KIBLIND 51

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HIVER 2014

— CULTURE VISUELLE & VISION CULTURELLE

MONNAIES QUÉQUETTE BOB IT’S NICE THAT CHIFFRES RECORDS BOOM CDI

— 5 MARGAUX OTHATS

GRATUIT kiblind.com


Couverture Kiblind 50 par Jean Jullien

Illustration & Graphisme à emporter

Œuvres originales, Sérigraphies, Posters, T-Shirts, etc. kiblind-store.com




e n Co uv e rt u r e

Sans-titre (création originale)

0 éléonora marton www.eleonoramarton.com

5 MARGAUX OTHATS margauxothats.tumblr.com

1 Tomoya Wakasugi wakasugitomoya.tumblr.com

6 R Kikuo Johnson www.rkikuojohnson.com

2 clément paurd www.clementpaurd.com

7 alles gut www.allesgut.fr

3 NICOLAS MÉNARD www.nicolasmenard.com

8 château fort fort www.chateaufortfort.fr

4 Giacomo bagnara giacomobagnara.tumblr.com

9 jérôme dubois www.jeromedubois.com

C

e numéro 51 est le produit de son environnement. Un alignement des planètes et d'événements indépendants ont en effet conduit à la réalisation de dix couvertures originales, par dix illustrateurs et graphistes différents, sur les dix chiffres qui composent notre alphabet numérique. La première cause à cette inattendue conséquence est une discussion fort à propos sur la force symbolique du numéro 51, qui jaillit dans le cerveau des gens de goût avec la force d'un alcool anisé. De là est née la constatation d'une certaine puissance des chiffres, à laquelle il fallait répondre par la puissance du visuel. Le deuxième faisceau qui engagea la production de différentes couvertures est notre bonne amitié avec la marque de vêtement Mamama. Cette cordiale entente accoucha d'une collection-capsule où Kiblind s'est chargé de la direction artistique. Pour rendre l'alliance plus forte encore, il fallait une intrication réelle entre les différents T-Shirts et le magazine : banco, les visuels seraient les mêmes sur les différentes unes et sur les vêtements. Enfin, et comme de bien entendu, Kiblind déborde d'affection pour les belles choses. Aussi, voulant sans cesse défendre le talent des mille et un artistes dont il croise le chemin, le magazine s'est dit que dix couvertures valaient toujours mieux qu'une. D'autant que cette lumineuse idée permet de découvrir le travail de dix créateurs, sur un thème identique : les chiffres donc. Chacun des participants s'est vu attribuer un chiffre (de 0 à 9) avec lequel il devait se dépêtrer, symboliquement ou concrètement, dévoilant au passage leur manière d'appréhender l'illustration. Ainsi se sont donc déroulées les choses : le 0 (« love » au tennis) pour Eleonora Marton, le 1 pour Tomoya Wagasuki, le 2 pour Clément Paurd, le 3 pour Nicolas Ménard, le 4 pour Giacomo Bagnara, le 5 pour Margaux Othats, le 6 pour Kikuo Johnson, le 7 pour Alles Gut, le 8 pour Château Fort Fort et le 9 pour Jérôme Dubois. Et un 10/10 pour tout le monde.

05


édi to - somma ire Dix doses de 51, un volume de Kiblind. Au coeur de l'hiver glacial, le magazine a décidé de monter en degrés, en jouant des chiffres. 10 chiffres, 10 artistes, 10 couvertures, le tout décliné en T-Shirt de saison et payé en monnaie de singe. Retour à la nature, en peau d'ours cette fois  : argent transient, du gaz pour l'hiver, fantôme à poil, records en plein boom, it's nice that ! Les chiffres, de 0 à 9 donc, rythment nos vies, du coup d'oeil furtif et cerné sur le radio réveil, au niveau d'alcoolémie dès potron minet. L'important c'est de tirer le bon numéro... Sinon, vous connaissez l'histoire du fantôme à la quéquette tordue ?

DATA

08 — money get away

PORTRAIT

15 — it's nice that

PAG ES B L AN CH ES

21 06 07

STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Rédacteurs en chef : Jean Tourette  - Gabriel Viry - Jérémie Martinez Rédacteur en chef Mode : Baptiste Viry

Rédaction Kiblind : Maxime Gueugneau Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez Olivier Trias  - Simon Bournel-Bosson Matthieu Sandjivy - Margot Chauvin. Cahier Mode : DA / Baptiste Viry  - Assistante / Alizée Lagé Photographe / Thomas Chéné - Styliste  / Alix Devallois.

Relecture : Frédéric Gude  Merci à : Baptiste Alchourroun Simon Chambon‑Andreani - David Chauvet Coralie Aubry - François Huguet - Basil Sedbuk - Chloé Chat - Simon Boileau - Delphine Zehnder. Direction artistique : Klar (www.agence-klar.com)


REVUE DE PRESSE

r écl a me

— fantôme à la quéquette tordue

— BOB, Butagaz l’Ours Bleu

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12 REPORTAG E G RA PH I Q UE

16 — Transient

DOSSIER

ca h ier mo d e

— Records

— BOOM

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39 CDI

Mirage Festival

3e Edition

MMMMM IIIIIIIIIIIIIII RRRRRR AAAAAAAA GGGGG EEEEEEEEEE

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Art, Innovation et Cultures Numériques

— Acuité 53 astropolis 54 attention 55 bibliothèque 57 colosse 58 2015

25 Février — 01 Mars

Installations, Musique, Performances, Workshops, Rencontres Pros.

doublette 59 instrumentiste 61 mûr 62 trouble 63 tsoin-tsoin 64

Lyon www.miragefestival.com

INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fédrigoni Couverture : Symbol Freelife Raster 300gr Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g Imprimeur : DEUX-PONTS Manufacture d'histoires 5, rue des Condamines - 38320 Bresson - www.deux-ponts.fr Il est édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon .

Kiblind Magazine - 27 rue Bouteille - 69001 Lyon  04 78 27 69 82  - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé en France (à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, etc.) et à Bruxelles. Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 32 pages pour la région Rhône-Alpes.

ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Babyfoot et maux de pieds. Contact : redaction@kiblind.com


data Sujet : J. Martinez Graphisme : Chloé Chat

MONEY Get away Étendue des réseaux Quelles valeurs ? 800 euros 500 euros

Qui ?

j 20 uin 14 dé ce 20 mb 14 re

300 euros

ja n 20 vie 14 r

1 bitcoin = 304.50 euros le 04.12.14 à 12h Très fluctuant en raison de sa jeune économie, de sa faible utilisation et de la spéculation

Satoshi Nakamoto (nom d’emprunt). On ne sait rien de lui. Depuis 2010, remplacé pour le développement par Gavin Andersen. Réseau controlé par l’ensemble des utilisateurs dans le monde.

Contexte de transation

Réseau Bitcoin : monde entier via internet, Web et Dark Web. Dark Web : une partie cachée d’Internet, où se font des commerces illégaux ou des transactions secrètes.

Transactions de bitcoin par application mobiles ou site internet. Monnaie cryptographique

Origines Système de paiement Bitcoin créé en 2009 sous une licence libre MIT. Monnaie mise en circulation en 2010.

08 09 Nombre de transactions en moyenne par jour depuis 2009 Plus & Moins Neutralité des utilisateurs. Seule information connue sur lui : sa signature cryptographique Pas d’intermédiaire, pas de frais de transaction complémentaire

Plus de liberté et de rapidité dans les transferts de bitcoin

80K

Monnaie encore jeune et experimentale

Comment acquérir des Bitcoin ?

60K 40K 20K

mois

Utilisés sur le marché noir du web (Dark Web) et pour le blanchiment d’argent

Instabilité du cours dû à sa jeunesse

Sur Internet. Échangeable contre des euros sur les plateformes de trading, des sites de commerces ou à des particuliers. 70 % des transactions en Bitcoin sont de la spéculation

année

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Autres monnaies sur le principe bitcoin Vertcoin en 2014 Litecoin en 2011 Dogecoin en 2013


Au moment où la Norvège s’apprête à révolutionner le design graphique de sa monnaie papier, des initiatives encore isolées œuvrent activement, de ci, de là, pour changer le concept même de monnaie. Alors bitcoin ou monnaies locales ?

Plus & Moins Aider des territoires en difficulté financière (endettement, etc.)

Nombre de monnaies complémentaires dans le monde

Fragiliser l’économie d’échelle

Revendiquer son identité locale

Isoler les territoires

Lier à l’économie responsable (circuit court, qualité des produits)

Encore très marginales

Étendue des réseaux

Qui ?

Origines

Associations de citoyens Souvent en collaboration avec des collectivités territoriales

Lointaines mais sous la forme actuelle, 1932 à Wörgl en Autriche mis en place par le Maire pour lutter contre la grande dépression

Contexte de transation Comment se procurer des monnaies locales ? Quelles valeurs ? Valeur fixe contre la thésaurisation et la spéculation Parfois monnaies « fondantes » (elles perdent de la valeur avec le temps ) dynamiser l’économie locale

Parfois dématerialisée

Autres monnaies locales complémentaires L’Eusko au Pays Basque Le Chiemgauer en Bavière La Brixton Pound à Londres La Gonette à Lyon en préparation...


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Fantôme à la Quéquette Tordue

r ev ue de pr esse Texte : M. Gueugneau

PRENDRE LA PRESSE POUR CE QU’ELLE EST : UNE SOURCE D’INFORMATIONS ET D’INSPIRATIONS. PROFUSION DE SAVEURS DE NOS PARUTIONS NATIONALES, SOUS LA FORME D’UN COURT RÉCIT, RÉSULTAT DU FUMET DÉGAGÉ PAR NOS LECTURES.

01. D'AILLEURS ET D'ICI n°1 2014 marc-chebsun.com

02. FRUSTRATION n°2 Octobre 2014 frustrationlarevue.fr

03. HÉTÉROCLITE n°95 Décembre 2014 heteroclite.org

Quand on pense aux voyages, « on imagine le vent, le soleil, la liberté, l'horizon ouvert sur tous les possibles. » 03. C'est pas vraiment l'histoire que je vais vous raconter. On était trois. Un Américain, un Belge et moi, le Français. Mes deux acolytes n'avaient rien de commun, « le premier est actif, inventif, dynamique et jeune, le second passif, pas très intelligent, mou et tout rabougri. » 02. Pourtant, ça faisait un moment qu'on traînait ensemble. On avait la même vision des choses, on avançait sans vraiment de but, juste histoire de bourlinguer. Pour tout dire, on sortait tous les trois de sales périodes, alors « on a voulu se sentir minuscule, infiniment humain face à la grandeur et à la force de la nature. » 08 Mais ces conneries ne marchent pas tellement et on s'apprêtait à rentrer chez nous, histoire de revoir nos familles pour les fêtes de fin d'année. Mais « avant de s'étouffer de dinde sèche aux marrons farineux, une petite halte plus subtile et gourmande s'impose en ces périodes de fête. » 03. Direction donc une espèce de manoir dont on avait entendu parler et où ripailler pouvait s'avérer bénéfique. Ce soir-là, « le ciel a sa gueule des mauvais jours » 01, ce qui n'augurait

rien de bon. Et l'auberge qu'on nous a vendue ne sent pas le trois étoiles. « Il faut reconnaître que le palais en question, et tout ce qu'il contient, est dans l'ensemble d'une laideur abjecte. » 07 « On y découvre un mur décoré de coucous jusqu'au plafond, des peintures de montagnes ou encore des peaux de vaches. » 08 Le réceptionniste n'est pas des plus accueillant non plus. « Veste noire, crâne rasé, lunettes sombres qui cachent où son regard porte, Alain Decercq a tous les attributs d'un agent secret, d'un policier en civil ou d'un tueur à gage dans un film de truands. » 04 Un peu refroidis par l'aspect fin du monde de l'instant, on décide de ne pas s'éterniser à la cantine et de monter aussi sec dans notre piaule. L'Alain n'a pas l'air jouasse à l'idée de nous filer les clés. Il a pas l'air à l'aise, il rechigne. On insiste, on lui dit qu'on est des gens bien, qu'on veut juste dormir et qu'on repartira en temps et en heure. « Y a pas de voyous ici, que des gens courageux » 01, lui lâche David Altenburg, l'ami des Amériques. Le mec se marre et nous baragouine un truc sur le courage dont on a que foutre parce qu'en même temps il nous passe les clefs. Vite dormir, vite se barrer.


