Marseille antique

Page 1

CHors abotages Série

m et e

Gratuit

om e.c nc ra

MARSEILLE AU TEMPS DES MARINS GRECS

of

2009


Picasso à la Villa Californie Cannes © André Villers

Itinéraire en Provence-Côte d’Azur :

D’Avignon à Antibes, en passant par Aix-en-Provence des étapes à suivre sur les pas de l’artiste

www.picassoenprovencecotedazur.com

2 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


Hors série Marseille et les marins de l’antiquité

LA FONDATION DE MARSEILLE 4-5

OPÉRATION PRÔTIS 6-7

OPÉRATION KYBELE 8

L’ODYSSÉE, GUIDE NAUTIQUE ? 9

LES GRÉEMENTS DE L’ANTIQUITÉ 10-11

PHYTÉAS, L’EXPLORATEUR 12-13

LES HYPER GALÈRES 14-15

VINS ET AMPHORES 16-17

Cabotages.Coastwise est publié par Bastaque Éditions 16 rue Garenne, 34200 Sète. Directeur de publication, dir. commercial : Alain Pasquet Dir. de la rédaction, rédacteur en chef : Christophe Naigeon Rédaction : Emma Chazelles, Jeanne Chemin, Guy Brevet, Claude Roger.

Agenda : Julia Chaine Maquette : Emmanuelle Grimaud, Richard Moris Partenariat publicité : Patrick Faure, Thierry Dutto

e b

Imprimerie : Gieza Services - Espagne Encre : SunChemical Certified

bastaque editions

Contact Météo France : serpc@meteo.com

Publicité : contact@cabotages.fr Rédaction : redaction@cabotages.fr Direction : direction@cabotages.fr Tél : 04 67 17 14 30 - Fax 04 67 17 14 32 ISSN en cours - Dépôt légal mai 2009


Prôtis et Gyptis

Quand les Marseillais avaient l’accent grec L’histoire de la rencontre improbable des Grecs et des Gaulois, le mythe de la princesse gauloise et du beau marin grec, fondateur de la cité qu’on appelle phocéenne. et sangliers. Leur mode de vie est plutôt rudimentaire. Chasseurs, pêcheurs et bûcherons, ils vivent probablement dans les bories, ces petites constructions de terre sèche. Pas question pour eux de cultiver un sol caillouteux. Ils ne connaissent ni la vigne, ni le tour de potier, ni l’écriture. Le géographe grec Posidonios parle de « ces hommes petits et trapus et vigoureux et batailleurs qui vivent dans un pays si sauvage et aride, dont le sol est si pierreux qu’on ne peut rien planter sans se heurter au rocher. Le travail est pénible et les privations rendent la vie des celto-ligures difficile et font leur corps maigre et sec. Les femmes doivent trimer comme les hommes. Les hommes compensent le manque de blé par la chasse. Ils escaladent les montagnes comme des chèvres ». Phocéens et Ségobriges, une rencontre fort improbable et qui pourtant, va donner naissance à une ville puissante et respectée. Quand, bien plus tard, les Romains en feront leur capitale provençale, ils accorderont aux massaliotes, entre autres privilèges, celui d’avoir des places gratuites dans tous les théâtres de Rome… C’est dire !

Maquette du port du Lacydon reconstitué au musée de Marseille

N

ous sommes vers 600 avant J-C. Les Grecs ne le savent pas, mais ils vivent la fin de la période “archaïque” de leur histoire. Socrate, Platon, Aristote, Hérodote et tant d’autres philosophes ne viendront que deux siècles plus tard, à l’époque “classique”, mais déjà, dans les “cités” qui se créent et s’organisent, naît la Dēmokratía. À Athènes, la cité-mère, les aristocrates qui mobilisaient les terres et les pouvoirs ont été mis à mal par des législateurs : Dracon et ses principes… draconiens sur le droit commun, puis Solon pour qui le citoyen est digne de se gouverner. On discute sur les Agora, lieux de parole libre. À condition d’être citoyen athénien et de n’être pas esclave.

Le bateau de prôtis : une pentécontore Le navire avec lequel Prôtis est arrivé à Marseilleveyre était un Pentécontore, une galère monorème à 50 rameurs (un rameur par banc de nage et par aviron). Vaste et donc propice à l’embarquement de troupes, large donc rapide et stable, largement pourvue en force motrice humaine donc rapide, massive et donc efficace à l’éperonnage, le Pentekontoros est devenu le navire militaire standard de la flotte athénienne mais aussi des unités légères macédoniennes, Carthaginoises, romaines, ptolémaïques. Ils disparurent en 200 ap.J.-C., remplacées par les Liburnes et leurs bancs à deux ou trois rameurs par aviron, dite «nage a scaloccio». Long de 27 à 30 m en moyenne, larges de 3,50 à 3,80 m, déplaçant environ 40 ou 50 t, le Pentécontore avait une coque de section évasée. Il avait un équipage réduit à un officier, un homme de barre, un «gardechiourme», plutôt dans le rôle de «quartiermaître» (donnant le rythme de nage, les rameurs grecs étant des engagés volontaires payant un «droit de passage» et non des esclaves, dont une partie pouvait participer

La Grèce n’est pas un pays au sens actuel du mot, c’est une fédération de cités autonomes. Ce n’est pas un territoire “terrestre”, c’est de l’eau salée avec un peu de terre autour om pousse la vigne, l’olivier, des céréales et où paissent des chèvres. Aucun point ne se trouve à plus de cent kilomètres de la mer Égée. Dire que les grecs sont des marins est un Euphemismos… Alors que Romulus et Remus sortent à peine de dessous leur louve de mère pour fonder le petit village de Rome, il y a deux cents ans qu’Homère a fini d’écrire l’Iliade et l’Odyssée et Thalès, mathématicien, astronome et philosophe met au point le fameux théorème qu’il lèguera aux élèves du monde entier. Vous avez dit “archaïque” ?

LES HELLÈNES CHEZ ASTÉRIX Pendant ce temps-là, sur la côte méditerranéenne de “Gall” que les Romains appelleront plus tard la Gaule, les indigènes sont des Ségobriges, du groupe des Saliens, fusion de peuples ligures (venus du sud vers -1800) et de Celtes (arrivés de l’Est à partir de -1000). Installés également sur les côtes italiennes, ce sont eux ces mêmes Gaulois celto-ligures qui, en -390, échoueront dans leur tentative de prendre la ville de Rome à cause des oies du Capitole qui donnèrent l’alerte. Mais en -600, ces Ségobriges sont installés sur les hauteurs du proche arrière-pays provençal où pousse le chêne vert et prolifère une faune digne d’Astérix : cerfs, ours

LES PERSES CHEZ LES PHOCÉENS Prôtis est un Phocéen. Phocée, sur les côtes de la mer Égée, est aujourd’hui Foça, en Turquie, une petite bourgade de pêcheurs, où en 1913 et 1914 les fouilles de Félix Sartiaux, ont révélé les traces de la cité grecque d’Asie mineure. Autour de -600, à l’est de Phocée, il est un autre territoire, terrestre et immense, la Perse. Alors que Zarathoustra en fonde la religion, le roi Cambyse 1er, successeur du grand Cyrus, ambitionne de jeter les Grecs d’Orient à la mer. Ses successeurs y réussiront et parviendront jusqu’à Athènes. Pour les Grecs, conquérir le monde, c’est conquérir un espace de mer délimité par des “comptoirs” entre lesquels établir de nouvelles routes commerciales. Ils ont déjà établi de telles colonies en Sicile, en Espagne, en Corse… Avec la menace perse, la question n’est plus d’accroître l’empire maritime mais de décaler vers l’Ouest

aux combats en cas d’abordage), dix hoplites, pouvant de déplacer sur une mince plate-forme centrale, la «passerelle», et deux plates-formes au gaillard d’avant et d’arrière. En cas d’éperonnage, le rostre tripointe en bronze bénéficiait de l’effet de masse de la galère lancée à 5-6 noeuds. (D’après David Bocquelet, www.navistory.com)

4 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


l’espace vital commercial et, éventuellement – chose nouvelle – de déplacer des populations. Prôtis est un marin. Il navigue, il commerce, il imagine des terres lointaines. Sans doute rêve-t-il aux récits de son père, Euxène, qui, en navigant bien au-delà du détroit de Messine, avait découvert la somptueuse embouchure d’un fleuve ouvrant sur des espoirs de comptoirs commerciaux nouveaux : le Rhône. ARRIVÉE EN PAYS SÉGOBRIGE C’est Arganthonios, roi de la mythique Tartessos, comptoir Phocéen d’Andalousie qui a en partie financé, dit-on, une expédition vers ces terres prometteuses. Simos et Prôtis, dont le nom signifie “le premier”, sont appelés à la diriger. Forts des indications précieuses d’Euxène et avec 150 hommes d’équipage répartis sur deux impressionnantes galères – des “pentécontores” – ils mettent pied à terre en pays Ségobrige. La beauté du bassin de navigation leur rappelle la cité originaire, Phocée et ses îles. Du haut du massif de Marseilleveyre, ils viennent de découvrir la sœur jumelle de leur lointaine patrie. Venus sans intention belliqueuse, ils sont bien accueillis par les autochtones. Bien plus que cela, même. LES NOCES DE GYPTIS ET PRÔTIS Le roi Ségobrige, Nann prépare la noce de sa fille Gyptis (Petta, pour Aristote). Il y convie nos explorateurs. La règle locale veut à cette époque que, durant le festin, la princesse offre à celui qui deviendra son époux, une coupe d’eau de la Fontaine d’Ivoire. Obéissant à la coutume, la belle choisit parmi tous les prétendants réunis, Prôtis, l’hôte (Euxénos pour Aristote) et lui tend la coupe d’Hyménée (Hymen est le dieu grec du mariage). L’histoire est scellée. Prôtis reçoit en dot une calanque, un port naturel, abrité du vent par des collines qui servent aussi de précieux guets. Large à l’intérieur mais fermé par une entrée étroite, le port dispose côté terre, d’un espace suffisant pour envisager une cité nouvelle. Par son mariage avec la belle gauloise, Prôtis est le maître du Lacydon, berceau du futur Vieux Port. Comme bien d’autres comptoirs, Marseille

deviendra une cité-état grecque indépendante : Massalia (Mas-sallia, la “maison des saliens”) est née. Les marins grecs s’unissent à d’autres gauloises. De ces couples mixtes – et bilingues – naîtra la première génération phocéo-celto-ligure du comptoir Massaliote. LA CIVILISATION PUIS LA GUERRE Si le ventre de leurs bateaux recelait des trésors inconnus des Ségobriges – amphores remplies d’huile et de vin, céréales et lingots d’étain – les nouveaux arrivants étaient avant tout porteurs de la culture et des savoirs-faire d’une civilisation avancée qui transformera les autochtones : “ Les Gaulois apprirent d’eux à vivre de façon plus civilisée, après l’amollissement et l’abandon de leurs mœurs barbares ; ils apprirent à cultiver les champs et à entourer les villes de remparts alors également ils s’habituèrent à vivre sous des lois, non sous les armes, à tailler la vigne, à planter l’olivier, et un si grand éclat s’attacha aux hommes et aux choses qu’il semblait que ce n’était pas des Grecs qui avaient émigré en Gaule, mais la Gaule qui avait été transportée en Grèce ” (Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée. Livre XLIII Origines de Rome et de Marseille). Mais, soixante-cinq ans plus tard, la lune de miel prendra fin entre les colons et les indigènes. En 546, Phocée tombe entre les mains des Perses. Des très nombreux réfugiés affluent à Massalia, la phocéenne. L’équilibre numérique entre l’hôte et l’invité est brutalement rompu. Les Ségobriges trouvent soudain bien encombrants et hégémoniques ces gens, venus en petit nombre et à qui ils avaient offert l’hospitalité. Sous le commandement de Coman, successeur de Nann, les autochtones essaient de renvoyer les Grecs d’où ils viennent. Déjà très nombreux et très déterminés à s’accrocher à cette nouvelle terre, les Phocéens se défendent derrière les remparts qu’ils avaient déjà érigés. Dans cet affrontement armé, les autochtones ne font pas le poids. Les Grecs s’imposent, tuent Coman et, en représailles, détruisent le village ségobrige de Marseilleveyre. Une autre page de l’histoire de Marseille commence. Emma Chazelles

