KIBLIND Magazine Numéro Légendes
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21 JANVIER 5 MARS 2017
L F E S T I VA UNE DE L A J E HIE RAP P H OTO G ENNE EUROPÉ
© Gesicka Weronika
LE CENTQUATRE-PARIS 5, rue Curial – 75 019 Paris M° Riquet www.104.fr / 01 53 35 50 00
www. festivalcirculations .com
Édito Si on a la chance de posséder un walkman radio, il arrive bien souvent qu’un doigt effleure le tuner pour le caler sur Nostalgie, le temps d’une promenade réflexive. Pourquoi ? Pour l’extrême qualité des musiques de Mike Brandt, Michel Jonasz ou Jean-Pierre Mader ? Évidemment, oui. Mais sans doute, aussi, pour la légende qu’ils entretiennent. Celle d’un passé mythifié, un roman musical fait de bravoure et de pureté esthétique. Ces histoires que l’on se raconte de génération en génération, piquées d’un léger trait de réalité qui les rend vraisemblables, forment un corpus à même d’unir les gens. En offrant des références communes, elles créent avant tout du lien entre des personnes qui ne se connaissent pas. Elles sont un socle pour tous. Mais les légendes ne sont pas simplement un bien partagé par tous. Elles sont là aussi pour éclairer Photo : Thomas Chéné
nos émotions, nos penchants, nos contradictions. Manuels de vie à l’usage des contemporains, elles éclairent les insondables mystères de la nature, humaine ou non, pour mieux préparer notre avenir.
Kiblind magazine n°59 – Légendes Hiver 2016-2017 SÉLECTION 1/2 12 INTRO PICTOS
Légendes 20
INTERVIEW
Ugo Gattoni 22
CARNET DE VOYAGE
Vampirologue 26
INTERLUDE
Dahu 31
CRÉATIONS ORIGINALES
Légendes dessinées 34
DISCUSSION
Legend de Ridley Scott 42
DISCUSSION
The Legend of Zelda : un jeu, un mythe, une légende 46
INTERLUDE
Sirène 49
REPORTAGE GRAPHIQUE
Combat contre le vide 50
RÉTROGRAPHIE
Marques de légende 56
INTERLUDE
Zombie 61
MODE
Artistes en légendes 62
OUTRO
Playlist légendaire DISCUSSION
La légende du dessinateur espion 44
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SÉLECTION 2/2 72
Contributeurs
Simon Boileau – Outre sa gestion plaquée or des réseaux sociaux de chez France Info, Simon Boileau sillonne les mers agitées de la planète rap et de la bande dessinée. Son pied marin fait des merveilles.
Thomas Chéné – La merveilleuse École des Gobelins nous a fait en 2011 un cadeau bien précieux : le photographe Thomas Chéné, qui alterne aujourd’hui projets mode et envolées artistiques.
Matthieu Chiara – Parisien grand, talentueux ancien de la HEAR, Matthieu Chiara monopolise notre attention depuis deux ans grâce à son excellent Hors-Jeu (éd. L’Agrume) et son Dessins variés, effets divers à l’origine de sa présence ici.
Alix Devallois – Il faut se figurer qu’un shooting de cahier mode, ça ne se fait pas tout seul. Il faut des gens de talent pour s’en occuper. La styliste parisienne Alix Devallois fait partie de ceux-là.
Patrick Hellio – Chroniqueur pour le podcast « Silence On Joue » de Libération et journalisre indépendant, Patrick Hellio a fait de sa vie un chef d'œuvre : son métier est de jouer aux jeux vidéo.
Léon Maret – Le cerveau duquel sont sortis les deux bijoux que sont Canne de fer et Lucifer et Course de bagnole a réussi à perforer le nôtre pour susciter une admiration éternelle. Ça marche vachement bien.
Contributeurs
Nico Prat –
Basil Sedbuk –
Nicolas Prat s’est apparemment rendu indispensable aux yeux des rédacteurs en chef. Journaliste pour Rockyrama, C8 ou Tsugi, il est aussi passé par Le Mouv, DumDum, Technikart, Gonzaï, etc.
Basil Sedbuk est un passionné d’illustration qui abreuve son monde sur son excellent blog, LaBelleIllustration.blogspot.com.
Elora Quittet –
Ted Supercar –
Brillante étudiante lyonnaise, Elora a également l’avantage d’écouter plein de trucs et d’écrire ce qu’elle en pense pour nous ou Hartzine.fr.
Activiste artistique et écrivain public pour Hartzine.fr, Ted Supercar a l’oreille aiguisée comme peu de gens dans ce monde. Et quand il dit que la musique est bonne, lui on le croit.
Manon Raupp –
Delphine Zehnder –
Férue de musique indépendante jouissive, Manon Raupp, depuis Toulouse, fabrique tout aussi indépendamment son fanzine Ductus Pop.
Ancienne du Petit Bain parisien, Delphine est également amoureuse de la bande dessinée dont elle colporte les ébats autant qu’elle peut.
STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Direction Kiblind & Klar : Jérémie Martinez Jean Tourette Baptiste Viry Gabriel Viry Team Kiblind Magazine : Maxime Gueugneau & Simon Bournel-Bosson - Alix Hassler - Alizée Lagé Jérémie Martinez - Justine Ravinet - Jean Tourette Olivier Trias - Baptiste Viry - Gabriel Viry Réviseur : Raphaël Lagier Merci à : Alizée Avice - Matthieu Sandjivy - Camille Viry Direction artistique : Klar/Agence Kiblind (www.agence-klar.com)
INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni Couverture : Arcoprint Milk 300g - Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Orphéon (Marine Stephan) Imprimeur : DEUX-PONTS Manufacture d'histoires www.deux-ponts.fr Édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . 27 rue Bouteille - 69001 Lyon 04 78 27 69 82 - www.kiblind.com Le magazine est diffusé en France. Liste complète sur www.kiblind.com. Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 20 pages pour la région Rhône-Alpes. ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Contact : redaction@kiblind.com
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INSTANT INSTA
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adirasova
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alexis.beauclair
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rocabalboa
viktorhachmang
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LE BULLETIN DE L'AUTOMNE
SCREEN SHOT Ce qu'il se passe sur internet, reste sur internet
Dans notre monde de performance, il était temps que les saisons et ceux qui les font reçoivent une juste sanction.
Jul et son Photoshop
Début novembre, le rappeur préféré de la France, Jul, présentait fièrement la pochette de son album à venir, L’OVNI. Et le pauvre chat s’est tellement fait moquer sur l’internet qu’il a dû changer. Bien que nous respections à fond son amour du DIY, force est de constater qu’il était allé un peu loin. → S’appeler François : 9/10
→ Faire caca dans l’espace : 4/10
Qu’ils soient nés il y a cent ans (Mitterrand), qu’ils soient chauds pour être présidents (Fillon), qu’ils le soient effectivement (Hollande), qu’ils n’aient aucune chance de le devenir (de Rugy) ou qu’ils n’aient pas à se poser cette question (le Pape), les François ont une grosse envie de voiture avec chauffeur.
À la mi-novembre, ce sacré Thomas Pesquet a fait rêver nos présentateurs de JT préférés, parce qu’il partait pour six mois dans l’espace. Ce qui est cool parce qu’il va voir la lune, être en apesanteur et manger des trucs lyophilisés. Sauf qu’il sera obligé de porter une couche pour les évacuer, en attendant les résultats du Space Poop Challenge lancé par la NASA.
→ Être un homme Gucci : 10/10
Il a beau avoir un cornet de glace tatoué sur la face, avoir influencé la majeure partie des sorties rap aujourd’hui, avoir passé deux ans et demi en prison et avoir demandé sa femme en mariage via une NBA kiss cam, Gucci Mane n’avait encore jamais été #1 au Billboard. C’est fait grâce à « Black Beatles », morceau en featuring avec les Rae Sremmurd. → Avoir une mèche : 2/10
Avec l’élection de Donald Trump, c’est toute une frange de la population qui a vu son savoir-faire millénaire se faire piétiner, sans même un regard. Les coiffeurs de tous les pays ont subi l’humiliation la plus totale, baissant le pantalon pour recevoir une fessée donnée par 61 201 031 électeurs.
→ Porter le bolo texan : 8/10
Les cowboys, ça reste quand même méchamment cool, surtout quand on est Ed Harris dans un monde où on peut flinguer tout le monde et où on peut boire de la gnôle avec Anthony Hopkins, le vieux éternel. Ça s’appelle Westworld et c’est la mégaproduction non ratée de HBO qui a encore réussi à nous étaler sur un canapé pendant 10 heures. → Être mort et célèbre : 1/10
C’est sûr, pour une célébrité, il y a clairement un regain de popularité à l’annonce de sa mort. Mais cela en vaut-il la peine ? Comment, dès lors que le phénomène de la vie n’a plus lieu, profiter des piscines intérieures et des héliports ?
Mini Metro
À tous les amis passionnés de sièges inconfortables brûlés au Zippo et de barres de maintien huilées au sébum : Dinosaur Polo Club a développé son jeu de transports en commun, Mini Metro. Ressources limitées, problèmes de flux, puzzle géant : vous ferez moins le malin la prochaine fois que le métro a du retard. Shia LaBeouf va bien
L’acteur américain aime beaucoup beaucoup faire n’importe quoi. Il peut être la star d’un clip de Sia, faire des discours de motivation, partir en road-trip avec des inconnus ou mater tous ses films en une fois. Là, en ce moment il rappe et clashe Drake, Vin Diesel, Lil Yachty et même JeanClaude Van Damme. Tout roule.
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COUVERTURES
Le Very Best Of Parce que toutes ces forêts ravagées par la presse papier méritaient bien qu'on leur rende hommage. Un petit peu comme une virée au MacDonald's qui se respecte un minimum, les gentlemen que nous sommes avons choisi le menu Best Of. Oh bien sûr, nous n'avons pas reçu tous les magazines du monde entier – ayant, par exemple, bêtement oublié de prolonger notre abonnement au Bhtuan Times. Néanmoins, et grâce à l'appui de sites comme Stack Magazines, Coverjunkie ou Gym Class Magazine, nous avons pu faire un petit tour de ce qui s'est fait de mieux cette année chez nos amis de la presse papier. Voici donc, à votre gauche, notre sélection extrêmement subjective et pas du tout exhaustive des meilleures couvertures de 2016. Si on retrouve les habituels Zeit Magazine, Süddeutsche Zeitung Magazin, The New Yorker, Libération, Time Magazine, Los Angeles Magazine, on s'est également laissé tenté par le nouveau venu Racquet, le très niché PM Magazine, le classieux The Gourmand, l'illustré 3x3 Mag, le français Feuilleton et l'incroyable percée américaine de PNL, en couverture de The Fader.
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CLIP Vite fait Les loulous de OK Go ne font pas de la super musique mais ils savent y faire pour nous la faire écouter : ils font des clips à peu près incroyables. Leur dernière vidéo pour le fade single « The One Moment », est une sorte de monument dédié à la prise de tête. Tout ceci pour ne tourner que durant 4,2 secondes et avoir un après-midi de libre pour jouer à Super Mario. Une technique subtile alliant plan séquence et slow motion que d'autres flemmards ont déjà utilisé. On compte parmi ceux-là le groupe d'Oslo While You Slept, qui ont passé 18 secondes sur le plateau lors du tournage du clip « Havoc » en 2013 ou encore Siska, qui détenait jusque là le record du clip le plus court du monde, réalisé en 5s. À tous ces vantards, nous préférerons toujours notre Bibie nationale et le spectaculaire plan séquence de « Tout doucement » tourné pendant une pause clope, on imagine.
— Matthieu Chiara
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LOGO-TYPES
? Occitanie
Pour des raisons sans doute louables, François Hollande a réduit le nombre de régions métropolitaines à 13. Mais le grand, le vrai plaisir de tout ça, c'est que cela a donné lieu à la création de 7 nouvelles régions et de 8 nouveaux logos. Les processus de création de ces nouveaux logos ont différé selon les régions, entre réalisation interne (Centre-Val de Loire, Auvergne-RhôneAlpes, Grand Est), travail d'agence (BourgogneFranche-Comté, Normandie), consultation ouverte peu ou pas indemnisée (Hauts-de-France et, a priori, Occitanie) et consultation ouverte peu ou pas indemnisée qui débouche sur une réalisation interne (Nouvelle Aquitaine). Du grand art.
Visuel : Riccardo Guasco
www.clermont-filmfest.com
Clermontferrandshortfilmfestival
@Clermont_Court ou #ClermontFF17
Photo : Thomas Chéné
Légendes Légendes Légendes Légendes Légendes Légendes
intro pictos
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Plantez donc ces monstres, limez vite ces longues , flinguez avec goût ces zombies. Discutez avec les dieux, caressez les dahus et mangez des . Vous ferez partie d’un grand tout. Car elles sont là, ces histoires, rassemblant le autour d’ , de princesses ou de chèvres à la patte plus courte que l’autre.
Légendes
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Les légendes font communauté, tout le monde les connaît – plus ou moins –, et chacun en récupère les qui lui plaisent. Elles sont un partagé dont les questions, utiles ou futiles, interrogent les comme les sociétés. C’est avec délice que nous avons plongé dans ce grand , faiseur d’universel.