04. ITHAAC n°2 Été 2014 ithaac.com

« Il n'est point d'homme qui ne veuille être despote quand il bande. » LE MATRICULE DES ANGES, n°158, Novembre-Décembre 2014

Arrivés dans la chambre, il est quasiment minuit et tout le monde est d'accord pour pas faire durer les hostilités plus longtemps. C'est un drôle de bruit qui nous réveille, une sorte de chuchotement qui dit : « ouuuuuh ouuuuuh, je suis le fantôme à la quéquette tordue ». David se lève d'un bond, rigole un bon coup et demande quel est le con qui a fait ça. La réponse qu'il obtiendra sera pas banale, un homme rentre dans la chambre, « met un sac noir sur la tête de David qui ne réagit pas. L'homme saisit une hache et la porte au-dessus du sac. Il bouge les lèvres. On entend rien. La hache s'abat. La tête disparaît. » 05 Le mec aussi. Sur le coup, on est un peu soufflés. Et puis on se met à avoir la peur de notre vie. « Il faut aller chercher des baromètres d'opinion » 09 là, avoir des idées, des trucs en béton, ce genre d'éclair qui n'arrive qu'une fois dans une vie. Évidemment, ça n'arrive pas. Je vous avoue que je suis pas rassuré avec mon pote belge. « Difficile de faire semblant : avec son physique insignifiant, il n'aurait jamais la stature d'un Altenburg, ce physique tout en puissance retenue. » 04 « T'inquiète pas, on va s'en sortir », je lui dit bêtement. « Le ton se voulait délibérément utopiste, puisqu'il s'agissait de retrouver un idéal permettant d'orienter une action éventuelle mais aussi offrant un étalon pour mesurer la médiocrité de la situation actuelle. » 07. D'autant que le chuchotement revient : « ouuuuuh ouuuuuh, je suis le fantôme à la quéquette tordue ». Ce con de Belge a les foies, ne réfléchit pas et se précipite dans le couloir. Ce qui se passe alors est difficilement descriptible. « Imaginez que l'on vous montre des braconniers découpant salement des éléphants à la machette, ou de riches Américains en safari, enchaînant les headshots sur des lions en pleine sa-

vane, avant d'arracher leurs têtes pour les placarder sur les boiseries d'acajou qui ornent les murs. » 04 Eh bien, c'est à peu près ça, en version humaine. Je me cloître dans ma chambre et peux alors me pisser dessus en toute tranquillité. Et cette phrase débile de revenir à mes oreilles : « ouuuuuh ouuuuuh, je suis le fantôme à la quéquette tordue. » Je pensais la mort un peu plus classe. Dans ces cas-là, il y a rien à faire, « on veut croire que comme par magie, les choses s'arrangeront. » 05 Le problème c'est que la seule baguette dont je disposais ressemblait vachement à une clé à molette. J'entends la porte qui s'ouvre, j'aperçois un gars qui s'avance. « À mon humble niveau, je dois avouer que je le distingue mal. Ou pas vraiment. » 06. Peu à peu, je remarque un truc bizarre. Un truc qui aurait pu me faire rire si j'avais pas vu mes copains se transformer en hommes troncs : ce mec bande. Et, putain, oui, il a le zgueg tordu ! Là-dessus, sans trop savoir pourquoi, je me souviens de Sade qui disait « il n'est point d'homme qui ne veuille être despote quand il bande. » 06 Il a pas tort le bougre, mais quand même, à ce point là... A priori, il est donc temps pour moi de jouer aux démocrates. « Premier impératif, avoir le sens du timing. » 09 Je me jette sur le bonhomme et chope ce qui dépasse, sa fameuse quéquette, et lui crie à la gueule « je m'en vais te la redresser moi ! » (oui, je sais, c'est bizarre mais j'ai plusieurs explications à ça : « brutalité inouïe de l'intervention, circonstances sordides, solitude dans laquelle tout cela est vécu, conséquences qui auraient pu être fatales » 06, etc.). Le type hurle, me pète les tympans et tombe le masque. Et comme toujours dans ces cas-là, c'était cette enflure de réceptionniste ! RETROUVEZ LA SÉLECTION EN DÉTAIL SUR WWW.KIBLIND.COM

05. JEF KLAK n°1 Marabout Automne-Hiver 14-15 jefklak.org

06. LE MATRICULE DES ANGES n°158 Novembre-Décembre 2014 lmda.net

07. L'INVENTAIRE n°1 Automne 2014

08. mint magazine n°2 Automne-Hiver 2014 magazine-mint.fr

09. STRATÉGIES n°1791 27.11.2014 strategies.fr


r éclame Texte : J. Tourette Visuels : © Butagaz

BOB, Butagaz l’Ours Bleu Au royaume des mascottes, les ours ont toujours eu la cote. Retour sur l’égérie à la bouteille de gaz, dont les plaques émaillées ornent toujours quelques façades de nos beaux villages français.

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histoire commence le 21 avril 1931, lorsque deux ingénieurs visionnaires créent la société pour l'Utilisation Rationnelle du Gaz (URG) et déposent les marques Butagaz et Propagaz. Ils mettent au point une bouteille acier contenant 13 kilos de gaz, de couleur bleue au pied carré et font venir des ÉtatsUnis par bateau la première cargaison de butane. Le bois et le charbon viennent de trouver un nouveau concurrent à la veille de Noël 1932. L’activité est immédiatement florissante. Et bien que la guerre soit passée par là et ait ralenti considérablement le développement et la production de la société, deux millions d’usagers utilisent déjà dans les années 50 cette énergie domestiquée en bouteille métallique. Rapidement, Butagaz va connaître le même sort que certains produits-phares de la grande consommation : l’antonomase, ce tic de langage par lequel une marque devient un terme générique, un nom commun utilisé pour désigné n’importe quel produit du même type. Tout comme le Frigidaire, le BiC et le Kleenex, « une butagaz » devient la référence vernaculaire pour nommer n’importe quelle bouteille de butane, quel que soit le producteur de gaz liquéfié. La marque est alors complètement assimilée au produit. C’est pourquoi, en 1969, URG lance une grande campagne de publicité afin de débanaliser son enseigne et de raviver la flamme de son logo. Elle confie la tâche à l’agence Publicis, avec la mission principale de donner vie à la marque, de lui

forger une image forte et impactante, capable de générer un réflexe d’identification auprès de tous les usagers de butane et propane. Dans un bulletin d’information daté de mai 1969, M. Charon, le Président d’URG, annonçait ainsi les enjeux de sa stratégie de communication : « Il fallait donner une vie nouvelle à notre image de marque, la rendre plus “ parlante ”  que la flamme qui, depuis quelques années, la symbolise, la différencier de façon marquée de celles de nos concurrents, l’animer grâce à un emblème ou symbole vivant et sympathique, enfin coiffer le tout d’un slogan qui nous présente tels que nous sommes : une énergie moderne apportant le confort au service de chacun. » Et en matière de vivant symbole, animé, parlant, sympathique et populaire, quoi de plus efficace qu’une mascotte ? L’ours bleu vit donc le jour cette même année, sous les traits du dessinateur Didier Neel, accompagné du conseiller artistique de Publicis Jean Fortin. Chaleureux, gourmand, douillet, sympathique, l’ours leur est apparu comme l’animal le plus emblématique du nouveau slogan dont la marque voulait se doter : « Butagaz – But : Confort » 01. Personnage vivant et gai, peluche anthropomorphe droite sur ses deux pattes, « Nounours » à grosse voix chaude de l’univers enfantin, il incarnait à coup sûr la synthèse adéquate pour toucher le grand public et recevoir la plus large adhésion. Il ne restait qu’à lui donner la couleur des bouteilles de gaz et flanquer son torse du B de Butagaz, surplombant le nom intégral, pour que l’œuvre soit complète.


Crédits : © Thomas Hallbert

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La « campagne ours bleu » de mai 69 était d’ailleurs réglée comme du papier à musique, et cadencée comme une marche militaire. De la stratégie lourde, soigneusement planifiée sur un court mois : une semaine de teasing, annonçant par affichage et messages radio l’arrivée énigmatique d’un ours bleu ; puis la révélation du personnage, dans les 48 000 points de vente Butagaz, à grand renfort d’affichettes, stickers, silhouettes géantes cartonnées suspendues aux vitrines, et même sur des fascicules de recettes de cuisine édités spécialement pour l’occasion ; sans compter les annonces presse et un reportage dédié dans La Sélection du Reader’s Digest au bout de la troisième semaine d’offensive. Et en ce joli mai érotique, le plantigrade allait pénétrer si fort les esprits qu’il n’en sortirait plus. Dans ce dispositif, le rôle des revendeurs était naturellement crucial, car c’est aux travers des boutiques, sur le lieu de vente, que l’image de la marque devait être le plus ostensiblement étalée et ne laisser aucune place à la concurrence. Alors, pour s’assurer de leur coopération, les stratèges de Publicis eurent l’idée de stimuler l’engouement par un concours de « la plus belle boutique ours bleu », récompensé par des lots tels qu’une Simca 1100 fourgonnette, des téléviseurs portables et des chaines

Hi-Fi. La bataille était gagnée. Visible, reconnaissable et identifiable, l’ours bleu avait atteint tous les objectifs fixés par son Président. Quant à son esthétique, la suite est affaire de nombreuses retouches au dessin : en 1972, la mascotte a le nez retroussé et la houppette au vent 02 ; en 1975, le museau et le traitement graphique se démarquent 03 ; puis on retire en 1977 le nom intégral de son ventre pour ne garder que le B ; en 1989, ses traits sont adoucis et les contours de son corps marqués d’une ligne claire plus épaisse 04 ; à l’occasion d’une campagne TV pour Nautila en 1994, il est aminci, sportif et dynamique 05 ; en 1999, le dessin change radicalement et sa silhouette se densifie… 06 jusqu’à ce que le personnage ne soit mis en vacances prolongées. Après une pause dans la communication de plusieurs années, l’agence V ressuscite la mascotte en 2005, avec une apparence totalement en rupture et une singularité de taille. Elle lui donne un nom : BOB, acronyme opportun de Butagaz l’Ours Bleu 07. Back to basics, on renoue avec la matière originelle de la peluche, douce comme un doudou et gentiment enfantine. À cela près qu’elle se voit dotée d’un caractère bien trempé, offrant un contraste judicieux qui lui assure dès sa sortie un

accueil très positif de la part du public. Si bien que lorsque Butagaz réitère le coup du teasing en 2012, annonçant un grand bouleversement dans son image de marque, tout le monde redoute un nouveau changement de mascotte. Les sensibilités s’affolent sur les réseaux sociaux, exhortant les dirigeants à laisser leur icône tranquille… Heureusement, il ne s’agissait que d’un nouveau logo ! Mais la société avait entre temps réussi à faire une nouvelle fois parler d’elle, avec une campagne de fausse rumeur intelligemment orchestrée. BOB quant à lui, même s’il feignait la crainte dans les spots de pub TV, pouvait dormir sur ses deux oreilles duveteuses. C’est un fait bien établi : quelle que soit leur couleur, dans la communication, on aime les ours. Et pourtant : très récemment, les autorité de la ville de Tuszyn en Pologne ont refusé à Winnie l’ourson de devenir la mascotte de leur jardin d’enfants. La raison ? « Il est à moitié nu, ce qui est totalement inapproprié pour les enfants »… Une analyse fine, approfondie par une élue locale : « Winnie ne porte pas de culotte, car il n’a pas de sexe. Il est hermaphrodite. » Et vlan ! Tout un pan de l’enfance qui s’effondre… Comme quoi, bleus ou non, il y a des mots qu’on ne dit pas toujours avec les yeux.



