Kiblind 74 - Dans ma rue

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KIBLIND Magazine NumĂŠro Dans ma rue


La Gaîté Lyrique Musiques & futurs alternatifs

Établissement culturel de la Ville de Paris

3 bis rue Papin, 75003 Paris gaite-lyrique.net @gaitelyrique

Festival international  de films sur la musique 18–25.02.2021

Une quinzaine de films inédits à découvrir sur MK2 Curiosity

@GL Gaîté Lyrique

En partenariat avec :


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SCANNEZ CE QR CODE POUR VOYAGER DANS L’UNIVERS DE STORIES IMAGINÉ PAR RUNE FISKER


De haut en bas : Magali Brueder, Atelier Bingo, Maria Medem, ZĂŠbu, Virginie Morgand et Hel Covell.


KIBLIND Store Illustrations à emporter

Pour une belle et heureuse nouvelle année illustrée, retrouvez une sélection de posters de nos artistes préférés imprimés avec amour en risographie par KIBLIND Atelier. www.kiblind-store.com


đ&#x;‘€ ÉDITO — 6

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KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

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Notre rue, c’est notre premier contact avec le monde extĂŠrieur. L’annĂŠe passĂŠe, elle fut mĂŞme parfois le seul. Elle est ce paysage qui s’affiche tous les matins au rĂŠveil, celui que nous regardons quand nous faisons semblant de rĂŠflĂŠchir, celui qu’on scrute sans s’en apercevoir. Elle nous appartient et nous lui appartenons. Bien souvent, nous ne l’avons pas choisie, mais hĂŠ, elle est lĂ , il faut faire avec. Avec ses immeubles louches, ses poubelles qui se dĂŠversent, ses voitures mal garĂŠes. Avec ce qu’elle nous offre aussi. Ses habitants, ses commerces, ses beautĂŠs bizarres. Elle nous identifie, nous oblige, nous fabrique. Elle est ce que nous en faisons et nous sommes ce qu’elle fait de nous. Qu’on vive Ă Paris, Londres, SĂŠoul ou Saint-Mamert-Deux-Grosnes, le rĂŠsultat est le mĂŞme : quand on pousse la porte de chez soi, on est encore un peu Ă la maison. Si elle n’est pas tout Ă fait un doux foyer, on y met toujours un peu de soi-mĂŞme, autant qu’il est possible. Parfois beaucoup, parfois peu. Ce n’est pas pour rien que les artistes en font des films, des livres et des chansons. Certains, on en connaĂŽt, passent leur temps Ă les dessiner. C’est Ă ce chez-soi partagĂŠ que nous dĂŠdions ce numĂŠro, et aussi un peu au chez-nous lyonnais, joliment reprĂŠsentĂŠ par Thibaud HĂŠrem en couverture.

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Directeur de la publication : JĂŠrĂŠmie Martinez / Direction Kiblind : JĂŠrĂŠmie Martinez - Jean Tourette - Gabriel Viry ComitĂŠ ĂŠditorial : Maxime Gueugneau - Elora Quittet - JĂŠrĂŠmie Martinez Team Kiblind : Marie-Camille Alban - AlizĂŠe Avice - Guillaume Bonneau - Agathe Bruguière - Alix Hassler Justine Ravinet - Charlotte Roux - Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Contributeurs : Atelier Choque Le Goff - Thomas Durel - Yann François - Frederic Hojlo - Festival Bien Urbain RĂŠviseur : RaphaĂŤl Lagier Direction artistique : Kiblind Agence Imprimeur : Musumeci S.p.A. / www.musumecispa.it Papier : Le magazine Kiblind est imprimĂŠ sur papier Fedrigoni / Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g / Papier intĂŠrieur : Arcoprint Milk 100g, Arena natural Bulk 90g et Symbol Freelife Gloss 130g Typographies : Kiblind Magazine (BenoĂŽt Bodhuin) et Lector (Gert Wunderlich) ÉditĂŠ par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon. 27 rue Bouteille - 69001 Lyon / 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris - 04 78 27 69 82 Le magazine est diffusĂŠ en France et en Belgique. www.kiblind.com / www.kiblind-store.com ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilitĂŠ de leurs auteurs. Tous droits strictement rĂŠservĂŠs. Merci Ă Matthieu Sandjivy. THX CBS. Contact : magazine@kiblind.com



đ&#x;‘€ SOMMAIRE — 8 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

6

Édito / Ours

8

Sommaire

10

In the mood

20

intro Dans ma rue

24

invitation FrĂŠdĂŠric Hojlo : Dans ma case rue

28

En couverture : Thibaud HĂŠrem

34

CrĂŠations originales Dans ma rue

43

Citations

44

Dossier - Welcome to my hood

50

Invitation Yann François : Le jeu vidÊo dans la rue

54

La bibliothèque idÊale : Festival Bien Urbain

56

Playlist Back 2 Back : Vikash Dhorasoo & Sabine Quindou

58

Imagier - Street View Journey

69

SĂŠlection Kiblind


Iván Navarro in collaboration with Courtney Smith, Street Lamp (Yellow Bench), 2012, Courtesy de l’artiste et Galerie Templon, Paris-Bruxelles. © Iván Navarro/ADAGP, Paris 2020. Photo : Isabel Penzlien

lieu infini d’art de culture et d’innovation direction José-Manuel Gonçalvès

09 janv. > 28 fév. 21 arts visuels installation

Iván Navarro Planetarium

avec la Galerie Templon


đ&#x;‘€ IN THE MOOD — 10 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

IN THE M D Vous croiserez dans cette entrĂŠe quelques objets illustrĂŠs rencontrĂŠs par bonheur ces derniers mois lors de nos pĂŠrĂŠgrinations visuelles. Vous serez accompagnĂŠs par les figures libres de Donald et Yoann du bel Atelier Choque Le Goff.


đ&#x;‘€ 11 — IN THE MOOD

HORLOGE â– Tim Alexander pour Jumbo Press instagram.com/hello.timalexander / jumbo-press.com DISQUE â–

Phylax Society de Sutja Guttierez (Lumière Noire Records) → Artwork by Matthieu CossĂŠ instagram.com/cossematthieu / sutjagutierrez.com

VESTE â–

David Mendez Alonzo pour Outsiders Division davidmendezalonso.com / outsidersdivision.com

MAGAZINE â–

NUVOL → Artwork par Ana Galvan instagram.com/anagalvan_comic2 / nuvol.com

NOUVELLE GRAPHIQUE â–

Moms de Yeong-shin Ma (ed. Drawn & Quarterly) drawnandquarterly.com

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AFFICHE ■→ Par Yeye Weller instagram.com/yeyeweller


đ&#x;‘€ IN THE MOOD — 12

DISQUE â–

Sauna de K.A.Z → Artwork par Oscar RaĂąa oscaranha.tumblr.com L’illustrateur espagnol Oscar RaĂąa nous en met plein la vue avec chacune de ses illustrations Ă la gĂŠomĂŠtrie et Ă la composition folles. Nous avons ĂŠtĂŠ subjuguĂŠ.e.s par la prĂŠcision et la beautĂŠ de cette pochette de disque qu’il a rĂŠalisĂŠe pour le groupe KAZ, alors on en a papotĂŠ un peu avec lui. Quel ĂŠtait le brief quant Ă la rĂŠalisation de cette pochette de vinyle ? La libertĂŠ absolue, ce qui n’est pas vraiment habituel. Le groupe m’a contactĂŠ par mail pour me parler de leur musique, basĂŠe sur l’improvisation et une forme vraiment libre de jazz. Ils voulaient m’inviter Ă rĂŠaliser leur artwork de la mĂŞme façon. Ils m’ont fait totalement confiance et j’avais le temps de le faire Ă ce moment-lĂ , donc c’Êtait vraiment apprĂŠciable. Comment est-ce que tu as procĂŠdĂŠÂ ? J’ai commencĂŠ par improviser une composition rapide avec les ĂŠlĂŠments essentiels de l’image. J’ai ensuite travaillĂŠ plus consciencieusement, en payant attention aux motifs que le design demandait Ă la volĂŠe. J’ai pensĂŠ aux couleurs Ă la toute fin : j’ai commencĂŠ Ă en appliquer beaucoup (peut-ĂŞtre avec un peu trop d’entrain), et après ça, j’ai rĂŠduit la palette en utilisant une rĂŠfĂŠrence trouvĂŠe sur internet. Est-ce que la musique t’inspire quand tu crĂŠes ? Oui, j’Êcoute toujours de la musique quand je travaille. Pour cet exemple prĂŠcis, j’ai ĂŠcoutĂŠ KAZ tout du long. Ça faisait partie de l’expĂŠrience : permettre Ă la musique de pĂŠnĂŠtrer le dessin. Pour toi, quelles sont les plus belles pochettes de tous les temps ? J’en aime tellement ! J’adore les collages des premiers albums d’Ariel Pink, les pochettes d’Andrew Savage pour Parquet Courts, et beaucoup d’autres comme celle du premier album de Cluster, celle d’Hiroshi Yoshimura pour Green et celle de A. G. Cook pour 7G, pour n’en citer que quelques-unes.

PAILLASSON â–

Exit enter safe → Charlene Man pour Lazy Press lazypress.net

MAGAZINE â–

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The Walrus jan/fev 2021 → Artwork par Holly Stapleton thewalrus.ca instagram.com/_hollystapleton_

MAGAZINE â–

Plan de Biyo no Keiei → Artwork par Nori Okawa instagram.com/nori_okawa / j-mode.co.jp


ð&#x;‘€ 13 — IN THE MOOD

SINGLE â–

Falling in Between Days de Margot (Full Time Hobby) → Artwork par Nick Dahlen nickdahlen.com margotbanduk.bandcamp.com

LIVRE â–

Les Dynamiteurs de Benjamin Whitmer (ed. Gallmeister) → Artwork par Marta Orzel martaorzel.com / gallmeister.fr

AFFICHE ■→ Par Poster Lad / Vratislav Pecka posterlad.com

CHAUSSETTES â–

Blandine Pannequin blandinepannequin.com / Label-Chaussette-Illustration

ÉCHARPE MALVIN PEACE â–

Floor van het Nederend floorvanhetnederend.com

LIVRE â–

The Women's Suffrage Movement de Gloria Steinem (ed. Sally Roesch Wagner / Penguin Classic) → Artwork par Hanna Barczyk hannabarczyk.com / penguin.com

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CAHIER DE COLORIAGE â– Jammes Coloriage instagram.com/jammes.coloriages


đ&#x;‘€ IN THE MOOD — 14

DISQUE ■Layer Cake de NO_ON → Artwork par Miki Kim instagram.com/_miki__kim soundcloud.com/no_on_music

MAGAZINE â– THE SMUDGE Thesmudgepaper.com

Clay Hickson et Liana Jegers ont eu l’excellente idĂŠe de lancer le journal The Smudge il y a de ça quatre ans. Depuis, celui-ci est autoĂŠditĂŠ chaque mois dans la tradition DIY et regorge de trĂŠsors visuels et rĂŠdactionnels. Clay nous en dit un peu plus juste ici.

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Comment est nĂŠ The Smudge ? The Smudge est nĂŠ dans les semaines mornes et effrayantes qui ont suivi les ĂŠlections prĂŠsidentielles amĂŠricaines de 2016. Quelle est la volontĂŠ derrière ce journal ? Ă€ la base, nous voulions juste crĂŠer une plateforme qui permette aux gens de s’exprimer en ces temps incertains. Mais le journal papier a ĂŠvoluĂŠ, en mĂŞme temps que son but. Aujourd’hui, nous espĂŠrons pouvoir ĂŠduquer, distraire, motiver et connecter les personnes entre elles. Comment est construit le magazine et qui y prend part ? Le magazine est ĂŠditĂŠ, imprimĂŠ et distribuĂŠ par mon ĂŠpouse, Liana Jegers, et moimĂŞme. Nous travaillons avec plusieurs artistes et auteur.rices qui sont des contributeurs rĂŠguliers. Mais nous sommes toujours Ă l’affĂťt de nouvelles personnes avec qui travailler. Comment choisissez-vous les sujets des articles ? Les sujets et thèmes du magazine sont gĂŠnĂŠralement des rĂŠactions Ă ce qui se passe dans l’actualitĂŠ du moment, mais de temps en temps, on aime bien expĂŠrimenter et renvoyer la balle aux lecteurs. AFFICHE â–

Les Puces de l'Illu 8ème ĂŠdition → Par Laho laho.eu / pucesillu.campusfonderiedelimage.org

OĂš puisez-vous vos inspirations ? D’un paquet d’endroits, mais notre source première d’inspirations est la presse underground des annĂŠes soixante et soixante-dix.


đ&#x;‘€ Rue Saint-Louis en L'ĂŽle de Benjamin Biolay & Juliette Armanet → Artwork par Thomas Hayman thomashayman.com benjaminbiolay.com instagram.com/juliettearmanet

15 — IN THE MOOD

AFFICHE â–

DISQUE â–

InBach de Arandel (inFinÊ) → Artwork par Gol3m instagram.com/_gol3m / arandel.bandcamp.com

SINGLE â–

GOURDE â– Abbey Lossing pour Papaya Reusables abbeylossing.com / papayareusables.com

AFFICHE â–

Festival Les Nuits de l'Alligator → Artwork par FrÊdÊric RÊbÊna costume3pieces.com/talent/12/frederic-rebena / nuitsdelalligator.com/

MAGAZINE â–

Kostar - oct/nov 2020 → Artwork par Alexis Grasset instagram.com/alexis_grasset / kostar.fr

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Golden Promises de Alfa Nova → Artwork par Ben Saville instagram.com/bnsvl facebook.com/alfanovaband


đ&#x;‘€ IN THE MOOD — 16

TAPIS ■LES TAPIS DE STÉPHANE HOPPLER instagram.com/stephanehoppler

DISQUE â–

music on hold

Depuis quelques temps, l'illustrateur belge StĂŠphane Hoppler s'est pris de passion pour le ÂŤÂ punch needle  et nous en fait profiter sur Instagram. Il nous explique en quoi ça consiste sans jamais se prendre les pieds dans le tapis. Comment as-tu procĂŠdĂŠ pour rĂŠaliser ce tapis illustrĂŠÂ ? Pour faire ce tapis, j’ai utilisĂŠ la technique qui s’appelle ÂŤÂ punch needle , c’est une grosse aiguille creuse que le fil de laine traverse et qui permet de broder sur une toile assez ĂŠpaisse et tendue sur un cadre. C’est un processus très long mais très relaxant ! D’ailleurs, ce tapis ĂŠtant mon premier, j’ai pas mal utilisĂŠ des matĂŠriaux que je trouve Ă droite Ă gauche, le cadre pour tendre la toile n’est autre qu’un cadre photo, la toile de fabrication, je la trouve dans une petite boutique Ă cĂ´tĂŠ de chez moi (qui fait très bien l’affaire), et les laines que j’utilise proviennent majoritairement d’une chouette friperie Ă Bruxelles. Comment l’idĂŠe t’est venue ? Clairement grâce Ă CurrieGoat, un crĂŠateur de vĂŞtements qui publie sur sa chaĂŽne YouTube des tutoriels, dont plusieurs qui nous apprennent de A à  Z comment punch-needler, très pratique pour commencer sans faire d’erreurs et qui donne très envie d’essayer. Ă€ part ça, je crois que j’avais besoin de faire quelque chose que je n’avais jamais fait, qui me sorte un peu de ma zone de confort, surtout que mon rapport Ă l’illustration est très liĂŠ au monde numĂŠrique et je voulais m’en ĂŠloigner afin de faire des projets plus concrets, dans le sens oĂš Ă la fin, j’ai un objet entre les mains dont je suis fier. Le monde de la broderie ĂŠtait très ĂŠnigmatique Ă mes yeux, et je suis content de me surprendre Ă faire rentrer mon travail sous forme de tapisserie.

30 Minutes of de Music On Hold (Born Bad Records) → Artwork par Nebojťa BeŞanic musiconhold.bandcamp.com / instagram.com/ nbezanic

CALENDRIER 2021 â– Alan Fears / Faux Tableaux alanfears.com

Comment travailles-tu ton image quand tu sais qu’elle va se retrouver sur un tapis ? (couleur, forme, etc.) Je dirais que j’ai travaillĂŠ mon image comme Ă mon habitude, mais bien sĂťr, il faut prendre en compte les contraintes supplĂŠmentaires propres Ă la tapisserie, comme par exemple les couleurs limitĂŠes des pelotes de laine. DĂŠjĂ , comme en gravure, l’image est inversĂŠe cĂ´tĂŠ tapis, ensuite ce qui me donne du fil Ă retordre, c’est de penser en ĂŠpaisseur et non plus en trait comme dans un dessin normal. Mon image du cĂ´tĂŠ de la broderie (donc au final le dos du tapis) est ce qui se rapproche le plus de mon illustration de base, or, ce sont les petits bouts de laine de l’autre cĂ´tĂŠ qui comptent vraiment. Il vaut mieux les oublier et aller au plus simple. En ce qui concerne la forme de mon tapis, je ne voulais pas faire un tapis strictement carrĂŠ, mais jouer avec le hors-champ, comme une case de bande dessinĂŠe.

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Combien de temps ça t’a pris ? Je n’ai pas comptĂŠÂ ! Ce tapis, c’Êtait comme un bouquin que j’ouvre de temps en temps avant d’aller me coucher, ou avant d’aller travailler Ă mon job alimentaire. C’est clairement un passe-temps qui me permet de faire une pause, de me relaxer et de rĂŠflĂŠchir Ă des choses très importantes. Mais si je fais une estimation, je dirai que ça m’a pris 50 heures environ. D’ailleurs, une fois que je l’ai fini, j’Êtais un peu dÊçu de savoir que je ne pourrais plus me remettre dessus quand j’ai un moment de flottement. Est-ce que d’autres sont en route ? J’ai vraiment ĂŠtĂŠ piquĂŠ par la confection de tapis, j’y pense tout le temps, et oui, je suis en train de finir mon deuxième Ă l’instant, il est un peu diffĂŠrent, mais je continue d’apprendre et c’est très stimulant ! Une commande personnalisĂŠe est dĂŠjĂ en route pour un projet plus grand, et je peux vous dire que j’investis de plus en plus dans cette passion qui fera sĂťrement partie de mon travail artistique dans les prochaines annĂŠes.

PORTE BAGUES â–

Atelier Radar instagram.com/ atelierradar

REVUE ■Paysageur 04 → Artwork par Beya Rebaï instagram.com/beya_rebai / paysageur.com


17 — IN THE MOOD

DISQUE ■

Loubards Sensibles de Syndrome 81 → Artwork par Freak City instagram.com/freakcitybdx syndrome81.bandcamp.com

MYRIORAMA ■ Une Folle Journée de Anne-Hélène Dubray (ed. L'Agrume) annehelenedubray.fr / editionslagrume.fr DISQUE ■ Le tigre et la grue de Vitess → Artwork par Francis & Marcel instagram.com/francisetmarcel soundcloud.com/vitess1

AFFICHE ■ ANTWERP POSTER FESTIVAL https://apf.design

Le Antwerp Poster Festival fait office de référence dans le milieu et permet de révéler chaque année les designers graphiques les plus aguerris. Dennis Janssens & Tom Tiepermann, les boss de l’agence ssnn et fondateurs du festival ont répondu à quelques unes de nos questions. Comment l’idée de créer un festival consacré uniquement au poster vous estelle venue ? Nous avons été sélectionnés pour le concours de posters de Graphic Matters à Breda et nous avons vraiment aimé l’atmosphère du festival. Sur la route du retour, on a commencé à se dire que ce serait très fun d’organiser quelque chose comme ça à Anvers. Avant même d’avoir franchi notre porte, nous avions déjà décidé de lancer l’Antwerp Poster Festival !

Comment peut-on participer ? Le concours est gratuit et tout le monde peut participer (les étudiants, les amateurs, les professionnels...). Nous lançons un appel via notre site www.apf.design et nous le relayons sur notre page Instagram @antwerpposterfestival. Il suffit juste alors de remplir les informations et de télécharger votre/vos poster(s) ! Quel est le secret pour réaliser un poster parfait ? Trouver le juste dosage entre l’imagerie et la typographie, mais surtout, faire en sorte qu’il se démarque des autres ! Si vous êtes capables de faire un poster dans lequel les gens reconnaissent votre style et votre signature, alors vous êtes en bonne voie !