Interview
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Jeune acharné du dessin luxuriant, rescapé d’une école de communication visuelle, Ugo Gattoni vit sa passion à fond dans son nouvel atelier au cœur de Montreuil. Entouré de ses potes, il dessine méticuleusement sur des feuilles géantes pour de grandes maisons (Hermès, Pierre Frey ou Ruinart). Son rapport au dessin, il le synthétise à la manière du héros de Cervantès, Don Quichotte : « il faut donner du temps au temps ». Et c’est tout simplement magistral.
Ugo Gattoni, légendes dessinées Tout a commencé en 2010 avec un rouleau de papier de 10 mètres de long, son ami Guillaume Singelin et leur projet Ultra Copains. Une énorme fresque bossée pendant 8 mois, remplie de blagues de potes. Puis Nobrow a édité le projet Bicycle pour les JO de Londres, Caravane Palace lui a demandé une pochette et un clip, le dieu Hermès s’est réveillé et Ugo a explosé. Motivé par ses rêves, inspiré par ses amis et ambiancé par ses pérégrinations, il est maintenant fin prêt pour un voyage cosmique aux pays des légendes.
Interview
Comment ça se passe ta relation avec la légende Hermès ? On a pris le temps de se connaître... Ils m’ont d’abord appelé anonymement. Ils voulaient me rencontrer par rapport au travail que j’avais fait sur Bicycle, édité chez Nobrow, sans trop savoir qui j’étais... Ils pensaient que j’étais un vieux type. On a mis six mois à échanger, juste des rendez-vous gratis sans rien, sans qu’ils me demandent quoi que ce soit. J’avais accès à leur cabinet de curiosités, la collection d’Émile Hermès, un truc de fou. Je dessinais là-dedans, j’avais des conférences de leur philosophe sur l’esprit de la maison... Et une fois que ça matchait et qu’on a eu un bon relationnel, ils m’ont proposé six mois pour faire un carré. C’était Hippopolis, sorti en 2015. Le thème était libre et je n’avais aucune contrainte, aucune. Du coup, j’ai pris un peu de temps à le réaliser. Il n’y a pas vraiment de deadline en fait et leur rapport au temps me
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convient très bien. Avec l’artisanat, le fait-main, ils ont l’habitude du temps long. Le court terme n’est jamais un impératif, le plus important c’est l’objet, soigner l’objet. J’en profite ! Mon dessin prend aussi un certain temps... Et la période de production est aussi très longue pour eux puisqu’ils reprennent entièrement mon dessin dans leur atelier. Le deuxième sort en janvier, mais là je travaille sur le cinquième ! C’est dire comme ça prend du temps. Je réalise un carré par an. Hermès, c’est vraiment une petite famille. On travaille directement avec PierreAlexis Dumas, le directeur artistique de la marque, qui est l’héritier de la maison. C’est le mec qui dit oui ou non. Et puis il y a leur studio de dessin. Le studio imagine des graphismes pour certains carrés qui s’ajoutent aux illustrations réalisées par une trentaine de dessinateurs Hermès, jeunes et vieux. On se voit parfois tous ensemble pour se faire une bouffe ou une expo.
Tu as le temps de travailler sur des projets plus personnels ? Depuis Ultra Copains, je bosse toujours sur des trucs perso. Ultra Copains m’avait pris une véritable année de production pour créer tout un univers. J’aimerais bien prendre du temps sur l’année à venir pour avancer sur un nouveau projet perso. Pour l’instant, c’est juste du storyboard. J’aimerais bien sortir un court-métrage maintenant que je suis plus à l’aise avec l’animation. Faire un gros court-métrage en pensant vraiment le son, l’univers et sortir des gros morceaux, des fresques tirées de l’animation. Faire aussi des volumes... Mon projet c’est
" Ma vraie référence reste mes potes. Ce sont eux qui m’inspirent dans mon dessin de tous le jours."
Ugo Gattoni
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" D'ailleurs, il y a un carré Hermès qui a failli se faire à partir d'une situation que j'avais rêvée. En l'occurence, j'allais sur la lune avec un tourteau géant qui volait et crachait des bulles. "
T'avais un projet sur la légende arthurienne non ? Ça m’a pris trop de temps, je me suis saoulé tout seul. On est partis trois mois à San Francisco avec Nicolas (Nicolas Rouyer, fondateur de Figure, qui partage son atelier, ndlr) et je devais bosser sur le projet, mais au final on a passé notre temps à faire la teuf et à profiter du pays… J’ai commencé une fresque que je n’ai jamais terminée. Mais je suis un ouf de mythologie, grecque en particulier. J’aime bien mélanger les inspirations. Pour le projet Pierre Frey par exemple, je revenais juste d’un voyage au Pérou au Machu Picchu. J’ai un peu bouquiné sur les légendes incas et tous les trucs de la Isla del Sol, et en recroisant les différents éléments qui me plaisaient, j’ai construit ma propre légende et j’ai écrit mon délire. Hippopolis, c’est pareil. Ces deux expériences m’ont fait vraiment kiffer l’écriture. Pour la cou-
Quelles légendes vivantes t’ont marqué ? Pour ce qui est des influences au niveau du dessin, j’avoue que j’ai toujours du mal à répondre à cette question. Je pourrais citer les grands noms de l’histoire de l’art mais je ne suis pas sûr que ça apporte grand-chose de citer Michel-Ange, Jérôme Bosch, Moebius ou Dali. Pour moi, ce sont simplement des grands maîtres, des talents immenses. Je ne cherche pas à aller plus loin que la surface de leur travail au risque de m’enfermer. En fait, je ne connais personne. Ma vraie référence, ça reste mes potes. Ce sont eux qui m’inspirent dans mon dessin de tous les jours. On s’entraide et on échange beaucoup, chacun dans ses domaines. J’aime bien faire des private jokes dans les dessins en mettant en scène mes proches. Jean Simon par exemple, qui est designer objet dans le même atelier que moi, je le dessine tout le temps vu qu’il est en face de moi. Dans les dessins pour Pierre Frey, on ne voit que lui ! Il a sa gueule sur les projets. Sinon, j’aime bien piocher dans l’architecture, dans les voyages, et aussi dans les rêves. J’aime bien noter mes rêves, me raconter des histoires à partir de ces situations fantasmées. D’ailleurs, il y a un carré Hermès qui a failli se faire à partir d’une situation que j’avais rêvée. En l’occurrence, j’allais sur la lune avec un tourteau géant qui volait et crachait des bulles.
Ultra Copains
verture de Kiblind, j’ai fait pareil ! J’ai juste imaginé un roi et une reine dans une planète défoncée, avec un trône-main.
Hippopolis pour Hermès
un voyage cosmique, donc peut-être des envolées de bateaux. Faire des bateaux en vrai. J’en rêve un peu. Là je vais prendre une grosse table et commencer à faire les grands formats. J’aimerais bien que ça donne naissance à un livre, dans l’esprit du bouquin inspiré du film avorté de Jodorowsky sur Dune. L’idée, c’est de caler un gros bouquin avec le storyboard, et toutes les histoires que je me raconte quand je dessine, car j’écris souvent. C’est sans doute plus d’un an de boulot. Je voudrais que ça soit un livre de recherche. De la première pensée jusqu’à l’aboutissement du dernier dessin.
interview et images Jérémie Martinez
Carnet de voyage
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Entretien avec un vampirologue
Jacques Sirgent est le spécialiste mondial des vampires, dont il collectionne toutes les traces dans sa maisonmusée hantée des Lilas. Reportage chez ce personnage aussi haut en couleurs que décoloré, quelque part entre le rouge et noir, les rituels funéraires et les rêves d'enfants, l'érudition et la prédication, les dents qui mordent et le cœur qui bat....
Entretien avec un vampirologue
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JACQUES SIRGENT s'intéresse aux vampires depuis l'enfance la plus tendre. « J’ai grandi dans un collège catholique irlandais au Canada où les élèves étaient fouettés, jusqu'au sang, lorsqu'ils posaient des questions auxquelles les professeurs ne pouvaient pas répondre. Puis j’ai été tabassé, presque à mort, par des gamines d’une école protestante concurrente pour qui le catholique était le démon.» Dans cette bonne ambiance, pas très Reine des Neiges, le jeune homme se passionne pour le mal et les figures qui l'incarnent, notamment le vampire, qu'il a toujours considéré comme très sympathique. Les vampires n'auraient pas attendu que le petit Jacques soit devenu grand pour mordre, à pleines dents, dans l'histoire du monde. « C'est la croyance la plus ancienne, la première idée dont on puisse prouver l'existence, 450 000 ans avant JC ». Toutes les références sont alors bonnes à prendre pour les raccrocher à quelques vieilles branches. À l'Antiquité, par exemple, on se mordait pour s'embrasser, alors que les sociétés regorgeaient de sansdents. Au Moyen-Âge, on déterrait les morts pour les manger, comme on irait chez Courtepaille. Quant aux Gaulois, ils ont inventé la bouteille et son meilleur corollaire une fois vidée de son vin rouge-sang : le "cadavre". Il existe une théorie persistante chez les amateurs de vampires, en confrontation directe avec les grandes religions monothéistes, selon laquelle la morsure serait une preuve d'amour. « Dans L'Imitation de Jésus-Christ, dont je possède 27 traductions, dont 3 intégrales, Pierre Corneille écrit "L'amour mord et tue", mais cela a été gommé de la plupart des versions. C'est la même chose chez Ovide, dont on étudie toujours Les Métamorphoses, mais jamais Les Amours, qui est pourtant le premier texte contre la violence faite aux femmes : On ne frappe pas une femme qu’on aime. On laisse sur son cou les traces de ses dents.. »
Carnet de voyage
Dans une autre vie, Jacques Sirgent fut d'abord enseignant, pendant plus de vingt ans, spécialisé dans la littérature et les langues bien vivantes. Il a même exercé dans les fameuses classes préparatoires du lycée Ginette, au coeur de la machine jésuite et de la société versaillaise. Collectionneur d'objets vampiriques depuis l'âge de dix ans, il profite désormais de sa retraite pour poursuivre ses recherches, probablement jusqu'à ce que mort ne s'ensuive. Être vampirologue, comme le qualifient généralement ceux qui parlent de lui, n'est pas de tout repos. Il faut : consacrer trois quart de son temps à l'écriture (essais historiques, articles spécialisés) / se laisser enfermer au Père-Lachaise pour faire de belles découvertes / chiner des ouvrages introuvables, chaque samedi, aux Puces de Montreuil / traduire la version intégrale de Dracula pour Flammarion, en prenant soin d'y inclure les contenus volontairement oubliés, issus du gaélique ou de langages codés / avoir un musée privé et alimenter une collection unique au monde. « C’est à l’âge de la retraite que je commence vraiment à bosser. C’est un peu ridicule... » Depuis 2005, aux Lilas, dans l'excroissance néo-bobo de l'est parisien, le Musée des Vampires et des Monstres de l'imaginaire doit tout à son nom et à son histoire, mais apparemment rien au hasard. Adossé au domicile de Jacques Sirgent, c'est un inexplicable cabinet de curiosités vampiriques, installé dans la plus vieille maison de la ville et l'ancien atelier de sculpture de son grand-père. « Il s'est suicidé dans le jardin, il y a 33 ans, pour rejoindre sa femme, décédée d’un cancer foudroyant. Comme il était chrétien, il a maquillé son acte en accident, en sautant de cet arbre... »
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Entretien avec un vampirologue
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Le Musées des Vampires n'est rien de moins qu'une pièce unique, aussi glaciale qu'une chambre froide, et un jardin attenant, pas vraiment exotique, surplombé par l'arbre mystérieux et un squelette authentique attaché de plein pied. Son propriétaire y raconte des histoires, à peine légendaires, en présentant chaque objet : la machine à écrire de Bram Stoker et la première édition de Dracula ; une boîte anti-vampires, d'origine romaine, avec tout le petit nécessaire pour les éloigner (la cloche, le miroir, le mercure) ; un chat momifié ; le portrait peint de Brad Pitt (Entretien avec un vampire) ; des dizaines d'ouvrages sans âge, dont le plus ancien date de 1654 ; l'édition limitée d'une pancarte publicitaire pour le projet, mort-né, d'un parc d'attractions roumain autour de Dracula.... « Je ne crois pas aux vampires mais je suis obligé de vous avouer que cette maison est hantée. Il y a quinze jours, par exemple, j'accueillais un groupe d'enfants, originaires de Vélizy et un gamin de 12 ans m'a fait une description chirurgicale de la manière dont mon grand-père était habillé, le jour de son suicide, en prononçant également une phrase qu'il me répétait en permanence... » Il n'y jamais de coïncidence dans la vie et l'espace de Jacques Sirgent. Comme ce morceau de tronc d'arbre, récupéré une nuit au Père-Lachaise, dans lequel un visage de femme se devine clairement entre les stries. Le lendemain de sa trouvaille, à quelques centaines de mètres, il découvre un tableau aux Puces de Montreuil, représentant... une femme se promenant dans un chêne ! « C'est troublant, non? Une vieille légende celtique dit, en substance, que les arbres poussent sur le tombeau des gens bons ; j'en ai dénombré une quarantaine, au Père-Lachaise, qui ont grandi dans des conditions presque surnaturelles... »
Carnet de voyage
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Le Musée des Vampires est un véritable gisement pour les guides touristiques et de nombreux médias internationaux, à l'image de la journaliste de Fox News, qui vient d'appeler et dont le propriétaire se délecte à l'affut du bon mot :« elle avait avec un accent irlandais à couper au couteau ! ». Aussi étonnamment que cela puisse paraître, il accueille également des enfants, à partir de 5 ans, envoyés notamment par les centres de loisirs de plusieurs communes franciliennes. La sortie culturelle se transforme généralement en séance de légendes à travers lesquelles l'inépuisable auteur se pose, régulièrement, en nouveau missionnaire : traqueur de monstres et chasseur de cauchemars... « Rêver de vampires, c'est toujours mauvais signe. C'est le seul point que je partage avec la psychanalyse moderne. » Jacques Sirgent est un adepte de la thérapie par les légendes, consistant à utiliser les figures imaginaires, notamment les vampires, pour diagnostiquer une violence ou surpasser une peur. « Je me souviens d'une petite fille à qui j'avais conseillé de cacher une bouteille, sous son lit, pour faire entrer le monstre qui l'empêchait de dormir. Ses cauchemars se sont arrêtés et elle décida même d'enlever le bouchon, certains jours, pour le faire respirer ! Croire aux légendes, cela permet de rêver, qu'il s'agisse d'une princesse ou d'un vampire. Personnellement, ce qui me fait le plus peur, c'est de chercher à l'empêcher, de dire qu'il n'y a pas de monstre dans la bouteille ou qu'un simple bâton ne peut pas devenir, dans les mains d'un enfant, une baguette magique. » Ainsi va la vie d'un vampirologue dans une sorte de croisement un peu mystérieux entre le ranch de Neverland, l'Établissement français du sang, les légendes urbaines et la conspiration généralisée. Contrairement à ses voisins de quartier, toujours un peu circonspects, Jacques Sirgent évolue ainsi dans un monde parallèle assumé dans lequel il est tombé amoureux d'une vraie sorcière, Clothilde, et relit toute l'histoire à grands coups de morsures. Comme à chaque visiteur, au moment du départ, nous pouvons choisir un livre de vampires, dont les stocks entiers dorment au fonds de la cave, entre un petit cercueil et une immense collection de 1 500 films. Seule ombre à l'affiche : la cape originale de Christopher Lee en Dracula demeure introuvable...
