’expérience qu’on détecte les symptômes : pendant quelques jours on se sent pas bien ; par exemple Elle, Elle a l’impression d’avoir du brouillard devant les yeux ou de voir comme on pourrait voir à travers le cul d’une bouteille en verre, et puis il y a les crampes d’estomac et la chiasse, ça va ensemble. Il faut dire qu’à présent Elle arrive plus ou moins à contrôler cette partie du processus, le plus dur c’est la suite, ça change tout le temps. Le plus dur c’est quand on commence à vivre pour de bon. D’ailleurs Elle ne sait plus vraiment comment ça fait, Elle s’arrange toujours pour éviter cette situation, et ce depuis ses seize ans, avant Elle n’y avait juste pas réfléchi. C’est bien simple depuis tout ce temps Elle a toujours les mêmes amies, les mêmes projets, les mêmes envies, et surtout toujours le même chagrin d’amour. C’est peutêtre l’adolescence, Elle est restée bloquée ! Quand

ça arrive dans un ascenseur c’est emmerdant mais on sait bien qu’au bout de quelques heures un technicien va se pointer pour réparer ; là c’est pas du tout certain et puis qui pourrait la réparer ? Le prince charmant ? S’il a la même tête que le dépanneur de la dernière fois mieux vaut rester coincée ! Pourtant cette fois-ci Elle s’est réveillée, et si la nuit a été longue, le réveil a été soudain et fracassant : un an de rien passé dans l’attente avec pour seul espoir un « bientôt ça ira mieux ». Le bientôt n’arrivant pas faut bien se secouer les puces, et le seul parasite viable qui reste encore accroché à sa peau blafarde est l’odeur particulière d’une peau connue, un parfum qui rappelle un visage. L’histoire de Toi et Moi, de deux personnes qui se sont fait des bleus et tout un tas d’autres traumatismes autrement plus psychologiques. Elle espère que rien ne finira demain, ou que tout commencera enfin... I swim in the street because you are. Mathilde Proton


Nostalgie Vingt-et-une heures. J’imagine l’air de la mer. Les goélands lâchant leurs cris vers l’horizon, tournoyant au-dessus des rochers éparses avant de s’y poser. La fenêtre de la chambre est ouverte, la chaleur entre et, d’ici, je sens le vent salé, à Lyon, en pleine terre isolée. J’ai la nostalgie de la côte bretonne dont l’image se dessine en entendant les derniers cris du soir. J’attends la nuit non encore tombée. Comme les vagues qui montent et se retirent, les cris tantôt lointains, tantôt proches, s’enchaînent dans un chapelet de sons. L’horizon chante. J’aime cette musique. Elle m’aide à m’endormir. Mon esprit sur la vague des souvenirs vogue aussi vers le lointain. Le sommeil est proche. Je goûte à la pluie incessante de sons qui, soudain, ce soir-là, tombe doucement du ciel déjà assombri par l’heure tardive. Les branches remplacent les rochers où les oiseaux se posent. Les heures sombres de la nuit apparaissent déjà. Je n’ai plus qu’à fermer les yeux et croire au lendemain. Vers la côte, à l’ouest, mes pensées se dirigent.

Emmanuel Mingam


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Extrait de Ceux qui s’en vont - Inédit En partenariat avec l’ARALD (Roman)

Mathilde PROTON

Réponse à Livre ou Mourir (Kiblind n°12) matou24@msn.com (Nouvelle)

Emmanuel MINGAM (Texte)

Lire... Réponse à une lettre non adressée Nostalgie




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Crédits photos_ Olivier Chambrial_PlayRec_KompleXKapharnaüm

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jusqu’au bout arts de rue En sortant un peu dans la rue, on s’est demandé si les successions de pavés, d’asphalte et de murs à ciel ouvert, n’étaient pas l’occasion de se payer une tranche de l’art de rue. Art de la rue ? Art dans la rue ? Petite déambulation dans un univers infini, spectaculaire, et souvent méconnu.


S

i on considère les arts de la rue comme toute pratique artistique qui s’exerce hors de l’enceinte sanctifiée des structures dévolues exclusivement à son exercice (cf. « théâtre », « centre chorégraphique », « cirque »), alors ils ont dû exister dès l’instant où l’Homme a été touché par le sentiment esthétique, et a désiré le communiquer à quelqu’un. Mais où commence le privé, où s’arrête la rue et s’agit-il d’art ?