→ Les figures présentes sur ces pages ont été réalisées par l'Atelier Choque Le Goff. → choquelegoff.com

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Qui a gagné cette année et pourquoi ? Balmer Hahlen de Suisse, Aurane Loury et Clara Degay de France et Smile Initial Plus d’Allemagne. Chaque année, notre sélection est très variée et cette année, les trois ressortaient vraiment parmi tous les posters. C’était un dosage parfait entre composition, typographie et couleur.


jeu vidéo

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L’ÉCO LE D ES M ÉTIER S D U D ESSIN

> formation initiale - Un cursus en 5 ans pour se spécialiser en illustration multimédia, cinéma d’animation ou jeu vidéo - Un parcours en 3 ans pour se spécialiser en infographie 3D - En fin d’études, les étudiants accèdent à un job dating réunissant 60 entreprises de l’image

> cours du soir et stages - dessin académique - illustration - infographie et dessin 3D

Truite > Florent GOBET, étudiant de 5e année édition multimédia

> formation des professionnels Des formations de 70 heures, conventionnées par l’Afdas, pour développer ses compétences ou se reconvertir - le personnage en illustration jeunesse - la création de décors sous Photosphop - l’illustration vectorielle sous Illustrator - le character design : acting et posing - la mise en couleur en bande dessinée

1 rue Félix Rollet, Lyon 3e métro ligne D - Monplaisir Lumière tél. : 04 72 12 01 01 www.cohl.fr


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La rue s’oppose Ă l’espace domestique et devient un espace symbolique ; lĂ oĂš on se montre, oĂš on dĂŠfile, oĂš on paraĂŽt et se pare. Elle devient aussi lieu de revendication oĂš on se rassemble pour manifester, pour montrer son opposition ou son soutien.

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Nom de rue le plus rÊpandu en France : Rue de l’Église avec 7 965 occurrences, amen ! PersonnalitÊs qui ont le plus de rues à leur nom en France. Et le prix est attribuÊ à : 1 Le gÊnÊral de Gaulle

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MARIE CURIE 2 Prix Nobel, le refus de la LĂŠgion d’honneur et la une ironique de l’hebdomadaire ÂŤÂ Les hommes du jour Âť

Quand on prend de la hauteur, on observe le grand bal des trottoirs qui dessine le plan de nos villes. Quelques exemples :

2 Louis Pasteur

3903 RUES

3354 RUES

3 Victor Hugo

(dont 161 impasses, pas cool) 2555 RUES

LA RUE LA PLUS COURTE Ebenezer Place (Écosse) et ses 2,06m de long. C’est bien simple, cette rue n'a qu'une seule adresse ! LA RUE LA PLUS ÉTROITE la SpreuerhofstraĂ&#x;e Ă Reutlingen (Allemagne), seulement 31 cm de largeur par endroits. On notera ĂŠgalement la belle perf de la Rue de l’enfer aux Sables d’Olonne, avec ses 40 cm de large. LA RUE LA PLUS PENTUE Baldwin Street en Nouvelle-ZĂŠlande, 350 m de long et une pente de 35 % en moyenne. Un seul conseil : vĂŠrifier son frein Ă main. LA RUE LA PLUS LARGE 91,44 mètres pour l’Avenida 9 De Julio Ă Buenos Aires (Argentine). Il faut plusieurs minutes pour la traverser. LA PLUS LONGUE RUE l’Avenida de los Insurgentes Ă Mexico et ses 28,8 km de long. Un km Ă pieds, ça use, ça use ! 2015

LOUISE MICHEL Figure majeure de la Commune de Paris, DÊportÊe, Anarchiste, FÊministe

L’association Osez le fĂŠminisme lance l’opĂŠration FĂŠmicitĂŠ en rebaptisant les rues de Paris par des noms de femmes remarquables. L’opĂŠration veut attirer l’attention sur le fait que 97,4 % des rues portent des noms d’hommes dans la capitale. Aujourd’hui CAMILLE CLAUDEL Pied de nez de l’Histoire, il y a aujourd’hui en France plus de rues ÂŤÂ Camille Claudel  que de rues ÂŤÂ Auguste Rodin Âť

Les collectivitĂŠs, conscientes de cette inĂŠgalitĂŠ essaient de rĂŠtablir l’Êquilibre. C’est ainsi que sont nĂŠes Ă Paris en 2020 les rues, chemins ou jardins Nicole Fontaine, Marie-ThĂŠrèse Auffray, Marie de Roumanie, Martha Desrumaux et Françoise HĂŠritier.

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LE PLAN HIPPODAMIEN, avec ses rues rectilignes et ses croisements en ĂŠquerre. Un schĂŠma adoptĂŠ par les Grecs et les Romains‌ jusqu’aux big cities amĂŠricaines ou encore aux centres villes français reconstruits après-guerre, comme Le Havre.

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La rue c’est aussi un espace social ; lĂ oĂš l’on vit, qu’on soit très entourĂŠ (dans les villes) ou un peu moins (dans les campagnes), les commerces que l’on frĂŠquente, les rencontres que l’on fait. C’est un lieu de vie, de partage, de solidaritĂŠ mais aussi de mĂŠfiance et d’exclusion parfois.

Parmi les 200 personnalitĂŠs qui ont le plus donnĂŠ leur nom Ă des rues françaises, les femmes ne sont que 15. Focus sur trois d’entre elles.

LE PLAN RADIOCONCENTRIQUE, très IN au Moyen-Ă‚ge, avec une organisation des quartiers en cercles successifs. Les boulevards entourent la ville tandis que les avenues rayonnent du centre vers la pĂŠriphĂŠrie.

odonyme \ .d .nim\ masculin

(Cartographie, Toponymie) Nom propre dĂŠsignant une voie de communication.

TÉ

S M

LE VILLAGE-RUE, un classique de la France rurale, dans lequel toutes les constructions se succèdent de part et d’autre de la rue principale.

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SO

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TA RU

URBANISME La rue, c’est l’organisation et l’amĂŠnagement des espaces. Ce qu’on voit : la vie collective qui s’organise autour des voies de circulation rĂŠservĂŠes Ă chacun¡e et ce qu’on ne voit pas mais qui facilite bien la vie : les approvisionnements en eau, en ĂŠlectricitĂŠ, en gaz et en tĂŠlĂŠphonie et cette chose non nĂŠgligeable que l’on nomme les ĂŠgouts. Ces agencements Tetris donnent Ă la rue une forme.

19 — INTRODUCTION

N O


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Dans sa rue, on habite son studio, son appartement, sa maison. Le logement est le refuge du privĂŠ, le lieu de l’intimitĂŠ. Puis, peu Ă peu, on met le nez dehors, on s’approprie l’extĂŠrieur. Selon l’architecte Nadège Leroux, ÂŤ en plus de la demeure, on habite le quartier. Le quartier dĂŠfinit les rapports de voisinage, les trajets quotidiens, les rapports avec les commerçants, et la connaissance des lieux qui donne le sentiment d’être sur son propre territoire, mĂŞme s’il est partagĂŠ. Âť

À COTÉ DE LA PLAQUE (DE RUE)

Signalisation historique, politique ou cocasse

8 400 pharmacies

4 019 boulangeries

22 977 ĂŠpiceries

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LES COMMERCES LES PLUS FRÉQUENTS DANS

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Il y avait eu dans les annĂŠes 80 en Espagne une grande campagne de dĂŠboulonnage de monuments ou de plaques Ă l’effigie de Franco. Mais il aura fallu attendre 2017 pour que la mairie de Barcelone fasse dĂŠfinitivement retirer les derniers insignes portant le symbole de la dictature franquiste.

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INTRODUCTION — 20

ÂŤ Quand on arrive dans une ville, on voit des rues en perspective. Des suites de bâtiments vides de sens. Tout est inconnu, vierge. VoilĂ , plus tard on aura marchĂŠ dans ces rues, on aura ĂŠtĂŠ au bout des perspectives, on aura connu ces bâtiments, on aura vĂŠcu des histoires avec des gens. Quand on aura vĂŠcu dans cette ville, cette rue on l’aura prise dix, vingt, mille fois. Au bout d’un temps cela vous appartient parce qu’on y a vĂŠcu. Âť Auberge Espagnole – CĂŠdric Klapisch

RU

Source ↓ donnÊes INSEE 2019

Au Moyen-âge - notamment parce que beaucoup de personnes ne pouvaient pas lire - les rues avaient des noms fonctionnels, faciles Ă reconnaĂŽtre et repĂŠrer, c’est ainsi qu’il reste aujourd’hui nombre de rues de l’Êglise, de places du marchĂŠ et de rues des bouchers.

Florilège des noms de rues les plus cocasses Ă Â travers la France : rue des crottes Ă Marseille, rue du Chat qui pĂŞche Ă Paris, rue de la gerbe Ă Lyon, et le fameux chemin de Lanusse Ă Toulouse. La mĂŠdaille revient Ă la plus poĂŠtiquement mĂŠlancolique : ÂŤÂ l’impasse de l’avenir .

Selon une ĂŠtude de 2007 de l'ONU, plus de 2,5 milliards d'individus consomment quotidiennement de la cuisine de rue ou street food. En France, au Moyen-Ă‚ge, on mangeait dĂŠjĂ dans la rue. Depuis le dĂŠbut des annĂŠes 2010, on se rĂŠapproprie Ă vitesse grand V ce mode de consommation

Dis-moi ce que tu manges et je te dirai dans quelle rue du monde tu es !

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Rien n’Êchappe Ă l’internet alors il faut ĂŞtre honnĂŞte, rares sont les coquilles sur les panneaux de signalisation. Il y a tout de mĂŞme un petit plaisir farceur Ă en trouver une parfois. Comme Ă Auxerre oĂš Django Reinhardt est dĂŠcrit comme un cĂŠlèbre Chef d’orquestre. On a cherchĂŠ, aucun lien avec Morgoth ou Willy.

50 Food Trucks

700 Food Trucks

sur le territoire en 2013

sur le territoire en 2017

FAIT NOUVEAU

De la baraque Ă frites au camion gourmet, le food truck, comme la rue, se gentrifie.

un tacos

•

• ​Allemagne

un bubble tea

•

• ​Chine

une saucisse

•

• Mexique

une brochette de scorpions

•

• ​Espagne

un gâteau cheminÊe

•

• Taiwan

un churros

•

• RĂŠpublique Tchèque


đ&#x;‘€ ENSEMBLE POUR LE MEILLEUR La fĂŞte des voisins

ÂŤ Le voisinage est un lien par le lieu. , HĂŠlène L’Heuillet, philosophe et psychanalyste CONNAISSEZ-VOUS VRAIMENT VOS VOISINS ?

CrĂŠation en

1999

Selon l’expĂŠrience quotidienne (et une interview sĂŠrieuse d’HĂŠlène L’Heuillet) • le pire voisin est souvent celui d’en haut • avec celui d’en face, c’est compliquĂŠ, c’est le jeu du miroir, on se toise, on s’envie • on ignore le voisin d’en bas.

RÊseau social de voisinage pour certains, rÊseau de surveillance citoyen pour d’autres

Souvent, on appelle les voisins

250 000 voisins vigilants

12% des français avouent avoir dĂŠjĂ espionnĂŠ leurs voisins Selon l’institut de sondage Harris Interactive, en 2015 Pour la psychothĂŠrapeute Emma Scali, il y a une forme de normalitĂŠ : ÂŤ On aime comprendre comment les autres vivent pour mieux apprĂŠhender notre propre façon de vivre. Âť Mais pour tout espionnage intempestif, n’hĂŠsitez pas Ă appeler Julien Courbet pour connaĂŽtre vos droits.

ajout du mot  solidaires  en 2017 100 euros le panneau 3 RÉFÉRENCES POUR APPRENDRE À VOUS CONNAÎTRE ts cre F1 s se isins T t i t Pe e vo r ent

FenĂŞtre sur cour Alfred Hitchcock

Si la rue est à nous, la rue n’est aussi à personne. Ce qui vaut à l’asphalte quelques dÊconvenues quotidiennes‌

Heureusement, il y a une solution : la motocrotte, mise en place par Chirac en 1982.

50 pays

ET POUR LE PIRE

BONUS VERBATIM gentils, les  voisins d’à côtÊ .

VOISIN VOYEUR

30

millions de participants (en 2019)

21 — INTRODUCTION

LES VOISINS

Prendre soin de l’espace public, c’est un mĂŠtier : cantonnier¡e, ĂŠboueur¡se, ripeur¡se, jardinier¡e, ĂŠlagueur¡se, paysagiste, ĂŠgoutier¡re, balayeur¡se‌

Les chemins de la philosoph ie ÂŤÂ Voisinage Âť France Cu lture

Les voisins, ce sont TOUS les gens qui vivent Ă cĂ´tĂŠ de nous. Ne les oublions pas. Liste non exhaustive d’associations qui luttent contre l’exclusion : Croix-Rouge, Restos du CĹ“ur, Samu Social, ActionFroid, l’Entourage, les Frigos solidaires ...

il y a dĂŠsormais plus de plastique que d’animaux sur notre planète ! (humains compris)

8

4

gigatonnes d’animaux

1 100

gigatonnes de bâtiments

900

gigatonnes d’arbres

QUI DOIT S’ENGAGER LE PREMIER OU LA PREMIĂˆRE ? Le piĂŠton - le code de la route

A donne toujours la prioritĂŠ aux

La trottinette - membre du club

B des EDPM (Engin de DĂŠplacement

piÊtons car il les considère comme les plus fragiles. Assez ironique puisque ce dernier se croit souvent le premier moutardier du pape.

C Vive le petit panier pique-nique ! Et les dĂŠchets dans les poubelles appropriĂŠes !

Le vĂŠlo - il a la cĂ´te : mobilitĂŠ douce et ĂŠcologique, il ne se gĂŞne pas pour griller quelques feux et STOP. Sa hype lui fait penser que tout le monde lui doit la prioritĂŠ.

Personnel MotorisĂŠ), les autres vĂŠhicules ne la prennent pas au sĂŠrieux en raison de sa rĂŠcente arrivĂŠe.

D

La voiture - un argument fort en sa faveur : le klaxon le plus puissant.

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

gigatonnes de plastique


đ&#x;‘€ INTRODUCTION — 22

WA L K OF AM E F

La rue accouche d’artistes

Au sens propre avec Edith Piaf, nÊe sur une marche à Belleville, à Paris.

DE PARLER DE LA RUE PARLER DE RAP. Ă€ l’origine furent les Block parties. Dans les annĂŠes 70, ces fĂŞtes de quartier ont vu leur popularitĂŠ augmenter, en particulier dans les ghettos noirs et latinos de New York ; elles sont le berceau de la culture hip-hop et de son expression dans la musique rap. DĂŠjĂ une histoire de rues et de voisins. 1973 organisation de la “premièreâ€? Bloc Party par le DJ jamaĂŻcain Kool Herc Sugar Hill Gang

Puis le rap est arrivÊ en France dans les annÊes 80, importÊ notamment par Dee Nasty. Une musique produite de manière indÊpendante dans les banlieues pauvres parisiennes et marseillaises, avant de connaÎtre son essor public dans les annÊes 90.

NTM

Afrika Bambaataa

Ministère A.M.E.R. Assassin

Kurtis Blow En jouant le rĂ´le de d comme p our GĂŠrar euxième maison, d Depard du minus ieu, qui s’ cule deux extirpa pièces fa Châteauro milial de ux ‌ lui p rĂŠfĂŠrant entre pet l’Êcole de ite contre la rue, bande et autres la rcins.

Lunatic

Eric B. & Rakim

Grandmaster Flash & The Furious Five Public Enemy

s, Ă l’image nĂŠes noire n crin des an ue pour so nn co , En ĂŠtant l’Ê ro ie Corine Mas nnut co i qu et , de l’actrice au ri. taine Marle e de sans ab rĂ´le de Capi tion et la vi la prostitu e, gu ro  d la

Les sages poètes de la rue

Run DMC

Wu-Tang Clan

Grâce au rap, un nouveau vocabulaire moderne et quotidien, issu de la rue, s’est valorisĂŠ. Ces dernières annĂŠes, on note les entrĂŠes fracassantes de ÂŤ Mamène Âť, ÂŤ R Âť, ÂŤÂ Faire du sale Âť ou encore ÂŤÂ La Moula Âť.

113 IAM

Doc Gyneco

Autre facette de la culture hip-hop, le graffiti, qui, tel qu’on le connait dans son expression contemporaine, est profondĂŠment urbain. Sur fond d’un ultime dĂŠbat entre vandalisme et street art, le graffiti a fait son entrĂŠe dans les musĂŠes français en 1992 avec une exposition rĂŠtrospective au palais Chaillot. Reste que selon Banga, artiste de la première gĂŠnĂŠration, ÂŤ le graffiti est nĂŠ dans la rue, et il restera toujours dans la rue ‌ mĂŞme s’il faut reconnaitre, selon le principal intĂŠressĂŠ, qu’Instagram aide.

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

BALADE PICTURALE BALADE PICTURALE BALADE PICTURALE BALADE PIC Ă€ la charnière du 19/20ème siècle, les peintres dĂŠlaissent le genre Paysage dans sa version naturelle, au profit du Paysage urbain et de la reprĂŠsentation de la rue, support idĂŠal de leurs expĂŠrimentations plastiques. Mais en une cinquantaine d’annĂŠes leur apprĂŠhension de la rue change radicalement. Idyllique chez les Impressionnistes, elle devient inquiĂŠtante, dangereuse, pour les reprĂŠsentants de la Neue Sachlichkeit. Claude Monet, Boulevard des Capucines, 1873, Huile sur toile, 60 x 80 cm, MusĂŠe Pouchkine, Moscou.

Umberto Boccioni, 1911, La rue entre dans la maison, Huile sur toile, 100 x 100 cm, Sprengel Museum, Hanovre.


đ&#x;‘€ U

L’une des raisons du succès et de la longĂŠvitĂŠ de Plus belle la vie (PBLV pour les initiÊ¡e¡s), c’est l’ancrage territorial de la sĂŠrie dans la ville de Marseille - le soap Coronation street en est d’ailleurs une influence directe. MĂŞme si la plupart des scènes sont tournĂŠes dans les studios de la Belle de Mai, il est très frĂŠquent de croiser les ĂŠquipes de tournage dans les rues du Panier, au Vieux Port ou dans le Parc de BorĂŠly. Si bien que de nombreux sites de fans partagent les zones stratĂŠgiques oĂš se poster pour apercevoir une tĂŞte de star.

Cap de faire mentir Jean-Pierre Raffarin qui dĂŠclara en 2003 que ÂŤ la rue ne gouverne pas Âť, retour sur des rassemblements qui ont changĂŠ le cours de l’Histoire. 1229 - PARIS En 1229, ĂŠclatent Ă Paris des ĂŠchauffourĂŠes qui embrasent le quartier Latin durant quelques jours. La raison ? Une supposĂŠe augmentation du prix du vin. Les ĂŠtudiants sont fortement rĂŠprimĂŠs par la Police de l’Êpoque - 300 d’entre eux seront jetĂŠs dans la Seine. Pour montrer leur soutien aux ĂŠtudiants, les professeurs se mettent en grève et rĂŠclament de nouvelles mesures comme l’autonomie dans la gestion des affaires de l’UniversitĂŠ. Face au refus de la RĂŠgente, les professeurs vont s’exiler dans les universitĂŠs concurrentes d’Oxford et de Bologne. Il faut attendre l’intervention du Pape GrĂŠgoire IX qui accorde en 1231 le droit de grève aux professeurs. Cela bouleverse les relations entre pouvoir royal et UniversitĂŠ et permet Ă cette dernière de lever des censures comme l’Êtude de certains textes interdits par l’Eglise catholique.

1930 - LA MARCHE DU SEL En 1930, le parti politique de Gandhi n’est plus tout Ă fait convaincu par les mĂŠthodes non violentes du Mahatma, il envisage de dĂŠclencher une guerre en faveur de l’IndĂŠpendance. C’est dans ce contexte que Gandhi quitte son Ashram pour un pĂŠriple Ă pieds de plusieurs semaines. Lorsqu’il atteint l’OcĂŠan Indien il recueille dans ses mains un peu

L ES

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de sel dont la rÊcolte est interdite aux Indiens. Il invite tous ses compatriotes à faire de même. Des foules de plusieurs milliers de sympathisants recueillent alors de l’eau salÊe dans des rÊcipients. 60 000 personnes sont mises en prison pour avoir violÊ le monopole d’Etat. Au bout de neuf mois, le vice-roi dÊbordÊ dÊcide de libÊrer tous les prisonniers - marquant alors une Êtape dÊcisive dans la conquête de l’IndÊpendance.