Texte : Gabriel Viry Photos : Thirty Dirty Fingers
Illustration : Justine Ravinet Pictos : Alizée Avice | Texte : Olivier Trias
Interlude : le Zombie
CARACTÉRISTIQUES Agressif, contagieux, flasque, émet une odeur fétide, lent ou très vif (c'est selon), se nourrit de chair vivante, toujours affamé, possède des capacités cognitives altérées, ne dort jamais, moche, teint blafard / mauvaise mine, ne parle pas, mais gémit, yeux blancs ou rouges, blessures mortelles et plaies ouvertes sur le corps, boite fréquemment d'une jambe.
APPARITION DU PHÉNOMÈNE - pandémie virale (le + fréquent) - un polluant (Dance of the Dead) - une arme chimique (Resident Evil, Flight of the living dead) - une malédiction ou un tour de sorcellerie (Dead Snow) - un phénomène astrophysique (Un horizon de cendres)
EN CAS D'ATTAQUE : LIEUX Trouver un endroit isolé (campagne, île déserte, forêt...) et éviter rigoureusement les grandes villes. Il est préférable d'opter pour ces départements sous-estimés : Creuse, Lozère, Ariège, Cantal...
EN CAS D'ATTAQUE : NOURRITURE En ces temps de disette, tout être vivant sera un met de choix. Toutefois, un chien errant peut se révéler plus utile dans la vie de tous les jours que dans l'estomac. Moyennant quelques caresses, il apportera protection et réconfort. Plus que jamais, NE PAS GASPILLER.
EN CAS D'ATTAQUE : DÉPLACEMENTS Préférer les véhicules silencieux, pour ne pas se faire repérer. Outre l'aspect éco-responsable, le vélo reste un moyen de transport agréable et pratique. D'autres préfereront les quads, le snakeboard ou la trottinette.
EN CAS D'ATTAQUE : ARMES Le danger étant partout, il est important de ne pas lésiner sur l'armement. Le silence est d'or, donc faire parler les haches, sabres ou battes de baseball... et être créatif : une table en bois, c'est potentiellement 4 battes.
EN CAS D'ATTAQUE : HÉROÏSME Se mettre en péril pour autrui n'apporte aucune reconnaissance notable. En temps de crise, la valeur refuge reste toujours l'égoïsme.
LE ZOMBIE — À l'origine, le terme zombie renvoie à la culture vaudou haïtienne, et définit un mort réanimé et sous le contrôle total d'un sorcier. Pour autant, le concept du zombie dans les œuvres de fiction tient davantage d'une vision des morts-vivants qui hante l'imaginaire occidental depuis au moins la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Dans la culture populaire, le zombie serait plutôt un cadavre animé, dépourvu de langage et souvent de raison, particulièrement anthropophage. Il arrive, aussi, qu'on puisse, le temps d'une soirée trop longue, lui ressembler étrangement.
CrĂŠations originales
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Alice Durand-Wietzel | Amazones alicewietzel.tumblr.com
CrĂŠations originales
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Amina Bouajila | Golem aminabouajila.com
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Avalon Lewis | Kraken avalonlewis.blogspot.fr
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Cristina Daura | Bloody Mary behance.net/cristinadaura
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Lilidesbellons | Loup-garou lilidesbellons.com
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Geoffroy Monde | Les 12 travaux geoffroymonde.com
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Thoka Maer | Adam et Eve thokamaer.com
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Matthias Picard | Loch Ness matthiaspicard.com
CrĂŠations originales
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Teddy Kang | Big Foot teddyteddykang.tumblr.com
Créations originales
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ALICE DURAND-WIETZEL
CRISTINA DAURA
THOKA MAER
On n’aurait pas dit, mais la Parisienne Alice Durand-Wietzel est toujours étudiante à l’Ensad. Sa maîtrise du dessin ou de l’impression riso invite pourtant à la croire un peu plus expérimentée. Mais que dire, il y a des gens comme ça, qui sont au-dessus. alicewietzel.tumblr.com
Dans le grand manège des illustrateurs d’aujourd’hui, Cristina Daura détonne tout à fait par son art de la composition graphique et de l’agencement des couleurs. Son style très comics nous a séduits, nous et d’autres personnes, parmi lesquels on citera It’s Nice That, Blackie Books, Nobrow, 3X3 Mag, Penguin Books, etc. cristinadaura.tumblr.com
La Berlinoise Thoka Maer, désormais new-yorkaise bon teint, se fait un plaisir de créer des illustrations et animations à la beauté déconcertante. Diplômée de la University of Arts de Berlin, elle œuvre pour le compte de Reebok, Sony, The New York Times, Vogue, Tumblr, etc. thokamaer.com
AMINA BOUAJILA
LILIDESBELLONS
MATTHIAS PICARD
Co-fondatrice de la revue Matière grasse, la fulgurante Amina Bouajila n’attend que la fin de ses études à la HEAR de Strasbourg pour devenir une star mondiale. En attendant, elle offre ses dons à des gens aussi bien que Retard Magazine, Influencia, Paulette, Milk Magazine et autres collègues. aminabouajila.com
Difficile de décrire fidèlement le style de Lili qu’il aime faire évoluer, contraindre et emmener vers d’autres horizons. Mais une chose est sûre, c’est qu’à chaque coup de gouvernail, la direction choisie est juste et bonne. La SNCF, Télérama ou encore les groupes Nobody Lalala et Perfectiming ne s’y sont pas trompés. lilidesbellons.com
L’ancien étudiant de l’ESAD de Strasbourg a fait un petit bout de chemin depuis ses folles années de jeunesse. En effet, son Jim Curious, sorti chez 2024, lui a fait faire le tour du monde. Du chemin, quoi. Il a ensuite enchaîné avec un projet maouss pour – M – et une merveille de zine auto-édité. matthiaspicard.com
AVALON LEWIS
GEOFFREOY MONDE
TEDDY KANG
C’est dingue comme un simple crayon à papier et un stylo Staedtler peuvent nous transporter dans des mondes enchanteurs. Si l’on ajoute une petite postprod à l’ordinateur, ça nous ouvre directement la porte de l’imaginaire d’Avalon Lewis, brillante étudiante aux Beaux-Arts de Toulouse. avalonlewis.blogspot.fr
Le Lyonnais Geoffroy Monde est de ce genre de personnes qui ne se satisfont pas trop de n’avoir qu’un seul talent. À l’humour et au dessin chiadé qu’on peut admirer dans ses livres pour Delcourt, Vraoum ou Vide Cocagne, s’ajoute celui de la musique incroyable, dans son groupe Attention. geoffroymonde.com
Teddy Kang a eu l’extrême gentillesse de nous envoyer son travail par mail et comme par hasard, nous avons trouvé ça fabuleux. Le feu d’artifice visuel offert par ce Sino-Canadien de Toronto est époustouflant, de par sa maîtrise chromatique et son sens de la perspective. Adobe Photoshop et 3X3 Mag l’ont d’ailleurs honoré d’un tas de prix. teddykangillustration.com
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Legend : le carton (pâte) de Ridley Scott Un film est comme un invité lors d’une soirée d’anniversaire. Parfois, il pensera bien faire en arrivant tôt, mais il sera trop en avance, et donc au mieux embarrassant, au pire ignoré des autres, trop occupés qu’ils sont à préparer comme il se doit le grand moment, le bon moment. Et s’il arrive trop tard, alors l’intérêt sera passé, ailleurs, évanoui. La conversation aura pris une autre direction, et se déroulera sans que son avis n’ait réellement la moindre importance. Ne jamais arriver en avance sur son temps. Ne jamais le perdre non plus. Il faut être au bon endroit, au bon moment. Et bien vendu. Tout ce que ne fut pas Legend en 1985. Réalisé par Ridley Scott, Legend conte la… ben la légende de Tom Cruise, alias Jack, petit homme un peu sauvage au sourire carnassier, qui doit se battre contre Darkness (Tim Curry), force du mal désireuse de tuer les deux dernières licornes du royaume, afin que les ténèbres s’abattent enfin sur le monde, et que la lumière disparaisse, le soleil étant son seul ennemi. Il y a aussi une princesse (sublime Mia Sara), des gnomes, un vent pas possible qui se lève à l’approche du danger… Legend est une anomalie en 2017, une anomalie de 1985, une anomalie dans la filmographie du papa d’Alien,
Nico Prat
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" Legend est une anomalie en 2017, une anomalie de 1985, une anomalie dans la filmographie du papa d’Alien, et dans celle du mec de Top Gun. " et dans celle du mec de Top Gun. Legend est aussi l’histoire d’un carnage, d’une production malmenée, d’exécutifs n’en faisant qu’à leur tête, d’un film dénigré par son acteur principal, qui transpire les années 1980, la fantaisie de ses camarades de l’époque, mais n’a pas le charme, au choix d’un Labyrinth. Legend ne figure dans aucun classement, jamais, qu’il s’agisse des classiques, des classiques oubliés, des meilleurs Cruise, ou même des pires Scott. Il y a le Legend de 1985, massacré par les pontes de la Warner, salement coupé et réédité, qui est celui dont nous nous souvenons, et qui fut, croyez-le ou non, vendu à l’époque comme un film pour les enfants, un conte de fées pour la famille, un rêve éveillé. Mais il existe aussi un director’s cut, paru en 2002, fidèle à ce que Scott avait en tête à l’époque, et vers lequel Tom Cruise lui-même redirige les fans. Ici et là, on peut lire que non, rien à voir, vraiment, cette nouvelle version démontre enfin tout le génie de Ridley, Mais en fait, tout le monde ou presque se fout de Legend. Pourtant, on peut se prendre à rêver (dans le sens imaginatif de la chose, non sous forme de souhait, vraiment, difficile d’aimer Legend et de lui souhaiter une quelconque deuxième vie) qu’aujourd’hui, les choses seraient différentes. La scène se passe en forêt, une forêt recréée dans les mythiques studios de Pinewood. Le décor est en carton-pâte, risible presque. Tout est faux, et cela se voit. La princesse court en criant le nom de Jack, toutes dents dehors. Le sourire est blanc, le pas est léger, ses mains maintiennent sa longue robe en l’air. Elle ne court pas tout droit,
non, mais opère de lents mouvements sans direction précise, allant ici, là, nulle part. Puis, Jack apparaît. Un Tom Cruise pas encore auréolé du succès de Top Gun et de Rain Man, mais de ceux, plus modestes, d’Outsiders et d’American Teenagers (1983). Il a le cheveu long, la joue sale. Il est simple, vit dans la nature, ne voit que la beauté de l’homme et des animaux sauvages. La princesse lui lâche du « Oh Jack » naïf, Jack sourit. Il lui montre les licornes. C’est beau, on dirait une publicité pour les produits laitiers de 1993. On se demande ce qu’on fout là, on se sent de trop, on crève d’envie d’éteindre son écran. On le fait. Cette scène est une douleur, une incompréhension. Elle le fut à sa sortie, et le reste encore aujourd’hui. Legend n’est pas un film qui vieillit bien, juste un film qui vieillit. Mais aussi un film qui mérite un regard neuf, tout du moins un regard vierge du souvenir de sa sortie originelle. Nous sommes donc en 2017, et le faux est partout. Les effets pratiques n’ont plus lieu d’être, la CGI est la norme, ne coûte plus rien, alors pourquoi s’embarrasser à créer une créature avec des limites physiques si notre imagination, elle, n’a aucune barrière ? L’un des cartons de l’année 2016 se nomme Le Livre de la jungle. Vous connaissez l’histoire, vous n’avez sans doute pas vu le film, et pourtant, il s’agit là d’une grande et belle aventure pour les nouvelles générations, mais aussi d’un excellent film, épique et familial. Un film réalisé sur du vide, aussi. Un seul acteur, trois fonds bleus, et rien de plus. Un film faux, qui ne peut être touché, qui ne peut être senti. Un film numérique. Tout ce que
n’était pas Legend donc. Mais comment le savoir ? Revoyez la scène de la forêt décrite plus haut, et voyez celles du Livre de la jungle montrant Mowgli, chez lui, au sein de sa famille adoptive (de loups). Les pierres, les arbres, la vie qui entoure les acteurs, ici créés sur un ordinateur, là en studio, ce sont les mêmes. Nous sommes en 2017, et nous sommes capables de créer du vrai, du physique, de la vie (pas de spoiler pour ceux qui n’ont pas encore vu Rogue One). The Hobbit, les relectures Disney, Guillermo Del Toro… Les metteurs en scène de légendes modernes et de mythes anciens ont désormais les moyens de nos ambitions, la possibilité de créer de petits miracles. Ridley Scott n’avait, en 1985, ni l’un ni l’autre. Cette scène, ce film seraient bien différents aujourd’hui.