HISTOIRE DE RUE

Ce qui accompagne le plus souvent les arts de la rue tout au long de leur histoire, c’est une rupture vis-à-vis du circuit « classique ». Alors que diverses instances auront clairement défini une ligne de conduite artistique et édifié des structures destinées à les accueillir, des artistes se positionneront en marge de cette orthodoxie. Dans la Grèce antique, le comédien Thespis décida de rompre avec une tradition où l’art était inséparable du lieu de culte. Considéré comme le premier véritable comédien, pour avoir le premier déclamé à la première personne et incarné un personnage, il est également l’initiateur du théâtre de rue. Avec son chariot, il allait de village en village pour interpréter des jeux masqués et des pièces de sa composition à deux ou trois comédiens. Ce théâtre itinérant connut un grand succès à l’époque romaine, mêlé au fort développement des carnavals, défilés ou parades, sur fond de farces militaires et de satyres rurales qui allaient préfigurer la commedia dell’arte. Au Moyen-Age, les troubadours, trouvères et autres montreurs d’animaux déferlent sur toute l’Europe. Ils jouent des drames liturgiques, des miracles, des mystères. D’abord joués dans les églises des villes qu’ils parcourent, les mystères seront progressivement exilés sur les parvis. Leurs spectacles deviennent alors tout public et tout milieu. Ils usent de facéties, de truculence et développent la farce populaire. Le public est comblé mais les autorités religieuses

s’interrogent sur la portée morale de leurs pitreries. La tension entre arts de rue et ordre public se fait sentir. Ils sont taxés d’hérétiques et les artistes sont excommuniés. Mais les jeux sont faits et le public en redemande. Au XVIe siècle, la commedia dell’arte envahit le pavé et fixe les bases du théâtre de rue contemporain : complicité avec le public, jeu avec l’espace local, truculence des spectacles, usage de la langue usuelle, caractère festif et populaire, contestation. Au XVIIe, les saltimbanques sautent sur le Pont Neuf. Batteurs d’estrades, bateleurs attisent la fascination tout autant que la réprobation générale. Les foires se développent avec leur mélange de cirque et de théâtre. Elles influenceront Molière, qui s’assignera le but de « faire rire les honnêtes gens », en corrigeant les mœurs par le rire. Cette ascendance des arts itinérants sur le grand dramaturge porte d’ailleurs une certaine part d’ironie : que Molière ait été ensuite considéré comme le « saint »-patron de la Comédie-Française, alors que celle-ci s’est illustrée par son immobilisme… Et tandis que les Comédiens-Français disposaient du monopole de jouer à Paris, les foires continuaient de battre leur plein à Saint-Germain ou Saint-Laurent, avec leurs farces marginales. Quelques années plus tard, le théâtre sur tréteaux se développe et le Boulevard du Crime présente chaque soir ses mélodrames du côté du Temple.

HARD RUE

Les années 1930 voient en France l’arrivée d’un art de rue « militant ». Issu du théâtre russe de l’AgitProp, lié au parti communiste et destiné à faire passer un message de propagande révolutionnaire, le Groupe Octobre organise des représentations militantes devant les usines, dans les cours et les ateliers, toujours suivies de débats.Les arts de la rue deviennent un instrument de contestation du pouvoir. Expression artistique à caractère populaire, dans l’espace public, ils ont toujours entretenu des


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rapport « particuliers » avec les forces de l’ordre. Suspectés de trouble à l’ordre public, ils sont menacés, voire interdits à chaque période de conflits, de guerre ou de règne autoritaire. Ils réapparaissent ensuite soudainement, parfois sous le prétexte de carnavals, de fêtes religieuses ou commémoratives, qu’ils sauront utiliser pour rebondir. Dans les années 1970, les artistes américains s’unissent contre la guerre du Viêt-Nam et organisent des happenings. Les Comedians débarquent en Europe et leur mouvement gagne la France. Des rassemblements inédits de comédiens de rue et de saltimbanques sont organisés : « Aix ville ouverte aux saltimbanques et amuseurs de rue », « La Falaises des fous », le Festival d’Aurillac… Fin 1970’s, des dizaines, puis des centaines de troupes se plongent dans l’aventure publique, à la recherche d’un rapport nouveau entre l’Art et la Cité. Porteurs de messages contemporains, d’interrogations sur la société, les arts de la rue représentent aujourd’hui une discipline artistique à part entière. En France en particulier, le nombre de compagnies ne cesse d’augmenter, à tel point que ça devient même une spécialité à la française au même titre que l’amour du fromage et le french kiss. Cette dynamique a commencé à la fin des années 70 où l’émulation artistique du moment rejoint une forte volonté politique d’exister en dehors des carcans du spectacle vivant d’alors. On va voir ainsi émerger des figures devenues désormais emblématiques comme Michel Crespin, qui fonde en 1983, Lieux Publics, le premier Centre National de Création des Arts de la Rue (aujourd’hui à Marseille) et crée par la suite, en 1986, le célèbre Festival d’Aurillac. On verra également apparaître de nombreuses compagnies, dont la figure emblématique, Royale Deluxe, créée en 1979 et aujourd’hui connue dans le monde entier pour ses constructions monumentales. Au milieu des années 90, une « deuxième génération » à l’orientation artistique pluridisciplinaire et à la sensibilité plus urbaine fait son apparition.