C’est peu dire que la sÊrie The Wire nous fait arpenter Baltimore. Peu de grandes villes amÊricaines ont ÊtÊ aussi profondÊment dÊpeintes par la fiction. Que ce soit au 242 W. 29th Street oÚ se trouve la Police, sur un canapÊ posÊ dehors dans les quartiers pauvres du West Baltimore, ou sur des cartes Êlectorales, les rues sont abordÊes dans toute leur complexitÊ, dans leur entrelacement qui relie et sÊpare les quartiers. Le tournage a d’ailleurs intÊgralement eu lieu dans la ville. Le revers de la mÊdaille ? L’organisation des Wire tour - ou ghetto tour, rÊsultat d’une triste fascination pour le crime et la pauvretÊ.

DE 1987 à 1991 LA VICTOIRE DE LA RÉVOLUTION CHANTANTE

Sherlock Holmes est Ă Londres ce que Lulu est Ă Charlie : ĂŠlĂŠmentaire. La sĂŠrie Sherlock en rend compte de scènes en scènes. Si l’œuvre originale s’inspire en partie de lieux rĂŠels : Baker Street, The Criterion, Le St-Bartholomew’s Hospital. La fiction a aujourd’hui pris corps dans les rues de la capitale britannique. Ainsi au 221 Bis Baker Street, on trouve dĂŠsormais le Sherlock Holmes Museum et le pub Sherlock Holmes de Trafalgar Square abrite de nombreuses expositions consacrĂŠes au dĂŠtective.

Lors de cette rĂŠvolution, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie - sous domination soviĂŠtique - vont lancer une sĂŠrie d’actions non violentes pour conquĂŠrir leur indĂŠpendance. Les manifestants chantaient notamment des hymnes patriotiques en guise de protestation - ce qui donna son nom au rassemblement. C’est cependant la Voie Balte qui marque leur victoire dĂŠcisive. Le 23 aoĂťt 1989, deux millions de personnes se tiennent la main pour former une frontière symbolique face Ă l’URSS. Cette chaĂŽne humaine qui commence Ă Vilnius, traverse Riga et finit Ă Tallinn est longue de 560 km. La mĂŠdiatisation de l’ÊvĂŠnement fut retentissante et permit de donner l’impulsion dĂŠcisive au rĂŠtablissement de l’indĂŠpendance nationale dans ces trois pays.

SPECTACLES DE RUE SPECTACLES DE RUE SPECTACLES DE RUE SPECTACLES DE RUE SPECTACLES DE RUE

CTURALE BALADE PICTURALE BALADE PICTURALE

PICTURALE

George Grosz, Metropolis, 1916-17, Huile sur toile, 100 x 102 cm, MusĂŠe Thyssen, Madrid

Qu’on se le dise, les spectacles de rues sont donnÊs dans le monde depuis l’AntiquitÊ. À notre Êpoque (et sans Covid rodant autour), il y en a encore pour tous les goÝts : Musicien

Sculpteur de ballons

Clown sur ĂŠchasses

Cracheur de feu

Acrobate

Danseur

Homme statue

Femme statue

Magicien

Jongleur

Joueur de bulles

Marionnettiste

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

BALADE

Giorgio De Chirico, Gare Montparnasse (La mĂŠlancolie du dĂŠpart), 1914, Huile sur toile, 140 x 184 cm, Moma, New York.

23 — INTRODUCTION

E

DE

→ Textes : MC Alban & A. Hassler → Mise en page : A. Bruguière


đ&#x;‘€ INVITATION — 24

Dans ma case rue

KIBLIND Magazine → 74 → Dasn Dans ma rue

FrÊdÊric Hojlo, enseignant et rÊdacteuren-chef adjoint du site Actua BD section  bande dessinÊe alternative , prÊpare un ouvrage aux Editions Flblb sur les Êditeurs alternatifs des annÊes 2000 à 2020. Il nous livre ici son regard sur le rapport entre la rue et la bande dessinÊe en s'immergeant dans quatre ouvrages qui sentent bon le bitume.


đ&#x;‘€ 25 — INVITATION KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Comme au cinĂŠma ou dans la vie, la rue dans la bande dessinĂŠe est un dĂŠcor, un lieu de passage, parfois de rencontre, plus rarement de vie. Du Yellowkid de Richard Felton Outcault Ă la fin du XIXe siècle aux livres de Gilles Rochier dont les personnages ĂŠcument les rues des banlieues françaises, la rue est le biais idĂŠal pour reprĂŠsenter la ville et ses habitants. Support de running gags comme dans Quick et Flupke d’HergĂŠ, de duels dans le Lucky Luke de Morris ou de courses-poursuites dans le Spirou de Franquin, elle est souvent prĂŠsente, cadre minimaliste et rĂŠaliste peu valorisĂŠ. Elle est l’espace impensĂŠ, incontournable mais nĂŠgligĂŠ. On y rejoue – redessine – Ă l’infini le gag de la peau de banane ou celui de la plaque d’Êgout ouverte. Il est rarissime qu’elle fasse sujet, sinon par Ă -coups, brièvement, presque par hasard. Restent donc des instantanĂŠs, dessins, cases et planches inscrits de façon indĂŠlĂŠbile dans les mĂŠninges des lecteurs. Dans ma rue, dont l’atmosphère dĂŠgage une odeur de poussière, de sueur un peu âcre et de marijuana, tout le monde a les cheveux longs. Les hommes comme les femmes. Grasse ou frisĂŠe, habillĂŠe de quelques fleurs ou coiffĂŠe d’une plume, la chevelure semble ĂŞtre l’atour majeur de la tribu hippie qui dĂŠambule, fume, chante et se marre. Vaguement crades, les pieds nus ou en sandales, hĂŠbĂŠtĂŠs voire complètement camĂŠs pour certains, ils s’appuient aux façades de bois ou s’agrippent aux rĂŠverbères. La plupart d’entre eux ne prĂŞtent aucune attention au landau rangĂŠ au bord du trottoir, ni au grand sec, veste de travers et pantalon trop court, qui en sort quelques magazines. CachĂŠ derrière ses grosses lunettes, il tente de faire valoir son travail. Nous sommes en 1968 Ă San Francisco, au coin de Haight Street et Ashbury Street, Ă deux pas du free store des Diggers, et Robert Crumb vend le tout premier numĂŠro de son Zap Comix. Personne ne peut deviner que la revue va connaĂŽtre seize numĂŠros et tenir, malgrĂŠ une parution ĂŠpisodique, jusqu’au dĂŠbut du XXIe siècle. La culture underground franchit une ĂŠtape et s’apprĂŞte Ă rĂŠvolutionner la bande dessinĂŠe. De ma fenĂŞtre, je ne peux pas voir tout ce qui se passe dans ma rue. Suffisamment quand mĂŞme pour me distraire quelques instants : un croisement, deux immeubles dont les angles semblent coupants et les façades cadenassĂŠes, la devanture d’une boutique, deux lampes de rue. Selon l’heure du jour, les ombres modifient ce paysage. En face, la rue perpendiculaire disparaĂŽt dans l’obscuritĂŠ, comme si le monde s’arrĂŞtait lĂ . Les fenĂŞtres des immeubles sont tout aussi noires, pierres tombales verticales. Des vies pourtant doivent s’agiter lĂ -bas, comme en bas. Ă€ l’instant, je compte trois auto-


đ&#x;‘€ INVITATION — 26 KIBLIND Magazine → 74 → Dasn Dans ma rue

mobiles dont un taxi, quinze piĂŠtons dont un enfant et un vieil homme qui peine Ă se dĂŠplacer, un cycliste qui reprend son engin et un homme en chaise roulante. Tout en haut de l’immeuble le plus proche, sur la corniche qui surplombe le carrefour, une tache de couleur accroche mon regard. Le temps de battre des paupières, et tout cela a bougĂŠ. Une automobile a filĂŠ, deux piĂŠtons ont dĂŠjĂ disparu, un larron s’empare de la bicyclette. Tous les autres se sont figĂŠs. StoppĂŠs net dans leur marche, ils tournent la tĂŞte dans la mĂŞme direction. Au milieu du carrefour, la tache de couleurs s’Êtale Ă mĂŞme l’asphalte. Bleu, rouge et jaune : l’homme qui s’est jetĂŠ du haut de l’immeuble est habillĂŠ en Superman. Je m’appelle Jimmy Corrigan, je suis the smartest kid on earth, et je tressaille. Je rentrais chez moi après une journĂŠe passĂŠe Ă la bibliothèque universitaire et, en arrivant dans ma rue, peut-ĂŞtre la plus triste de Columbus, Ohio, je suis tombĂŠ sur le mĂŞme gars que l’autre jour, dans le bar deux pâtĂŠs de maisons plus loin. Il cadrait parfaitement avec le dĂŠcor – dans le bar comme dans la rue. Le troquet miteux oĂš je m’Êtais rĂŠfugiĂŠ pour ĂŠviter la pluie sentait l’alcool et le moisi. Impossible de dire si cette odeur doucereuse et un peu ĂŠcĹ“urante venait des trois clients avachis sur le comptoir ou du douteux sol vert olive qui semblait ne pas avoir rencontrĂŠ de serpillière depuis un lustre. Le gars ĂŠtait perdu dans ses pensĂŠes, une bouteille de bière Ă moitiĂŠ vide posĂŠe devant lui. La pluie s’Êtait calmĂŠe rapidement et j’avais avalĂŠ mon expresso avant que l’un des autres clients ne remarque ma prĂŠsence. Cette fois, le plein air dissipant les vapeurs d’alcool, je n’ai pas pu ĂŠchapper au regard du gars. LĂ aussi, il paraissait implantĂŠ depuis toujours. Sa veste ĂŠlimĂŠe, rapiĂŠcĂŠe aux coudes et tachĂŠe au revers, aurait pu sortir de la poubelle du coin de la rue. Elle ĂŠtait de la mĂŞme couleur que le rare mobilier urbain, entre le gris sale et le vert d’eau. Son pantalon trop large et ses gros godillots prolongeaient sans dĂŠpareiller les dalles branlantes et inĂŠgales du trottoir. Sans prendre garde au trafic automobile ni aux nĂŠons des quelques boutiques de la rue voisine, il trimballait sous son bras une boĂŽte, qu’il tenait calĂŠe contre sa hanche. Il avait l’air de s’en foutre, comme du reste. Quelques morceaux de ruban adhĂŠsif et une somme, cinq dollars, distinguaient son carton. Le prix, inscrit au feutre noir, attirait l’œil. C’est sans doute Ă cause de ça qu’il me vit. Inutile d’essayer


đ&#x;‘€ KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Visuels dans l'ordre d'apparition : Robert Crumb, 1992. Ingrale Zap Comix, Stara Comix, 2020. Jimmy Corrigan, Chris Ware, Delcourt, 2002 (intĂŠrieur). Jimmy Corrigan, Chris Ware, Delcourt, 2002 (couverture). Fante Bukoswki, un poète amĂŠricain, Noah Van Sciver, L'employĂŠ du Moi, 2017 (intĂŠrieur). Fante Bukoswki, un poète amĂŠricain, Noah Van Sciver, L'employĂŠ du Moi, 2017 (couverture). Megg, Mogg & Owl ‌ Amsterdam, Simon Hanselmann, Misma, 2016 (intĂŠrieur). Long Story Short, Simon Hanselmann, Misma, 2020 (couverture).

27 — INVITATION

d’Êchapper Ă son laĂŻus. Je lui ai donnĂŠ les cinq dollars qu’il demandait – une somme que j’avais heureusement en poche ce jour-là – pour ĂŠloigner le plus rapidement possible son haleine chargĂŠe. La publication qu’il me donna en ĂŠchange ĂŠtait mal imprimĂŠe, mal reliĂŠe, sans attrait. C’Êtait, selon lui, un recueil de ses poèmes. C’Êtait signĂŠ Fante Bukowski. Rien que ça ! On a beau habiter dans une banlieue anonyme d’une ville miteuse d’un comtĂŠ quelconque de n’importe quel État de la soi-disant première puissance mondiale, on ne s’habitue pas Ă tout. Il y a ainsi une maison – elles sont toutes semblables dans ma rue – qui m’intrigue et m’effraie. Petite, grise, sans ornement, elle est un miroir de sa voisine. De loin en tout cas. En s’approchant, ce qui demande un certain courage, quelques dĂŠtails la rendent troublante. Ce ne sont pas les touffes d’herbe qui ĂŠmergent du trottoir ni la palissade de bois qui la cache en partie : on peut voir la mĂŞme chose sur des centaines de mètres, sans doute sur des kilomètres. Il faut oser jeter un Ĺ“il au-delĂ . Apparaissent alors des vitres sales, en certains endroits tachĂŠes. Et derrière, un tableau Ă faire frĂŠmir le plus endurci des ripeurs. Le salon est ĂŠtroit, Ă peine meublĂŠ – un canapĂŠ deux places, une table basse, un poste de tĂŠlĂŠvision – et dĂŠpourvu de la moindre fantaisie. Mais si l’on ose s’arrĂŞter, on peut apercevoir des monceaux d’immondices pas tous identifiables, des cadavres de bouteilles de bière par dizaines, un seau au contenu grisâtre et, sur la table, une pipe Ă herbe dont la fabrication ne peut qu’être artisanale. Le mur derrière le canapĂŠ est trouĂŠ et une simple ampoule pend au plafond. On se demande comment trois ĂŞtres peuvent vivre au milieu de tout ça. Car ils sont trois, je les ai croisĂŠs une fois, et je n’ai pas demandĂŠ mon reste. Non pas qu’ils soient agressifs ou menaçants, mais leur air hagard, leur ĂŠtat d’hĂŠbĂŠtude, leurs yeux immenses, rouges et vitreux et la fade odeur de cannabis qui les environnait ne m’ont inspirĂŠ aucune confiance. Mauvais rĂŠflexe : j’ai failli changer de trottoir. Ce que je n’ai pas fait. J’ai alors pu entendre la sorcière dire au chat : ÂŤÂ Mogg, il te reste combien ? , lequel lui a rĂŠpondu : ÂŤÂ Cinq dollars, Megg, en comptant les trois que j’ai pris Ă Owl. . Le hibou qui les suivait haussa les ĂŠpaules. J’espère ne plus les recroiser.


EN COUVERTURE — 28

Thibaud Hérem

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Bunjae, encre de chine et aquarelle, 2020.

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Miami beach hut, encre de chine et aquarelle, 2019.

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Thibaud HĂŠrem a longtemps arpentĂŠ les rues de Londres avant de revenir Ă son Niort natal pour mieux parcourir la planète. Car c’est au milieu des façades d’immeubles du monde entier que ce grand voyageur puise son inspiration. Stakhanoviste du dessin, il passe entre 200 et 600 heures pour rĂŠaliser une illustration ; amoureux  d’architecture et de construction, il aime avant tout transmettre des ĂŠmotions par la finesse et la vibration de son crayon. RemarquĂŠ par son incroyable interprĂŠtation du Grand Budapest Hotel, ce portraitiste en bâtiment se nourrit de l’histoire de nos rues pour subtilement donner vie Ă ces ĂŞtres de briques et de ciment. On en a profitĂŠ pour lui demander de dessiner la nĂ´tre. 29 — EN COUVERTURE

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Soho house, dean street, encre de chine et aquarelle, 2018.


Tout a vraiment commencĂŠ lĂ -bas. Il y a quelque chose qui se passe au niveau de l’architecture londonienne, qui est vraiment très singulière. Il y a vraiment une certaine forme d’individualitĂŠ des maisons, des constructions, pas forcĂŠment de cohĂŠrence d’une façade Ă l’autre. Et c’est lĂ oĂš je me suis dit que je pouvais vraiment rĂŠaliser des ÂŤÂ portraits d’architecture  avec tout ce que cela peut vouloir dire : essayer de crĂŠer de la narration Ă partir d’une image figĂŠe. Ă€ Londres, chaque bâtiment a sa propre

Et c’est dans les rues de Londres que tout s’est accÊlÊrÊ ?

Un peu pour des questions d’opportunitĂŠ en rĂŠalitĂŠ et un peu par hasard aussi. L’intĂŠrĂŞt pour l’architecture est venu au fur et Ă mesure de ma pratique. Je cherchais Ă faire des dessins très dĂŠtaillĂŠs et justement Ă m’Êchapper un peu des dessins ÂŤÂ obligatoires . L’architecture ĂŠtait intĂŠressante pour moi car elle questionnait la pratique du dessin en lui-mĂŞme. Toutes ces contraintes techniques, cet aspect dĂŠtaillĂŠ m’a beaucoup plu, y compris pour ce cĂ´tĂŠ laborieux que j’affectionne particulièrement. Et puis, finalement dans un second temps, je me suis passionnĂŠ pour le sujet lui-mĂŞme, l’architecture.

Comment t'es-tu intĂŠressĂŠ Ă l’architecture en particulier ?

Ă€ l’origine, je n’avais pas de pratique vraiment dĂŠfinie, je dessinais mais je me posais pas mal de questions sur la direction oĂš aller, pourquoi je dessinais, etc. Je ne voulais pas entrer dans l’univers du comics ou de la bande dessinĂŠe Ă proprement parler. Je me suis dirigĂŠ vers l’illustration Ă l’anglaise, avec un style qu’on qualifierait de plus ÂŤÂ classique . Et puis c’est par des rencontres et par mes voyages que les choses ont ĂŠvoluĂŠ. Quand je suis arrivĂŠ Ă Londres en 2006. J’avais un book personnel très ĂŠtoffĂŠ mais un book professionnel quasiment vide. Et j’ai vu une petite annonce de dessin d’architecture Ă la main et je me suis dit, ça, c’est fait pour moi ! C’Êtait mon tout premier dessin d’architecture et ça a conditionnĂŠ toute la suite‌

Pourquoi les dessins de façades ?

Je viens du graffiti Ă l’origine donc la rue a toujours eu une vraie importance dans mon travail. J’ai grandi Ă Niort et je me suis pas mal entraĂŽnĂŠ, lors de quelques escapades, Ă peindre des fonds, rĂŠaliser des fresques avec des paysages urbains, la classique skyline qu’on voit souvent en graffiti. DĂŠjĂ des bâtiments en rĂŠalitÊ‌ Dans une petite ville comme ça, Ă l’Êpoque, le graffiti ĂŠtait parfois le meilleur moyen de rencontrer le milieu de l’art. Et ça m’a aussi permis de faire la connaissance de graphistes, d’illustrateurs qui faisaient ça Ă cĂ´tĂŠ de leur pratique quotidienne. Ce mouvement a ĂŠtĂŠ très important pour l’Êpoque. Et puis, plus tard, il y a eu les rues de Londres‌

Comment la rue t’a-t-elle influencÊ ?

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

EN COUVERTURE — 30

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Against The Machine, encre de chine et aquarelle, 2019.


KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Nouveau Redwood, encre de chine et aquarelle, 2020.

Bonsai 1, encre de chine et aquarelle, 2020.

" Et c’est lĂ oĂš je me suis dit que je pouvais vraiment rĂŠaliser des ÂŤÂ portraits d’architecture  avec tout ce que cela peut vouloir dire : essayer de crĂŠer de la narration Ă partir d’une image figĂŠe. "

J’ai une formation assez atypique peut-ĂŞtre‌ J’ai commencĂŠ par un bac scientifique que j’ai eu pĂŠniblement. Après j’ai fait une mise Ă niveau en arts appliquĂŠs parce que je ne voulais pas rentrer directement en BTS avec mon bac et j’ai enchaĂŽnĂŠ avec un BTS en communication visuelle, trois ans Ă Quimper. J’ai ĂŠtĂŠ diplĂ´mĂŠ en 2005. Et je suis parti Ă Londres ensuite.

Quel est ton parcours ?

Oui, tout Ă fait ! Dans l’Êlaboration du dessin, je fonctionne aussi par ĂŠtapes successives. Ce sont plusieurs strates qui permettent progressivement de dessiner, de construire le bâtiment. La filiation existe, y compris dans mon rapport Ă la temporalitĂŠ. Pour un bâtiment normal, je mets entre 200 et 600 heures donc j’ai le temps de rentrer vraiment dans son histoire. Pendant ce laps de temps, je m’imagine tout un tas de choses‌ Je m’imagine les tailleurs de pierre, les charpentiers, les architectes, l’ambiance sociale ĂŠgalement. L’histoire m’intĂŠresse beaucoup, le contexte de construction est fondamental car il explique souvent beaucoup de choses sur le pourquoi et le comment de tel ou tel bâti. Pour moi, peu importe l’Êpoque, peu importe le contexte, de toute façon, en y regardant de plus près, je vais toujours trouver quelque chose Ă quoi me raccrocher.