Aristarqué, seule femme à bord du bateau de Prôtis La seule femme embarquée sur une des galères grecques est Aristarqué. Ce n’est pas une femme quelconque mais une guide spirituelle du temple d’Artémis d’Éphèse considéré comme une des sept merveilles du monde. Artémis est la “Diane” romaine dont on connaît la réputation de chasseresse et de compagne des animaux sauvages. Artémis se

présente bien différemment, sans arc ni flèche. Son torse est pourvu de plusieurs couronnes de seins. Cette figure polymaste que les Grecs nomment aussi la Radiante est associée à la lune comme Apollon l’est au soleil. Elle « éclaire la route aux carrefours de la vie » et guide au cœur de la nuit les égarés, les étrangers ou les esclaves en fuite.

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 5

de la mer.com


Jules Verne 7 et 9, alias Prôtis et Gyptis

Plans, matériaux et techniques antiques pour les reconstruire 2009-2013 : saison Haute Couture pour l’archéologie navale et le Centre Camille Julian qui prépare dans l’enceinte des chantiers Borg ce qui est déjà considéré comme un événement maritime et scientifique majeur. Le projet Prôtis sera présenté dans le cadre des manifestations prévues en 2013, l’année Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture. Gageons que le Vieux Port rayonnera comme au temps de son avant-garde, il y a 2.600 ans.

L

’histoire qui nous intéresse commence en 1993 avec les fouilles effectuées en préalable à des travaux d’aménagement prévus Place Jules Verne. Elles révèlent des vestiges de la ville grecque archaïque et, surprise, des épaves de bateaux : deux navires de l’époque hellénistique, retrouvées serrées l’un contre l’autre, sans doute abandonnées près du rivage au VIe av J.-C. et cinq épaves romaines. Les fouilles mettent aussi à jour un chantier de construction navale du IVe siècle av J.-C. et des entrepôts qui lui sont postérieurs (IVe au Ier siècle av J.-C.). Selon les chercheurs, les navires ont été construits et ont navigué dans la seconde moitié du VIe siècle av J.-C., soit deux ou trois générations seulement après la fondation de la cité maritime par les Grecs de Phocée. BOIS COUSU AU POINT DE CROIX Sous la direction de Patrice Pomey, responsable des fouilles et de l’étude des épaves, l’équipe d’archéologie navale du Centre Camille Julian (Maison de la Méditerranée et des Sciences JULES VERNE 9, OU GYPTIS : LA GRANDE BARQUE DE PÊCHEUR Longueur hors tout 9,72 m sur 1,88 de large pour un poids de 2, 299 t Creux 0,75 et tirant d’eau maximum de 0,42 m Vestige retrouvé conservé sur 5m de longueur et 1,50m de largeur, correspondant à la partie centrale et à extrémité de l’embarcation d’origine. © CCJ-CNRS

de l’Homme, Aix-Marseille Université - CNRS) identifie notamment les éléments d’un petit navire de commerce et d’une grande barque côtière, utilisée communément à cette époque pour la pêche au corail. Elles sont référencées respectivement Jules Verne 7 et Jules Verne 9. Enfouies dans les sédiments du vieux port qui en ont permis l’état remarquable de conservation, elles présentent, pour la première fois au monde, les ligatures végétales habituellement disparues, utilisées à cette époque pour l’assemblage des structures. La petite barque Jules Verne 9 est un bateau entièrement cousu et même au point de croix ! L’autre découverte remarquable tient à l’assemblage de Jules Verne 7, petit navire marchand de 16 m de long sur presque 4 m de large : il est de construction mixte, témoin d’une phase transitoire (fin de la seconde moitié du VIe siècle av J.-C.) dans l’évolution des techniques de construction. On y trouve à la fois des tenons et des mortaises chevillées pour le bordé, des clous pour la fixation de la membrure, et des ligatures végétales pour les extrémités avant et arrière. Les réparations ultérieures ont également été cousues.

L’idée est de reconstruire ces deux navires à l’identique, en utilisant les techniques de l’époque et de les faire naviguer pour la grande fête marseillaise de 2013. Mais plusieurs maquettes vont être réalisées avant de travailler à l’échelle 1. D’abord celles des vestiges au moment de leur découverte, puis celles de leur remise en forme au 1/10e, auxquelles succèderont les réalisations au 1/5e à partir d’un gabarit en carton qui préfigurera enfin la réplique. L’équipe de Robert Roman, ingénieur d’Etude CNRS, en charge de la réalisation et de la coordination technique ne s’arrêtera désormais qu’à la fin de la reconstruction finale de ces deux trésors du patrimoine naval. Folie douce et travail de titans, les associés sont lancés dans une aventure tout aussi romantique que scientifiquement ambitieuse et techniquement folle. Car, pour eux, il ne s’agit pas de construire un bateau “à la manière de”, mais de s’assurer que non seulement les plans sont exacts mais aussi que chaque matériau utilisé est exactement le même que celui d’origine et que les gestes

OUTILS ET GESTES ANTIQUES « Sa section est arrondie et ses extrémités élancées. Propulsé par une voile carrée, sa capacité de charge était d’environ 12 t et ses capacités nautiques suffisantes pour des navigations transméditerranéennes » précise le dossier scientifique. Les bordés étaient cousus entre eux. Les chercheurs étudient les matériaux consitutifs du fil retrouvé dans l’épave pour reconsituer le bateau à l’identique.

sont eux-mêmes la réplique de ceux qui a fait naître ces deux navires. Il faudra vérifier mille hypothèses, parfaire ou fabriquer les outils et retrouver le tournemain des artisans pour réinventer la carène, le gréement, la voilure, l’accastillage, la gouverne… qui ont déjà nécessité en amont des mois de un travail de recherche. « La mise en œuvre de cette reconstruction requiert de vrais talents, tant dans la maîtrise des techniques que celle des processus innombrables à vérifier », indique Robert Roman qui recherche aussi tous les matériaux nécessaires, tels qu’à l’époque : cordelettes de ligatures, clous coulés et forgés, toiles de lin pour les voiles, chanvre pour les cordages, résine et cire pour l’étanchéité, plomb pour les anneaux de cargue, roche pour les jas d’ancre… et l’approvisionnement en bois. Les arbres, choisis avec soin, seront coupés à l’automne 2009. Et reste encore en question le choix d’une couleur pour la peinture de la coque… La science n’exclut pas l’imagination. Ces bateaux font rêver. CHANTIER OUVERT AU PUBLIC Ce qui ne se passe pas à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aix en Provence a lieu au chantier naval Borg. Cette entreprise de restauration et de construction de bateaux de tradition créée il y a 50 ans dans l’anse du Pharo va être le théâtre de la renaissance des deux bateaux et le laboratoire technologique de la charpenterie maritime phocéenne. Il devrait accueillir des élèves du Lycée professionnel de la mer Poinso-Chapuy et recruter des stagiaires en formation au métier de charpentier de marine. Quand les deux bateaux vont-ils pouvoir naviguer ? La construction de Jules Verne 9 devrait prendre une année et demi et il en faudra une de plus pour le Jules Verne 7. D’ici là, des expositions temporaires sont programmées au chantier pour suivre la construction, au moins aussi intéressante que la navigation future. Pourtant, celle-ci est une autre aventure scientifique. Pour Patrice Pomey et Robert Roman faire naviguer ces merveilles, c’est amasser mille nouvelles informations sur la navigation antique. Et, pour en évaluer les qualités nautiques et la résistance à la mer, quoi de mieux que de refaire, à l’envers, le trajet qui a conduit Prôtis de la Cité-Mère de Phocée en Asie Mineure jusque dans la baie du Lacydon. Il ne s’agit pas d’une simple croisière, on s’en doutait, mais d’archéologie expérimentale. Après les premières navigations, viendra le temps de l’armement au commerce pour étendre le champ des recherches aux condition de vie et de travail des équipages de l’Antiquité.

6 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


JULES VERNE 7 OU PRÔTIS : LE BATEAU DE COMMERCE Longueur hors tout 16,55 hors tout, 15,65m à la flottaison Largeur au maître bau : 3,80 m, creux 1,70m, port en lourd 11,823 t poids coque prêt à naviguer 3,500 t , tirant d’eau maxi 1,01m Épave conservée sur 14 m de longueur et près de 4 m de largeur, correspondant à la coque qui est relativement complète. © CCJ-CNRS

NAVIGUER “À L’ANTIQUE” Comme ils vont ouvrir le chantier de construction au public, les initiateurs du projet feront partager la navigation à bord de ces deux navires qui, pour n’être pas anciens, n’en sont pas moins patrimoniaux. La partie pédagogique est porté par l’association ARKAEOS et soutenu par le musée d’Histoire de la ville qui expose deux répliques des épaves d’origine. À voir absolument ! Il est envisagé, après 2013, de proposer des sorties en mer aux scientifiques mais aussi à des groupes scolaires et des curieux en tout genre pour une initiation à la navigation “à l’antique”. Jules Verne 9 rebaptisé Gyptis en souvenir des amours fondatrices de la belle Gauloise avec Prôtis, le marin grec (voir pages 4 et 5) naviguera dans la rade, autour des îles du Frioul et dans les calanques. Pour des raisons liées aux capacités nautiques de cette barque de pêche côtière très effilée (un peu moins de 10 m sur presque 2 m), aucune navigation plus lointaine n’est prévue. Quant à Jules Verne 9 rebaptisé Prôtis, devrait quant à lui effectuer diverses navigations hauturières, équipé et chargé comme la navire marchand qu’il est. Marseille,qui a commencé à prendre soin de ses barquettes traditionnelles a,

Le chantier borg Marseille a gardé quelques spécialistes des vieux gréements parmi ses charpentiers. Toujours, c’est une affaire de famille. Daniel Scotto, installé rue Neuve Sainte Catherine, est le petit fils d’un Italien venu construire les chaloupes des bateaux des Messageries. Denis Borg est le fils de son père qui a créé le chantier

semble-t-il, décidé de s’affirmer comme un port de patrimoine maritime. L’intérêt économique direct est grand et les retombées d’image importantes. Après l’arrivée en juillet 2009 de la reconstitution d’une birème Phocéenne fabriquée en Turquie, le départ pour la Turquie de la réplique exacte d’un navire marchand de l’époque de Prôtis fabriquée à Marseille est un joli symbole d’une très antique forme mondialisation, du temps où le monde se limitait à la Méditerranée, du temps où rustres Gaulois et raffinés Grecs faisaient alliance et créaient des cités. Emma Chazelles

La MMSH La Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme est un campus d’enseignement et de recherche situé à Aix en Provence et spécialisé sur le monde méditerranéen dans le domaine des sciences humaines et sociales. Elle comprend deux départements, l’Anthropologie et les Sciences de l’Antiquité. regroupe notamment deux laboratoires de recherche qui travaille sur la période qui nous intéresse : le Centre Camille Julian d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine (CCJ). en 1957. Aujourd’hui ce chantier qui se présente lui-même comme une «entreprise du patrimoine vivant» est installé au pied du Pharo, dans une petite anse où, coïncidence, se trouve également le DDRASSM (Département Recherches Archéologiques Subaquatiques SousMarines). De la fouille à la reconstitution des épaves, il n’y a, en distance, qu’un petit pas.