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LA BELLE RUE

Malgré cette évolution, la discipline est toujours en marge du spectacle vivant et reste peu connue du grand public français. Pour tenter de remédier à cet état de fait, les acteurs qui composent le monde des arts de la rue ont donc décidé, depuis peu, de se fédérer au sein d’une organisation unique. L’objectif est de défendre les intérêts communs aux nombreuses compagnies. Faisant suite à l’acte fondateur d’Aurillac de l’été 1997, La Fédération, association professionnelle des arts de la rue, a été mise en place en septembre de la même année et compte aujourd’hui près de 200 adhérents. Elle « œuvre à la consolidation et au développement des arts de la rue sur trois axes directeurs : leur reconnaissance professionnelle et artistique ; le développement de ses financements, de ses équipes et de ses outils ; l’ouverture et le dialogue avec l’ensemble des acteurs artistiques et culturels ». En effet, ce secteur, peu subventionné, a pendant longtemps compté sur ses seules recettes propres (ventes de spectacles et prestations annexes) pour assurer son existence. Pour pallier ce manque, le Ministère de la Culture a depuis 2005 mis en place une mission spécifique, Le Temps des Arts de la Rue, engageant une aide accrue de l’État et une volonté de reconnaissance institutionnelle. Neuf lieux ont ainsi été estampillés Centres Nationaux de Production et bénéficient en conséquence d’une aide accrue de l’État. Ces centres ont pour mission d’accompagner et d’encourager la production de spectacles et de faciliter la rencontre entre démarches artistiques, populations et territoires dans le domaine des arts de la rue. La labellisation et l’institutionnalisation des arts de la rue ont permis une reconnaissance croissante du travail mené par plus de 1000 compagnies présentes en France. Un état de financement minimum, bien en deçà des budgets accordés à la danse ou au théâtre, est assuré par le ministère et permet à cet art indéfinissable d’exister malgré tout. Le problème

demeure pourtant en ce qui concerne les structures de diffusion qui sont encore trop peu nombreuses. À ce manque de diffuseurs s’ajoute une législation de plus en plus stricte en matière d’occupation de l’espace public. Cela peut engendrer des difficultés organisationnelles et une lourdeur au niveau de la logistique. Le danger est de perdre une partie de l’esprit d’innovation, de la spontanéité et de l’audace qui caractérise les arts de la rue depuis leur origine. L’autre danger induit par la volonté de labellisation est de basculer dans une logique d’enfermement et de renier les principes fondateurs d’ouverture vers les autres secteurs artistiques. Mais jusque-là, « gloire à l’art de rue ». J. T. + J. M. RemerciementsàAliceMarsaletPierreDuforeau(Compagnie KompleXKapharnaüm), Maud Robert (Fédération des rts de la rue Rhône-Alpes) et Cathy Serra (Ateliers Frappaz).

ruelle de chiffres >> Dans le monde : 1 150 compagnies exclusivement estampillées « Rue »

(troupes professionnelles possédant une licence d’entrepreneur de spectacle)

>> En France : 1 020 compagnies >> 27 % des troupes en région parisienne >> 11 % en Rhône-Alpes >> 300 créations par an >> 211 festivals identifiés rue (Aurillac, Chalon-sur-Saône, Sotteville-lès-Rouen, Angers, Nevers, etc.) >> Montant des aides et subventions Etat+DRAC : 8 millions d’euro




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arts de la rue

++ arts de la rue

komplexkapharnaüm

Un collectif pluridisciplinaire invente tout près d’ici, à Villeurbanne, un langage artistique comme miroir de l’histoire d’un territoire et de ses habitants. Humain, souvent urbain, jouant avec les images, ce langage modifie sans cesse la frontière entre acteurs et spectateurs.

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ompleXKapharnaüm a été crée en 1995 à Villeurbanne. Représentant de la nouvelle génération des arts de la rue, ce collectif connu en France et en Europe place le territoire au cœur de son travail. Que ce soit pour PlayRec, qu’ils jouent actuellement ou pour Square, leur précédente création, ces artistes polyvalents (vidéo, écriture, graphisme, acrobatie, etc.) aux outils multiples adaptent leur travail aux lieux, villes et témoignages rencontrés. Ces différents spectacles sont donc créés in situ et racontent une histoire locale toujours en mouvement. Cette attention portée au territoire se retrouve dans En cours, le projet du lieu accueillant le collectif qui se situe dans la quartier de la Soie à Villeurbanne. Ce local, mis à disposition de KompleX par la mairie, est accessible à toutes les équipes et toutes les formes artistiques qui souhaitent travailler, dans des bonnes conditions, sur le rapport spectateur/territoire en milieu urbain.