Est-ce qu’on peut faire un parallèle entre les ĂŠtapes de la rĂŠalisation de ton dessin et les ĂŠtapes de la construction d’un bâtiment ?

Non, je suis de retour dans ma ville natale, Ă Niort. En rĂŠalitĂŠ, je passe le plus clair de mon temps Ă l’Êtranger, sauf cette annĂŠe bien entendu‌ Je voyage beaucoup au grĂŠ des commandes. Grâce Ă ma pratique, j’ai la chance d’avoir accès Ă plein de choses dans plein de pays diffĂŠrents. Que ce soit dans un tout petit village au fin fond de Chypre, ou en plein centre de Tokyo, je trouve toujours un espace d’Êmerveillement, en lien avec l’architecture ou la nature aussi d’ailleurs. Mais il y a encore plein d’endroits que je rĂŞve de dĂŠcouvrir. Je suis quand mĂŞme limitĂŠ par le temps car je fais entre cinq et dix grands dessins par an‌ Je ne suis pas trop dans le quantitatif du coup‌

Tu vis toujours là -bas ?

personnalitĂŠ. Dans mon imagination, j’essaie donc de personnifier chaque immeuble en jouant sur son histoire, ses ĂŠtapes de construction et tout ce qui s’est passĂŠ Ă travers les ĂŠtapes de sa rĂŠalisation. Je fais ĂŠgalement beaucoup de recherches et de rencontres avec des spĂŠcialistes de l’architecture, de l’histoire locale, afin de m’imprĂŠgner au mieux de ces bâtiments.

31 — EN COUVERTURE

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Liberty London, encre de chine et aquarelle, 2011.

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Grand Budapest Hotel, encre de chine et aquarelle, 2016.

→ Interview : J. Martinez → thibaudherem.com

Pas mal de choses mĂŞme si c’est jamais facile de parler de travaux en cours. En tout cas, une collaboration avec Conran Shop – une ligne de magasins – en CorĂŠe. Un travail pour le studio Tomboy. Et puis plein de choses très diffĂŠrentes en rĂŠalitĂŠ. LĂ je vais travailler sur une ligne de vĂŞtements par exemple. J’essaie aussi de travailler sur un livre mais avec ma pratique du dessin c’est un peu compliquĂŠ en termes de temps. Je fais des pauses entre les livres parce qu’il me faut pas mal de temps pour en rĂŠaliser un‌ Je fais pas mal de commandes commerciales ou privĂŠes en parallèle. Je fais aussi des expositions oĂš je produis pas mal de choses personnelles que je montre dans plusieurs galeries.

Et pour l’annĂŠe Ă venir, sur quoi travailles-tu ?

Ça change un peu chaque jour Ă vrai dire, au grĂŠ de mon humeur ! Mais les moments clĂŠs, je dirais Liberty, mon premier dessin personnel sans commande et qui a ĂŠtĂŠ mon premier portrait d’architecture rĂŠellement. Ça a ĂŠtĂŠ un tournant fort, dans ma pratique aussi, parce que ça m’a permis de comprendre et de montrer ce que je voulais faire. Et ça a dĂŠclenchĂŠ pas mal de choses par la suite. C’est vraiment un symbole très important. Par la suite, dans une tout autre ambiance, il y a eu Le Grand Budapest Hotel qui est devenu iconique dans ma pratique et qui a reprĂŠsentĂŠ quelque chose de très personnel et important pour moi et qui a aussi entraĂŽnĂŠ tout un tas de choses sympathiques par la suite. Enfin, une exposition Ă la Albus Galerie Ă SĂŠoul il y a deux ans oĂš ils m’ont donnĂŠ quatre ĂŠtages pour montrer ma pratique et mon travail et ça a rencontrĂŠ un succès hallucinant auquel franchement, je ne m’attendais pas. Encore aujourd’hui on m’en parle. Depuis, ils sont devenus ma galerie officielle et on prĂŠpare d’ailleurs une nouvelle exposition. C’est en grande partie cette exposition qui a façonnĂŠ ma pratique professionnelle actuelle.

Quels seraient les projets qui ont le plus comptÊ pour toi ?

Toujours les grands classiques : SempĂŠ, Osamu Tezuka, Christophe Blain, et plein d’autres‌ Et puis les amis Jean Jullien et Yann Lebec ĂŠvidemment‌ C’est vrai que les copains sont d’une inspiration quotidienne absolue, une source de motivation gĂŠniale. Après j’aime bien aussi trouver des ĂŠlĂŠments d’inspiration chez des personnes qui ne sont pas des artistes, des gens qui accordent beaucoup d’importance au travail, en particulier dans le monde de l’artisanat oĂš le savoir-faire technique est primordial. C’est quelque chose que je retrouve dans mon travail et dans lequel je me complais aussi parfois : un grand nombre d’heures passĂŠes Ă retravailler des dĂŠtails pour tenter de faire passer une ĂŠmotion particulière. C’est vrai que plus la masse de travail, de dessin, est importante, en fonction de la commande ĂŠvidemment, et plus j’ai tendance Ă ĂŞtre enthousiasmĂŠ. Pour revenir Ă Jean (Jullien), qui, lui a un travail au trait beaucoup plus spontanĂŠ, on partage pourtant, et ça peut paraĂŽtre ĂŠtrange, une vision similaire du dessin, justement dans cette volontĂŠ de faire passer une ĂŠmotion par le trait. Et puis un dessin simple est souvent très compliquĂŠ Ă faire car il faut trouver la synthèse absolue pour faire passer son sentiment. Moi, c’est vrai que je peux me cacher derrière des dĂŠtails, derrière mes heures de travail. Les gens vont d’abord s’attacher Ă la performance avant de critiquer le sujet mĂŞme du dessin. Mais que ça soit Jean ou moi finalement, chacun dans nos pratiques, nous avons besoin de dessiner chaque jour, de nous entraĂŽner, pour rĂŠussir Ă faire passer nos sentiments, nos ĂŠmotions. Ma vision du dessin est assez simple en rĂŠalitĂŠ. C’est juste un sentiment qui se transmet par le trait. Parfois ça ne s’explique pas plus que ça. C’est ce que j’aime dans ce que je fais, ce simple ĂŠchange de sentiments par la force du dessin, c’est assez gĂŠnial.

Et cette ĂŠternelle question, quelles sont tes sources d’inspiration ?

EN COUVERTURE — 32

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" Pour un bâtiment normal, je mets entre 200 et 600 heures donc j’ai le temps de rentrer vraiment dans son histoire. Pendant ce laps de temps je m’imagine tout un tas de choses‌"

33 — EN COUVERTURE

Battersea, encre de chine et aquarelle, 2012.

Shibuya Pact, encre de chine et aquarelle, 2020.

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đ&#x;‘€ CRÉATIONS ORIGINALES — 34

CRÉA TIONS ORIGI NALES On ne peut pas y couper, tout le monde porte un regard sur sa rue. Un regard amoureux ou dÊtestable, tendre ou gênÊ. Et ce, qu’on soit du côtÊ de Madrid, SÊoul, Tokyo ou Paris.

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Dans les pages qui suivent, huit illustrateurs brillants ont eu l’occasion de dessiner leur rue. Avec les diffĂŠrentes conceptions qu’ils peuvent en avoir, ce qu’ils y mettent personnellement et ce qu’elle leur donne en retour. Le thème ĂŠtait ÂŤÂ Dans ma rue , et la libertĂŠ totale, dans les limites du format magazine. Le rĂŠsultat est non seulement beau, mais aussi fascinant face Ă un espace qui nous concerne tous tout le temps, qu’on le veuille ou non. Remercions ici Nahum Kim, Ana GalvaĂą, Quentin Bohuon, LĂŠonie Boss, Woo Younsik, Jinhwa Jang, Isao Aoyama, Dom Kesterton pour la part d’eux-mĂŞmes qu’ils nous ont donnĂŠe.


35 — CRÉATIONS ORIGINALES

kimnahum.com

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Nahum Kim | Untitled

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KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Ana GalvaĂą | Buenavista

anagalvan.com

CRÉATIONS ORIGINALES — 36

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ð&#x;‘€ 37 — CRÉATIONS ORIGINALES

instagram.com/bohuonquentin

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Quentin Bohuon | Le ballet de Brant


KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Leonie Bos | Amsterdamse School

leoniebos.nl

CRÉATIONS ORIGINALES — 38

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39 — CRÉATIONS ORIGINALES

instagram.com/wooyounsik

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Woo Younsik | Crushing Jade

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KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Jinhwa Jang | Digital Media City

instagram.com/jinhwajangart

CRÉATIONS ORIGINALES — 40

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41 — CRÉATIONS ORIGINALES

aoyamaisao.com

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Isao Aoyama | Metropolitan tramcar

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KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Dominic Kesterton | Nestled

dominickesterton.com

CRÉATIONS ORIGINALES — 42

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đ&#x;‘€ 43

ÂŤÂ La rue assourdissante autour

 Ma rue est de moi hurlait / Longue, mince,

bourrĂŠe de en grand deuil, douleur

vices. À chacun majestueuse / Une femme passa,

ses dÊlices, à d'une main fastueuse / Soulevant,

chacun sa 8.6  balançant le feston et l'ourlet 

- Doc GynÊco in  Dans ma rue  passante  in Les Fleurs du Mal

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Charles Baudelaire,  À une


đ&#x;‘€ DOSSIER — 44 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

C

Morgane Fadanelli

’est un fait : les mondes de l’imaginaire n’offrent ni toit sur la tĂŞte, ni table de travail, ni promo sur le papier WC. Les illustrateurs, oui, sont bien obligĂŠs d’habiter quelque part. Et si ce n’est l’artiste le plus ascĂŠtique, nos amis crĂŠatifs se doivent de garder un minimum de contacts avec ce qui les entoure. C’est leur survie qui est en jeu. Ă€ ce sujet, la sociologie la plus rudimentaire nous commande de dire que l’individu est, au moins en partie, le produit de son environnement. Qu’on le subisse ou qu’on l’embrasse. Les quatre dessinateurs que nous avons rencontrĂŠs ont choisi le roulage de

patin sans ĂŠquivoque, prenant tout ce que leurs alentours avaient Ă leur offrir. Nous avons voulu comprendre avec les Marseillais Émilie Seto et BenoĂŽt Guillaume, la Lyonnaise Morgane Fadanelli et la Haute-Beaujolaise CĂŠline ThouĂŠ oĂš ils vivent, ce qu’ils vivent et comment leur ville, leur quartier, leur rue – ou ĂŠventuellement leur route de campagne – ont pris place dans leur art. Pour ces quatre-lĂ , comme le dit Émilie Seto, c’est sĂťr, ÂŤÂ la ville oĂš l’on vit a une grosse influence sur le travail qu’on produit .

Dans son cas bien particulier, c’est assez difficile de passer Ă cĂ´tĂŠ. Un coup d’œil sur son compte Twitter et l’affaire est pliĂŠe. Les images des quartiers marseillais se suivent, revus et corrigĂŠs par son style reconnaissable immĂŠdiatement : vif, colorĂŠ, aux perspectives alĂŠatoires et avec une grande attention portĂŠe au bâti et aux traces oubliĂŠes de notre sociĂŠtĂŠ. Émilie Seto, originaire de Lyon, est installĂŠe depuis seulement deux ans Ă Marseille dans le quartier des Cinq-Avenues. ÂŤÂ C’est pas celui que je dessine le plus. Souvent, quand je dessine, c’est un quartier qui est Ă cinq minutes d’ici, qui s’appelle La Belle

de Mai.  Tout simplement parce que ÂŤÂ le quartier de la Belle de Mai, c’est un quartier un peu fou, mĂŞme au niveau urbanistique. Je passe souvent par lĂ lorsque je me balade . C’est une ambiance singulière, aussi, que BenoĂŽt Guillaume est venu chercher quand il a quittĂŠ Paris

nu ue je suis ve  C’est ce q venant ici. chercher en ailleurs  Être un peu

• TON QUARTIER PRÉFÉRÉ : la Croix-Rousse • TA RUE PRÉFÉRÉE : la rue de l’Alma, un coin cachÊ dans les hauteurs et ma vue prÊfÊrÊe de jour comme de nuit • TON COMMERCE PRÉFÉRÉ : le cafÊ Diploid • UN DÉTAIL DE LA VILLE QUI TE FASCINE : les points de vues sur la ville, les montagnes et les glaciers • UN BÂTIMENT : le musÊe des Beaux Arts et sa cour intÊrieure • UNE OEUVRE D’ART : les carreaux rÊparateurs d'Ememen • LA COULEUR DOMINANTE SELON TOI : ocre •

À gauche : Place Fernand Rey, (Lyon 1er) À droite : Vue depuis Croix-Paquet (Lyon 1er)


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En dessous : Les Pentes de La Croix Rousse (Lyon 1er), Morgane Fadanelli.

pour Marseille. ÂŤÂ Moi, j’habite Ă Belsunce qui est un quartier juste en dessous de la gare Ă droite. Ça a toujours ĂŠtĂŠ un quartier d’immigration. Maintenant c’est pas mal maghrĂŠbin, un peu turc, ça commence Ă ĂŞtre un peu chinois. On n’entend pas beaucoup parler français dans la rue. C’est lĂ que je suis depuis sept ans, depuis que je suis arrivĂŠ Ă Marseille.  Et l’auteur du rĂŠcent Bus 83, avec Ramona Bădescu, qui plonge dans le quotidien des usagers de cette ligne fameuse, ne s’en plaint certes pas. Ses lignes enlevĂŠes et son trait chaleureux se plaisent Ă baigner dans une ville aussi vivante et foisonnante que Marseille : ÂŤÂ C’est ce que je suis venu chercher en venant ici. ĂŠtre un peu ailleurs. 

Au dessus : dessin en cours de Morgane Fadanelli

verdure. On a mĂŞme une petite basse-cour avec des canards, des oies.  Ce cadre de vie lui va comme un gant et nourrit pleinement sa nouvelle obsession pour les paysages, comment ils se forment et comment on les forme. Mais au-delĂ de ces avantages d’ordre spirituel, elle y a aussi trouvĂŠ du confort et de l’espace, nĂŠcessaire Ă cette illustratrice multitâche. Parce que ÂŤÂ pour la gravure et la typo, qui nĂŠcessite de grands meubles, des presses, etc., on avait besoin de beaucoup d’espace . Morgane Fadanelli n’a pas ce genre de problème. Un crayon Ă papier, une table lumineuse, de l’encre ecoline et roule. Ă€ ce titre, son petit appartement du quatrième arrondissement de Lyon, ÂŤÂ Ă cĂ´tĂŠ du Gros Caillou , lui suffit amplement. Les vues de Lyon et de la Croix-Rousse qu’elle rĂŠalise depuis le premier confinement n’en sont pas moins saisissantes. PlacĂŠe devant la nĂŠcessitĂŠ impĂŠrieuse et personnelle de quitter la capitale, elle a choisi au doigt levĂŠ la capitale des Gaules pour y continuer son activitĂŠ. ÂŤÂ Je me suis retrouvĂŠe Ă Lyon par hasard en partant de Paris. J’avais de super bons avis sur Croix-Rousse et j’ai eu la chance d’y trouver un appart direct. 

En dessous : Les boulistes de la Place Sathonay (Lyon 1er), Morgane Fadanelli.

e, ouvÊ du calmiel. r t a n o i, Ic  c l’espace, du du vert, de uvÊ le ciel  On a retro

Au dessus : Rue des Capucins (Lyon 1er) La Croix Rousse (Lyon 4ème)

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Étrangement, c’est le contraire qui a poussĂŠ CĂŠline ThouĂŠ Ă s’installer au Razay, plus petite commune du RhĂ´ne, avec sa soixantaine d’habitants tout juste. Elle et son compagnon sont originaires de la campagne et, s’ils ont cĂ´toyĂŠ les mĂŠtropoles durant leurs ĂŠtudes, ils en ont soupĂŠ. ÂŤÂ Avant, on ĂŠtait Ă Lyon, avec un atelier de gravure et typo. On est partis parce qu’on ĂŠtait fatiguĂŠs de la ville. Ici, on a trouvĂŠ du calme, du vert, de l’espace, du ciel. On a retrouvĂŠ le ciel.  Pour ce retour Ă la terre, ils n’ont pas fait semblant et pataugent quotidiennement en pleine nature. ÂŤÂ Notre maison est en plein cĹ“ur de la forĂŞt, en pleine nature, dans la


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BenoĂŽt Guillaume

En dessous : Escaliers Saint-Charles (Marseille), Benoit Guillaume.

• TON QUARTIER PRÉFÉRÉ : le massif de la Nerthe â€˘ TA RUE PRÉFÉRÉE: le Boulevard d'HanoĂŻ • TON COMMERCE PRÉFÉRÉ : la boulangerie tunisio-ĂŠgyptienne de la rue Longue des Capucins, fermĂŠe depuis le confinement, pas pour toujours j'espère • UN DÉTAIL DE LA VILLE QUI TE FASCINE : les pistes cyclables • UN BĂ‚TIMENT : la chapelle de la Vieille CharitĂŠ • UNE OEUVRE D’ART : les tĂŞtes rĂŠduites de la Vieille CharitÊ • LA COULEUR DOMINANTE SELON TOI : le blanc gabian E • MA RS LL E I

Un choix qu’elle ne regrette pas puisqu’elle y a trouvĂŠ le mix entre le tumulte et le calme qui caractĂŠrise son nouveau hood. ÂŤÂ Il y a un cĂ´tĂŠ petit village qui est hyper agrĂŠable. Tu as l’effervescence de la ville quand tu es en bas et dès que tu remontes les pentes, tu vois les gens avec leurs petits paniers. Il y a des maisons, des petits immeubles qui sont charmants.  Un crush que le quartier des Canuts lui rend bien, offrant ses immeubles typiques Ă son regard aiguisĂŠ. Pour elle comme pour les autres, l’environnement a eu une influence directe sur son travail et lui a offert de nouvelles perspectives.

artier Un crush que le qu en, bi des Canuts lui rend es bl offrant ses immeu rd ga re typiques Ă son aiguisĂŠ Tout comme une relation charnelle, celle que l’on entretient avec son lieu de vie ne dĂŠroge pas aux ĂŠtapes protocolaires de la romance. En premier lieu, il y a la dĂŠcouverte. Juste derrière arrive gĂŠnĂŠralement l’envie viscĂŠrale de s’approprier cet inconnu pour le rendre sien. Enfin, lorsque l’histoire est bien installĂŠe, des habitudes se crĂŠent et avec elles, des modes de communication

propres Ă chacun ĂŠmergent. Parfois aussi, la relation s’envenime mais pas tout le temps, bien heureusement. Alors que certains font la tournĂŠe des troquets de quartier pour s’intĂŠgrer Ă leur nouvelle ville, le modus operandi de Morgane Fadanelli a ĂŠtĂŠ de la dessiner dans tous les sens (ndlr : les deux mĂŠthodes sont compatibles). Tout juste sortie d’une relation devenue routinière avec Paris, la jeune illustratrice a profitĂŠ des outils qu’elle avait en sa possession pour s’ accaparer la ville  de Lyon. ÂŤÂ Je trouve qu’il y a un cĂ´tĂŠ hyper graphique dans la ville. Ces couleurs qui reviennent. Les pentes, on dirait des cubes qui s’empilent. Je l’observais et j’avais envie de le retranscrire. C’Êtait une façon de m’approprier certains petits espaces que j’aimais bien.  Lorsqu’elle s’y est alors sentie comme un coq en pâte, l’illustratrice a pris l’habitude de se perdre dans ses ruelles et de se percher sur ses points culminants pour capturer avec son

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En dessous : À l'est de Marseille, Benoit Guillaume.