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 7


Kybele, une galère de Phocée à Marseille

1.500 milles dans le sillage de Prôtis Une galère «à l’antique» a entrepris la croisière de Phocée au Lacydon. Un cabotage symbolique de cinquante étapes sur les traces du fondateur de Marseille Kybele ou Cybèle, la Sibylline

L

e 2 mai 2009, Kybele, la reconstitution d’un navire de la Grèce antique de 60 pieds (19 m avec l’éperon, 4 m de large) quittait la petite ville portuaire de Foça, en Turquie, site de l’Antique Phocée. Destination : Marseille. Comme il y a huit siècles. À l’heure où nous mettions sous presse, il était attendu dans le port du Lacydon pour le 1er juillet. À son bord, Erkurt Osman, archéologuenavigateur, et vingt rameurs, étudiants ou membres de l’association 360° qui porte le projet. Le but n’est pas de reconstituer à l’identique les conditions du voyage de Prôtis et des ses 150 compagnons. Le fondateur de Marseille était venu sur un “pentécontore” (50 rameurs) de plus de cent pieds.

Ces grands bateaux, très légers et agiles à la manœuvre, pouvaient filer 10 nœuds et étaient tirés à terre chaque soir. LA GALÈRE : UN “FIFTY” Kybele (Cybèle, voir l’encadré), construite aux chantiers naval d’Urla, près d’Izmir (Smyrne), est une “birème”, navire de guerre très courant au Ve siècle avant J.-C. qui tient son nom des deux rangs superposés de rameurs prenant place sur chaque bord. C’est un “fifty” adapté aux conditions de vent de la Méditerranée : un bon “moteur” pour aller contre le vent et manoeuvrer, et une voile – presque un spi – très efficace aux allures portantes. Celle de Kybele fait 87 m2, maintenue par une vergue de près de 13 m.

Cybèle est la déese-mère de la Turquie d’Asie – Asie mineure – que les Grecs appelaient Anatolie, «pays du soleil levant». De là, son culte s’est propagé dans l’ensemble du monde antique, à Marseille comme à Rome où, sous l’empire, on organisait des jeux de printemps en son honneur. Elle deviendra un des premiers cultes romains. Fille de Zeus abandonnée à sa naissance, elle fut élevée par un léopard, ou un lion. L’animal lui révéla des mystères que Cybèle consigna sous forme de récits dits «sibyllins». Obscurs sont aussi sa naissance et ses amours mais, associée à Rhéa, la Terre, elle en possédait les clés. Ses attributs sont nombreux : la fertilité, la forêt, l’androgynie, les animaux, surtout le lion, les abeilles et les plantes sauvages. Patronne des marginaux, des travesties et des transsexuels, on retrouve parmi ses multiples symboles, la clé mais aussi le tambour et sa pierre sacrée, le météorite : on raconte que le bétyle (la pierre) qui la représentait sur le mont Dindymon, le lieu de son culte initial, serait tombée du ciel, comme la semence de Zeus qui l’enfanta. À Marseille, on peut admirer, rue Negrel, des «naïskoi», de petits oratoires de calcaire où elle se tient assise, parfois en compagnie d’un lionceau (voir photo). En Occident, seule Vélia (Italie), sœur phocéenne de Massalia, est dépositaire d’une de ces petites chapelles. En Méditerranée orientale, on n’en trouve que dans deux villes proches de l’ancien site de Phocée. Aujourd’hui attribués à Cybèle, on crut

Il s’agit avant tout de faire voyager symboliquement cette petite galère de combat imaginée à partir d’éléments issus de documents littéraires et d’iconographies (on ne retrouve pas d’épaves des navires de guerre, voir article pages 16 et 17). Les 1.500 milles nautiques qui séparent les deux ports vont être l’occasion de réinventer une bien singulière route et de mieux estimer les conditions de navigation pratiquées vers -600, par les marins ioniens fondateurs de tous les comptoirs grecs en Méditerranée… mais avec la sécurité d’un navire accompagnateur pour la logistique, l’aide électronique à la navigation et les éventuels secours. Erkurt Osman n’en est pas a son coup d’essai. Il déjà exercé ses talents de charpentier de marine antique avec Ulu Burun, un bateau de l’âge du Bronze (-1400) qu’il a reconstruit cette fois à partir de son épave, découverte en 1984 au “Grand Cap”, en Asie mineure. Ce bateau en bois de cèdre de la reine d’Egypte Néfertiti (on a retrouvé des bijoux lui appartenant parmi mille objets d’art dans l’épave) a déjà parcouru quelques 1.000 milles depuis sa mise à l’eau en 1995. Mais ceci est une autre histoire… LES AMITIÉS FRANCO-TURQUES Même si ni le navire ni les conditions de navigation ne sont celles de Prôtis, le par-

longtemps que ces «naïskoi» étaient dédiés à Artémis d’Ephèse, la «déesse des Ioniens» honorée autour du Lacydon. Marseille honorait aussi d’autres dieux d’Asie mineure : Priape au phallus démesuré, protecteur des jardins et des vergers, Leucothéa, la secourable «déesse blanche» de l’écume et des falaises, divinité préférée des marins, emblématique de l’emporia phocéenne. Mais c’est bien Cybèle – Kybèle - qui symbolise l’héritage partagé et les grandes civilisations de la Méditerranée. À visiter : le musée d’Histoire de Marseille, à deux pas du palais de la Bourse et de l’Office du tourisme. À lire : “Phocée et la Fondation de Marseille”, une édition des musées de Marseille

cours est un cabotage d’une cinquantaine d’escales distantes d’environ 30 milles, ports ou mouillages. Les arrêts prévus en France (Aléria – première colonie grecque – Nice, Antibes, Cannes, Saint-Tropez, Toulon et Cassis) sont autant de visites de courtoisie aux comptoirs anciens, créés par les Phocéens de Phocée et les Phocéens de Massalia. Le projet “Kybele”, qui n’a pas la vocation scientifique, technique et patrimoniale du projet “Prôtis” (voir l’article pages 6 et 7), revêt surtout une dimension politique. Intitulé “Mare Nostrum” et lancé à l’initiative de l’association 360° basé à Urla en Turquie, il est parrainé par le Centre Culturel Français d’Izmir et le Centre de Documentation Antoine Galland que relaie l’Association Méditerranée FranceTurquie de Marseille. Le coût du projet, qui s’élève à 750.000 €, est financé par des fonds privés, essentiellement des entrepreneurs turcs et le groupe français AXA. L’arrivée de Kybele à Marseille coïncide avec l’ouverture de la Saison de la Turquie en France. Un final est envisagé via fleuves et canaux jusqu’au pied de la tour Eiffel à Paris où elle sera exposée dans le cadre d’Istanbul capitale européenne de la culture, en mars 2010.. Emma Chazelles

8 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


BLOC MARINE 120X340

Naviguer

L’Odyssée, poésie, récit ou instructions nautiques ? La polémique fait rage entre les spécialistes : l’Odyssée, poème épiques écrit par Homère (ou un groupe d’écrivains sous sa houlette) au VIIIe siècle av. J.-C. est-elle oeuvre de pure imagination, récit de voyage réel raconté de manière «sybilline», ou bien un manuel d’instructions nautiques mis en vers pour être mieux mémorisé ?

N

ombreux sont les chercheurs qui ont «refait» le voyage d’Ulysse de Troie à Ithaque, livre en main, sur des bateaux tantôt «à l’antique», tantôt modernes, parfois simplement dans la soute boisée de bibliothèques universitaires. De leurs travaux se dégage un consensus : il est possible de retrouver la quasi totalité des lieux et phénomènes décrits par Homère de manière enluminée par la poésie. Mais de là à penser que le poème d’Homère est – en plus – un guide nautique, une aide à la navigation d’autant plus facile à utiliser et à transmettre de marin à marin qu’il s’agit de «chants» dont tous ne sont pas à apprendre par cœur. LE POUR… Ancien directeur du Musée national des Arts et Traditions populaires et du Centre d’ethnologie française du CNRS, Jean Cuisenier, auteur de Le Périple d’Ulysse (Fayard ed. 2003), après avoir suivi ce périple sur un catamaran contemporain et vérifié l’exactitude des indications, il opte pour l’idée du Pilot Chart : « Mémoriser des passages pour leur utilité pouvait être le fait de marins avisés. À la recherche d’informations pour leurs expéditions lointaines, les gens de mer avaient en effet un intérêt particulier à retenir les épisodes narrant les approches de côte ou décrivant les rivages, les caps, les ports ou les simples mouillages. Comme nous, en pleine mer, cherchant du pont du Tzarambo un point d’atterrissage renommé, qui lisons mot à mot le texte des Instructions nautiques, à haute voix parce que nous sommes en équipage ; pareillement, les pilotes d’autrefois restituaient par cœur, je le suppose, les informations enchâssées dans le métal de ces vers homériques ».

des limites du monde habité aux profondeurs de la terre nous éloigne d’instructions nautiques à déchiffrer sous le couvert du récit épique. Les nombreuses mises en scène de récitations aédiques dans le récit de l’Odyssée même indiquent que leur public n’était pas formé de gens de mer, si ce n’est dans la communauté d’utopie maritime des Phéaciens et seulement de manière partielle ! Si le «récit d’Homère» a peu de chances de livrer les informations attendues sous la forme d’instructions nautiques, on pourra retenir la fonction plus générale d’»enseignement» attribuée à cette «dramaturgie» (Calame C., L’Odyssée entre fiction poétique et manuel d’instructions nautiques. Un autre aspect de la question homérique, L’Homme 2007/1, N° 181, p. 151-172). ESSAYEZ DONC ! Alors ? Laissons les scientifiques à leurs guerres de Troie… mais sachons tout de même que des poèmes courts et des chansons de marins écrites en Égypte ancienne se sont révélées être des instructions nautiques précises indiquant à quelle époque de la lune appareiller, dans quelles conditions favorables doubler tel cap ou franchir tel détroit, quelle cap suivre sous les étoiles, comment trouver l’abri sûr. Avant Gutemberg, la culture se transmettait oralement. Comme il y avait de l’instruction morale dans les contes racontés aux enfants, il y avait des instructions nautiques cachées dans les chansons qu’on chantait aux marins. C’est toujours plus facile à retenir. Essayez d’apprendre par cœur le Bloc Marine… Christophe Naigeon Homère

…ET LE CONTRE D’autres chercheurs, comme Claude Calame, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Histoire et Anthropologie de l’Antiquité, n’est pas tout à fait de cet avis : « l’intention poétique du voyage d’exploration imaginaire dans des mondes dont la localisation va

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 9

15/04/09

11:38

Page 1


Gréements & cie

Les navires grecs enfin contre le vent ! Les Grecs étaient de grands mathématiciens et de grands marins. Pourquoi auraient-ils navigué sur des bateaux aux carènes et gréements conçus avant l’Âge du Bronze ? La voile dite «latine», comme beaucoup le croient, serait-elle venue d’ailleurs, vers 200 après J.-C. ? En fait, les Grecs utilisaient depuis bien longtemps une voile à géométrie variable, tantôt carrée, tantôt triangulaire qui permettait, avec l’augmentation du plan anti-dérive, d’entrer dans le monde merveilleux des bateaux qui vont «contre le vent» !