It's nice that

p o rt ra it Texte : J. Martinez Visuel : It's Nice That

Créé en 2007 par Will Hudson, tout juste sorti de la section graphisme de l'Université de Brighton, rejoint rapidement par Alex Bec, it's nice that (INT) était à l'origine un simple blog pour diffuser les travaux de créatifs admirés, créé dans le cadre d'un workshop sobrement intitulé « comment rendre le monde meilleur ». Mais pourquoi ce petit blog, résolument positif, devenu site de référence dans le monde des industries créatives, est-il si gentil ? « Parce que » répond Rob Alderson, editor in chief pour It's nice that, pas rouge du tout quand on le secoue.

À

l'origine, Will Hudson, après une courte expérience professionnelle post-études, se servait d'INT.com comme pense-bête afin de ne pas oublier le nom des jeunes créatifs qu'il croisait au détour de quelques pages Internet : 2-3 portfolios postés chaque jour dans le domaine du design graphique, de l'illustration, de la photographie et de l'art contemporain et l'histoire INT commence. Très vite, Will ressent l'envie de partager cette aventure éditoriale, indépendante et créative. Rejoint par Alex Bec, ils professionnalisent le blog devenu site, s'entourent d'une petite équipe, lancent en 2009 une version print d'INT et, ensemble, créent en 2011 l'agence de création à l’acronyme évocateur (INT Works). C'est aussi cette année que Rob Alderson, après avoir effectué quelques missions en freelance pour INT.com, devient editor in chief, donnant au site ses lettres de noblesse. Rob, journaliste de formation, ayant au départ un lien lointain avec les industries créatives, va s'appliquer à établir des constructions éditoriales pertinentes et un cadencement de circonstance pour les différents contenus : neuf posts/portfolios par jour, des rubriques transversales et interactives hebdomadaires (Bookshelf / Friday Mixtape / Weekender, etc.), une revue trimestrielle (Printed Pages), une publication annuelle (Annual Book), etc. Le tout, bien orchestré, tient sur un mur de post-it : « As with most publishers I think we have several structures working simultaneously. So day to day the website is planned out on big sheets of paper with Post-its stuck on them. It’s lo-fi but works incredibly well for us. Then we have certain weekly and monthly patterns which individual editors are responsible for ». Il faut dire que l'hydre de Londres ne compte pas moins de trois têtes et 19 pattes. Rob s'occupe du site (avec 12 personnes à ses côtés), Alex de l'Agence (avec 7 camarades) et Will supervise le tout, en coordonnant plus précisément les différentes publications et événements labellisés INT. Tout est imbriqué mais organisé : « It’s a close, symbiotic relationship. We share the same space, we work together, we have lunch

together and we go to the pub together. Formally there is a good crossover ; if they need insights into a creative audience or suggestions for talent then we can help them with that ; equally they give us a direct sense of how brands are operating and what kinds of trends are prevalent at any one time. They’re also great at suggesting content for the site ! ». Un point commun cependant : l'esprit It's Nice That. Will, Alex et Rob défendent une même vision des industries créatives : positive, éclectique et accessible. Pour les artistes publiés sur le site, 60% sont ainsi repérés par les équipes d'INT sur Internet et 40% grâce à l'envoi direct de leur travaux. L'expression même d'« It's nice that » témoigne de la volonté originelle d'ouverture et de « positivité ». Cette expression populaire n'est pas grammaticalement juste (on lui préférera le délicieux « What's nice about it is »), mais témoigne d'un intérêt immédiat et spontané pour la chose graphique. Et ça marche, INT.com a quelques 300 000 visiteurs uniques par mois... Quant à INT Works, l'agence travaille pour des petites marques de créateurs comme Nike, Cos ou MTV tout en préservant l'indépendance éditoriale du site. Rendre le monde meilleur ? itsnicethat.com Websites List par Rob Alderson longform.org browncardigan.com rookiemag.com pitchfork.com thequietus.com

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R ep ortage graph i qu e Texte : M. Gueugneau Visuel : S. Bournel-Bosson


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pages b l an c h es

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— éléonora marton 0 www.eleonoramarton.com


— Tomoya Wakasugi 1 wakasugitomoya.tumblr.com


— clément paurd 2 www.clementpaurd.com


— NICOLAS MÉNARD 3 www.nicolasmenard.com


— Giacomo bagnara 4 giacomobagnara.tumblr.com


— MARGAUX OTHATS 5 margauxothats.tumblr.com


— R Kikuo Johnson 6 www.rkikuojohnson.com


— alles gut 7 www.allesgut.fr


— château fort fort 8 www.chateaufortfort.fr


— jérôme dubois 9 www.jeromedubois.com


dossier Texte : G. Viry Visuel : Baptiste Alchourroun

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RECORDS — Avec 60 ans de services et plus de 130 millions d'exemplaires, le Guinness World Records projette autant la lumière que certaines eaux troubles, liées à son fonctionnement. Si vous ne savez pas quel est le chien le plus rapide, sur une trottinette, ou comment rassembler 544 personnes, pour faire des bulles de chewing-gum, nous nous sommes posés la question...


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novembre 2014. Un drôle de spectacle se joue à l'est Pigalle : 44 danseuses du Moulin Rouge reviennent côté trottoir pour battre le record du plus grand nombre de rond-de-jambe en 30 secondes. Avec 29 tours, l'initiative est homologuée par les juges officiels du Guinness World Records (GWR), présents sur place, au même titre que deux autres tentatives réussies : le record du nombre de « serpillières » (toupies au sol) et le nombre de contorsions de la jambe autour de la tête. Ce n'est pas la première fois que le cabaret parisien enregistre des records, mais cette triplette, télécommandée, s'inscrit dans un contexte particulier, célébrant à la fois son 125e anniversaire et la 60e édition du GWR. Trois jours plus tard, l'organisation fanfaronne, à nouveau : à l'occasion du 10e World Records Day, elle réunit, à Londres, l'homme le plus grand du monde et le plus petit pour poser devant Big Ben, avec un écart de 196 cm. C'est un miracle sur cour, largement relayé. « La Journée internationale des Records a été lancée en 2005 pour fêter, à notre manière, le succès mondial du livre,

explique Christelle Betrong, chargée du marketing au sein du siège londonien. Elle fédère, chaque année, des centaines de milliers d'initiatives, réalisées dans le monde entier. » Ce même jour, en effet, un Harlem Globetrotter réussit un panier à 25 mètres et de dos, 373 anglais se réunissent pour le plus grand rassemblement de personnes habillées en pingouin et le plus grand escarpin est créé à New York (1,95 mètre de haut). Une folle journée en somme, qui dure, en vrai, depuis soixante ans... S'il n'y avait pas la légende officielle, l'origine du GWR aurait tous les attributs d'une belle soirée alcoolisée. Pendant une partie de chasse, Sir Hugh Beaver, directeur de la brasserie Guinness, aurait été impressionné par la vitesse d'un oiseau, qu'il pensa être le plus rapide au monde. Quelques années plus tard (ou le soir-même, dans un pub, selon les versions), il aurait débattu longuement, sur le sujet, avec deux amis. Constatant que cette information était impossible à vérifier, le trio n'eut pas l'idée de créer Wikipedia, mais un ouvrage de superlatifs, destiné à recenser ce type de performances. The Guinness Book of Records paraît, pour la première fois, en 1955, en Angleterre. Le succès fut immédiat et ne s'est jamais démenti, puisque 132 millions d'exemplaires auraient été vendus depuis sa création, en vingt langues et dans plus de cent pays. « La France fait partie de nos principaux marchés », ajoute Christelle Betrong, depuis la première édition locale, en 1962. « Cette année, comme les précédentes, nous visons une diffusion autour de 105 000 exemplaires, confirme Anne Le Meur, son éditrice chez Hachette. Le livre français reste une traduction de l'édition internationale, mais nous avons quelques contenus dédiés », dès que nos concitoyens ont de bonnes idées : le plus haut Base jump depuis un immeuble (828 mètres, à Dubaï), le plus long trajet sur béquilles (6 006 kilomètres), la plus haute pile de morceaux de sucre (2 mètres), etc. Ces nouveaux records côtoient bien d'autres spécialités françaises, dans une sorte de magma protéiforme, permettant de consacrer à la fois les 6 titres de champion du monde de Teddy Riner, le record de la fréquentation touristique ou la plus grande différence de taille pour un couple marié (94,5 cm), sans aucun rapport avec Joséphine Ange Gardien. Comme ses homologues, le Guinness français est ainsi une compilation de records, qui navigue entre le réel et le surnaturel, le don naturel et le surréalisme, le sérieux et la fantaisie, le volontarisme, poussé à l'extrême et le « j'ai-pas-le-choix », autant-poser-dans-le-GWR. C'est ce qu'on peut déduire, par exemple, de la photo de Rumeysa Gelgi qui, du haut de ses 17 ans et de ses 2,13 mètres, est la plus grande adolescente du monde, forcément pas très bien dans sa peau. Tous les records, présents dans le livre, ne sont qu'un petit extrait de l'immense base de données constituée et alimentée au siège londonien (plus de 80 000 performances). « Nos juges officiels sont également spécialisés par type de records, qu'il s'agisse d'art, de sport, de mass participation ou de performances individuelles », le terme corporate utilisé pour désigner poliment tout ce qui a trait au lancer de troncs ou au jonglage avec des roues de voiture.

