Kiblind 55

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KIBLIND Atelier imprimé, Illusion – n°55.


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Social face illusion

Couverture originale : Alain Delorme

01 Contour de tête

Mark Zuckerberg – 31 ans Fondateur de Facebook Créé en 2004

1,49 milliard MAU* 289 milliards de $ (Décembre 2015)**

02 Sourcils

Jack Dorsey – 39 ans Fondateur de Twitter Créé en 2006

304 millions MAU* 17 milliards de $ (Décembre 2015)**

03 Yeux

Chad Hurley – 38 ans Cofondateur de Youtube Créé en 2005

1 milliard MAU* 70 milliards de $ (Mai 2015)**

04 Cernes

Kevin Systrom – 31 ans Cofondateur d'Instagram Créé en 2010

300 millions MAU* 35 milliards de $ (Décembre 2015)**

05 Nez

David Karp – 29 ans Fondateur de Tumblr Créé en 2007

100 millions MAU* 1,1 milliard de $ (2013)**

06 Commissures

Jan Koum – 39 ans Créateur de WhatsApp Créé en 2009

900 millions MAU* 22 milliards de $ (2014)**

07 Bouche

Sean Rad – 29 ans Fondateur de Tinder Créé en 2012

NC NC

08 Menton

Evan Spiegel – 25 ans Cofondateur de Snapchat Créé en 2011

100 millions MAU* 16 milliards de $ (Mai 2015)**

* Nombre d'utilisateurs actifs mensuels ** Date et éstimation de la valeur financière


Adobe Remix par l’agence


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Adobe, le logo Adobe, sont des marques ou des marques déposées d’Adobe Systems Incorporated aux États-Unis et/ou dans d’autre pays. Toutes les autres marques sont la propriété de leurs détenteurs respectifs. © 2015 Adobe Systems Incorporated. Tous droits réservés.




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Édito

2015 a fini comme elle a commencé, distillant savamment son fiel sur une société qui n’avait pas forcément besoin de ça pour déraper. Une année que, plus tard, on assimilera vraisemblablement plus à un torrent de merde qu’à une période classique de 365 jours. Aussi ne nous reprochera-t-on pas d’avoir voulu échapper quelque temps à la réalité en la poussant soigneusement sous le tapis de l’illusion. Échappatoire aux angoisses du monde réel, le monde de l’illusoire est également une contrée inspirante pour nombre d’entre nous. Il est un espace, niché là au fond de notre cerveau, qui nous offre l’opportunité de croire à l’incroyable. À chacun de le saisir, du bon ou du mauvais côté, pour en faire une réalité alternative où tout est possible. Nous l’avons donc saisi, nous, pour nous payer une petite part de rêve. Et nous avons ramené avec nous quelques illustres personnages qui émaillent les pages du magazine de leurs créations, humeurs et autres coquetteries. Des invités et contributeurs qui ont, eux aussi, plongé dans les affres du faux-semblant et dans les délices de l’imaginaire. Dans ce pays des merveilles, nous croiserons moins de chenilles fumantes mais plus de David Copperfield, plus de cahier mode aux gens nus, plus de statues vivantes, plus de mentalistes, plus de médaillons en or, plus de Mandrake, plus d’illusions d’optique, plus de vrillages de rétines. Et certainement un peu moins de merde qu’en 2015.

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LIEU

Plan de l'a telier Vestiaire p.54

Labo p.18

10 Galerie p.34 Entrée p.8 Sortie d'atelier p.64 Salon p.46 * STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Direction Kiblind & Klar : Jean Tourette  Gabriel Viry Baptiste Viry Jérémie Martinez

Rédaction Kiblind : Maxime Gueugneau Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez Baptiste Viry - Olivier Trias  - Simon Bournel-Bosson Alizée Lagé - Justine Ravinet - Margot Chauvin Matthieu Sandjivy Cahier Mode : DA | Baptiste Viry  - Assistante | Alizée Lagé - Photographe | Boris Ovini

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Réviseur : Raphaël Lagier  Merci à : Mathilde Dubois - Romain Gueugneau Direction artistique : Klar (www.agence-klar.com)


ÉQUIPE

Les habitants* + Les contributeurs

Roca Balboa Roca Boalboa a été faite chevalière de l'ordre de Retard Magazine et possède en outre le pouvoir de dessiner pour d'autres gens (SoFoot, Vice, Paulette, etc.)

Angelo Cirimele Fondateur du magazine Magazine, Angelo Cirimele est un des plus grands connaisseurs de la presse moderne, et de la presse mode en particulier.

Michael Bourgatte Docteur et maître de conférences, le chercheur Bourgatte suit de près les évolutions numériques du cinéma.

Alain Delorme Alain est un photographe bien-aimé de la galerie Magda Danysz qui préfère à la simple réalité, une vision légèrement décalée du monde.

Manon Raupp Férue de musique indépendante jouissive, Manon Raupp, depuis Toulouse, fabrique tout aussi indépendamment son fanzine Ductus Pop.

Matthieu Chiara Ce monsieur, ancien étudiant de l'ESAD de Strasbourg, a débarqué dans la vie des gens avec son super livre Dessins variés, effets divers dont nous reprenons ici deux pages.

Jean-Pierre Labarthe Le Toulousain a prouvé son ultime savoir rap dans le livre Gangsta Gumbo (avec Charlie Braxton) et continue régulièrement sur Captchamag.net.

Basil Sedbuk Basil Sedbuk est un passionné d’illustration qui abreuve son monde sur son excellent blog, LaBelleIllustration.blogspot.com.

Cyprien Courtalon Bien que fan absolu de l’Entente sportive Troyes Aube Champagne, Cyprien a choisi de quitter ses terres pour venir faire un stage chez nous.

Matthias Malingrëy Ce cher vieux Matthias Malingrëy a co-fondé la sainte revue Nyctalope et fait parfois des dessins pour Astrapi ou XXI. Et aussi il a un tumblr qui démontre son potentiel psychopathe.

Ted Supercar Tenancier du label Stellar Kinematics, activiste artistique et écrivain public pour Hartzine.fr, il a l’oreille et la bonne.

Elora Quittet Brillante étudiante avignonnaise, Elora a également l’avantage d’écouter plein de trucs et d’écrire ce qu’elle en pense pour nous ou sur Hartzine.fr.

Delphine Zehnder Ancienne du Petit Bain parisien, Delphine est également amoureuse de la bande dessinée dont elle colporte les ébats autant qu’elle peut.

+ Les artistes invités Mattis Dovier – Emmanuel Espinasse – Rune Fisker Lasse & Russe – Austin Lee – Studio Mut – Simon Renaud Benedikt Rugar – Benjamin Schmuck – Yoshi Sodeoka

INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni Couverture : Arcoprint Milk 300g Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g Imprimeur : DEUX-PONTS Manufacture d'histoires 5, rue des Condamines - 38320 Bresson www.deux-ponts.fr

Édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . 27 rue Bouteille - 69001 Lyon  04 78 27 69 82  - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé en France. Liste complète sur www.kiblind.com.

Atelier imprimé - Entrée

Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 32 pages pour la région Rhône-Alpes. ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Just an illusion vs Juste une illusion. Contact : redaction@kiblind.com

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PIN

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Atelier imprimé - Entrée


IMAGES

SCREEN SHOOT 1 → MARTIN SHKRELI (USA) L’auteur de l’infamie pharmaceutique de l’année (augmentation de 5 400 % du prix du Daraprim) s’est offert l’album secret du Wu-Tang pour 2 millions de $. Et pour finir d’être une enflure, il se la racle sur Internet : « Private album just for me. Who’s next? », a-t-il twitté.

2 → DONALD TRUMP (USA) L’homme en dessous de la houppette du siècle a la capacité de faire sortir de sa bouche les âneries les plus grosses, et ça, sans ciller. Mèche d’or s’est ainsi déclaré anti-mexicain, puis anti-musulman. Et il est en lice pour contrôler la plus puissante armée de la planète.

LOGO TYPES Gérald Holtom & Jean Jullien Gerald Holtom a inventé en 1958 l’un des symboles les plus connus de l’histoire à l’occasion d’une manifestation contre une usine d’armement nucléaire. Il avait emprunté malicieusement le N et le D de l’alphabet sémaphore (utilisé dans la marine) pour promouvoir le « Nuclear Disarmament ». Le graphiste britannique n’a jamais réclamé aucun droit, ni déposé de copyright pour ce logo, symbole de paix universel destiné à circuler librement. Parti de Londres, le désormais nommé « Peace & Love » fut ensuite repris massivement pour différents combats, comme le féminisme, les droits civils ou la guerre du Vietnam. Son auteur décéda dans l’indifférence générale en 1985. Il ne toucha jamais le moindre penny pour sa création et n’en a d’ailleurs jamais réclamé. Aujourd’hui, sa maison a été remplacée par des bureaux, sans la moindre plaque commémorative. Un article du Guardian, paru en décembre dernier, met en parallèle le destin de Gerald Holtom avec celui de Jean Jullien, auteur du symbole des attentats du 13 novembre. L’illustrateur nantais domicilié à Londres, habitué des journaux, a vu, à l’inverse, son logo emporté dans la spirale infernale des réseaux sociaux et s’est fait submerger par le tsunami médiatique. Petit génie de la synthèse d’actualités illustrées, Jean Jullien a depuis dû se justifier publiquement et a expliqué avoir simplement réagi par instinct. Son visuel, « Peace for Paris », reproductible à volonté, est, dans la droite lignée de son prédécesseur, un témoignage de l’attachement humain à un monde pacifié.

3 → STEPHAN CURRY (USA) Le miracle du basket américain, Wardell Stephen Curry II, s’est dit à 27 ans qu’il allait devenir la grosse chose de la NBA. Au 13 décembre 2015, il est à 32 points de moyenne, 5 rebonds, et 6 passes décisives par match.

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IMAGES

CLIP

Justin Bieber vs. PNL

En cette morose saison d’automne, les rappeurs des Tarterêts et la mégastar canadienne se sont retrouvés sur l’essentiel : la nature. À une semaine d’intervalle, ces gens qui ne se croiseront jamais ont livré quasiment le même clip, tout de mélancolie vêtu face à des paysages verts, beaux et majestueux, respectivement pour « Ohlala » et « I’ll Show You ». Bien petits face la puissance écrasante de la nature, les trois costauds nous donnent une jolie leçon d’humilité à la veille de la COP 21. Ou estce un crypto-hommage aux aînés de Manau ?

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COUVERTURES Adrian Tomine L’Américain Adrian Tomine est l’une de ces rares personnes passionnées par la vie quotidienne. Cette modeste banalité qui, aussi peu sexy qu’elle soit, est un angle de vue plutôt ragoûtant pour décrire les petits travers et les grands maux de ce monde. Le bougre vient de remettre le couvert avec brio, pour son Les Intrus sorti en octobre chez Cornélius. Il se trouve que cet œil aguerri aux tribulations de la routine est également un des auteurs favoris de Françoise Mouly et de son New Yorker. Un amour sur le long terme qui débuta en 2004 et qui dure encore, preuve en est sa dernière couverture « Recognition », parue en octobre dernier.