T

outes les parties du monde maritime et toutes les époques ont eu leurs voiles. L’archéologie a révélé que les premières étaient rectangulaires. On peut le comprendre, n’importe quel Robinson qui construirait un radeau en ferait autant : un drap porté en haut d’un mât par une vergue disposée comme la barre du ”T”. La vergue peut pivoter autour du mât mais elle reste en position horizontale. Et voilà le gréement antique, dit ”carré”. Toute la Méditerranée est pleine de représentations ou d’épaves de tels bateaux. Cela semble logique : comme le plus simple des cerfs-volants doit avoir deux bâtonnets en croix pour tendre la toile, la voile d’un bateau doit être soutenue par un mât vertical et un espar perpendiculaire qui l’offre ouverte au vent. Le bas de la voile n’a pas besoin d’être tenu ouvert par une pièce de bois parallèle à la vergue sauf en Égypte, voir photo). Deux écoutes frappées dans les coins du tissu libre suffisent pour en contrôler le creux. Voilà pour le gréement qui, pour être primitif n’en a pas moins été utilisé jusqu’au XIXe siècle tant il est efficace. UNE PROPULSION AUXILIAIRE Très creuse et plus large en haut qu’un spinnaker, la voile carrée est puissante aux allures ”portantes” (on se fait pousser). Elle trouve son efficacité maximale en plein vent arrière sur un bateau qui n’a qu’un seul mât, au grand largue (vent de trois-quarts arrière) sur ceux qui en ont plusieurs afin d’éviter qu’elles ne se déventent les unes-les autres.

Les bateaux 100% ”carrés” comme ceux de l’Antiquité ou à 95% comme la Santa Maria de Christophe Colomb sont donc totalement tributaires du vent qui doit ”porter”. Le reste du temps, vent contraire ou pétole, on attend là où on est. Si on ne peut pas attendre, on doit opter pour un autre mode de propulsion. Avant le moteur, la seule option était la rame. Les navires de guerre grecs, Perses, Carthaginois ou Romains ne pouvaient se permettre de temps morts, d’autant que la Méditerranée n’a pas de régimes de vents constants sur la longue durée comme les alizés atlantiques. Sur les galères militaires, la vitesse, la constance de l’avancement et la manoeuvrabilité étaient primordiales. Des centaines de rameurs, voire des milliers (voir l’article sur les ”hyper-galères” en page 14) assuraient la propulsion. La voile n’était qu’un auxiliaire pour les temps de repos, un complément qui, en cas ne nécessité, permettait d’atteindre les 10 nœuds ! Or, si la voile antique est carrée, la célèbre et omniprésente voile dite ”latine”, image de la Méditerranée éternelle et des bateaux de tout le bassin de Mare Nostrum est triangulaire. Comment, pourquoi est-on passé de l’une à l’autre ? DU CARRÉ AU TRIANGLE Certaines sources indiquent que la voile latine serait arrivée en 400 ou 600 de notre ère. D’autres disent qu’elle est née du côté de l’Australie, arrivée dans l’Océan Indien vers -200 av. J.-C. et introduite en Méditerranée en l’an 200 de notre ère, 800 ans après l’arrivée de Prôtis, alors que les Romains avaient remplacé les Grecs au Bar de la Marine et le seraient bientôt à leur tout par les Wisigoths. Voici pourquoi la ”barquette massaliote” n’existait pas dans le port du Lacydon… Si tout cela est si vague, c’est qu’il n’y eu aucune ”importation”.

Des sources scientifiques sérieuses(1) penchent pour une évolution progressive de l’usage de la voile carrée qui se serait peu à peu et à volonté ”triangulée”. Explication : Les voiles carrées, à la manière des rideaux de théâtre qui se ”froncent” quand on les remonte, pouvaient être ferlées par des cargues, cordages répartis régulièrement sur la largeur du bas de la toile, passant à travers des anneaux pour monter jusqu’à la vergue et ramenés au poste de commande à l’arrière (voir illustration N°1). Ces cargues étaient à la fois des bosses de ris et des drisses : en tirant également tous les cordons à la fois, on ”remontait le rideau” (N°2), partiellement ou totalement, selon que l’on voulait réduire la voilure ou ferler totalement la voile sur la vergue. En bordant inégalement ces cargues, certaines parties de la voile se relevaient plus que les autres. On pouvait ainsi ferler totalement la toile à une extrémité de la vergue et la laisser entièrement déferlée à l’autre, lui donnant ainsi la forme d’un triangle rectangle dont la base géométrique restait la vergue horizontale en haut de mât (N°3). Cette vergue étant équipée à chaque extrémité de balancines pour la soutenir et en contrôler la position, il était possible de l’apiquer (incliner) et de faire ainsi basculer ce triangle (N°4). Et enfin, en positionnant la vergue plus bas sur le mât, on obtenait ce qui ressemble de très près à une flèche de voile latine (N°5). Par ces manœuvres, on jouait sur la position du centre de voilure, l’abaissant et le reculant vers le centre de carène, le faisant même passer en arrière du mât, un peu à la manière d’une planche à voile.

CHOISIR LE CAP OU LA DÉRIVE Cet usage sophistiqué de la voile carrée permettait de gagner de précieux degrés d’angle par rapport au lit du vent. Du grand largue, on pouN° 2 © CCJ - CNRS vait passer au vent de travers, voire tenter un petit largue. Ainsi, les navires de commerce pouvaient faire de grands bord au portant avec toute la puissance de leur gréement carré et manœuvrer un peu le long des côtes en configuration triangulaire. Pratique pour passer un cap, ou, le soir, se dévier pour gagner la crique de mouillage. Et remonter au vent ? On ne peut pas parler de voile sans parler de la carène. Les bateaux antiques étaient faits pour le cabotage. Ils faisaient de petites étapes. Les ports étaient la plupart du temps des plages, parfois abritées par un brise-lames. On ne se mettait que très rarement à quai, seulement dans les grands ports marchands.

N° 1 © CCJ - CNRS

N° 3 © CCJ - CNRS

N° 4 © CCJ - CNRS

N° 5 © CCJ - CNRS

10 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


Le Taillemer

Les bateaux étaient chaque soir tirés au sec. Ceci implique l’absence de quille. À part le minimum pour assurer la rigidité longitudinale et assurer un lien solide avec les membrures, rien ne dépassait en dessous afin de s’échouer à plat. Or, un bateau à fond plat avance ”en crabe” dès que le vent commence à être latéral. Quand il essaie de remonter au vent, il perd en dérive tout ce qu’il gagne en cap. En Méditerranée – où il n’est pas possible à un quillard de profiter de la marée descendante pour s’échouer en restant droit sur des béquilles – l’impossibilité d’accroître le plan de dérive vers le bas empêche de profiter des avantages de la voile ”à géométrie variable”. Comment résoudre ce problème ? ENFIN REMONTER AU VENT ! Un peu de théorie : ce qui empêche un bateau de dériver (le plan anti-dérive) est l’ensemble de ce qui est sous la ligne de flottaison, vu de côté, en ombre chinoise. Peu importe sa configuration, ce qui compte c’est la surface mouillée. Alors, élémentaire, mon cher Pythéas !, ce qu’on ne peut gagner en profondeur, on le gagne en longueur. Comme on le voit sur de très nombreux bas-reliefs, mosaïques et céramiques, les bateaux ont été rallongés à l’avant. En tout cas ceux auxquels on demandait le lus de performances, les navires de guerre. Ce qu’on appelle joliment un taillemer (voir le bas-relief) est un prolongement de la quille à la proue, ce qui donne cet aspect d’étrave inversée. Sur les galères militaires, ce taillemer a été prolongé d’un rostre, l’éperon qui, renforcé de bronze, a aussi trouvé un second usage : détruire par collision les navires ennemis. La même opération n’a pas été faite à l’arrière pour garder toute son efficacité du gouvernail, la poupe pouvant ainsi déraper latéralement d’autant plus facilement que la proue était ”fixée” sur l’eau

(comme sur un chariot où les roulettes fixes sont à l’avant et celles qui peuvent pivoter du côté de la main de celui qui le dirige). À ces grandes inventionsmères se sont ajoutées toutes sortes d’innovations concernant le gréement et l’accastillage pour aboutir à une véritable révolution nautique : remonter au vent ! On imagine quelles perspectives nouvelles cela a pu ouvrir : les jours de navigation possible sont plus nombreux et plus longs, les destinations deviennent plus proches et les temps plus cours, les équipages de rameurs (quand il y en a) peuvent être moins sollicités et moins nombreux et, en conséquence, la charge embarquée plus importante. Du coup, l’horizon s’élargit, autant pour les conquêtes militaires que pour l’expansion du commerce. La seule limite est la capacité de naviguer de nuit, ce qu’un marin astronome comme Pythéas savait faire, ce qui le conduisit jusque dans les glaces polaires… Mais ils n’étaient pas nombreux. ET VOICI LA BELLE ”LATINE” Ainsi serait née la belle voile latine, aujourd’hui symbole Méditerranée. Une belle histoire. On la croit d’autant plus qu’on se demanderait pourquoi les Grecs, avec leur degré de connaissances mathématiques et physiques, leur science de la mer et leur inventivité se seraient contentés de bateaux conçus à l’Age du Bronze ! Certes, une ”vraie” voile latine taillée d’origine en triangle est plus efficace (pas de plis) pour les allures contre le vent, mais, au portant, un triangle pointe en bas offre moins de surface qu’un vrai carré. C’est le choix des pêcheurs pour qui bien manœuvrer par tous les vents, avec un gréement simplifié et un équipage encore plus réduit est plus important que d’aller vite en ligne droite. Plus tard, il y a eu toutes sortes de variantes des voiles triangulaires, selon les besoins, la possibilité d’avoir des mâts assez hauts, des haubans assez efficaces… Puis est arrivée la voile ”bermudienne”, un autre triangle, sans vergue, coulissant le long du mât et embômée. Mais c’est une autre histoire que ni Ulysse, ni Prôtis, ni Pythéas n’ont jamais entendue. Christophe Naigeon

Gouvernail, ancre, pompe de cale Les bateaux de commerce n’ont pas de rameurs de route. L’aviron ne sert qu’aux manœuvres de port. La gouverne est assurée par deux pelles-gouvernail de part et d’autre de la coque. Totalement symétriques par rapport à leur axe de rotation, il faut peu d’effort pour les manœuvrer. En revanche, la vitesse du bateau exerce sur le long bras latéral une forte pression qui exige un ancrage puissant sur le flanc de la coque. Ces systèmes ne seront remplacées qu’au 13e siècle par le gouvernail d’étambot, dans l’axe de la quille, plus “lourd dans la main” (mais on installera une timonerie et des barres à roue sur les grands navires), sa position n’en fait pas un frein à l’avancement.

