KIBLIND Magazine 70 - Nuit

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KIBLIND Magazine NumĂŠro Nuit



Adobe Fresco

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KIBLIND

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Au plus près de la toile


Artwork : Stephen Powers. Là où les eaux se mêlent, Raymond Carver, in Poésie © Éditions de l’Olivier, 2015. Where Water Comes Together With Other Water by Raymond Carver. © Raymond Carver 1985, Tess Gallagher 1989, used by permission of The Wylie Agency (UK) Limited.

NOUVEAU LIEU

USINES FAGOR + MACLYON

biennaledelyon.com


81 avenue Gallieni - 93170 Bagnolet . Métro Gallieni, ligne 3 pucesillu.campusfonderiedelimage.org fb : Les Puces de l’Illu #7, le festival de l’illustration Animez l’affiche sur l’application Campus Fonderie de l’Image


Édito

Photo: Florent Tanet

Au moderne qui pense que le temps de la rationalité est venu nous disons : casse-toi. On a beau faire semblant, pour l’éternité nous serons des êtres qui pensent sans fondement. La nuit est là pour nous le rappeler, tous les jours. Une fois le soleil parti, une fois la lumière éteinte, l’inconnu prend tranquillement ses aises et fait turbiner le cerveau. Le concevable s’efface alors pour laisser place à cette autre partie de nous, celle qui pense que l’espoir est possible, que les fantômes existent ou qu’on peut s’enfiler sans ciller une bouteille de Malibu Coco. Il est passionnant ce côté obscur, bien plus divertissant que celui qui compte et théorise. Pour le pire ou le meilleur, c’est la version libérée de nous-même que nous lâchons dans la nature. Et celle-ci, complètement folle, nous intéresse beaucoup.


Kiblind magazine n°70 Nuit - Automne 2019 ENTRÉE 10

ENQUÊTE

INTRO PICTOS

57

Nuit 24

INTERVIEW

María Medem 26

Michel Forever, démon de minuit DISCUSSION

Déambulations nocturnes 62

INTERLUDE CRÉATIONS ORIGINALES

Nuits dessinées 34

Le monde de la nuit 64

DISCUSSION DISCUSSION

La nuit Américaine 44

RÉTROGRAPHIE

Dracula, prince de la nuit 47

INTERLUDE

Réveille toi si tu peux 52

DISCUSSION

J'ai vraiment rencontré la nuit le jour où je suis rentré en boîte 54

Batman, une créature de la nuit 66

BACK 2 BACK

Jack Lang & Cerrone 70

SORTIE 73 REPORTAGE GRAPHIQUE

Fos-sur-mer 84


Contributeurs

SIMON BAILLY Comme beaucoup de gens importants (Philippe Séguin…), Simon Bailly est passé par Épinal, pour y faire ses études et travailler au centre de l’imagerie en tant qu’illustrateur. Les Vosges forment bien puisqu’il travaille aujourd’hui pour Libération, le New York Times ou Gallimard.

ÉLODIE BOUHLAL Parce qu’elle possède un téléphone intelligent et qu’elle a donc le pouvoir traîner sur Etsy, Pinterest, Instagram et Internet en général, on lui a demandé de nous dénicher les meilleurs créateurs, les meilleures collaborations, les choses jolies.

MARÍA MEDEM Au sud de l'Espagne se trouve la belle région andalouse. À l'intérieur de celle-ci, la ville de Séville dans laquelle nous pouvons trouver le bureau de Marìa Medem. Penchée sur celui-ci, la dessinatrice de notre couverture tient au bout de ses doigts la possibilité d'ouvrir des mondes. Car l'illustratrice, autrice notamment de Cenit chez Apa-Apa Comics (bientôt en France, normalement) et de Échos chez Fidèle Éditions (ça, c'est bon) n'aime rien d'autre que crée des espace-temps : mondes parallèles, réalités alternatives où les atermoiements de l'âme deviennent paysages. La nuit, verso irrationnel de notre existence, demandait une artiste capable de rendre l'atmosphère de ces heures spéciales. Bingo.

> mariamedem.tumblr.com

SIMON BOURNEL-BOSSON On se souvient de Simon hasardant ses premiers dessins sur les tables de nos bureaux. « Le p’tiot », qu’on l’appelait. Il vole maintenant, sans nous, avec propres clients, Møme, RBMA et le Musée du Quai Branly, parmi d’autres. Et parfois, quand il a besoin de réconfort, il revient au bercail nous dessiner des stations balnéaires.

MALINA CIMINO Passionnée de longue date par l’illustration et les jolies choses, Malina Cimino œuvre çà (Beware) et là (nous), et puis là aussi (agence Costume 3 Pièces) pour partager tout son amour. Elle fait bien.


Contributeurs

SYLVAIN DI CRISTO Le journaliste Sylvain di Cristo a déjà trempé sa plume chez Gonzaï, Les Inrocks et I-D et s’est même aventuré dans les territoires mystérieux du numérique en étant rédacteur en chef web de Trax. D’où son penchant pour les belles boîtes de nuit de la côte.

S.T. HOLE On avait déjà croisé cette mystérieuse signature au n° 68, trifouillant les fins fonds de sa cinémathèque pour nous sortir les robots les plus louches. Rebelote pour cette voix des podcasts Discordia, qui nous sort quelques films notables où la nuit est un peu plus que le moment où l’on ronfle.

CHESTER HOLME Un Anglais n’est pas forcément un ennemi. Il peut aussi être un illustrateur au talent incroyable, passé par la Kingston University et bossant pour Nike, Virgin ou Usbek & Rica.

ANTHONY JAUNEAUD Scénariste et designer de jeux vidéo, Anthony Jauneaud est de ceux qui ont réalisé Night Call, sorti à la fin de l’été sur PC et Mac. Il est aussi un fin connaisseur de la chose vidéoludique et de ses trucs et astuces. Tout ça tombe très bien pour nous.

MICHEL LAGARDE Michel Lagarde a su associer le statut de mémoire vivante de l’illustration française avec celui de connaisseur patenté des évolutions actuelles. Un savoir qu’il distille via ses éditions Michel Lagarde, son agence Illustrissimo et la galerie Treize-Dix.

JULIA MAHLER ET ALICE SCHNEIDER / LA RÉGULIÈRE Convaincus que l’ouverture il y a un an de la Librairie-Café-Galerie La Régulière (Paris) constituait un miracle en bonne et due forme, on a demandé à ses deux tenancières de nous donner leurs trucs et astuces pour lire des choses vraiment très jolies.

ZELDA MAUGER Actuellement en poste chez Greenpeace, Zelda est également une dessinatrice. Elle a aussi pour hobby de combler chaque mètre carré de son appartement avec des piles compactes de livres, fanzines et autres bouts de papier reliés qu’elle adore.

NATACHA PASCHAL En un livre autoédité, son Fake Vogue, Natacha Paschal a réussi à mettre à genoux tous les petits aficionados du dessin. Nous en sommes évidemment. Cyrillus aussi, la direction artistique de Grazia aussi et les « connoisseurs » de chez Agent 002 aussi.

NICOLAS PELLION Certainement l’un des meilleurs connaisseurs du rap actuel, Nicolas Pellion participe à l’émission « La Sauce » sur OKLM, écrit pour l’Abcdrduson, Libération et Yard et a surtout créé son propre site Purebakingsoda, qui vient de fêter ses dix ans.

MANON RAUPP Férue de musique indépendante, Manon Raupp publie tout aussi indépendamment son fanzine Ductus Pop et envoie à la face du monde les cassettes de son label Hidden Bay Records. La déontologie nous empêche d’en faire la pub, mais achetez quand même le mini-album de Nice Apple.

DAVID RAIFFÉ / LIBRAIRIE MOLLAT Lors de nos passages à Bordeaux, la librairie Mollat ne manque pas de nous attirer telle Juliette son Roméo. Son expert en graphisme, David Raiffé, a l’extrême obligeance de faire du zèle et de nous donner ses conseils livresques même hors les murs.

FLORENT TANET Ce directeur artistique parisien est ce genre de photographe qui mêle goulument son art aux autres champs qui le passionnent, le graphisme et la sculpture au premier chef.

DICK TOMASOVIC Rare universitaire francophone s’intéressant aux comics studies, Dick Tomasovic, enseignant-chercheur en art du spectacle à l’Université de Liège, est tellement calé sur Batman qu’il en sort même des livres. Le dernier en date : Batman, une légende urbaine aux Impressions nouvelles.


STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Direction Kiblind : Jérémie Martinez Jean Tourette  Gabriel Viry Team Kiblind  Magazine : Maxime Gueugneau & Marie-Camille Alban - Agathe Bruguière - Alix Hassler - Jérémie Martinez Elora Quittet - Justine Ravinet - Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Réviseur : Raphaël Lagier  Merci à  : Matthieu Sandjivy Direction artistique  : KIBLIND Agence (www.kiblind.com)

INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g et Symbol Freelife Gloss 200g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Orphéon (Marine Stephan) Imprimeur  : Musumeci S.P.A. www.musumecispa.it Édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . 27 rue Bouteille -  69001 Lyon 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris  04 78 27 69 82 - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé en France. www.kiblind.com. www.kiblind-store.com Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 16 pages pour la région Rhône-Alpes. ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Contact : redaction@kiblind.com


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Entrée

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IN THE MOOD Pochettes d'albums, couvertures, posters, etc. Voici tout ce qu’on a croisé de graphique et d'illustré ces trois derniers mois et qu'on mettrait bien dans notre salon. Revue

Bouclard Artwork par Freak City

Affiche

Affiche

Tournée de Sugar Candy Mountain Artwork par Ardneks

Disque

Ezra Furman Artwork par Cristina Daura

Festival Scopitone au Stereolux de Nantes Artwork par Léonie Bos


Entrée

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Roman

« Nessuno ritorna a Baghdad » d’Elena Lowenthal (ed. Bompiani) Artwork par Matteo Berton

Affiche

Habibi Funk + Ladies On Records au Jazz Café, Londres Artwork par Juneid Ataullah

Disque

Compilation « Voulez-vous Cha Cha ? » sortie chez Born Bad Records Artwork par Virginie Morgand

Roman

La vie en Chantier de Pete Fromm (ed. Gallmeister) Artwork par Patrick Atkins

Disque

« Metronomy Forever » de Metronomy Artwork par Anne Zeum

Disque

« Nightfalls » de Xul Zolar Artwork par Peter Vincent Causemann


Entrée

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À L'ANCIENNE

Henri Galeron

Pour remédier à notre ignorance, le galeriste, agent et éditeur Michel Lagarde, nous plonge dans l'œuvre d'une légende des arts dessinés

Fig 1. « La lettre G », extrait du livre ABCD sorti en 2017 aux éditions Les Grandes Personnes.

Fig 2. Pochette de la compilation Chevance, Outremusique pour enfants 1974-1985, sortie en 2019 chez Born Bad Records.

Fig 3. Couverture du livre Moka, Mollie, Max et moi, sorti en 1976 chez Harlin Quist

Fig 4. Couverture du livre Île du droit à la caresse (édition anglaise), sorti en 1998 chez Harlin Quist.

Il n’y a pas plus modeste qu’Henri Galeron né en 1939. Ce merveilleux illustrateur ayant passé son enfance en Provence, entame une scolarité difficile et préfère suivre les chemins de l’école buissonnière, du côté Tarascon, bien loin des Tartarinades du personnage d’Alphonse Daudet qu’il illustrera par ailleurs. Son don précoce pour le dessin lui offrira une échappatoire vers les Beaux Arts de Marseille où il collectionnera les premiers prix. On découvre ses premières parutions au début des années 70 avec Le Kidnapping de la cafetière chez l’éditeur révolutionnaire Harlin Quist ou chez son associé Ruy-Vidal, puis se révèle au grand public au sein des collections jeunesse des éditions Gallimard. C’est aux côtés de Claveloux, Delessert, Kelek, Lapointe, Lemoine, Nicollet, et tant d’autres que l’on retrouve ses images dans les collections 1000 Soleil, Folio Benjamin et Enfantimages. Il aura l’occasion d’illustrer Roald Dahl, Le Clézio, Prévert, et tant d’autres dont Steinbeck avec Le Poney Rouge dans la mythique collection des grands albums

illustrés. La carrière de Galeron est intimement liée à une fidélité réciproque avec ses éditeurs et directeurs artistiques. C’est grâce à Massin que ses premières illustrations se retrouvent régulièrement en couverture de la collection Folio à sa création en 1973, et à Patrick Couratin qu’il illustrera les nombreux dossiers du magazine Okapi à sa grande époque dans les années 80. Aujourd’hui il se partage entre les livres aux éditions Motus (avec l’éditeur et auteur normand François David) et ses beaux albums, livres-objets toujours pertinents aux éditions des Grandes Personnes. Cette génération d’illustrateurs apparue au début des années 70 est entrée dans l’histoire de l’illustration et forme désormais la confrérie des « maitres de l’imaginaire », sous l’impulsion de l’un des leurs, Etienne Delessert, à travers diverses expositions de Paris à Bologne en attendant l’ouverture d’un musée en Suisse. Toujours dans le coup à la veille de ses 80 ans, les images de Galeron trouvent naturellement leur place dans Kiblind. Miichel Lagarde


Entrée

15

Fig 1.

Chevance

France, carrefour des années 1970: hevance dynamite les codes de la musique pour enfants.

garde, portée par un esprit littéraire affirmé, elle bâtit son catalogue hors-normes s la conduite du producteur Philippe Gavardin, ériences du label Saravah ou de l’éditeur iconoclaste Harlin Quist.

stérieux, bestiaires chimériques... Elle embarque à son bord toute une bande ee, et propulse ses chanteurs en orbite en exploitant tout le potentiel fantasque n Tardieu, Robert Desnos, Jacqueline Held, et bien d’autres.

(etc.)

entale, sa petite sœur la collection Sonoriage parachève l’entreprise, n acousmatique de l’environnement sonore familier des plus jeunes.

Chevance (etc.) - Outremusique pour enfants / 1974-1985 BB112

Gilles - Conversation be - Transformations ois Gaël - Profiteroles hop de Lyon - Image ne et Gilles - Le Gnou eils aux enfants sages ois Gaël - Sucre candi upe Organon - Adieu Savouret - La Dictée

B1 - Anne - Vendredi : les caramels au chocolat B2 - Anne - Lundi : les croûtes aux groseilles B3 - Le Groupe Organon - Vivre B4 - Anne et Gilles - Le soleil B5 - Steve Waring - Me uno me douno B6 - Naomi Moody - Who dat B7 - Anne et Gilles - Les Hiboux B8 - Steve Waring - Fais voir le son + Impro peau B9 - Anne et Gilles - La Môme Néant B10 - Anne et Gilles - Cela est certain

Outremusique pour enfants 1974-1985

Durée totale : 38 : 59

Fig 2.

Fig 3.

Fig 4.


Entrée

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LA BIBLIOTHÈQUE IMPECCABLE Jean Jullien On a demandé au dessinateur Jean Jullien quels étaient les livres chéris de sa bibliothèque. Avec l’espoir secret de lui ressembler un jour. CAMERON AND ZACK HANLE KIRK, THE SURFER'S HANDBOOK, DELL PUBLISHING, 1968

J’ai acheté cette pépite après l’avoir recherchée un moment. Je trouve l’objet magnifique, les illustrations à l’intérieur sont superbes quoiqu’assez techniques...

OLIVIER SCHRAUWEN, ARSENE SCHRAUWEN, L’ASSOCIATION, 2015

C’est une des plus grosses surprises BD de ces dernières années pour moi. C’est graphiquement parfait et surprenant, mais il y a aussi le sujet, la biographie sublimée et rêvée, le mélange de fiction et de réalité, le modernisme architectural, la réinvention du récit d’aventure… Je le relis ou le reparcours régulièrement et il me surprend toujours.

KATSUHIRO OTOMO, AKIRA (T.6), EPIC COMICS, 1988

Une des premières BD qui m’ont vraiment marqué jeune. Graphiquement parfait, et narrativement épique selon moi. J’adore cette version américaine car c’est la première fois qu’un comics américain était entièrement colorisé à l’ordinateur. Donc l’objet a son importance dans l’histoire de la bande dessinée. J’aime aussi la multitude de personnages et le fait qu’ils sont tous traités avec profondeur.