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IMAGES

IMAGE DE SYNTHESE L'actualité de l'automne 2015 en une image. Frédéric Teschner Studio

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Image conçue pour la couverture du catalogue du Mac Val Parcours #7 de la collection : "L'Effet Vertigo", pour les 10 ans du musée fredericteschner.com

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ÇA CARTOON

© Dessins variés, effets divers, Le Monte-en-l'air, Paris, 2015

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"jus sss cou lait chaud voeu sss lave t-île l'oeufs vis a jeux? "

— Matthieu Chiara

— Roca Balboa

— Matthias Malingrëy Atelier imprimé - Entrée


Š CitÊ du design Service Communication octobre 2015

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LABO


INTRO PICTO Texte — M.Gueugneau Pictos — Klar

ILLUSION Morpheus nous disait il y a peu : « Le monde est un

que l’on

met devant tes yeux pour t’empêcher de voir la vérité ». Merci pour la vérité Morph’, mais on va s’en passer si tu veux bien. À celle-là, rêche comme une langue de

, nous préférons en

effet de tendres et douces illusions en ouate de cellulose. À quoi bon se fader les ceintures

, la sextape de Mathieu Valbuena

ou la lunette des toilettes, quand tout ça peut s’évanouir par le simple choix de l’esprit. Prenons-le, ce parti du rêve, de la magie, du trompe l'

, du faux-semblant, puisqu’avec lui rien n’est

impossible. Et l’illusion se niche partout. Ainsi sommes-nous allés la débusquer par-delà les sourcils broussailleux de David Copperfield, dans les pages mystérieuses d’un vieux Mandrake, sous le vivantes d'Arnhem, parmi les tas d’

des statues

de Master P, entre deux

synapses de mentaliste, au fond d’un vieux

ou au verso des

pages de magazines. Et à chaque fois, on s’y est trouvé bien. C’est toi l’esclave, Morpheus.

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POUR TOUS APRÈS SA DÉPRESSION SUITE AU DÉPART DE SA FEMME AVEC KAMEL LE MAGICIEN, MANDRAKE THE MAGICIAN POUR TOUS A REMONTÉ LA PENTE. C’EST COMPLÈTEMENT CLEAN QU’IL SE PRÉSENTE AU CAFÉ DES DÉLICES.

VOUS VOULEZ PAS ME TRIPOTER LES ÉPAULES PLUTÔT QUE DE MASSER CETTE FOUTUE CHAISE ?

PARDON... JE NE SAIS PAS POURQUOI, J’AI CETTE FASCINATION POUR LES CHAISES J’APPELLE MON PSY ET JE REVIENS.

HEY MADEMOISELLE, REGARDEZ VOTRE POIGNET ! PLUS RIEN, AH, AH. JE CROIS QU'IL VIENT DE VOUS FAIRE SON CÉLÈBRE COUP DE LA MONTRE INVISIBLE. IMPARABLE ! C H U T , ÉCOUTEZ ! C’EST LE DERNIER BOOBA, J 'A D O R E «VROUM, VROUM J'FAIS DES R O U E S ARRIÈRES D A N S L'CUL D'TA MADRÉ »

20 ALLEZ, VENEZ, ON VA CHOPPER MANDRAKE POUR QU’IL NOUS FASSE UN TOUR.

D’ACCORD, MAIS ON PASSE PAR LÀ ALORS.

OUI …

BON, SINON, À PART LE TOUR DE LA MONTRE INVISIBLE, VOUS AVEZ D’AUTRES TOURS DANS VOTRE SAC ?

T’AS VU MEC, JE CROIS QUE CE BON VIEUX MANDRAKE EST EN TRAIN DE LUI SORTIR LE GRAND JEU.

C’EST CLAIR ! J’ADORE CE TYPE. JE SUIS SÛR QU’IL LUI A FAIT SON FAMEUX TOUR DE LA MONTRE INVISIBLE.

S’IL VOUS PLAIT MONSIEUR MANDRAKE, VOUS POUVEZ ME FAIRE LE TOUR DE LA VROUM MONTRE. ÇA ME VROUM RAPPELLE MON PÈRE ET SES SOURCILS EN FORME DE PETIT ANIMAL. DANS L'CUL D'TA MADRÉ...

LA POUTRE !!!

COOL !

ET MANDRAKE THE MAGICIAN POUR TOUS ENCHAÎNE LES TOURS, TOUS PLUS FABULEUX LES UNS QUE LES AUTRES.

ET HOP ! UN DERNIER ET O N Y VA . LA BULLE ÉCLATÉE !

MANDRAKE, VOUS NE POUVEZ PAS PARTIR SI VITE. S’IL VOUS PLAIT FAITES-MOI LE TOUR DU PISTOLET, JE L’ADORE TROP.

EN QUOI ÇA CONSISTE ?


ILLUSION DE COMICS PLANCHES ORIGINALES : LEE FALK

Texte — O. Trias & J.Martinez | Intégration — M. Dubois

D’ABORD IL ME FOUT DANS UN ROND, ME FAIT LA RAIE AU MILIEU PUIS ME MET LE PISTOLET DANS L’OEIL…

TU CROIS QU’IL FAIT AUSSI DES TOURS POUR LES CHAUVES ?

VIENS, ON VA LUI DEMANDER.

ENSUITE JE LÈVE BIEN HAUT LA JAMBE , COMME ÇA ET HOPLA ! LE PISTOLET S’ENVOLE !!!!

EST-CE QUELQU’UN PEUT M’EXPLIQUER POURQUOI ON EST TOUT BLEU ET SUPER MAL DESSINÉ ?

CE MEC EST UN GÉNIE !

OKAY LES CHAUVES, JE VOUS PAIE UN VERRE ?

ON EST TOUJOURS BLEU…

ON ARRÊTE LE TOUR NON ?

MAIS C'EST MIEUX QUAND MÊME.

CHAUVE QUI PEUT !

WAHOUU, MANDRAKE, VOUS ÊTES VRAIMENT MAGIQUE.

C’EST ICI LE SPECTACLE DE MANDRAKE ? IL FAIT DES TOURS POUR LES FRISÉS AUSSI ?

OUI, OUI, PRENEZ UNE TABLE LÀ-BAS !DÉPÊCHEZ VOUS DE VOUS INSTALLER. C’EST BIENTÔT FINI.

BLUE ARE THE PEOPLE HERE THAT WALK AROUND, BLUE LIKE MY CORVETTE, IT'S IN AND OUTSIDE. BLUE ARE THE WORDS I SAY AND WHAT I THINK. BLUE ARE THE FEELINGS THAT LIVE INSIDE ME. I'M BLUE DA BA DEE DA BA DIE, DA BA DEE DA BA DIE...

21 ENCORE ?

ON RESERVE …

JUSTE UN PETIT.

HOULA… VOUS M’AVEZ FAIT UNE PEUR BLEUE.

B O N J O U R , JE VIENS POUR L’HUMOUR NOIR.

... CETTE TABLE !

INSTALLEZ-VOUS, VOUS TOMBEZ AU POIL, LA MAGIE, AU BOUT D’UN MOMENT, C’EST UN PEU USANT, REGARDEZ-LES. J’AIME BEAUCOUP VOTRE CHEMISE.

FIN


CARNET DE VOYAGE Sujet et photographies — G.Viry

Statues vivantes Photographie : Samuel Buton par Angelica Rivas - www.samuelbuton.com

Cela ne s’invente pas, ou alors seulement dans un rêve : Arnhem, ville apparemment sans histoire blottie à l’est des Pays-Bas, a inventé le Festival international des statues vivantes. Une grande illusion, à taille urbaine, où nous avons bougé fin septembre.

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Créé en 2005, le World Living Statues Festival réunit, chaque année, la crème de la création, amateur et professionnelle, en matière de statufication. Ce sont un peu les JO de la discipline, qui a d’autres balises dans ses zones de prédilection : le Benelux, la péninsule ibérique et même, depuis peu, les Caraïbes...

« Le festival a été créé pour la Ville et réunit plus de 200 000 visiteurs ! Mais la mairie se désengage financièrement, comme partout ailleurs. » Il n’en fallait pas plus pour qu’une rumeur bouscule les lois de l’immobilisme, d’après laquelle l’édition 2015 serait la dernière. Entre teaser et devoir de mémoire, on est déjà un peu satisfait d’avoir fait le voyage.

Robin Hagen est le fondateur et l’organisateur de l’événement avec son agence éponyme, également engagée dans la danse, le théâtre de rue et les contes de fées, à travers un festival dédié. Impossible de s’ennuyer à Arnhem, même si la municipalité de 150 000 habitants tend à changer un peu de costume.

Le festival démarre, cette année, à Ede, à vingt kilomètres de l’épicentre, pour sa traditionnelle « parade » nocturne, sur le thème Van Gogh. Évidemment, tout le monde a dîné (il est 19h), alors on s’y balade, bière locale à la main, avec autant de degrés à l’intérieur de sa Bavaria qu’à l’extérieur de ce premier week-end d’automne.

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Pensée du soir : il avait dû s’en jeter des 8,6 Van Gogh, avant de se décapsuler l’oreille mais, en tous les cas, c’est encore la star du no-dance-floor. Chaque statue lui rend hommage, à sa façon, entre véritables exercices de style et interprétations très libres, parfois dignes d’un patinage artistique. De retour à Arnhem, le samedi soir bat son plein autour de Korenmarkt, jonché de bars enivrés et de belles statues bien trop vivantes. Demain sera déjà un autre jour, le vrai, le seul capable de trancher pour savoir, dans cette ville illusoire, si cet homme vêtu de bronze... a/ a beaucoup trop bu b/ s’entraîne encore c/ est une vraie statue, et alors ? Dimanche matin. la ville s’éveille péniblement en mangeant son pain noir, comme dans le B&B. Nous sommes seuls au monde dans cet océan de pavés, qui a même résisté aux canaux, alors que les premiers velléitaires commencent juste à s’y accrocher. Ce sera leur journée, un an après la dernière marée. Quelques tours de ville, quelques cafés au soleil, puis rendez-vous à l’église Eusebius, le plus haut édifice d’Arnhem (93 mètres), tellement désacralisé qu’on y trouve aujourd’hui du wifi, des machines Nespresso et le QG du festival. De part et d’autre d’un grand rideau central, encore mystérieux, des personnages entrent et sortent en civil, parfois déjà bien armés.