Pompe de cale © R.Roman

Les mouillages, d’abord assurés par de grosses pierres armées de dents en bois sont ensuite sécurisés par des ancres en bois avec un “jas” en pierre ou en fer. Chaque bateau en a sept ou huit. Certaines sont frappées sur les flancs du navire. Et savez-vous qu’il y avait des pompes de cale à bord des navires ? C’étaient des sortes de “norias” dans des tuyaux, avec manivelle et pistons…

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 11


Pythéas

“Artemis à la Flèche” sur la route de l’étain Pythéas le grand navigateur explorateur qui passa pour le premier “galégeur” marseillais Cornouaille, elle importait à grands frais cette matière première stratégique par voie terrestre et fluviale. Mais il y avait aussi l’ambre de la Baltique et d’autres matières précieuses des pays «barbares”. Pythéas avait convaincu le Boulé, l’assemblée des Timouques, (l’équivalent de nos députés) qui gouvernait la prospère cité phocéenne, mais avait aussi trouvé des sponsors parmi les marchands de Massalia et peut-être même d’Emporion, en Espagne. Fort de ce mandat et de ces moyens, Pythéas quitte sa charge d’astronome à l’observatoire de Marseille d’où il donne l’heure chaque jours aux citoyens et met le cap vers Gibraltar. Ces portes de la Méditerranée qui ouvrent sur le grand Inconnu sont sous blocus de l’ennemi carthaginois. L’histoire ne dit pas si c’est par ruse ou diplomatie qu’il le franchit mais ont sait qu’il prit la route vers le Nord et fut le premier Grec à découvrir la Bretagne.

P

rôtis a débarqué au Lacydon il y a deux siècles et demi. La Grèce est entrée dans sa période «classique”, l’ère des grands philosophes. Et de la reconquête. Alexandre le Grand, en battant les Perses qu’il poursuit jusqu’en Égypte après avoir défait Darius III, offre leur revanche aux Phocéens, eux qui avaient été jetés à la mer en 546 et avaient du se réfugier dans les autres «cités”, comme Marseille. Pendant les périodes troublées, les Grecs n’ont jamais cessé d’être des marins et des commerçants pour qui la création de comptoirs tout autour de la Méditerranéenne est une condition de leur survie. Plus que la conquête par la force, c’est le négoce maritime qui est l’arme numéro un de ces navigateurs infatigables. Vers -450 avant J.-C. Euthymènes, franchissant les colonnes d’hercule – le détroit de Gibraltar – est allé vers le sud jusqu’au Sénégal, croyant y trouver le Nil. Revenu de ces mers où deux fois par jour, la mer monte et descend – chose étonnante pour un Méditerranéen – il dira : « J’ai navigué sur la mer Atlantique. Elle cause le débordement du Nil, tant que les vents étésiens se soutiennent ; car c’est leur souffle qui pousse cette mer hors de son lit. » FRANCHIR LES “COLONNES” Un siècle après lui, un autre navigateur passera les colonnes : Pythéas, astronome et mathématicien marseillais, partit à son tour à la découverte de l’Océan Extérieur où il choisit la route de l’Atlantique nord. Le but de cette expédition : ouvrir la route de l’étain. La Grèce civilisée et militaire avait besoin de ce métal pour ses ustensiles quotidiens autant que pour les armures de ses soldats. Principalement de

NAVIGUER DE NUIT Son bateau, baptisé Artémis à la Flèche en l’honneur de la déesse massaliote, est rapide est solide. Les archéologues semblent d’accord pour dire que c’est un pentécontore (cinquante rameurs sur deux bancs de nage) long de 35 m pour 5 m de large, non ponté, gréé “carré”. C’est sans doute le seul navire de l’expédition. Nul doute que son ventre profond recèle nombre d’amphores d’huile et de vin car on en retrouvera sur les lieux de son passage mais il emporte des biens et, exceptionnellement, des vivres, céréales et fruits sec. Ceci est exceptionnel car la navigation de cette époque supposait de mettre pied à terre chaque soir et de tirer le bateau sur le rivage. Et, donc, d’avitailler. Sans doute ses réserves sont-elles une sage précaution face à des escales fort incertaines dans ce monde inexploré. Mais aussi Pythéas prévoyait-il des étapes comportant plusieurs jours de navigation sans toucher terre. Car cet astronome, contrairement aux marins de l’époque, savait naviguer aux étoiles. Élève d’Eudoxe de Cnide, il avait appris à calculer la hauteur astrale. Il peut donc déterminer sa latitude. Pythéas double la pointe du Raz, la Cornouaille, l’île de Wight et découvre Albion, cette muraille de craie qui prend son nom de sa couleur : albus, blanc. Il en parcourt le territoire à pied et passe beaucoup de temps avec les “Britannis”, les autochtones qui se peignent le corps (du celtique “brith”, bariolé, les “Pictes” des latins). Partout où il passe, le capitaine-scientifique observe, interroge, mesure, calcule, cartographie…

Puis il repart en mer. Le pentécontore poursuit sa route nordique : après le Sud de l’Angleterre, il en longe toute la côte Est, dépasse l’Écosse et, en six jours de navigation hauturière, franchit le 60° parallèle et atteint probablement Thulé (l’Islande). L’INCONNU GLACÉ Le capitaine prévoyant avait eu bien raison de s’encombrer de réserves de vivres, d’huile et de vin ! Sans doute aussi avait-il acquis des vêtements de fourrure pour son équipage auprès des tribus rencontrées… Car, dans ces mers boréales, les conditions de navigation sont épouvantables pour ces Méditerranéens, loin de leur familier “centre du monde”, de sa lumière, de sa chaleur et de ses coups de vent secs. Ici, même les tempêtes sont étranges. Ces hommes – qui pourtant en ont vu d’autres – sont effrayés par ces immenses blocs d’eau douce gelée qui errent dans le brouillard sur cette eaux de mer glacée et fumante, par la nuit qui n’existe presque plus. S’ils étaient venus l’hiver ! Pythéas est un aventurier mais aussi un bon marin, de ceux qui veulent rentrer à la maison : Artémis à la Flèche n’ira pas plus loin, prudemment, elle fait demi-tour. C’est par les îles Shetland puis entre l’Irlande et la côte Ouest de l’Angleterre que la galère regagne les zones relativement tempérées de la Manche. Mais au lieu de rentrer directement vers la Bretagne, elle longe encore une fois les falaises de craie, et cabotant cette fois le long de la côte Nord l’Europe, double les îles de la Frise et arrive en mer Baltique, le pays de l’ambre. Mission accomplie. OBSERVER, CALCULER, DÉCRIRE Explorateur fidèle à la mission confiée par ses financeurs marchands massaliotes, il a pris note des lieux d’escale, s’intéressant tout particulièrement aux embouchures des grands fleuves, le Rhin, la Seine, la Loire et la Garonne. Il a rapporté dans les cales de son navire les échantillons des richesses trouvées sur place. Les preuves de sa réussite. Et aussi beaucoup de richesses immatérielles. Ethnographe avant l’heure, Pythéas a consigné les mœurs des Britanniques, « ces gens simples qui ne boivent pas de vin mais une boisson à base d’orge fermentée ». Il a décrit tous les autres peuples rencontrés, ceux qu’il appelle les “Nordiques”, les Celtes, les Goths ainsi que les Irlandais avec leurs rituels ­nécrophages et les gens de Thulé avec leur hydromel. Géographe, il est le premier à avoir tracé la carte des îles britanniques et à en donner la dimension. Jour après jour, il a tenu

avec précision son livre de bord où il a noté toutes sortes de choses étonnantes : la banquise, ce continent de glace, et ses îles flottantes, la mer qui ne se ressemble plus avec ses courants, ses immenses houles, ses grandes et petites marées, mouvements qu’il nomme poétiquement le “poumon marin” mais qu’il calcule avec une précision scientifique. Il a décrit minutieusement des effets connus de nos jours comme étant ceux provoqués par le Gulf Stream. Astronome, il a calculé l’obliquité de la terre et donné sa circonférence à l’aide d’un gnomon, sorte de cadran solaire. Spécialiste du calcul du temps, il s’est intéressé aux jours qui s’allongeaient démesurément. En corrélant ce phénomène avec ses relevés des positions stellaires, il a ainsi confirmé la rotondité de la terre qu’Aristote avait déjà prouvée d’une autre manière à l’occasion de l’observation d’une éclipse. Fort de ces mesures, Pythéas suggèrera de concevoir autrement le temps et la durée. Il proposera une journée de 24 h, de durées égales et constantes, et de faire varier la durée du jour et de la nuit. À cette époque, un cycle journalier était constitué de 12 h de jour et 12 h de nuit, la durée des heures variant selon les saisons. Il indique la latitude – presque exacte – de Massalia. ET RENCONTRER L’INGRATITUDE… Quand Pythéas franchit à nouveau les Colonnes d’Hercule, sa mission est doublement accomplie : il a ouvert la Route de l’Étain et fait une extraordinaire moisson d’observations géographiques, anthropologiques et astronomiques. Mais, quand ce Marco Polo Phocéen revient à Marseille (six mois, un an ou plus après son