TOME & JANRY, SPIROU ET FANTASIO (T.46) : MACHINE QUI RÊVE, DUPUIS, 1998

J’ai toujours aimé la notion de « remix » culturel, quand un auteur prend un existant et y apporte sa touche, que ce soit le Tif et Tondu de Blutch ou le Batman version manga. Je trouve qu’en mêlant les genres, on arrive toujours à des propositions intéressantes. C’est le cas pour le dernier Spirou de Tome et Janry. Ils transforment le journaliste aventurier en victime acculée d’un thriller digne des meilleures séries télé, tout en gardant les personnages clés du folklore de Spirou et Fantasio. C’est assez fin et surprenant. Ça m’avait bien marqué et je le garde dans ma bibliothèque comme un bon exemple de réinvention d’un objet a priori « attendu ».


#maintenant2019

A.N.I : Bear Bones, Lay Low be + Black Zone Myth Chant fr + Don’t DJ de Astrid Sonne dk ∙ Asuna jp ∙ AZF fr ∙ Ben Bertrand be ∙ Cera Khin tn/de Crystallmess fr ∙ Elly Oldman fr ∙ Errorsmith de ∙ Hatis Noit jp/uk ∙ Ines Alpha fr Lucas Paris ca/fr ∙ Mad Miran nl ∙ Michela Pelusio it ∙ Molécule fr OD Bongo fr/be ∙ panGenerator pl ∙ Pantha du Prince de ∙ Peach ca/uk Sentimental Rave fr ∙ Sherelle uk ∙ Slikback ke ∙ Vincent Leroy fr … —

créations ∙ concerts ∙ conférences ∙ expositions installations ∙ performances

MAINTENANT VU PAR LAURIE ROWAN


Entrée

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CONTREFAÇON

Natacha Paschal


La Gaîté Lyrique présente

31.01 Let There Be Drone : une résidence Sunn O))) 01.02

31 Jan. LIFE METAL 01 Fév. LIFE METAL 02 Fév. 初心 2020

Illustration : © Jo Ratcliffe

La Gaîté Lyrique


Entrée

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ESPACE FUN

Vous venez de vous enfiler une montagne d'infos : un peu de divertissement ne vous fera pas de mal. POINTS À RELIER par Agathe Bruguière

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Un-Somme-Nid

Loup-Gare-Houx

JOLIS RÉBUS par Simon Bailly


EntrĂŠe

JEU DES 7 ERREURS par Chester Holme

21


Photo : Florent Tanet


Nuit Nuit Nuit Nuit Nuit


intro pictos

24

Cela fait bien longtemps que, la nuit, les

ne sont plus vraiment gris.

La nuit, ils paradent, les salauds, et étalent sous notre

leur robes

multicolores qu'éclaire désormais la sainte de l'

Ikea. Mais si l'invention a mis quelques proverbes

à terre, la nuit reste un joli exhausteur de goût. Au coucher de

,

elle produit sur les êtres une transition aussi éphémère que radicale. Ça broit du noir, ça roule des ça a peur du loup, ça boit comme


Nuit

des

25

: on n'est plus tout à fait

nous-même. Ou plutôt, si on l'est, mais beaucoup trop, une version surexposée de notre moi. La nuit plaque un

grossissant sur

chacune de nos aspérités. Les

de Dracula sont-elles

aussi longues le jour ? La nuit américaine est-elle aussi belle à midi ? Bruce Wayne ? Vraiment ? Réponses à ces questions et à quelques autres dans les qui suivent.



Interview

27

Née en 1994 dans la chaleur enivrante de Séville, María Medem, a, pour son jeune âge, un palmarès à faire rougir son nouveau voisin du Bétis, Nabil Fekir. Elle a déjà travaillé pour la presse internationale (The New Yorker, Le Monde Diplomatique, New-York Times, etc.) et publié quelques merveilles de livres et fanzines. La fragilité de son trait, la maîtrise des couleurs, son sens de la composition et son amour de la divagation a ému de belles maisons d’édition,

María Medem, retiens la nuit succombant au charme andalou. Échos, édité et imprimé par Fidèle éditions, était une immersion dans un monde liquide, silencieux et mélancolique. Cenit, publié chez Apa-Apa Comics en novembre dernier (et bientôt disponible en français) illustre cette fois, un somptueux échange onirique entre deux protagonistes à partir du constat suivant : il n’est pas facile de vivre sans se souvenir de ce que vous avez fait la nuit dernière. Etrangement, ça nous a parlé.


Interview

28

Où vis-tu actuellement ? Je suis de Séville et j’y vis en ce moment. J’ai vécu un an à Barcelone après mes études en école d’art. À vrai dire, la ville n’était pas faite pour moi, je ne sortais pas trop mais j’ai pu dessiner un maximum, tous les jours. C’est d’ailleurs peut-être cette annéelà que j’ai vraiment développé mon style et ma façon de dessiner mes BD et mes illustrations. J’ai publié deux fanzines quand j’é tais là-bas. Après cette parenthèse barcelonaise, je suis revenu à Séville, et pendant l’été, j’ai eu la chance de recevoir quelques propositions pour réaliser mes premiers livres par les éditions Terry Bleu et Apa-Apa. J’ai aussi commencé à recevoir pas mal de commandes en illustration, c’était

Page from Echos

Poster for the launching of Cenit

Page from Cenit

As-tu l’habitude de travailler la nuit ? Même si ça peut parfois m’arriver, je ne dessine pas trop la nuit. En réalité, mes journées sont déjà bien chargées en dessin ces derniers temps ; du coup, le soir, j’en profite pour me changer les idées. Si je dessine la nuit, c’est vraiment pour le plaisir simple du dessin, sans commande ni projet, juste pour expérimenter, laisser libre cours à mon imagination, sans aucune contrainte. D’ailleurs, ça m’arrive plutôt les soirs d’été. Quant au travail de réflexion, pour moi, c’est plutôt le matin. J’ai clairement les meilleures idées le matin, le plus tôt étant le mieux ! En gros, je garde donc les matinées pour réfléchir et les après-midi pour exécuter…

"[...] Ce qui m’inspire, c’est plutôt la sensation d’éloignement progressif que procure l’endormissement, cette façon dont la réalité semble devenir flottante, malléable… ce moment un peu étrange où les images s’assemblent."


María Medem

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parti ! J’ai publié ensuite Satori avec Terry Bleu, Cenit chez ApaApa (qui va être traduit en français l’année prochaine) et Échos avec Studio Fidele. J’ai fait aussi quelques fanzines comme Karate, Ciclo et Vereda, en collaboration avec Hugo Espacio, et enfin Tregua cet été.

Comment construis-tu tes histoires, tes images d’un point de vue narratif ? Pour moi, le processus de construction d’un récit ne suit pas toujours la même logique mais, en général, une fois que j’ai plus ou moins trouvé l’idée, défini le thème, ce qui me préoccupe le plus c’est d’essayer de saisir comment l’histoire va se terminer. Je travaille vraiment sur des histoires et des idées qui m’intéressent en profondeur, avec lesquelles je me sens connectée. C’est pourquoi, quand je commence à travailler sur une BD, j’y travaille tous les jours, en m’arrêtant le moins possible, jusqu’à avoir tout terminé. Si jamais je m’arrête et que je reprends le projet plus tard, j’ai tendance à repartir dans une direction tout à fait différente et ça devient sans fin…

Page from Tregua

Pour construire ces images souvent teintées d’onirisme, t’inspires-tu de tes rêves ? Oui, les rêves sont pour moi une source d’inspiration, mais pas leur contenu à proprement parler. Pour autant que je me souvienne, je n’ai essayé qu’une seule fois de dessiner un de mes rêves. Non, ce qui m’inspire, c’e st plutôt la sensation d’éloignement progressif que procure l’e ndormissement, cette façon dont la réalité semble devenir flottante, malléable… ce moment un peu étrange où les images s’assemblent.

Les couleurs sont très importantes dans ton travail, comment envisages-tu cet aspect de l’illustration ? Le travail avec les couleurs est l’un des aspects de mes créations que j’apprécie le plus. J’essaie d’utiliser la couleur de manière narrative et subjective, et pas seulement comme un outil pour représenter les choses telles qu’elles sont. Lorsque je mets en couleur ce que j’ai dessiné, en général peu de temps après, j’essaie de me remémorer une certaine atmosphère dans laquelle j’ai vécu. J’essaie de recréer cette atmosphère sur mes dessins en utilisant les couleurs qui représentent le mieux cette ambiance,

ce moment. Comme la mémoire, ou du moins la mienne, n’est pas photographique, tout y est exagéré et peu réaliste. Par exemple, un ciel qui était légèrement orange dans la réalité pourrait devenir d’un orange franchement rosé dans ma mémoire et mes dessins. Et la riso t’a aidée ? Apprendre à travailler en riso a aussi été une chose très importante pour moi. J’aime travailler avec des effets de transparence, des mélanges de couleurs, et j’adore cette simplicité – utiliser seulement trois couleurs (par exemple le rouge, le bleu et le jaune) et pouvoir créer à partir de cette sim-


30

Cover for Jay Som

Interview

Untitled

"[...] J’adore cette simplicité – utiliser seulement trois couleurs (par exemple le rouge, le bleu et le jaune) et pouvoir créer à partir de cette simplicité une multitude de nuances."



Page from Exercise 08 (a short comic that is going to be published in the anthology Now #7)

Interview 32


33

Illustration for the poem by Kaveh Akbar titled "The Palace", published in the New Yorker

María Medem

plicité une multitude de nuances. Et évidemment, j’adore les textures, toutes les imperfections qui peuvent apparaître avec la riso. J’aime son caractère imprévisible. Quels projets t’ont marquée récemment ? Je dirais les illustrations que j’ai faites pour un poème intitulé The Palace, écrit par Kaveh Akbar et publié par The New Yorker. Je trouve que le travail de code avec les effets de parallaxe donne un ensemble vraiment cool. Ça m’a d’autant plus surprise que je n’y connais rien dans ce domaine. Et le poème est tout simplement génial. Et puis Cenit, le livre que j’ai publié chez Apa-Apa qui était ma première bande dessinée et qui a remporté deux prix ici en Espagne. Et enfin Tregua, le fanzine que je viens de finir et qui a été un super moment

de création pour moi. C’est toujours agréable de travailler sur un projet presque sans aucune souffrance. Sur quoi tu travailles en ce moment ? Je suis en train de préparer l’exposition qui aura lieu à Kiblind Atelier ! Et ce qui me bouffe énormément de temps en ce moment, c’est un clip musical que je dois terminer : trois minutes d’animation. Qu’est ce que tu lis avant de t’endormir ? Récemment, je me suis mise à lire l’intégrale d’Akira ! J’aurais évidemment dû lire ça depuis bien longtemps, mais il n’est jamais trop tard ! C’est étrange car ces derniers mois, j’ai surtout lu des romans et aucune bande dessinée. Et puis là, je me suis replongée dans des livres que je lisais adolescente,

comme ceux de J.D. Salinger. C’est assez bizarre, car c’est comme découvrir un livre entièrement différent de celui dont je me souvenais. Que serait une nuit parfaite pour toi ? Ça dépend vraiment de mon humeur et de la saison ! Mais par exemple, vu qu’il fait encore chaud – au moins à Séville – la nuit parfaite serait pour moi une nuit fraîche et venteuse, sur le bord de la mer ou à la campagne, que je passerais à la manière de la fille en couverture…

Exposition Nuits de María Medem à KIBLIND Atelier (Lyon), du 03 octobre au 21 novembre 2019. Interview  :  Jérémie Martinez Photogaphie : Juan Carlos Medem


Créations originales -

Afin d’explorer les mille possibilités de la nuit, voici convoqués le talent et l’imagination de huit illustrateurs issus d’univers différents. Tous ont créé, spécialement pour ce numéro, une œuvre sans contrainte, ou presque : le magazine délimitant forcément un format. Ainsi, ils ont pu prendre la thématique à leur compte et la lancer dans la direction qu’ils souhaitaient. Et, comme d’habitude, elle est retombée là on ne l’attendait pas forcément. Merci donc à Akira Muracco, Álvaro Bernis, Xavier Lissilour, Marina Fernandez, Jimy de Haese, Charline Collette, Tomoko Tsubota et Caroline Peron d’avoir répondu à notre appel. C’est bien chic de votre part.


Alvaro Bernis | Nuit alvarobernis.com


Caroline Peron | Nuit instagram.com/caro.peron


Akira Muracco | Nuit akiramuracco.me


Jimy De Haese | Nuit instagram.com/jimydehaese


Charline Collette | Twingo charlinecollette.com


Marina Fernandez | Night instagram.com/_marinafdz_


Tomoko Tsubota | Beautiful Night tomokotsubota.com


Xavier Lissillour | Nuit xavierlissillour.tumblr.com


Retrouvez les artistes de cette galerie sur KIBLIND.COM


Discussion

44

La Nuit Américaine S.T. Hole (c'est un pseudo, oui) mange des films comme Popeye les épinards : pour devenir plus fort.e. Ici, une parcelle de sa puissance nous explique comment la nuit, au cinéma, peut devenir un personnage à part entière.

Intérieur nuit, salle obscure – Au cinéma (le vrai, celui avec les fauteuils en velours et les tickets en papier), rien à carrer de la météo ou de l’heure qu’il est : il y fait toujours déjà nuit. C’est pour de faux mais c’est bien imité et l’effet est le même : nous voilà vulnérables, isolés et dans les conditions idéales pour faire des rencontres insolites, tomber amoureux ou trembler de peur… Briller comme des étoiles – Au départ, la nuit c’é tait un concept sympa : environ la moitié du temps on avait le choix entre faire une crise

existentielle devant la majesté de la voûte céleste ou dormir du sommeil du juste parce qu’o n n’y voit rien et qu’on s’ennuie. L’urbanisation et l’éclairage public sont venus bousculer ce rythme circadien bien huilé et le cinéma – sauf quand il lorgne du côté des aliens comme dans Rencontres du troisième type (Spielberg, 1977) – s’e st laissé séduire par les lumières de la ville avec l’enthousiasme de papillons de nuit devant un lampadaire. Exit la Voie lactée et bonsoir les phares de voitures, les fenêtres d’insomniaques et les vitrines d’épicerie du coin.

Minuit, l’heure du crime – Croyez-en l’autrice de ces lignes qui pousse le perfectionnisme jusqu’à les écrire à des heures indécentes, seule et à la merci des prédateurs cruels et sanguinaires (dans le cas présent une souris et des moustiques) : la nuit est propice à l’angoisse. Toutes les études ont beau démontrer qu’il n’y a pas plus de crimes commis la nuit que le jour, rien n’y fait, nos chocottes sont proportionnelles à l’obscurité. Minuit, l’heure du crime, des patrouilles de police et des gangs comme dans Les Guerriers de la nuit (Hill, 1979), l’heure des orgies ultra-secrètes d’Eyes Wide Shut


S.T. Hole

(Kubrick, 1999), des vampires bien sûr – on n’oubliera pas le nom ironique donné à la petite ville sise sur la bouche de l’enfer que protège Buffy pendant ses années lycée : Sunnydale – mais aussi des fantômes (The Innkeepers, West, 2011) et des zombies (La Nuit des morts-vivants, Romero, 1968) ou autres créatures démoniaques (la trilogie Evil Dead de Sam Raimi). Frisson de la cavale ou de l’horreur, la nuit comme symbole et catalyseur du mal et des forces des ténèbres reste le meilleur atout pour faire trembler le spectateur. C’est aussi l’heure favorite des noctambules amateurs de mystère comme Philip Marlowe, détective privé en imper, aimant à gonzesses et à uppercuts (le Fedora sans doute), couche-tard et figure par excellence du film noir comme Le Grand Sommeil (Hawks, 1946), classique aussi fun qu’incompréhensible. « Rien de bon n’arrive après minuit » – Pour la plupart des gens qui travaillent de jour, la nuit est un moment de liberté, d’émancipation, de créativité et d’excès potentiels. Pendant que les braves gens dorment, l’obscurité accueille l’ivresse des aventurier.es, le frisson des rencontres inattendues, l’exaltation des corps en fête dans les boîtes de nuit. Passage obligé des pérégrinations nocturnes : le « club », ses stroboscopes et ses néons colorés, mais

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aussi le bar et l’épicerie de nuit qui viennent renflouer les réserves d’alcool de nos protagonistes étourdis. La loi de Murphy, la défonce et le manque de sommeil finissent par pousser à bout nos héros qui perdent peu à peu contact avec la réalité. À la lumière du petit matin, les événements de la veille semblent le produit de rêves enfiévrés, les divagations d’un esprit malade (After Hours, Scorsese, 1985). Le Dernier Métro – Autre trope de la nuit au cinéma : le taxi (et le taxi du pauvre : les transports en commun). Nulle profession n’est statistiquement plus représentée dans les scènes de nuit que celle de chauffeur : mention spéciale pour ce pauvre Jamie Foxx qui donne de sa personne dans Collateral (Mann, 2004), mais notre cœur est déjà pris par Winona Ryder dans le premier segment (et le seul supportable) de Night on Earth (Jarmusch, 1991). Il faut dire que les lumières de la ville vues à travers les vitres de bagnole comme autant de touches impressionnistes, c’est beau, surtout quand il pleut. Éternel compagnon du conducteur nocturne : l’autoradio, branché sur les stations musicales hip et locales qu’on retrouve par exemple dans American Graffiti (Lucas, 1973) ou les Guerriers de la nuit. Le DJ de garde fait le lien entre les « sans-sommeil » à travers une dédicace ou un bulletin d’information.