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Le Guinness Book en 1955, 1986, 2004 et 2015. Seule la réalité s’est un peu augmentée. www.guinnessworldrecords.com

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SERIOUS GAME « Music Revolution est mon école de musique, raconte Hervé Vernhes, instigateur et détenteur d'un double record du monde dans l'édition 2015. Chaque année, on organise un événement où tous les élèves peuvent jouer. Mais, comme on est désormais plus de 550, il faut trouver un cadre et une motivation supplémentaire ». En 2011, à la demande de la ville d'Avignon, il organise un premier orchestre géant, censé passer dans le Guinness, mais la procédure est officieuse et n'aboutit donc pas à l'homologation. « L'année suivante, on a effectué les démarches officielles pour faire reconnaître le plus grand groupe de rock du monde ». Avec 8 mois de travail et une jolie bagatelle, évaluée à 8 000 euros environ (frais de dossier, organisation, défraiement des juges), le défi est réussi : le 23 juin 2013, l'association réunit 520 musiciens pour interpréter, ensemble, un répertoire de 5 morceaux, dont « Seven Nation Army » (The White Stripes), sur la base duquel les juges homologuent le record. « Pour couvrir les frais, on a été obligé de demander une petite participation aux spectateurs présents. Ça nous a permis d'en profiter pour battre un autre record existant : celui du plus grand Madison, avec 1 010 participants ! ». « Nous recevons de plus en plus de demandes, affirme Christelle Betrong : plus de 800, en moyenne, chaque semaine. 5 à 6 % viennent de France. Nous sommes la seule organisation mondiale à homologuer des records, au-delà des performances sportives, ce qui explique que les règles soient très rigoureuses. » Autant dire qu'on ne badine pas avec le GWR, même lorsqu'il s'agit de faire reconnaître le plus grand samossa (110 kilos) ou un barbecue géant, regroupant 45 252 Mexicains. « Chaque demande sérieuse est traitée par nos Records managers, qui établissent les règles, étudient les critères et organisent des tests, pour les nouveaux records. Une fois sur place, les juges valident les critères et mesurent les résultats. » Pour le coup du barbecue, on ne sait pas trop comment, mais pour le groupe de rock, on apprend par exemple que chaque instrument doit représenter entre 10 et 40 % de la totalité de l'orchestre. Loin de l'effet Kamoulox, Hervé Vernhes avoue lui-même que c'est très contraignant. « Le jour du record, les juges du GWR mettent également en scène la dimension officielle de l'événement, à travers la signalétique et leurs uniformes », entre le tailleur Nespresso et un costume d'état-major militaire. En 2013, Nicolas Gueugnier, fondateur d'un sympathique site de vente en ligne d'articles de rasage (Big Moustache), cherche à battre le record du plus grand rassemblement de faux moustachus. « C'était une opération de promotion, lancée avec les éditions


L’ART DU RECORD -

2 500

La plus grande collection mondiale de faux chefs d'œuvre appartient à un français, Christophe Petyt, également propriétaire d'une entreprise de reproduction : L'Art du faux.

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Hauteur et largeur, en millimètre, du plus petit livre du monde, Flowers of the four seasons, exposé au Musée de l'Imprimerie de Tokyo.

Le livre mondial des records est une compilation de performances, qui navigue entre le réel et le surnaturel, le don naturel et le surréalisme, le sérieux et la fantaisie, le volontarisme, poussé à l'extrême et le « j'ai-pas-lechoix », autant-poser-dans-le-Guinness.

15 400

En nombre de pièces, la plus grande collection liée à une série de fiction, X-Men, détenue par un américain (inventaire en 2012).

5,3 millions

Nombre annuel de visiteurs du musée d'art moderne le plus fréquenté au monde : la Tate Modern Gallery, à Londres.

1 560

Nombre record de mots dans un tube : Rap God, Eminem. Avec une pointe à 97 mots sur une séquence de 15 secondes.

DOSSIER

58,4 millions

Prix d'achat en dollars, en 2013, de Balloon Dog (Jeff Koons), la sculpture la plus chère au monde d'un artiste vivant. Loin derrière les 104 millions, en 2010, pour l'acquisition de L'homme qui marche, signée Giacometti.

Source : Guinness World Records 2015

Albert René, au Parc Astérix, visant à faire mieux qu'un rassemblement similaire, aux États-Unis, avec 1 532 participants. On cherchait à créer un événement convivial, décalé, aux antipodes de la perfection au masculin ! » Cela étant, il constate, lui aussi, l'aiguisage des représentants du GWR : « Les juges, chargés du comptage, sont repassés plusieurs fois, dans l'espace dédié, pour vérifier que les participants n'avaient pas enlevé leurs fausses moustaches, sachant que le record imposait de la conserver cinq minutes d'affilée... ». Au final, avec 1 654 personnes, Big Moustache a battu le record et bénéficié de ce qu'il en attendait : une action de communication, visible à la fois dans le GWR, sur les réseaux sociaux et dans plusieurs médias. « C'est un budget, mais il y a aussi un retour évident sur l'investissement. » En plus de son bestseller mondial, le GWR commercialise ainsi, depuis plusieurs années, son jeu d'atouts : une marque, connue de tous, un monopole et un service de juges officiels, prêts à dégainer dans le monde entier. « Pour le Moulin Rouge, commente Anne Le Meur, Hachette était

plutôt à l'initiative, afin de promouvoir sa nouvelle édition. On cherchait un record à battre, emblématique du pays et on s'est assez spontanément orienté vers le French cancan ». Au-delà de cet exemple, le GWR collabore ainsi, régulièrement, avec des grandes entreprises. En septembre 2013, par exemple, il homologue le plus grand livre du monde (5x8 mètres), conçu par Samsung et composé de 28 000 photos, reçues sur sa page Facebook. Le GWR a également participé à la construction de la plus haute tour en Lego, à Budapest, à l'organisation d'un 100 mètres en sacs, pour Weetabix ou à la plus grande salade de fruits, à Vienne, à l'initiative du groupe SPAR. Rien d'étonnant, dans ce contexte, à ce que l'organisation suscite les convoitises, bien qu'elle reste discrète sur son économie réelle. En 2008, elle sort du giron d'Hit Entertainment, un des leaders mondiaux des programmes familiaux (Pingu, Sam Le Pompier), pour rejoindre l'empire canadien Jim Pattison, présent dans la concession automobile, les médias et la grande distribution.

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HUMAN AFTER ALL -

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Dans la première moitié du siècle dernier, l'américain Robert Ripley sillonne le monde, à la recherche de phénomènes surprenants et de personnages hors norme. Il est à la fois journaliste, explorateur, illustrateur et anthropologue amateur. En 1918, il lance le journal Ripley's Believe It or Not ! qui relate, sous forme de dessins, un ensemble de curiosités, invraisemblables et souvent dérangeantes : cyclope humain, femme sans bouche, petit péruvien minuscule, proche d'un alien, qu'il exhibe gracieusement dans sa main... Croyez-le ou pas, mais peu importe : Ripley impose un style et connaît un immense succès, qui se décline sur plusieurs supports et dans différents médias. L'auteur disparaît, en 1949, mais il laisse un immense héritage, à partir de son nom. Ripley's Believe It or Not ! devient une franchise et le socle d'un groupe mondial d'entertainment, basé en Floride, déployant ses cabinets de curiosités dans tout ce que le monde moderne a bien pu inventer pour ses rejetons : cartoons, parc d'attractions, posters, jeux, etc. On y retrouve, partout, la collection Ripley, avec ses dinosaures, ses têtes bizarres et toutes sortes d'anomalies, plus ou moins rebutantes. En 1985, le groupe est justement racheté par Jim Pattison, comme un prélude à l'acquisition du GWR. En effet, si l'excès de Guinness incite à palabrer sur la performance d'un oiseau, le livre doit largement son succès aux « corps de l'extrême », proches de l'irréel, dont chacun a au moins un souvenir imagé : la plus grande langue du monde (10,10 cm), le plus grand tour de taille (302 cm pour 544 kilos) ou les ongles de Schridar Chillal, dépassant 1,50 mètre. Entre reflux préadolescent et imagerie populaire, ce type de records semblerait expliquer le rapprochement avec Ripley, qui gère déjà les musées du GWR (Tokyo, Copenhague, San Antonio, Hollywood, etc.). Si la nature produit des résultats surprenants, la culture humaine en fait souvent bien autant, à tel point qu'on peut parfois se demander s'il n'est pas plus surnaturel de recopier 64 livres, à l'envers, sur son ordinateur que d'avoir une main de 32,3 cm. S'il est loin d'en être la cause, le GWR est aussi le reflet d'une culture de la performance, d'une société du classement et du petit quart d'heure de célébrité, très Warholien, promis à chacun. Pour Christelle Betrong, « la motivation des gens vient, généralement, d'un talent particulier, qu'ils souhaitent officialiser. Ce sont des passionnés et certains veulent prouver, à leur entourage et à eux-mêmes, qu'ils peuvent être extra-ordinaires. Un record Guinness permet simplement de le faire » ; encore mieux s'il est accompagné d'un bon petit quart d'heure... Le succès du GWR et l'augmentation des demandes restent en effet inséparables du syndrome « Vu à la TV » ; et s'il a lui-même accouché de nombreux programmes audiovisuels, les demandes de records semblent baigner dans une sorte de zapping permanent, entre le championnat du monde d'athlétisme, le Téléthon, Jackass, La France a un incroyable talent et une énième rediffusion du Dîner de Cons. « Pour le record mondial du plus grand

CHRISTELLE BETRONG Christelle Betrong s'occupe du marketing, au Guinness World Records, mais dispose également d'une compétence de « juge »...

Comment devient-on « juge des records » ? Chaque collaborateur du GWR est amené à suivre une formation, en parallèle de son activité, pour devenir « juge » . En ce qui me concerne, je travaille au service marketing, chargée de promouvoir le livre, au Royaume-Uni et à l'international. Comme les autres, j'ai suivi cette formation et cela a duré une année. Concrètement, on part, un peu partout, pour homologuer des records, avec d'autres juges professionnels, qui sont expérimentés dans un domaine précis. Bref, ça fait partie du « cursus » normal, au GWR, au même titre que le média training et les relations publiques. C'est vraiment très général et, une fois qu'on termine cette formation, on devient officiellement « juge des records ». Il y a des juges qui font ce travail à plein temps et d'autres personnes, comme moi, qui ont une double fonction. Par rapport aux destinations, ça dépend des langues, mais aussi des besoins, en fonction des demandes de records et des disponibilités de chacun. Quel est le processus classique entre la demande et l'homologation d'un record ? La plupart des records sont individuels : des gens contactent l'organisation en nous disant, par exemple : « Je suis capable de faire la plus grosse ratatouille... » . Aujourd'hui, les demandes transitent essentiellement par le site Internet. On reçoit et on traite les demandes, grâce à l'équipe de « records managers » qui établissent ou vérifient les règles, envoient les deadlines, établissent le process, etc. Leur rôle consiste notamment à déterminer s'il y a un record à battre ou à fixer les règles s'il s'agit d'un nouveau record. Dans ce cas, tout est défini au siège, à partir de la demande. On écrit les règles et on met en place la procédure d'homologation du record. Cela passe notamment par les « vote test », car tous les nouveaux records sont testés, ce qui permet d'établir les règles et les critères. Et en général, ils aboutissent ? Il y a de tout. Quand on est envoyé, en tant que juge, on ne fait pas partie de l'organisation du record car c'est la personne, à l'initiative, qui s'en occupe. Mais on s'assure, sur place, qu'elle a bien compris les règles, ce qui n'est pas toujours évident quand on est sur des demandes « insolites », avec la contrainte de la langue. Il y a parfois des malentendus, c'est pourquoi nous faisons en sorte que beaucoup de choses se déroulent en amont, en particulier sur la compréhension des règles. À l'issue de tout cela, lorsqu'on se déplace, les participants se mettent généralement en « position » de réussir leur défi, même si rien n'est acquis d'avance. Sur place, notre rôle consiste donc à rappeler les règles et à vérifier, pendant le record, que tous les critères sont validés. Quelle est l'évolution des demandes ? Clairement, on en reçoit de plus en plus, qu'elles viennent de particuliers ou d'organismes : cela représente, en moyenne, plus de 40 000 demandes, chaque année ! D'ailleurs, au siège londonien, l'équipe des « records managers » a beaucoup grossi, ces dernières années, pour les traiter. Aujourd'hui, on est plus de 25, organisés par catégorie : art, mass participation, sports, records individuels, etc. On a également ouvert d'autres bureaux à l'étranger, notamment à New York, Tokyo et Dubaï, qui disposent aussi de « records managers ». guinnessworldrecords.com


DOSSIER

Le Guinness n'a pas vocation à entamer un morceau de la société du spectacle, mais il contribue à alimenter une sorte de démocratie du record dans laquelle la plus grande mosaïque en Rubik's Cube dispose du même espace que les performances attribuées à Francis Bacon ou Paul Cézanne.