12 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


départ, on ne sait pas très bien), l’accueil n’est pas à la mesure de son mérite. Quand il explique le phénomène des marées par la corrélation entre le flux, le reflux et le déplacement de la lune, on le prend pour un «fada”, car les érudits de son temps préfèrent attribuer cette montée des eaux à l’apport des rivières ainsi que son prédécesseur Euthymènes, marin mais pas mathématicien, l’avait interprété. Pythéas bouscule mille convictions et passe pour un incapable. La réussite de sa mission qui consistait à ouvrir une route vers les pays du Nord est éclipsée par les révélations scientifiques qu’il tente vainement de partager avec les intellectuels de son temps qui le méprisent et l’humilient publiquement. En somme, il passe pour le premier affabulateur marseillais… Et la polémique qu’il suscite va traverser les siècles. L’homme génial et intrépide consigne ses travaux exceptionnels dans deux ouvrages. Le principal, récit de son voyage et somme de ses observations, intitulé De l’Océan, disparaîtra dans l’incendie tragique de la bibliothèque d’Alexandrie. JUSQU’À LA RECONNAISSANCE Comment a-t-on alors eu connaissance de ses découvertes ? Grâce à ses détracteurs. Une sorte de connaissance à travers les yeux des autres, ou «en creux” à travers les nombreux ouvrages qui ont été écrits par d’autres pour démonter ses affirmations. On connaît ainsi son oeuvre par les écrits d’Aristote, de Pline l’Ancien, d’Hipparque, de Diodore de Sicile et grâce à ceux de son principal détracteur, ­Strabon, géographe qui ne naviguait pas et qui, presque deux siècles après le retour de Pythéas, écrivait que le vie n’était

CULTURE / PATRIMOINE / ENVIRONNEMENT SPORT ET LOISIR NAUTIQUE / VOILE + DE 200 RENDEZ-VOUS MARINS

Strabon le grand détracteur de Pythéas gravure du XVIe siècle

pas possible dans les régions situées au-delà des tropiques et sous la Grande Ourse. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour qu’il soit enfin admis au panthéon des grands navigateurs, explorateurs et scientifiques. Alors qu’on mettait pour la première fois le pied sur cette étrange contrée qu’est la Lune, les astronomes lui ont enfin rendu hommage en donnant le nom de Pythéas à un cratère lunaire. Emma Chazelles À lire : Une République des Marseillais, Aristote (384-322 av.J-C) Yves Roman, La Gaule et les Mythes ­Historiques, de Pythéas à Vercingétorix François Herbaux, Puisque la Terre est Ronde Yves Georgelin, Pythéas, Explorateur et ­Astronome

Le voyage présumé de Pythéas jusqu’à Thulé THULÉ

D

MER

OR DU N

de la mer.com

UE

ME

LTIQ R BA

Un événement proposé par

de la mer.com E

TIQU

N ATLA

[

Informations :

www.officedelamer.com

Marseille

Tél. : +33 (0)4 91 90 94 90

Cabotages Coastwise Aller Retour

R

ITER

MÉD

ÉE ANN

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 13

www.hors-norme.com - RCS 440 329 878

DE MER GE VÈ R O N


Bateaux antiques

Les hyper-galères : 110 m de long, 2.300 rameurs ! La Méditerranée antique a une image de frugalité. Et pourtant elle exprima une grande démesure par ses palais, ses temples et ses navires. Certains parmi les plus grands, atteignaient les 300 pieds et transportaient des milliers de rameurs maniant des avirons de quatre tonnes !

I

l n’existe pratiquement pas d’épaves de galères de l’Antiquité (à l’exception de l’épave incomplète du navire de Marsala en Sicile), alors que nombreux sont les vestiges de bateaux de commerce remplis

d’amphores (voir pages 16 et 17). Heureusement les anciens ont laissé de multiples représentations de ce qui leur était le plus familier, la vie maritime. Les textes décrivent avec précision ce que pouvaient

être les embarcations des pêcheurs, des marchands et des militaires. Ainsi, on sait pratiquement tout sur la flotte hellénistique. Et, oh !, surprise, on y découvre des navires totalement hors normes, comme

Le Léontophoros, propriété de Lysimaque, Roi de Thrace, offert à Ptolémée II. Il s’agissait probablement de la plus grande monorème (un seul niveau de rameurs) jamais construite. Particulièrement étroite et malgré tout ayant huit rameurs par banc, ce qui en faisait une «triple» octère au standard de l’époque (100 avirons), elle devait être très rapide, mais fut vaincue par l’ Isthmia d’Antigone Gonatas.

L’Isthmia, aux couleurs de la Macédoine dont il fut l’ambassadeur, était fort différent. Plus corpulent (20 m de large mais seulement 70 m de long ), il était légèrement moins rapide bien qu’ayant tout de même 2.300 rameurs sur deux rangs (rangées de 64 avirons), mais bien plus maniable et stable, plus puissant et dévastateur en éperonnage.

ces hyper-galères, dont David Boquelet, rédacteur du site web www.navistory ­décrit ici deux fleurons des années -260 av. J.-C. : le Leontophoros de 110 m de long et 10 m avec ses 1.600 rameurs, et l’Isthmia, de seulement 70 m mais large de 20 m et propulsée par 2.300 rameurs ! DE VRAIS MONSTRES MARINS Le Leontophoros et l’Isthmia sont deux des Léviathans de cette époque. Incarnant deux philosophies différentes, ces hyper-galères n’en étaient pas moins remarquables dans leur parfaite incarnation d’un genre qui ne devait pas survivre à l’ère classique. C’était le règne de navires qu’aucune gravure, ni même aucun reste probant n’est venu attester hormis des suppositions d’après des récits concordants de nombreux auteurs antiques, si ce n’est l’interprétation de certains graffitis (comme le navire Lagide “Isis”»), le registre de la flotte d’Alexandrie, ou encore le sanctuaire d’Actium (Aktio) construit par César Auguste en commémoration de sa victoire, montrant des emplacements de rostres (éperons) de taille colossale, les comparant à celui retrouvé à Alhit (Israël). Partant des familières trières athéniennes (trois rangs de rameurs superposés sur chaque côté), aujourd’hui reconstituées et dont les techniques de nage nous sont connues, on fut obligé d’admettre l’existence de navires à 4, 5 et jusqu’à 40 niveaux de rames superposées (ce qui ne signifie pas quarante “étages” de rameurs superposés comme on a pu le croire au XIXe siècle). Cela semblait absurde, sinon à recourir au procédé déjà ancien, car pratiqué par les pirates et peuples de la mer, misant avec leurs Hemioliae (et Liburnes) sur une grande maniabilité précisément en multipliant le nombre de rameurs par banc. A partir de là, et sans arriver à des navires aux proportions délirantes, il devenait possible d’entrouvrir le voile pesant sur cette ancienne énigme de l’archéologie marine. Une galère de type “16” par exemple, n’avait pas seize étages de ra-

14 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


O

L’EXTINCTION DES DINOSAURES Pour finir, cet épisode maritime tricentenaire à trouvé son épilogue lors de la bataille d’Actium, consacrant la fin de la dernière grande flotte Hellène en même temps que le temps de ces «hyper-galères», surclassées par une tactique déjà esquissée auparavant et misant sur le nombre de navires légers et agiles, judicieusement comparée postérieurement à la confrontation des cuirassés avec les torpilleurs à la fin du XIXe siècle. Mais le mot de la fin revient certainement aux nostalgies Romaines tardives, celles notamment de Caligula, l’empereur qui se fit construire deux navires géants consacrés à Diane pour naviguer sur le lac Nemi. Ils furent découverts l’un et l’autre en 1930 en vidant partiellement le lac, confirmant les écrits de Suétone. Le premier, appelé Nemi I, fut la réplique supposée exacte, car d’après les descriptions faites par Pausanias, l’admirant au sanctuaire des Taureaux à Délos de l’Isthmia qui y aurait reposé des siècles durant. Le Nemi II était un revanche un simple palais flottant presque aussi large que long, et aucunement marin, tout juste bon à devenir le point de mire de naumachies à grande échelle. Les deux navires, extraits en bon état (vases bactéricides), restaurés et conservés dans des hangars, furent malheureusement brûlés par des soldats Allemands par pure vengeance de l’armistice Italien – durant leur retraite début 1944. Cette perte est aussi celle d’une technique de construction qui aurait pu nous en apprendre bien plus sur ces fameuses galères géantes.

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 15

7/7 j * ur o j r a p

David Bocquelet www.navistory.com Sources : Lionel Casson : The Ancient Mariners (Second Edition). Princeton University Press Lionel Casson : Ships and Seamanship in the Ancient World. The Johns Hopkins University Press John S. Morrison, John F. Coates, N. B. Rankov : The Athenian trireme. Cambridge University Press Basch L. , The tessarakontores of Ptolemy IV Philopator. Mariner’s Mirror, 1969 The age of supergalleys (PDF File) Selection from Casson, L. Ships and Seafaring in Ancient Times 1994 Lionel Casson, «The Super Galleys of the Hellenistic Age,» Mariner’s Mirror 55 (1969) 185-93 Deborah N. Carlson, Caligula’s Floating Palaces Volume 55 Number 3, May/June 2002

u'à

rture e uv

• Photos : © E.Jondreville • 04/09

LE CAUCHEMAR DES ARCHITECTES La structure interne de cette chambre devait être un véritable cauchemar pour tout architecte naval de l’époque (caprice de princes !). Le fait que ces rames étaient pourvues de poignées semble évident tant sa largeur était considérable (on parle d’avirons de quatre tonnes et plus de dix-sept mètres pour la Tekkerakonteros). L’autre difficulté de la rame était sa grande finesse comparée à sa longueur (problèmes de solidité à la torsion, et de souplesse à la fois). S’agissait-t-il de jeu-

Poisson clown aÔ lÕaquarium !

Jus q

LA LIMITE : L’INSTABILITÉ De plus, la déclivité de l’aviron supposait une déclivité égale du banc supérieur, repoussant vers le haut le pont du navire, le rendant hautement instable faute de lest dans les œuvres vives. Et, surtout, cela impliquait un écartement très important du premier rameur face au point d’appui de la rame sur le plat bord (apostis) et donc un débord de nage largement supérieur, allant jusqu’à presque doubler la largeur du navire par rapport à sa ligne de flottaison, rajoutant encore des difficultés à le stabiliser en roulis... Rien ne s’opposant à ce que des rameurs soient debout, les derniers à l’extrémité de la rame effectuant une véritable marche avec retour en plus de leurs efforts de traction/pulsion, s’appuyant de tout leur poids sur les rames. Cela induisait des passerelles intérieures ou des ponts complets, ce qui était difficile avec des rangs décalés de faible hauteur. Quoiqu’il en soit, la construction, la manoeuvre et l’apprentissage de la nage devait être particulièrement ardus. Il est très probable en effet que les rameurs dans les «hyper-galères» (plus de cinq rameurs par aviron ) étaient debout, de façon à ce que les derniers rameurs, ceux qui se trouvaient les plus éloignés du point de levier de rame, effectuent un déplacement sur trois ou quatre pas au moins (amplitude de deux mètres), cette distance décroissant jusqu’au rameur le plus proche de l’apostis. Il semble peu concevable dans ces conditions qu’il y ait eu des rameurs assis et d’autres debout sur la même rame. Enfin, le fait que les rameurs étaient debout et évoluaient dans la longueur pose le problème des ponts : Il faut imaginer pour une “40”, quatre ponts complets superposés, ce qui semble porter le navire à des hauteurs colossales et du coup devient peu plausible. En revanche, en gardant une hauteur raisonnable, surtout pour la “40” qui devait posséder 4 rangs de rames chacun maniés par dix rameurs, les thranites (voir figure) fournissaient l’effort le plus grand du fait de la longueur de la rame comparée à la hauteur du navire; et d’autre part les rameurs se trouvaient décalés à hauteur de mi-corps, ce qui exclut autre chose qu’une chambre de nage unique pour tous les rameurs, immense espace rythmé par des traverses longitudinales, passerelles décalées pour les rameurs, les poutres transversales et verticales...

nes pins choisis exprès ? Ou d’une autre espèce dont on joignait plusieurs sections décroissantes, taillées en biseau et entourées par un anneau de métal ou de cordages?... Le mystère demanderait une reconstitution - au moins d’une bordée... On sait que les Lagides disposaient d’une flotte de proportions considérable ( l’équivalent de la Royal Navy en 1914 ou de l’US Navy aujourd’hui ), pas seulement numériquement mais aussi qualitativement avec une forte proportion de “7”, “6”, “9”, et des “11”, “12”, “13” dits “de rupture”... Les Macédoniens n’étaient pas en reste, avec notamment la rivalité navale exacerbée entre Ptolémée II et Antigone Gonatas qui accoucha de fabuleux pachydermes. Certaines cités indépendantes en construisaient également. Syracuse, certainement, puisqu’elle vendit à Ptolémée son Alexandris, navire marchand aux proportions bibliques, mais dérivé simplement des Corbites construites pour convoyer le blé de Sicile vers l’Italie. Rhodes, plébiscitée par tous par son expérience comme pour son esprit visionnaire, s’en tenait à des navires raisonnables, mais elle posséda sans doute au moins une “dékère”. Pergame, qui combattit à la fois Macédoniens et Séleucides au gré des alliances, possédait également une flotte considérable, et au moins une dizaine de «navires cataphractes». Chaque souverain de l’époque prouvait la puissance de sa nation sur les mers en arborant ces géants de bois.