" À la lumière du petit matin, les événements de la veille semblent le produit de rêves enfiévrés, les divagations d’un esprit malade "


S.T. Hole

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What a difference a night makes… Six films qui prennent très au sérieux l’unité de temps définie jadis par Aristote pour le théâtre et nous font vivre autant de nuits inoubliables.

Before Sunrise

American Graffiti

(Richard Linklater, 1995) À la faveur d’une rencontre dans un train on embarque pour une nuit à Vienne avec Jesse (Hawke) et Céline (Delpy). Le premier volet nocturne de la trilogie (indispensable) des Before a conduit toute une génération à des fantasmes déraisonnables au moindre trajet en TER. Si vous avez un petit cœur tout mou d’emokid : Nick & Norah’s Infinite Playlist (Sollett, 2008).

(George Lucas, 1973) Août 1962 : « Vroum-vroum » font les belles cylindrées vintage ! (je hais les bagnoles mais force est de constater qu’asphyxier son prochain avait une certaine classe à l’époque) « Uh-One, Uh-Two, Uh-One-TwoThree-Four ! » fait la bande-originale rock n’ roll à souhait ! Lucas se remémore son adolescence, entre courses de rue et drague maladroite à la fin de l’été avant de partir à la fac, soit l’ultime nuit pour régler les affaires courantes concernant sa masculinité à roulettes, et son avenir sentimentalo-professionnel. Si vous aimez les récits initiatiques et les rites de passages sous influence : Dazed & Confused (Linklater, 1993) « Alright Alright Alright ! » (le titre français c’est Génération rebelle mais je refuse de l’utiliser).

Mikey & Nicky Strangers in the Night – La nuit est quasi indissociable de la rue car l’aventure ne frappe pas toujours à notre porte et il faut parfois savoir enfiler un pantalon. La rue est le lieu de la rencontre inattendue, hors du cercle professionnel et familial, avec des gens d’origines, d’âges et de milieux différents des nôtres. Le brassage social c’est très bien, mais on n’est tout de même pas dehors à cette heurelà pour chanter kumbaya au coin du feu. Romantiques incurables, timides pathologiques, introvertis patentés : c’est le moment ou jamais de draguer, voire même de pécho, avec des résultats plus ou moins heureux… C’est tout le paradoxe de la nuit qui facilite l’intimité comme la dissimulation, encourage l’amour et la bagarre. Texte : S.T. Hole Images : Kiblind

(Elaine May, 1976) En l’absence de nouvelles rencontres, ça peut aussi être le moment de réévaluer d’anciennes relations et de penser très fort à la mort en philosophant dans un cimetière. Ici deux amis d’enfance Mikey (Falk en nice guy au côté obscur) et Nicky (Cassavetes en salaud charismatique et angoissé) règlent leurs comptes sur fond de chasse à l’homme. Si vous vivez pour le drama : Who’s Afraid of Virginia Woolf (Nichols, 1967).

After Hours (Martin Scorsese, 1985) Parfois, on aurait mieux fait de rester chez soi. Ballotté par le destin toute une nuit, Paul (Dunne), à New York et sans argent, est puni par une cascade de galères pour avoir voulu draguer Marcy (Arquette). On en profite pour cocher toutes les cases du bingo « Film nocturne » tout en escaladant quatre à quatre les marches du bizarre, de la folie et de la déveine jusqu’au petit matin. Si vous n’obéissez qu’à une loi, celle de Murphy : Good Time (Safdie brothers, 2017) et Adventures in Babysitting (Columbus, 1988)

Cluedo (Jonathan Lynn, 1985) Une adaptation cinématographique du jeu de société. Le résultat est aussi absurde et hasardeux que le pitch, le malaise le dispute à l’ennui. Si vous êtes joueurs, on vous conseillera plutôt la charmante comédie Game Night (Daley/ Goldstein, 2018).

Attack the Block (Joe Cornish, 2011) Qui sont les monstres ? Peut-on surmonter nos différends pour s’unir contre un ennemi commun ? Des thématiques rebattues de la sciencefiction, mais pourquoi bouder son plaisir quand c’est bien fait et que les deux acteurs principaux du film John Boyega et Jodie Whittaker sont promis à la gloire, respectivement dans Star Wars et Doctor Who. Dans la catégorie « on sauve le monde avec les potes » : Le Dernier Pub avant la fin du monde (Wright, 2013).


Rétrographie

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DRACULA Le prince de la nuit

Christopher Lee dans Dracula A.D. 1972 d'Alan Gibson (1972)


-Ecoutez-les ! Les enfants de la nuit… En font-ils une musique ! Parmi ces êtres de la nuit, redoutés depuis l’aube de temps, la figure du vampire exerce une attirance à la hauteur de sa répulsion. S’il parti-

sources très hétéroclites. Littéraires, déjà : un siècle auparavant, le roman gothique avait fait son apparition en Angleterre, avec des classiques comme Le Château d’Otrante d’Horace Walpole ou Le Moine de Lewis, qui entraînèrent dans leur sillage au cours des décennies suivantes des références inspirantes comme The Vampyre de Polidori (1819) et Carmilla, la femme vampire de Sheridan Le Fanu (1872) ; en Allemagne, Karl Von Wachsmann avait écrit L’Étranger des Carpates (1844) ; côté français, on lisait Le Vampire, mélodrame de Charles Nodier (1820),

cipe à la grande famille des mortsvivants, présente dans tous les folklores de toutes les contrées, ses caractéristiques et ses compétences – particulièrement son statut de buveur de sang – le rendent plus puissant et plus redoutable que ses congénères revenants. Surtout depuis que Bram Stoker en a dessiné durablement la forme à la toute fin du XIXe siècle, immortalisé par son personnage indépassable du prince de la nuit : le comte Dracula. Certes, les vampires existaient déjà. Mais l’écrivain a su en accumuler les atouts en puisant à plusieurs

1) Vlad III Basarab, L'Empaleur, portrait du XVe siècle (château d'Ambras, Autriche).

Lorsque la nuit tombe, les choses qui nous entourent perdent progressivement leurs contours et leur épaisseur, jusqu’à disparaître de notre perception. Au mieux, elles sont confuses, si la pénombre est légèrement dissipée par la clarté du ciel nocturne, un rayon de lune romantique et une sonate de Beethoven. Mais si l’obscurité s’étend, la privation de la vision accroît les autres sens qui profitent de ce handicap passager pour nous jouer des tours, pour peu que notre esprit se mette à divaguer. On a peur lorsqu’on ne voit pas, irrésistiblement. Et dans cette absence de discernement, l’imaginaire et l’irrationnel se faufilent avec distraction pour titiller nos craintes accumulées depuis l’enfance, à commencer par la peur du noir. De là, la mécanique binaire remplit son office : le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité, la vérité et la croyance, la Lumière et la Ténèbre, le Bien et le Mal. Et la nuit noire devient naturellement le décor propice à la terreur et à l’épouvante. « Le sommeil de la raison engendre des monstres », écrivait Goya sur une gravure célèbre, dans laquelle l’artiste endormi sur sa table de travail est assailli par des créatures de la nuit. Et c’est bien dans ces sombres interstices qu’apparaissent les personnages terrifiants, échafaudés à partir d’éléments du réel empruntés à la culture et à l’histoire, rendus vraisemblables par les rouages logiques d’une lucidité assoupie.

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2) Vlad Tepes déjeunant dans sa forêt de pals, gravure de 1500

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Vlad L’Empaleur Dracula a en effet bien existé. Né vers 1430, descendant de la dynastie des Basarab, le voïvode Vlad III (1) régna au XVe siècle sur la Valachie (un territoire de l’actuelle Roumanie). Son père, Vlad II, avait reçu le titre de Dracul, « Dragon », qui ornait les chevaliers de l’Ordre du Dragon créé par le roi de Hongrie. Aussi l’appelait-on Draculea, « le fils du dragon ». Mais un autre surnom, lié à la méthode particulière qu’il avait d’exercer son pouvoir, le rendit davantage célèbre : Vlad Tepes, « L’Empaleur ». La légende raconte en effet que pour punir ses ennemis et quiconque s’opposait à son autorité, il les faisait empaler sur de longs pieux de plusieurs mètres, qu’il « plantait » tout autour de son château. Une « forêt de pals » comptant des centaines de suppliciés s’étendait sur tous les alentours, et son

4) Christopher Lee dans Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher (1958)

La Morte amoureuse de Gautier (1836) et La Vampire de Paul Féval (1856) ; sans oublier Le Capitaine Vampire (1879) de l’écrivaine belge Marie Nizet. Stocker connaissait évidemment ces textes, dont certains morceaux se retrouvent de façon plus ou moins édifiante dans son Dracula. Il étendit toutefois ses connaissances avec des sources locales : les livres d’Emily Gerard sur le folklore de Transylvanie, qui décrivent les stigoi, les « non-morts » roumains, et le nosferatu, « l’innommable », le « démoniaque ». Par ailleurs, il étudia la géographie transylvaine, éplucha les cartes à sa disposition (alors en langue allemande), et s’intéressa aux grosses chauves-souris suceuses de sang d’Amérique du Sud qu’on nommait « vampire ». Mais sa référence la plus originale est historique : celle du véritable prince valache Vlad Dracula.

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3) Bela Lugosi dans le Dracula de Tod Browning (1931)

effet inégalable permettait de dissuader n’importe quel oppresseur. Les récits de l’époque narrent son sadisme proverbial : il aimait écorcher, décapiter, faire bouillir, frire, aveugler et mutiler, mais appréciait surtout prendre ses repas à l’ombre de ses pals, conversant ainsi avec ses « invités », tel que le représentent des gravures anciennes (2) ; et certaines chroniques précisent qu’il se repaissait de chair humaine et buvait du sang. D’où l’autre sens du mot dracul dans la langue roumaine : « le diable ». Aujourd’hui la véracité de ces épisodes morbides est discutée, jugée peut-être avec « exagération ». Mais lorsque Bram Stoker mit la main dessus, à la lecture des articles de l’historien et géographe hongrois Arminius Vambery (qu’il introduit d’ailleurs dans son roman et présente comme un ami du Dr. Van Helsing), la découverte dut lui faire l’effet de celle du Saint Graal. La rencontre du mythe du vampire et du tyran valache provoqua incontestablement un des mariages les plus monstrueux que la littérature ait connus : des noces de sang.

5) Gary Oldman dans le Dracula de Francis Ford Coppola (1992)

Dracula

De Vlad Tepes à Dracula La sortie du livre de Bram Stoker, à Londres en 1897, propulsa l’historique prince sanguinaire de Valachie dans les contrées de la fiction fantastiques. Pour l’éternité. Dracula passe de la légende au mythe, et devient l’archétype du héros maléfique, transfiguré durablement par la plume noire de l’écrivain irlandais. Si bien que Dracula fit de l’ombre au personnage authentique, qui n’intéressa plus guère que les historiens roumains. L’ombre du vampire, quelle ironie… Le fait est que Bram Stoker cristallisa parfaitement dans son personnage tous les thèmes fascinants et universaux liés aux peurs primales et aux fantasmes morbides. À


Rétrographie

7) Max Schreck dans le Nosferatu de Murnau (1922)

6) Gary Oldman dans le Dracula de Francis Ford Coppola (1992), rajeuni par transfusion

commencer par le thème de la mort – voire de la vie après la mort – et des croyances et des terreurs qui en découlent dans toutes les cultures humaines : la crainte du retour des morts parmi les vivants, aberration suprême pour notre système de pensée rationnel et masque hypocrite de notre culpabilité sociale. N’avons-nous rien à nous reprocher pour croire si fermement que l’on puisse venir nous hanter ? Plus encore, il le dote d’une accumulation de compétences et de pouvoirs assez fascinante : mort-vivant, nocturne et silencieux, maître des créatures de la nuit, fort comme vingt hommes, métamorphe et télépathe, nécromancien, télékynésiste, buveur du sang de ses victimes, dans lequel il puise sa vitalité à travers un baiser sensuel et mordant, immortel et a priori indestructible, au seul service de sa propre volonté diabolique. Le sommet de la chaîne alimentaire, en somme.

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L’incarnation du Mal Dans nos traditions païennes comme dans nos religions du Livre, la figure tutélaire du Mal a toujours été le Diable. Généralement laid, pour qu’on le reconnaisse – puisque la laideur physique doit être le reflet de la noirceur de l’âme – et absolument terrifiant, afin qu’on s’en écarte à coup sûr, et que l’on reste bien tranquillement sur le chemin pavé de la bonne conduite (et des bonnes intentions). Dracula, lui, n’a ni diable ni maître, il est sa propre incarnation et de génération spontanée. C’est le vampire originel, le vampire alpha. Comment l’est-il devenu ? Bram Stoker ne le dit pas explicitement. Mais dans les plis du roman et les récits traumatisants qui l’auréolent, on devine qu’un pacte de sang hissa le seigneur Vlad au statut maléfique de vampire. Comme une malédiction suite à un acte irréparable. Le vampire se nourrit de sang, et c’est cette manie hématophage qui le distingue des autres monstres. À la différence des incubes et

des zombies, qui respectivement prennent le souffle vital et mangent le cerveau, Dracula suce le sang. Différence significative de méthode pour une même fin en réalité : prendre l’âme de sa victime pour se régénérer. Selon les croyances et au fil des époques, on a pu discuter sur l’emplacement et la nature de l’âme humaine : pour les uns, elle était contenue dans l’air qui circule dans notre corps, ce qui explique le dernier souffle que l’on laisse échapper ; pour les autres, elle se trouvait dans le cerveau, siège de l’intelligence et de la volonté ; ou encore, et c’est une vieille tradition, dans le sang, puissant psychopompe occulte. D’où la coutume relativement barbare mais pourtant bien légitime qui consistait à boire le sang de son adversaire, pour s’attribuer sa force, pour absorber sa vie. Dans l’Ancien Testament, Dieu dit à Moïse : « La vie d’une créature est dans le sang ; et moi, je vous l’ai donné, sur l’autel, pour l’absolution de votre vie. En effet le sang procure l’absolution parce qu’il est la vie. » (Lévitique, 17, 11). Sur ces bases


bibliques, on comprend mieux que voler le sang de quelqu’un, et l’ingurgiter de surcroît, puisse largement suffire à être damné. Et si on donne foi aux gravures médiévales de Vlad Tepes, le prince sanglant avait largement de quoi recevoir une punition divine : être condamné à errer entre la vie et la mort en se nourrissant de sang, sans la moindre chance de salut.