Texte : Nico Prat Images : Klar
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La légende du dessinateur espion
Parmi les légendes de la bande dessinée, Serge Clerc tient une place importante. Des années 1970 à aujourd’hui, il a entretenu le roman de son œuvre autour de son surnom de Dessinateur espion. 40 ans de carrière, de dessin, de bande dessinée.
Basil Sedbuk
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" De petit nouveau à la rédaction du magazine, il devient vite un pilier de Métal hurlant. " Le jeune Serge Clerc quitte son Roanne natal en 1975, trop jeune pour conduire, boire, faire des choses pas très catholiques car le président Giscard d’Estaing n’avait, l’année précédente, abaissé qu’à 18 ans l’âge légal de la majorité. Que n’avait-il baissé un peu plus la frontière entre l’insouciance de la jeunesse dépendante de ses parents et la liberté de pouvoir tout assumer ? Toujours sous la férule officielle de ses parents, il débarqua donc tout de même à Paris, direction Métal hurlant, et tint à peu près ce langage : « Je viens voir Monsieur Dionnet, s’il vous plaît ! Je m’appelle Serge Clerc et je suis dessinateur ! » On n’envisageait pas encore de compiler ses dessins sous forme de magnifiques intégrales mais il avait déjà quelques crobards intéressants dans ses cartons. Il commence à faire des dessins pour le magazine édité par Les Humanoïdes associés, même si sa mère appelle entre-temps pour exiger, en vain, qu’on lui réexpédie son fils par le premier train. Des dessins, pas des illustrations ! Ne lui parlez pas d’illustration, il vous sauterait à la figure en vous éructant quelques sentences issues des mémoires d’un obscur philosophe serbo-germanique. Non, il n’illustre pas ! Ce sont les textes qui accompagnent ses dessins ! De petit nouveau à la rédaction du magazine, il devient vite un pilier de Métal hurlant où apparaîtront au fil de l’eau dessins et planches de bandes dessinées. Captain Futur, Phil Perfect, Sam Bronx, quelques jeunes femmes plus ou moins vêtues mais toujours pulpeuses égaieront les lectures des
jeunes gens modernes et l’humour de ses livres deviendra mythique par son décalage, sa créativité, son « nonsense ». Ce n’est pas seulement à la rédaction de Métal hurlant qu’il trouve l’inspiration. Sur le terrain, il est le Jack London de la bande dessinée rock, parce qu’entre-temps, il s’est réorienté vers le rock. Salles de concerts, bars, backstage et loges d’artistes sont ses deuxièmes maisons. Clash, Stranglers, Blondie sont ses nouveaux amis, proches ou moins proches, selon les récits. C’est son absence régulière de la rédaction qui lui donnera son surnom de dessinateur espion. Il y retrouvera tout de même ses héros devenus collègues, dont le plus grand selon lui, le maître Moebius. Il arrive encore aujourd’hui qu’au détour de quelques vernissages, on l’entende dire son admiration pour le père d’Arzach. On dit même qu’il lui aurait dressé un autel sur lequel il brûle quelques bougies en resserrant son cilice mais personne n’a vérifié. Au fil des années qui suivront, le trait de l’autodidacte Serge Clerc évolue. À ses débuts, ses influences se nomment Vaughn Bodé, Moebius, Tardi. Dessin au Rotring, crobards SF, héros fatigués en tenues de spationautes usées, créatures qu’on devine vertes, la navette spatiale toujours prête à partir vers une autre galaxie, quelques cocktails en poudre au frais dans la glacière intégrée au tableau de bord. Il passe ensuite par plusieurs phases qualifiables, dans le désordre, de ligne claire, de style atome, de période quasi Dada avec son trait à la Grosz.
Le costume croisé et l’imperméable prennent la place de la combinaison de l’espace et de la carapace globuleuse, l’automatique de Phil Perfect remplace le pistolet laser de Captain Futur. Ses fréquentations comptent parmi les tenants de la ligne claire française, Ted Benoit, Floc’h et Yves Chaland, mais aussi Loustal, Liberatore ; il entretient sa légende et dessine les légendes du rock, devient un temps le spécialiste de la bande dessinée biographique, ou inspirée des carrières des artistes musicaux modernes. Qui dit rock dit Serge Clerc dans les années 1980. Il commence aussi à travailler en parallèle de Métal à Rock & Folk, et traverse la Manche pour faire des dessins pour le NME. On se l’arrache entre les clubs de New York et les boîtes underground de Tokyo. Il en revient parfois avec des manteaux que la convention de Genève interdit pourtant. Avec son livre Le Journal, en 2008, il passe à un style quasi punk où la richesse graphique des planches se dispute avec l’abondance de détails qui volent dans tous les sens dans les cases qui racontent la fabuleuse histoire de Métal Hurlant. Punk, rock, on est dans la même veine ! Aujourd’hui, le Dessinateur espion se fait plus rare mais la légende est entretenue par les éditions Dupuis qui offrent au public des intégrales magiques sur lesquelles l’auteur planche pendant des mois pour retrouver les documents et les légender. Plusieurs centaines de dessins sont présentées dans chacun des trois ouvrages déjà parus, consacrés à Phil Perfect, au rock et à la science-fiction. Ils ravissent à chaque fois les amateurs du dessinateur et sont de merveilleux vecteurs pour la découverte de son univers et de la richesse de son œuvre.
Texte : Basil Sedbuk Images : Klar
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The Legend of Zelda : un jeu, un mythe, une légende Il y a toujours une parcelle de vérité, un événement avéré, qui signe l’acte de naissance d’une légende. C’est ensuite par le biais de la transmission écrite ou orale de cet événement que va naître, formidable distorsion, sublimation ou enjolivement à caractère souvent merveilleux, une dimension légendaire rendant la manifestation en question universelle voire éternelle. Encore à un stade balbutiant, le jeu vidéo du milieu des années 1980 est le lieu propice pour voir naître d’authentiques légendes à partir de lignes de code. Non seulement la créativité des inventeurs de jeux explorant ces inédites narrations interactives est galvanisée, mais l’austérité plastique de ces productions pionnières excite également l’imagination des joueurs foulant ces palpitantes contrées virtuelles. Des titres fondateurs vont profondément marquer et influencer les premières années du jeu vidéo familial, contribuant à hisser certaines productions au rang de légendes vidéoludiques. Courant 1987, une cartouche fait beaucoup parler d’elle en France tant dans les cours de récréation que les milieux interlopes de passionnés d’une micro-informatique familiale alors conquérante. Arborant une couleur dorée, la cartouche concernée détonne aux côtés des boîtiers gris qui constituent la logithèque de la console NES, cet objet ludique non identifié qui déboule en France deux ans après
Patrick Hellio
sa sortie américaine, elle-même survenue deux ans après le lancement nippon. Une machine qui, à coups de hits comme Super Mario ou Donkey Kong, entend bien redorer le blason des consoles de jeu, pour le moins écorné depuis le « krach » du secteur en 1983 qui faillit bien sonner son glas. Parmi les pépites associées à cette NES, une cartouche revient sans cesse dans les discussions, un titre qui titille immanquablement l’imagination de ceux qui ont pu l’approcher ou ont eu le plaisir de se faire conter les péripéties du héros, un elfe lancé à la recherche d’une princesse enlevée. Si le pitch pioche allègrement dans les lieux communs de l’heroic fantasy avec cette histoire de royaume d’Hyrule où Ganon, un tyran, prend le pouvoir et cherche à mettre la main sur une relique sacrée, la Triforce, le jeu de Nintendo surprend immanquablement. Non par la qualité de ses graphismes, une bandeson dispendieuse ou une surenchère d’animations sur la machine techniquement modeste qui l’accueille, mais par une richesse incroyable associée à une accessibilité hors pair. Un cocktail détonnant qui va faire la signature des grands succès de la firme nipponne, à mille lieues de nombreux jeux clinquants mais souvent superficiels qui tournent alors sur ordinateurs. On évoque au fil des discussions l’aventure que traverse Link, les donjons qu’il doit explorer et les ennemis qui se dressent sur sa route vers la princesse Zelda. Et puis, de plus en plus, on murmure que le jeu comprendrait d’innombrables secrets. Jouer un morceau de flûte devant un lac permettrait de l’assécher pour révéler un passage. La bougie dans l’inventaire aurait la faculté de brûler un arbre bloquant un chemin, arborer un bracelet magique ouvrirait quelque route dissimulée. De nombreux secrets seraient, dit-on, également accessibles à coups de pression sur des blocs de pierre ou
La bougie dans l’inventaire aurait la faculté de brûler un arbre bloquant un chemin, arborer un bracelet magique ouvrirait quelque route dissimulée... d’explosion de bombes. Le simple partage de ces pistes pour avancer dans le fameux jeu est un appel à l’imaginaire, y compris pour les pauvres bougres qui ne possèdent pas console et cartouche mais participent par procuration à la geste de l’elfe héroïque. Nintendo a conçu un jeu intelligent, malin et futé qui demande au joueur de se dépasser pour atteindre la dernière page de ce véritable conte interactif. Les rares aventuriers du paddle ayant eu la chance et le courage de terminer le jeu l’assurent : une fois le mot « fin » affiché à l’écran, il est possible de se plonger à nouveau dans l’aventure, proposée cette fois dans une configuration alternative. Il se dit même qu’entrer le nom de la princesse occupant les songes de Link comme identifiant au début de la partie permettrait de profiter directement de cette réalité altérée. Jouabilité tirée au cordeau, souffle épique portant une bonne dose de fantasme et d’imaginaire : une légende est définitivement née. The Legend of Zelda est dans un premier temps publié début 1986 au Japon sur une toute nouvelle extension pour la Famicom (la NES nipponne), le Disk System. Ce lecteur de disquettes ne rencontrant pas le succès escompté, le jeu est porté
sur cartouche au lancement de la console en Europe l’année suivante. Une cartouche couleur or, donc, et comprenant pour la première fois une pile de sauvegarde pour reprendre au même endroit une partie déjà débutée. Très riche, le jeu conçu par Shigeru Miyamoto et son compère Takashi Tezuka demande en effet de nombreuses heures pour livrer tous ses secrets. La légende veut que Shigeru Miyamoto, créateur en chef chez Nintendo et papa du sautillant Mario, se soit inspiré des balades d’enfant explorateur et curieux auxquelles s’adonnait ce natif de Sonobe, une petite commune rurale et verdoyante à quelques encablures de Tokyo. Il évoque notamment la découverte, pendant ses explorations, de l’entrée d’une grotte qui le fascine autant qu’elle le terrifie. Il lui aurait fallu des semaines pour réunir assez de courage, fabriquer une lanterne et finalement s’insérer dans l’étroite ouverture pour explorer le sinistre endroit. L’obscurité, la peur, mais aussi l’excitation de la découverte vont foncièrement marquer Miyamoto qui va s’évertuer à faire ressentir une sensation comparable au joueur de The Legend of Zelda, bien des années plus tard.
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Le titre est développé en même temps que le fameux Super Mario Bros, en compagnie également de Takashi Tezuka, sous le nom de code Adventure Title. Le jeu se présente comme une fusion de plusieurs genres traditionnellement cloisonnés : action, aventure mais aussi jeu de rôle pour une expérience totale. Avec son univers à explorer sur une multitude d’écrans, The Legend of Zelda a un parfum de jeu en monde ouvert qui laisse au joueur la liberté de ses explorations et actions. Loin d’être pris par la
main, il doit aller à la rencontre des personnages peuplant cet univers et s’accaparer progressivement le terrain de jeu, explorer donjons et résoudre les énigmes pour gagner. Une sensation de liberté vertigineuse à l’époque, un souffle d’aventure comme on l’aura jusqu’alors rarement ressenti manette en main, mais aussi une épique composition musicale signée Koji Kondo, voilà qui va consacrer The Legend of Zelda comme l’un des jeux les plus marquants de la console de Nintendo. Une authentique légende du jeu vi-
The Legend of Zelda (NES, 1987) Avant Le jeu fondateur, celui qui parvint à marier action, aventure et une petite composante jeu de rôle. Dans la peau de Link, il s’agit d’arpenter ce vaste monde empli d’ennemis, de donjons labyrinthiques et d’énigmes pour mettre la main sur la Triforce, sauver la princesse Zelda et le royaume d’Hyrule. Un jeu épique, une expérience inoubliable.
déo naît alors, destinée à connaître une prestigieuse descendance bravant temps et successions de technologies. Trente ans après, on continue au coin du feu de conter les exploits de cet elfe qui parvint à sauver le royaume d’Hyrule des griffes de Ganon et à donner ses lettres de noblesse au genre actionaventure né au milieu des années 1980.