Au dessus : Immeubles marseillais dĂŠlabrĂŠs

En dessous : dĂŠtail de rue par Benoit Guillaume


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CĂŠline ThouĂŠ

En dessous : Topographie 54, gouache, 2019, CĂŠline ThouĂŠ.

tĂŠ ÂŤÂ Je trouve qu’il y a un cĂ´ la ns hyper graphique da ville. Les pentes, on dirait Âť des cubes qui s’empilent appareil photo ces vues qui la fascinent tant et ensuite les dessiner. ÂŤÂ Quand je dessine, j’essaie de retranscrire l’Êmotion que j’ai ressentie devant telle vue ou tel bâtiment, pourquoi je m’y suis arrĂŞtĂŠe. . Avec une palette de couleurs restreinte et un don certain pour le trait doux et joli, le Lyon vu Ă travers l’œil averti de Morgane transpire Ă travers son dessin : des rues silencieuses et paisibles, une lumière rĂŠconfortante et une douceur de vivre sans pareille. De son cĂ´tĂŠ, CĂŠline ThouĂŠ est tombĂŠe immĂŠdiatement amoureuse des paysages du quotidien qui dĂŠfilaient sous ses yeux, pour se rendre de sa maison Ă son atelier. Après avoir pris une grande place dans son cĹ“ur, ceux-ci se sont aussi attaquĂŠs Ă son cerveau qui, depuis qu’il les a croisĂŠs, se pose de nouveaux questionnements. ÂŤÂ Depuis que je suis Ă la campagne, je me questionne beaucoup sur la reprĂŠsentation du paysage, ses limites, ses frontières. Mon travail a maintenant un caractère gĂŠologique, topographique.  Chaque matin quand l’artiste typographe se rend au travail, elle ÂŤÂ rentre dans le paysage  en mĂŞme temps qu’elle ÂŤÂ rentre peu Ă

peu dans le travail , tant les deux se nourrissent l’un l’autre. Au bout du chemin : son atelier, une ancienne salle de bal de l’auberge du village, accueille les habitants comme les badauds avec qui CĂŠline et son compagnon artiste ĂŠgalement ont tissĂŠ des liens inattendus. ÂŤÂ On vit avec notre environnement mais aussi avec les gens qui le composent et qui sont parfois Ă des annĂŠes-lumière de nous.  SpĂŠcialisĂŠe dans la gravure et la typographie, CĂŠline propose des ateliers chaque mois et a notamment fait un numĂŠro spĂŠcial de sa revue Mecanica avec des locaux qui n’avaient jamais pratiquĂŠ. La vie Ă la campagne comme une ĂŠvidence : l’artiste ne reviendrait pour rien au monde en ville.

ÂŤÂ On vit avec notre environnement mais auss i avec les gens qui le composent Âť

• TON ENDROIT PRÉFÉRÉ : une gouache de Varvara Stepanova • TON COMMERCE PRÉFÉRÉ : une librairie • UN DÉTAIL QUI TE FASCINE : la mer de nuage en automne, près du Mont St Rigaud (RhĂ´ne) • UN BĂ‚TIMENT : un immeuble de Freddy Mamani • UNE OEUVRE D’ART : ÂŤÂ autoportrait 1916  de Sonia Delaunay • LA COULEUR DOMINANTE : vert •

Au dessus : Vue dÊgagÊe sur le paysage alentours et photos de l’atelier de CÊline ThouÊ

En dessous : Landscape is like a bed, gravure sur bois, 2019, CĂŠline ThouĂŠ. En dessous Ă droite : Hors-lieux 2, ĂŠdition limitĂŠe, gravure et typographie, 2017, CĂŠline ThouĂŠ.

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đ&#x;‘€ DOSSIER — 48

Émilie Seto

• TON QUARTIER PRÉFÉRÉ : les ChutesLavie • TA RUE PRÉFÉRÉE : le Boulevard National • TON COMMERCE PRÉFÉRÉ : chez Yassine Ă Noailles • UN DÉTAIL DE LA VILLE QUI TE FASCINE : les voitures • UN BĂ‚TIMENT : les tours Labourdette Ă Belsunce • UNE OEUVRE D’ART : ÂŤÂ Tchiquita  de Jul

MA

RS LL E I

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ÂŤÂ On a une vie vraiment Ă la mesure de ce qu’on voulait.  Un peu plus au Sud, la rencontre entre Émilie Seto et sa ville d’adoption n’a pas ĂŠtĂŠ si paisible. Particulièrement sensible aux modes d’urbanisation de la ville, l’ancienne Lyonnaise a tout de suite ĂŠtĂŠ confrontĂŠe au fouillis architectural de Marseille. ÂŤÂ La façon dont cette ville est amĂŠnagĂŠe est assez inhumaine. En particulier le 3e arrondissement, c’est un endroit avec des passerelles oĂš les bagnoles passent au-dessus et des gens vivent en dessous. 

ental ÂŤÂ C’est assez fondam lle. de s’intĂŠresser Ă la vi on l, ai C’est comme le trav Âť y passe nos journĂŠes Mais pourtant, ce sont bien ces lieux mal foutus, reprĂŠsentant une vĂŠritĂŠ loin de l’image d’Épinal de la mer et de NotreDame-de-la-Garde, qui sont dignes d’intĂŠrĂŞt pour l’illustratrice. ÂŤÂ J’aime choisir des lieux qui sont massifs en euxmĂŞmes, qui n’ont pas ĂŠtĂŠ bien pensĂŠs, bien rĂŠflĂŠchis. Mais pas loin, il y a aussi des endroits paradisiaques ici, c’est ça qui est fou.  Citadine depuis toujours, Émilie reprĂŠsente naturellement l’urbain dans ses dessins. ÂŤÂ C’est assez fondamental de s’intĂŠresser Ă la ville. C’est comme le

Au dessus : Sous le Petit Nice (Marseille), Emilie Seto. Rue FĂŠlix Pyat (Marseille), Emilie Seto.

 J’aime choisir des lieux qui sont massifs en eux-mêmes

En dessous : Voitures et port de Marseille, Emilie Seto.

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Ă€ Gauche et au dessus : Quartier des Cinqavenues, Marseille


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travail, on y passe nos journĂŠes. J’ai mĂŞme du mal Ă voir comment je pourrais passer Ă cĂ´tĂŠ de cet objet.  ArmĂŠe de ses crayons de couleur, elle alterne entre des dessins Ă la volĂŠe croquĂŠs parfois Ă l’extĂŠrieur et d’autres rĂŠalisĂŠs Ă partir de photos prises prĂŠcĂŠdemment. Dans tous les cas, ceux-ci retranscrivent le tumulte de quartiers moins reprĂŠsentĂŠs artistiquement mais provoquant une ĂŠmotion vive et renforçant le sentiment d’attachement territorial de bon nombre de locaux.

ÂŤÂ Je travaille pas mal sur l’anecdotique, le hasard, des scènes que je vais trouver dans la rue, que je n’aurais pas prĂŠvues  Non loin de lĂ , BenoĂŽt Guillaume dĂŠgaine lui aussi son carnet en pleine rue, parfois simplement pour le plaisir de confronter sa vision artistique de Marseille Ă celles des passant.e.s. Lorsqu’il a franchi le cap de dĂŠmĂŠnager Ă Marseille, l’illustrateur s’est mis Ă la dessiner pour mieux la comprendre. Au dĂŠtour de ses balades, des sujets retiennent son attention allant de la place de la Plaine au gros penchant de Marseille pour les travaux. ÂŤÂ Quand je me dis “tiens lĂ , il y a vraiment matière

Ă dessinâ€?, j’y vais.  Tout comme Émilie, c’est l’Ênergie unique de Marseille et ses nombreux paradoxes qui fascinent l’ex-Parisien. ÂŤÂ C’est vrai que je suis un petit peu attirĂŠ parce qu’il y a en friche Ă Marseille. Le contraste entre ce qui est neuf et ce qui est dĂŠlabrĂŠ. Il y a d’ailleurs plus de dĂŠlabrĂŠ que de neuf. Tout ce qui est vivant, ce qui est foule en mouvement est quelque chose qui m’intĂŠresse dans mon boulot.  Pour BenoĂŽt, le dessin est aussi et surtout un moyen direct pour ĂŠtablir une communication avec les locaux. Cette capacitĂŠ d’observation du milieu qui l’entoure se devine d’ailleurs facilement en regardant ses Ĺ“uvres. ÂŤÂ Je travaille pas mal sur l’anecdotique, le hasard, des scènes que je vais trouver dans la rue, que je n’aurais pas prĂŠvues.  Ce n’est une rĂŠvĂŠlation pour personne, l’artiste, comme tout ĂŞtre humain, est le produit de son environnement. Quand ils se rencontrent, tous deux s’embarquent main dans la main dans un cercle vertueux. Si l’environnement dĂŠploie ses charmes et dĂŠvoile ses caractĂŠristiques les plus intimes Ă l’artiste, alors celui-ci s’applique pour lire Ă travers lui et le rĂŠinventer Ă chaque coup de crayon. Car comme le dit Émilie Seto pour conclure, ÂŤÂ ce ne sont pas les influences graphiques d’un.e illustrateur. rice qui le dĂŠfinissent mais lĂ oĂš il vit, les endroits oĂš il ĂŠvolue, ce que j’appelle le tableau global .

Au dessus : Le Petit Nice en juillet (Marseille), Benoit Guillaume.

En dessous : Belsunce (Marseille), Emilie Seto.

→ Textes et propos recueillis par : É. Quittet & M.Gueugneau → Mise en page : A. Avice

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Au dessus : Le Petit Nice en juillet (Marseille), Benoit Guillaume


đ&#x;‘€ INVITATION — 50 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Le jeu vidĂŠo dans la rue : de la rage Ă l’amour Ancien critique cinĂŠma Ă Chronic'Art, Trois couleurs ou Radio Campus Paris, Yann François a basculĂŠ dans le monde merveilleux du jeu vidĂŠo en tatant, il y a quelques annĂŠes de la manette pour Joystick et VidĂŠo Gamer. Aujourd'hui chez JV, il est aussi professeur de game studies Ă l'ĂŠcole ICAN Ă Paris.


đ&#x;‘€ 51 — INVITATION KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Le jeu vidĂŠo a ce pouvoir unique de nous tĂŠlĂŠporter au cĹ“ur d’espaces urbains toujours plus immersifs. De Sim City Ă GTA, en passant par Assassin’s Creed, la ville et ses artères n’ont jamais ĂŠtĂŠ aussi crĂŠdibles, aussi fascinantes Ă fouler du pied. Et pourtant, l’histoire entre le jeu vidĂŠo et la rue n’a rien d’une idylle, mais relève plutĂ´t de l’amour vache. Dans ses vertes annĂŠes, ses bornes d’arcade voient dans la ville le cadre parfait d’une action nerveuse et sordide, Ă l’image de ses bas-fonds. Tout comme chez Dirty Harry ou Charles Bronson, la rue devient une jungle urbaine, une Sodome et Gomorrhe oĂš grouille le rebut de l’humanitĂŠ. Double Dragon, Streets of Rage, Shinobi, tous partagent la vision d’un mĂŞme cloaque de bĂŠton et d’asphalte, qu’il faut nettoyer de sa vermine (des gangs, des punks, des ninjas, tout y passe) Ă la manière d’une ĂŠcurie d’Augias. Mais le jeu de baston n’est pas le seul Ă jouer avec ce genre d’iconographie urbaine. Il n’y a qu’à se pencher sur Paperboy, ÂŤÂ simulation  bon enfant (au demeurant) de livreur de journaux au cĹ“ur d’une americana banlieusarde et lisse. En rĂŠalitĂŠ, sa rue n’est qu’une enfilade infernale de menaces faussement banales (un chien, une tondeuse Ă gazon, etc.) sur lesquelles on s’Êcrase en boucle, tels des Sisyphe de la modernitĂŠ citadine. Faut-il voir dans cette vision cauchemardesque une forme de catharsis, de celles qui compilent nos angoisses et psychoses de la quotidiennetĂŠ, pour mieux nous laisser les rĂŠduire en miettes ? Ce qui est certain, c’est que ce pessimisme urbain a la peau dure, bien qu’il sache changer de forme d’annĂŠe en annĂŠe. La sĂŠrie des Grand Theft Auto est devenue cultissime pour avoir fait de la ville un terrain de jeu Ă l’ampleur romanesque inĂŠdite, doublĂŠ d’un enfer pavĂŠ de mauvaises intentions, oĂš tout est prĂŠtexte au crime, l’avilissement et la tragĂŠdie sanglante. MĂŞme si nous faisons partie intĂŠgrante de ces citĂŠs luxuriantes (nous y avons toujours une ÂŤÂ planque  pour changer de tenue ou sauvegarder), la rue n’est qu’une ressource comme une autre, parfois un obstacle Ă contourner (les guerres de gang, les courses-poursuites avec la police), dans notre ascension vers le trĂ´ne mafieux. Et que dire d’un Dishonored ?


đ&#x;‘€ INVITATION — 52 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Dans cette gĂŠniale simulation d’assassin, teintĂŠe de culture steampunk, nous nous faufilons dans le gruyère d’une citĂŠ orwellienne, dĂŠsertĂŠe par des habitants fuyant sa tyrannie et son ĂŠpidĂŠmie de peste, laissant lĂ leur quotidien, restituĂŠe avec un rĂŠalisme et un art du dĂŠtail jamais ĂŠgalĂŠ. Comme vidĂŠe de sa substance première, la rue devient ici un tombeau, un mausolĂŠe que l’on visite en archĂŠologue, cherchant toujours plus Ă excaver l’intimitĂŠ passĂŠe de ses fantĂ´mes, comme une relique oubliĂŠe du temps. Aussi menaçante soit-elle, la rue est aussi cet ĂŠcosystème total et vivant que le jeu vidĂŠo ne va cesser de sonder pour proposer d’innombrables expĂŠriences narratives. Un monde Ă part, dotĂŠ de ses propres règles et mythologies, que le jeu de rĂ´le, notamment japonais, va mĂŞme architecturer comme un miroir de ses personnages et, par extension, de ses joueurs. Un des premiers (et plus beaux) Ă le faire se nomme Mother (Earthbound chez nous), odyssĂŠe adolescente made in Nintendo Ă partir de 1989. Dans cet univers parallèle (qui connaĂŽtra trois ĂŠpisodes), un gamin de 12 ans se donne pour mission de sauver son pays (une reproduction fantasque des ÉtatsUnis) face Ă une invasion alien. S’il ĂŠpouse clairement la forme d’un conte de fĂŠes, Mother se diffĂŠrencie Ă l’Êpoque de toute concurrence par son choix de troquer le Landerneau fantasy pour celui de la ville ÂŤÂ Ă l’amĂŠricaine , que l’on arpente sous toutes ses coutures. Les auberges et autres donjons cèdent leur place Ă une pizzeria, un zoo, une ĂŠcole primaire, et autres jalons de la vie quotidienne. La ville, le quartier d’enfance, le foyer deviennent la nouvelle toile de fond d’un rĂŠcit hĂŠroĂŻque, qui se double ici d’un très beau portrait familial, et d’un chemin initiatique vers l’âge adulte. Aujourd’hui, la plupart des RPG marchent dans les traces de cet hĂŠritage, et font souvent de l’environnement quotidien un havre de paix, une ĂŠchappatoire pour se ressourcer entre deux quĂŞtes extĂŠnuantes. On peut en retenir deux. La saga Persona tout d’abord, qui se penche Ă chaque ĂŠpisode sur le destin d’un ado, en se focalisant sur une annĂŠe complète (un jour = un tour de jeu) de sa vie. Dernier ĂŠpisode en date, Persona 5 (2017) se dĂŠroule entre Tokyo, plus prĂŠcisĂŠment dans une petite ruelle d’un quartier commerçant oĂš rĂŠside notre hĂŠros, et son lycĂŠe, en pĂŠriphĂŠrie de la ville. Chaque jour, les cours et les allers-retours ĂŠtouffants en mĂŠtro s’enchaĂŽnent de façon quasi militaire. Ă€ cette rĂŠalitĂŠ harassante, et critique implicite de la sociĂŠtĂŠ nippone, s’oppose le monde de ses propres rĂŞves, qu’il visite chaque soir sous la forme d’un cambrioleur aux multiples pouvoirs, qui


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Visuels dans l'ordre d'apparition : GTA V, 2008. Double dragon, 1987. Streets of rage, 1991. Paperboy, 1984. Dishonored, 2012. Persona 5, 2016. Yakuza, 2005. Euro truck 2, 2012. House flipper, 2018.

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doit affronter et annihiler les chimères de son propre inconscient. Un tel rythme de jeu pourrait s’avĂŠrer monotone, voire plombant. C’est tout le contraire : jamais un jeu n’a aussi bien montrĂŠ cette mĂŠcanique, complexe et triviale Ă la fois, du quotidien, symbolisĂŠe entre autres par tous ces endroits familiers que nous arpentons Ă des centaines de reprise. Si, peut-ĂŞtre un autre : Yakuza, autre saga nippone qui nous plonge dans la rĂŠalitĂŠ professionnelle et morale des mafieux japonais. Chaque ĂŠpisode raconte le destin passionnant d’un gangster (au grand cĹ“ur souvent), en conjuguant le rĂŠalisme social le plus sec au romanesque le plus hirsute. Une chose ne change pas, cependant : le dĂŠcor, celui de Kamuroucho, reproduction plus que fidèle du vrai quartier des plaisirs de Shibuya, dont on finit par connaĂŽtre par cĹ“ur chaque ruelle, chaque boui-boui, chaque bar Ă karaokĂŠ. Comme le rappelle Will Wright, le gĂŠnial crĂŠateur de Sim City et des Sims : le jeu vidĂŠo peut aider ses joueurs Ă voir leur propre ville ou leur quartier sous un Ĺ“il nouveau, parce qu’il s’offre comme un outil pour rĂŠinventer leur propre quotidien. Aujourd’hui, nombreux sont les jeux modernes Ă reprĂŠsenter la rue pour ce qu’elle est, sans idĂŠalisme ni diabolisation, mais avec un souci du rĂŠalisme presque documentaire. Des jeux qu’on nomme job simulators, dont le concept vise Ă reproduire, sous forme de gameplay, les gestes les plus banals d’un mĂŠtier de la vraie vie. Des jeux comme Euro Truck Simulator, qui nous demande de sillonner les rues de l’Europe pour dĂŠlivrer toutes sortes de marchandises, ou encore comme House Flipper qui propose de retaper de vieilles baraques pour rĂŠembellir un quartier anonyme. Des jeux qui, Ă la diffĂŠrence de la tĂŠlĂŠ-rĂŠalitĂŠ qui fait de ces mĂŞmes espaces quotidiens de vĂŠritables freak shows pour divertir les masses, rappellent une vĂŠritĂŠ essentielle : la rue est Ă nous, et il appartient Ă chacun¡e de la modeler Ă son image.


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Bibliothèque idÊale Dans ma rue Festival Bien Urbain

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Affichage libre de OX – ÉditĂŠ chez International Neighborhood Verlag, Edition A & A, 2015 ÂŤÂ Jusqu’à maintenant, je n’ai pas laissĂŠ beaucoup de traces de ce que j’ai fait.  Dès l’ouverture de sa monographie, l’humilitĂŠ de OX nous touche. InvitĂŠ lors de Bien Urbain en 2011 et 2013, artiste associĂŠ de Bien Urbain en 2017 et ancien membre des Frères Ripoulin, OX est sans conteste un des artistes les plus importants de l’art dans l’espace public. Il trouve depuis toujours son inspiration dans les panneaux de publicitĂŠ 4 Ă— 3. Il y colle sans permission ses peintures imaginĂŠes pour le lieu, offrant aux passant.e.s des images libres et malicieuses. OX s’offre une libertĂŠ d’expression qui dĂŠpasse les cadres ĂŠtablis grâce Ă une esthĂŠtique hors du temps, drĂ´le et foutrement intelligente. En 2015 sort ce magnifique livreimages Ă la hauteur de la gĂŠnĂŠrositĂŠ du travail.

Urban Interventions – personal projects in public spaces de Robert Klanten & Matthias HĂźbner – ÉditĂŠ chez Gestalten, 2010 L’art dans nos villes ne serait qu’une affaire de graffiti, de peintures murales et de sculptures en bronze ? Loin de lĂ Â ! Ce très beau livre ĂŠditĂŠ il y a 10 ans ouvre toujours aussi grand notre regard et notre imaginaire. Panneaux de signalisations fondants, châteaux de cartes en barrières de chantier, chewing-gums gĂŠants ĂŠtirĂŠs entre deux rues ou parcmètres tricotĂŠs : on y retrouve une foule d’artistes des quatre coins du monde, aux sensibilitĂŠs et revendications variĂŠes. Poètes, plasticien.ne.s ou activistes, tou.te.s nous invitent Ă reconsidĂŠrer l’espace public et Ă nous amuser de ses règles et contraintes, allant jusqu’à y engager nos corps en nous contorsionnant dans ses interstices, ou en nous balançant accrochĂŠ.e.s au bras d’une statue historique. Une invitation Ă la crĂŠation libre !