©2014.Guinness World Records Ltd.

Madison, se souvient Hervé Vernhes, on a commencé à 200. Et puis, une équipe d'M6 est arrivée... on a fini à 1 010 ! ». Aujourd'hui, le GWR vit bien au-delà de son origine imprimée (nouvelle édition en réalité augmentée, chaîne YouTube) et le syndrome télévisuel s'est déplacé, comme lui, vers les nouveaux médias ; mais s'il n'a pas vocation à entamer un morceau de la société du spectacle, il contribue à alimenter une sorte de démocratie du record dans laquelle la plus grande mosaïque en Rubik's Cube dispose du même espace que les performances attribuées à Francis Bacon ou Paul Cézanne. Et comme Renaud Lavillenie, recordman mondial du saut à la perche, Jean-Léon Mercadier, spotteur à Orly, est récompensé, en 2014, pour son 100 000e cliché de pneu d'avion. Ainsi, le GWR modèlerait une forme de régime de la performance, dans lequel tout le monde est capable de « s'exprimer », quel qu'en soit finalement le ressort : tirer par le haut (21 heures, sans oxygène, au sommet de l'Everest) ou niveler vers le bas (casser 58 noix, en 1 minute, avec les fesses). Entre record naturel et reflet, parfois bien dérisoire, de la société, le GWR ne donne alors pas le pouvoir, mais une voix, qui fait autant l'apanage de la performance que de la futilité. Et pendant que Michaël Levillain, l'homme aux puissantes fesses, prépare un nouveau record, avec des œufs, Le Gorafi rappelle astucieusement une règle élémentaire : « Il tente de vivre un an sans respirer et meurt violemment au bout d’1 minute 20 ». Tant pis.

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Tête pensante du record ou machine auto-compétitive sans tête ? Le newyorkais Keith Furman se fait appeler Ashrita, en référence à la philosophie indienne de la transcendance : depuis 1979, il a réalisé 521 records, dont 8 341 roulades avant consécutives, 130,3 kilomètres de marche avec une bouteille de lait sur la tête, 40 pommes brisées, en une minute, à la main, etc. www.ashrita.com

Avec le groupe Ripley et le Guinness World Records, l’empire canadien Jim Pattison (8 milliards de dollars de CA annuel) a trusté le marché mondial de l’entertainment « incroyable mais vrai ».



bOOm

cahi e r m ode

Réalisation : Baptiste Viry Photographie : Thomas Chéné Stylisme : Alix Devallois Make-up & hair : Faustine Hornok @ Backstage Agency Elle & lui : Adja Kaba et Bassirou Gaye Assistant photographe : Clément Brandely Assistant réalisation : Alizée Lagé Collaboration : Mamama x Kiblind

Robe FORTE FORTE | Chapeau BETON CIRÉ | Bracelets VINTAGE | Peignoir VINTAGE | Chemise TOPMAN

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Reynald Feracci et Charles Deroyan sont deux sacrés loustics. En lieu et place de devenir médecin ou avocat comme le souhaitaient sans doute leurs parents, ils se sont lancés sur les voies de la mode, qui comme chacun le sait, sont impénétrables. Oui, mais. Ceux-là sont en effet portés par d'autres ambitions que le statut social, une piscine intérieure ou un cabrio, si classe soit-il. Enthousiasmés par la beauté des choses, ils ont pour ambition de présenter au monde le travail des graphistes, illustrateurs et autres créateurs auxquels ils vouent une admiration sans borne. C'est précisément pour cela qu'ils ont créé, en 2012, la marque Mamama, avec toute la bonne âme qui les caractérise.

u need that's what yo ' on my knee «Got love, if ttin si es bi ba ur fo I got three or tin' for you enue I got love wai round the corner of the av n' ki ea sn e m I co u or I will get yo I get you re Ma-Ma Belle, fo abe M , a tt lle go Be a You Ma-Ma-M a tt go u yo You know my mind ing that's on e my time There's one th g hold of you before I serv in tt And that's ge load ith my heavy open road I'll keep on, w n' down that lli ro st a e m co u yo e se I ll Ti u or I will get yo I get you re Ma-Ma Belle, fo abe M , a tt lle go Be a You Ma-Ma-M a tt go u yo You know you can tell Ma-Ma Belle I love you Ma- t to get it all well I'm sure an w That's why I deep ul, runnin' so n keep I got, good so er so that I ca rn co e th in u yo lle t Be ge a na M aon G me once Ma-M Can't you hear will get you u ». Ma Belle, or I aM abefore I get yo M a tt You go Ma-Ma Belle, aM a tt go u stra Light Orche You know yo - 1973). Electric « Ma-Ma-Ma

the Thi Belle » (On

rd Day

MAMAMA X KIBLIND Le business de Charles - par ailleurs tenancier du site Sixand5 - et Reynald est d'une autre facture que ceux habituellement croisés dans l'enfer de la mode. Ceci, probablement, grâce à une belle éducation qui les a incité à préférer l'amour à la haine, le joli à la laideur et la justice à l'injustice. Aussi travaillent-ils dans le respect des tissus et de l'environnement (les vêtements sont certifiés par le label Global Organic Textile Standard et la Organic Soil Association) mais aussi dans celui de nos si fragiles pupilles. Ils n'ont de cesse, en effet, de vouloir offrir tendresse et caresses à nos yeux, fatigués de toute la chienlit visuelle. À cet effet, ils ont demandé à une multitude de gens de collaborer avec eux à la création d'habits. En vrac, nous pouvons citer Aecho, Camille Boileau, Hisashi Okawa, Sonia Rentsch, Alexis Jamet, Jeanspezial ou Randy Grskovic qui tous ont participé à l'attelage vestimentaire de gens de goût. Ces derniers qu'on ne pourra que féliciter d'avoir eu l'élégance d'être élégants, et qu'on invite – avec le monde entier – à se pencher sur la dernière bonne idée de Mamama : celle de faire des tee-shirts avec Kiblind. mamama-paris.com



Bombers H&M | Chemise POMANDĂˆRE


Trench CEDRIC CHARLIER | Combinaison MASSCOB | Baskets ESSENTIEL


Chapeau BAPTISTE VIRY | Bombers ELEVEN | Chemise TOPMAN | Pantalon Y3


Veste MELINDA GLOSS | Chemise TOPMAN


Pantalon COS | Collier VINTAGE


Tunique VINTAGE | Pantalon COS | Baskets NIKE


Chemise TOPMAN


Blouson MELINDA GLOSS | Tunique VINTAGE | Lunettes VINTAGE


Veste MONOGRAPHIE | Top CACHAREL




centre de documentation et d’information rédigé par Maxime Gueugneau & co

CDI

n.f. (acutus). Qualité de la perception sensorielle. Ex : « J’ai vraiment beaucoup d’acuité, ouais. Pour tout en fait. » Mélanie Laurent. Se dit aussi pour des galeries à l’œil fin et des labels à l’ouïe perçante.

Fig. 1 : Papier Coupé Décalé _

Fig. 2 : Taapion Records _

[ E x p o s i t i o n ] . Il suffit parfois d'une paire de ciseaux pour créer un monde. Enfin, presque. Il faut aussi quelques personnes douées qui la tiennent. Le papier découpé refait une forte poussée dans le domaine de l'illustration et cela devrait rendre heureux nombre d'amateurs du beau et du bien fait. Le bonheur se lit en tout cas dans les yeux des tenanciers de la Slow Galerie alors qu'ils s'apprêtent à accueillir l'exposition au nom charmant de Papier Coupé Décalé. Alors que nos yeux brillent déjà devant cette dédicace à la musique ivoirienne, ils se prennent à rêver face au programme de l'exposition parisienne. Quatre jolis noms se sont en effet rassemblés pour créer cette exposition collective unique. Mathilde Bourgon, Matthieu Duringer, Cécile Kojima et Eric Singelin viendront ainsi investir la Slow Galerie. Ça va envoyer du pop-up, de l'installation, de l'illustration, du livre d'artiste, tout ça dans un esprit propice à la détente et à l'amusement. Une bien agréable manière de redécouvrir la puissance de la découpe.

[ M u s i q u e ] . Ô comble de l'ironie : la technosphère en l'an 2014, c'est une affaire qui roule mais qui ne tourne toujours pas rond. Plus de vingt hivers après son éclosion, force est de constater que celle que l'on osait jadis appeler musique répétitive évite encore avec brio toute forme de récurrence. Du moins... C'est en tout cas ce que semblent bien déterminés à faire valoir les trois jeunes fondateurs de l'écurie Taapion. Dernier né d'une scène parisienne en pleine expansion, le label revendique fièrement sa prédisposition à la schizophonie : sets après sets, disques après disques, AWB, Shlømo & PVNV fixent les contours d'une techno bicéphale, ambient, flottante, ou hallucinatoire, mais aussi très rythmée, bruitiste, voir mécanique. Leurs œuvres réconcilient l'urbain et la nature, le champ visuel et le chant sonore. Partitions nouvelles, actuelles, et presque schaferienne, elles ne revisitent pas le passé, bien au contraire. De ces prédécesseurs, comme Sterac, Stephen Brown, ou Conforce, aucun ne parvient à les remixer dignement, preuve - s'il en faut - de leurs particularités. « Consortium » ou « Intrasolaar », par exemple, appartiennent à ce genre de morceaux sur lesquels on aimerait danser en club, mais qu'on pourrait tout aussi bien utiliser pour méditer chez soi. L'alliage de ce boys band moderne remet en cause les vieux adages : pensez et bougez, d'une pierre deux coups, tout est maintenant permis ! Simon Chambon-Andreani

• Papier Coupé Décalé, exposition du 3 au 14.02 à la Slow Galerie, à Paris. slowgalerie.com

• PVNV – Consortium EP, dernière et excellente sortie toujours disponible. taapion.com

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n.m. (astro + polis). Festival brestois de musiques électroniques qui repousse les limites de l'été pour s'installer aussi en hiver. Ex : « Si, comme moi, vous êtes fanas de ciels étoilés, alors Astropolis est fait pour vous » - Hubert Reeves. Se dit aussi de la meilleure programmation musicale de l'hiver.

Fig. 1 : Astropolis L'Hiver 20.5 _ [ F ESTI V A L ] . Posons-nous quelques instants au bord de la terre. Là, les jambes dans le vide, laissons-nous bercer par ces étranges sonorités qui font les musiques électroniques. Il fait bon vivre ces premiers jours de 2015 dans le Finistère, où le temps n'est pas à la lamentation mais bien plutôt à l'évasion. Maître de cette échappée belle, le festival Astropolis s'adonne à sa 4e édition hivernale portée par le succès de vingt autres estivales. Pas de préférence, pas de jaloux entre les deux enfants du festival brestois. Si la version juillettiste bénéficie de l'euphorie vacancière, le raout à venir compte, lui, sur le réveil en fanfare d'une population impatiente de se dégourdir les jambes. Et les bougres ne risquent pas de repartir la tête basse, mais bien plutôt les dents au vent, les yeux riants et les cannes mortes. Car une chose est sûre, Astropolis ne lésine pas sur la belle gueule et les doigts de fée. Au rang des stars, comptons ainsi sur la présence de Model 500 (Juan Atkins, Mad Mike, Mark Taylor, DJ Skurge), Luke Slater, Moodymann, Andrew Weatherall, Roni Size, Perc, Jimmy Edgar ou Henrik Schwarz, tous hauts gradés de la musique

électronique, tous honorés par les ans et le talent. Moins de hauts faits mais plus d'avenir pour la jeunesse qui viendra enjouer le festival et dont le monde attend de pied ferme les nouvelles mutations. Douchka, Dream Koala, Lone ou Shekon, déjà tous en place dans leurs domaines respectifs, ont en effet pour eux l'impétuosité de la jeunesse et le goût de l'inattendu. Une aubaine pour ceux qui veulent entrevoir le futur. D'autres petits gratons viendront également s'ajouter à cette pléthorique programmation, entre ateliers, projections, boums enfantines, conférences, cocktails dansants et silencieux pour que le feu de la nuit ramène quelques-uns de ses tisons en journée. Cet hiver, la fin de la terre se transformera en début de futur, souriant aux années passées et promettant des lendemains aux allures bigarrées. • Astropolis L'Hiver 20.5, du 17 au 24.01 à Brest. astropolis.org.