Texte : Patrick Hellio Images : Klar
The Legend of Time : Ocarina of Time (Nintendo 64, 1998) Surdouée en 3D, la Nintendo 64 permet à l’éditeur de donner une nouvelle dimension à ses personnages phares. Après l’incroyable Super Mario 64, c’est au tour de Zelda de passer à la 3D avec ce volet qui remporte tous les suffrages à sa sortie. Jamais la sensation de liberté n’a été aussi forte qu’en chevauchant Epona dans ce volet. Plusieurs régions, des donjons cultes, une histoire jouant à merveille avec le temps : un très grand jeu.
The Legend of Zelda : A Link to the Past (Super Nintendo, 1992)
The Legend of Zelda : Majora’s Mask (Nintendo 64, 2000)
Ce volet marque l’arrivée de la saga sur la nouvelle génération de consoles de l’époque (Super Nintendo) et représente pour bon nombre le meilleur volet de la série. Tirant profit des capacités de la nouvelle console, Zelda III est un vrai plaisir autant à jouer qu’à regarder avec une réalisation intemporelle. Palpitant, cet opus met en place la notion de mondes parallèles que le joueur peut traverser.
Le volet le plus sombre, crépusculaire et tourmenté de la saga, mais aussi l’un des plus fascinants. Link se retrouve plongé dans le monde de Termina, au bord de l’apocalypse. Il vit et revit les trois derniers jours avant l’impact avec la comète destructrice dans un système de jeu en temps réel novateur pour l’époque. À l’instar du héros d’Un Jour sans fin de Harold Ramis, il faut du temps pour maîtriser tous les événements prenant place en quelques jours.
The Legend of Zelda : Link’s Awakening (GameBoy, 1993)
The Legend of Zelda : Breath of the Wild (2017, Wii U, Nintendo Switch)
Premier épisode de la série spécialement concocté pour une console portable, Link’s Awakening représente une splendide parenthèse. Alors qu’il débarque sur les berges de la mobilité, le héros de la saga se retrouve échoué sur l’île inconnue de Cocolint après un naufrage. Nouvelle contrée, nouveaux personnages : la grande aventure tient dans la poche et conserve toute sa superbe.
Attendu depuis des années, repoussé, appréhendé : Breath of the Wild est prévu pour courant 2017 sur Wii U mais aussi la prochaine console du constructeur, la Nintendo Switch. Donnant toujours plus d’importance à la notion de vaste monde ouvert, le titre devrait proposer des dizaines de sanctuaires à explorer et un univers plus organique que jamais. Link pourra notamment se livrer à de l’escalade pour explorer les moindres recoins de la carte.
Illustration : Justine Ravinet Pictos : Alizée Avice | Texte : Alix Hassler
Interlude : la Sirène
MYTHOLOGIE GRÉCO-LATINE Pour Ulysse ou bien Jason et ses potes, les « sirens » sont mi-femmes mi-oiseaux. Elles séduisent les marins grâce à leurs chants. Trop belles, trop bonnes, trop mélodieuses, elles sont assez démoniaques, forçant a minima les voyageurs à rester vivre avec elles ; au pire, les dévorant tout crus.
MYTHOLOGIE NORDIQUE Pour les Vikings, les « mermaids » sont mi-femmes mi-poissons. Là encore, elles sont de redoutables séductrices qui n’aiment pas beaucoup les marins. Même technique que leurs copines grecques : le chant mélodieux. La Lorelei allemande, assise pénard sur son rocher, attire les matelots qui voyagent sur le Rhin. Envoutés, ces derniers en oublient les courants et chavirent. La Margygr scandinave ou géante de la mer est quant à elle un vrai monstre qui dévore les ensorcelés.
LE GROS DOUTE Beaux et intéressants que tous ces récits mythologiques ! Mais une version beaucoup plus terre à terre affirme que les « sirènes » ne seraient en réalité que des lamantins ou des dugongs, animaux marins peu connus à l’époque des grands voyageurs. On vous laisse en juger.
CULTURE SIRÈNE PART 1 1403 En Hollande, deux jeunes filles découvrent une jeune femme nue et au bas du corps recouvert d'écailles, parlant une langue inconnue. La légende de « la sirène d’Edam » est née. 1493 Christophe Colomb, l’illustre navigateur, aurait vu trois sirènes près des côtes de Saint-Domingue, « mais elles n’étaient pas aussi belles qu’on les décrit… ». 1837 Hans Christian Andersen publie son conte La Petite Sirène. La légende moderne est en marche : la sirène n’est plus la terrible tentatrice mythologique mais devient une héroïne romantique, qui cherche l’amour. <3
LA THÉORIE DU PRIMATE AQUATIQUE Cette théorie a été élaborée par le biologiste marin et professeur de zoologie à l'université d'Oxford, Sir Alister Hardy. Il a développé l’hypothèse selon laquelle les ancêtres de l'homme moderne étaient adaptés au milieu humide. Ses arguments : notre graisse sous-cutanée, plus proche en quantité des mammifères marins, notre absence de fourrure, notre contrôle respiratoire… jusqu’à notre besoin en Oméga-3, matière première pour les tissus du cerveau, abondante en milieu marin.
CULTURE SIRÈNE PART 2 1989 Réinterprétation par les Studios Disney, La Petite Sirène voit naître sur les écrans Ariel, ses grands yeux, ses cheveux de feu et plein de rêves de petites filles sous l’océan. 21 août 2015 Britney Spears, toujours à la page, est notre sirène contemporaine, dans sa piscine avec ses kids.
La Sirène — La sirène est un être mythique dont le haut du corps est celui d’une femme et le bas celui d’un poisson ou d’un oiseau. Écailles ou plumes, ce petit écart morphologique dépend de la tradition à laquelle on se réfère.
Illustration : Simon Bournel-Bosson Texte : Maxime Gueugneau
Reportage graphique
La Légende du vide
La Légende veut que le centre de la France soit essentiellement constitué de rien. De vide. La Légende veut également qu’en ces terres dites désolées, il ne s’y passe pas grand chose. Pris d’une violente crise de surdité à l’encontre de ces fables, nous avons choisi de construire la nôtre d’histoire, en récoltant ce que Nevers, Moulins,
Montluçon ou Souvigny avaient à nous raconter. En buvant des coups, en parlant aux gens, ou en essayant de pécho une sirène, on a vécu notre propre légende, assis le cul entre le réel et le fantasmé. La seconde étape de notre petite aventure française se déroule donc sur les chemins mignons du Nivernais, du
Bourbonnais et du Berry, en suivant la mésestimée diagonale du vide, si chère à nos cœurs. Cette diagonale des centresville désertés, des jeunes déprimés, des centres commerciaux cosmiques, des soirées mémorables et des collectifs qui s’arrachent pour que ces territoires vivent. C’est là toute l’histoire que ce Nevers-Guéret nous a conté.
→ Nevers ( première partie )
Arrêtons tout de suite les mensonges. C’est mal et au même titre que la guerre, on n’aime pas ça. Alors, soyons francs : cette partie là de la diagonale ne nous est pas inconnue. Au moins la moitié de nous deux y a vécu une grande partie de sa jeunesse et chaque pizzeria, square
ou toilettes publiques sont l’occasion d’un violent flashback accompagné des plus vives émotions. Notre première étape, Le Donald’s Pub, en est un fier exemple : ses murs sont construits de nos souvenirs et chaque godet, chaque coin de table fleure bon la kriek et les
sentiments les plus émouvants. Le patron Thierry nous résume cela d’une phrase, « le Donald’s Pub, c’est le bar du dépucelage ». Ayant effectué le nôtre dans des temps forts anciens, nous laissons là le bar aux âmes romantiques et allons boire
à la fontaine de la culture du Café Charbon. Comme Jésus en son temps, nous traversons sans crainte le désert d’asphalte que constitue le Nevers du vendredi soir. Mais, comme lui, la soif d’humanité nous tiraille méchamment
et quand, au bout du tunnel, nous parvient la lumière du Café Charbon et de la soirée noise et féministe Big Up Girls, notre joie éclate, pure et intense. À peine le temps de perdre un tympan face aux fabuleux Japonais de Melt
Banana que déjà le concert tire à sa fin et qu’il nous faut, croit-on alors, tirer le rideau de la soirée neversoise. C’était sans compter sur sa jeunesse déprimée.
→ Nevers ( deuxième partie )
Qui dit jeunesse en dépression, ne dit pas forcément jeunesse sans solution. Après nous avoir fait part d’un dégoût certain pour la vie locale – et, au passage, avoir mis un brusque coup d’arrêt à notre euphorie post-concert -, deux jeunes gens rouillant sur un banc nous offrent un stage bonus dans le grand jeu de la nuit nivernaise. Ce dernier level est un bar à tendance discothèque, Le Cardinal. Autant le dire tout de suite, ce boss de fin de partie était trop fort pour nous. Mais, entre épanchements sentimentaux, nationalismes politiques et désœuvrements juvéniles, nous avons tout de même réussi à faire notre trou, donnant ça et là quelques coups de hanches bien sentis et tâtant le pouls d’un Nevers à rebours du Café Charbon et qui allie colère, hospitalité, football et whiskies secs.
De tout cela, Bernadette Soubirous – oui, la BFF de Marie, Lourdes, etc. – s’en moque bien. Bien calée dans son cercueil en verre, elle fait comme si tout ça n’existait pas, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et les mecs vivants autour, pareil. Sous le fallacieux prétexte d’une légende
chrétienne, nous trouvons en effet à Nevers le corps d’une femme, morte depuis près de cent-cinquante ans, exposé au tout venant, mais surtout à nous qui avons eu la formidable idée d’aller voir un cadavre. Et d’acheter, qui plus est, des cartes postales pour notre copain Martin. Mais où va le monde, bon sang.
→ Magny-Cours
→ Moulins
La passion du champignon, l’amour du carburateur. Magny-Cours est ce serpentin présent dans le cœur de tous les Français qui ont le permis. Lui qui s’est fait roulé dessus par Alain Prost, Ayrton Senna ou Michael Schumacher, est aujourd’hui effleuré par une course sans spectateur et à l’enjeu flou. Ce constat triste, amère a eu lieu là, comme ça, un samedi matin morne quoique partiellement ensoleillé. Une légende se meurt, nous la laissons reposer en paix. Car, oui, sous l’incessant ronflement des moteurs sportifs, l’appel de Moulins la belle se fait entendre. Il ne reste alors plus qu’une seule chose à faire : manger des chips, boire du coca et filer, filer, filer le long d’une N7 réenchantée par les tubes de Vibrations FM.
À dire vrai, Moulins nous déçoit. Était-ce une attente trop grande due à son statut de préfecture ou bien les souvenirs trop heureux d’une partie de notre duo ? Nous ne pouvons le dire. Toujours estil qu’entre une salade mauvaise et des
rues commerçantes qui n’en ont plus que le nom, nous nous trouvons devant une ville jolie mais symptomatique de ce qui se passe parfois, souvent, dans les endroits que nous croisons : le centre historique se fait manger par
des centres commerciaux périurbains. Moulins vient d’en acquérir un nouveau, type Dubaï-sur-Allier, Moulins dans le Nevada.
→ Souvigny
→ Commentry
Sans un mot, mais avec Kenza Farah feat Lucenzo dans les boomers, nous roulons vers le surnaturel. De fines recherches nous ont mis sur la piste de faits inexpliqués et inexplicables à Souvigny, capitale des Bourbons et très charmant village. Nous laissons toutefois les vestiges de l’église
Une clope dans le hameau de Gipcy plus tard, agrémentée d’une bonne vanne sur les Kings, et nous sommes sur la route de Commentry, le fond du trou. Déformée par les usines RhônePoulenc et une mine délaissée, la ville ne laisse à ses visiteurs que son passé communiste historique. Parmi les
→ Néris-les-Bains
prieurale aux touristes. Nous sommes journalistes, et en tant que tels, nous investiguons. Fort. Les récits de Anne V, ancienne propriétaire, sont formels et nous indiquent la présence de fantômes de moines – ou ce genre de trucs. On est chauds, on cherche. Et,
majestueuses statues d’ouvriers et les bars-tabac en pagaille, nous ne trouvons que les fables d’un passé grandiose qui ne reviendra pas. Du coup, on va chez les bourges de Néris-les-Bains. Touchée par la grâce des Dieux, la ville tient son fric des eaux thermales qui promettent à ceux qui s’y baignent une
soudain, alors qu’on scrute sans relâche les coins sombres de la basilique, une détonation se fait entendre : la vérité vient d’exploser en nous. Sommes-nous sérieusement en train de chasser un fantôme ?
jeunesse et une beauté éternelle. Ce miracle, que l’on doit à une Néréide, fille de Nérée, permet également à la municipalité de disposer d’un Casino. La bonne aubaine. Pour eux. Évidemment, nous ne sommes pas devenus riches et, bienheureusement, nous ne sommes pas morts en essayant.