* En Juillet et en Août

meurs, mais pouvait être une simple trière (trois étages) alignant 7, 6 et 5 rameurs par banc. Au vu de la difficulté à gérer déjà trois niveaux de rames maniées par un seul homme (testé au cours d’essais de Coates et Morrisson ), qu’en était-il de navires alignant – s’il faut en croire la fameuse “40” de Ptolémée Philopator – jusqu’à 10 rameurs par banc ? La seule considération du point de levier est un casse-tête pour bon mathématicien. Deux certitudes cependant : un tel aviron devait être si long qu’il devait aussi être massif (ce qui est attesté par les rares avirons en bois conservés datant du XVIIe siècle) et posséder nécessairement des poignées, car trop larges pour pouvoir être attrapés à pleine main.

nnn%XhlXi`lddXi\efjkild%]i


Les pinardiers de l’antiquité

Petite histoire du vin, des amphores et des navires qui les transportaient Dès que le déluge cessa, dit la Genèse, Noé «planta la vigne, but le vin et connut l’ivresse». Dionysos, né – la seconde fois – de la cuisse de Jupiter, dieu grec des sucs vitaux, a donné la vigne aux hommes, comme Osiris l’Égyptien et Bacchus le Romain. Mais c’est avec Neptune – Poséidon, dieu des océans, que le vin est le plus lié. L’histoire de la navigation en Méditerranée est d’abord celle du commerce du vin et l’architecture navale est affaire de potiers. Embarquement sur les pinardiers de l’Antiquité.

S

ix cents ans avant note ère, des navigateurs Grecs après avoir colonisé et couvert de ceps et d’oliviers la Sicile et l’Italie du Sud, fondent Massalia, la première ville “française”. Marseille, bientôt florissante cité maritime, sera donc phocéenne, oléicole et viticole. L’union des tribus autochtones avec les nouveaux arrivants fut scellée par une coupe d’eau fraîche offerte par la belle ­Ligure Gyptis à Prôtis, capitaine de l’escadre Phocéenne qui apportait la science d’une boisson autrement plus dyonisiaque… La fouille sous-marine, née de l’invention du scaphandre autonome par le Cdt Cousteau, est venue bouleverser l’archéologie à la Indiana Jones. Les récits des hiéroglyphes, des mosaïques et des textes anciens sont confirmés, précisés, prolongés par la découverte d’épaves qui racontent la vie, les techniques et les fortunes de mer de toutes les époques. Mare Nostrum donne, reprend, et parfois rend… Ce n’est qu’un début. Aujourd’hui, on fouille à ­soixante-dix mètres. Demain cent, deux cents. Les gisements sont immenses, dans les alluvions du Rhône, les sables du Languedoc, les fosses de Provence, mais aussi sur les routes fluviales, le Rhône, l’Hérault, Arles, Agde… L es galères sont rares La plupart des épaves retrouvées sont celles de bateaux de commerce aux formes arrondies. Quasiment pas de trace des fins bateaux de guerre que l’on voit sur les vases et les murs des palais. Trop légers, chargés de rameurs et de guerriers qui tombaient à la mer, ils coulaient en se disloquant et s’éparpillaient sur le fond, vite recyclés.

Maquette du musée de l’Ephèbe au Cap d’Agde

Les navires de commerce, lourdement chargés et costauds s’enfonçaient avec leur cargaison dans la vase, se recouvraient de sable. Conservés ainsi presque intacts jusqu’à ce qu’un caprice des courants ne les remette à nu ou qu’un plongeur chanceux… Phéniciens, Grecs et Romains feront naviguer des bateaux de plus en plus grands aux charpentes et aux cargaisons de plus en plus phénoménales. Chacun établit ses comptoirs sur les routes maritimes et des corporations se développent comme en témoignent les mosaïques d’Ostie (port de Rome) où des enseignes devant des “bureaux” de commerce figurent notamment Narbonne et les Bouches-du-Rhône. Pourquoi par la mer ? C’est que les voies terrestres sont encore moins sécurisées. Durant quatre siècles que dure la Pax Romana (entre -200 et +200) les fondateurs d’Olbia, d’Agde, de Narbonne, de Lattes et de Marseille profitent de la surveillance de la mer par les galères impériales. Après le déclin de la Grèce, c’est le triangle Espagne – Italie – Gaule romaine qui concentre l’essentiel du commerce maritime. Les navires sont longs de 40 m et pèsent jusqu’à 400 t, comme La Madrague de Giens retrouvée dans les années 70, lestée de six mille amphores. Ces bateaux sont avant tout des “pinardiers”, qui, jusqu’au 1er siècle vont transporter le vin d’Italie vers la Gaule et, ensuite, de la Gaule vers l’Italie. Flux et reflux des marchés… jetable et traçable Les récipients d’argile purifiée cuite sont les quasi uniques contenants des denrées liquides (rarement solides). L’am-

phore, avec sa forme fuselée, son col étroit et ses deux anses élégantes symbolise les antiques libations. Mais il en existe autant de types différents que de lieux où elle est produite, autant de formes et de volumes que de denrées qu’elle contient. Utilisée pour le stockage dans

les entrepôts et comme contenant pour le transport, c’est un emballage jetable. Vidée, elle est pilée et mise en poudre ou brisée au mortier pour devenir matériau de construction, son col parfois utilisé comme élément de canalisation. C’est aussi une unité de mesure très précise : 19,56 l à Athènes et 26,26 l à Rome qui conserve une amphore-étalon au Capitole. L’amphore est aussi un support de communication. Comme sur les conteneurs maritimes d’aujourd’hui où l’on trouve des signes ésotériques pour le profane, dans l’argile de l’amphore est gravé un véritable bon de fret maritime. L’opercule de mortier qui sert de bouchon porte le plus souvent un cachet, l’épaule un timbrage, une estampille, ou des sceaux gravés à la pointe ou encore des marques peintes qui permettent de dater très précisément la fabrication de l’amphore, de retrouver l’adresse de l’atelier du potier où elle a été fabriquée mais aussi d’identifier le Mercator, le commerçant, son contenu, son origine et sa destination. La traçabilité est totale. Une chance inouïe pour l’archéologue qui se retrouvera fort

dépourvu quand le tonneau de bois gaulois – réutilisable et putrescible – remplacera, vers le 3e siècle, les indestructibles récipients de terre. Ainsi, une amphore n’est jamais perdue en route. À cette époque, les déroutages son fréquents. La météo n’est pas une science, la Méditerranée déjà capricieuse, la navigation empirique. Les marques servent à la redistribution des cargaisons sur des navires de cabotage plus petits (20 t comme La Cavalière, retrouvée dans la baie qui lui donne son nom).

Amphores - © CCJ - CNRS

16 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


Comment faire une amphore

- Hauteur : 100 à 122 cm - Diamètre de la panse : 28 à 30 cm - Diamètre de l’ouverture : 15 à 18 cm - Hauteur de la lèvre : environ 6 cm - Masse : 24 à 26 kg (vide) - Capacité : 24 à 26 l. (1 amphore = 8 conges = 48 setiers = environ 26 l

Dolia au musée de l’Ephèbe au Cap d’Agde

Parmi les treize épaves phocéennes retrouvées devant Marseille, deux d’entre-elles, les plus anciennes, longues de 8 m seulement, rappellent les “barquettes” et contenaient une trentaine d’amphores. Quatre cents tonnes ! Quatre cents tonnes, vingt tonnes, cinq tonnes… Quarante mètres, vingt mètres, huit mètres… les épaves racontent le commerce de gros, demi-gros ou détail, de haute mer, de cabotage ou de porte-à-porte comme l’a mis en évidence Luc Long, archéologue plongeur, conservateur en chef du patrimoine au DDRASSM de Marseille. Sur ces “pinardiers“, pas de cabines, la dizaine d’homme d’équipage dort à la belle étoile. Il n’y a dans la cale que les réserves de vie, l’eau douce et une cambuse. Priorité à la cargaison. Les Acratopotes, autrement dit buveurs de vin rouge, sont si nombreux à cette époque que le “vin de table” va être bientôt être transporté en vrac, dans d’énormes jarres appelées dolia, alors que les amphores sont réservées aux “grands crus”. Le dolium, également en terre cuite, peut contenir jusqu’à 2.500 l, être haut de 1,70 m pour 1,20 m de diamètre. Installé à poste fixe au centre de la carène, ce n’est pas un “jetable”. Le bateau est construit à sa mesure. On cale les dolia dans la coque en construction avant de poser les barrots et le pont. Certains navires pouvaient en contenir quinze ! L’arrimage délicat et la solidité toute relative de ces énormes jarres de terre font courir un risque aux navigateurs. Au point que Robert Roman, chercheur en charpenterie de marine antique à la MMSH d’Aix en Provence pense que ce système a dû être abandonné en moins de deux siècles pour des raisons de sécurité… Tout aussi savant est le chargement des amphores qui, en cas de tempête, ne doivent pas briser les dolia. La forme de l’amphore permet de les caler sur trois ou quatre niveaux à partir d’un premier rang pris dans un rack. La stabilité du chargement est confortée par quelques fagots glissés dans les interstices. Quand un ­dolium se brise

Dessin : Eric Gaba

L’amphore est fabriquée à partir d’argile épurée. Il faut de l’eau pour délayer l’argile, et du bois ou un autre combustible pour la cuisson. Le plus fréquemment, c’est le tournage qui est utilisé pour la façonner. Afin de la fabriquer, le potier façonne d’abord un fût, puis y ajoute col, pointe, anses. Une fois mise en forme, elle est mise à sécher au soleil, ou à défaut dans un lieu ventilé. Elle est ensuite mise à cuire pendant plusieurs heures. Le poissage est parfois utilisé pour la rendre plus étanche : on verse à l’intérieur de la poix liquide, de manière à former un film imperméable. Légende : 1- lèvre 2- col 3- anse 4- épaule 5- panse 6- pilon ou pied

en route, c’est une catastrophe pour l’équilibre du navire. Leur état fait l’objet de tous les soins. Beaucoup d’entre eux ont des fissures colmatées par des joints de plomb… Quant au remplissage ou au vidage de ces bateaux-citernes, on peut laisser aussi libre cours à son imagination, penser à la cohorte d’esclaves portant chacun une amphore sur le dos, une main au dessus de l’épaule tenant l’anse et l’autre, sur les reins, agrippant la pointe ? ou à deux, comme un palanquin, des tiges passées entre les anses ? allant et venant entre ces navires et d’immenses entrepôts pendant que le capitaine surveillait d’un oeil l’arrimage de la cargaison, de l’autre l’état du ciel. Emma Chazelles MMSH : Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme DDRASSM : Département Recherches Archéologiques Subaquatiques SousMarines

www.cabotages.fr - Edition 2009 - Cabotages - 17

Un potier à son four (-550 av J.-C.)