Éternel Dracula Un personnage si subtil serait incomplet s’il ne possédait quelques points faibles. Par inversion bénigne, l’être le plus impur sera rendu vulnérable par ce qui est absolument pur. D’après Van Helsing, un crucifix, une hostie consacrée et de l’eau bénite sont des talismans redoutables pour le repousser ; une branche de rosier sauvage l’empêche de sortir de son tombeau et la fleur d’ail le rejette. D’autres règles amenuisent également sa toute puissance : il ne peut se déplacer qu’à la nuit tombée, ne peut dormir que dans la terre de son pays, ne peut franchir les eaux qu’à marée haute, et doit préalablement avoir été invité pour se rendre dans la demeure de quelqu’un. Il n’a ni ombre ni reflet, sans doute parce que son âme est corrompue et il est sensible à la lumière du jour, en opposition aux ténèbres de la nuit. Pour l’éliminer, il y a plusieurs moyens. Mais le plus efficace reste un pieu dans le cœur, détruisant ainsi l’organe produisant le fruit de sa dépendance. Et si on veut vraiment être sûr, on le décapite ensuite et on met de l’ail dans sa bouche. Tout le monde connaît Dracula et chacun en a une représentation assez précise : grand, mince, pâle, les cheveux noirs en arrière, des yeux perçants, vêtu d’un costume

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La rencontre avec le Comte, issue du Journal de Jonathan Harker du 5 mai. « Devant moi, se tenait un grand vieillard, rasé de frais, si l’on excepte la longue moustache blanche, et vêtu de noir des pieds à la tête, complètement de noir, sans la moindre tâche de couleur nulle part. […] « … de sa main tendue [il] saisit la mienne avec une force qui me fit frémir de douleur – d’autant plus que cette main était aussi froide que la glace ; elle ressemblait davantage à la main d’un mort qu’à celle d’un vivant. […] « Son nez aquilin lui donnait véritablement un profil d’aigle ; il avait le front haut, bombé, les cheveux rares aux tempes mais abondant sur le reste de la tête ; les sourcils broussailleux se rejoignaient presque au-dessus du nez, et leurs poils, tant ils étaient longs et touffus, donnaient l’impression de boucler. La bouche, ou du moins ce que j’en voyais sous l’énorme moustache, avait une expression cruelle, et les dents, éclatantes de blancheur, étaient particulièrement pointues ; elles avançaient au-dessus des lèvres dont le rouge vif annonçait une vitalité extraordinaire chez un homme de cet âge. Mais les oreilles étaient pâles, et vers le haut se terminaient en pointe ; le menton, large, annonçait, lui aussi, de la force, et les joues, quoique creuses, étaient fermes. Une pâleur étonnante, voilà l’impression que laissait ce visage. » Dracula de Bram Stoker, édition Actes Sud, collection « Babel » , traduction de Lucienne Molitor, 2001

sombre, d’une chemise blanche à jabot et d’une cape noire au long col à l’intérieur doublé de rouge. En réalité, cette description est un peu éloignée de celle du roman… Bram Stoker donne pourtant un portrait très détaillé du comte, à travers les yeux de Jonathan Harker (voir encadré). Une preuve que la créature a dépassé son créateur, et a survécu à l’épreuve du temps en se propageant dans les esprits. Le Dracula collectif, devenu image d’Épinal (il y a même un emoji) ressemble généralement à Bela Lugosi (3), immortalisé par le film de Tod Browning en 1931 ; pour d’autres c’est l’immense Christopher Lee, les yeux injectés de sang dans une série de 10 films (4) ; Gary Oldman, en vieux comte (5), rajeuni ensuite à son arrivée à Londres (6), dans la sublime adaptation de Coppola ; ou l’inquiétante silhouette de Max Schreck (7), mince, chauve et pâle Nosferatu expressionniste de Murnau en 1922, revisité en 1978 par Werner Herzog et Klaus Kinski (8). Bref, le cinéma a fait son œuvre, en apportant sa participation au monstre millénaire.

8) Klaus Kinski dans Nosferatu, fantôme de la Nuit de Werner Herzog (1979)

Dracula

Finalement, sur un plan allégorique, Dracula pourrait s’apparenter à l’image du temps qui passe, « image mobile de l’éternité » dirait Platon, qui dévore inexorablement chaque parcelle de vivant sans qu’aucune résistance ne soit possible. « Memento mori », semble-t-il murmurer entre ses canines. Et le murmure devient plus fort à mesure que l’on avance vers l’inévitable, tressaillant puis tremblant de peur à l’approche de sa morsure. Car à bien y réfléchir, qu’il s’agisse d’une faucheuse ou d’un vampire, l’image n’est guère plus réjouissante. Texte : Jean Tourette


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Réveille toi si tu peux

Interlude

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ot e t, qu e vo i 2 ca us se s

Panne de réveil, vous vous rendormez et repartez pour un to ur, retour à la case départ

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Vou s de l rêvez q ’océ an ue vous v rend - ce n’est paolez au-dessus ez-vo s us en c qu’un rêve, ase 13

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s ez ou gn t e v ejoi van d oir us r ne a . ouv o z le p eux, v pouti e e e v a s u o v , d i Miracle e n ou e n Ni un pour u tre c télétransporter. e) vo n ( n e e i d d a eur votre pote can la douc de retrouver

1

11

2

-Lancez le dé et avancez du nombre de cases correspondantes

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z n in s s dé u de fon fini r pr vez d. C ment en a omb dans n e v end le de o tre re qu’u n plac e

V o u s r ê v e z que Johnny est encore vi vant, vous sautez d a n s u n h élico pour allumer le feu ave c lui en case 16

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3

Co v m o tre me les Si bar re ms, vou ava de somm s remontez ei ncez de 2 ca l, c’est bien, ses

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e m m ell so en 5 n r s u p se an t Pim n ca d ez s e t e a cul bas Nicol nden s u o V e z e n g a rejoi

4

-Si vous faites 3, rejouez -Si vous faites un chiffre supérieur au nombre de cases qui vous sépare de la victoire, vous devrez reculer d'autant de cases supplémentaires Note : vous pouvez jouer seul mais gare à la case 13 sur laquelle vous pourriez rester pour toujours. On vous aura prévenus. Bonne nuit

Q jusq uoi quo i? u’à c e co Vous pensiez dormir appa up de coude dans les côtes, remme nt, vous ronflez

Le but du jeu est d'être le premier ou la première à traverser la nuit et à atteindre le petit-déj'. Pour cela, vous devrez affronter les bonnes et mauvaises surprises de la night et suivre quelques règles :

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10

e in p rm os ase e v t , c de vy ne ez c Lé d’u n ve ar cez M us Vo tre van vo s, a e rd lou r1 au ch p ap ve ière itre rs s s de o le so nt mm e il

18 V c ro o t r e ûte corp s den et vous se transforme en pe ts, c os ’est un rdez toutes v cauchemar, recu lez de 6 cases

Ré ve il il e pr q o f u i v ond ou , s

il g r ni n i pa st fi de e deur nuit ase o e n Une bon it, la ne c l u d ’u vous tire ez d avanc e,

53 Illustration : Agathe Bruguière Texte : Marie-Camille Alban & Alix Hassler


Discussion

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J'ai vraiment rencontré la nuit le jour où je suis rentré en boîte Passé par Trax, Sylvain di Cristo connait par cœur les meilleurs clubs de France. Mais en des temps reculés, il ne disait pas non à une boîte de nuit pur jus.

Je suis du regard ce filet de sang qui lui coule sur le visage et qu’il ne semble pas avoir remarqué. Sa chemise ensanglantée ressemble à un chiffon et sa gueule est dans le même état. Il aboie et ballotte à bout de force dans l’obscure clarté de cette petite rue éclairée par le grand panneau lumineux de l’entrée du club, et un sourire déchire mon visage. Une nuit de décembre, l’air est brûlant dans cette partie de Juan-les-Pins, petite station balnéaire de la Côte d’Azur. Tout a été préparé, les vêtements, les conquêtes, le budget, les amis, les mensonges, la nuit va être vécue à fond et jusqu’au bout, tout comme nous : nous serons

nous-mêmes dans tout ce que nous avons de plus extrême. C’est ma première fois en boîte. J’en ai rêvé tout le jour et nous y sommes enfin, mon gang et moi, prêts à en découdre avec la nuit. Dans la queue, je me répète le discours que j’ai préparé pour le videur. Je sens en moi comme un feu que je ne contrôle pas, comme si je tirais sur la laisse de la vie. Les filles sont en première ligne, les grands les suivent et moi derrière, au fond. À un mètre de lui je me fais minuscule, évitant son regard hostile. Ça y est, on rentre. Quatre, cinq, six… je fais mine de ne pas voir ce gros bras qui me barre la route.

« Carte d’identité » m’oblige-t-il. Je lui lance un courageux « mais je suis avec eux ». Cela n’a aucun effet sur lui. Je sors donc fébrilement de mon portefeuille un bout de papier que je déplie pendant au moins quatre heures. « Je l’ai perdue mais j’ai la photocopie si vous voulez. » Coupable, je la lui tends. Il la regarde, il la scrute, il la lève à la lumière, assez haut pour que les sept milliards d’habitants de la planète puissent voir qu’il a des doutes sur mon âge. C’est la honte intersidérale. Je sue comme jamais. Je trouve la force de le regarder


Sylvain di Cristo

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droit dans les yeux pendant que lui les plisse sur la feuille, puis sur moi, puis sur la feuille à nouveau. Ça dure cent ans. Dans la queue, j’entends que ça se marre. Cette condescendance m’achève. « C’est bon, allez-y », nous libère-t-il tous enfin. J’ai 16 ans. Comme dans un film, je pousse les deux portes battantes du club et la musique me percute. La pièce est microscopique, avec des murs et des canapés blancs capitonnés, une fausse odeur de propre noyée sous des dizaines de clopes allumées et au moins 200 personnes en trop. Pour moi, c’est le plus bel endroit sur Terre. Les portes se referment et tout s’assombrit pour ne devenir que flou des formes, frénésie des lumières, télescopage de tous les sens. J’ai envie de hurler. Je romps la laisse.

Finalement, la nuit, je l’ai rencontrée pour la première fois comme un coup de foudre amoureux. Mais à l’aube de mes trente ans, la nuit est devenue une vieille amie que j’ai connue et adorée il y a longtemps. À certaines occasions, les sensations me reviennent mais jamais avec autant d’intensité que cette nuit-là, cette trépidation du vendredi soir, ces spasmes des promesses imminentes, l’excitation du « tout peut arriver », cette forte illusion de liberté. C’est ça la nuit, la vie de jour mais sans les chaînes. Des possibilités nouvelles. Un autre soi ? Peut-être pas. Finalement, jouer le jeu de la nuit n’est pas tant devenir quelqu’un d’autre, c’est aller au bout de qui nous sommes, une version Super Saiyan de nous-mêmes. Qui est de nature sympathique le jour peut devenir débonnaire la nuit, et a contrario, qui est colérique le jour peut être un véritable connard la nuit. L’échelle de la vie n’est plus vraiment la même, elle est plus grande ; tout a plus d’intensité dans l’intimité de l’indistinction.

Top des rois de la nuit Le serveur, ton gars sûr Chemise outrageusement ouverte, chapelet sur torse imberbe, chiffres romains tatoués sur l’avant-bras, le serveur a ce statut spécial du « mec qui bosse de nuit ». Il te fait un clin d’œil et tu te prends pour Robert De Niro dans Casino, avant qu’il retourne draguer toutes tes copines en oubliant volontairement ton TGV.

La michto que tu ne choperas pas Tu as cru au coup de foudre mais elle regardait seulement l’entrée des toilettes si sa meilleure amie n’en était pas sortie avec l’Anglais. Ne t’inquiète pas jeune loup en rut, elle aussi rentrera seule chez ses parents. Mais elle aura eu du champagne gratuit.

L’Anglais à point

La fille que tu choperas

Le col relevé de sa chemise floquée « Saint-Tropez 83 » ne trompe pas, l’Anglais en vacances est riche et le montre aussi par son teint écarlate. Il a du champagne à sa table mais regrette un peu son choix : crap, le Label 5 ça bourre plus la gueule.

Non, celle que tu auras ce soir c’est l’étudiante en médecine qui porte des cuissardes en cuir et qui vient de vomir pour la troisième fois. Dans tes bras, tu ne sais pas bien si tu la portes ou si vous dansez vraiment, ni si lorsqu’elle t’embrasse elle sait que c’est toi ou pense que c’est le mec d’il y a deux heures.

Le BG du lycée Comme toi, il est mineur mais il va en boîte depuis l’âge de 10 ans. Ici, il est un « habitué » et ça, ça force le respect. Il est sapé comme toi mais en version parfaite, avec un vrai jean Diesel, et tu sécheras les cours lundi prochain honteux de lui avoir avoué que tu aimerais bien être son pote.

Le daron louche Tu ne l’expliques pas mais dans cet océan de prépubères, il y a toujours ce vieux de 43 ans en plein milieu de la piste qui cherche l’eye contact avec tout le monde. C’est le daron de quelqu’un d’ici ? C’est un prédateur sexuel ? C’est le boss du club ? MAIS QUI EST CE TYPE MERDE ? !


Sylvain di Cristo

Je ne sais pas quelle heure il est, je bois à outrance, je danse comme un idiot, je suis lourd avec les filles. J’ai de l’acné plein la figure et ma chemise dégueule de mon pantalon, pourtant je me sens impérial, assez pour me lancer dans les plus importantes conversations avec de parfaits inconnus. C’est l’abus. De cigarettes, de confidences, de moi. Moi aussi je dégueule de moi. Je suis moi comme jamais. La nuit, on a rendez-vous avec qui on est. La nuit, on comble la marge de sa personnalité. Plus tôt ou plus tard ce soir-là, ce pote dont je ne m’étais pas aperçu de la disparition réapparaît la main dans les cheveux. Il s’est fait sucer sur la plage. Quel veinard, il n’y aurait pas meilleur moment pour pareille entreprise. J’ai encore tant à obtenir de ma nouvelle

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amie. La nuit. Ferme-t-on les yeux ou les ouvre-t-on enfin ? Et pourquoi estce que je me sens si bien ? Bien sûr l’alcool, mais aussi parce que la nuit est une communauté qui ne porte de jugement sur aucun de ses adhérents. Permissive, elle accepte nos défauts, nos vices, nos excès, sans jamais nous refouler à l’entrée. Elle est la contresoirée dans la cuisine de nos fêtes diurnes, l’intimité dans la foule, la star dans l’anonymat, l’épisode où l’on prétend être quelqu’un d’autre jusqu’à ce qu’on réalise qu’on a seulement mais complètement été soi-même et que, putain, c’était bon. Bon de rêver éveillé. Bon de se sentir vivant, enfin.

" La nuit. Ferme-t-on les yeux ou les ouvre-t-on enfin ? Et pourquoi est-ce que je me sens si bien ?"

Texte : Sylvain di Cristo Images : Kiblind


Enquête

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Michel Forever, démon de minuit

Dans le top 3 de la longue liste des Michel qu’il faut connaître, tout juste entre Drucker et Polnareff, se trouve Michel Forever. Avec 58 années au compteur dont 15 à ne plus pouvoir dormir comme le commun des mortels, ce Michel-là ne blague pas lorsqu’il s’agit de faire de la nuit son terrain de jeu. Rencontre avec un hyperactif aux talonnettes lustrées et aux rêves débridés.


Enquête

Alors que Paris est le chef-lieu de nombre de clubs immaculés et profondément ancrés dans le XXIe siècle, d’autres lieux plus confinés et confidentiels résistent à l’œuvre du temps et n’ont que faire de ce concept vague qu’on appelle « modernité ». En face de l’île Saint-Louis et à deux pas de l’écorchée Notre-Dame se tient un de ceux-là, la mine fatiguée, peinant à cacher son grand âge. L’écriteau dont l’encre a été quelque peu rongée par le soleil indique « La Main au Panier ». Nous y voilà, devant un des trois plus petits cabarets parisiens encore en activité, qui derrière son nom salace renferme bien des fantaisies. Captivés par la lecture de toutes les inscriptions et des affiches placardées à l’effigie du propriétaire et de sa troupe sur l’entièreté de la devanture, nous sommes extirpés de nos rêvasseries par l’apparition sur le pas de la porte, de celui qu’on était venu voir : Michel Forever, alias « l’homme qui ne se couchait plus depuis 2004 ».