Rec… Play… PlayRec

Pour PlayRec, le petit dernier, l’une des particularités se situe dans le choix du lieu : urbain et au passé à forte consonance ouvrière. Ainsi, après les Ateliers MPZ de Poznan (Pologne) et le Trafalgar Street Arches de Brighton (Grande Bretagne), ils investiront le site de la centrale hydroélectrique de Cusset à l’occasion du festival Les Invites.

Le procédé est à chaque fois le même, pour un rendu toujours différent. Dans un premier temps, pendant plusieurs mois, l’équipe se rend sur place pour recueillir des témoignages des habitants du quartier, suivre les traces d’un passé encore présent, et emmagasiner de la matière visuelle et sonore. S’imprégner du lieu, tout simplement. Puis tous ces éléments sont redigérés, remixés au gré des instruments multimédias, scéniques, et donnent lieu à une représentation unique et magique devant un public devenu acteur. Vous rajoutez la réalisation d’un tableau gigantesque sur les parois du lieu, la spontanéité des rencontres, et vous obtenez une fresque en forme d’interrogation de la mémoire collective constituée des fragments récoltés. L’objectif de KomplexKapharnaüm est d’utiliser le territoire comme dénominateur commun avec les populations pour leur transmettre l’existence de nouvelles formes artistiques. Il s’agit également de leur proposer un regard original et subjectif sur un lieu de vie à l’histoire singulière. À découvrir absolument. J. M. + Actualité Les 20, 21 et 22 juin 2007 Festival Les Invites de Villeurbanne + Contact www. komplex-kapharnaum.net + Crédits Photos PlayRec / Olivier Chambria


4, quai R. Carrié - 69009 LYON 04 72 19 75 76 HISTOIRE DE SOURIS VERTE Quai

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cinéma

°° cinéma

festival cinéfil

On connaissait le cinéma en plein air et le cinéma itinérant, et bien hop, voici le festival de cinéma en plein air et fluvial.

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ruit d’une association créée pour l’occasion, le festival Cinéfil se voue à la diffusion du format court-métrage, gratuitement, et dans des lieux inhabituels. Un triptyque fondamental qui a poussé trois amis de 10 ans à s’embarquer dans l’aventure. Tous issus de l’univers audiovisuel, Bastien vient du cinéma, Nicolas est graphiste et Michel appartient au groupe Cosmos70, ces cinéphiles avertis ont séduit, au gré de leurs rencontres, l’équipe du Loupika, la péniche lyonnais amarrée près de la Sucrière, et ont imaginé un festival différent, où le court-métrage serait valorisé comme discipline pleine et entière, accessible à tous au sein d’un cadre peu commun. Les 3 amis connaissent bien le cinéma, le Loupika possède une belle péniche, et tous ont l’envie de créer quelque chose : voilà le Festival Cinéfil enfanté. La péniche est métamorphosée en une scène de concert et un cinéma itinérant, pour un festival au fil de l’eau, à contre-courant, de Valence à Lyon. Huit villes et des journées comme des concerti, en 3 mouvements : ateliers jeune public de sensibilisation à l’image en après-midi, coordonnés

par l’association L’équipée (www.lequipee. com) ; suit la musique, dès 20h00, avec une belle programmation musicale régionale comme Kamenko, le Cri du Chat, King Kong Vahiné… ; et le silence se fait enfin sur les berges à la tombée de la nuit lorsque, allongé sur les transats les pieds dans l’herbe, le public découvre les magies de la lanterne. Au menu : un état des lieux du court-métrage en France, des films récents, certains primés. Un très beau projet pour une première édition, avec à l’horizon des envies futures d’escales tout au long de l’été et des cartes blanches cinéphiles. Mais ne soyons point trop pressés, c’est l’été, et profitons donc d’un belle aubaine pour passer un agréable moment dehors.