→ Montluçon
→ Uriel
→ Guéret
Il était écrit que Montluçon serait le point d’orgue de notre voyage. Samedi soir, la fièvre monte et le Tex-Mex nous tend les bras. La population, cette nuitlà, se tient toute entière sur une distance de 50m, dans la rue Grande. Ça tombe bien, on en a marre de marcher. Le burrito se cale pile-poil dans l’estomac et côtoie bientôt les bières du Yogoro, du Perceval et du El Loco. Tout ce petit monde fait bon ménage et nous pousse gentiment vers un sommeil réparateur. Et puis ce fut le drame.
Partis, bêtement, à la recherche de la sirène Ikea – véridique - de Montluçon, nous ne la trouvons pas du tout puisqu’elle se trouve sur le parking fermé de la Cité Administrative. Mais ce que nous trouvons vaut peut-être plus que toutes les Ariel de la terre : deux étudiants bourrés. S’en suit une ridicule et majestueuse deuxième partie de soirée, faite de boîte de nuit gigantesque, de rhum
coca, de (très) élégants pas de danse et d’annonces d’anniversaire. Oui, la plupart de nos amis du soir n’ont pas 18 ans et ne prennent pas la mesure du chef d’œuvre créé en live par nos corps trémoussants. On les laisse à 6h du matin avec, sans aucun doute, des étoiles plein les yeux. Les nôtres sont plutôt remplis de croûte quand, au réveil, nous devons nous diriger vers la dernière étape de notre
voyage, Guéret, capitale mondiale de La Creuse. Que celle-ci nous excuse platement, nous ne lui rendrons pas justice. On pourra simplement dire que la sieste réalisée sur l’esplanade François Mitterrand aura été pour nous comme cette potion de vie qui, dans les meilleurs jeux vidéo, nous permet de survivre. Jusqu’à la prochaine étape.
Rétrographie
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Marques de légendes & légendes de marques
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Fruit défendu, déesse ailée et autres démons… Ce que les marques nous racontent pour nous faire parler d’elles.
Légendes de marques
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(1) Adam et Eve, Lucas Cranach, 1526
Si la légende raconte « ce qui doit être lu », le marketing quant à lui s’intéresse à « ce qui doit être vu ».
Récits extra-ordinaires, les légendes tirent leur singularité d’une origine lointaine, systématiquement empreinte de fantastique et par conséquent toujours invérifiable. C’est pourquoi il est difficile de les distinguer des mythes, contes, fables ou gestes à proprement parler « légendaires », et de les définir en tant que telles. Parce que tout comme ces autres formes littéraires, qui possèdent les mêmes caractéristiques de base, elles racontent une histoire porteuse d’enseignements : un acte héroïque, une valeur morale exemplaire, l’accomplissement d’un miracle… Bref, quelque chose de surhumain ; ce qu’avaient d’ailleurs très bien compris nos amis outre-Rhin dans les années 1940 (ça c’est pour le point Godwin, easy). Parfois, elles font référence à un passé glorieux, un âge d’or, un modèle lointain ; d’autres fois encore, elles puisent dans les mystères, l’inexplicable, l’épouvante et l’horreur, pour dissuader d’agir avec toute la force du contre-exemple, du mauvais sentier, de l’antihéros.
Historiquement, la legenda est « ce qui doit être lu » (adjectif verbal de legere, lire). Avec ce sens originel, elle s’intéressait à l’époque aux aventures des seuls hommes illustres dignes d’être magnifiés : les saints chrétiens. Ainsi on lisait chaque jour la légende d’un martyr, au coin du feu, afin d’éduquer les jeunes gens aux pieuses attitudes des maîtres passés. Car même si le récit était imaginaire, on disait qu’il avait été élaboré à partir de faits historiques réels… Tout ça pour distinguer le bien du mal, et apporter dans notre monde si athée et profane la dose de spiritualité ou de magie à laquelle il aspire tant. Et a minima : de hautes valeurs morales.
Si la légende raconte « ce qui doit être lu », le marketing quant à lui s’intéresse à « ce qui doit être vu ». Et comme on n’a jamais deux fois l’occasion de faire une bonne première impression, faut mettre le paquet, à commencer par un nom évocateur et un logo qui en disent long. Un peu comme une carte de visite impeccable et une paire de pompes bien cirées. En matière d’évocation, ce qu’une marque cherche à mettre en avant par-dessus tout, c’est ce qu’elle nomme justement ses « valeurs ». Quoi de mieux alors qu’une référence légendaire pour les porter bien haut, puisque tout est déjà contenu dedans ? Il n’y a qu’à choisir le bon nomen : héroïque, certes, mais héraut
Rétrographie
surtout.
Fruit défendu et rainbow flag Cultivant avec maestria l’art de la communication, Apple arrose mystérieusement ses prodigues pommiers dans son jardin défendu californien. Avec « amour » serait un bien grand mot pour qualifier la première entreprise mondiale ; disons avec méthode et une indiscutable maîtrise de son image. Mais quand on y pense, « pomme », estce que c’est bankable quand on veut
58 se lancer dans la high-tech ? A priori, moyen. Mais plus l’image est simpliste, plus la gamberge s’active, et cherche des interprétations du côté des symboles. Alors la légende s’écrit toute seule. Derrière la pomme d’Apple, certains ont tout de suite identifié le fruit défendu du jardin d’Eden(1), celui qu’Ève tend à Adam dans la Genèse et qui sera à l’origine de l’exil du couple primordial de ce paradis à tout jamais perdu. Elle en porte encore la morsure, comme la première pièce à conviction de l’histoire biblique, source des grands maux d’une humanité plongée dans
le péché et condamnée à l’errance terrestre. Pas très glorieux comme image. Mais sur un plan plus subtil, cette faute heureuse est justement l’étincelle qui enclenche le cycle de l’Homme, en lui prodiguant ce qui lui faisait précisément défaut alors qu’il n’était qu’une créature béate destinée à se satisfaire éternellement d’une existence purement édénique : la connaissance. Moralité : Apple apporte la connaissance aux Hommes, comme Prométhée leur donnait le feu, dans une autre histoire. Et ce dernier aura bien compris qu’il y a forcément un prix à payer : il suffit de voir combien
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« pomme+savant » : Newton est tombé d’un coup. En 1976 apparut donc la première image de marque de la future multinationale(2), à travers la mise en scène du grand univerJ’étais dans la phase chercheur sel appuyé contre l’arbre tenant la “pomme” de mon pomme de la chute régime végétalien. des corps, prélude au choc légendaire qu’allaient connaître le monde de la science et le crâne du physicien. On reste quand même dans le rationnel, de la communauté LGBT. Facile. dans le superlatif, dans l’illustratif un tantinet vieillot, accentué par le côté « hommage à la gravure du Pourtant, ni la légende biblique ni XVIIIe siècle » et souligné par l’insl’éloge à Turing n’a été confirmé par cription en drapeau. Trop pompeux Apple. Beaucoup plus prosaïque, sans doute pour Jobs, qui demanda Steve Jobs raconte à son biographe l’année suivante à Rob Janoff de Walter Isaacson, au moment de réfléchir à quelque chose d’autre… la rédaction du futur best-seller Back to basics, early basics, Janoff éponyme : « J’étais dans la phase proposa la simple pomme en flat “pomme” de mon régime végétalien. design telle qu’on la connaît encore Je revenais de la plantation de pomaujourd’hui(3). Mais sans la morsure, miers. Je trouvais ce nom sympaqui aurait été ajoutée au cours des thique et pas intimidant… » Élémenpremiers échanges marketing, pour taire. Et pratique, avec cet avantage donner un ordre de proportion et à peine déguisé de se positionner éviter qu’on la confonde avec une devant Atari dans l’annuaire. cerise. Quant à la gamme chroÇa, c’est pour le nom. Pour le logo, matique, elle visait à humaniser Ronald Wayne, son premier desl’ensemble, tout en annonçant les sinateur, s’est tapé sur la tête pour futurs écrans Apple II en couleur. trouver une référence fruitière Cette version demeurera inchanqui puisse être associée au secteur gée une bonne vingtaine d’années, technologique. Là aussi, il n’a pas dû jusqu’à l’apparition de la pomme avoir besoin d’un algorithme trop bleue dégradé en 1998 et ses vapoussé pour arriver à un résultat riantes monochromatiques toujours en activité(4).
Pomme + coûte le dernier MacBook… Moins religieux, d’autres ont vu dans la pomme croquée un hommage à Alan Turing, le grand mathématicien britannique considéré comme le père de l’informatique, célébré en 2015 dans le film de Morten Tyldum, Imitation Game. Porté au pinacle pour avoir décodé le code de cryptage Enigma qu’utilisaient les nazis (tiens, encore eux) durant la seconde guerre mondiale, Turing fut ensuite condamné à la castration chimique pour « délit d’homosexualité ». Humilié et brisé, il se suicida à 41 ans en croquant dans une pomme empoisonnée au cyanure, tout comme dans Blanche Neige dont il était littéralement obsédé, dira-t-on. Ce qui expliquerait les couleurs arc-en-ciel qu’a portées le logo de la firme de 1977 à 1998, en référence au rainbow flag
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HERMÈS
MARS
AMAZON
Sur l’Olympe des grandes marques, il y a les cadors, les darons, les purssangs. Quoi de plus légitime alors, quand on court dans la catégorie du luxe, que de se choisir un patronyme divin. Hermès, fis de Zeus et de Maïa, était le messager des Dieux, l’inventeur des poids et des mesures, le gardien des routes, protecteur des voyageurs et du commerce. Hermès, marque experte dans l’artisanat fin, la sellerie, la maroquinerie et les articles de voyage haut-de-gamme, s’est donc choisi un chantre à la hauteur de son art : évocateur du secteur par sa mission, et de la qualité par sa nature divine.
On pourrait dire que manger un mars, c’est s’attribuer immédiatement la force, la bravoure et le courage du dieu de la guerre ; surtout en cas de coup dur, d’où la formule logiquement élaborée : « un mars et ça repart ». Sachant qu’il y a autant de calories dans la barre chocolatée que dans un steak de 100 g, c’est pas idiot comme déduction. Pourtant il n’en est rien. Si Mars s’appelle Mars, c’est simplement parce qu’il a été créé par Monsieur Mars, Forrest de son prénom, en 1932… S’accommode volontiers avec 100 balles, comme peuvent encore dire des personnes nées avant 1980.
Difficile de trouver un rapport, si ténu soit-il, entre l’entreprise de vente en ligne américaine et les antiques guerrières au sein coupé vivant sur les rives du fleuve Thermodon. Sans doute est-il dans la flèche qui relie le A et le Z de cette grande librairie, flèche que les Amazones maniaient redoutablement, décochée comme un éclair et toujours dans le mille. Quelle chance pour les coursiers.
AUTRES MYTHES, AUTRES FABLES. DE NOMBREUSES MARQUES SONT ALLÉES SE CHERCHER UNE ORIGINE LÉGENDAIRE, UNE STATURE DE COLOSSE ET DES MORALES DE HÉROS, DU CÔTÉ DES MYTHES GRÉCO-ROMAINS. AVEC DES NOMS QUI CLAQUENT. ET MÊME, DE TEMPS EN TEMPS, DES DÉTOURS DANS LES FABLES OU LA CULTURE POPULAIRE. PETIT MEDLEY PUB, SANS PUB.
NIKE
STARBUCKS
MEPHISTO
Niké était la déesse grecque personnifiant la victoire, capable de se déplacer à grande vitesse sur le champ de bataille grâce à ses ailes. La Victoire de Samothrace de l’escalier du Louvre en donne le plus célèbre témoignage : vitesse et réussite, deux bonnes raisons pour le fabricant de baskets de s’approprier une particule de mythologie. Et ce jusqu’au logo et le fameux swoosh imaginé en 1971 par Carolyn Davidson, qui est une représentation stylisée des ailes de la déesse. Une autre légende raconte d’ailleurs que la graphiste, à l’époque étudiante, n’avait reçu que 35 dollars pour cette création. Un salaire modique, compensé en actions par son fondateur lorsque la marque gagna ses lettres de noblesse, à hauteur d’un million de dollars. Sympa.
Ici, il est question de légendes scandinaves, d’histoire de marins et de sirènes, de littérature de haute mer. Starbuck, c’est le personnage qui seconde le capitaine Achab dans Moby Dick ; son nom évoque la tradition maritime des premiers négociants en café et le vertige de ces grandes traversées. Au creux des vagues, certains voyaient des sirènes. Pas celles des compagnons d’Ulysse, avec leur corps d’oiseau, mais celles du Nord, avec leur double queue comme on les reproduisait dans l’art roman. Si bien que des historiens ont vu dans la sirène de Starbucks la maudite Mélusine, condamnée à cacher sa queue de serpent chaque samedi. Pourtant il ne s’agissait que d’une image visant à exprimer le mystère maritime, empruntée à une gravure sur bois du XVIe siècle.