Wilkommen au cabaret En quelques secondes, nous voici invités à pénétrer dans ce qui est devenu son antre. Fulgurant bond dans une époque où François Mitterrand était à la tête de la France et où les cheveux de Julie Pietri étincelaient de mille feux,

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« Je suis le veilleur Votre ministère For you, forever Un seul code de loi La joie Le bonheur L'énergie La foi Pour un monde, meilleur »

révéla des comédiens comme Patrick Sébastien, Vincent Lagaf et Gérald Dahan. Depuis 2012, c’est Michel Sérié et son doppelgänger scintillant Michel Forever qui en sont les fiers propriétaires. Il faut dire que ce dernier, ancien programmateur pour le cabaret du Moulin Rouge, a déjà roulé sa bosse dans le monde humide de la nuit parisienne. Malgré son expertise et sa légitimité certaines, c’est pourtant tout autre chose qui incite le chaland à venir assister au spectacle de la Main au Panier : la spécificité unique de Michel Forever.

nous voilà parachutés dans les années 1980. Des murs recouverts de peinture rouge, d’incroyables toilettes où de la musique, des néons verts et une boule disco se côtoient, une photo du maître des lieux et de S.A.S. Stéphanie de Monaco accrochée au mur, un livre géant sur Claude François, ainsi qu’un amas de peluches, poupées et souvenirs qui trônent ci et là. Au fond de la pièce pourtant, une petite scène construite pour accueillir deux personnes au plus et un piano nous rappelle où nous nous trouvons : dans un cabaret. Et pas n’importe lequel. Depuis 1962, c’est ce même endroit qui a abrité les espoirs de pléthores de comédiens venus tenter leur chance à Paris. C’est ainsi qu’à sa grande époque, La Main au Panier

Les écriteaux sur la façade annoncent la couleur en une seule phrase : « Michel Forever, l’homme qui ne s’est pas couché depuis 2004 ». Nous retrouvons-nous face à un surhumain ? À un homme pour qui les substances illicites s’ingurgitent comme du petit-lait ? Que nenni. La « pathologie » de Michel, qu’il différencie volontiers d’une maladie, est bel et bien réelle. Car ne nous méprenons pas, si Michel a arrêté de se coucher, il continue pourtant bien de dormir, seulement ses nuits ne ressemblent pas à celles du commun des mortels. Sa « grâce de santé » comme il l’appelle, lui permet en effet de recharger ses batteries en profitant seulement de la phase de sommeil paradoxal. Si pour nous tous, une bonne nuit va de pair avec un bon matelas et un silence monastique, pour lui, c’est tout l’inverse. En effet, pour ne pas risquer un endormissement trop profond qui le mettrait en danger, Michel doit se tenir dans une position assise et être constamment stimulé. Pour ça, tout y passe : des néons et lumières, une armée de caméras, de la musique en continu. Lorsqu’il n’a pas d’autre choix que de subir le silence par contre, Michel s’éteint et cela peut lui être


Michel Forever

fatal. C’est d’ailleurs à cette scène qu’a assisté Guy, le chef cuisinier de son cabaret, alors que Michel, au volant, s’est senti partir au feu rouge. Étant donné le caractère imprévu de ces moments de rechute, Michel se doit d’être entouré par des personnes comprenant son fonctionnement. Pour Guy, « Michel, c’est comme le jouet avec la pendule dans le dos, quand on le remonte, ça fonctionne et puis après, quand ça s’arrête, il faut tourner la clef pour que ça reparte ». Aux premières loges, Élisabeth, sa femme, est elle aussi sur le qui-vive. Depuis 29 ans, elle s’est faite à l’idée que sa vie de couple avec Michel ne serait pas banale. Aux débuts de leur relation, Michel se forçait par amour à s’allonger auprès d’elle mais Élisabeth s’est très vite rendu compte que

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cela lui engendrait de lourds symptômes dont des migraines incessantes et des douleurs musculaires. C’est lorsqu’il a été approché par des médecins spécialisés dans les pathologies du sommeil que Michel a compris ce qui lui arrivait. Ce sont les professionnels de la Pitié-Salpêtrière qui lui ont tout d’abord fait passer une batterie d’examens. Le patient dut ainsi s’allonger et s’endormir avec des électrodes. Résultat de l’expérience : trois semaines de paralysie. Même si cette expérience ainsi que celle qui a suivi à l’Hôtel-Dieu n’ont pas été concluantes, elles ont permis à Michel de comprendre qu’il avait définitivement un métabolisme différent des autres. Depuis cette révélation, il se contente donc seulement de faire des micro-siestes et de profiter du sommeil paradoxal quand son corps le lui réclame.

Insomnie et épilepsie Si les médecins n’ont pas réussi à percer à jour le mystère Michel, lui sait donc ce qui est bon pour son corps et son esprit et cela se résume en deux mots : la lumière et la musique. En effet, pour pouvoir tenir le coup et pour éviter de s’ennuyer durant ses vingt heures d’errance quotidiennes, l’hyperactif s’est créé tout un monde fait de paillettes, celui de son jumeau maléfique et increvable, Michel Forever. Profitant de ce « cadeau de la vie », Michel rivalise d’idées pour remplir ses longues périodes de temps libre. Fan depuis la première

heure de Claude François, l’artiste s’est offert un luxe, celui d’avoir des « Forevettes » rien qu’à lui qui le suivent dans ses spectacles de danse. Car oui, Michel Forever danse. À la façon d’un Cloclo sous codéine, il virevolte, saute et tourne jusqu’à ce qu’épuisement s’ensuive (c’est-à-dire jamais). C’est tout d’abord à la Bodega, boîte de nuit tenue d’une main de maître par le résident des lieux, Philippe Corti (oui, oui, le DJ de Thierry Ardisson) que ce personnage toujours à 200 à l’heure s’est fait remarquer grâce à ses fameux pas de danse. Il y donna des spectacles du mardi au samedi toutes les semaines, avant de se déplacer vers le Moulin Rouge, où il travaillait alors. Aujourd’hui encore, l’infatigable Parisien se lance dans des sessions effrénées de danse qui peuvent durer jusqu’à six heures de suite l’été au Buddha Bar de Monaco, ville où il a l’habitude de passer ses vacances. À la belle saison, Michel peut également se défouler au cours des trois à quatre spectacles par semaine proposés par son propre cabaret. Désirant donner encore plus de sa personne et toucher un autre public, Michel a bataillé pour pouvoir ouvrir son cabaret jusqu’à 6 heures du matin tous les derniers lundis du mois et ainsi lancer le « Forever Club », nuit où s’enchaînent karaoké, danse et scènes ouvertes laissant leur chance aux jeunes comédiens. Jamais rassasié, l’entertainer s’est aussi laissé aller à un autre de ses péchés mignons il y a de ça huit


Enquête

ans : le chant, et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a été remarqué. Accumulant plus de 1,4 million de vues sur YouTube, le hit « Michel Forever Tonight » ainsi que son clip qui fleure bon les débuts d’internet ont laissé des traces et ont permis de révéler au monde l’énergumène Michel Forever. Cette vidéo et l’histoire extraordinaire de Michel ont d’ailleurs donné des idées à Olivier et Éric, respectivement compositeur et auteur, qui ont aujourd’hui dans leurs tiroirs un projet bien abouti de comédie musicale d’anticipation dont Michel Forever serait le pacifiste héros. Pompon sur la Garonne, les qualités indiscutables ce dernier lui ont également valu le titre de Ministre de la Gaîté Parisienne au sein de la République de Montmartre, aux côtés de nul autre que Michou, Ministre de la Nuit Parisienne.

Peter Pan Mais ne nous méprenons pas, même si Michel a une formidable capacité à briller jusqu’au petit matin, il a parfois aussi besoin de se réfugier dans un monde plus doux. Ainsi, Michel raconte « se recharger du sommeil par le rêve ». Grand enfant emprisonné dans le corps d’un gaillard de 58 ans, il comble le sentiment de solitude qui l’empare,

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lorsque tout le monde s’en est allé dans les bras de Morphée, en se créant un monde qui peut paraître étrange de prime abord mais qui est finalement rempli de fantaisies. Ainsi, Michel a créé un « gouvernement des peluches » présidé par Poupette, un petit lapin blanc. Dans le monde de Michel, on se réfugie donc en cas de trop-plein de son et de lumière dans le monde silencieux et tendre des peluches, une passion que partage Élisabeth, son épouse. Pour elle, les peluches sont un moyen de s’évader et aussi malheureusement de compenser un manque d’enfants. De l’aveu de Guy, « ce monde enfantin les rend très attachants ». « Élisabeth est follement amoureuse de l’artiste. Ils sont encore comme un jeune couple, une des grandes forces de Michel est de l’avoir ». Et ce n’est pas nous qui allons en douter après avoir eu l’occasion de dialoguer avec Élisabeth. « Qu’est-ce que je deviendrais sans mon Michel ? Michel est tellement quelqu’un de dynamique, joyeux, positif, généreux que je ne pourrais pas vivre sans lui. (…) En effet, parfois, j’aimerais le débrancher comme un jouet pour qu’il se pose car il est infatigable, mais je sais que ce n’est pas possible. Michel Sérié, Michel Forever, ce sont les mêmes personnes avec un bel équilibre à eux deux : Sérié, c’est le côté organisé, gestionnaire, posé, rassurant. Forever, c’est le côté rêve, l’artiste complet qui nous fait oublier les temps parfois difficiles de la vie, ses fantaisies, ses délires de soirées où il se déchaîne sur les pistes de danse. » Partageant également avec Michel une profonde dévotion envers Dieu, Élisabeth nous raconte avoir été

« Les yeux grand ouverts Pour passer la nuit Dans tout l'univers Je ne sais pas, mais je suis Et dans mon sommeil Le rythme La danse La transe La performance Pour un meilleur Réveil » touchée lorsque celui-ci servait à la messe à l’église du Sacré-Cœur tous les matins à 7 heures, activité céleste à laquelle il continue aujourd’hui de s’adonner à la paroisse Ste-Hélène du 18e, après s’être défoulé toute la nuit. De leur côté, Guy et Guillaume avouent, plutôt sceptiques, n’avoir pas été charmés de suite lorsqu’ils ont appris que La Main au Panier serait racheté par Michel Forever. Déjà en poste avec l’ancien propriétaire, le père et le fils ont tout d’abord pensé « à un mytho » quand ils ont entendu parler de la singularité de ce mystérieux nouveau venu. « On sait que dans le milieu du spectacle, beaucoup de personnes dorment peu mais parce qu’ils ont recours à des substances illicites. Lui, non, mais par contre, il mange énormément, comme un bébé. Il peut ingurgiter 6 à 7 repas dans la journée. C’est un hyper-nerveux donc il brûle tout. Sinon, il carbure énormément au coca », nous apprend Guy. « Il y a déjà eu des reportages avec des journalistes qui devaient le suivre pendant plusieurs jours et ça n’a pas marché. Un journaliste était venu un matin à 7 heures, et


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à 5 ou 6 heures du mat’ le lendemain, il a lâché l’affaire. », ajoute son fils. Au fil du temps, le duo a appris à connaître Michel Sérié. Pour eux, l’homme est à différencier de l’artiste. « Nous, on connaît Michel Sérié, pas le personnage. Il est très humain. », affirme Guillaume. « L’avantage avec Michel, c’est qu’il est joignable à tout moment. S’ils n’avaient que des mecs comme ça dans les services clients, ils seraient heureux », continue Guy. Si tous deux se sont familiarisés avec cet homme devenu « un très bon ami sur qui on peut toujours compter », ils reconnaissent toutefois ne pas le suivre « lorsqu’il se met à parler espace et extraterrestres ». « L’artiste est quelquefois un peu haut perché. Il est dans son monde. Ce que vous allez découvrir après 22 heures, nous, on ne connaît pas cet aspect de sa personnalité. »

Kir plaisir Ça tombe bien, c’est justement ça que nous étions venus découvrir. Afin de dissiper nos doutes et de comprendre mieux le phénomène Michel Forever donc, nous nous sommes rendus à la dernière représentation de la Main au

Panier de la saison, où nous étions chaleureusement invités. À peine installés, nous saluons la star des lieux, rencontrée pour la première fois l’après-midi même dans son milieu naturel. Avec sa langue bien pendue, Michel se présente à toutes les tables et conte des anecdotes sur sa pathologie et sur l’histoire du cabaret. À côté de nous se trouve un couple de jeunes mariés, s’étant retrouvés là par hasard suite à un bon cadeau Groupon. Tous deux ont l’air perplexes et avouent ne pas s’être attendus à ce « voyage dans les années 1980 ». Les interrogations de nos jeunes tourtereaux et les nôtres se retrouvent vite dissipées par l’arrivée d’un breuvage à l’authenticité qui fait chaud au cœur : le kir. C’est Élisabeth qui nous sert et qui veille à ce que tout se déroule au mieux. Une bouteille de rouge et une pièce de bœuf plus tard, nous voici comme des coqs en pâte, prêts à découvrir enfin le phénomène Michel Forever. Le temps du repas est un temps d’adaptation mais aussi d’observation, difficile de garder le regard rivé sur la personne qui nous accompagne tant la tentation visuelle est forte à La Main au Panier. Soudain, retentissent les premières notes de « Partenaire Particulier ». Nous allons entamer le dessert, on nous avait prévenus : c’est maintenant. Michel Forever débarque d’un coup d’un seul. Il s’échauffe avant de nous cracher au visage toute cette énergie qui le dévore. « Il est monté sur piles », s’exclame notre chère voisine. Les sorbets et profiteroles engloutis, le vrai spectacle peut commencer. Dressé devant nos regards vitreux et pourtant ébahis, Michel Forever sautille dans ses talonnettes, affublé d’un costume bleu ciel, d’une

chemise orange satinée et d’une ceinture à LED où défile le message « Michel Forever Tonight », du nom du fameux classique qui prend possession du système son au même moment. Marine, chanteuse à la voix qui nous transporte directement dans l’âge d’or du cabaret, s’empare du micro et entonne « Le Poinçonneur des Lilas » de Gainsbourg. Elle est ensuite rejointe par Michel sur la minuscule scène afin d’interpréter une chanson composée spécialement pour La Main au Panier. S’enchaîneront ensuite divers numéros d’humoristes dont celui de l’aristocrate fauché Amaury de Gonzague, des sessions de chants nostalgiques et des pas de danse convulsés amenant un commentaire de notre voisin, amusé : « Lui, il est possédé ». Élisabeth passe ensuite entre les rangs, les livres autobiographiques de Michel à la main, puis le rideau se ferme. Il est déjà plus de minuit, les trois quarts des personnes présentes ne sont plus les mêmes qu’à leur arrivée – bordeaux oblige. Car c’est la dernière de la saison, nous sommes gentiment conviés à une petite fête d’after-show. Ce moment passé à discuter, à rire et aussi à s’empiffrer de macarons et de Werther’s Originals entourés de ce microcosme nous fait réaliser une chose : la nuit tombée, ce sont aussi des personnages entiers et quelque peu allumés comme Michel qui font scintiller la Ville Lumière. Texte & photos : Elora Quittet


Discussion

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Déambulations nocturnes Le scénariste et designer de jeux vidéo Anthony Jauneaud nous éclaire sur le rôle de la nuit dans les jeux vidéo. Ça tombe bien, il vient de sortir le jeu Night Call, se déroulant dans la nuit parisienne. La nuit, la ville se fige. Elle devient subitement un bloc aux limites floues. L’horloge se pétrifie. La vie se fond dans l’obscurité. À la manière de nombreux films, le jeu vidéo se sert de la nuit comme d’une limite dans l’espace et le temps. On ne la franchit pas sans en payer le prix. Au coucher du soleil, les monstres envahissent les paysages d’Alan Wake (Remedy Entertainment, 2010) ou de The Legend of Zelda: Ocarina of Time (Nintendo, 1998). Les manoirs, trains et commissariats de la série Resident Evil (Capcom) s’explorent à la nuit tombée, comme si le joueur devait être doublement emprisonné. L’écosystème tout entier se modifie dans Far Cry Primal (Ubisoft, 2016) ou Minecraft (Mojang, 2011), dévoilant de nouvelles ressources à récolter et de nouveaux animaux à chasser. C’est au cœur de ces simulations criantes de réalisme que l’on trouve

les nuits les plus impressionnantes. On peut assister aux déplacements de population dans Assassin’s Creed Origins (Ubisoft, 2017) : au petit jour, une vague de travailleurs quitte les quartiers pauvres pour rejoindre les villas aisées. Le héros se tient immobile et les personnages le contournent, l’évitent, en s’échangeant quelques histoires dont nous n’aurons ni le début, ni la fin. Dans Grand Theft Auto V ou Red Read Redemption 2 (Rockstar), les agglomérations changent de rythme et de ton, deviennent lumineuses, bruyantes, aguicheuses. Ce vieux bâtiment un peu à l’écart se transforme en lieu de fête. Au petit jour, on croisera le shérif sur son cheval ; il vient de se réveiller. Nous observons avec envie ces univers de jeu vidéo. Ils sont flexibles, versatiles, incroyablement riches. Plus important encore, leurs nuits imposent un changement de rythme, déclenchent une

sensation d’hypnose. On ne peut plus suivre le soleil dans le ciel et les ombres ne nous disent plus rien. Pendant une poignée de minutes – dans un jeu – ou d’heures, le temps est figé. Et durant ces quelques heures, tout est possible. En commençant notre travail sur Night Call en 2017, nous avions en tête un concept simple : montrer Paris sous un angle original. Le point de vue du chauffeur de taxi – le héros de notre jeu – se situe au ras du sol, et son métier et ses horaires lui permettent de faire des rencontres particulières. Il devient un confident nocturne, oublié aussitôt qu’on aurait refermé la portière. La boucle de jeu est terriblement simple : on récupère un client, on le découvre, on l’aide si possible et si on le veut, et puis on le dépose quelque part. On ne reverra jamais la majorité d’entre eux, on ne connaîtra pas grand-chose de la suite de leur existence.