54 Interview :

GILDAS RIOUALEN CO-ORGANISATEUR DU FESTIVAL Pouvez-vous en quelques mots présenter le festival ? Ce sera la 4ème édtion d'Astropolis L'Hiver. L'envie de réchauffer cette période hivernale où finalement il ne se passe pas grand chose dans notre région et encore moins dans notre ville. À l'image du festival d'été, nous programmons des coups de cœur (Dream Koala, Henrik Schwarz...), des artistes de la région (Douchka, Shekon...), des pionniers (Model 500, Moodymann...), d'autres qui sont en pleine actualité (Lone, Jules Wells & Laurent Maldo). Astropolis L'Hiver, ce sont aussi des actions culturelles que nous ne pourrions pas réaliser durant l'été (projections de documentaires, conférences, un parcours jeune public, masterclass, une balade sur la rade avec l'équipe Phenüm...). C'est un peu la face cachée de l'iceberg et aussi celle qui nous demande le plus de préparation.

Quelle différence faites-vous entre la session d’été et celle d’hiver ? La session d'été est forcément plus festive. Nous avons essayé de développer quelques actions culturelles mais les gens viennent à Astro l'été avant tout pour avoir la tête dans les étoiles, et ils ont bien raison ! L'été demande aussi bien plus de préparation, notamment au Manoir de Keroual où nous devons aménager totalement le site. Le travail de programmation est aussi plus difficile et débute désormais dès septembre. La concurrence est internationale et il faut programmer ses artistes très rapidement. Trop rapidement d'ailleurs... Ça devient grotesque. L'été nous accueillons plus de 100 artistes en 3 jours. Notre objectif est de diversifier les styles, de mélanger les publics et les cultures. On trouvera du hardcore, de la techno, de la drum, de l'ambient, de la house, de l'électro... Nous sommes pour le mélange des genres, l'incitation à la curiosité et aussi pour favoriser les échanges...

Quels sont les immanquables de cette année ? Y'en a beaucoup. L'important est d'assumer sa programmation. D'en être fier. On part toujours d'une liste de noms et c'est assez rare qu'il en reste la moitié à la fin... C'est principalement dû au marché international ou alors aussi au fait qu'au mois de janvier, beaucoup d'artistes sont en break pour reprendre des énergies avant de réattaquer les festivals de printemps ou d'été... Ou alors, les plus malins jouent en Amérique du Sud ou en Australie parce que c'est l'été là-bas. Alors, je dirai Model 500 dans le magnifique théâtre du Quartz (ça va être un évènement avec la sortie de l'album après 16 ans d'absence, la base sans qui la techno n'existerait peut-être pas), Planetary Assault Systems, Moodymann, Roni Size, Andrew Weatherall, Jimmy Edgar, Henrik Schwarz, les collectifs du grand ouest et j'en passe. C'est toujours pareil, j'ai envie de tous les nommer !


n.f. (attentio). Concentration particulière sur quelque chose. Ex : « Euh, les gars, Brutus, faites attention avec vos couteaux là, vous avez pas l'air bien. » - César. Se dit aussi de labels qui se soucient de la beauté des choses, de festivals qui se soucient du monde ou d'expositions qui se soucient des autres.

Fig. 1 : Black Movie _ [ C i n é m a ] . L'art doit impérativement être une représentation du monde. L'œuvre est ainsi un miroir singulier changeant selon les origines, les croyances et les personnalités de l'artiste qui la produit. Aussi est-il toujours bon de confronter différents regards, différentes subjectivités pour donner lieu à un récit du monde. Tels sont bien souvent les festivals de qualité, de ceux qui réussissent la prouesse d'une narration cohérente et contradictoire sur l'état de notre humanité. Dans cette mince catégorie nous trouvons le genevois Black Movie qui, depuis 15 ans, s'époumone à rassembler les cinémas d'auteurs d'ici et d'ailleurs. À chaque édition, l'ambition est la même : circonscrire en un temps court une large part des cinémas indépendants du monde et établir une nouvelle carte des réalités humaines. Et le tracé artistique est, chaque année, servi par de robustes

talents du 7e art, reconnus ou en devenir. Ainsi, pour ce 16e Black Movie, retrouvera-t-on les belles figures de Takashi Miike, Hong Sang-soo ou encore Joris Lachaise, quand un hommage mérité sera rendu au Chinois Wang Bing, en sa lumineuse présence. Mais, et parce que le festival genevois est avant tout un périple où la découverte est reine, nous nous baladerons de la bouillante Ukraine (The Tribe de Myroslav Slaboshpytskiy) au fascinant Brésil (Castanha de David Pretto, Le Garçon et le monde de Alê Abreu) en passant par le trop méconnu Congo-Kinshasa (Examen d'État de Dieudo Hamadi) ou le melting-pot philippin (Mamay Umeng de Dwein Baltazar). Mille visions du monde projetées sur grand écran. • Black Movie, du 16 au 25.01 à Genève, en Suisse. blackmovie.ch

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Fig. 2 : Planespotting _ [ M u s i q u e ] . Le monde est truffé de subtilités : des espaces, des sons, des ambiances qu'il faut avoir l'intelligence de capter. Ces moments de grâce, vOPhoniQ s'est fait un devoir de les apprivoiser. Point de nécessité laborieuse là-dedans mais plutôt une sensibilité pour les belles choses, un naturel contemplatif qui le pousse à l'émerveillement. Et parce qu'il sait ces instants rares, il s'échine à les enregistrer sur disques, films, photographies, sur tout ce qui peut en retranscrire – jamais exactement bien sûr – l'essence. Sur cette paroi admirative de l'existence, le producteur lyonnais s'est trouvé des compagnons de cordée pour l'aider à grimper toujours plus haut. Ce groupe s'est créé un laboratoire, Planespotting. Plus qu'un label, plus qu'un collectif, Planespotting est avant tout un mouvement. Il est une sorte de démarche incons-

ciente qui commande à tous ses membres d'être attentifs à l'extase. Concentrés sur cet objectif noble, Hajj (aka Weirdd), My Thud Unite Area, vOPhoniQ et Opaque Transparent se font un malin plaisir à faire de ces moments intimes une matière à récit public. Pour l'instant, seul deux de ces contes contemporains sont disponibles, Album de vOPhoniQ et Pistes d'Opaque Transparent et vOPhoniQ. Mais ces deux jalons, les lives d'Hajj et My Thud Unite Area, et la première vidéo de Planespotting sonnent comme une promesse d'aube nouvelle. Une promesse qu'on prend un malin plaisir à croire sans rechigner. planespottingrecords.tumblr.com ;  soundcloud.com/planespotting-records ;  facebook.com/Planespottingrecords



Fig. 3 : Poster For Tomorrow _ défense de droits inaliénables, l'internationalisme de l'exposition permettra de confronter les différentes visions du travail et de la liberté fondamentale du travailleur. Du beau, du bon, de l'instructif : demain ce sera bien. • Poster For Tomorrow à la Halle Pajol à Paris, jusqu'au 24.01. posterfortomorrow.org

57 Crédits : © Arbeso Nacho

[ E x p o s i t i o n ] . Si certains, avec raison parfois, revendiquent leur droit à la paresse, on ne peut malheureusement balayer le fait que travailler est le seul moyen de subsistance pour bon nombre d'entre les humains. Depuis que ces bons vieux Adam et Ève ont croqué dans cette fichue pomme, nous voilà pris au piège du turbin quotidien. Soit, ce qui est fait, est fait. Il faut maintenant veiller à ce que chacun puisse honnêtement, dignement et en sécurité gagner sa croûte. Et de ce côté là, il reste quand même un bout de chemin. Et pour le parcourir, pourquoi ne pas le faire en bonne compagnie. C'est en tout cas ce que nous propose l'association 4 Tomorrow qui, chaque année, organise une exposition de graphisme en soutien à une grande cause. Le droit au travail sera donc le combat de cette année avec près de 200 affiches sélectionnées tous azimuts parmi 4300 propositions. En plus d'une caresse de l'œil, Poster For Tomorrow offrira matière à réflexion aux visiteurs de la Halle Pajol. Car, au-delà de la

n.f. (βιβλιοθήκη). Meuble ou endroit où sont conservés les livres ; collection organisée de livres. Ex : « Ma bibliothèque idéale ?... Mmh je dirais que celles d'Ikea sont pas mal » - Frédéric Lefebvre. Se dit aussi d'une liste d'ouvrages à consulter absolument.

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L'invincible triumvirat Simon Roussin-Marion Fayolle-Matthias Malingrëy refait des siennes avec la sortie d'un nouveau numéro de leur revue Nyctalope avec eux, donc, et d'autres illustres illustrateurs (François Malingrëy, Bénédicte Muller, Maxime Mouysset, etc.). Sortie en janvier 2015. Nyctalope #8, Éditions Magnani, 112 pages, couleurs et N&B, 18 . nyctalopemagazine.blogspot.fr

Les irréductibles Lyonnais de Mauvaise Foi (Manuel Lieffroy, Rémy Mattei, Hugo Charpentier, Chloé Fournier, et Benjamin Baret) passent la vitesse supérieure et sortent le n°5 de leur revue Laurence 666 avec de sombres histoires de châteaux, de fléau et d'amours impossibles. Le tout par 26 auteurs différents. Sortie fin janvier 2015. Laurence 666 #5, Mauvaise Foi Éditions, 144 pages, couleurs et N&B, 15 . mauvaisefoieditions.com

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Il était temps  : la première monographie sur le formidable Winshluss est enfin sortie, en novembre dernier. L'ouvrage, évidemment sorti aux Requins Marteaux, capte l'essence du travail protéiforme de l'auteur français. Et rudement bien avec ça. Winshluss, un monde merveilleux, Éditions Les Requins Marteaux, 114 pages, couleurs, 26 . lesrequinsmarteaux.com

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La brillante Mayumi Otero d'Icinori et l'auteur Martine Laffon nous content une fable sur le commencement des temps, et c'est beaucoup trop beau pour ne pas être acquis. Elle tourne comme ça de Mayumi Otero et Martine Laffon, Éditions Les Fourmis Rouges, 32 pages, couleurs, 18,50 . editionsles fourmisrouges.com

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L'élégante maison d'éditions Misma retourne dans le revue-jeu avec le nouveau numéro de DopoTutto Max, le 7e. Au programme, les auteurs Jun Onson, Simon Hanselmann, Delphine Panique, Baptiste Virot, Estocafich, etc. DopoTutto Max #7, Éditions Misma, 144 pages, 10 . misma.fr

La France est un pays incroyable, avec plein de choses incroyables qui se passent dedans. Et pour mieux connaître nos belles singularités (où gagner au loto, où croiser des extraterrestres, etc.), Olivier Marchon et Aurélie Boissière ont fait un (beau) livre. Atlas de la France Incroyable d'Olivier Marchon et Aurélie Boissière, Éditions Autrement, 128 pages, 18 50. autrement.com


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n.m. (colossus). Homme ou animal de fort grande stature. Ex : « Quand je dis que je vais faire pleurer le colosse, c'est pas forcément qu'une image » - Rocco Siffredi. Se dit aussi de grandioses crews de rappeurs ou de catcheurs photographiés.