Calme et volupté s / hébergement à des prix fort Cadre enchanteur, formules repa le temps d’un week-end par le raisonnables, laissez-vous tenter rez la musique classique autour Festival Les Pianissimes et redécouv sur-Saône. Infos : www.diese.fr du piano, du 5 au 8 juillet à Neuville-

G. J.

+ Festival Cinéfil Du 18 juillet au 9 août - Gratuit Les 8 et 9 août à Lyon, square Delfosse + Contact www.cinefil.org été, t JDR Ce soir c’es des bières en terrasse cet les r Rô ge de an ux ch Je ur Po uvrir les soirées tres allez donc décor Trollune. Retrouvez d’au les us pa to s s ée nt os re op ffé pr est n d’univers di joueurs et plei aine, week-end compris. C’ ée riv m ar se n la so de de irs ir so ffit de préven gratuit, et il su llune@trollune.fr . tro à l ai em r pa ollune.fr Infos : www.tr



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noone (fragments)

)) musique

Un excellent maxi sorti en décembre dernier, des prestations de haute volée à la Plateforme et aux Nuits Sonores, Noone ne va pas tarder à faire beaucoup de bruit.

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omme une lumière passée au travers d’une serie de prismes et de filtres, l’homme Noone et sa musique résultent d’une succession d’événements déterminants. Passion commune aux 7 membres de la famille pour la pratique musicale, école classique pour la base et partition libre avec l’âge : piano bien sûr, mais aussi batterie, saxhorn. Désenchantement, révolte ou envie de fête un peu trashée, quoi qu’il en soit le jeune Noone est punk et affectionne les grosses guitares colériques et les textes semi braillés. Soit. Attentif mais pas sclérosé, il passe du lourd au planant, et flotte quelques temps au gré des nappes du trip hop ou des mélodies bizarroïdes de Bjork. Soit aussi. Il ajoute la basse comme corde à son arc, et rencontre lors d’une soirée breakcore un guide qui va l’orienter vers les rivages fous du label Warp, et autres chantres de l’électro, Aphex Twin ou Squarepusher. Noone se connecte alors aux machines et aux sonorités Bass’n’Drill et va développer son univers propre d’image et de son. Fan de dessin animé, il pose ses valises à Lyon pour intégrer une école de dessin. Et paf, voilà qu’il tombe sur les mutants de Bee Records et qu’ils décident ensemble de donner corps aux expérimentations Noonienne. Le maxi 6 titres Fragments éclot le 15 décembre. Sons bruts et beats chirurgicaux, on sent bien les influences Bass’n’Drill, mais en filigrane, légères

comme un effluve. L’univers est imagé, l’ambiance enfantine, acidulée, mignonne, curieuse et péchue, du Tim Burton en plus guilleret. Métamorphoses de climats, on passe du portique pour enfant à la rave au musée des automates dans « Lily in the sun », d’une ambiance mouillée et hiphop à l’île enchantée dans « 11 O’clock ». Une connotation toujours enfantine, même sur la bombe « Sexysound », avec des sons qui rappelleront aux trentenaires les sonorités de nos bonnes vieilles consoles 8bit. Le titre n’est d’ailleurs pas le seul à être très électro et très péchu, « Doum doudoudoum » et « Dissolution » valent leur pesant d’électro-crack. Le maxi finit en beauté sur un titre doux, ravivant encore une fois de vagues souvenirs enfantins de sieste avec étoiles qui tournent autour du berceau, ou plus tard de générique de fin de partie de jeux vidéos, une fois les fesses d’un vilain suppôt du Mal bottées. Ces Fragments sont une découverte inestimable, preuve du talent poétique certain de leur auteur, et de l’excellente ligne de conduite de Bee Records. Et quand vous saurez que le CD n’est qu’à 5€ sur le site du label, vous cesserez sans doute de lire cet article pour vous précipiter. Soit. G. J.

+ Infos Maxi Fragments by Noone Disponible sur www.beerecords.com www.myspace.com/nooneroom



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musique

the oath (the end of time)

)) musique

Grosses guitares, percussions lourdes et une voix capable de crier très fort. Oui : The Oath est un groupe lyonnais de metal violent, aux sonorités de self-destruction et d’anticonformisme. En clair : un son qui disperse les hippies.

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he Oath n’est pas de ce genre de musique qu’on pouvait entendre en 1970 sur l’île de Wight. L’amateur de motifs floraux et de prairies ensoleillées s’en trouvera fort déstabilisé, car c’est plutôt du côté des caves scandinaves et des régions obscures que leur son trouve un écho. La musique de The Oath est un mélange de black, de dark, de death, de trash et de heavy-metal. Un style difficile à classer avec précision, car les influences des membres du groupe sont assez diverses. Mais comme tous bons metaleux, ils ont grandi à la sauce heavy de Iron Maiden, Metallica, Megadeath et Slayer, avant de subir plus tard la vague de metal extrême venue de Scandinavie. Ainsi, lorsque la formation vit le jour en 1999, ses affinités pour le black et le death étaient déjà précisées. Si le groupe a connu quelques changements de line-up, le noyau dur a su résister au temps. Aujourd’hui, The Oath se compose de cinq musiciens, portant chacun un petit sobriquet ravissant : Pierre (Deströyer) au chant et à la guitare, Nath (Carcharoth) à la basse et aux backing vocals, Romain (Peter Pal) au clavier, Kris (Tyrael) à la batterie et Adrien (Madrignac) à la guitare. La grosse prog’ c’est pour opérer un Si Woodstower n’a pas eu lieu en 2006 pour cette édition, ures point des Que ! sant retour plus fracas ators, Tété, Fatals avec entre autres Asian Dub, les JB’s, The Gladi de Miribel, du 31/8 Picards, Nosfell, les Hurlements d’Léo... Parc .woodstower.com au 2/9. Infos au 04 78 58 64 27 et sur www