Anthony Jauneaud

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Sélection

" Le jeu vidéo se sert de la nuit comme d’une limite dans l’espace et le temps. On ne la franchit pas sans en payer le prix. "

Pour créer cette boucle, nous avions deux références empruntées au cinéma. D’un côté Collateral (Michael Mann, 2004) dans lequel Jamie Foxx incarne un chauffeur de taxi à Los Angeles, qui doit conduire un tueur à gages – Tom Cruise dans l’un de ses meilleurs rôles. Mann y utilise des caméras numériques capables de filmer à très basse lumière, de saisir la texture si particulière de la ville endormie, de capter les éclairages blafards et écrasants des lampadaires. De la nuit, il fait naître des sources de lumière qui inondent l’écran, aveuglent les personnages, reflètent leur vraie nature, forcément laide, lâche, ridicule, infime. Dans notre seconde référence, Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999), on suit le personnage de Tom Cruise – une coïncidence, promis – qui erre dans New York, obsédé par l’idée de tromper sa femme. Il s’enfonce dans la nuit comme dans sa propre psyché, explorateur et victime d’une obscurité violente. Kubrick a lui choisi une pellicule ultra-sensible, qui vient alourdir l’image d’un grain rare au cinéma. Les déambulations s’éloignent du réalisme, mais gagnent en émotion. Ces longues balades dans New York dévoilent une mythologie neuve. Le personnage de

Tom Cruise, tout comme le chauffeur de Night Call, cherche à comprendre s’il fait partie de ce dispositif – la nuit, le cauchemar, les horreurs qui se terrent dans l’obscurité – ou bien s’il est totalement rejeté par ces systèmes qui fonctionnaient jusque-là si bien sans lui. À travers ces deux prismes différents – lumière crue, nuit épaisse – Night Call est né. Il s’agissait d’offrir un terrain de jeu rare, une ville renversée, surprenante, grouillante de vies inconnues. Nos personnages sont des monstres, des âmes oubliées, des fantômes, des survivants. Tous se cherchent, se questionnent et s’enfoncent dans la nuit qui à la fois les perd comme dans Eyes Wide Shut et les éclaire avec trop de lumière comme dans Collateral. Cette dualité est au cœur de la ville et de la nuit. Elle vibre d’une couleur unique qui permet de construire les rêves, les cauchemars et tout ce qu’il y a entre les deux. C’est dans cet espace que les jeux vidéo se façonnent : par opposition, par absence, par des systèmes qui reproduisent avec excès le monde qui nous entoure.

Texte : Anthony Jauneaud Image : Night Call (Monkey Moon & BlackMuffin)

Alan Wake (Remedy Entertainment, 2010) Alan Wake est un auteur de thrillers horrifiques qui se retrouve poursuivi par des créatures tapies dans l’ombre. Inspirée par l’œuvre de Stephen King, cette aventure glaçante vous glisse une lampe torche entre les mains pour débusquer vos ennemis et les ralentir avant de prendre la fuite.

Persona 3 (Atlus, 2006) Le jour, vous êtes un lycéen comme les autres. La nuit, vous affrontez des démons inspirés par les mythologies du monde entier, comme autant de représentations de nos défauts et de nos obsessions. Cette série de jeu de rôle japonais, aussi sombre que groovy, a sorti l’année dernière un cinquième épisode sur PS4.

Animal Crossing: Wild World (Nintendo, 2006) Vous incarnez un villageois dans une paisible bourgade et vaquez à vos occupations : pêche, couture, récolte de fruits… Très accessible, Animal Crossing utilise l’heure « réelle » pour déterminer celle du jeu. La nuit, les habitants bâillent et vont se coucher, vous invitant à faire de même.

Dying Light (Techland, 2015) Dans ce jeu à la première personne, vous explorez une ville infestée de zombies. Le jour, ils sont fragiles et léthargiques, vous permettant de découvrir et d’apprendre à maîtriser l’environnement. La nuit, des hordes furieuses s’abattent sur vous, vous forçant à fuir au plus vite.

Dragon’s Dogma (Capcom, 2012) Dans ce jeu d’aventure épique inspiré par la littérature fantasy, le joueur affronte griffons et bandits de grand chemin. Mais la nuit ici est sombre, presque illisible. Armé d’une lampe à huile peu efficace, votre héros devra survivre ou se cacher. Rarement la nuit a été aussi effrayante.

Pokémon Or & Argent (Nintendo, 1999) Ces deux épisodes offraient pour la première fois une horloge interne et un monde changeant selon l’heure. L’environnement devient plus tangible, avec un écosystème qui prend forme, et les joueurs les plus motivés devront se programmer un réveil au petit jour pour capturer le Pokémon de leur choix.


Le monde de la nuit

Interlude

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TOUT NU !

PYJAMA PARTY

Un sondage réalisé en 2018 aux Etats-Unis par le site MattressAdvisor.com indique que les 2/3 des Millennials dorment nus. 58 % déclarent que cette pratique est relaxante, 54 % que leur sommeil en est amélioré. Environ 15 % d’audacieux avouent également vouloir garder leurs “genitals free and happy”.

41% des femmes et 50% des hommes ne voient pas pourquoi il faudrait changer de pyjama avant qu’il ne sente mauvais. C’est ce que révèle une étude d’Ergoflex, une compagnie de matelas anglaise. Notre solution est à trouver dans l’encart « Tout nu ! ».

NUITS BLANCHES En 1963, Randy Gardner, un étudiant américain a établi le record de la privation de sommeil avec 11 jours sans fermer l’oeil. Le projet s’inscrivait dans une recherche scientifique universitaire et était ultra surveillé. Le célèbre Guinness book a toutefois mis le holà à tous les foufous qui voudraient battre le record en le retirant des ses dernières éditions pour raison médicale.

12H

12h, c’est le temps de sommeil nécessaire à Céline Dion pour assurer le meilleur show de Las Vegas. Rien d’étonnant puisqu’elle déclarait déjà à l’époque qu’elle ferait de ce monde un rêve, une éternité…

10 000 PERSONNES Il s’agit de la capacité d’accueil de Privilege Ibiza, la plus grande boîte de nuit au monde. La pièce principale a la taille d'un hangar d'avions (6 500 m2), avec un plafond de 25 mètres de hauteur et une piscine centrale, sans oublier les danseuses légèrement vêtues dans des coupes de champagne géantes. Comment ça, ça ne vous tente pas ?


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Illustration : Agathe Bruguière Texte : Marie-Camille Alban & Alix Hassler

SOLEIL DE MINUIT

2 MOIS

7H22

Chaque année, du 20 avril au 22 août, le soleil ne se couche pas sur les îles du Svalbard en Norvège. 125 jours de lumière ininterrompue faisant suite à une nuit polaire de plusieurs semaines. La cerise sur le gâteau ? Interdiction de quitter une ville sans son fusil au risque de se faire manger par un ours polaire.

C’est la durée de la nuit à Mourmansk, de fin novembre à janvier. Près de 300 000 personnes vivent dans cette ville russe, la plus grande du monde au nord du cercle Arctique. Sport matinal, rêverie devant l’éclairage public, huile de poisson cru, chambres sensorielles, tous les tricks sont bons pour ne pas sombrer dans l’hibernation.

C’est le temps moyen passé à dormir par les 15-64 ans au Japon, le pays le moins friand de sommeil au monde. À Tokyo, les travailleurs dorment même moins de 6h par nuit en semaine. Heureusement que la sieste-minute est acceptée : appelée « inemuri », la pratique est valorisée car elle prouve que l’on se tue à la tâche.

3 ANS

HONG KONG

Le plus grand dormeur du règne animal est l’escargot du désert. En attendant la saison des pluies, il entre dans une phase de sommeil qui peut durer 3 ans si les conditions climatiques ne lui conviennent pas. Si vous souhaitez utiliser la même technique à l’approche de la rentrée, il suffit de recouvrir votre porte de bave séchée.

La ville obtient la palme de la plus grande luminosité nocturne. Les scientifiques de l'Université de HK ont en effet constaté que le ciel de la métropole est de 100 à 1 000 fois plus lumineux que la brillance du ciel nocturne standard, telle que défini par l’Union astronomique internationale. Une pollution qui pose problème, affectant les homme et l’ensemble de la biodiversité.


Discussion

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Batman,

une créature de la nuit Dick Tomasovic vient de sortir le livre Batman, une légende urbaine, aux éditions Impressions Nouvelles. Ce qui fait naturellement de lui un expert formidable pour décrypter l'ADN du héros nocturne.

Photo : José Ignacio García Zajaczkowski - Unsplash


Dick Tomasovic

Lorsque le scénariste Bob Kane et le dessinateur Bill Finger décident de raconter la genèse du plus sombre des super-héros, en novembre 1939 dans Detective Comics #33, ils placent dans la bouche du jeune Bruce Wayne une sentence lourde de conséquences : « Je dois devenir la nuit ». Depuis cet instant, le chevalier noir semble vivre une nuit éternelle. Héritier d’une forme de romantisme noir comme de la tradition des justiciers ténébreux (à commencer par Zorro, créé en 1919 par l’écrivain américain Johnston McCulley), Batman naît à la fin des années 1930, quelque part entre les dime novels criminels qui régalent les amateurs de pulp fictions et les premières heures du film noir américain qui mettra en scène les inquiétantes jungles nocturnes et asphaltées des villes modernes. Naturellement, le noir est la couleur de Batman et la chauve-souris, créature nocturne s’il en est, devient son emblème, son totem et même, pour certains gangsters très impressionnables et superstitieux, sa forme perçue, surhumaine, fantastique et aussi épouvantable que cauchemardesque et fatale pour qui oserait provoquer son courroux. Chacun le sait, la nuit engendre les monstres et le jeune Bruce Wayne, éternellement endeuillé par le meurtre de ses parents sous ses yeux d’enfant innocent, décide de combattre le mal par la peur et les ténèbres par la nuit.

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Le rapport à la nuit du personnage est total, voire totalisant et tautologique. C’est dans la nuit la plus sombre et la plus tragique que le héros trouve son origine et sa condition (un assassinat qui le rend orphelin, comme beaucoup de héros issus du même ressort mélodramatique) et c’est au cœur de la nuit qu’il trouve sa vocation (l’observation d’une chauve-souris qui lui donne l’idée et l’identité extraordinaire du personnage super-héroïque qu’il a décidé de devenir). C’est encore la nuit qui est son cadre de travail de prédilection, non seulement parce que les criminels travaillent principalement de nuit dans cet univers fictionnel, mais aussi parce que la nuit est un territoire de combat favorable et stratégique pour l’homme chauve-souris, qui tire parti de l’obscurité pour apparaître et disparaître de manière à toujours surprendre ses ennemis comme ses alliés, gagnant de la sorte une perception surnaturelle de ses capacités pourtant simplement humaines, aussi athlétiques soientelles. Enfin, la nuit est bien sûr la métaphore la plus limpide de la violence, de la tristesse et de l’impossible deuil que porte le personnage dans son cœur. Ainsi les récits de Batman, depuis sa création et inlassablement jusqu’aux épisodes mensuels et feuilletonesques qui continuent de paraître aujourd’hui, inscrivent-ils leurs péripéties comme les descriptions des personnages dans les imaginaires, très riches, de la nuit archaïque, primitive, fantastique et désormais urbaine.

Photo : Tine Ivanic - Unsplash


Discussion

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Les traumatismes personnels de ce grand héros d’action « noir » sont d’ailleurs progressivement devenus le sujet de ces fictions au tournant des années 1970 lorsque la voix subjective et mentale du héros s’est de plus en plus souvent substituée au texte omniscient d’un grand narrateur externe, exprimant ses doutes et ses peurs face à un monde cauchemardesque comme le faisaient, un peu plus tôt, nombre de personnages masculins du film noir hollywoodien confrontés à une forme diffuse de terreur sociétale. Toutes les figures du noir seront travaillées par les différents dessinateurs et scénaristes engagés dans les aventures du Dark Knight, de l’opacité narrative (l’ambiance confuse et onirique de nombre d’épisodes) au traitement psychologique du personnage (une certaine complaisance pour les déchirements intérieurs doublés d’une crise de la masculinité et d’une vision du monde paranoïaque) en passant bien sûr par un traitement visuel qui a ravi les dessinateurs et les encreurs adeptes du clair-obscur. Batman est une ombre, un voile, une aile qui recouvre la ville et ses ennemis, une présence absente ou une absence présente, une cape dépliée comme un linceul sur ses adversaires. Il est un être des ténèbres, dissimulé dans la pénombre, capable de faire l’obscurité

autour de lui. Noir, c’est noir. Marshall Rogers, Todd McFarlane, Frank Miller, David Mazzuchelli, Tim Sale, Jock, Sean Murphy, Greg Capullo, David Finch, Jim Lee, Gary Franck, Dave McKean et combien d’autres n’ont-ils pas mis en scène de manière fantasmatique, plastique et expressionniste cette redondance rhétorique fusionnelle de la cape et de la pénombre. Batman fusionne avec la nuit et en fait son extension organique comme le met en scène Paul Dini dans le roman graphique War on Crime (1999) soutenu par les incroyables dessins hyperréalistes d’Alex Ross, représentant de manière époustouflante le Batman déployant prodigieusement les ombres de sa silhouette et les pans de sa cape lorsqu’il s’apprête à frapper le crime au cœur de la nuit. Fatalement attiré par une autre créature nocturne, l’ambiguë Catwoman, il craint cependant l’idylle qui le déposséderait de l’identité qu’il s’est patiemment forgée. Dans Batman #15 en mars 2017, sous la plume de Tom King, il confie à son fidèle Alfred sa dangereuse faiblesse pour la belle voleuse à qui il vient de livrer son corps et son âme : « Elle a volé la nuit ».

Texte : Dick Tomasovic Images : Unsplash


Dick Tomasovic

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Six super-héros au cœur de la nuit

Le Nyctalope

Moon Knight

S’il est certainement abusif et anachronique de parler de super-héros pour ce personnage français créé par Jean de la Hire en 1911 pour le roman-feuilleton Le Mystère des XV, on ne peut qu’être frappé par les capacités extraordinaires de ce héros intrépide et invincible, doté de grands yeux jaune d’or qui lui permettent de voir dans le noir.

Inspiré par le Chevalier noir, ce Chevalier de la lune, créé par Doug Moench en 1975 pour Marvel, trouve rapidement sa propre personnalité, loin de Batman. Homme d’affaires et mercenaire d’élite à la psychologie troublée et fragmentée, il devient un inquiétant justicier nocturne lorsqu’il se trouve doté de curieux pouvoirs divins égyptiens liés aux différentes phases de la lune.

Nightwing

Daredevil

Premier enfant prodige à porter le nom de Robin, Dick Grayson s’est émancipé de Batman pour voler de ses propres ailes nocturnes et rendre la justice dans les rues de la ville voisine de Gotham, Blüdhaven. Ses talents d’acrobate, ses tragédies personnelles et sa formation auprès du plus grand des héros font de lui le successeur naturel du chevalier noir.

Les capacités hors normes de combattant et d’acrobate de l’homme sans peur, gardien du quartier new-yorkais Hell’s Kitchen à l’âme tourmentée, proviennent d’un accident radioactif vécu dans son enfance. S’il est frappé de cécité, ses autres sens s’en trouvent incroyablement aiguisés, lui donnant un avantage extraordinaire sur ses adversaires, surtout lorsqu’il les affronte dans l’obscurité.

Blade

Nocturne

Incarné au cinéma par Wesley Snipes dans une trilogie horrifique mémorable, Blade, né de l’imagination des talentueux Marv Wolfman et Gene Colan en 1973 pour Marvel, est un héros humain à moitié vampire. Surnommé le daywalker en raison de son insensibilité à la lumière du jour, il traque sans pitié les vampires assoiffés de sang dès la nuit tombée.

Dans une réalité alternative de l’univers Marvel, la nyctalope Talia Wagner est la fille des mutants Nightcrawler (Diablo) et Scarlet Witch (la Sorcière rouge). Sa peau bleu nuit et sa vélocité lui permettent de se rendre invisible lorsque disparaît la lumière du soleil. Ombre insaisissable, fille de la nuit, elle est aussi capable de prendre possession d’autres corps durant quelques heures. Photo by Igam Ogam - Unsplash


Back 2 Back

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BACK BACK 2

g n a L Jack e n o r r e &C

Chacun à leur manière, Jack Lang et Cerrone ont contribué à rendre nos soirées plus belles. On a demandé à ces fins connaisseurs de nous donner les 13 titres qui leur faisaient hérisser le poil, la nuit tombée. À écouter sur notre Spotify.