Atelier imprimé - Labo

« On a plus de 200 participants et 20 nationalités, toutes catégories confondues, pavoise Karin Terwisse, l’attachée de presse du Festival. La sélection se fait à travers plusieurs étapes, notamment un championnat national, aux Pays-Bas. Tous les professionnels sont pris en charge et rémunérés, avec un cachet. S’agit-il de l’accent français, du mauvais anglais ou du sourire appuyé ? Quoi qu’il en soit, Karin finit par lâcher le sésame, all access, qui permet de se plonger, un peu plus, dans la voie des seigneurs d’Arnhem : le rideau s’ouvre en statufiant, avec elle, les deux vigiles... C’est un spectacle, en coulisses, qui commence par son clou : une bonne centaine de statues vivantes se pomponnant au cœur de la nef. Elles se connaissent ou s’ignorent, encore plus fort, entre amateurs d’un jour et artistes professionnels, parcourant l’écosystème culturel de l’immobilité. À cinquante ans, John Eicke a longtemps travaillé dans les chantiers navals avant de changer de métier : statue vivante ! En quelques années, il est même devenu l’une des stars internationales de la discipline, avec deux titres de champions du monde à Arnhem (2010 et 2013) et une longue interview, en septembre, dans le NY Times.

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Avec son avatar JOHNman, le performer berlinois sévit dans une trentaine de pays, à travers une galerie de personnages hors normes : l’homme bonbon, l’homme des bois, l’homme à peindre ou l’homme à tête de poisson rouge qui, conformément à sa marque de fabrique, met en scène l’interaction avec le public.

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Il est 13 heures. Tout ce petit monde entre en piste, pour la parade officielle, devant laquelle vont défiler le public et les membres du jury. Dans la catégorie professionnelle, chaque participant doit réaliser quatre performances, de 40 minutes chacune, notées en fonction de leur intérêt artistique, physique et esthétique. Place Korenmarkt, au cœur du parcours, la foule se masse devant un tableau vivant, composé de six comédiens amateurs. La petite troupe burlesque fait partie de la centaine de statues du dimanche, présentes à Arnhem. Parmi elles, plusieurs enfants, qui concourent pour remporter une entrée dans un parc d’attraction fantastique, rempli de trolls, ou pour le zoo. Si si, tout cela est bien normal ici. « Il y a de bonnes et de mauvaises statues, c’est comme tout ! ». Pour cette compétitrice anonyme, l’immobilité est un art, beaucoup plus qu’un exercice : le physique ou la durée ont alors peu d’importance, contrairement aux critères d’appréciation souvent retenus par les spectateurs ou les médias.

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Les statues professionnelles forment un drôle de monde, forcément, qui s’identifie davantage aux artistes de rue et aux performers qu’au kit parfait des amas touristiques, le long des Ramblas ou devant le Sacré-Cœur. « On fait souvent les deux, explique l’un d’entre eux, parfois même des événements privés. C’est notre alimentaire à nous, bien au-delà des critères artistiques ». Ici comme ailleurs, les personnages se mettent en mouvement, à chaque pièce de monnaie, comme s’il s’agissait d’un ticket d’entrée éphémère, permettant d’assister au spectacle. « Une statue vivante a surtout de l’intérêt dans ses mouvements », justifie Samuel Buton, performer français, venu présenter sa nouvelle création, Résignation. Il peut s’agir d’un geste, d’une étincelle, d’un effet de surprise, façon caméra cachée, ou d’un changement d’état. Photographe et documentariste de métier, le français joue ponctuellement les statues vivantes depuis qu’il a collaboré auprès d’Helena Reis, une figure majeure de la discipline. Il interprète plusieurs personnages, dont un véritable accordéoniste ou cette création inédite, à Arnhem, mettant en scène le renoncement, incarné par un homme qui fond. « Ce qui est important, c’est le propos qui, dans mon travail, a toujours une vocation politique, philosophique. » La performance physique serait aussi accessoire, même après avoir passé deux heures et demie sur un genou. Le performer concourt masqué, ce qui est généralement mal vu dans le monde des statues, car cela cache les émotions. « Peu importe, tant que cela a du sens... ».


Les juges ont été séduits, comme le public. À l’annonce des résultats officiels, Samuel Buton fait partie des lauréats 2015, talonnant trois autochtones. Le duo de Roest, beaucoup plus proche de la danse contemporaine que de la statufication, remporte le premier prix et ses 2 000 euros de dotation. Le week-end est fini, la fête aussi. Il n’y a plus de justice et même une double peine, en injectant sa dernière pinte-fricadelle. Ne plus chercher à bouger : c’est la consigne qui vient du cœur, ou peut-être du foie, comme une carte postale finale, avant de redevenir un pauvre petit corps ambulant.

Sophie Malraye

COMMENT EN VIT-ON ? Une « bonne » statue peut très bien gagner sa vie, même si les choses ont un peu évolué dans la rue. Avant, le public donnait davantage, alors qu’il se contente souvent, aujourd’hui, de prendre une photo. Pour lui, le résultat est le même, et c’est dommage... C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai fait évoluer ma pratique.

COMMENT LES PERSONNAGES SONT-ILS CRÉÉS ? Ils viennent d’une intuition, d’une envie artistique. Mais surtout, ils sont tellement habités qu’ils évoluent euxmêmes. Pendant des années, j’ai interprété une Pietà, qui regardait le monde avec bienveillance, sérénité, sans jugement. Puis un jour, elle s’est mise à bouger : elle, plus que moi... Vénus est alors arrivée, avec davantage de désir et de sensualité. De façon plus pratique, mes personnages sont liés aux demandes et je les façonne, de manière artisanale, en travaillant les costumes, le décor. En ce moment, par exemple, je travaille sur des jongleurs médiévaux.

CELA NÉCESSITE-T-IL DE L’ENTRAÎNEMENT ?

Championne du monde en 2006, à Arnhem, Sophie Malraye est une figure de la discipline. Un accident l’a mise momentanément à l’arrêt, mais elle n’en garde pas moins le sens de l’immobilité...

COMMENT ÊTES-VOUS DEVENUE STATUE VIVANTE ? J’étais étudiante à l’époque où j’ai été littéralement envoûtée devant un homme-statue, à Saint-Malo. Tout de suite, j’ai su que je voulais faire la même chose. J’ai commencé, en duo, auprès de lui : on interprétait nos personnages trois heures d’affilée, deux à trois fois par jour. C’était intense ! Puis chacun a suivi sa route. La mienne m’a menée sur différentes « scènes », notamment à Montmartre. Depuis dix ans, j’ai arrêté la rue et je me concentre sur ma compagnie, qui intervient uniquement surdemande, pour des événements culturels ou privés.

Quand l’envie est là, le corps suit. Et il faut simplement se lancer. Ce fut le cas à Saint-Malo, à mes débuts, même si la pratique des arts martiaux m’y a peutêtre aidé. Plus tard, au Japon, j’ai découvert le buto, une danse contemporaine d’improvisation, sans chorégraphie, qui a vraisemblablement enrichi ma pratique. Tout cela est assez proche, finalement, de la méditation. Et d’ailleurs, je pense que tout le monde devrait faire un peu de statue...

À QUOI PENSE UNE STATUE ? Elle ne pense à rien d’autre qu’à elle-même. Elle se vit, tout simplement. C’est essentiel.

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www.statuevivante.fr

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DOCUMENTAIRE ILLUSTRÉ Texte — M. Gueugneau Illustration — S. Bournel-Bosson

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Anything is Possible Lui, le petit garçon de Metuchen, dans le New Jersey, qui a conquis le cœur de l’Amérique et du monde entier. Lui, le fils de mercier, qui mit le rêve au centre de nos vies. Lui, qui pendant cinq ans, s’est tapé Claudia Schiffer. David Copperfield est un exemple pour les hommes et un héros de l’humanité.

Après avoir fait disparaître la Statue de la Liberté, après avoir volé au-dessus du Grand Canyon pour se ruer dans les bras de Bonnie Tyler, après avoir été fait Chevalier des Arts et des Lettres, le plus grand magicien de ce siècle allait nous faire son plus grand tour : nous apprendre le véritable sens de l’amour.

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David Copperfield se bat contre la fatalité depuis maintenant 59 ans. De ce combat, le prestidigitateur américain a retiré 800 millions de dollars, un archipel de onze îles aux Bahamas (Musha Cay, sur la Copperfield Bay) et une piscine intérieure capable d’inonder ses voisins sur 20 étages. Mais l’important n’est certes pas là.

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Au cours de sa miraculeuse carrière, David Copperfield a aussi senti la froide lame de la mort lui caresser le cou, comme ce jour de mars 1984 où il resta coincé 1 minute 20 dans un coffre rempli d’eau ou bien, plus récemment, quand son assistant se retrouve coupé en morceaux lors d’un show sanglant à Vegas, baby.

Aussi, l’homme du New Jersey connaît-il le prix de la vie et, sous ses broussailleux sourcils, ses yeux perçoivent parfaitement les choses essentielles de l’existence.

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La dentition immaculée et la chemise ouverte sur de bien jolis poils, David Copperfield nous accueille à Musha Cay ; sur cette île où, nous dit-il malicieusement, « Johnny Depp passa les meilleures vacances de sa vie. » Si le sourire est de rigueur, la conversation ne devait pas rester bien longtemps sur le ton de la sympathie.

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En venant aux Bahamas, nous ne cherchions pas à comprendre comment il s’était échappé du Triangle des Bermudes ou avait réussi à traverser la Grande Muraille de Chine. Nous, nous venions voir le vrai David Copperfield ou, devrait-on dire, David Seth Kotkin, l’homme derrière le masque. Passés les premiers babillages cordiaux, nous en venons au fond des choses : « Pourquoi, David, pourquoi, encore et toujours impressionner ? »

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« Vous savez, mes petits, il y a un grand vide au fond de moi. Tous ces millions, ces voitures, mes requins, ma piscine intérieure, tout ça n’est que de la poussière que le vent emportera bien vite.

Aux yeux de mes compatriotes, je suis, c’est vrai, un Dieu, un Immortel, un vrai Américain. Mais cela fait-il de moi quelqu’un de bien, quelqu’un d’heureux ?

Pensez-vous, voir le soleil sur l’ange de Rheinberg se lever chaque jour, et chaque jour ne plus savoir qui de l’astre ou du visage de ma femme est le plus beau.

C’est éprouvant, vous savez, la manipulation mentale : votre QI s’affaisse et vos flux sont inopérants. Alors j’ai dû la laisser partir.

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La vraie richesse est celle qui vient du cœur, vous savez, et le mien est un miséreux. Bien sûr, Chloé est une brave fille et ma petite « Sky », une reine. Mais elles ne sont que l’ombre de celle qui fut ma lumière, mon sang, ma vie.