« Praise the worst »

Après quelques péripéties avec un label allemand, The Oath vient de signer un premier album entièrement auto-produit : The End Of Time. Les thèmes abordés tournent autour de l’anticonformisme, de la misanthropie, de la selfdestruction, du questionnement sur la société et la place qu’on y tient, et aboutissent à cette interrogation suprême : « comment être une conscience individuelle autour d’individualités inertes ? » Mais si le ton reste assez cynique et dépressif, les textes regorgent néanmoins d’espoir. Alors, si vous avez un petit cercle de tapeurs de djembé qui squatte votre jardin : ouvrez vos fenêtres, tournez vos enceintes et montez le volume. Effet garanti dans les cinq minutes. J. T.

+ Infos The End OfTime,en écoute et diffusé chez Gibert,disponible également sur le site du groupe + Contact www.theoath.org myspace.com/theoath666 contact@theoath.org

mais pétées. N’oubliez jaes ne perdent pas à être résement os eu ch ur he es in ut rta pe Ce fléau dont on tion de Le Sida reste unon est renseigné. L’Associations et si es er qu s ég vo ot à pr se le Sida répond Lutte contre : www.sidaweb.com e rm fo in us vo



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musique

)) musique

les doigts de l’homme

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Amateurs de jazz manouche, voici un incroyable trio de virtuoses à cordes. Mais prenez garde : si vous êtes guitariste débutant, vous allez éprouver une grande tristesse. Car Les Doigts de l’Homme vont très, très vite.

es Doigts de l’homme, c’est le genre de musique qui sent les vacances. Un morceau qu’on écoute en regardant défiler le paysage derrière la vitre, baigné de soleil, mêlé au ronron du moteur, en se disant que ça y est, on peut se relâcher. Mais en attendant les beaux jours et l’oisiveté qui les accompagne (pour certains), disons que c’est une musique qui fait du bien au réveil, et qu’on emporte dans sa tête pour garder le sourire toute la journée, même s’il fait gris. A décrire, c’est plus compliqué. Ca va vite. Ca commence par une rythmique énergique, soutenue et dynamique, puis, d’un coup, il pleut des cordes. Une guitare folle surgit sur cette cadence et s’y balade avec une vélocité sidérante. Et ça ne s’arrête jamais. C’est comme si le temps était suspendu aux doigts du virtuose, qui s’amuse à le malmener, à lui faire croire que c’est la fin du morceau, qu’il va pouvoir reprendre son cours, et au dernier moment repartir comme un fou en sautant sur les syncopes.

Gypsy jazz et rock manouche

L’histoire des Doigts est à peu près celle de son guitariste : Olivier Kikteff. Après avoir pas mal bourlingué avec sa guitare, connu des galères, fait la manche avec son copain Yann en s’imprégnant des grands standards manouches et des maîtres contemporains (tels que Bireli Lagrène, le Trio

Rosenberg ou Romane), un style propre commence à se dessiner sous ses doigts. Une sorte de swing manouche, véloce et inspiré. En 2002, un producteur le repère. Accompagné de Tanguy Blum à la contrebasse, il signe un premier album influencé des classiques du style : Dans le monde. Les Doigts de l’Homme sont nés. Un an plus tard, un mini 5 titres baptisé Gypsy Jazz Nucléaire annonce une évolution du groupe vers les musiques gitanes espagnoles et le flamenco. Et fin 2005, c’est la sortie du deuxième album, titré Les Doigts de l’Homme. Un opus qui oscille entre gypsy jazz et rock manouche, tour à tour festif et chargé d’émotion, mêlant virtuosité et humour. Mais tous ces beaux discours ne parviendront jamais à décrire leur univers. Alors si vous voulez avoir un aperçu sonore des incroyables qualités du groupe, allez faire un tour sur www.lesdoigtsdelhomme. com. C’est tout simplement étourdissant. J. T. + Prochaines dates 06/07/07 : Festival Un Eté côté Saône (Villefranche-sur-Saône) 19/07/07 : Festival Je Dis Musique (Romans) 04/08/07 : Festival Les Nuits de Fourvière (Lyon) Sortie du prochain album : mars 2008, avec un 3ème guitariste + Contact et Écoute www.lesdoigtsdelhomme.com



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théâtre

nöjd nöjd nöjd nöjd

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:: théâtre

Quatre lettres, quatre comédiens, et un peu de suédois. Avec deux premières créations réalisées dans la foulée, cette jeune compagnie s’est récemment illustrée sur le plateau de l’Elysée. De l’esprit, du corps, avec un goût très prononcé pour le plaisir.