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ÂŤÂ Reprendre la ville  – Revue Sur Mesure, 2020 (Conception graphique par le studion Chevalvert) Sur revuesurmesure.fr, des urbanistes, designers, philosophes bĂŠnĂŠvoles questionnent la fabrique de la ville. Ă€ l’issue de cycles thĂŠmatiques est ĂŠditĂŠe une revue papier : un objet synthĂŠtique, graphique et pĂŠdagogique qui fait dialoguer diffĂŠrents points de vue. La revue papier ouvre des pistes pour faire circuler les idĂŠes au-delĂ des sphères professionnelles. Dans ce cinquième numĂŠro oĂš nous sommes interviewĂŠ.e.s, c’est la rĂŠappropriation de la ville qui est abordĂŠe. S’approprier des lieux, les cultiver ou les bâtir, les animer, y crĂŠer ou s’y rencontrer : reprendre la ville est un travail de longue haleine et des pistes stimulantes sont avancĂŠes par des thĂŠoricien.ne.s, artistes et acteur.trice.s de terrain. Ă€ travers l’art ou par d’autres moyens, crĂŠons du commun dans l’espace public !

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Potente di fuoco de Leonardo / Ericailcane – ÉditĂŠ par Modo Infoshop, 2012 Livre d’illustrations magiques, La puissance du feu nous interpelle dès la couverture abritant une chimère d’oiseau hurlant, Ă grosses pattes d’ours jaune ! Une lettre ĂŠmue de son père nous raconte l’amour qu’Ericailcane nourrit depuis toujours pour les bestioles rĂŠelles et fantastiques ; la missive accompagnait un carton de dessins rĂŠalisĂŠs autour de ses 5 ans. Ce retour en enfance l’encourage Ă rĂŠinterprĂŠter ses propres dessins 20 ans plus tard, avec son regard d’adulte et sa main d’artiste. Les illustrations parfois politiques d’Ericailcane rĂŠpondent ainsi aux gribouillages jouissifs du petit Leonardo, et vice versa. En 2017 le MusĂŠe du temps de Besançon exposait ces merveilles sur des A4, tandis que Leo, devenu Ericailcane, peignait sur une façade deux moutons de 15 m nous parlant de frontières et de libertĂŠ.

Memory de John Fekner – ÉditĂŠ par Les Éditions Juste Ici, 2019 Choisissant le pochoir comme outil de prĂŠdilection dès la fin des annĂŠes 1960 pour rĂŠaliser un travail in situ Ă base de mots peints sur les murs, John Fekner est connu pour ses centaines d’interventions politiques Ă New York. Contemporain de Keith Haring, il est proche de son travail dans la dimension politique et la mise en exergue des minoritĂŠs, mais s’en dĂŠmarque en troquant la dimension pop contre une esthĂŠtique brute et frontale, et en choisissant les lieux d’intervention pour ce qu’ils sont et non pour leur visibilitĂŠ. Cette publication hors normes rassemble six objets, pour six chapitres du travail de l’artiste amĂŠricain : une mĂŠmoire parcellaire issue de ses archives, mise en valeur Ă travers trois techniques d’impression diffĂŠrentes et façonnĂŠe Ă la main Ă l’Atelier SuperseĂąor durant Bien Urbain 2019.


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L’association bisontine Juste Ici Ĺ“uvre pour redonner sa place Ă l’art dans l’espace public depuis maintenant 10 ans. Point d’orgue de ses actions territoriales bienfaitrices, le festival Bien Urbain redouble chaque annĂŠe d’ingĂŠniositĂŠ pour transformer la ville de Besançon en un lieu d’expression et d’Êmerveillement constant. On a demandĂŠ Ă ces fins connaisseurs leurs ouvrages de rĂŠfĂŠrence sur le sujet.

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BACK 2 BACK B A C K

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B A C K

Asha Bhosle → Dum Maro Dum

Asha Bhosle, c’est une des plus grandes chanteuses indiennes. Elle chante beaucoup dans les films de Bollywood et cette chanson est dans un film très connu, c’est un classique. Je l’ai vue en concert au Châtelet. C’est un endroit assez strict et pourtant, les diasporas indiennes ĂŠtaient rĂŠunies et dès que les chansons commençaient, tous se levaient et dansaient. C’Êtait fabuleux.

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Zouk Machine → PisimÊ ZoukÊ Celle-ci, elle me rappelle mon enfance, mes potes qui viennent des Antilles.

Jean-Claude Gaspard → Dhobi de Classe Je viens de l’Île Maurice et c’est la musique de mon pays, la musique de mes parents donc c’est important pour moi, c’est ma vie quoi.

NTM → Respire Je suis fan de NTM, c’est des potes.  Respire ou bien le pire est à venir , ce sont des paroles que j’adore. Je les ai vus en concert ; Joey Starr, c’Êtait un de mes soutiens quand je me suis prÊsentÊ aux Êlections municipales. C’est des gens que j’aime beaucoup. Les combats qu’ils menaient, notamment face à la police, sont plus que jamais d’actualitÊ.

Belle & Sebastian → Another Sunny Day C’est un de mes groupes prÊfÊrÊs et cet album est sorti en 2006 pendant la Coupe du monde. Je l’ai beaucoup ÊcoutÊ à ce moment-là .

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Pixies → Here Comes Your Man C’est mon groupe prĂŠfĂŠrĂŠ, j’aime vraiment beaucoup, j’ai un peu grandi avec ça, je les ai vus en concert, etc. C’est mon adolescence, mes premières soirĂŠes dans des endroits au Havre. Il y avait aussi la pop anglaise, Blur, Happy Mondays, que j’ai beaucoup ĂŠcoutĂŠe.

The Velvet Underground → I'm Sticking with You J’aime tout des Velvet, tout ce qui va avec, Lou Reed, Nico... J’imagine toujours Warhol qui traĂŽne pas loin de tout ça. Ce sont des gens inspirants, cool, qui ont rĂŠvolutionnĂŠ leur ĂŠpoque.

Fleetwood Mac → Go Your Own Way C’est mon oncle d’Angleterre qui m’a offert une cassette Ă l’âge de 13-14 ans et ça a changĂŠ ma vie. Je vivais dans une citĂŠ HLM et c’est ce jour-lĂ que j’ai commencĂŠ Ă ĂŠcouter du rock’n roll.

VIKASH DHORASOO PNL → Hasta la Vista Ça, c’est pour faire un clin d’œil Ă mes filles qui grandissent et qui ĂŠcoutent du rap, Jason Derulo, etc. Elles me font dĂŠcouvrir. Parfois, je ne suis pas très content des paroles qui sont un peu misogynes, vulgaires. Mais c’est leur vie Ă elles. C’est leur univers.

Elvis Presley → Christmas Song On est fan d’Elvis dans la famille, notamment ma mère. C’est le King quoi, il ĂŠtait aussi moitiĂŠ indien je crois, et il se trĂŠmoussait comme personne.


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Les rues que l’on foule quotidiennement pour se rendre au bureau chez Kiblind se trouvent dans le 1er arrondissement à Lyon et dans le 19e à Paris. Parfois, on y croise des personnalitÊs à qui l'on fait un petit signe timide. Sauf que cette fois, on les a alpaguÊs (ou presque) pour savoir ce qu’ils Êcoutaient. DÊcouvrez donc ce qui se cache dans la playlist de notre voisine lyonnaise Sabine Quindou, autrice, rÊalisatrice, journaliste, actuelle prÊsentatrice de Thalassa et Êternelle ex-acolyte de Fred & Jamy dans l’Êmission C’est pas sorcier. Et dans celle de Vikash Dhorasoo, ancien footballeur international passÊ par l’OL, mais plus rÊcemment candidat aux Êlections municipales, consultant sportif et joueur de poker, entre autres nombreuses activitÊs. → Propos recueillis par : É. Quittet → Mise en page : G. Bonneau

B A C K

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B A C K

dans ma rue

Étienne Daho → Les Chansons de l'innocence retrouvÊe (album) Et notamment  En Surface  co-Êcrit par Dominique A. Un texte qui rÊsonne avec mon expÊrience de vie. Si j’en disais davantage, je deviendrais impudique.

Miles Davis → So What (album) Le gars ne joue pas de la trompette, il s’exprime avec une trompette, il a beaucoup de choses à nous raconter, il faut l’Êcouter souvent pour tout entendre. Certaines musiques m’aident à partir de chez moi, me donnent de l’enthousiasme pour rejoindre mes Êquipes en tournage ou entamer un nouveau projet. D’autres, comme celle de Miles Davis, m’aident à rentrer, à  retrouver de l’Ênergie‌

Aretha Franklin → Amazing Grace (album live)

SABINE QUINDOU Ludwig van Beethoven → 5e symphonie (version salsa, arrangement Sverre Indris Joner, interprÊtation orchestre Kringkastingsorkesteret)

JJ Cale → Everything will be alright (album) L’album qui colle le plus à mon quartier‌  Less is more  disait JJ Cale, quelques accords de blues, simples, authentiques, de la tendresse et du  il fait bon vivre ‌

Merry Clayton → Gimme Shelter (album) La voix qui vient directement des tripes‌ ou de la Nature‌ ou de Dieu. Appelez la source comme vous voudrez, mais cette voix vient de là ‌ Libre, sauvage‌ Je ne chante pas, même dans ma salle de bain, mais dans ma tête, je chante comme elle, surtout chez moi bien à l’abri dans mon quartier.

Jimmy Hendrix → Electric Ladyland (album) dont Voodoo Chile Je l’Êcoute chez moi et partout ! MĂŞmes ĂŠmotions aux mĂŞmes moments. Sauf quand je l’ai trimballĂŠ sur le plateau tibĂŠtain oĂš je l’ai redĂŠcouvert. Et les ĂŠmotions nĂŠes Ă 4 500 mètres d’altitude, je les ai ramenĂŠes chez moi.

AngÊlique Kidjo → Voodoo Chile Une reprise pleine de respect mais aussi d’imagination et d’africanitÊ. J’adore cette crÊativitÊ inspirante.

Wolfgang Amadeus Mozart → 25e symphonie et 40e symphonie Impossible à dÊpartager ! Que voulez-vous que je vous dise !? OÚ l’on comprend pourquoi un classique est devenu un classique ! Je l’Êcoute en boucle depuis quatre ans que je collabore avec l’Orchestre national de Lyon, surtout quand je dois effectuer un trajet à pied de 30 à 40 min. Typiquement pour aller de mon quartier à la gare Part-Dieu quand je pars en tournage. Ou bien le long des quais. Sur un bateau en mer des Caraïbes, waouh, c’Êtait bien aussi, puissant ! Mais jamais autant que lorsque je les entends en live interprÊtÊs par un orchestre symphonique.

Buena Vista Social Club → Compay Segundo (album) J’adore les musiques latines en gĂŠnĂŠral, cubaines en particulier. Le dimanche au petit-dĂŠjeuner, quand on a envie que ça groove Ă l’intĂŠrieur‌

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La pièce qui me met en joie, tout le destin de l’humanitĂŠ tel que Beethoven l’entendait (dans sa tĂŞte), sublimĂŠ par les rythmes salsa. Une vraie sublimation, un changement d’Êtat, de la tragĂŠdie Ă la rage de vivre. Je l’Êcoute souvent en marchant en ville‌

Je l’ai l’ÊcoutĂŠ sous toutes ses formes, en vinyle, en CD, dĂŠmatĂŠrialisĂŠ. Heureusement que le film documentaire de Sidney Pollack a enfin ĂŠtĂŠ restaurĂŠ. Je l’ai fait ĂŠcouter aux habitants d’un minuscule village très isolĂŠ, Ă l’occasion d’un tournage pour Thalassa dans l’archipel des Trobriand, au large de la Papouasie-Nouvelle-GuinĂŠe. Tout le monde a pleurĂŠ, les hommes surtout. Moi aussi du coup. Inoubliable‌


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IMAGIER

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Street view journey par Nao Tatsumi L’illustratrice Nao Tatsumi a entamĂŠ en 2017 un voyage sans fin. VissĂŠe au siège de son bureau japonais, elle parcourt le monde Ă la recherche de paysages urbains dĂŠlaissĂŠs. Un double regard se croise ici : celui, aveugle, du logiciel Google Street View et le sien, qui voit le singulier dans le banal. Nous arpentons avec ses peintures ces rues qui pourraient ĂŞtre en bas de chez nous mais qui se trouvent ĂŞtre Ă Santiago du Chili, Ă Tilburg aux PaysBas ou Ă Flagstaff, dans l’Arizona. Les huit Ĺ“uvres suivantes sont toutes tirĂŠes de cette fascinante sĂŠrie qui suit les pĂŠrĂŠgrinations des fameuses voitures Google, dans leur quĂŞte fantasmagorique d’omniscience. Bienvenue dans nos rues.


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Street View Journey

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Pacific Coast Hwy, California


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California, USA

Street View Journey

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Street View Journey

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Chihuahua, Mexico

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Street View Journey

Paris, France

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Street View Journey

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San Luis Potosi, Mexico

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Bernal, Mexico

Street View Journey

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Street View Journey

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Lomita, California

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Del Fresno, Mexico

Street View Journey

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22 < 27 fév. 2021

Jan Martens, Flora Détraz, Linda Hayford, Mickaël Phelippeau, Amala Dianor, Kukai Dantza...

MAISONDEL ADANSE.COM 04 72 78 18 00 • numeridanse.tv

Conception graphique et illustration KIBLIND Agence / Licences : 1-1054424, 2-1054425, 3-1054423

FESTIVAL


Dispo sur Android, iOS et le web.

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Print par Maxime Gueugneau

đ&#x;‘€ 69 — SÉLECTION PRINT

> SĂŠlection Kiblind s e g a s Vi du temps

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CATALOGUE ■À moins d’être mariĂŠ avec Sammy Stein, il est compliquĂŠ de se procurer l’ensemble de ses publications. Ou mĂŞme un nombre consĂŠquent. Entre les introuvables, les ĂŠtrangères et les ĂŠpuisĂŠes, mĂŞme le plus transi de ses fans ne peut les possĂŠder toutes. Oh, bien sĂťr, ci ou lĂ , il est possible d’en approcher une paire, Ă l’occasion d’un festival ou d’une exposition fortuite dans le voisinage. Internet, mĂŞme, peut s’avĂŠrer utile. Mais avouons que Visages du temps, l’ouvrage-recueil publiĂŠ par les ĂŠditions Matières, nous tire une fière chandelle du pied. Regroupant dix-sept histoires courtes de la pĂŠriode 2014-2018, le dernier ouvrage du co-fondateur de la revue Collection nous permet de passer un peu de temps en sa compagnie. Ce qui est prĂŠcieux. Sammy Stein est, il faut le dire, un artiste Ă part. Son dessin, dĂŠjĂ , oscille entre des formes pures, des perspectives mĂŠticuleuses et un trait erratique qui trahit la part vivante de ce transhumanisme graphique. Ă€ cela s’ajoute un coloriage plein, irrĂŠel, usant Ă foison du dĂŠgradĂŠ issu, sans doute, de son amour pour les encres et les propriĂŠtĂŠs de la risographie. On navigue dans une sorte de perfection accidentĂŠe, une neutralitĂŠ absurde et dĂŠviante, reconnaissable entre mille. Ses constructions narratives ne sont pas en reste, qui viennent elles aussi toucher aux limites du genre. Le gaufrier ĂŠclate et le spectateur doit lui-mĂŞme jeter les ponts entre les ĂŠlĂŠments. Le lecteur est fabuleux, paraĂŽt-il et, ici, particulièrement actif dans sa dĂŠmarche. Sans doute est-ce une façon pour l’auteur d’agripper plus fort encore sa proie et de s’assurer que celleci est bien accrochĂŠe pour la plonger ensuite dans ses mondes imaginaires. Car si Sammy Stein se donne autant de mal, c’est qu’il veut ĂŞtre sĂťr qu’on le suive jusqu’au bout de ses voyages. Se projetant en avant, en arrière, Ă droite et Ă gauche de la frise chronologique, le dessinateur parisien remue son lecteur Ă coups de dystopies et de dimensions parallèles. Les mondes et les civilisations disparus sont son obsession. Les expositions et les collections sont les indices de ces mondes sitĂ´t inventĂŠs et dĂŠjĂ morts. L’art devient alors un marqueur du temps qui passe, artefact paradoxal, vain et nĂŠcessaire, ĂŠphĂŠmère et intemporel. Visages du temps n’est certainement pas un titre au hasard et les portraits qui le composent, aussi divers soient-ils, tĂŠmoignent tous de la passionnante rĂŠflexion de l’artiste de bande dessinĂŠe sur ce qu’il est en train de faire. Dans la forme, comme sur le fond. → Visages du temps de Sammy Stein aux Éditions Matière, 280 pages, 29 â‚Ź. → matiere.org


đ&#x;‘€ SÉLECTION PRINT — 70 KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

Long y r o St Sh

ADDICTIONS â– Tout est bien organisĂŠ,

ort

agencĂŠ minutieusement pour que nous retombions dans le piège Ă chaque fois. Lorsque le nouveau Megg, Mogg & Owl sort, on afflue en masse. Peu importe qu’il s’agisse cette fois d’une compilation de rares et quasi-inĂŠdits. Peu importe que la suite directe de Winter Trauma (qui s’Êtait finie sur un cliffhanger, les salauds) n’ait toujours pas de date de sortie. L’occasion nous est faite de retrouver nos hĂŠros droguĂŠs, sales et passablement dĂŠprimĂŠs : nous sautons. Notre atterrissage se fait au beau milieu d’un Long Story Short dont l’allure dĂŠtonne par rapport au reste de la sĂŠrie. Petit, ĂŠpais et imprimĂŠ sur des pages de couleurs diffĂŠrentes, il voit se succĂŠder des strips aux origines diverses, du plus chiadĂŠ au plus instinctif, selon les conditions dans lesquelles ils ont ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠs. Le nouvel album français de Simon Hanselmann agrège en effet des mini-histoires piochĂŠes dans des fanzines ĂŠpars et rĂŠalisĂŠes entre 2016 et 2020. Mais le patchwork n’est pas si dĂŠcousu qu’il n’y paraĂŽt puisque des ĂŠlĂŠments reviennent de loin en loin et constituent tout de mĂŞme une sorte de petite chronologie. Une temporalitĂŠ parallèle, disons, avec celle de la sĂŠrie en cours. Qu’on se rassure, les colocs Megg la sorcière, Mogg le chat et Owl le hibou y traĂŽnent encore leurs nĂŠvroses, bien soutenus par les montagnes de substances toxiques qu’ils ingèrent et la prĂŠsence toujours rassurante de Werewolf Jones, la boussole qui leur indique le pire. Le mĂŠlange doux-amer du trash, de l’absurde et de la mĂŠlancolie fonctionne une nouvelle fois Ă plein. Mais une fois ce shot de pur bonheur passĂŠ, on s’aperçoit que l’essentiel n’est peut-ĂŞtre pas lĂ dans cet album si particulier. Ce qui frappe dans ce collage d’histoires d’origines diffĂŠrentes, c’est l’impressionnante facilitĂŠ avec laquelle l’auteur australien parvient Ă frapper juste dans toutes les circonstances. Qu’il s’agisse d’une bande dessinĂŠe rapide, sans crayonnĂŠ ou de pleines pages grandioses, Simon Hanselmann rĂŠussit Ă faire de son vase clos dĂŠlirant un monde incroyablement rĂŠel. Ces diffĂŠrents ĂŠpisodes mettent en lumière un talent fou, une facilitĂŠ dans le dessin et un sens de la mise en scène sans pareils. Ă€ chaque fois et dans n’importe quelle situation, la magie opère. Ces 300 et quelques pages nous permettent enfin d’en voir quelques trucs. Et de consommer notre addiction avec encore plus de plaisir. → Long Story Short de Simon Hanselmann, chez Misma Éditions, 368 pages, 25 â‚Ź. → misma.fr