Vous voyez, les amis, toute ma vie, je suis parvenu à briser les lois de la physique. Les lois de l’amour, ce sont elles qui m’ont brisé. »

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Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n’avez pas tourné à votre avantage. À l’extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l’intérieur vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même. Parfois vous vous demandez sérieusement si vous avez pris la bonne décision ou fait ce qu’il fallait. Vous préférez une certaine dose de changement et de variété, et devenez insatisfait si on vous entoure de restrictions et de limitations. Vous vous flattez d’être un esprit indépendant et vous n’acceptez l’opinion d’autrui que dûment démontrée. Vous pensez qu’il est maladroit de se révéler trop facilement aux autres. Par moments vous êtes très extraverti, bavard et sociable, tandis qu’à d’autres moments vous êtes introverti, circonspect, et réservé. Certaines de vos aspirations tendent à être assez irréalistes.

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ILLUSION MENTALE Sujet — J. Tourette

USE YOUR ILLUSION

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Si vous estimez en toute sincérité que le texte ci-contre est un juste reflet de votre personnalité, alors vous êtes actuellement victime d’une illusion mentale. Ce genre de phénomène est naturellement rendu possible par une fâcheuse tendance humaine à recevoir personnellement et accepter pour vraie une description de personnalité relativement vague, sans s’apercevoir qu’en réalité elle peut s’adresser à n’importe qui. La faute à l’ego… Ce vilain ego qui fait sauter toutes les défenses autocritiques pour peu qu’il se sente cajolé, qu’on le caresse sous le menton, qu’on lui donne de l’importance… Alors à présent qu’il sait qu’il s’est fait piéger, il est un peu renfrogné. Il boude. Ou il se révolte, arguant que finalement cette description ne lui correspond pas. Du tout. Mais quand bien même ce serait profondément vrai, ce simple exercice révélerait alors d’autres failles, plus profondes sans doute, tant la phrase est quasi universelle. En réalité, il est assez difficile – voire impossible – de ne pas se reconnaître dans une assertion si généraliste. Et plus la formule est imprécise, plus le processus d’identification fonctionne. Ce qui renforce le dispositif ici, c’est qu’il s’agit intimement de psychologie de la personnalité. Et si tous les traits de caractère ne se retrouvent pas exactement mentionnés dans la liste, l’esprit a cette aptitude à gommer l’approximatif et à ne se concentrer

que sur les affirmations où il se voit directement. C’est ce que les psychologues appellent « l’effet Barnum », en référence au grand homme de cirque du XIXe siècle qui concevait ses spectacles de sorte que chaque spectateur puisse croire qu’il avait été préparé pour lui.

Effet Barnum — En 1949, le Dr Bertram Forer eut l’idée de vérifier l’effet Barnum. Il fit passer un test écrit de personnalité à ses élèves, jeta le résultat à la poubelle sans se soucier de leurs réponses et composa un texte (celui fidèlement reproduit ci-contre) à partir de plusieurs morceaux choisis de rubriques d’astrologie des journaux. Il le remit ensuite individuellement, sans que personne ne sache qu’il avait la même réponse, et demanda à chacun de noter la pertinence de l’analyse qu’il s’était vu remettre entre 0 et 5. Le résultat fut troublant, car la moyenne obtenue fut de 4,26… Quelques années plus tard, en 1963, les Dr Ulrich, Strachnick et Stainton réitérèrent l’expérience avec un système de notation différent, demandant aux sujets si le même rapport constituait une juste interprétation de leur personnalité. Le résultat fut crédité de 93% de « oui ». Mais ils remarquèrent également un effet se-

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condaire déroutant : après avoir révélé le subterfuge à l’ensemble du panel, certains persistaient encore dans l’illusion en attestant que dans leur cas précis, l’analyse était bien véridique et personnelle, sans que cela soit affaire de généralité. Pourquoi ? Parce que vous aimez qu’on vous flatte ! Vous aurez tendance à le rejeter lorsque c’est exposé frontalement, par l’explication et l’analyse, mais le compliment qui vient couronner une fine remarque ou un trait d’intelligence sera toujours le bienvenu et accueilli avec l’once d’orgueil qu’il mérite. C’est bien légitime. Et toutes les recherches menées sur l’effet Barnum convergent sur ce point central que plus les commentaires sont valorisants, plus ils sont acceptés sans restriction comme une description précise de notre personnalité. À travers l’illusion d’un portrait nuancé et pourtant très vague, l’esprit projette ses propres référents, comble les vides et retient au final que ce qui l’arrange.

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Maintenant que vous savez que vous êtes manipulé, êtesvous bien sûr que ce n’est pas par vous-même ? L’ego est client de l’illusion, mais le cerveau a aussi sa part d’erreur et se laisse mécaniquement tromper lorsqu’on lui tend quelques pièges. Le test de John Ridley Stroop en est un bon exemple : prenez les mots « violet », « bleu », « vert » et colorisez-les : « violet », « bleu », « vert ». Admettons que l’on change la couleur des mots de façon aléatoire, en les disposant à la suite sur trois lignes,

« bleu », « violet », « bleu », « vert », « bleu », « vert  », « violet », « vert  », « vert  », « violet », « vert », « bleu » et que l’on vous demande de lire à voix haute non pas le mot mais sa couleur, il y a de fortes chances que vous vous trompiez. L’explication est que le cerveau « lit » plus rapidement un mot qu’une couleur, par automatisme ; et l’exercice crée des sortes d’interférences qui ralentiront la lecture si on essaie à nouveau de manière plus attentive. En revanche, le cerveau possède également la cacapité de croriger ce qu’il vtio : « Sleon une édtue de l’Uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre des ltteers dans les mtos n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soit à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot. » Et même si l’on ignore qui est l’auteur véritable de ce petit test qui s’est largement diffusé sur les messageries il y a quelques années, tout est dit. Atelier imprimé - Labo

Finalement, pourquoi lutter  ? —

L’illusion est tellement agréable lorsqu’elle n’est pas employée à de mauvaises fins. Et si la crème de la crème est d’être capable de lire dans vos pensées, pourquoi ne pas tenter l’expérience :

Pensez à un chiffre de 1 à 10 et gardez-le en mémoire. Multipliez-le ensuite par 2 ; puis ajoutez 8. ... Divisez le tout par 2 ; et enfin, soustraire au résultat le chiffre auquel vous avez pensé au début. ... Maintenant, vous allez convertir ce chiffre en une lettre dans l’ordre de l’alphabet. Par exemple 1 = A, 2 = B, 3 = C, etc. Concentrez-vous sur votre lettre et choisissez un pays qui commence par la même lettre. Retenez ce pays. ... Prenez ensuite la lettre qui suit immédiatement la vôtre dans l’alphabet et choisissez maintenant un animal. ... Vous pensez donc à présent un pays et un animal, bien précis. Un animal et un pays. Un animal et un pays. Concentrez-vous bien… ... Vous êtes certain qu’il y a des éléphants au Danemark ?



GALERIE


LES ARTISTES

MATTIS DOVIER Mattis Dovier est un Parisien, un animateur et un roi du GIF qui nous sauta au pif quand sortit le clip « Our Fires » de Plurabelle, réalisé par ses soins. Les fort qualitatifs Random Acts de Channel 4 sont d’ailleurs d’accord avec nous, ceux-ci lui ayant commandé une vidéo. mattisdovier.tumblr.com

EMMANUEL ESPINASSE

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AUSTIN LEE

BENEDIKT RUGAR

Étudier l’illustration à Angoulême est un pléonasme qui n’a pas fait peur à Emmanuel Espinasse. Il s’est même sorti de ce guêpier avec brio, bien aidé par un talent certain. Maintenant qu’il est sauvé, il expose au Fanzines Festival !, dans des trucs à Auckland, triture les pixels et fournit le monde en installations folles. emmanuelespinasse.com

Austin Lee est né à Las Vegas, ce qui fait forcément de lui quelqu’un d’exceptionnel. En plus de cela, il rajoute un don pour la peinture et l’expérimentation éditoriale comme nous pouvons en juger sur cet extrait de son livre Spheres, dans lequel il manie la réalité augmentée. austinlee.net

RUNE FISKER

STUDIO MUT

Le Danois Rune Fisker aime à prendre ses stylos et pinceaux pour dépeindre des scènes mêlant surréalisme, mouvement et mystère. Celui-là est également le co-fondateur du studio d’animation Benny Box avec son frère Espen. Et on aime cette suractivité. runefisker.com

Thomas Kronbichler et Martin Kerschbaumer sont les tenanciers du studio italien Mut, au sein duquel ils font de véritables merveilles. Il suffit d’en juger par leurs prestations pour la commune de Trieste, le magazine Turris Babel ou encore le Performance Art Festival. studiomut.com

Yoshi Sodeoka et un Japonais à New York et ça lui va plutôt bien. Travaillant la vidéo aussi bien que l’image fixe, le bougre plait pas mal aux plus fins limiers que sont WAD, Channel 4, le Sonar Festival, le Centre Pompidou ou le New York Times. sodeoka.com

LASSE & RUSSE

SIMON RENAUD

Cet homme grand sévit dans les régions nordiques de la France, voire même à Dunkerque, où il réside. Inspiré par le rap, les hallucinations et tout ce qui se trouve entre les deux, il avoine de ses dessins la galerie Arts Factory ou les revues Franky (et Nicole) et Lagon. lazpit.com

Ce Simon Renaud ne nous est certes pas inconnu, Kiblind ayant fait appel à lui pour les numéros 39 et 50 via son ancien studio A is a name. Maintenant seul, il n’en est pas moins brillant entre typo, expos et workshop perso ou travail de commande. simonrenaud.fr

BENJAMIN SCHMUCK

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Le quasiment jeune Benedikt Rugar est un illustrateur et animateur comme l’Allemagne aime à nous en fabriquer. Passé par l’Université d’art et de design d’Offenbach, il y a travaillé son trait unique entre comics classiques et absurdité mystique. benediktrugar.de

YOSHI SODEOKA

Alors qu’il entame la deuxième partie de sa vingtaine, le photographe ne succombe pas à la panique et prend toujours le temps de photographier ce qu’il aime, gens, choses ou paysages. Passé par les Gobelins, il plaît à Libération et It’s Nice That, entre autres. schmuck.fr


Austin Lee ↓ Spheres à regarder en réalité augmentée: spherespublication.bigcartel.com


Simon Renaud ↓ Illusion simonrenaud.fr


Benjamin Schmuck ↓ Sans-titre benjaminschmuck.tumblr.com


Rune Fisker ↓ Kiblind Optical runefisker.com


Yoshi Sodeoka ↓ Sans titre sodeoka.com


Mattis Dovier ↓ Vanitas 2.0 mattisdovier.tumblr.com


Studio MUT ↓ Sans-titre studiomut.com


Benedikt Rugar ↓ Sans-titre benediktrugar.de


Lasse & Russe ↓ Sans titre lazpit.com


Emmanuel Espinasse ↓ Sans-titre emmanuelespinasse.com


SALON

Salon


DISCUSSION AVEC ANGELO CIRIMELE Photographie — Klar

L’ILLUSION DU MAGAZINE DE MODE

47 MODE On est légitime à se questionner sur la teneur en information des magazines de mode. Si on feuillette les pages mode d’un Vogue ou d’un Bazaar et qu’on relève le nez, histoire de vérifier si les images sont raccord avec la réalité, on se demande vite qui est mal réglé : les jeunes femmes urbaines ou les stylistes du magazine ? De même que les jeunes femmes que nous pouvons croiser n’ont pas la silhouette longiligne ni le teint pâle des élues ukrainiennes dont les défilés sont friands. Mais les vêtements étant rois et les images leurs favorites, les corps s’adaptent. Mais qui a dit qu’on recherchait la réalité quand on feuilletait un magazine, fût-il de mode ? La fantaisie, la rêverie, l’illusion sont des moteurs bien plus puissants.