Marseille Sports Audi Med Cup Animations - Courses Du 9 au 14 juin - La Rade du port Toute la journée * Open Gaz De France De Marseille Du 1 au 5 Juin : Pré-qualifications Du 6 et 7 juin : Qualifications Du 8 au 14 juin : Tableau final, Renseignements et inscription par courrier 25€ - Tél : 04.91.77.84.86. Tennis Club de Marseille – Entrée Gratuite Lundi 8 juin 11 H, ouverture du village et 1er tour du tableau final 18 H 30, match principal 19 H 30, soirée des partenaires Vernissage Mardi 9 juin 11 H, fin 1er tour tableau final et 1er tour des doubles. 18 H 30, match principal 19 H 30, soirée Jazz avec le groupe « show time » Mercredi 10 juin 11 H, 8ème de finales simples Journée des enfants patronnée par la Ville de Marseille « Fête le Mur » patronnée par le Conseil Général et GDF SUEZ 18 H 30, match principal.. 20 H, Soirée caritative avec ventes aux enchères au profit de l’Association : « Au tour de l’enfant » Jeudi 11 juin 11 H, 8e de finales simples et doubles. Journée de la femme et de la “Côte Bleue”. Apéritif offert par la Société Ricard et de nombreux lots à gagner 18 H 30, match principal. 19 H 30, soirée Italienne «show time » Vendredi 12 juin 12 H, 1/4 de finales simples et doubles. 18 H 30, match principal 19 H 30, Soirée de la Mer Samedi 13 juin 14 H, 1/2 finales simples et doubles 20 H : Soirée de gala « white party » (soirée blanche) avec Joseph (Pépino) (réservations obligatoires, places limitées). Dégustation PUYRICARD * Dimanche 14 juin 15 H, finales simples et doubles - Remise des Prix Tirage au sort de la tombola pour le projet U2T Paoli Calmette soutenu par la Caisse d’Epargne www.opengazdefrance-marseille.com * Massilia Freeride Cup Démonstrations toute la journée 4 sports extrêmes : le skate, le BMX, le windsurf et le kitesurf Du 24 au 28 juin Quartier de la Vieille Chapelle * Les Voiles Du Vieux Port Les courses auront lieu dans la rade de Marseille Le village installé au pied du Fort Saint-Jean sera ouvert au public avec au programme des expositions, des ateliers, des soirées … Remise des prix : Dimanche 21 juin à 17h30 Du 18 au 21 Juin – Rade de Marseille www.lesvoilesduvieuxport.com * 11eme Defi De Monte Cristo Natation en mer Le défi : 5 km. Etape du circuit de la Coupe de France de Natation, nage avec palmes en eau libre, au départ du Château d’If. Le Championnat de Provence FFN : 2,5 km ouvert à tous les jeunes de 15 ans et plus. Le Défi Masters FFN : 1,5 km ouvert aux

nageurs de 25 ans et plus Samedi 27 juin 2009 : Le Défi Junior 1 km & Le Défi Open 2 km www.defimonte-cristo.com Les 27 et 28 Juin – Plage du Prado * Etape Du Tour De France Cycliste Etape : Marseille – La Grande Motte : 196 km. Lundi 6 juillet www.letour.fr * Mondial La Marseillaise A Pétanque Du 5 au 9 juillet Parc Borély, Le 9 juillet - La finale - Vieux Port – Quai d’Honneur – En nocturne Programme de la finale 10h00 1ère demi-finale 15h00 2ème demi-finale 17h00 Finale du grand prix féminin – EDF La Marseillaise 19h00 Finale de l’écureuil - La Marseillaise des jeunes 21h30 Finale du mondial www.lamarseillaise.fr * Beach Volley Swatch Fibv World Tour Jeux et activités mis en place par les partenaires Coiffage et relooking - Dégustations, remise de goodies et tests nouveaux produits Exposition et essai de véhicules - Cyber espace Happy hour au bar central... - Du 20 au 26 juillet - Plage du Prado www.worldseries13.com * Le Provencal 13 Pétanque Du 19 au 24 juillet - Au Parc Borely www.asptt.com * Tour De France A La Voile Dimanche 19 juillet : arrivée du ralliement Lundi 20 juillet : parcours Mardi 21 juillet : départ du ralliement vers La Seyne-sur-Mer (40 milles) Du19 et 20 Juillet www.tourvoile.fr * Concerts

Le Festival International Du Film Documen* taire Les Randonnées Théâtrales Du 8 au 13 juillet 2008 – Divers lieux Tarif adulte : 33€ - Tarif enfant : 16€ * * Cours De Bouillabaisse Les Circuits Mp3 Un jeudi par mois de 9h30 à 14h30. Dans le quartier du Panier et Belsunce. Les Tarif : 120€ par personne deux plus vieux quartiers de Marseille. Sur le Vieux Port Le petit plus : à la fin de la visite, on repart * avec son MP3 ! Chef D’un Jour dans un Restaurant Gastro* nomique Expositions Un mardi par mois de 9h à 12h. Tarif : 120€ par personne Instantanés – Photographies De Jean-Marc * Barr - Récits De Pascal Arnold Initiation A L’œnologie Du 15 mai au 15 juin Un samedi par mois de 18h à 19h30. A l’Espace Villeneuve Bargemon Tarif : 40€ * * Exposition Bernard Buffet Randonnée Dans Les Calanques Du 13 mars au 7 juin Le vendredi et le samedi selon programmaA la Vieille Charité tion. 15€. * Accessible à tous. Marines et Ports Méditerranéens XVIIIe XIXe et XXe Siècles Enfant à partir de 8 ans accompagné d’un Du 21 Mai au 20 septembre adulte responsable. Au Palais des Art * * Plongée Les Collections Du Musée Des Beaux Arts Et Le vendredi et le samedi de juin à septemDu Musee Cantini bre de 14h à 18h. Tarif : 55€ par personne Du 10 juillet au 3 janvier 2010 Accessible à tous. A la Vieille Charité Enfant à partir de 8 ans accompagné d’un * adulte responsable Julien Blaine * Du 6 mai au 20 septembre Kayak Au Musée D’art Contemporain Tarifs : ½ journée : 35€ par personne. Le * mercredi et samedi de 9h à 12h Fred Sathal Journée : 60€ par personne le dimanche de Du 15 mai au 30 septembre 9h à 16h Au Musée De La Mode * * Balade Palmée Gaston Castel Et Les Artistes Marseillais Le lundi, le mercredi et le jeudi de 14h à Du 1er juin au 31 décembre 18h. Tarif : 20€ Au Musée D’histoire * * Les Visites Patrimoine Selon programmation. Renseignements à l’Office de Tourisme A partir 6,50€ 04 91 13 89 00 ”Manon des Sources“ PUB 1Cabotages 120x170 1/01/22 15:49 Page 3

Festival de Musique Sacré Du 28 avril au 12 juin - Différents lieux, des églises ou l’opéra, * Fête De La Musique Concerts organisés pour célébrer l’arrivée de l’été et la Fête de la Musique. Dimanche 21 Juin Dans toute la ville * Musiques A Bagatelle - Les 25 et 26 juin - Parc Bagatelle Soirées classiques - Les 2 et 3 juillet - Parc Bagatelle Soirées Jazz * Le Festival De Jazz Des 5 Continents Du 21 au 25 juillet 2008 – Parc Longchamp * En scène Les Soirées Du Ballet National De Marseille - « Success Story » Grand studio du BNM du 27 mai au 5 juin * Entremets Entremots Dégustation de 9 plats originaux. Quatre acteurs vous convient à leur table pour une soirée inoubliable où mets et mots se dégustent entre connaisseurs. Avec la participation exceptionnelle de l’Institut Paul Bocuse Du 8 au 20 juin –– Théâtre NoNo * Ballet « Constance » Samedi 13 juin - Opéra de Marseille * Le Festival de Marseille Danses et spectacles Du 17 juin au 13 juillet Hangar 15 - Grand Port de Marseille. * Loisirs La Fête Bleue Les 26, 27 et 28 juin

*

ALLEESS CA OSS EESSC VO REEZZ V AR PA P REEP PR N EE EE AN RA RR D II TT EE R M EE D EE N N M

Cabotages.fr Mais aussi des rubriques pratiques

Cartes-En-Main (Sadik F. 2009)

Agenda

Sous réserve de modification. Renseignements à l’office du tourisme ou à la mairie

teau Acheter/vendre un ba rmations fo Annonces d'emplois/ Sites utiles l Immobilier du littora Puces marines s Bourse des équipier nnels sio es of pr s le Retrouver escales du nautisme de vos Cabotages/Coastwise est une production de Bastaque éditions 16, rue Garenne, 34200 Sète Tél. 04 67 17 14 30 - Fax. 04 67 17 14 32 - Email. contact@cabotages.fr

18 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr


RESPECTER L’ENVIRONNEMENT !

RESPECTER LES CONSEILS DE SÉCURITÉ !

Protéger les espaces maritimes et les écosystèmes marins, c’est : - utiliser des produits d’entretien biodégradables respectueux de l’environnement - ne jeter aucun déchet en mer - évacuer les vidanges dans les emplacements prévus à cet effet - respecter la faune et la flore en évitant de dégrader les fonds marins

Avant de sortir en mer : - vérifier le bon état de son embarcation et du matériel de sécurité - consulter la météo - porter son gilet de sauvetage - embarquer une VHF pour l’appel des secours (canal 16) - toujours prévenir un proche de sa sortie

sur www.japprendslamer.fr

DÉCOUVREZ LES BONS GESTES À ADOPTER EN MER De Navigatio


20 - Cabotages - Edition 2009 - www.cabotages.fr

© www.piquetdesign.com - 2009 - Crédit photos : D. R. R. Direction de la communication MPM, Piquet design, A. Beysens


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.