Les s n i d r a J de Babylone ARIDE â– On ne manque certes pas de dystopies dans une ĂŠpoque oĂš chacun cherche la meilleure façon de se foutre en l’air. Mais, allons, qui cracherait sur une histoire de futur proche racontĂŠe par Nicolas Presl ? RacontĂŠe par celui qui est passĂŠ maĂŽtre dans l’art d’en dire plus en se passant de mots. RacontĂŠe par celui qui ne cesse de se poser des contraintes esthĂŠtiques et narratives pour mieux sublimer le sujet qu’il touche. Nous, on ne crache pas. De toute façon, on n’oserait pas cracher. Les Jardins de Babylone, nouvelle collaboration avec l’Êditeur suisse Atrabile, sont ce nouveau plongeon dans l’abĂŽme de l’humanitĂŠ, offert avec la courtoisie du dessinateur vendĂŠen. Sachez donc que nous sommes en l’an 20??, pas trop loin de nous en tout cas, et que l’humanitĂŠ a bien cochĂŠ toutes les cases de la stupiditĂŠ promise par le XXe siècle. Il n’y a plus d’eau douce sur terre et seul un système complexe de dĂŠsalinisation permet la survie de ceux qu’on a laissĂŠs sur place. Car, oui, certains ont pu s’en aller sans trop de vergogne et installer une bulle d’ultrarichesse sur la Lune avec envois rĂŠguliers d’eau fraĂŽche depuis la Terre. Ceux-lĂ se mettent Ă flipper, parce que chez les Terriens la rĂŠvolte finit inĂŠvitablement par gronder. En haut, des parents, en bas, leur fille. Pour livrer cette critique pas du tout voilĂŠe de notre situation actuelle, Nicolas Presl utilise toute la richesse graphique qui fait son talent. Des couleurs codifiĂŠes, des perspectives biaisĂŠes, des cases composĂŠes Ă la perfection et surtout un sens aigu du rythme qui profite du motif rĂŠcurrent de quatre cases par page pour pouvoir, Ă bon escient, les multiplier ou s’offrir un dessin unique. LĂ oĂš la parole n’est pas, Nicolas Presl utilise tous les autres langages Ă sa disposition pour porter son discours sur l’absurditĂŠ de ce qui nous attend. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le bruit est assourdissant. D’une beautĂŠ rare et d’une narration fine, Les Jardins de Babylone de Nicolas Presl est le type de dystopie qui passe. Qui passe vraiment bien, mĂŞme. → Les Jardins de Babylone de Nicolas Presl chez Atrabile, 328 pages, 29 â‚Ź. → atrabile.org


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r e k r a P

→ Parker – IntÊgrale, de Darwyn Cooke, chez Dargaud, 602 pages, 45 ₏. → dargaud.com

Margue

REGARDS â– Au commencement

rite

ĂŠtait Frans Masereel, graveur belge, lunetteux et ĂŠlĂŠgant, qui inventa en l’an 1918 le roman graphique sans parole dans son 25 images de la passion d’un homme. Avec pour seul outil narratif des images se succĂŠdant, il allait offrir une nouvelle façon de lire un livre et de regarder une image, l’inverse restant tout aussi vrai. En 2020, l’Êditeur parisien Martin de Halleux, du genre fanatique de Masereel dont il rĂŠĂŠdita glorieusement les Ĺ“uvres, remet le couvert sur une table toute neuve et propose Ă des maĂŽtres actuels de la bande dessinĂŠe de suivre les prĂŠceptes du glorieux conteur silencieux. La collection se nomme ÂŤÂ 25 images , parce qu’il n’y en aura pas une de plus, de mĂŞme qu’il n’y aura pas de couleur ni de texte. Elle s’est ouverte par le sublime La ForĂŞt de Thomas Ott. L’opus suivant ne l’est pas moins, car Joe G. Pinelli n’est pas le plus malhabile Ă ce petit jeu et son Marguerite nous a laissĂŠs sans voix. Faisons de nouveau osciller la flèche du temps et retrouvons-nous Ă prĂŠsent en 1934, le 12 fĂŠvrier plus prĂŠcisĂŠment. Six jours après la dĂŠmonstration de force de l’extrĂŞme-droite française, la gauche unie dĂŠfile pour scander son rejet du fascisme. Au milieu d’un Paris bouillant et d’une ĂŠpoque qui l’est tout autant, Joe Pinelli nous raconte le parcours d’un peintre et d’une fleuriste, le premier dessinant de loin la seconde qui prend un malin plaisir Ă le balader dans les rues parisiennes, alors brĂťlantes. Cette romance en devenir est le fil rouge de ces 25 images admirablement fignolĂŠes par Joe Pinelli. Mais l’espace et le temps qui l’englobent sont au moins aussi centraux que la figure des deux hĂŠros qu’il faut parfois chercher longuement parmi le tumulte de ce 12 fĂŠvrier. L’auteur belge, figure de la BD alternative et noire, ayant collaborĂŠ avec les grands causeurs que sont Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal et Marc Behm, parvient ici Ă mettre un monde en 25 images. Le Paris des annĂŠes 1930, ses angoisses, ses espoirs, ses craintes, son architecture, ses habitudes, la sĂŠduction, la candeur, la violence, tout est inclus dans ces grandes compositions Ă l’ÊlĂŠgance raffinĂŠe. Oui, 25 images font un roman et Joe Pinelli le prouve encore en 2020. -

→ Marguerite, de Joe Pinelli aux Éditions Martin de Halleux, 22 â‚Ź, 32 pages. → martindehalleux.com

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COLOSSAL â– Tout est mastoc ici. Le pavĂŠ de 600 pages, en premier lieu. Le hĂŠros, aussi, Parker, un braqueur sans cĹ“ur et bâti avec des parpaings. Mais aussi les noms qui accompagnent celui de Parker sur la couverture. Le premier, Richard Stark aka Tucker Coe aka Donald Westlake est celui qui releva le roman noir amĂŠricain dans les annĂŠes 1960, alors que la première gĂŠnĂŠration se mourait et que la deuxième peinait Ă montrer les dents. PopularisĂŠe ici en France par la lĂŠgendaire collection SĂŠrie Noire de Marcel Duhamel et par le fanatisme de Jean-Patrick Manchette (qu’on retrouve avec une chronique et un grand plaisir posthume ici) Ă son ĂŠgard, la sĂŠrie de roman Parker est son bĂŠbĂŠ le plus pur, le plus dur, le plus explosif. Darwyn Cook, le deuxième nom sur la couverture et l’unique responsable de cette adaptation en bande dessinĂŠe, est un poids lourd itou. FormĂŠ chez Bruce Timm et son anime Batman, ayant rĂŠalisĂŠ la majeure partie de sa carrière chez DC Comics, il s’est frayĂŠ le chemin le plus sombre parmi les hĂŠros de l’Êcurie. Au passage, il a glanĂŠ trois Eisner Awards avec sa sĂŠrie Justice League : La Nouvelle Frontière. Mais le casting ne fait pas le chef-d’œuvre. Or, chef-d’œuvre il y a. Et c’est bien urbain de la part de Dargaud de nous le rappeler Ă l’aide de cette intĂŠgrale qui reprend les quatre tomes dĂŠjĂ parus entre 2010 et 2014 et y ajoute un dossier de 60 pages avec interview, dessins inĂŠdits et JP Manchette, donc. Darwyn Cook amène aux personnages et romans stĂŠrĂŠotypiques en diable de Richard Stark son sens de la narration et sa grande copine la noirceur. Tout en monochrome, en jeux d’ombres et cassures de rythme, le Canadien parvient Ă ajouter un ĂŠtage aux monuments du romancier amĂŠricain. Alors que les livres avaient dĂŠjĂ grossi jusqu’à la dĂŠmesure les fondamentaux du genre, faisant de Parker un diamant brut, violent, incapable d’Êmotion ou presque et d’une efficacitĂŠ Ă faire peur, Darwyn Cooke parvient Ă rajouter un vernis plus sombre encore, rendant chaque caractĂŠristique de ses rĂŠcits plus tranchante et plus ĂŠclatante. Le dessinateur a l’outrecuidance de faire coup double et de le faire bien : introduire les amateurs du noir Ă l’art de la bande dessinĂŠe et les aficionados du neuvième art Ă celui du polar. Et on peut y ajouter les transis du patrimoine, parce qu’on est face Ă une cathĂŠdrale, lĂ .


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Battu

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PLONGEON â– La chasse est une activitĂŠ pour le moins ambiguĂŤ.

Digital Species

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OUTREMONDE ■Au loin, l’horizon devient flou. La rÊalitÊ

doit alors se colleter avec ces limites vagues, et notre imagination prendre le relais. Qu’y a-t-il derrière ce brouillard, ces mirages ? C’est lĂ que le travail d’HĂŠlène Jeudy dĂŠmarre. Car celle-ci n’a que faire des pauvres rĂŠfĂŠrentiels de notre quotidien. Le monde, tel que le perçoit la dessinatrice lilloise et co-fondatrice du studio Geriko, est une entitĂŠ modulable qui ne vaut que par sa distorsion. Elle y pioche de l’Ênergie, un esprit, des ĂŠvocations et en reconstruit un autre Ă sa mesure au fil de ses dessins. Ainsi, pour ce Digital Species sorti aux Éditions FP&CF, nous emmène-t-elle dans ces territoires ĂŠtranges, connus d’elle seule qui part en exploratrice dans ces espaces impossibles. Nous voici donc emportĂŠs dans une tribulation aux contours flous oĂš les pages n’offrent que de rares points d’accroche. Encore nous faudraitil, pour parler de tribulation, quelques notions d’espaces et de temps, un dĂŠbut et une fin, un point A et un B. Ici, nous sommes au milieu des volutes, dans une sorte de gestation onirique d’un univers parallèle. Le remarquable travail graphique d’HĂŠlène Jeudy puise largement dans les mangas dystopiques et les fulgurances offertes par le dessin numĂŠrique. Son Digital Species est le rĂŠsultat de ces recherches graphiques et fantastiques. Il est l’imagier de ces mondes nouveaux et essaie d’approcher ce fameux point qui va au-delĂ du rĂŠel, autant sur l’esthĂŠtique pure que sur ce qu’il nous raconte. Y surgissent des ĂŞtres, des dĂŠcors, des paysages qui sortent d’une autre terre, d’un autre temps. Ă€ l’intĂŠrieur de cette post-rĂŠalitĂŠ, les couches se superposent, l’ensemble se modifie et ne trace jamais une ligne claire et concevable. Et nous ĂŠvoluons, bluffĂŠs, dans cet ensemble de choses et de formes impalpables mais donnant la sensation d’exister pourtant. Car, oui, nous en sommes persuadĂŠs, quelque part, Ă un moment donnĂŠ, ces spĂŠcimens existent bien. → Digital Species, d’HĂŠlène Jeudy aux Éditions FP&CF, 36 pages, 30 â‚Ź. → editionsfpcf.com

En mĂŞme temps qu’elle rĂŠvèle une certaine forme de fascination pour la nature, elle exalte un sentiment de puissance et de destruction qui flatte l’humain en ĂŞtre supĂŠrieur. Et puis, les mecs ont des flingues quand mĂŞme. Choisir ce dĂŠcor pour en faire une bande dessinĂŠe est un choix opportun de la part de la scĂŠnariste et rĂŠalisatrice Marine LevĂŠel et du dessinateur Lilian Coquillaud pour leur album Battue. Elle soulève des interrogations qui s’accrochent, tenaces, Ă l’individu pĂŠriode XXIe siècle, dans son rapport Ă la nature, dans son rapport Ă l’autre, dans son rapport aux traditions. C’est d’ailleurs un pesant passĂŠ que l’hĂŠroĂŻne, Camille Duhamel, a tentĂŠ de fuir. Son père est Ă la tĂŞte d’une obscure assemblĂŠe de chasseurs, lĂŠgèrement orientĂŠe politiquement, apprĂŠciant notamment l’ordre, la discipline et les rituels immĂŠmoriaux. Mais ce père meurt, comme ça arrive parfois. ChauffĂŠe par un de ses amis journalistes pour intĂŠgrer le groupuscule, elle part jouer la digne hĂŠritière lors de La Grande Battue, le rite initiatique des Blanchistes, le joli nom de la bande. Camille plonge alors dans une nature sauvage, dans une sociĂŠtĂŠ qui ne l’est pas moins et dans des atermoiements sur la place qu’elle doit prendre entre ses origines et ses convictions. Un rĂŠcit comme une aubaine pour le dessinateur Lilian Coquillaud. C’est l’occasion de faire, certes, quelques planches magnifiques tant l’aquarelle lui semble facile, mais aussi d’installer autour de ce rite d’initiation une ambiance suffocante. Suivant Ă la lettre le rĂŠcit de Marine LevĂŠel, ses envolĂŠes graphiques ĂŠpousent les tensions et les questionnements d’une hĂŠroĂŻne aux prises avec les principes qui l’ont vue grandir. La libertĂŠ contre l’ordre, l’obĂŠissance contre l’instinct, tout entre ici en rĂŠsonance avec les questionnements de notre ĂŠpoque. Pendant ce temps, il y en a une que ça commence Ă fatiguer : la nature. → Battue de Lilian Coquillaud et Marine LevĂŠel chez 6 pieds sous terre, 120 pages, 24 â‚Ź. → 6pieds-sous-terre.com


Hors-série SOCIALTER

Baptiste Morizot Rédacteur en chef

Disponible en kiosque et en librairie


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La Solitude du marathonien de la bande des sinĂŠe nous accueillons un nouvel ĂŠlève aujourd’hui. fresno, 1982

Allez, Ă toi de jouer. Parle-nous un peu de toi.

Euh‌ je m’appelle Adrian‌

Je dessine et je collectionne les comics.

Tu ne peux pas essayer de nous en dire un peu plus, Adrian ? Tu as des passe-temps ?

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SPÉLÉOLOGIE â– Adrian Tomine est un auteur formidable et reconnu comme tel dans le monde entier. Chacun de ses nouveaux livres est un ĂŠvĂŠnement et les gens sur les rĂŠseaux sociaux rĂŠcoltent un maximum d’approbation en partageant ses unes du New Yorker. Mais si, vous savez, lĂ , celle avec le libraire et le livreur d’Amazon. Le seul souci, c’est qu’Adrian Tomine est une superstar dans un monde ĂŠtrange : celui de la bande dessinĂŠe. Ce spĂŠcialiste de l’inadaptation sociale se penche cette fois-ci sur son propre cas et son propre parcours dans les sphères mondaines et mĂŠdiatiques du neuvième art. Une autobiographie en nĂŠgatif, oĂš nous avons beau suivre une carrière brillante sur quasiment 40 ans, nous n’y lisons que des moments gĂŞnants, des bourdes, des lâchetĂŠs et des espoirs dÊçus. Il faut dire que l’univers dans lequel il ĂŠvolue est particulièrement perfide. BĂŠnĂŠficiant d’une image sympathique, ses amateurs sont pourtant rĂŠgulièrement incompris ; très populaire, il n’est peuplĂŠ que de quasi-inconnus (la citation d’entrĂŠe de Daniel Clowes comparant la cĂŠlĂŠbritĂŠ des dessinateurs Ă celles des joueurs de badminton est, Ă ce titre, nickel) ; censĂŠ ĂŞtre un monde de passion, il est aussi celui oĂš les hiĂŠrarchies pèsent lourd et oĂš le rĂŠseau est primordial. Pour la personne timide, anxieuse et peu sĂťre d’elle-mĂŞme que semble ĂŞtre Adrian Tomine, le cheminement sur les routes de la reconnaissance a ĂŠtĂŠ pour le moins fastidieux. ÉlaborĂŠ Ă la manière d’un carnet de croquis, jusque dans les formats petits carreaux de chaque page, La Solitude du marathonien de la bande dessinĂŠe joue Ă fond la carte de la sincĂŠritĂŠ. Le grand, le cĂŠlèbre Adrian Tomine y livre sans fard ses hontes et ses dĂŠsillusions. Le dessin en noir et blanc, le gaufrier inamovible de six cases par page et le feutre simple avec lequel il a rĂŠalisĂŠ ce livre jouent esthĂŠtiquement de cette mise en scène de l’authenticitĂŠ. On peut regretter ce soulignement Ă gros trait et regretter aussi que son auteur et hĂŠros ne semble pas s’apercevoir que, malgrĂŠ tous ses dĂŠboires, il a connu une carrière comme il en existe bien peu dans la bande dessinĂŠe. Mais ce serait bouder bĂŞtement un livre qui pointe justement et avec humour les faiblesses d’un monde qu’on pourrait penser enchantĂŠ. Mieux, en ouvrant le lecteur au quotidien des auteurs de bande dessinĂŠe, il fait bien plus qu’un travail de mĂŠmoire sur sa condition. Il renvoie le lecteur Ă son propre quotidien et donne la possibilitĂŠ Ă tous de se reconnaĂŽtre dans ses dĂŠboires. Les injustices, les humiliations, le cirque de la reprĂŠsentation se retrouvent dans chaque domaine d’activitĂŠ. Le champ artistique n’est pas Ă part, et s’il peut paraĂŽtre plus enviable, on y retrouve les mĂŞmes mascarades que partout ailleurs. Toutefois, l’un des avantages qu’il peut y avoir, c’est qu’on peut en faire un excellent livre. → La Solitude du marathonien de la bande dessinĂŠe, d’Adrian Tomine chez CornĂŠlius, 166 pages, 23,5 â‚Ź. → cornelius.fr


I’M BLUE â–

Toujours nichĂŠe chez La Joie de Lire, Éva Offredo poursuit sa petite sĂŠrie de jeux de langage illustrĂŠs. Après Matcha et Kiki, la voici de retour avec Domino. De ce court rĂŠcit en ÂŤÂ o , nous retiendrons forcĂŠment les mots rigolos. Entre ÂŤÂ Ciboulot , ÂŤÂ Tombolo  et ÂŤÂ Illico Presto , on est plein de ces mots qui font des bonds en bouche, qui culbutent le long de la langue pour finir sur des lèvres ouvertes et promptes Ă sourire dĂŠjĂ . Et puis, la belle histoire de cette souris bleue qui veut sauver la planète et trouver l’amour ne peut qu’avoir notre consentement. Si le travail littĂŠraire d’Éva Offredo est admirable, peut-ĂŞtre avons-nous ĂŠtĂŠ plus sĂŠduits encore par l’esthĂŠtique choisie. Alternant les lignes, les points et les formes, manipulant les vides et les pleins et ajoutant un peu de matière pour relever le goĂťt, la dessinatrice se joue des contraintes chromatiques fortes du format (ici un joli duel entre le bleu et l’indigo). Mais plus que la performance, c’est le rendu qui nous intĂŠresse. Car, ce faisant, Éva Offredo offre de splendides compositions graphiques aux enfants et aux parents, de celles qu’on ne croise que rarement dans la littĂŠrature jeunesse. Une manière d’aiguiser le regard avec dĂŠlicatesse et, pour les personnes de plus de six ans, de pouvoir sans lassitude lire et relire ce Domino. → Domino d’Éva Offredo chez La Joie de Lire, 40 pages, 12,90 â‚Ź. → lajoiedelire.ch

Le Bon Coin

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pĂŠdagogique aux Voyages extraordinaires d’Axel d’AurĂŠlien Jeanney. Le petit Axel, accompagnĂŠ de sa besta Soon, de sa chatte Zelda et de son oiseau Archimède, explore les ocĂŠans, l’espace, la jungle, la ville et la campagne et s’en donne Ă cĹ“ur joie pour donner infos et astuces Ă nos chers enfants. HĂŠ, les parents, on vous voit hein : qui savait que le soleil ĂŠtait 330 000 fois plus lourd que la terre ? Ne vous en faites pas, le fun arrive juste après. Les dessins en vectoriel sont le dada du graphiste et ici les formes et couleurs s’y rĂŠvèlent rigolardes et luxuriantes Ă souhait. Il a su y ajouter le futur en bonus. Car le voilĂ , le très gros plus du livre : la rĂŠalitĂŠ augmentĂŠe, accessible via le tĂŠlĂŠphone des parents. Et lĂ , c’est une nouvelle dimension qui s’ouvre grâce aux animations choupinettes en diable qui viennent surplomber la chose imprimĂŠe. L’enfant s’amuse. Le parent n’en revient pas qu’il y ait ce genre de choses et toujours pas de trace de voitures volantes. Tout le monde rit, tout le monde apprend, tout le monde est content. → Les Voyages extraordinaires d’Axel, d’AurĂŠlien Jeanney chez Amaterra, 16,90 â‚Ź. → amaterra.fr