Fig. 1 : Butter Bullets _

butterbullets.com

Fig. 2 : Colin Delfosse _ [ P h o t o g r a p h i e ] . Ce serait un euphémisme de dire que le Congo-Kinshasa n'a pas été épargné par les tracas ces derniers temps. Ce « cœur des ténèbres » possède en effet la sale manie de s'exposer aux pires versants de l'espèce humaine et à toutes les horreurs qui en découlent. Mais, comme bien souvent, c'est dans l'obscurité que la lumière se fait plus vive, plus belle, plus extraordinaire. En bon photographe qu'il est, Colin Delfosse a su capter ces éclaircies, ces moments où vivre demande une volonté surnaturelle. Pour son exposition Dancing Ashes à La Chambre, le Belge a rassemblé ses travaux réalisés au Congo ces quatre dernières années. Sa fascination pour l'existence en eaux troubles et la beauté qu'elle revêt l'a naturellement conduit au catch, véritable instant d'exaltation pour la jeunesse congolaise. À mi-

chemin entre le sport, le spectacle et la magie, le catch congolais se veut la catharsis d'un pays en crise perpétuelle. En cela, il est une des multiples preuves de l'improbable force qui anime les Congolais pour reconstruire leur société. Loin du spectaculaire du catch, Colin Delfosse s'intéresse aussi au quotidien des Congolais, à la façon dont ils dévient le regard des misères passées ou à venir, et se concentrent sur un présent dont ils sucent la vitalité jusqu'à la dernière goutte. Le Congo-Kinshasa, placé au bord de la bouche des enfers, devient ainsi le plus bel endroit sur terre. Un paradoxe que Colin Delfosse saisit à merveille. • Dancing Ashes, exposition de Colin Delfosse jusqu'au 1.02 à La Chambre, à Strasbourg. colindelfosse.blogspot.fr ; la-chambre.org

Crédits : © Colin Delfosse

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[ M u s i q u e ] . Certains sèchent encore pour leurs cadeaux de Noël ? Peine perdue, le rappeur Sidi Sid et le beatmaker Dela sont de retour le 22 décembre avec une nouvelle galette délicieusement ténébreuse dans la hotte. À ne pas mettre sous tous les sapins. Bis repetita placent. Deux hivers après un premier opus intitulé Peplum, les Butter Bullets remettent le couvert avec le lugubre Memento Mori. Biberonnés à la musique de Memphis et au horrorcore qui tâche, les rejetons maudits du rap français ont concocté une direction artistique glauque à souhait. Mettre de l’eau dans leur vin ? Très peu pour les deux larrons. Les productions synthétiques de Dela déroulent le tapis rouge pour la verve du MC blanc aux idées noires. Remonté comme les pendules de sa Franche-Comté natale, Sidi Sid n’a pas perdu une once de son outrecuidance. De Balladur à Émile Louis, il manie l’art subtil du name dropping et les mots lestes avec un (mauvais ?) goût sûr. Et quand il s’agit d’asticoter un journaleux qui a fait sa chasse gardée du hip-hop hexagonal, il ne mâche pas ses mots : « Tu n’y comprends plus rien comme Olivier Cachin » l’entend-on scander sur le bien nommé Olivier Machin. Enfin, comment parler des loustics estampillés Ralph Lauren de pied en cap sans évoquer leur passion pour le beau linge ? Saison froide oblige, North Face est à l’honneur ce coup-ci. Memento Mori est assorti comme son prédécesseur d’une avalanche de clips mortels. Les puristes en perdent leur latin, les autres en redemandent. • Butter Bullets, Memento Mori, sortie le 22.12. Simon Boileau


n.m. (duplus). Équipe de deux joueurs au jeu de boules ; binôme, duo, couple. Ex : « Non, mais c'est juste un malentendu, au départ on était simplement une doublette de pétanque » - Les Chevaliers du Fiel. Se dit aussi d'une paire de Nichons ou d'un duo d'illustrateurs.

Crédits : © Idir Davaine / Yann Kebbi

Fig. 1 : Howdy _ [ p r i n t ] . Ce livre aurait pu s’appeler On the road. Carnet de route d’un périple exploratoire de 3 mois aux États-Unis, il rassemble plus de 100 dessins et peintures, réalisés uniquement sur le vif, au hasard des sites rencontrés. Dans une automobile chargée de papiers, de pinceaux, de crayons et de peinture, Yann Kebbi et Idir Davaine ont voyagé de San Francisco à New York, sans trajet pré-établi à part 2 villes étapes, Las Vegas et La Nouvelle-Orléans. Déserts, bayou, route, fermes, villes, passants, ils restituent ce qu’ils voient lorsque le sujet est inté-

ressant, la lumière bonne. Sans table à dessin, assis, debout, la feuille posée à même le sol, installés sur un cageot, ou à main levée sur un carnet, petits et grands formats s’empilent, l’expérience visuelle est enregistrée et les miles accumulés. Pas de dessin à 4 mains mais une mise en parallèle des œuvres. Les dessins sont vivants, en noir et blanc ou pleins de couleurs, réalisés au crayon, au pastel, à l’encre ou à la peinture. C’est beau et ça donne envie de voyager, d’explorer ! Howdy est un beau livre, un art book, édité par Michel Lagarde, dont les originaux seront exposés à la Galerie Champaka en décembre 2014. Basil Sedbuk • Howdy, dessins d’Amérique, de Yann Kebbi et Idir Davaine, éditions Michel Lagarde, 23  , sortie en librairie en mars 2015. Exposition à la Galerie Champaka, Paris, jusqu'au 3.01. michellagarde.com ; idirdavaine.fr ; yannkebbi.blogspot.fr

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Nichons-nous dans l'Internet _

[ p r i n t ] . Chatons, nichons, francsmaçons. La sainte trinité de l'Internet (et ses variantes) est implacable. Elle pourrait même constituer un principe de vie passable pour peu qu'on ait envie d'une existence ordonnée. Mais c'est avant tout le guide suprême pour qui veut récolter du like, du buzz et ces si précieuses minutes de célébrité. Le magazine Nichons-nous dans l'Internet l'a bien compris, lui qui, sur sa une, étale en police maousse le délicat vocable de « nichons ». Il s'agit là, bien sûr, d'un charmant clin d'œil à ce que l'Internet peut avoir de plus racoleur et de plus vil. Car, comme son nom l'indique fort bien, Nichons-nous... entend décrypter les circonvolutions de notre média préféré : « Imprimer internet avant que ça ne s'arrête », telle est sa baseline. Afficionados de L'Ordinateur Individuel, passez votre che-

min. Nous ne sommes pas là pour parler de la dernière version de java mais plutôt pour voir ce que le monde est en train de fabriquer, exactement. Il n'a en effet échappé à personne que, depuis le milieu des années 90, un train nous roule dessus sans que nous ne puissions bien comprendre qui en est le conducteur, ni où il va. La « révolution » internet a fabriqué ses propres mythes et ses propres monstres, sa propre culture. Mais, le nez collé à la vitre, on ne distingue pas bien les contours du bazar. Nichons-nous... recule alors de trois pas, mate un peu ce qui se trafique, et où ça pourrait nous mener. Tout ça, bien sûr, nimbé d'un amour fou pour ce monde virtuel, complètement déglingué, certes, mais follement attachant. • Nichons-nous dans l'internet #3, sortie prévue en mars. nichonsnousdanslinternet.fr

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n.m. (estrument). Celui ou celle qui joue d'un instrument de musique ; expert dans la maîtrise d'un outil, d'un procédé, d'un système. Ex : « Est-ce que pisser dans un violon fait de moi un instrumentiste ? » Philippe Candeloro. Se dit aussi des acteurs de L'Ideal Club et des dessinateurs de Flǔtiste.

Fig. 1 : flutiste

[ P r i n t ] . Flutiste n'est pas une revue ayant la vocation de redorer le blason de l'instrument de torture joué au collège, mais un fanzine créé par quatre garçons pleins d’avenir. Depuis deux ans, Antoine Beauvois, Tom Vidalie, Pierre Le Couviour et Julien Noguera, quatre amis issus de la même école d'art, développent l'idée d'une revue offrant une vitrine à de jeunes auteurs, leur permettant de se rencontrer, se croiser et d'offrir ainsi un aperçu de la jeune création visuelle.

Petit à petit les créateurs agencent, organisent pour arriver à ce numéro 6 dont le thème est « Nouveau Continent ». Construit comme un cadavre exquis, les auteurs se répondent en décrivant un événement vu de l'intérieur et observé de l'extérieur. Les univers se croisent et s’entrechoquent pour créer un objet qui ressemble plus à une BD alternative. En effet, Flutiste est plus qu'un fanzine de par la place importante laissée à la narration, au scénario, mais également par la volonté des fondateurs de développer une communauté autour de l'objet. Ils attachent autant d'importance à la réalisation de l'objet – couverture sérigraphiée, impression de qualité, papier recyclé – qu'à son lancement, en organisant un week-end événement pour présenter le nouveau-né. Pour le prochain numéro, les événements se sont déroulés autour de META, une construction monumentale. En attendant, Antoine, Tom, Pierre et Julien confessent que leur plus grande joie serait qu'un jour un participant trouve un job grâce à une parution dans Flutiste... et c'est pas du pipeau. Delphine Zehnder • Flutiste #6, disponible depuis le 13.12. flutiste-fanzine.blogspot.fr

61 Fig. 2 : L'idéal club _ [ S p e c t a c l e s V i v a n t s ] . Imaginons..., on serait pendant deux heures tous tellement bien ensemble, réconciliés, qu'on en oublierait presque de se prendre la tête à deux mains devant la crise, la politique ou l'état du monde. On oublierait aussi de se plaindre et de pleurer. Imaginons un lieu de music-hall déjanté juste pour se faire du bien. Ce club idéal, ce serait comme si on s'était trompé de paradis. Où on dompterait les plantes vertes et les ampoules. On s'amuserait avec nos jouets, avec nos invités, comme au Muppet Show. On jouerait de la batterie et de la tronçonneuse, de la flûte à bec en santiags aussi. On ferait du sketch-metal et du karaté musical, au son des barbecues. On se prendrait des bûches, mais celles qui font pas mal. On reprendrait Johnny Cash, Rammstein ou les Floyd. On pillerait Tom Waits, Bernstein ou les Meppets. On ferait aussi

un groupe de death metal avec des yukulélés. On inventerait l'air-magie et la pause clope. On battrait au passage un Sioux au badminton... Alors tout s'écroule? Rions! Cet Ideal Club, les 26000 couverts l'ont rêvé et puis l'ont fait. Cette compagnie une fois de plus géniale et toujours décalée, entre pulsions satiriques débridées, burlesque dévastateur et poésie brute, invente un spectacle collectif en forme de numéros. Ça réveille les morts, ça donne l'énergie nécessaire pour finir l'année en beauté ou en commencer une sur une nouvelle lancée. Alors on y va tous ensemble, en famille ou entre potes. Nous, on adore. David Chauvet • Ideal Club de la Cie des 26000 couverts, jusqu'au 10.01 au Monfort Théâtre à Paris et les 16 et 17.01 à la Salle Jacques Brel à Pantin. 26000couverts.org


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adj. (maturus). Qui a atteint sont plein développement. Sage, posé, réfléchi. Ex : « Je me sens mûr pour un deuxième album » - Jordy. Se dit aussi de festivals de graphisme au top dès la deuxième édition ou de structures parisiennes qui fêtent (déjà) leurs dix ans.