Nöjd » est un mot suédois. L’avantage des mots suédois, c’est que graphiquement, ça fait tout de suite exotique. L’inconvénient, c’est qu’ils sont difficilement prononçables. Aussi, dans un soucis de pertinence journalistique, voici la bonne prononciation : « nœujde ». Et comme les mots suédois ont aussi un sens, « nöjd » signifie « satisfait », « content ». C’est dit. Si la compagnie a choisi de s’appeler ainsi, ce n’est pas qu’elle estime avec prétention être satisfaite de son travail, mais simplement qu’elle souhaite afficher avec enthousiasme son plaisir du théâtre. Créée en septembre 2006, elle est composée de quatre comédiens issus de l’Olympique Pandémonium (cf. Kiblind n°10), coopérative d’acteurs qui a pas mal sévi du côté du Nouveau Théâtre du 8e : Guillaume Bailliart, Mélanie Bestel, Pierre-Jean Etienne et Aurélie Pitrat. Après la dissolution de l’OP, ils décidèrent de poursuivre ensemble leur travail théâtral et se virent proposer dans la foulée, presque magiquement, une résidence de deux mois au Théâtre de l’Elysée. L’enjeu était de proposer deux créations, mais également d’ouvrir le lieu à d’autres artistes : Sacha Barbieri, qui a exposé ses toiles pendant toute la durée de la résidence ; les univers sonores de Umlaut, Terrarium Club et Ukandänz ; et les photos de Capitaine Dubois. Bref, de stimuler une dynamique artistique collective, qui allait forcément avoir une incidence sur leurs propres créations.

Tous les quatre sont comédiens. Chacun est libre d’apporter un projet bien ficelé et de diriger le groupe. Une direction souple qui donne un angle d’attaque et une vue d’ensemble, tout en laissant au comédien la responsabilité d’investir pleinement son personnage et la liberté de son jeu. L’acteur doit se faire plaisir ; un plaisir tangible par une grande complicité sur scène, mais aussi entre la scène et le public. Les deux s’entremêlent. C’est cet échange que la compagnie cherche à provoquer : non pas se montrer en tant que corps sur scène, mais entraîner le spectateur avec elle dans un moment de vie partagé, et qui ait du sens. Sans quoi pas de plaisir. Avec La Musica deuxième et Les Chevaliers, dont les représentations viennent de s’achever à L’Elysée, l’essai a été plutôt concluant. Beaucoup d’humour, certes, mais sans grotesque et avec la dose de sérieux nécessaire quand il le faut. Reste à voir ce que nÖjd prépare pour la rentrée… Affaire à suivre donc, et jusqu’en Suède s’il le faut. J. T. +Contacts 22 rue Pizay – 69001 Lyon nojd@voila.fr 06 82 91 20 03 (Émilie Leloup) DES TASSES ET DES LIVRES Un tout nouveau café-lecture vient d’ouvrir ses portes place Sathonay. Comme on y boit des cafés (entr e autres) et qu’on y lit des livres (mais pas que),la librairie-sa lon de thé a été baptisée Le Tasse-Livre. À découvrir...


kiblind part en vacances ! Retrouvez à la rentrée, dès le mois de septembre : // le Pass Kiblind : 15 places / 15 lieux + tarifs réduits + invitations spéciales + bonus surprise = 50 euro // un magazine enrichi de nouvelles rubriques // un abonnement exceptionnel d’une saison, soit 5 numéros envoyés chez vous + cadeau (CD, place de spectacles) = 10 euro Retrouvez tous les numéros de Kiblind en téléchargement gratuit sur www.kiblind.com, et devenez notre ami sur www.myspace.com/kiblind


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fêtes escales

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++ festival

Neuvième édition du festival Fêtes Escales, ou les réjouissances républicaines et collectives à la sauce vénissianne.