L’Enfer est pavé de bonnes intentions, paraît-il, alors il faut être bien chaussé. C’est certainement ce que se sont dit les fabricants de Sarrebourg, lorsqu’ils ont choisi pour nom de leur marque « au confort incomparable » celui d’un démon du 7e cercle infernal. À moins que la semelle des chaussures Mephisto résiste aux hautes températures des flammes. Mystère. En tout cas, nul doute qu’il est question de l’esprit démoniaque invoqué par le Docteur Faust dans la légende germanique : le grand Méphistophélès, immortalisé sous la plume de Goethe et enchanté par les airs de Berlioz. Les cornes du logo et ses petits yeux rouges sont là pour attester que le diable ne s’habille pas toujours en Prada. So chic. Texte : Jean Tourette
Illustration : Justine Ravinet Pictos : Alizée Avice | Texte : Olivier Trias
Interlude : le Dahu
LOCALISATION Tous les massifs montagneux de France : Alpes, Pyrénées, Jura, Vosges, Massif Central. Cependant, 40% des dahus sont concentrés dans les Hautes-Alpes.
4 ESPÈCES RECENSÉES Dahu Dextrogyre : pattes plus courtes du côté droit, se déplace autour des montagnes dans le sens des aiguilles d'une montre. Dahu Lévogyre : pattes plus courtes du côté gauche, se déplace autour des montagnes dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Dahu Ascentus frontalis : pattes avant plus courtes. Dahu Descentus frontalis : pattes arrières plus courtes. IMPORTANT : Il est impossible pour des dahus d'espèces différentes de se reproduire entre eux. Excepté lorsqu'un dextrogyre et un lévogyre se rencontrent dans un fossé en V.
INFOS BONUS Il est interdit de tuer un dahu car c'est un animal en voie d'extinction. Avant de relâcher l'animal, il est important de le caresser dans le sens du poil durant quelques minutes, afin de le rassurer. Le cri de Chewbacca, personnage du film Star Wars, aurait été inspiré du cri légendaire du Dahu.
ÉQUIPEMENT DE CHASSE Les basiques Quechua : polaire, chaussures de randonnée, casquette de randonnée (avec nuque longue), tente « 2 secondes », tapis de sol et sac de couchage en fibres végétales. Un bâton, en bois de préférence Un grand sac de jute (pour l'aspect naturel)
CARACTÉRISTIQUES Animal ongulé, artiodactyle et ruminant. Entre le lama, le chamois, le bouquetin et le Déhu (Frédéric).
TECHNIQUES DE CHASSE Déséquilibrer l'animal : - Imiter le cri du dahu : attirée par ses congénères, la bête tente de faire demi-tour et perd alors l'équilibre. - Appeler l'animal : curieux par nature, l'animal ne peut s’empêcher de se retourner. Jouer sur son odorat, particulièrement développé : - Disposer du poivre sur de grosses pierres plates : quand le dahu vient à renifler le poivre, ceci le fait éternuer et s'assommer lui-même contre la pierre. - Disperser des petits bouts de chocolat Kinder pour attendrir l'animal gourmand et faciliter sa capture.
ALIMENTATION Baies sauvages, glands, châtaignes, pissenlits, herbes, etc. De manière générale, le dahu passe beaucoup de temps à ruminer.
LE DAHU — Animal sauvage vivant dans les zones montagneuses, le dahu se caractérise par le fait que 2 de ses 4 pattes seraient plus courtes que les autres. Une morphologie particulière, résultat de l'évolution, qui facilite ses déplacements à flanc de colline ou de montagne, mais qui l'oblige cependant à se déplacer toujours dans la même direction, sans pouvoir faire demi-tour. Suscitant une certaine fascination, les récits des péripéties liées à sa traque ont alimenté, avec un plaisir toujours renouvelé, les conversations de comptoir ou autres repas collectifs.
ELLE Lunettes | HENRIK VIBSKOV
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Artistes en légendes
Direction artistique : Baptiste Viry @ Klar / Agence KIBLIND Photographie : Thomas Chéné | Assistant photographe : Maxime Chanet Stylisme : Alix Devallois | Set Design : Camille Viry Make-up : Ludovic Cadeo @ Backstage | Hair : Sergio Villafane Models : Ingvild @ Girl, Thomas Ozkok
ELLE Top fines bretelles | HARPO Chemise | SANDRO Pantalon | GIOIA SEGHRES
LUI Robe troué porté en pull | SAMSOE&SAMSOE Pantalon chino | CRÉMIEUX ALICE DURAND-WIETZEL | AMAZONES (p.32)
ELLE Robe bleu | MONKI Robe blanche | SANDRO
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ELLE gauche Top rose | TOSHOP UNIQUE Pantalon | JEAN PAUL LESPAGNARD LUI Veste longue moutarde | POMANDERE UGO GATTONI | JUPITER (couv)
LUI Casquette | ARIELLE DE PINTO Chemisette | SAMSOE&SAMSOE Pantalon | SAMSOE&SAMSOE Medaillon | BUILDING BLOCK ELLE Top rose | TOPSHOP UNIQUE CRISTINA DAURA | BLOODY MARY (p. 35) ELLE Ã gauche Lunettes | HENRIK VIBSKOV Veste | LEO Pantalon | JEAN PAUL LESPAGNARD Bracelets de cheville or et argent | VIBE HARSLOEF Chaussures en crochet | ARIELLE DE PINTO
ELLE Lunettes | HENRIK VIBSKOV AMINA BOUAJILA | GOLEM (p. 33) Veste | LEO
Outro
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t s i l y Pla s e d n Lége
Morceaux un tantinet cools qui ont l'avantage de faire référence à des légendes
Konji Kondo – Zelda's Ocarina Of Time (1998) The Cranberries – Zombie (1994) Drexciya – Vampire Island (1997) Barrington Levy – Robin Hood (1980) Diane Tell – La Légende de Jimmy (1990) Mai Lan – Le Dahut (2012) Sefyu – La Légende (2006) Hercules & Love Affair – Athene (2008) Françoise Hardy – Chanson de la Sorcière (1979) Bobby Bare – The Mermaid (1973) Yeti Lane – L'Aurore (2016) Z-Ro – Legendary (2016) Carlos – Je rêve des petits hommes verts (1978)
3'14'' 5'06'' 3'26'' 4'02'' 3'35'' 4'06'' 5'11'' 4'00'' 4'10'' 3'21'' 3'34'' 3'38'' 3'02''
Bonus Track Bonus Track : Monty Python – Always look on The Bright Side of Life (1991)
3'33''
Ghost Track Ghost Track : Il Était Une Fois – J'ai encore rêvé d'elle (1975)
3'40''
Sélection 2/2
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magazine
L’Incroyable Magazine REVUE L’adolescence est une période merveilleuse de la vie où rien n’est grave mais où tout peut s’avérer décisif. Entre candeur enfantine et ambition adulte, l’adolescent est cet être coincé dans une zone d’inconfort où son corps crie son indépendance quand la société la lui ravit. À cet âge interstitiel, Clotilde Viannay a choisi de rendre un hommage vibrant sous la forme d’une revue monographique annuelle. Oh la belle idée, serait-on tenté de dire. En réalité, L’Incroyable Magazine est encore mieux que ça. Après un premier numéro consacré à l’éternelle Juliette Greco, l’annuel s’est mis à nous draguer franchement en accordant ses faveurs à la jeunesse de Jim Shaw. L’illustre illustrateur, peintre, sculpteur, vidéaste est de ces petites pépites que seule l’Amérique est à même de nous fournir. De cela L’Incroyable est évidemment au courant. Il en profite d’ailleurs, le petit malin. Parce que retracer la jeunesse de Jim Shaw c’est aussi retracer la splendeur et la gloire d’une contre-culture qui explose à la fin des années 1950 pour briller tout au long des 60’s et 70’s, une culture de l’underground qui règne toujours en maître dans les fantasmes de nos activistes actuels. S’intéresser à Jim Shaw c’est aussi
d’intéresser à un artiste qui a su analyser mieux que beaucoup la psychologie américaine de ces années charnières. L’Incroyable #2 scrute donc ces années-là avec un brio certain, en prenant appui sur la pierre angulaire Jim Shaw au travers d’une interview fleuve, pour sauter de marche en marche et englober l’ensemble des obsessions du Californien. Que ce soit en digressant à l’envi sur le mysticisme hallucinogène et/ou sectaire de ces années, en interviewant ses proches de l’époque comme Tony Oursler et Cary Loren ou en allant à la rencontre du dessinateur hippie Gilbert Shelton, la revue de Clotilde Viannay entend restituer l’humeur d’une époque pour l’accorder au travail de cette figure culte de la contre-culture américaine. Et si, en plus, ce récit est agrémenté du travail actuel de Golgotha, Jérémy Piningre ou encore Joan Braun, alors la coupe est pleine et la réussite outrecuidante. M. Gueugneau
L’Incroyable #2 sortie fin octobre, 170 pages, 15 €
lincroyable-magazine.com
Sélection 2/2
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Histoire croûtes ILLUSTRATION Oiseaux rares au Pôle emploi, représailles complètement à l’ouest et crise de la quarantaine aux confins de la galaxie… Quand il ne gribouille pas les trop sérieux papiers de Leumonde.fr, Marchalot en raconte de bien bonnes. Après Une Vie de famille agréable, il rempile chez les Requins Marteaux avec huit récits tout droit sortis des planches numériques de ce cher Professeur Cyclope. Du western au polar, ce grand manitou de l’absurde se frotte à tous les genres pour mieux en dynamiter les conventions. Le comité d’Angoulême ne s’y est pas trompé et a glissé illico l’imposant recueil dans sa sélection officielle 2017. Fauves ou pas fauves, en couleurs ou en noir et blanc, les histoires plus croûtes sont à n’en pas douter les plus savoureuses Simon Boileau / @lesaisai
Histoires croûtes , d’Antoine Marchalot, paru le 08.11 chez Les Requins Marteaux, 564 pages, 25 € lesrequinsmarteaux.com
Devenir un expert du Rakugaki
Sauvage ou la sagesse des pierres
MODE D'MPLOI Soyons francs. Qui n’a jamais rêvé, dans les soirées les plus chic, de pouvoir se targuer de maîtriser le Rakugaki ? D’une part, parce que le japonais ça en jette et, d’autre part, parce que le Rakugaki est l’art du gribouillis, autrement dit la façon la plus simple et la plus commune de créer un monde. Cet appel populaire, les éditions B42 l’ont entendu et rééditent le best-seller de Bunpei Yorifuji, petite merveille de manuel tendant gentiment vers l’absurde. Pour que tout le monde, tout le temps, soit fier de cet étonnant désir humain : dessiner.
AVENTURE Un couple part en excursion en forêt. L’amour. La mort. La nature. En (très) résumé, voici ce dont nous parle Thomas Gilbert dans Sauvage ou la sagesse des pierres. Un conte écologique, une fable qui, loin des images d’Épinal, transporte un lecteur, séduit et angoissé, dans une nature hostile, sauvage, majestueuse qui reprend le dessus. Un roman graphique, parfaitement maîtrisé, illustré au fusain noir, avec quelques touches de rouge qui soulignent les émotions, dangers et objets de fascination, des plans serrés et des planches entières pour questionner et fasciner.
M. Gueugneau
Delphine Zehnder
Devenir un Expert du Rakugaki de Bunpei Yorifuji, sorti le 21.11 aux Éditions B42, 180 pages, 20 € editions-b42.com
Sauvage ou la sagesse des pierres de Thomas Gilbert, sorti le 21.10 chez Vide Cocagne, 300 pages, 25 €. videcocagne.fr
Sélection 2/2
Same thing happened this night
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Pli
RISO Is it a bird, is it a plane ? On se pose un peu cette question en découvrant ce nouvel opus de la pétillante dessinatrice franco-suédoise, Rebecka Tollens. Imprimé en risographie par l’atelier Césure, c’est une œuvre précieuse, entre poésie et rapport de rêve, un univers étrange et fantastique dessiné au crayon, qui mettra en bouche avant l’exposition de l’artiste à la Galerie Arts Factory fin janvier.
REVUE Pensez donc. Une revue capable de mêler avec brio le graphisme, l’édition, l’architecture et l’illustration. Le charme a évidemment fonctionné. Véritable objet conceptuel, la revue de Christopher Dessus parvient à dissoudre la forme dans le fond, effectuant nombre d’allers-retours entre le sujet et la mise en page, le thème et le graphisme. Une prouesse remarquable rehaussée par la qualité des auteurs convoqués, que ce soit pour le texte (Benjamin Aubry, Ruedi Baur, Cigdem Talu, etc.) ou les illustrations (Atelier Bingo, Lisa Laubreaux, Twice, etc.)