Fig. 1 : 10 ans du Point Éphémère _

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[ F i e s t a ] . Il était une fois un lieu d'où l'on ressort presque toujours heureux. D'un lieu qui fit de l'éclectisme sa marque de fabrique. D'un lieu qui a su traverser les ans, les cahots, les haines et les amours pour finir par être emblématique d'une ville qui a retrouvé toute sa fougue. Le Point Éphémère reste un abri pour tous ceux qui, malgré les tempêtes austères, rêvent encore d'une structure qui jouerait la carte de la découverte et du bon goût. Après un léger passage trouble, il semblerait bien que Le Point Éphémère ait retrouvé matière à bomber le torse. Tant mieux, c'est à ce momentlà qu'il fête ses dix ans. Se concentrant toujours sur l'émergence artistique et la diversité de sa programmation, Le Point Éphémère se

lance dans la célébration de ses dix ans en suivant parfaitement ce plan sans accroc. Le 10 janvier, durant dix heures, le lieu enchaîne les propositions danse, atelier, concert et clubbing prouvant à qui veut l'entendre la vitalité du lieu, malgré son âge avancé. La Cie Au-delà du Bleu, les danseurs Aurélie Gandit et Guillaume Marietta, DJ Moulinex, les VJs de Supermafia, un bal, des ateliers pour enfants, des artistes secrets (ou non encore communiqués à cet instant) et mille surprises risquent bien de faire de cet annouf une sacrée soirée. À dix ans, on mérite au moins ça. • Les 10 ans du Point Éphémère, le 10.01 à Paris. pointephemere.org

Fig. 2 : La Fête du Graphisme _ Dossier de presse Les partenaires

[ G r a p h i s m e ] . Dieu, quelle puissance. Arrivée comme un gros caillou de l'espace l'an passé, La Fête du Graphisme en avait laissés pantois quelques-uns. Par sa taille, son ambition et le public visé, le festival parisien avait en effet chamboulé les esprits esthètes et changé les habitudes. Mais laissons-là les bisbilles d'autrefois et plongeons-nous dans le côté lumineux des choses : pendant un mois et demi, le graphisme prend d'assaut la capitale de la France, Paris. Moult événements, encore, à l'intérieur de ce vaisseau mère. Ils présenteront la richesse actuelle des arts graphiques, en France et partout dans le monde. Les affichistes, bien sûr, auront leurs mots à dire, avec des sucettes Decaux disséminées dans toute la ville et dédiées au thème « Célébrer La Terre » quand Henning Wagenbreth et Kazumasa Nagai se verront reconnus, eux, dans le non-choix qu'ils ont fait

7 janvier - 17 février 2015 dans tout Paris

entre art personnel et commande privée. Le livre, en tant qu'objet graphique, aura droit au retour de l'exposition We Love Books (déjà vue à Échirolles en 2008) augmentée de près de 150 ouvrages. Les revues alternatives, enfin, ce terreau d'expérimentations, seront à l'honneur pour la rétrospective Underground de plus de 50 ans de zines et magazines dits « à la marge ». Outre ces hauts faits, nous nous délecterons itou des Fêtes digitales, des workshops étudiants et plus spécialement de la série de courts-métrages Sacrés Caractères qui se penchent sur nos amis les polices. Une grosse machine, sans doute, mais qui a la courtoisie de mettre un énorme projecteur sur l'objet de nos amours : le design graphique. www.facebook.com/fetedugraphisme

• La Fête du Graphisme, du 7.01 au 17.02 à Paris. fetedugraphisme.org ; facebook.com/fetedugraphisme


adj./n.m. (turbidus/turbula). Qui ne s'explique pas nettement ; agitation de l'âme ou de l'esprit. Ex : « C'est bien souvent que mon esprit est troulbe... tourbe...euh...trouble. » - Kim Kardashian. Se dit aussi d'émotions fortes provoquées par des festivals ou des artistes innovants.

[ T h é â t r e ] . Le chien est un animal parfois gentil, parfois méchant. On dit qu’il est le meilleur ami de l’homme et on sait qu’il aime ramener la baballe et renifler le cucul. Tout ça n’a rien à voir avec le collectif Les Chiens de Navarre, quoique... En fait, leur théâtre regarde et rejoue peut-être la « vie de chien-chien » au sens propre et au sens figuré. Chez ces gens là, on brûle les convenances pour les décoincer, on les accentue en déconstruisant le banal et en libérant les pulsions. Le credo est là : sembler improviser pour voir où se cache le non-sens, la violence des mots et la bonne conscience des protocoles à la con. C’est comme le carnaval d’époque, et le stage de théâtre d’entreprise, ça sent le sang et le rire. C’est du théâtre qui emmerde le sur-moi comme dit son metteur en scène Jean-Christophe Meurisse ; c’est du « ça », de la mise à jour du refoulé. On s’y voit et on en pleure de rire, on en veut encore car nous aussi on emmerde le sur-moi au final. Vive Les Chiens de Navarre ! François Huguet • Collectif Les Chiens de Navarre, mise en scène de Jean-Christophe Meurisse.  Du 3 au 7.02 à la Maison des Arts à Cergy ; du 3 au 21.03 aux Bouffes du Nord à Paris. chiensdenavarre.com

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Fig. 2 : Festival Circulation(s) _ [ P h o t o g r a p h i e ] . La jeunesse c'est beau, la jeunesse c'est grand, la jeunesse c'est fougueux. Oui, mais la jeunesse, c'est naïf. L'association Fetart, créée en 2005, a ainsi choisi de devenir une mère pour ces candides photographes qui se lancent dans le boueux monde de l'art. En effet, voilà quatre ans qu'elle se démène pour organiser ce qui s'avère être la plus réjouissante et jouvencelle des manifestations photographiques, le Festival Circulation(s). De plus, non contente d'assumer l'émergence de jeunes et talentueux artistes, elle entreprend également d'assurer la paix et l'échange entre les peuples, en allant fourrer son nez fin aux quatre coins de l'Europe. Paix, art et avenir en seul flacon : l'ivresse n'est pas loin. Et bien jouissons-en ! Cette année, c'est 46 photographes venus d'un nombre incalculable de pays (une quinzaine

en fait) qui se partageront la programmation du festival, entre les artistes invités, la sélection du Jury, les écoles et galeries honorées, et le choix de Nathalie Herschdorfer, marraine de l'édition. À la volée, citons ici la présence d'Aladin Borioli, Juliette-Andrea Elie, Xenia Nasel ou encore Philippe Dollo, tous fringants capteurs de beautés. Pléthore de plaisirs esthétiques donc prévus cette année avec joli plus : les personnes détentrices d'enfants pourront partager leur amour de la photographie avec leurs ouailles via une exposition spécialement dédiée. Quoi de mieux pour former de futurs grands auxquels l'association Fetart se fera un plaisir d'apporter une aide maternelle. La boucle est bouclée. • Festival Circulation(s), du 24.01   au 8.03 au Centquatre, à Paris. festival-circulations.com

Crédits : © Ph.Lebruman

Fig. 1 : Les Chiens de Navarre _

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Fig. 3 : Mirage Festival _ Mirage Festival

3e Edition

MMMMM IIIIIIIIIIIIIII RRRRRR AAAAAAAA GGGGG EEEEEEEEEE ¬

25 Février — 01 Mars

2015 Lyon

www.miragefestival.com

mense canadien Martin Messier (avec des Super8) et du français Joris Guibert (avec ses tubes cathodiques). Outre ces deux hurluberlus, la programmation du Mirage Festival offrira quelques autres grands moments. On attendra avec une impatience non-feinte les différentes performances dont celle du remarquable Frank Vigroux (dont on a usé jusqu'à l'os son Centaure, sorti dernièrement). Autour de ces quelques hautes lumières, le festival proposera un forum créatif (workshops, tables rondes, rencontres), des installations permanentes et ses inénarrables soirées Club (dont une spéciale Crème Organization avec DJ TLR). En un mot, nique la réalité.

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• Mirage Festival, du 25.02 au 1.03 à Lyon. miragefestival.com

onomat. (imitation d'un coup de cuivre). Rengaine, ritournelle ; invitation à la fête. Ex : « Et pis là ça fait ça fait un truc chanmé genre tsoin-tsoin-tsoin-tsoin-tsoin, tu vois le délire ? » - Ludwig Van Beethoven. Se dit aussi du barouf des fêtes immanquables.

DOSSIER DE PRESSE

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Art, Innovation et Cultures Numériques

Installations, Musique, Performances, Workshops, Rencontres Pros.

[ A r t s N u m é r i q u e s ] . Il est loin, le temps où la réalité était bassement réelle. Qu'a-t-on à faire d'un monde où le concret gouverne, où la matière se touche, où la mécanique fait vibrer nos moteurs ? Laissons place à la magie de l'impalpable et réenchantons nos quotidiens. À l'avant-garde de cette nouvelle conception du vrai, les arts numériques explorent ces mondes inconnus et nous les présentent en s'infiltrant gaiement dans nos galeries. Le Mirage Festival entend une fois encore faire leur fête à ces artistes qui viennent gentiment du futur nous exposer leurs tergiversations. De tergiversations, il sera d'ailleurs fort question puisque deux des invités viendront ébranler cette marche vers l'avenir. Le retour vers l'analogique sera en effet au cœur des prestations de l'im-

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C'est le grand raout d'hiver pour l'éminent collectif Garage Mu, qui invite à un brelan de la fête fin décembre, avec une programmation plaquée à l'or fin. Bagarre, JC Satàn, Krikor, dDash, Yussuf Jerusalem et on en passe seront là du côté de la Goutte d'Or et du 6B. Les 18, 19 et 20.12 à Paris et Saint-Denis.

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Il arrive à certains de ne pas passer le nouvel an devant Patrick Sébastien. On ne peut que leur conseiller le plan b suivant : Acid Arab toute la nuit. Le 31.12 au Monseigneur, à Paris.

Le festival Wee revient casser la bonne structure poitevine Le Confort Moderne. Avec 3 jours d'électro qui incluent Chloé, Mathias Aguayo, Le Cabaret Contemporain, French Fries ou encore Clément Meyer, nul doute que la fête sera belle. Les 29, 30 et 31.01 au Confort Moderne à Poitiers.

04

Comme la musique de Forver Pavot est trop bien et que Le Point Éphémère itou, l'annonce du concert des premiers dans le deuxième est forcément une excellente nouvelle. Le 11.03 à Paris.

L'Espace B nous fait un petit plaisir en cette fin d'année avec un concert garage rock français des familles : The Whacks, Johnny Mafia et The Greyguts se suivront sur la scène parisienne pour le dernier concert de l'année. Le 20.12 à Paris.

06

L'association Ay-Roop revient en ce mois de mars pour son festival de cirque beau. Au programme : la Cie du Chaos, Cirdacompany, Gandini Jugggling, Cie Jupon, Iona Kewney & Joseph Quimby, etc. Du 20 au 29.03 à Rennes.



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(2/ 4)



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