a grande fête républicaine autour du 14 juillet a pris bien du galon. A l’aune de maîtres mots tels que convivialité, échange et découverte, Fêtes Escales offre des festivités à l’image de sa ville : des racines entremêlées, celles d’un public métis et bigarré, et celles d’une programmation éclectique alliant musiques du monde et chanson française. La rencontre et le partage ne sont pas ici de vains mots. En amont du festival, ateliers et entrevues avec des artistes sont mis en place dans tous les quartiers de la ville afin de permettre aux habitants d’approcher de manière simple, pédagogique et ludique, une forme artistique. Présentation durant le festival à la clé, un apéro sera d’ailleurs offert avec, dans cette jolie lignée participative, des séances de fabrication de bonbons, babeluths et gressins, qui permettront de régaler petits et grands. Avant-goût musical du festival, trois soirées slam s’étaleront jusqu’au 6 juillet au Café de la Paix avec Marco Casimiro de San Léandro et ses acolytes de la Société Lyonnaise des Amasseurs de Mots. Le festival en musique s’ouvrira avec la découverte de jeunes pousses locales grâce au projet « Bizarre ! » qui présentera le 10 juillet Watzafok et Ubu dans le cadre de leur fin de résidence à la salle Erik Satie. Sur ce modèle, chaque journée fera la part belle à un mélange d’agapes (apéro, pique-nique),

d’animations en tout genre et pour tout public (le Crieur Public, Tom Nardone…) et de débats (paroles d’enfants, diversité culturelle). La chaleur ne faiblira pas le soir venant. Bringubal proposera de chanter et de danser avec eux le 11, la diva algérienne Biyouna révélera un autre talent sur scène le 12, Mystic Revelation of Rastafari dispensera la lumière de Jah le 13, et le festival s’achèvera le 14 avec son point d’orgue, le concert du désormais célèbre Abd Al Malik, accompagné des musiciens électro jazz de Laurent de Wilde. Un cadre parfait pour se sentir bien (le parc Dupic), de la collégialité, des concerts de qualité, le tout entièrement gratuit, que de bonnes raisons pour prendre racine…

G. J.

+ Fêtes Escales à Vénissieux Gratuit Du 10 au 14 juillet + Renseignements www.ville-venissieux.fr 04 72 50 69 04 Dandelyon 2007 Dandelyon, l’association pour la pop lyonn sort sa compilation 2007. Un CD 11 titresaise, sera distribué gratuitement dans l’amphithé qui des berges le soir de la fête de la musi âtre que. Au programme de ce 21 juin, un best of 06/07 King Kong Vahiné, Vale Poher, The Gree avec Benjamin Fincher, S. et Coming Soon. n Olive, + d’infos : www.dandelyon.com


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Le Ki

chronique du Ki

kilosophe ankylosé

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uand le bout de la route commence à doucement se dessiner, les vraies pensées viennent d’elles-mêmes.

Un peu de nostalgie alors qu’il est l’heure du bilan… Calmement. On pouvait voir le temps, tomber petit à petit. Il était, enfin, devenu saisissable. Là, au creux de la main, il colorait nos lignes… tout prenait un sens. Au milieu de ce désert de magie, hostile, une courbe se dessine. Un enfant arrive, le crâne rasé, si blanc sous ce soleil que ç’en est dérangeant. « Ce n’est pas parce que les choses sont insurmontables que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles deviennent insurmontables ». J’ai vu se coucher le soleil maintes fois, j’ai vu se lever l’astre tant promis, j’ai parcouru des sentiers inexplorés, embrassé tout ce qui m’entourait avec un œil innocent de tentation ou tentant d’être naïf. J’ai vu le combat des titans, éclatant, qui dure depuis le premier âge. J’ai vu l’homme. Tant de possibilités gâchées, méprisées, ignorées, vendues, piétinées, laissées de coté…et le bruit des plaintes.

J’ai entendu les gémissements des âmes égarées, les bras baissés, le dos plié, le renoncement accepté, implorant une aide qui ne viendrait jamais. J’ai vu le combat acharné et la satisfaction sur les visages meurtris se dessiner. J’ai vu les plaies cicatriser, les maladies guérir, les maisons se reconstruire. J’ai vu l’avenir, j’ai vu la vie, j’ai vu la mort, j’ai vu nos corps. Je n’ai pas vu de long tunnel blanc, ni de barbu. J’ai vu des animaux, un chat, une loutre, un éléphant, un singe, un oiseau. J’ai même vu un papillon. J’ai senti le vent, l’eau, le sable, la terre, la pierre, le feu, les âges. J’ai cueilli un brin d’herbe, dans un pré d’égarement. J’ai entendu des mensonges, trop fort, et des vérités inaudibles. J’ai vu des prophètes ignorés et des brigands suivis. Mais la dernière chose que j’ai vu, c’est vous. Et vous n’aviez rien à voir…. Kiss kiss hello. Dune, enfant et volonté. A ciao. M. S.




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