L’image de soi — Parce qu’il y a un gap entre voir un vêtement sur un cintre et sur soi. Le miroir est un faux ami et on ne se voit jamais tel que les autres nous voient. Par exemple les filles ne voient que rarement leur cul (ou le cul que leur fait tel vêtement), même au prix d’acrobatiques contorsions. Il faudrait les filmer avec un smartphone pendant qu’elles marchent et le leur montrer, mais on passerait pour des pervers et non pour des

individusfriandsd’informationetdesonpartage.C’estsansdoute qu’on veut garder cette part d’incertitude, qu’on se convainc d’être joli.e ou moche, à juste ou injuste titre. C’est encore pire avec son image au sens large : il n’y a pas d’endroit objectif pour en parler. Ni le miroir, ni le quidam, ni la personne aimante… et surtout pas ta mère. Alors les magazines de mode ont saisi cet interstice, teinté de réalité (les vêtements sont bien disponibles) mais aussi de cette part de projection inhérente à toute image. Et même quand la mode convoque des « gueules », pour ne pas dire des moches, c’est encore une injonction : ne sois pas fade.

Le réel, le plaisir et l’illusion — Mais cette illusion fonctionne à plein ! Représentons-nous que, dans une histoire de mode, le mannequin change de look à chaque image – c’est le principe de la série : montrer des vêtements – et l’histoire tient debout. Imaginons une scène de cinéma dans laquelle à chaque plan l’héroïne change de costume… C’est dire la puissance narrative ou évocatrice de la mode en images. Paraphrasons le critique et historien du cinéma André Bazin : la photo de mode, c’est être dupe autant que le plaisir l’exige. Essayez avec la série « Super Models Enter

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DISCUSSION AVEC ANGELO CIRIMELE

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photographes (Collier Schorr, Zoe Ghertner, Harley Weir), les Rehab » de Steven Meisel parue dans Vogue Italie en 2007 ; une séries s’ingénient à montrer les femmes dans la réalité : dans cinquantaine de pages dans un hôpital psychiatrique avec la rue se retournant sur quelqu’un (comme les mecs), dans un crises d’angoisses, thérapies de groupe, course de fauteuils parc en train de lire un livre, bref dans des poses aux antipodes roulants dans les couloirs… et de la mode à toutes les pages. Le des conventions de la mode. Et, devinez quoi… c’est devenu un plaisir est plus fort, et l’illusion est le viatique. statement, un style… En deux mots : D’accord, il y a aussi les mauvais couépuré, sec, élégant, riche mais pas oscheurs. À toutes les conventions de la tentatoire, féminin mais féministe… mode (narration, atmosphère, manC’est qu’il faut le portrait de ce que Phoebe Philo fait nequins éthérés), ils vont opposer chez Céline. le reportage ou une proposition de beaucoup de mensonges Autre illustration, propre à la presse réel. Mais nous y percevons toujours pour construire du Vieux Continent : on ne donne de la poésie… Prenons la street phode la réalité. jamais les prix des robes prêt-à-portographie qui a disparu comme style ter ni de la joaillerie. Dans la rubrique depuis l’arrivée des smartphones « shopping » de Magazine, intitulée : (on « allait faire des photos » dans les « Que faire avec XXX euros », je lutte pour obtenir les prix années 1970, 1980 et même 1990 », boîtier 24x36 en bandou(certes exorbitants) des bijoux qu’on veut bien me prêter. Les lière, on saisissait la rue, les gens, la nature… on est aujourd’hui joailliers souhaitent pourtant les vendre, mais annoncer leur passés à autre chose), mais qui n’en est que plus sexy, témoin la prix casserait l’ambiance et signifierait pour l’immense majodernière campagne Miu Miu, sous-titrée « subjective reality » rité des lectrices : « ce collier à 140 000 euros n’est pas pour et signée Meisel – encore. Ça ressemble à du vrai mais tout est vous ; il représente 10 ans de Smic ». construit et on est au spectacle. C’est qu’il faut beaucoup de Laissez-nous rêver, l’information a aussi sa part de fiction… mensonges pour construire de la réalité. The Gentlewoman, dernier meilleur magazine sorti, il y a 5 ans quand même… Outre le fait de solliciter les meilleurs — Angelo Cirimele

La mode de l’illusion

→ Harper’s Bazaar, créé en 1867 Arrière-grand daron de toute la presse mode et féminine, Harper’s Bazaar donne l’impression d’être plus vieux que le monde lui-même. Grand concurrent de Vogue et WWD, on notera les grandes différences entre ces trois bibles : Anna Wintour (Vogue), Kate Betts (Vogue et WWD), Diana Vreeland (Vogue) ou la sauveuse Liz Tilberis (Vogue) y ont par exemple apposé leur marque.

→ Vogue, créé en 1892 Vogue est le parrain des magazines de mode, intouchable machine à rêve qui va tranquillement sur ses 125 ans. Preuve d’une stabilité à toute épreuve, depuis sa fondation par Arthur Baldwin Turnure, le magazine en est simplement à sa 7e rédactrice en chef. Une certaine Anna Wintour.

→ WWD ou Women’s Wear Daily, créé en 1910 Un gamin, à l’échelle Vogue du magazine de mode. Mais un gamin ultra-respecté dans le secteur bien que méconnu en France (il n’a pas de publication locale). Celui-là a commencé en tant que simple supplément au Daily Trade Record, avant de s’émanciper et puis de finir, en 2008, par l’avaler.

→ Super models enter rehab, série de Steven Meisel, 2007 Cette série qui fit grand bruit pour le Vogue Italie en 2007 est restée dans la légende. Steven Meisel y dépeint la vie de modèles (A. Deyn, L. Stone, I. Kulikova, M. Ryder, entre autres) qui dérapent puis vont en désintox faire toutes les choses qu’on y fait habituellement (yoga seins nus, traîner à poils sur le canap, se raser la tête, faire des courses de fauteuil, etc.)

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→ The Gentlewoman, créé en 2010 The Gentlewoman est le bébé tout mignon de la presse féminine. Chic et policé, le magazine anglais est l’enfant des créateurs de Fantastic Man, déjà un très joli magazine pour hommes qui vient d’avoir 10 ans. Il est à noter que la revue anglaise reprend le nom d’une précédente publication britannique, créée elle en 1890. Le calembour est déjà pris.

→ Gut, créé en 2015 On ne sait pas si le petit joujou de Georgia Kemball et Ami Hugues va durer bien longtemps, mais il a le mérite d’être un peu rigolo. Aux côtés des anciens, un peu trop brillants, ou des nouveaux, un peu trop silencieux, ce Gut a le mérite de vouloir tout péter et de proposer des visuels vraiment dégueu avec de la nourriture et des gens laids.


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LES ILLUSIONS AU CINÉMA

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CINÉMA Il y a deux grandes tendances du cinéma. La première va clairement du côté des fantasmagories. La seconde est plutôt tournée vers un désir de réalisme. Mais l’une comme l’autre entretient un lien étroit avec la question des illusions.

Une longue histoire — Les premières images cinématographiques des frères Lumière et de leurs opérateurs sont des « vues », très occasionnellement scénarisées, qui dévoilent le monde tel qu’il est (un défilé militaire aux États-Unis – vue 342 – ou l’agitation d’une place publique à Tokyo – vue 984 – références issues du catalogue Lumière). Autant d’images qui donnent aux spectateurs des premiers temps l’illusion de voyager. Cette illusion est renforcée à l’écran lorsque George Méliès s’intéresse à l’action de la manivelle qui impressionne la pellicule pendant le tournage. Une manivelle qu’il arrête occasionnellement pour modifier le décor avant de reprendre son action, inventant du même coup le trucage et la diégèse filmique, ce temps propre au cinéma qui nous permet de voir de façon ramassée des actions (extra)ordinaires se déroulant en différents lieux et à différents moments. Les illusions

permises par ces prouesses techniques passionnent très tôt le grand public qui est en quête d’artifices et de déconnexion avec les difficultés de la vie. Un public qui plébiscite également des récits d’aventures, des contenus mélodramatiques, des sériels – ou films à épisodes – très en vogue dans les années 1920 et qui annoncent le succès à venir de La Guerre des Étoiles, de Matrix, d’Harry Potter ou des séries télévisées.

La réalité et l’impossible — Les prouesses techniques de Méliès et les aventures rocambolesques des héros populaires n’attirent guère les publics érudits qui préfèrent des mises en scène plus proches des univers du livre ou du théâtre. Avec, très vite, un intérêt redoublé par les entreprises de mouvements artistiques tels que Dada ou les Surréalistes qui focalisent leur attention sur la matérialité et la technicité du film et manipulent la caméra et la pellicule comme on utiliserait un crayon et une feuille de papier. On voit donc les croisements qui s’opèrent, dès les origines, entre un cinéma des illusions et les illusions que permet le cinématographe. Des croisements que l’on retrouve dans toute l’histoire du cinéma avec, d’un côté, des aventures qui donnent à voir l’impossible (traduit par

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les genres fantastique ou science-fictionnel) et, de l’autre, des aventures qui mettent en scène une réalité romancée (le drame ou certaines tendances du cinéma d’auteur et militant). Les illusions cinématographiques se renforcent dès lors que les techniques progressent. D’abord par des jeux de langage, avec l’arrivée du parlant. Puis par des techniques de montage consistant à créer des associations fortuites entre des actions. Bientôt on fera usage du fameux fond vert permettant des incrustations en postproduction comme dans Mary Poppins (1964) ou de la 3D comme dans Le Crime était presque parfait (1954) et Alice au pays des merveilles (2010). Avec la démocratisation des caméras personnelles, ce ne sont plus seulement les cinéastes qui sont en capacité de produire des illusions cinématographiques, mais la population dans son ensemble. Les recherches, peu nombreuses et confidentielles, qui ont été conduites sur le cinéma amateur permettent d’en attester. Du Weasels Rip My Flesh de Nathan Schiff (1979) à Time Demon de Richard J. Thomson (1996), les cinémas parallèles sont le plus souvent attirés par les jeux d’illusions et les trucages, l’apparition de monstres et les voyages dans le temps, avec des fortunes diverses. Depuis quelques années, les smartphones et le réseau