Can't Get Enough Of Your Love, Babe Barry White Sexual Healing Marvin Gaye

Jack Lang, Président de l’Institut du Monde Arabe et initiateur de la Techno Parade :

4’34’’

Acid Eiffel Laurent Garnier

8’16’’ 4’05’’

3’59’’

Grave Eddy de Pretto

Give Me The Night George Benson

3’43’’

I Follow Rivers Lykke Li

6’02’’

Smooth Operator Sade

4’59’’

Get Lucky Daft Punk

2’34’’

1999 Prince

6’19’’

69, année érotique Serge Gainsbourg et Jane Birkin

6’13’’

16’50’’

Fasateen Mashrou Leila

1’10’’

8’04’’

Marcia Baïla Rita Mitsouko

4’26’’

7’28’’

Sur une chanson en français Paradis

4’40’’

5’32’’

Nuit 17 à 52 Christine and the Queen

2’44’’ 4’40’’

Love To Love You Baby Donna Summer Love On The Beat Serge Gainsbourg La Vie En Rose Grace Jones Street Life The Crusaders Imagine John Lennon

2’59’’

Lemon Bachar Mar-Khalifa

Paris s’éveille Jacques Dutronc

2’54’’

Black to Black Amy Winehouse

2’44’’

My Way Nina Simone

5’08’’

Beat it Michael Jackson

4’40’’

Why Can't We Live Together Timmy Thomas

3’24’’

La Reine de la nuit Mozart, interprétée par Patricia Petibon

4’40’’

Photos : Cerrone par Thierry Le Goues - Jack Lang par Christophe Marmara

Cerrone, daron du disco et homme derrière l’incroyable « Love in C-Minor » :


ANS 2019

François Chaignaud / Nino Laisné Kader Attou A. T. De Keersmaeker / S. Sanchis Emanuel Gat DANSE CONNECTÉE Adrien M & Claire B Gilles Jobin Projets Dansathon 2018 — Les Ballets Jazz de Montréal Golden Stage Tour Les 7 doigts de la main Dominique Brun / ONL Stomp Marie-Agnès Gillot / Andrés Marín / Christian Rizzo

2020

Denis Plassard Yacobson Ballet Cloud Gate Dance Theatre Cie XY / Rachid Ouramdane Jean-Claude Gallotta A. Bory / S. Shivalingappa

FESTIVAL SENS DESSUS DESSOUS La Veronal Oona Doherty Rianto Gisèle Vienne (LA)HORDE Pierre Pontvianne Amala Dianor Benjamin Coyle, Joana Schweizer, Julia Moncla / Thomas Demay — Colin Dunne / Sidi Larbi Cherkaoui São Paulo Dance Company David Coria Eun-Me Ahn Ballet de l’Opéra national du Rhin FESTIVAL UTOPISTES Mathurin Bolze Premières Pistes — Thomas Lebrun Akram Khan

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Saison 2019-20


Ouverture octobre 2019 au Grand Hôtel-Dieu #lemondedansunplat

© Exit Design / Unsplash / Adobe Stock / Getty Images / Vincent Ramet / Thierry Fournier

ART CULTURE SCIENCE INNOVATION DÉGUSTATION


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Dédales

CERVEAU-PIEUVRE « Je suis un alien compressé, assis à une table, dans un autre monde. » Brian Milner regarde son reflet déformé dans un grille-pain en métal brossé. Dans la pièce d’à côté, la fête bat son plein sans qu’aucun bruit ne vienne perturber sa méditation. Il est absorbé par cette image qui le fixe, qui l’observe, qui réplique ses propres mouvements dans une gestuelle inversée. Peu à peu, il s’aperçoit qu’il est en train de dessiner son jumeau-miroir dans une autre dimension, de faire son propre portrait transposé dans une réalité parallèle. Derrière lui, une ombre fait son entrée dans la cuisine, et l’observe dessiner sans dire un mot. En quittant la pièce, ses cheveux rouges se mélangent quelques instants au reflet de Brian dans le grille-pain, filant comme une trainée de flammes. La sortie d’une nouvelle BD de Charles Burns, ça fait toujours l’effet d’une bonne dose d’endorphine. C’est la promesse à chaque fois tenue d’une balade de l’autre côté du miroir, sans avoir toujours à courir après un lapin blanc, vers les contrées de l’étrange, du bizarre et du dérangeant. Il y aura systématiquement des formes molles et gluantes, des personnages ambigus et des cocons terreux, qui provoqueront

un sentiment d’inconfort plus ou moins tenable, comme dans un rêve oppressant. Dédales, dont le titre annonce une longue errance dans les chemins tortueux de la psyché, est le premier tome d’une nouvelle série. Il est encore trop tôt pour deviner s’il y aura un minotaure au croisement de deux allées ou si un fil d’Ariane sera tendu entre le lecteur et les protagonistes. Par contre, ce qui est déjà là, c’est le régal de retrouver page après page le dessin du grand Burns, et sa singulière maîtrise de l’ombre et des couleurs, avec sa signature retro qui fait toujours plaisir. J. Tourette

L’auteur sera présent en France pour une série d’événements autour du livre, et notamment au prochain Festival de BD d’Angoulême, dont il réalisera l’une des affiches. Une exposition Charles Burns aura également lieu du 12.10 au 4 .12 à Colomiers, dans le cadre de son 33e festival de BD.

Dédales de Charles Burns, sortie le 10.10 aux éditions Cornélius, 64 pages, 22,50 € cornelius.fr


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Le Mort détective SÉQUENCES David B. finit ici un projet débuté il y a une éternité, en 2003. Un livre sentant bon les romans populaires du temps jadis et qui a la particularité d’être composé uniquement d’en-têtes de chapitres, soit une image et un titre. Le Mort détective est une aventure rocambolesque que l’auteur, donc, prend soin de ne surtout pas nous raconter. Reste au lecteur à se débrouiller avec sa maigre cervelle pour remplir les trous laissés par ces 104 dessins qui tracent un motif narratif de type grosso modo. Le trait noir de David B., auteur entre autres de L’Ascension du hautmal, trouve le juste ton entre kitsch et virtuosité pour faire de chaque page à la fois un ravissement pour l’œil, un bonbon pour l’esprit et un défi à l’imagination. Le regardeur se retrouve avec une démonstration radicale de la force de l’art séquentiel qui n’en finit pas de passionner. M. Gueugneau

Le Mort détective de David B., disponible chez L’Association, 112 pages, 18 € lassociation.fr

Banzaï X

Robinson suisse

REUNION Depuis 2008, la revue bi-annuelle Banzaï, menée par Valentin Courtine, se consacre à l’illustration et à la BD contemporaines du monde entier. Dans ce numéro X, nous trouvons entre autres les œuvres d’Alex Gross, Toshio Saeki, Moolinex, Ben Tolman, Nils Bertho et plusieurs pages dédiées à l’art brut de la « S » Grand Atelier. Chaque numéro fait l’objet d’une édition soignée et particulière. Ce volume ne fait pas exception avec son doux papier, sa reliure apparente et son bel étui cartonné. Pour la version collector, une risographie signée d’Igor Hofbauer. Du beau travail. Longue vie !

EXOTISME Ruminant depuis un moment Les Robinson suisses, dessin animé de son enfance, Alex Baladi s’est d’abord intéressé au roman original, conte moral écrit par le pasteur Wys en 1812, puis à sa traduction/réécriture réalisée par Isabelle de Montolieu. Et avec ça, il a fait un peu comme il voulait. En ressort un livre de naufragés aux origines ultra-classiques, repeint grâce à un parfait jeu de couleurs primaires, une utilisation subtile de médias mixtes et un humour clignotant fort en direction de notre présent. Le concept de l’île déserte vient ici se vêtir de nouveaux habits qui lui siéent à merveille. M. Gueugneau

David Raiffé / Librairie Mollat

Banzaï X, revue de 264 pages, 30 €

Robinson suisse d' Alex Baladi, disponible chez Atrabile, 112 pages, 22,5 €

banzai-la-revue.com

trabile.org


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AMNÉSIE L’humanité est boulimique. Elle se gave de données à ne plus savoir qu’en faire, détruisant par surconsommation une hiérarchie culturelle construite au fil des siècles. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que la coupe soit pleine et qu’il faille écoper. C’est le futur imaginé par Ugo Bienvenu dans Préférence Système, son quatrième album. Les œuvres du passé, d’Apocalypse Now à Alfred de Musset en passant par... Céline Dion, doivent disparaître par manque de place. Un homme et son robot enceint de sa fille prennent tous les risques pour sauver cette part de beauté. Le traitement graphique réaliste d’Ugo Bienvenu et son obsession cinématographique tissent ensemble un récit qui colle au corps. En simplement 162 pages, Ugo Bienvenu construit un monde d’une troublante proximité, touchant aussi bien nos faiblesses que nos aspirations vertueuses. Et nous rappelle la part de beauté nécessaire à l’humanité.

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Préférence Système

M. Gueugneau

Préférence Système d’Ugo Bienvenu, disponible chez Denoël Graphic, 23 € denoel.fr

Intimité(s) GRAVE À la fin du XIXe siècle, Félix Vallotton, plus connu aujourd’hui pour être peintre tendance Nubi, se laissait facilement aller au chefd’œuvre avec ses gravures sur bois. La série Intimités en est un, qui s’introduit dans la vie privée du couple, avec le regard oblique d’un auteur tout en haut de son art. La force de ces gravures tient dans la mise en scène réaliste de la vie privée, sujet neuf alors en arts visuels, et les extravagances picturales que Félix Vallotton se permet pourtant. Le noir et le blanc se renvoient la balle sans aucun entre-deux pour raconter avec éclat la plus petite des comédies humaines. M. Gueugneau

Intimité(s) de Félix Vallotton, disponible aux éditions Martin de Halleux, 80 pages, 24 €

martindehalleux.com

13 824 jeux de couleurs de formes et de mots Les éditions MeMo, qu’on sait ne pas être avares en bonbons graphiques, ont eu la précieuse idée de rééditer celui de Patrick Raynaud, 13 824 jeux de couleurs de formes et de mots, splendide ode à la sérendipité. Les pages, découpées en trois bandes, se tournent sans autre raison que celle de combiner formes graphiques et couleurs, poésie et bons mots. > 13 824 jeux de couleurs de formes et de mots de Patrick Raynaud, disponible aux éditions MeMo, 24 pages, 25 € > editionsmemo.fr

Le Théorème funeste Il est plutôt rare que la bande dessinée se jette dans les mathématiques. Alexandre Kha le fait avec brio en se penchant sur le « dernier théorème de Fermat » qui noua les cerveaux durant trois siècles jusqu’à sa résolution par Andrew Wiles en 1994. La portée didactique de l’ouvrage n’enlève rien à la poésie des dessins dont le trait simple et précis joue du noir et blanc en virtuose.

> Le Théorème funeste d’Alexandre Kha, disponible aux Éditions Tanibis, 44 pages, 7 € > tanibis.net

pa t ri c k- ray n a u d -13 82 4 j e ux- d e - c o u l eu rs - d e - for mes - et- de - m o t s - a u x- é d i tions - MeMo


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Tumulte PERSONNALITÉS Non, nous ne nous connaissions pas. Ni avec John Harris Dunning, ni avec Michael Kennedy. Il faut dire qu’ils sont anglais. Et qu’ils n’ont pas encore laissé de trace livresque chez nous. Doit-on vraiment envoyer des fleurs à vie aux éditions Presque Lune pour avoir déniché ce Tumulte délicieux chez Self Made Hero ? Suivons ce quarantenaire crisant comme n’importe quel mâle à bonnet ; regardons-le tomber amoureux d’une fille, Leïla, possédant cinq personnalités dont l’une se révèle être particulièrement dangereuse ; rattrapons les différents indices menant à des cachotteries de l’armée anglaise : nous voilà dans un bon polar. À cela s’ajoutent les délices graphiques du trait empâté de Michael Kennedy, dont la maîtrise des couleurs et les virages secs de son style donnent à nos yeux des plaisirs immenses. Alors, enchanté messieurs. M. Gueugneau

Tumulte de John Harris Dunning et Michael Kennedy, disponible chez Presque Lune, 184 pages, 25€ presquelune.com

Perturbations

Le Roi de la Lune

POÈME Le plus dur avec Rosaire Appel, c’est qu’avant même de pouvoir chroniquer l’un de ses livres, il faut déjà réussir à le choisir dans l’écurie : Appel est aussi prompte à publier des zines que mon évier à se remplir de vaisselle. Dans Perturbations, elle semble s’éloigner de sa recherche habituelle (la traduction du spectre auditif en graphes ésotériques), en apparence seulement : ce sont les codes de la bande dessinée qu’elle distord cette fois-ci, mais toujours au profit de son écriture asémique. Ses planches et leurs cases sont entièrement acquises à l’abstraction géométrique, et ajoutent un ouvrage de plus au titanesque catalogue de ses transcriptions sensibles. On peut y voir des relevés topographiques, on peut y voir un mystérieux codex digital, des formules mathématiques, et on peut y voir aussi – elle-même le dit – de la poésie. Il n’y a qu’à se laisser porter.

APOLLO Il est l’heure d’aller dormir, et Anathilde, sans se poser de questions, préfère embarquer dans la plusée du Roi de la Lune. Une aventure ébouriffante au pays des Lunars attend la petite intrépide avec ce roi à tête de crêpe qui cache bien son jeu : celui-ci n’aspire en effet qu’à posséder tous les jouets de l’univers ! Le Roi de la lune inaugure en fanfare 4048, la nouvelle collection jeunesse des géniales éditions 2024. Bérengère Cournut et Donatien Mary nous offrent un album virtuose qui nous rappelle l’importance du partage, non sans réserver quelques surprises… »

Zelda Mauger

Perturbations, de Rosaire Appel, disponible aux éditions Adverse, 40 pages, 10 €

adverse.livreavenir.org

Julia Mahler & Alice Schneider / Librairie La Régulière

Le Roi de la Lune de Bérangère Cournut et Donatien Mary, disponible chez 2024, 48 pages, 19 € editions2024.com


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Tués par la mort DESTINATION FINALE Fun et macabre, l’ouvrage réunit Lelo Jimmy Batista et Freak City. Le premier en tant qu’auteur, et le second aux commandes de la quarantaine d’illustrations qui accompagnent à merveille un recensement, volontairement non exhaustif, de morts incongrues au cinéma. Un concentré de pop culture dans lequel on se frotte à la sciencefiction, au slasher, ou encore au film érotique. L’ouvrage est porté par un dessin résolument influencé par les années 1980, et un dévouement titanesque de l’auteur, qui a visionné, des heures durant, navets, nanars, série Z et B, mais aussi blockbusters, rien que pour vous. Malina Cimino

Tués par la mort, de Lelo Jimmy Batista & Freak City, disponible aux éditions Hachette Heroes, 208 pages, 19,95 € achetteheroes.com

Topoï

Topoï, de Claire Nicolet, disponible chez Trainailleur, 20 cartes, 13 € trainailleur.fr

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Fondation Kebbi Les éditions Actes Sud BD envoient sur terre leur nouvelle collection « Lontano » : 40 pages non reliées en format 30 × 40 cm. Et la première triplette sortie le 2 octobre contient l’exercice de Yann Kebbi, un musée imaginaire, sa fondation. De pièce en pièce, de double page en double page, c’est l’extase béate devant tant d’intelligence et de beauté. Vraiment, c’est chaud. > Fondation Kebbi , de Yann Kebbi disponible chez Actes Sud BD, 40 pages, 20 € > actes-sud.fr

Le Vol d’Hermès Il suffit parfois de quelques pages pour s’apercevoir de la robustesse d’un auteur. Prenons François Ayroles par exemple, et son petit mignon Le Vol d’Hermès, réalisé en réponse à l’œuvre sculptée Un détail de Benoît Maire qui représente une demi-tête du dieu grec. En 24 pages et sans parole, François offre une narration trépidante et des cases construites à la perfection. 24 pages qui en valent 300 de beaucoup d’autres. > Le Vol d’Hermès ,de François Ayroles, disponible chez Les Requins Marteaux, 24 pages, 6 € > lesrequinsmarteaux.com

PROMENADE Oui, nous n’en sommes qu’au premier volet d’une trilogie mais déjà le ravissement est là. Pour Topoï, les éditions Trainailleur ont convié la peintre et dessinatrice Claire Nicolet à regrouper les images qu’elle réalise au gré des inspirations dans son journal graphique. Fascinée par la végétation, l’architecture et l’espace, elle consacre ce volume-ci aux plantes. Au cœur de ces 20 premières cartes dessinées, magnifiques et non reliées, nous déambulons. Car malgré l’unicité apparente des images, celles-ci forment un tout, une bande dessinée osera-t-on dire, pour la lecture de laquelle le regardeur doit lui-même défricher son chemin. À peine est-il guidé par quelques phrases sibyllines, regroupements de dessins et citations opportunes. L’une d’elles nous conseille, par la voix d’Italo Calvino, de faire de la place au milieu de l’enfer que nous habitons à ce qui ne l’est pas. Nul doute que nous consacrerons à Topoï un bel endroit au calme. M. Gueugneau


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Brijean

Musique

Young Thug

CUBA LIBRE L’air chaud nous souffle au visage, le va-et-vient des vagues caribéennes forme une mélopée infinie : plus rien n’a d’importance. Nous voilà sur une plage de La Havane, bercés par la voix astrale de Brijean Murphy, par les battements langoureux des congas et par des synthétiseurs ensorcelés. Percussionniste chouchou de groupes indé comme Toro y Moi et Poolside, la Californienne s’affranchit avec son premier EP,Walkie Talkie, sorte de Twin Sister ayant pris le soleil, où soul, jazz, calypso pop et grooves latins se frottent à des chants aux vertus presque médicinales.