Un Nom de bĂŞ fĂŠroce te SAUVAGE â– La vie des enfants n’est ni pavĂŠe de chamallows et ni bordĂŠe de murs en mousse. Il leur arrive rĂŠgulièrement de sacrĂŠes tuiles et tout cela doit pouvoir ĂŞtre dit par des mots ou des images. Et mĂŞme les deux, tiens. C’est le job rĂŠalisĂŠ par l’illustratrice Marine Rivoal et de l’Êcrivain Jean-Baptiste Labrune, rĂŠunis pour la première fois sur un mĂŞme album. Un Nom de bĂŞte fĂŠroce met en scène un petit garçon et un chat ayant grandi ensemble mais qui voient leurs chemins s’Êcarter peu Ă peu. Le nouveau livre de l’autrice de Cui-Cui et de l’auteur des Contes du petit duc (dessinĂŠs par JĂŠrĂŠmie Fischer) est une histoire de liens qui se dĂŠnouent et de proximitĂŠ rompue. On traite ici de souvenirs et de chagrin, on le fait avec franchise et poĂŠsie. Et parlons, je vous prie, des superbes dessins de Marine Rivoal. Dans un noir et blanc tout doux qui se teinte d’orange quand la tension monte, l’illustratrice lyonnaise joue de la silhouette et des niveaux de gris pour nimber de mĂŠlancolie tout l’album et lui offrir ce qu’on aime beaucoup dans les albums jeunesse : une beautĂŠ ĂŠpoustouflante. N’ayons pas peur des histoires tristes quand elles sont si belles. → Un Nom de bĂŞte fĂŠroce, de Marine Rivoal et Jean-Baptiste Labrune, aux Éditions du Rouergue , 48 pages, 16â‚Ź. → lerouergue.com

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APPEL â– Une chronique simple et pratique pour dire Ă quel point nous aimons Alexandra Pichard et que si, bon, voilĂ , elle voulait bien ĂŞtre notre amie ben ce serait vraiment super sympa de sa part. Ouf. Depuis tout ce temps qu’on n’osait pas. LĂ , c’est fait. Il faut dire que ça dure cette histoire. VoilĂ plus de dix ans qu’elle a sorti son parfait Herman et Dominique qui fait encore les belles heures des ĂŠditions Thierry Magnier. S’ensuivirent masse d’autres livres, des illustrations presse dans les endroits les plus chics de la ville (New Yorker, New York Times, magazine George, ce genre) et une marge d’erreur toujours proche de zĂŠro. Et lĂ voilĂ qui revient en solo chez Les Fourmis Rouges, pour une deuxième livre chez elles, Le Bon coin. Dans ce thriller haletant, nous sommes aux prises avec un ornithologue qui dĂŠsespère de ne pas pouvoir approcher les canards. Il s’Êchine Ă son atelier pour fabriquer le meilleur appeau et passe ses nuits dehors mais rien n’y fait : ses instruments ne sortent jamais le bon cri et le voilĂ suivi par tous les animaux qu’il a appelĂŠs par erreur. Comme d’habitude avec Alexandra Pichard, la drĂ´lerie ĂŠtincelle et la joliesse brille. De la texture, de grands aplats de couleurs vives et un trait ĂŠlastique viennent se lover dans cette histoire dont l’absurditĂŠ n’a d’Êgal que le plaisir qu’elle procure. Encore une fois, c’est un grand coup d’amour. → Le Bon Coin, d’Alexandra Pichard chez Les Fourmis Rouges, 48 pages, 15,90 â‚Ź. → editionslesfourmisrouges. com

INTERRO â– On ne va pas vous le cacher, il y a très clairement une vertu

Š Julien Hay

Domino

Les Voyages s e r i a n i d r o extra d’Axel

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LE

ES KIDZ D IN O C


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VOYAGE VOYAGE â– Bastien Dubois est nĂŠ en 1983

Ă Lille, ce qui explique son tempĂŠrament extrĂŞmement sympathique. Il fait sa formation Ă la renommĂŠe Supinfocom de Valenciennes et rĂŠalise AH, un court-mĂŠtrage de fin d’Êtudes mettant en scène une petite fille devant sa soupe Ă l’alphabet, qui plonge dans un univers surrĂŠaliste de lettres ĂŠtranges. Ă€ la sortie de l’Êcole, il accumule les expĂŠriences dans l’infographie et l’animation de jeux vidĂŠo.PassionnĂŠ de voyage, et après avoir fait du stop du nord de la France Ă Istanbul, il imagine la crĂŠation d’un carnet de voyage animĂŠ.

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Madagascar, 2009 Portraits de Voyage, 2013 Cargo Cult, 2013

Les films de Bastien Dubois

Le carnet de voyage, en tant que support d’expression artistique, est une forme qui lui correspond bien. Il a grandi dans une famille oĂš beaucoup de gens dessinent, bercĂŠ d’aventures graphiques. ÂŤÂ Le carnet de voyage reprĂŠsentait un idĂŠal, le point de rencontre parfait de mes deux passions : le voyage et le dessin.  De cette idĂŠe naĂŽtra son premier film indĂŠpendant, Madagascar, qu’il rĂŠalise au terme d’une annĂŠe passĂŠe sur la grande ĂŽle rouge, court-mĂŠtrage qui reçut immĂŠdiatement un succès colossal en ĂŠtant projetĂŠ dans plus de 200 festivals internationaux et, cerise sur le gâteau, en rentrant dans le club très fermĂŠ des nominĂŠs aux Oscars en 2011. Pourtant, au moment oĂš il embarque pour Antananarivo, il n’imagine rien de tout ça : il part, c’est tout, avec ce projet personnel qui l’emballe depuis un moment et quelques ĂŠconomies, sans trop savoir combien de temps ça va lui prendre exactement ni s’il va pouvoir le mener Ă bienu. Une fois sur place, il alterne des sĂŠquences voyage/travail : 10 jours ÂŤÂ voyage d’observation , Ă se balader sur l’Île un carnet de dessin dans la poche, un appareil photo et une camĂŠra ; puis 3 semaines ÂŤÂ travail  Ă demeure, sĂŠlectionnant les images qu’il venait de rĂŠcolter, posant au crayon l’idĂŠe sur papier, retouchant le dessin, esquissant un layout 3D assez grossier, qui allait servir de base pour peindre à la gouache ou Ă l’aquarelle, crayonnant encore, collant parfois, composant entre le manuel et le digital. Le succès est au rendez-vous. Si bien qu’Arte lui commande une sĂŠrie de 20 Portraits : d’autres voyages, d’autres destinations, vues cette fois-ci au travers des yeux des gens qu’il interroge en MĂŠtropole. En 2013 il rĂŠalise Cargo Cult, fiction qui se dĂŠroule en Papouasie-Nouvelle-GuinĂŠe durant la Seconde Guerre mondiale. ÂŤÂ Au dĂŠpart je voulais faire un documentaire en animation. Mais le sujet ĂŠtait tellement dense, large Ă explorer, que j’ai prĂŠfĂŠrĂŠ faire une fable pour montrer ce qui se passe dans ce ÂŤÂ culte du cargo . La fin est d’ailleurs ouverte, pour que chacun soit libre de l’interprĂŠter Ă sa guise. Souvenir Souvenir, son tout dernier court-mĂŠtrage, est un projet plus ancien : il l’a commencĂŠ et abandonnĂŠ cent fois, tellement le sujet le fascine autant qu’il le dĂŠvore : savoir ce que son grand-père a fait durant la guerre d’AlgĂŠrie. ÂŤÂ C’Êtait un carnet de vie plutĂ´t qu’un carnet de voyage, parti en rĂŠalitĂŠ du dĂŠni de vouloir savoir ce qu’avait fait mon grand-père pendant cette guerre. J’avais envie mais je n’y arrivais pas. C’Êtait trop dur. C’est seulement quand j’ai compris que le vrai sujet du film n’Êtait pas mon grand-père, mais moi-mĂŞme en train de faire un film que je ne voulais pas faire, que j’ai rĂŠussi Ă le terminer.  Ça tombe bien : le 10 novembre dernier le film a permis Ă Bastien Dubois de remporter le Prix Émile-Reynaud, remis par les adhĂŠrents de l’Association française du cinĂŠma d’animation. Souvenir Souvenir est ĂŠgalement en sĂŠlection officielle au Festival du court-mĂŠtrage de Clermont-Ferrand et au festival du Film de Sundance. → Les films de Bastien Dubois sont visibles sur Kiblind.com → Filmographie - Madagascar, Sacrebleu, 2009 - Portraits de Voyage, 20 x 3’, 2013 - Cargo Cult, 2013 - Souvenir Souvenir, 2020

Souvenir Souvenir, 2020

Animation par Jean Tourette


www.olow.fr


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Musique par Elora Quitttet

Bicep

TRADI-RAVE â– Trois ans

après un premier disque exceptionnel sorti chez Ninja Tune, les deux Londoniens de Bicep ont concoctĂŠ un deuxième chef-d’œuvre, Isles. Isles ne raconte pas une histoire mais des histoires, celle de l’Irlande fracturĂŠe et irrĂŠconciliable dont ils sont originaires mais aussi celles des pays qu’ils ont pu traverser. Ce carnet de route prend forme Ă travers les vocalises hindi d’ Atlas  et les samples de chanteurs malawiens d’ Apricots . Des ĂŠlĂŠments traditionnels tranchant avec les kicks inĂŠpuisables qui dessinent Isles et en font la destination rĂŞvĂŠe.

→ Isles de BICEP - Sortie le 22 janvier 2021 chez Ninja Tune → ninjatune.net

Chap i Chapo

BRICOLO â– C’est pas moins de 600 jouets ĂŠlectroniques pour enfants que Patrice ElĂŠgoĂŤt a accumulĂŠs ces quinze dernières annĂŠes. Non par simple collectionnite, mais aussi pour s’en servir. Avec des mini-guitares et synthĂŠtiseurs, une DictĂŠe Magique et d’autres jouets zinzins Ă souhait, le musicien a fait naĂŽtre Collector, un album ĂŠlectronique qui n’est pas aussi foutraque qu’on pourrait le penser. Grâce aux voix de Maxwell Farrington et Émilie Quinquis entre autres, et Ă une maĂŽtrise optimale du joujou en tous genres, l’album du FinistĂŠrien replace le jouet dans la cour des grands. → Collector de Chapi Chapo et les Jouets ĂŠlectroniques – disponible en auto-production → chapimusic.com

ls e i r ab

G

PURETÉ ■La fusion de

Jacob Lusk – membre ÊmÊrite de la LA Gospel Community et choriste ponctuel de Diana Ross – et d’Ari Balouzian et Ryan Hope, tous deux producteurs, ne pouvait qu’être prolifique. Le mÊlange de leurs savoir-faire respectifs donne Gabriels, un groupe envoyÊ sur terre pour remplir nos oreilles de sucre. Love and Hate in a Different Time est un bonbon de puretÊ et de beautÊ. PlacÊe au centre du projet, la voix de Jacob Lusk et les diverses vocalises traversant l’album n’ont besoin que de quelques notes de piano et de claquements de doigts pour être accompagnÊs. Un album soul que la Motown ne bouderait pas, on est en sÝrs. → Love and Hate in a Different Time de Gabriels - disponible en auto-production → gabriels.bandcamp.com

KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

CÉRÉBRAL ■Fermez les yeux,

Serguei Spoutnik

cette ĂŠchappĂŠe cĂŠleste vous est offerte par le Professeur Spoutnik. Subject, Verb, Complement nous emmène lĂ oĂš le temps s’Êtire et oĂš les ĂŠmotions en sont rĂŠduites Ă l’essentiel. Ce premier EP est une ĂŠpopĂŠe cĂŠrĂŠbrale marquĂŠe par des arrĂŞts dans des paysages tantĂ´t dĂŠsertiques, tantĂ´t habitĂŠs par des entitĂŠs qui viennent susurrer Ă travers les couches infinies de synthĂŠtiseurs. EnregistrĂŠ en une seule prise sur VHS, Subject, Verb, Complement de Serguei Spoutnik oscille subtilement entre ambient, synth pop et spoken word pour un rĂŠsultat aussi grandiose que mystique. → Subject, Verb, Complement - disponible chez SantĂŠ Records → santerecords.bandcamp.com

Alexi Shell

TEUF MÉDITATIVE â– Le premier morceau de l’EP d’Alexi Schell rĂŠsume Ă lui seul toute l’ambivalence de ce qui va suivre. D’abord inquiĂŠtants et calfeutrĂŠs, les chants de sirènes deviennent peu Ă peu limpides et ensorcelants. Ils introduisent quatre morceaux ĂŠlectroniques aux sonoritĂŠs parfois brutes et chaotiques, vite calmĂŠs par des regains d’espoir et de douceur. C’est tout le paradoxe de la vie qui est concentrĂŠ dans I Wish I Was a Mermaid, ce sont la joie, la tristesse, l’euphorie, la violence et la douceur qui dĂŠbarquent sans frapper. Un disque oĂš les longs rĂŠcits ne sont pas nĂŠcessaires tant la musique se raconte par elle-mĂŞme. → I Wish I Was a Mermaid de Alexi Shell – disponible en auto-production → soundcloud.com/alexiacaunille

Beach Youth

REMĂˆDE â– Après deux EP,

place Ă l’album. Postcard de Beach Youth vient rĂŠveiller notre morne hiver en nous traĂŽnant dans un flot ininterrompu de vagues de synthĂŠtiseurs et de guitares ramollies par le soleil. Après avoir inondĂŠ le public de leur aura bienfaitrice dans toute la France, les quatre Normands nous donnent l’occasion de rapporter un petit bout de vacances et de lĂŠgèretĂŠ Ă domicile. Rappelant par moments les envolĂŠes rythmiques de Jonny Pierce de The Drums, les ballades pop de Postcard sont un mĂŠdicament pour nos âmes en peine hivernales. → Postcard sortira le 19 fĂŠvrier chez Shelflife Records, Music from the Masses et WeWant2Wecord → musicfromthemasses.bandcamp.com/album/ postcard

t Cassette h g i n d Mi BRIT POP â– En parallèle du fabuleux groupe Gloria, la chanteuse anglaise Amy Winter s’est entourĂŠe de musiciens lyonnais pour former Midnight Cassette. Ils mettent ensemble au monde Castle of My Heart, un premier album oĂš la voix grave et enivrante d’Amy vient se poser sur des nappes d’instruments vintage lancinantes, l’ensemble rappelant les grandes heures de la pop anglaise. Avec un son chaud et pĂŠnĂŠtrant que l’on imagine tout droit sorti d’une cassette, Castle of My Heart est un disque refuge duquel on n’a jamais envie de s’enfuir.

→ Castle of My Heart de Midnight Cassette - disponible via le Pop Club Records & Archipel → lepopclub.com

Tamburi Ner i

SOMBRE BAL â– La couleur est donnĂŠe dès

la lecture du titre : ce sera noir. Ombre est une incantation en provenance de mondes parallèles. Le premier LP du duo milanais Tamburi Neri est un ĂŠcrin aussi sombre que rĂŠdempteur, imprĂŠgnĂŠ de vocalises d’outretombe et de textes contĂŠs dans diverses langues. Mais ce n’est pas que ça ; pièce ĂŠlectronique poĂŠtique et furieusement moderne, Ombre arrive Ă rendre la noirceur dĂŠlicate et hypnotique grâce Ă la voix quasiment lyrique d’Hiroko qui lie les huit morceaux entre eux et vient habiller des rythmiques synthĂŠtiques entĂŞtantes. Un bal inquiĂŠtant et fascinant.

→ Ombre de Tamburi Neri - Sortie le 18 fÊvrier 2021 chez Worst Records → worst-records.bandcamp.com


Vi V A

iC néma 27.01.21 02.02.21

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MA FÊTE LE CINÉ TAURÉ

R ES RETROUVÉ ET xposition, s, e Spectacle ncontres e r t e s film vier au n a j 7 2 u d r 2021 02 févrie

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LUX Scène nationale 36 Bd. du Général de Gaulle 26000 Valence infos et réservations 04 75 82 44 15 lux-valence.com

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đ&#x;‘€ SÉLECTION JEUX VIDÉOS — 80

Jeux vidÊo par Yann François

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PLONGEON â– Dans une grande plaine, uniquement peuplĂŠe

Cyberpunk 2077 ATTENTE â– Attendu comme le Messie, Cyberpunk 2077 n’en finit plus de diviser depuis sa sortie. Mais, qu’on soit fan ou dĂŠtracteur, on s’accorde au moins sur un point : sa direction artistique est Ă tomber par terre. Depuis son avènement littĂŠraire dans les annĂŠes 1980 (avec des chefs-d’œuvre comme Neuromancien de William Gibson) puis sa popularisation au cinĂŠma, le cyberpunk est un genre qui a su imposer son lot de rĂŠfĂŠrents visuels, de la mĂŠtropole verticale et bigarrĂŠe Ă la Blade Runner aux implants cybernĂŠtiques toujours plus intrusifs sur les corps, en passant Ă l’omniprĂŠsence du nĂŠon et du fluo en guise de dĂŠco murale. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que CD Projekt, studio polonais derrière le jeu, fait plus que rendre hommage Ă cet hĂŠritage : il lui offre une forme totale et dĂŠfinitive. C’est simple : Night City (la ville du jeu) ressemble, par sa densitĂŠ et sa folie crĂŠative, Ă un musĂŠe du cyberpunk Ă ciel ouvert, dont le moindre panorama devient choc esthĂŠtique. Chaque passant, chaque vĂŠhicule, chaque rue et chaque immeuble respirent l’artisanat orfèvre et le souci maniaque du dĂŠtail de vie. Ă€ dĂŠfaut d’être le grand blockbuster de l’annĂŠe, Cyberpunk 2077 peut au moins se consoler de la palme de l’immersion, en s’imposant comme une des balades les plus mĂŠmorables au cĹ“ur d’un urbanisme futuriste et fantasmĂŠ. C’est dĂŠjĂ ĂŠnorme.

→ Cyberpunk 2077 → Éditeur : CD Projekt / Genre : RPG / Dispo sur : PC, PlayStation 4, Xbox One, Xbox Series, PlayStation 5 → cyberpunk.net

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Pathl e e

de tours et sanctuaires en ruine, une jeune archère masquĂŠe galope Ă perdre haleine. AidĂŠe de son aigle, elle doit activer de ses flèches lesdits bâtiments, seul moyen pour elle de libĂŠrer l’Ênergie endormie des lieux, et ainsi dĂŠloger le dĂŠmon qui terrorise la rĂŠgion. Petit cousin zen de l’illustre Zelda : Breath of the Wild, The Pathless est un jeu oĂš l’on court autant qu’on contemple, les yeux ĂŠbahis, la majestĂŠ de ses contrĂŠes. Une beautĂŠ purement panthĂŠiste puisque, Ă l’exception de notre hĂŠroĂŻne, de sa proie et de quelques biches apeurĂŠes, l’endroit semble exsangue de toute âme qui vive, si ce n’est la prĂŠsence ĂŠthĂŠrĂŠe d’un esprit sylvestre remuant les arbres d’un souffle assoupi. Avec ses animations de maĂŽtre, sa palette de couleurs sciemment condensĂŠe en quelques fulgurances chromatiques, le jeu rappelle les plus beaux films Ghibli, leur science de l’espace et de la plĂŠnitude ĂŠmotionnelle. Par sa nature dĂŠpouillĂŠe et ĂŠsotĂŠrique (un mystère enveloppe constamment notre quĂŞte, sans que cela ne vienne gâcher le trip), le jeu fait aussi penser Ă un autre maĂŽtre du jeu vidĂŠo : Fumito Ueda. Celui-lĂ mĂŞme qui, pour composer des chefs-d’œuvre comme ICO ou Shadow of the Colossus, s’est inspirĂŠ des toiles de Giorgio di Chirico, maĂŽtre pictural de la mĂŠtaphysique du temps et de l’espace. Une mĂŠtaphysique que le jeu vidĂŠo, Ă l’instar de The Pathless, ne cesse de rĂŠinvestir depuis pour faire ses propres tableaux vivants, oĂš chacun¡e vient se perdre pour mieux se retrouver. → The Pathless → Éditeur : Annapurna Interactive / Genre : Action-Aventure / Dispo sur : PC, PlayStation 4, PlayStation 5, iOS → thepathless.com



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288 pages, 3 thématiques, 24 artistes qui dessinent le monde d’aujourd’hui.

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KIBLIND Magazine → 74 → Dans ma rue

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