Internet permettent à des millions d’individus à travers le monde d’échanger des contenus vidéographiques. Souvent des « vues » prenant la forme d’un échange ou d’un témoignage (via Snapchat ou Periscope). Parfois des saynètes qui tirent parti de la technique pour produire de véritables illusions, à l’instar des productions poétiques de Ian Padgham ou des réalisations burlesques de David Lopez sur le réseau social Vine. Cette production accrue d’images numériques conduit à la circulation d’une hétérogénéité de formes. Là encore, les issues plus ou moins heureuses : trucages ratés, acteurs médiocres. Ce phénomène participe cependant au renforcement de ce que Susan Sontag a appelé, dans les années 1960, la culture « camp ». Une culture qui repose sur l’amour de l’exagéré, du grotesque et donc, des illusions désuètes, kitsch ou décalées que l’on prend pourtant plaisir à regarder. On le voit : l’illusion et le cinéma sont consubstantiels. Intrinsèquement liés. C’est peut-être même une tautologie que d’approcher la question de l’illusion au cinéma. Car le film est, en soi, un reflet et donc une perception décalée du réel. Une illusion. — Michaël Bourgatte, maître de conférences à l’ICP

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Les films de l’illusion

→ La Sortie de L’Usine Lumière, Auguste et Louis Lumière, 1895 Considéré comme étant, pour la Grande Histoire, le premier film de cinéma (des controverses agitent encore cette version des choses, Thomas Edison et Louis Le Prince étant aussi en lice), il est aussi la première forme d’illusion cinématographique aves des ouvriers endimanchés et une mise en scène chiadée.

→ Le Voyage dans La Lune, Georges Méliès, 1902 Georges Méliès est le premier spécialiste ès-effets spéciaux de l’histoire du cinéma. Traînant facilement avec ses copains Satie, Picabia ou Clair, l’homme aime à triturer ce tout nouveau média pour en faire l’expression de sa créativité débordante, glissant sans remords vers un début de surréalisme ou de dadaïsme. Le Voyage dans La Lune est restée comme son œuvre la plus marquante .

→ Le Crime était presque parfait, Alfred Hitchcock, 1954 La légende veut que la 3D soit une des évolutions récentes du cinéma honorant les progrès technologique de notre ère. En réalité, ça fait un bail qu’on s’éclate à faire sortir le film de l’écran. Si le premier film avec lunette sort en 1922, The Power of Love, la première grande vague a lieu dans les années 50 avec notamment ce Hitchcock qui sera le carton mondial qu’on sait.

→ La Guerre des Étoiles ou Star Wars Épisode IV : Un Nouvel Espoir, Georges Lucas, 1977 Il y a fort longtemps, dans un pays très lointain, le réalisateur de THX 1138 et American Graffiti s’attèle à l’oeuvre de sa vie et à l’un monolithe de la mythologie cinématographique. Le premier épisode de Star Wars use des ressorts shakespeariens de la narration et des dernières avancées technologiques en matière d’effets spéciaux. Un combo en forme de bulldozer.

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→ Time Demon, Richard J. Thomson, 1996 Avec 50 000 bons francs en poche et un pseudo fleurant bon l’Amérique triomphante, le Français Julien Richard-Thomson a construit sa légende. Ce film, 100% indépendant, nous narre les tribulations d’un certain Jack Gomez, poursuivi par des nazis utilisant une machine à remonter dans le temps à la recherche d’un talisman magique. Nuff said.

→ David Lopez Chez nous, David Lopez est cette personne à longue barbe et au discours hésitant, invitant d’autres Lopez à la bagarre. Aux États-Unis, c’est une superstar du réseau social Vine, sublimant les vidéos de 6 secondes avec jeux de montage et scénarios improbables. Et ça fait bien ricaner.


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MASTER P : CALIFE DU BLING, GÉNIE DE L’ILLUSION

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MUSIQUE La société fait pousser d’elle-même des monstres exceptionnels. Le jour où Master P débarque dans le Jeu, il a l’allure d’un ange noir qui danse devant les pouvoirs. Non seulement son apparition aux milieux des 90’s a la faculté de rebattre les cartes, mais P vient de comprendre que l’avenir du rap réside dans l’imagerie, autrement dit l’illusion. En fait, sa décision de faire du rap une machine à rêves, un mécanisme à ca$h, contraste avec les pratiques lacunaires de tous ces producteurs du gangsta rap qui font cracher à leurs tribuns un climat de violence et de non-retour avec comme seuls bénéfices, trois francs six sous quand ce n’est pas du plomb dans le plastron. En fait, P a décidé que l’imagerie du rap doit transporter les gens dans un autre univers, pour cela il doit leur faire avaler qu’il existe des îlots de diamants quelque part au beau milieu d’un océan de grande pauvreté. Autant dire que le challenge

est à la hauteur de ses ambitions ! Avant d’entamer une stratégique « emprise de l’image » via Pen & Pixel, Master P est déjà perçu par beaucoup comme un « magicien du hood ». Son premier statut d’illusionniste, il le doit à I’m Bout It, tour de passe-passe initial sur pellicule destiné à vendre les compétences de son label hyper tanké. Si le sésame a coûté environ 4 500 dollars, il va très vite rapporter 20 millions, notamment grâce aux ventes de la bande originale derrière laquelle se dissimule son arme fatale : Beats by the Pound !

P est partout — À partir de là, P est partout. Sur toutes les couvertures des magazines hip-hop, sur toutes les ondes hertziennes, en haut des charts nationaux... Il mise tout sur une distribu-

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DISCUSSION AVEC JEAN-PIERRE LABARTHE

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pen&pixellisé d’une prophétique « illusion bling », P, de son tion très convulsive – 1 à 2 albums par mois – faisant plus côté, amasse les benjamin$ par billions mais néglige de payer que jamais du rap une denrée périssable. Quasiment absent ses plus fidèles tribuns et producteurs. Imprévoyance qui va des ébats nationaux, le rap sudiste est en train de bénéficier asphyxier les bons pouvoirs du génie de la lampe et envoyer des pouvoirs occultes d’une sorte de génie de la lampe tout dans le mur le tank au canon bandé qui symbolise le label. droit sorti du conte des Mille et Une Embrouilles. Un génie en À cet instant, la désillusion est à la passe de devenir calife depuis qu’il hauteur des espoirs suscités pena rendu le Game si froid, si hautain, dant les années durant lesquelles qu’il est devenu un jeu de pouvoir, un le rap sudiste a, par le biais de No’ jeu de guerre. Il doit leur faire avaler Limit, rêvé d’indépendance absolue. Afin de passer de génie visionnaire qu’il existe des îlots En conséquence, nul besoin de préà calife du bling, il lui faut se glisser de diamants quelque ciser qu’en consolidant les cinq codans un autre uniforme et mettre le part au beau milieu lonnes qui soutiennent l’abondance focus sur ses deux frangins, C-Muremphatique de l’empire néo-babyder et Silkk the Shocker. d’un océan lonien du rap, Master P est l’individu Ce cross-over qui prend en compte de grande pauvreté. qui a décidé de l’avenir de ce genre la rhétorique martiale déjà évoquée, musical qu’est le rap. il le doit en grande partie à Soulja Dur de contester son héritage en ce Slim. Tribun/bandit social en passe début de XXIe siècle. Autant insignifiant est son comeback de faire souffler l’insubordination sur le Game, Slim a créé un style de vie basé sur la noblesse atavique des pistoleros (cf. New No’ Limit), autant son legs continue à vivre sous de Magnolia, un concept brûlant que ce diable de P a décidé, d’autres stratégies, d’autres schèmes, d’autres plumes ; car sans vergogne, de siphonner quitte à le pousser jusqu’à la il a largement contribué à impulser le côté conjoncturel des parodie. mouvements hip-hop d’aujourd’hui en provenance d’AtlanCe faisant, l’aspiration guerrière n’est pas seulement ta, de Miami, de Cincinnati ou de Chicago, lesquels sont en métaphorique ou parodique. Elle fait s’envoler les ventes grande partie basés sur la rentabilité à court terme, et de fait, de No’ Limit. Là où la plupart voient tout ça sous le biais ont le plus souvent la durée de vie d’un papillon. — Jean-Pierre Labarthe

Les disques No Limit

→ VA, I’m Bout It (Soundtrack), 1997 Le premier coup de maître de P, sa plus belle entourloupe, le jackpot à 20 millions de dollars : son film I’m Bout It et sa bande originale avec tous les petits copains du label. Mia X, Kane & Abel, Mystikal, C-Murcer, Silkk the Shocker, etc.

→ Snoop Dogg, Da Game is to be sold, not to be told, 1998 La puissance de No Limit s’affirme. Alors que Snoop Dogg quitte le Death Row de ses débuts (parce, bah, y a plus personne), Master P se paie la mégastar. Plutôt malléable, le chien se fait très bien à ses nouveaux copains comme en témoigne cette superbe pochette.

→ TRU, True, 1995 Voilà le troisième album d’une aventure qui a commencé en 1992, quand trois frérots, C-Murder, Sikk the Shocker et Master P, se sont dit qu’ils feraient bien du rap. Trois ans après, les trois loulous fournissent au label leur premier hit national, « Bout It, Bout It », sur ce bon True.

→ Mystikal, Ghetto Fabulous, 1998 Avant Tarantula et son tube neptunien « Danger (Been So Long) », Mystikal cassait déjà tout aux États-Unis avec Unpredictable en 1997, puis Ghetto Fabulous en 1998. Avant que le plus fascinant rappeur de la clique ne viole une coiffeuse en se filmant et devienne ainsi une belle crotte.

Atelier imprimé - Salon

→ Young Bleed, My Balls and My Word, 1998 Toujours dans cette année 1998, magique pour No Limit, sort l’album du petit nouveau Young Bleed qui, évidemment, est un carton. Il n’en connaîtra pas d’autre mais reste toujours une petite légende de l’underground. L’album est bon, la pochette excellente et le titre parfait.

→ Master P, Ghetto D, 1997 Le patron débarque et vient casser la baraque avec ce Ghetto D de très bonne facture qui se vend comme des petits pains (plus de 3 millions écoulés, 2e meilleure vente de sa carrière). Et puis, nom d’une pipe, la pochette vaut son pesant de cacahuètes.