HAPPY Appeler un album So Much Funest un moyen d’être transparent sur la manière dont il a été enregistré : sans réfléchir, pour faire une musique immédiatement amusante afin de retrouver un enthousiasme que Young Thug avait perdu. Le single « Surf »résume à lui seul les atmosphères qui font le charme du disque. Du swag rap caribéen, gumbo d’Atlanta et de Port-au-Prince, qui est précisément ce qui nous a fait tomber amoureux de Jeffery au début de la décennie. En mélangeant la trap aux mélodies pop et bizarreries cartoon, Young Thug semble reprendre du plaisir et s’amuser en faisant de la musique. Nicolas Pellion

Elora Quittet

Walkie Talkie de Brijean disponible chez Native Cat Recordings

So Much Fun de Young Thug, disponible chez 300/Atlantic

nativecatrecordings.com

somuchfunmerch.com

Belle and Sebastian

Leopardo

Lorsqu’il a adapté au cinéma le merveilleux Days of the Bagnold Summer de Joff Winterhart, ça n’a pas fait un pli pour Simon Bird : c’est Belle and Sebastian qui se chargerait de la BO. N’ayant que le livre pour inspiration, les Écossais se sont alors laissés aller à des mélopées aussi douces que de la soie. Ajoutons-y les voix empreintes de lyrisme de ses chanteurs, des instrus folk avec un soupçon de bossa nova et de jazz et nous voilà pris d’un spleen infini et réconfortant. EQ

Ça commence comme un épisode de sitcom : Romain, amoureux transit, écrit des balades lo-fi à l’être aimé. Au lieu de finir dans les méandres d’un disque dur, celles-ci s’en sont vont transiter sur des labels. Puis quelques musiciens actifs de la scène rock helvète s’ajoutent au projet. Naît alors « Is It an Easy Life ? » mixé directement sur K7, effort traitant de l’amour, de la détresse et de l’assujettissement sur fond de punk brut et de garage distordu à la The Velvet Underground.. EQ

> Days of the Bagnold Summer de Belle and Sebastian, sorti le 13.09 via Matador et Remote Control > belleandsebastian.com

> Is It an Easy Life? de Leopardo disponible chez Montagne Sacrée, le Pop Club et We Don’t Make It > leopardoshallo.bandcamp.com

Lord Tusk

Girl Ray

Le musicien anglais Lord Tusk est l’un de ces monstres conçus par internet. Culture omnivore, vandalisme candide, suractivité défoulante : toutes les caractéristiques sont appuyées si fort qu’elles en deviennent fascinantes. Babylondon 2020, sa dernière chose, vient gratter la Miami Bass 80’s et le Horror-rap du début 90’s pour en plonger les miettes dans une mixture poisseuse dont seul lui a le secret. MG

Ça débute sur une cajolerie édulcorée, remplie de ces petites notes chétives de synthé qui font apparaitre immédiatement un rictus sur nos visages. Relevée par la voix chaude et sensuelle de la chanteuse, la pop bonbon de Girl Ray une accolade pour le coeur. Assumant leurs penchants pour la pop mainstream façon Ariana Grande mais aussi pour le R&B, les trois londoniennes se laissent aller sans se soucier des étiquettes et ce n’est que de l’amour. EQ

> Babylondon 2020 de Lord Tusk, disponible sur son bandcamp > lordtusk.bandcamp.com

> Girl de Girl Ray sortie le 8 novembre chez Moshi Moshi > moshimoshimusic.com


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79

Fun Fun Funeral

Musique

Cultdreams

FLOU ARTISTIQUE Passé de projet solo à bête à deux têtes avec l’arrivée de Dean, Fun Fun Funeral enfante Everything is ok, progéniture pop dont le premier cri est d’une harmonie parfaite. Bricolé par des cerveaux hyperactifs, ce deuxième album est habité par des percussions débridées, des lignes exaltées de synthés et autres coquineries foutraques à la Animal Collective période Strawberry Jam, se frayant un chemin entre les vocalises haut perchées du duo. Volontairement cabossé et pourtant si précieux, il est le fruit de l’isolement dans une chapelle anglaise de deux génies créatifs qui ont déjà roulé leur bosse (Action Beat, Clara Clara, Satellite Jockey) et qui ne devraient pas s’arrêter en si bon chemin. EQ

HYPERTENSION Cultdreams (anciennement Kamikaze Girls) a sorti au milieu de l’été son deuxième album, Things That Hurt. Le duo continue d’ajouter des vapeurs shoegaze à un solide terreau post-punk, dont la singularité repose notamment sur la voix de Lucinda Livingstone. Tout à tour rugueuse, vindicative (« Not My Generation ») et mélancolique, elle complète parfaitement la lourdeur des guitares (« Repent », « Regress ») et la batterie de Conor Dawson. Cet album dégage une tension à laquelle ne sont étrangers ni le climat politique asphyxiant ni la souffrance mentale. Un peu comme si Kate Tempest chantait un duo avec Nothing. Manon Raupp

Everything is ok de Fun Fun Funeral sortie le 25 octobre via Araki Records & October Tone

Things That Hurt de Cultdreams, disponible chez Big Scary Monsters

funfunfuneral.bandcamp.com

cultdreams.bandcamp.com

Corridor CONQUÊTE Les premières harmonies vocales résonnent et on reconnaît instantanément Corridor, groupe ayant éclos dans une scène montréalaise indé en pleine ébullition, à côté de gaillards comme Chocolat. Dominic, Julian et Jonathan travaillent au corps un rock à la croisée des époques, entre post-punk, jangle pop et psych pop, depuis leur incroyable album, Le Voyage éternel, joyau de saturation contrôlée et de poésie mécanique. Premier groupe francophone à être signé sur le mythique label Sub Pop, Corridor s’apprête tranquillement à mettre l’univers dans sa poche en gardant ce qui a fait sa marque : des lignes de guitares et de basses démentielles, des joliesses vocales en veux-tu en voilà et un second degré tout naturel. Elora Quittet

Junior de Corridor sortie le 18 octobre via Sub Pop subpop.com

Mach-Hommy & DJ Muggs DJ Muggs, le gars de Cypress Hill, vit une deuxième partie de carrière que devraient envier ses camarades momifiés des années 1990. Le voilà qui s’acoquine pour la deuxième fois de l’année avec Mach-Hommy, pour un Kill Em All EP, qui voit ses prods discuter sans honte avec la noirceur du rappeur d’origine haïtienne. MG > Kill Em All , de Mach-Hommy & DJ Muggs, disponible chez Soul Assassins Records > soulassassins.com

Valentina Mageletti & Julian Sartorius Comment Sulla Pelle aurait-il pu être autrement qu’excellent, puisque Valentina Mageletti (Tomaga, Vanishing Twins) est de la partie et qu’elle s’allie avec le chercheur en percussions Julian Sartorius (aperçu chez Kate Tempest et Sophie Hunger) ? De collages sonores en effets multiples, la frénésie percussive nous attrape et nous rappelle certains rituels d’avant la création du monde. MG > Sulla Pelle de Valentina Mageletti & Julian Sartorius, disponible chez Marionette > marionettelabel.com


Sortie

80

Jolies choses

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PARASOL Clément Mancini x Business & Pleasure Co slowdownstudio.com 02

SACS RÉUTILISABLES Myriam Van Neste x DemainDemain etsy.com

COQUE TÉLÉPHONE Carla Llanos

TOTE BAG Gwladys Morey

etsy.com 04

gwladysmorey.bigcartel.com 06

CHEMISE Isabelle Feliu x Soi Paris soi-paris.com

PIN'S Chapeau Peruvien etsy.com


Sortie

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Sélection par Elodie Bouhlal

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SAC Kufu x Beya Rebaï

SWEAT Benzo Hickey

kufu.fr 08

gooddayclub.com 10

CARNET Atelier Buche x Bengal atelierbuche.com

CÉRAMIQUE Zoé Lab zoelabshop.bigcartel.com 12

PATÈRES Kaye Blegvad shop.kayeblegvad.com

CHAUSSETTES Laurent Moreau x Label Chaussette label-chaussette.com


LAUSANNE UNDER GROUND FILM & MUSIC FESTIVAL

LUFF.CH

LAUSANNE UNDERGROUND FILM & MUSIC FESTIVAL

Sortie

16–20.10.19

Lausanne Underground Film & Music Festival 16.10 AU 20.10 @ CINÉMATHÈQUE SUISSE, LAUSANNE

Design: Dimitri Jeannottat, Tiphaine Allemann, Pierre Charmillot

A ceux qui ne sont pas prêts à s'encrouter sur le canapé devant le téléfilm du dimanche, le Lausanne Underground Film & Music Festival vous fait du pied. Avec sur son plateau le meilleur du cinéma indé et barré, le LUFF nourrit notre soif d'ailleurs avec cette année une sélection de films éducatifs devenu subversifs malgré eux ou sa carte blanche offerte à l'association new-yorkaise The Film Makers' Cooperative. Côté son trituré et performances hallucinées, nous ne serons pas non plus en reste avec entre autres les performances de la compositrice argentine Beatriz Ferreyra et du groupe expérimental norvégien MoE. EQ

LUFF.CH 16–20.10.19

82

BBMIX 23.11 ET 24.11 @ CARRÉ BELLEFEUILLE, BOULOGNE-BILLANCOURT

En voilà une bonne raison de s’aventurer un peu plus loin que le bois de Boulogne et de se laisser surprendre. Les 23 et 24 novembre, le plus si jeune BBMIX squattera le Carré Bellefeuille de Boulogne-Billancourt et y fera performer ceux qu’il a tendrement choisis. Assumant un faible pour les associations aventureuses depuis maintenant 15 ans, le festival hisse cette année en haut de son affiche la légende punk Billy Childish ainsi que la compositrice japonaise culte Midori Takada. Le Villejuif Underground, Félicia Atkinson et Carla del Forno viendront compléter la liste des artistes brillantissimes à avoir la chance de passer quelques précieux moments au BBMIX. EQ

POSITIVE EDUCATION 07.11 AU 11.11 @ LA CITÉ DU DESIGN, ST-ETIENNE

C'était en 2015. Les soubassements de St-Etienne étaient soudain devenus le refuge de plusieurs centaines de festivaliers aventureux et dévorés par la curiosité qui partageaient tous le même sentiment : celui d'assister à la naissance de quelque chose de singulier. Les portes des garages s’ouvraient alors sur des salles habitées d'incantations techno, punk et noise, qui se mariaient au bruit des rideaux métalliques. Quatre ans plus tard, Positive Education a grandit mais a su garder toutes les qualités qui ont fait de lui le festival dont on est amoureux depuis le premier jour : son goût pour le décloisonnement et la transversalité des genres et sa programmation mêlant scène locale hyperactive et grands pontes. Comme depuis deux ans, le festival investira la légendaire Cité du Design de St-Etienne, qui deviendra pendant cinq soirées, le théâtre des envoûtements de quelques Jeff Mills, Helena Hauff, Deena Abdelwahed, Abschaum, Loner, The Pilotwings, Les Fils de Jacobs et Spiral Dance... EQ


Agenda

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BD COLOMIERS 15 AU 17.11 @ COLOMIERS

MAINTENANT VU PAR

Lic. n°1-1078645-48/2-1078649/3-1078650 / Illustration : Antoine Maillard  / Graphisme : studio Vost

Pour les auteurs et autrices de bandes dessinées, certains noms sont prononcés si souvent qu'ils font comme partie du jargon du métier. C'est le cas de Colomiers, charmante ville de la banlieue de Toulouse, qui voit toute la profession squatter chez elle chaque année. Elle en a sous le coude, en même temps. Proposant des expositions inédites, des ateliers, des projections, des rencontres, des masterclasses, Colomiers sait nous parler. Cette fois par exemple, c'est l'oeuvre de l'indétrônable Charles Burns que le festival mettra en avant, en sa présence, à travers une cinquantaine de dessins originaux tirés des albums Love Nest, Vortex et Black Hole. Fidèle à ses idéaux, le festival choiera également les artistes émergents. Ainsi, Antoine Maillard, illustrateur derrière la belle affiche du festival, exposera ses dessins, ainsi que l'autrice jeunesse Sarah Cheveau, membre du collectif d'illustrateurs Cuistax. A côté de ça, beaucoup d'autres réjouissances seront au programme comme un concert dessiné et la réalisation de fresques dans le cadre des Promenades Dessinées. EQ

Maintenant Festival 04.10 AU 13.10 @ RENNES

Si vous vous étiez égarés dans l’espace-temps et que vous vous demandiez ce que le monde a de mieux à vous offrir en termes de musique et de nouvelles technologies, frayezvous un chemin vers le Maintenant Festival à Rennes. Làbas, vous pourrez vous délecter d’installations toutes plus folles les unes que les autres comme Métamorphoses 3.0 et les œuvres hybrides d’Ines Alpha, l’installation sonore analogique panGenerator, la sculpture cinétique SpaceTime Helix et l’expérience 100 KEYBOARDS. Et côté musique, rien de moins que les meilleurs de la scène indé comme OD Bongo, Sentimental Rave, Peach, AZF, Errorsmith. Bienvenue dans le meilleur des mondes. EQ

Parenthèse 22 AU 24.11 @ TRANSBORDEUR + BOULODROME, LYON

Après 20 ans de bons et loyaux services, Riddim Collision s’en est allé sans se retourner. Riddim Collision est mort, vive Parenthèse ! Mais ne nous méprenons pas, Parenthèse n’est pas juste un substitut du défunt. Le petit a sa propre personnalité et compte bien le prouver. Sa programmation en donne une idée. En guise de soirée d’ouverture, l’équipe d’AFX investira le lieu rêvé de tous : le Boulodrome, où mixeront l’équipe de Nova, Fancy Fruit et tiens, nous-mêmes. Le dur du festival se tiendra au Transbordeur qui se verra foulé par la belle brochette composée de La Fraîcheur, Léonie Pernet, Naive New Beaters et Ouais Stéphane. Ça nous donne déjà faim. EQ


Sortie

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Reportage graphique

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SEPTEMBRE NOVEMBRE 2019

Club

19 OCTOBRE

04 OCTOBRE

08 NOVEMBRE

CLUB FANTASTIC VOYAGE BY ATOMES

DUB STATION #67

05 OCTOBRE

THURSTON MOORE GROUP

BOY HARSHER

22 OCTOBRE

DEAFHEAVEN + TOUCHÉ AMORÉ

09 NOVEMBRE

FEVER 333

23 OCTOBRE

THOMAS AZIER

12 NOVEMBRE

DEERHUNTER

08 OCTOBRE

CLINTON FEARON

24 OCTOBRE

DAVE

15 NOVEMBRE

11 OCTOBRE

JOHNNY MAFIA

POETS OF THE FALL 16 & 17 NOVEMBRE

12 OCTOBRE

BATTLES

15 OCTOBRE

DURAND JONES AND THE INDICATIONS

06 NOVEMBRE

17 OCTOBRE

07 NOVEMBRE

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PARC DE LA VILLETTE

18 NOVEMBRE

PUP

LYSISTRATA

20 NOVEMBRE

TEMPLES

SCARLXRD

PUPPETMASTAZ

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YUNGBLUD

30 OCTOBRE

THE SELECTER

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KLINGANDE

26 OCTOBRE

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PARIS 19E

W29 W WEL VY . PARC L DE E LA T VILLETTE R A B E| N D O19E. N E| T PARIS

01 42 06 05 52

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01 42 06 05 52

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lieu infini d’art de culture et d’innovation direction José-Manuel Gonçalvès

exposition

© Yasushi Kato

du 12 Jusqu’ici va bien ? oct.2019 tout d’un monde numérique au 09 Archéologies dans le cadre de la Biennale des arts numériques Némo fév.2020 de la Région Ile-de-France établissement artistique de la Ville de Paris


L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

*CARLSBERG  COPENHAGUE DANEMARK  DEPUIS 1847  J.C. JACOBSEN FONDATEUR

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ÉDITION LIMITÉE

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