Basil Sedbuk
M. Gueugneau
Same thing happened this night), de Rebecka Tollens, sorti le 01.12 chez Atelier Césure, 12 pages, 20€
Pli #2, sortie le 22.09, 284 pages, 25 € Appel à contributions en cours pour le prochain
atelier-cesure.com
plirevue.com
Duchamp Marcel, quincaillerie Benoît Preteseille est l’un de ces amants attentifs. Marcel Duchamp, dont il livre ici une biographie illustrée, est l’un de ses amours, qu’il traite avec une tendresse qui n’empêche aucune lucidité. Son trait fin mêle une grâce simple à cet ouvrage à la subjectivité affirmée et à l’érudition nourricière. Duchamp Marcel, quincaillerie de Benoît Preteseille, sortie le 14.11 aux Éditions Atrabile, 144 pages, 19 € > atrabile.org
Tulipe
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Friture Le collectif Matière grasse aime beaucoup l’huile. En guise de déclaration, le voilà qui sort Friture, revue de type gigantesque (31 × 44 cm) qui invite Laura Ancona, Matthieu Chiara, Amina Bouajila, Eleonor Kopka et Peter Allen à produire, dans une double-page sérigraphiée, un univers foisonnant. Friture , revue collective, sortie le 16.12 chez Matière grasse Éditions, 12 pages, 15 € > facebook.com/matieregrasse
Papier Magazine
L’ours Tulipe vit dans une maison à la campagne et côtoie des serpents, des oiseaux, des cailloux et des arbres. De cet environnement restreint, il fait un monde propice à la philosophie et à la poésie candide. Sophie Guerrive recrée là une Mafalda des temps nouveaux, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Aucune sorte d’article ne viendra gâcher l’admiration des œuvres inédites – ou rares – proposées par Papier Magazine, revue d’illustration lancée par Dimanche Studio. Parmi les 39 artistes au poil du premier numéro, on retrouve Jean Jullien, Maxime Mouysset, Louis Granet, Cynthia Kittler, Yoko Honda ou encore Hugo Moreno.
Tulipe, de Sophie Guerrive, sorti le 16.11 aux Éditions 2024, 160 pages, 15 € > editions2024.com
Papier Magazine #1, sorti en octobre chez Dimanche Édition, 62 pages, 20 € > dimanchestudio.com
Sélection 2/2
75
Musique
69 INDIE ROCK Réunis il y a deux décennies autour de la formation post-punk Sloy, les précurseurs de la noise à la française Armand Gonzalez et Virginie Peitavi sortent Heroic, le nouvel album de leur duo 69. Avec ce troisième élan frappé de sonorités sèches et brutes comme du béton froid et flirtant avec les pulsions tayloriennes de la musique industrielle, le tandem extrait la new wave contemporaine de ses artefacts commerciaux. Se dandinant à l’occasion comme une méharée lugubre et mécanique, la rythmique minimale et répétitive assoit le jeu de guitare baritone dans une rigueur cartésienne qui supporte les stridences d’un Moog des années 1980 et l’écho des chants doublés. Solidifié par trente ans de synth-punk engagé, Heroic réunit l’expressivité de ses aînés et la qualité de la production actuelle. Ted Supercar
Heroic de 69, sorti le 30.11 chez Le Turc Mécanique leturcmecanique.bandcamp.com
François Virot POP Huit ans à attendre le deuxième album de François Virot, qu’on se le dise, c’est longuet. Heureusement, on n’est plus fâchés et on a même dégainé le drapeau blanc lorsque l’on a entendu les neuf morceaux de Marginal Spots. Enregistré comme à la maison à HLM Villeurbanne, le second effort du Lyonnais nous livre une pop lo-fi enjouée et pleine d’optimisme où batterie ardente et doux bruitisme s’acoquinent pour finalement se retrouver directement placés sur l’étagère du sacro-saint label Born Bad. Elora Quittet
Marginal Spots , de François Virot, sorti le 09.12 chez Born Bad. bornbadrecords.net
Anna L’année 2017 aura au moins pour elle de voir s’épanouir le troisième album du Tourangeau Anna. C’est déjà ça de pris, puisque son May est un concentré fidèle de la fausse légèreté d’Anna, bourré de petites merveilles pop expérimentales, toujours construites avec l’air de ne pas y toucher. May d’Anna, sortie en février chez Howlin Banana Records. > howlinbananarecords.bandcamp.com
Doing It in Lagos Après une réédition bienvenue du Sound President Odion Iruoje, les Anglais de chez Soundway continuent leur petit tour des 80’s nigérianes avec une compilation en forme de remise à niveau costaude. 21 titres rares et inédits d’une disco clinquante et éclatante, reflet d’une jeunesse qui redécouvre alors la liberté. Doing It in Lagos, compilation sortie le 09.12 chez Soundway. > soundwayrecords.com
Sélection 2/2
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Musique
Habibi Funk
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Manon Raupp
Alech de Carthago, sorti le 02.12 sur Habibi Funk habibifunkrecords.bandcamp.com
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AB Records 2017
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Jaune de Jaune, sorti le 01.01 en vinyle chez La Souterraine > souterraine.biz
KCIDY
DISCORIENTALE Le Berlinois Jannis Stürtz a créé l’an passé Habibi Funk, une branche de son label Jakarta dédiée aux rééditions d’albums soul et funk arabes des années 1960 à 1980 découverts au gré de ses voyages. Après Fadoul, Abdou El Omari ou encore la géniale « Musique originale de films » d’Ahmed Malek, c’est au tour des Tunisiens Carthago. Toutes ces sorties, accompagnées notamment de photographies inédites, dépoussièrent un syncrétisme musical incroyable, entre jazz, psychédélisme, disco et mélodies orientales.
Non, Jaune ne sort pas de nulle part et ça se sent. Batteur de Frànçois & The Atlas Mountains, il a, comme ses petits camarades, un sens certain de la pop lunaire et désarmante. Son premier album éponyme, sorti sur l’inévitable La Souterraine, est une petite délicatesse qui fait un bien fou.
KCIDY Dans la belle famille lyonnaise d’AB Records, la fille prodige se nomme donc KCIDY. Après deux EP en guise de tremplin, Pauline Le Caignec nous souhaite bonne année 2017 avec son premier album, Lost in Space, sorte de master class de ce que doit être la pop indé d’aujourd’hui. Lost in Space de KCIDY, chez AB Records, sortie le 10.01 > abrecords.bandcamp.com
Les Marquises
Marbled Eye
Depuis Lost, Lost, Lost, premier album paru en 2010, JeanSébastien Nouveau se plaît à faire des Marquises sa terre d’expérimentations pop, jazz ou rock, au gré de ses inspirations. Maître de l’orchestration, docteur ès mélodies, il continue son grand œuvre évolutif sur A Night Full of Collapse, cathédrale subtile élevée en l’honneur de la mélancolie.
Le vraiment super-label parisien Gone With the Weed n’a pas l’air de vouloir en finir avec les sorties qui dépotent. Pour leur dernière, ils sont allés fouiner du côté de la Bay Area et d’Oakland pour nous dénicher le groupe garage-punk Marbled Eye qui pose là une musique d’une spontanéité non dénuée d’une certaine mélancolie.
Les Marquises, A Night Full of Collapse, sortie le 03.02 chez Ici, d’Ailleurs > icidailleurs.com
Jefferson Aircrash L’Italien Jefferson Aircrash a non seulement le calembour facile, mais également un CV pas dégueu en matière de VJing. Mais il faut bien se rendre compte qu’il excelle également dans la construction d’une techno sombre mais pleine de doigté, comme le prouve son excellente et dernière cassette Large Hadron Collider, sortie chez les Parisiens de Hylé Tapes. Large Hadron Collider de Jefferson Aircrash, sorti le 16.12 chez Hylé Tapes. > hyletapes.bandcamp.com
Marbled Eye EP de Marbled Eye, sorti le 12.12 chez Gone With the Weed. > gonewiththeweed.bandcamp.com
Pierre & Bastien On le sentait faiblard, avec sa face pâle et ses jambes tremblantes. Mais après deux albums et une flopée d’EP de Pierre & Bastien, le punk français va beaucoup mieux. Et les trois Parisiens n’en ont pas fini avec leur cure de Juvamine et Musique grecque, leur nouvel album, leur file un nouveau coup de pied au derche. Musique grecque de Pierre & Bastien, sortie le 20.01 chez SDZ. > sdzrecords.free.fr
cinecou tanime
Illustration et création graphique : Clément Lefèvre
Sélection 2/2
78
Graphic Design Festival Paris
11 jan › 22 fév 2017 graphicdesignfestival.paris
Graphic Design Festival Beautés manifestes
Bordeaux Rock Rock’n’Roll, baby
Black Movie Œuvres au noir
La 1er Graphic Design Festival entend bien remettre la création graphique au cœur de notre environnement avec un affichage dans l’espace public, une exposition géante au Musée des arts décoratifs et une semaine d’événements divers et beaux.
L’hiver, Bordeaux se penche sur la face rock’n’roll de la vie, et se prend la claque méritée pour une telle attitude. La 13e édition de Bordeaux Rock ne fera pas exception avec Eagulls, Rendez-Vous, Michel Cloup ou en Débruit.
Genève fête pour la 18e fois les films indépendants venus de partout dans le monde. Une sélection toujours judicieuse qui mêle cette année Na Hong-jin, Werner Herzog, João Pedro Rodrigues et Amat Escalante entre autres joyeusetés.
avec le soutien de Ouest affiches
25.01 > 28.01 – Bordeaux
11.01 > 22.02 – Paris
20.01 > 29.01 – Paris
Festival international du court-métrage Cinéma sur mesure
La bien-aimée Biennale du design s’articule cette année autour du travail et de ses mutations. Elle pourra s’enorgueillir, pour traiter ce thème, d’accueillir des gens aussi beaux qu’Alain Damasio, Ilona Gaynor ou encore Xavier Wrona, mais également de rendre hommage à Detroit.
Situé – au moins – sur le podium des plus grands festivals de courts-métrages au monde, le rendez-vous clermontois est un passage obligé pour tous les amateurs de 7e art avides de connaître le futur de la profession. Compét’, projections, rencontres, apéro, tout y est.
09.03 > 09.04 – Saint-Étienne
03.02 > 11.02 - Clermont-Ferrand.
Visuel : Riccardo Guasco
Biennale internationale design Futur dans le passé
Astropolis d’Hiver Actions et réactions Le vétéran des festivals électro en a encore sous le coude. Il s’apprête à balancer une édition d’hiver bourrée d’actions culturelles et au programme tout à fait chaleureux : Fatima Yamaha, Robert Hood, DJ Stingray, Helena Hauff, Le Turc Mécanique, Omar Souleyman, etc. 16.01 > 22.01 - Brest
Événements
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PIFPM 2017 Les Portes de la perception
Sonic Protest Activisme sonore
Paris aime le psychédélisme et le PIFPM le lui rend bien. 4e édition pour l’excitant Paris Psych Fest qui invite cette année The Dandy Warhols, The KVB, Noir Boy George, Fai Baba ou encore Traams. 03, 04 & 05.03 – Paris
présente
Le Sonic Protest sert avec justesse la cause de la musique exigeante et excitante, avec cette année Nurse with Wound, Ghédalia Tazartès & Low Jack, The Flying Luttenbachers, Heimat, le reformation de This Heat, The Nihilist Spasm Band, etc. 11.03 > 26/03 – Paris
Pavillon Jeunes Talents/ FIBD d’Angoulême Fontainedejouvence Depuis plusieurs années, Angoulême protège ses petits avec le Pavillon Jeunes Talents qui accueille l’exposition des lauréats du concours du même nom. On y apporte notre gros soutien et on s’occupe de la fête. 26.01 > 29.01 – Angoulême
Mirage Festival 5e Edition
(Im)matérialités
musiques &
(science)-fiction
SAISON #4
FRENCHY BUT CHIC ALINE . CLÉA VINCENT . THE FLYING PADAVONI’S LES SOUCOUPES VIOLENTES . HOMMAGE à DANIEL DARC ROBI . ALISTER . LES AVIONS . les daltons JO WEDIN & JEAN FELZINe . ARNOLD TURBOUST lafayette . gyp . MINI VAGUE . ALEX ROSSI... Concerts, club, bande dessinée, projections, jeune public…
How to Love #4 Ligne Clerc
PETIT BAIN, UNE ÎLE DANS LA VILLE 7 Port de la Gare . 75013 Paris M°6 Quai de la Gare . M°14
Illustration | Serge Clerc Graphisme | Studioburo
Le Petit Bain sait facilement enjamber les haies qui séparent les champs artistiques et met tous les ans cette faculté en œuvre lors de How to Love, qui confronte musique et fiction, avec un amour certain pour la BD. Ainsi, cette année, Serge Clerc côtoiera Cléa Vincent, Alister, Les Avions, The Flying Padovani’s, etc. 14.02 > 18.02 - Paris
Art, Innovation et Cultures Numériques
08 � 12 Mars 2017, Lyon
Mirage Festival Man vs. machine miragefestival.com
Installations
Performances
Live
DJ
Open Creative Forum
Le festival d’arts numériques se penche cette année sur la tension hommes/ machine qui traverse la création actuelle, avec la jolie thématique « (Im) matérialités ». Tout ça dans une grosse émulsion de performances, expositions, soirées musicales, réalité virtuelle, forum créatif et Tucs au bacon. 08.03 > 12.03 - Lyon
Tomi Ungerer Forever Hommage au Maître On sait Strasbourg terre d’illustrateurs. Sans doute doit-elle cette tradition au grand Tomi Ungerer dont le musée éponyme fête le 85e anniversaire avec une expo maouss qui rassemble Loustal, Fayolle, Chauchat, Gerner, Mattotti, Swart, Icinori, etc. Jusqu’au 19.03 – Strasbourg
KIBLIND Magazine
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Numéro Légendes
KIBLIND Magazine Prochains événements : Le 26.01.2017 au Numa - Paris 9e Le 27.O1.2017 au Pavillon Jeunes Talents -Augoulème Prochain magazine - Kiblind n°60 25.03.2017 Suivez-nous
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