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15 2016 la saison

© Netty Radvanyi pour la Cie Yoann Bourgeois

continue... théâtre cirque danse musique

La Princesse de Clèves

Madame de Lafayette • Magali Montoya

Sainte Jeanne des abattoirs Bertolt Brecht • Marie Lamachère

Dancing Grandmothers Eun-Me Ahn

Ça ira (1) Fin de Louis Joël Pommerat

S’en sortir

Danielle Collobert • Nadia Vonderheyden

Ellis Island

Georges Perec I Joe Brainard Éric Lareine • Pascal Maupeu • Matthias De Koning

Les Suites de Bach Nicolas Alstaedt

ˆ´ Làng Pho ˆ´ ÀO

Nouveau cirque du Vietnam

Le Canard sauvage

Henrik Ibsen • Stéphane Braunschweig

Orestie (une comédie organique ?) Eschyle • Romeo Castellucci

ad noctum

Christian Rizzo

... et plus encore sur mc2grenoble.fr


VESTIAIRE


VESTIAIRE

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Hallusions Direction Artistique : Baptiste Viry @ Agence Klar | Photographie : Boris Ovini Assistant photographe  : Laura Lecat | Stylisme : Jérémie Martinez | Make-up : Ophélie Secq | Hair : Carole Douard Mannequins : Edouard @ Rockmen & Georgiana @ Women.

Atelier imprimé - Vestiaire


jacket | SERGIO TACCHINI casquette | KENZO


foulard | HERMĂˆS earring | DIOR


doudoune | CHEVIGNON bonnet | ARMOR LUX


sneakers | NIKE sock | UNIQLO


gant | MAISON FABRE


tee | PETIT BATEAU


polo | LACOSTE


foulard | COTÉLAC o’clock | RICH GONE BROKE


SORTIE D’ATELIER


EXPOSITION

graph u d e isme t ê F

GRAPHISME On glose souvent sur la fibre artistique du graphiste. Parce qu’il répond à une commande et que son objectif est bien souvent celui d’une communication marchande ou, du moins, institutionnelle, celui-là se retrouve mis au ban de la société des créateurs. Pour autant, il est de cette caste qui donne à voir au monde son propre reflet. Le graphiste, en arrangeant, en produisant, en agençant textes et images, crée sa propre vision du monde imbibée de politique, de sociologie ou d’histoire de l’art. La Fête du graphisme célèbre ainsi tous les ans le discours des graphistes qui, partout et de tout temps, ont changé notre façon de voir les choses. La manifestation, initiée par Michel Bouvet, donne ainsi à voir, dans les rues de Paris (1 600 sucettes Decaux redécorées sur le thème « Célébrer La Ville »), lors d’expositions, conférences, rétrospectives, projections à la Cité internationale des arts, au Majestic Bastille, au Reflet Médicis, ou au cours du Parcours associé, les prouesses techniques et artistiques de la discipline graphique. En abordant des thèmes aussi différents que le jazz, le générique de film, Stockholm, l’utopie ou le rock, la Fête du graphisme démontre la multiplicité des supports et des champs abordés par les designers. Designers qui, en bons artistes qu’ils sont, ne se privent d’apporter leur touche au récit du monde.

L’esprit des hommes, de la Terre et du feu, Martin Gusinde

M.Gueugneau.

La Fête du graphisme, du 06.01 au 16.02 à Paris

Atelier imprimé - Sortie d’atelier

facebook.com/fetedugraphisme

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EXPOSITION

s Winter Tales t n e l a T s e n u e J e m ê l u o g n àA

Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, du 28 au 31.01

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bdangouleme.com

Winter Tales, exposition jusqu’au 15.01 chez Arts Factory, Paris

artsfactory.net

BANDE DESSINÉE Le Festival d’Angoulême a beau ILLUSTRATION Bien souvent, aux veillées hiveravoir la quarantaine bien tassée, cela ne l’empêche pas de nales, de très vieilles dames nous racontent des histoires savoir que le futur est précieux et que la jeunesse est son tout à fait improbables. À leur hygiène douteuse et à leur terreau. Ainsi dédie-t-il depuis quinze ans l’une de ses balbutiement intensif, nous préférons la nouvelle exposuccursales à ces bourgeons qui feront la forêt créative de sition d’Arts Factory qui réunit trois conteuses hors pair : demain. Le Pavillon Jeunes Talents est cette marmite où Véronique Dorey, Ciou et Sachiko Kanaizumi. Point de mot bouillonnent les auteurs et illustrateurs de demain. Pour la en trop ici, mais des visuels entre fantastique et introspec43e édition du Festival, nous retrouverons les 20 meilleures tion nous narrant des dimensions obscures où de jeunes nymphettes croisent les affres de la mélancolie et/ou du cauproductions du concours et une ode à son gagnant, Camille________________________________________________________________________ chemar. Alors là, oui, nous écoutons, nous sommes tout ouïe. Debray, qui remplira le lieu d’un habillage graphique au petit poil, dont voici un visuel en exclusivité. M.Gueugneau. M.Gueugneau.

Typo en mouvement

66 éditions plus tard, la méga-expo Jeune Création, de l’association du même nom, a toujours le torse bombé et le menton haut. 60 projets inédits, frais et jeunes, donc, émailleront cette nouvelle mouture.

Play!  (La Règle du jeu)

Jeune Création, du 17 au 24.01 à la Galerie Thaddaeus Ropac, Pantin

Le Lieu du Design convoque 120 réalisations pour nous parler un peu de cet art multiple et complexe de la typographie en butte à ses déclinaisons numériques. Typo en mouvement, jusqu’au 05.03 au Lieu du Design, Paris

Jeune Création

L’exposition Printnoiz vient faire le point sur près de 40 ans de graphzine et d’édition indépendante où règnent la sérigraphie et l’imaginaire sans borne. Pour ça, on peut avoir une confiance aveugle dans Le Dernier Cri, qui l’organise. Jusqu'au 27.02 à la Friche de la Belle de mai, Marseille

Fotokino convie cet hiver une sacrée pléiade de designers et de graphistes autour de la question du-des jeux. Les réponses de Pierre di Sciullo, Helmo, Atelier Bingo, Paul Cox ou Ed Fella nous attendent. Play  (La Règle du jeu), jusqu'au 31.01, Marseille

Atelier imprimé - Sortie d’atelier

Printnoize


FESTIVAL

Astropolis 5 . 1 2 r e v i h l’

b Movie M Black lO à Genève aV cI kE

b

Dans ce Limbo Festival, les barres n’ont aucune importance. Seule compte la musique de qualité qui s’y épanchera. Elle répond aux doux noms de KaS Product, Girl Band ou Rubin Steiner. Limbo Festival, les 29 et 30.01 à Paris

Black Movie

M

22 – 31.01.16 Festival international de films indépendants – Genève

Le Black Movie lève haut son chapeau aux brillants cinémas d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. On retrouve cette année Tsai Ming-Liang, Apichatpong Weerasethakul, Sion Sono, Teboho Edkins ou encore Gabriel Mascaro. Black Movie, du 22 au 31.01 à Genève

MUSIQUE Au bout, tout au bout du monde qui s’appellerait la France, se trouve l’un des plus sincères festivals européens. Fait avec goût et amour du goût, Astropolis mêle plus de 20 ans d’expériences festivalières avec une terre bretonne irradiée de culture électronique. La programmation de l’édition 21.5 s’en retrouve renforcée elle qui rassemble en cinq jours des artistes de tous bords, des projections et des workshops pour adultes et enfants. Si les coups de cœur y sont nombreux, nous n’en citerons que quelques-uns permettant de saisir l’incroyable pluralité du festival brestois. Ainsi, aux côtés des têtes d’affiches Carl Craig, Mount Kimbie ou Laurent Garnier, nous retrouvons l’excellent label Cindy Tapes, Balladur, Portable ou encore Witxes. Il y a quelque chose d’éminemment beau dans cet Astropolis d’Hiver. On peut appeler ça une conviction. M.Gueugneau.

Astropolis : L’Hiver 21.5, du 18 au 23.01 à Brest

astropolis.org

Bordeaux Rock à Bordeaux

Limbo Festival à Paris L’Electron est le rendez-vous incontournable Genevois sur la culture électro qui regroupe musique, danse, et art contemporain. Le line up de cette 13e édition sera disponible dès le 28.01 sur leur site officiel. Festival Electron, du 23 au 27.03 à Genève

Bordeaux est une ville de badass qui ne pensent qu’au sexe et au rock’n’roll. Le festival Bordeaux Rock profite de ce vice et invite Marietta, Lonely Walk, Mount Kimbie ou encore Patrick Vidal. Bordeaux Rock, du 21 au 24.01 à Bordeaux

Atelier imprimé - Sortie d’atelier

Festival Electron à Genève

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PRINT

u M m l l Te yth

r e v e

Tell Mum everything is OK #6, Éditions FP&CF, 100 pages, 20 €

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ing is OK #6

editionsfpcf.com

PHOTOGRAPHIE Le deuxième mandat de Barack Obama n’aura donc vu sortir qu’un seul numéro de Tell Mum everything is OK, la revue des éditions FP&CF. Faut-il y voir une coïncidence ? Probablement pas. C’est simplement une manière d’appuyer le fait que Maxime Milanesi et Claire Schvartz nous ont fait languir quelque chose de bien avant de sortir ce nouvel épisode des aventures photographiques de la maison d’édition. La série des Tell Mum everything is OK est cette ligne rouge qui jalonne le parcours de la belle maison parisienne. Aussi étions-nous dans un état de panique avancée quand, en quatre ans, aucune nouvelle de la série des amours photographiques de FP&CF ne nous était parvenue. Une patience mise à rude épreuve et finalement récompensée par ce n° 6 bien pourvu où une petite centaine de photographies de quatre-vingt-six artistes différents se regardent en coin. Des artistes qu’on sait choisis avec minutie par deux tenanciers à qui on donnerait volontiers le qualificatif de gens de goût. Une sélection guidée par le sacro-saint jugement mais aussi par une envie folle de sauvagerie. Reprenant les mots de Lou Reed, « Wild Side », le Tell Mum #6 en illustre aussi la philosophie avec foule de clichés d’une nature et d’une humanité où le calme se marie avec la tempête. On en touchera un mot à notre mère. M.Gueugneau

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PRINT

En Forme!

d’Anne-Margot Rammstein

On dit la pornographie à l’origine de la dévastation du monde. Ces faux penseurs se trompent comme le prouve l’admirable Fesse, érotisé par la plume gracile de Guillaume Chauchat.

Dérangés

de Violaine Leroy

Éd. 2024, 32 pages, 7 €

Rares sont les livres jeunesses qui touchent au sport. Anne-Margot Ramstein brise la malédiction grâce à ce En Forme !, illustration inédite et esthétique des disciplines sportives. Éd. Albin Michel Jeunesse, 112 pages, 14,90€

Fesse

de Guillaume Chauchat

Une Journée bien remplie de Freak City, réalisé avec l’Atelier Kobalt, a l’avantage de présenter l’admirable travail du duo bordelais. Les motifs, la banane et Sauvés par le Gong en sont les mamelles. Éd. Atelier Kobalt, 20 pages, 12 €

Les éditions québécoises de La Pastèque ont eu la fière idée de publier ce Dérangés, ode à l’art et à l’inattendu, magnifiée par le trait et les constructions de Violaine Leroy. Éd. La Pastèque, 312 pages, 29 €

Une Journée Bien Remplie de Freak City

, 2 l w O Glory

r a b a Mal

Glory Owl 2, éditions Même Pas Mal, 56 pages, 13,90 €

Malabar de Alain Lachartre, éditions Dupuis, 384 pages, 28€

gloryowlcomix.blogspot.fr

dupuis.com

BANDE DESSINÉE Après un premier volume en librairie l’an dernier, le collectif outrancier et immoral Glory Owl, né sur Internet en 2013, est de retour. D’entrée on est prévenu, « l’album de la maturité » n’est pas moins cynique, et aborde autant de thèmes « tabous » que le premier, mais on remarque qu’il est mieux réalisé, plus abouti. Et parce que ces sales gosses ont compris qu’il manquait en France un univers BD à l’humour transgressif et régressif, on leur prédit un bel avenir et on reste connecté pour suivre le grandpère pervers ou Dr. Pute (qui, comme son nom l’indique...) en attendant le numéro 3.

BANDE DESSINÉE Le personnage Malabar, emblème indépassable du chewing-gum, a vu ses aventures narrées pendant de nombreuses années sous la forme de bande dessinées glissées dans leurs emballages. Des grands noms ont été appelés pour créer ces planches, dont Margerin et Yves Chaland, en complément du travail de ceux que la postérité aura moins retenus. Alain Lachartre nous propose un recueil de ces mini-récits. Son travail est ici au niveau de ce qu’il nous proposait déjà auparavant avec Objectif pub (1986) et Traits séduisants (2006), mêlant processus créatif et anecdotes qui raviront les anciens adeptes du culturiste aventurier.

D.Zehnde.

B.Sedbuk.

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C

PRINT

enk, H y o b l e w u t o t ac r l’a

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Cowboy Henk, L’Art actuel

Éditions Fremok, 128 pages, 26€

BANDE DESSINÉE Ce sacré Henk a plus d’un tour dans son sac. Le clin d’œil facile et la malice en poche, Cowboy Henk arpente depuis 30 ans les chemins sinueux de notre triste monde tragique. Et tant mieux pour nous, car de son menton proéminent sort le miel de ses inspirations dérangées. Les Flamands Herr Seele et Kamagurka continuent donc leur sacerdoce qui est de donner vie à l’être le plus abasourdissant de la bande dessinée franco-belge en le poussant dans ses retranchements. L’Art actuel, dernier recueil traduit en français, ne dessine pas autre chose que la plus belle peinture de l’absurdité qui soit. À l’aide d’un trait mêlant la pureté franco-belge aux excentricités américaines, le duo vole haut au-dessus des pigeons et donne une leçon de bande dessinée. Une leçon d’art actuel. M.Gueugneau.

Arsène

d’Olivier Schrauwen

Les Éditions Croque-Madame se sont lancées dans une nouvelle collection, «Folio», pour laquelle elles se concentrent sur le travail d’un photographe en période de création. Et, oh la bonne idée, la première c’est Julie Hascoët.

Xmas Surprise de Roope Eronen

Il semblerait que les éditions Arbitraires publient une nouvelle perle avec ce Anyone 40, polar graphique signé Léo Quievreux, où la composition image-texte prend un tour nouveau. Éd. Arbitraires, 40 pages, 15 €

Éd. Croque-Madame, 32 pages, 12 €

Biographie fantasmée de son grand-père, Arsène est un nouveau lingot graphique et narratif dans la mare dorée de la bibliographie du grand, du géant Olivier Schrauwen. On espère qu’un jour, il sera président. Éd. L’Association, 112 pages, 35 €

Rebuts, Charognes, Décombres

de Julie Hascoët

Le fou finlandais Roope Eronen est de retour chez Misma, et ce fait nous rend heureux. Car, après l’indémontable Offices & Humans, il s’occupe de la magie de Noël. En faisant n’importe quoi, comme d’habitude. Éd. Misma, 80 pages, 12 €

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Anyone 40

de Léo Quievreux


MUSIQUE

Irmin Schmidt Karen

de Télédétente 666

Irmin Schmidt

Electro Violet Anthology Set (Mute)

ANTHOLOGIE elle semble faire référence, l’anthologie en douze volumes Electro Violet révèle l’ADN d’une approche protéiforme de la composition, celle d’Irmin Schmidt, fondateur de CAN, et rassemble projets d’albums solo et musiques cinématographiques (Rendez-Vous à Palerme, Inherent Vice…). On y retrouve la paternité de Karlheinz Stockhausen dont Schmidt a été l’élève, et des collaborations avec les compositeurs électroniques Bruno Spoerri et Kumo ou l’écrivain Duncan Fallowell, notamment dans un opéra magistral inspiré de la trilogie de Mervyn Peake, Gormenghast. Entre classique, jazz, ambient, progressif, soft rock, folk et autres genres entremêlés avec brio, l’Allemand nous rappelle la richesse d’un répertoire dont il a toujours su préserver la contemporanéité.

Après le ténébreux et remarqué V.I.H.S, le post-punk délicieusement apocalyptique de Lonely Walk se laisse dompter dans l’album Teen sorti le 11 décembre au QG des sorties de qualité Born Bad Records. Sorti le 11.12 sur Born Bad

Le tout à fait charmant label Le Turc Mécanique, aidé par Et mon cul c’est du tofu ?, POUeT !, Schalplatten et 24h/Jamais, sort de l’ombre l’un des plus géniaux groupes de synth-punk français, Télédétente 666 avec l’album Karen. Sorti le 15.12 sur Le Turc Mécanique

Teen

de Lonely Walk

T. Supercar.

ZCKR Records

20° 30’S 29° 20’W

de Caandides

Beko Disque nous l’avait déjà affirmé avec l’album Babies : Yuko Yuko, c’est super bien. Un nouvel album, More Than A Facebook Friend semble ne pas démentir l’histoire, au vu du 1er single « I’m Too Cool ». Sortie le 28.02 sur Field Mates

LABEL ZCKR Records a été fondé en 2010 sous l’impulsion de Sebastian Reuschel et Adel Akram. Nommé d’après le Zucker Club, fermé il y a quelques années et dont il est en quelque sorte le prolongement, le label continue de faire vivre la scène des musiques électroniques de Brême. Le catalogue (vinyle, cassette mais aussi CD) navigue entre house, techno, minimale et pures expérimentations noise. L’esthétique soignée, savamment nébuleuse, et l’esprit DIY clairement revendiqué éveillent des envies de fêtes féroces et enthousiastes. La compilation Grey City esquisse notamment une balade sonore dans Brême, prochainement prolongée par un nouveau 12 de Qnete, le « Grey City Anthem » qui happera l’auditeur, on l’aura compris, du côté des entrepôts plutôt que dans les allées sucrées du marché de Noël.

Les Parisiens de Caandides préfèrent, comme les sages, le cheminement à la destination. Et tant mieux pour nous, qui cheminons à leur côté à la recherche de cette île perdue, en écoutant les douze titres en forme de pop hallucinée. Sortie le 05.02 sur Cracki

M.Raupp.

Atelier imprimé - Sortie d’atelier

More Than A Facebook Friend de Yuko Yuko

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MUSIQUE

V I I D Is The Is Are, sortie le 05.02 chez Captured Tracks

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capturedtracks.com

ROCK Zachary Cole Smith porte aussi bien les chemises à fleurs qu’il produit des albums prodigieux avec sa team. Les mecs de Diiv nous reviennent avec un nouvel effort encore plus indécemment incandescent. Is The Is Are est une explosion de joie, un calumet de la paix fumé au nom de l’orgie sonore, autant un défouloir qu’un moment d’extrême quiétude. On se noie dans la mélodie sirupeuse de « Bent (roi’s song) » puis l’on reprend ses esprits en entendant Sky Ferreira nous susurrer des mots doux à l’oreille sur « Blue Boredom ». On surfe sur les riffs vaporeux de « Healthy Moon » et on se trémousse frénétiquement sur « Valentine ». Et surtout, on se dit que c’est quand même fortiche de pondre un album aussi chiadé après le fameux Oshin de 2012 qui avait mis la barre si haut qu’on ne pouvait même pas faire de limbo. E.Quittet.

Glacial Glow & No Dreams de Noveller

Parfois, les gens ont des idées pas connes du tout. Ainsi, l’électronicien Franck Vigroux et le jazzman Matthew Bourne ont-ils fait revivre le mythique Radio-Activity de Kraftwerk, sous leurs doigts érudits.

Soledad

de Cleim Haring

Sorti le 04.12 sur The Leaf Label.

In Paradisum lance une nouvelle série dédiée à la musique live, IPX. Et le premier enfant n’est autre qu’Électricité de Somaticae, compagnon de longue route et expérimentateur effréné de la musique électronique et analogique. Sortie le 04.12 sur In Paradisum

Ayant affûté sa guitare aux côtés de Rhys Chattam et Glenn Branca, Noveller aka Sarah Lipstate sait en faire ce que bon lui semble. Et elle en fait de la beauté. En témoignent les deux albums Glacial Glow et No Dreams, réédités par Fire Records. Sorties le 08.01 sur Fire Records.

Radioland

de Franck Vigroux & Matthew Bourne

Cleim Haring, ex-Libre Penseur, s’est attaché les services d’Everydayz à la prod et de Valentin Petit à la caméra pour sortir son premier EP, Soledad. Un trio qui fonctionne au poil pour un rap charmant où on peut même entendre quelques sourires. Sorties le 08.01 sur Fire Records.

Atelier imprimé - Sortie d’atelier

Électricité de Somaticae



ARCHIPEL MA UY MARIN

G

MAISON DE LA DANSE

En 1981, May B bouleverse tout ce qu’on croyait de la danse. C’est une déflagration, dont les échos ne se sont jamais éteints.Un chef-d’œuvre entre humour et cynisme.

BiT 4/03 > 5/03

SINGSPIELE 16 > 17/03

TOBOGGAN - DÉCINES

TNP / PETIT THÉÂTRE

Maguy Marin signe avec BiT son 49e opus en à peine 40 ans. Au centre de cette charge brutale contre la barbarie ordinaire : la question du rythme.

Entre chorégraphie, théâtre et tableau vivant, Maguy Marin poursuit ici sa recherche sur la métamorphose, la foule et la singularité.

Licences : 1-054424, 2-1054425, 3-1054423 ; © Claude Bricage, Didier Grappe, S. Rouaud

MAY B 29/02 > 2/03


Vue

par

Brecht Evens (2/4)



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