Local contemporain 02

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Fabrice Clapiès

C’est pourquoi de nombreux artistes et chercheurs associés à cette initiative proviennent de territoires autres, ou font appel à une multiplicité d’outils pour réfléchir.

Yann de Fareins

local.contemporain cherche ainsi à aiguiser l’attention et, si possible, à nous aider à gagner un brin de légèreté Philippe Mouillon pour aborder joyeusement les défis de l’époque.

Pierre Sansot Nicolas Tixier Henry Torgue

PRIX 8€ CETTE REVUE EST EDITEE AVEC LE SOUTIEN DU MINISTERE DE LA CULTURE (DAPA) DU CONSEIL GENERAL DE L’ISERE, DE GRENOBLE-ALPES-METROPOLE, DE LA REGION RHONE-ALPES, DES VILLES DE GRENOBLE ET DE SAINT-MARTIN D’HERES..

LOCAL.CONTEMPORAIN NUMÉRO 2

Ce numéro, consacré aux usages contemporains des temps libres, aborde les tensions entre loisirs et marchandises, usages et pratiques du Yves dimanche, foule et communauté. Il interroge l’incertitude actuelle des temps publics, Morin la domination sociale du temps réel, l’industrialisation du septième jour, la désynchronisation des individus, l’uniformisation des modes deMotte vie,…. Bénédicte

CE N’EST PAS UNE ACTIVITÉ ORDINAIRE QUE DE S’INTÉRESSER À L’ORDINAIRE

Yves Chalasdu regard, attentive aux formes et aux pratiques émergentes, confronte Cette entreprise de renouvellement des approches sensibles, statistiques, intuitives, rationnelles sur un territoire très localisé, ici l’agglomération Chamoiseau grenobloise, Patrick en pleine conscience de l’échelle mondiale de certaines mutations, mais aussi de l’extrême complexité des temporalités à l’oeuvre.

LOCAL.CONTEMPORAIN

2005

local.contemporain est un foyer de recherches originales et d’initiatives artistiques autour des territoires urbains Maryvonne Arnaud contemporains

C'EST DIMANCHE !


LOCAL.CONTEMPORAIN 1 RUE JEAN FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE CONTACT@LOCAL-CONTEMPORAIN.NET WWW.LOCAL-CONTEMPORAIN.NET LOCAL.CONTEMPORAIN EST UNE INITIATIVE DE LABORATOIRE SCULPTURE-URBAINE, 1 RUE JEAN-FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE / WWW.LELABORATOIRE.NET AVEC LE CONCOURS DE LA CONSERVATION DU PATRIMOINE DE L’ISERE, MUSEE DAUPHINOIS, 30 RUE MAURICE GIGNOUX 38031 GRENOBLE / WWW.PATRIMOINE-EN-ISERE.COM ONT PARTICIPE A CE NUMERO JEAN- YVES BOULIN, YVES CHALAS, JEAN-PIERRE CHAMBON, VINCENT COSTARELLA, ANNE FAURE, XAVIER GARCIA, BENEDICTE MOTTE, GHANIA MOUFFOK, ROBERTO NEUMILLER, PIERRE SANSOT, EUGENE SAVITZKAYA, MIREILLE SICARD, BERNARD STIEGLER, IVAN VLADISLAVIC, PETER WENDLING. DIRECTEUR ARTISTIQUE, DIRECTEUR DE PUBLICATION PHILIPPE MOUILLON RELECTURES, TRADUCTIONS, CORRECTIONS MAUD FELIX-FAURE, PASCALINE GARNIER. ICONOGRAPHIE MARYVONNE ARNAUD, VINCENT COSTARELLA, ROBERTO NEUMILLER, PETER WENDLING, JEAN-PIERRE CHAMBON. COMPOSITION MUSICALE XAVIER GARCIA PRISE DE SONS JEAN PIERRE SARZIER CONTACTS PEDAGOGIQUES ARCHITECTURE ET REGARDS 04 76 01 10 40 CONSEILS PEDAGOGIQUES EVE FEUGIER, BERNARD VENDRA LIGNE GRAPHIQUE RICHARD BOKHOBZA LOCAL.CONTEMPORAIN GRAPHIQUE JEAN-NOEL 1 RUEIMPULSION JEAN FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLEDURU GRAVURE & IMPRESSION IMPRIMERIE DES DEUX-PONTS, EYBENS CONTACT@LOCAL-CONTEMPORAIN.NET WWW.LOCAL-CONTEMPORAIN.NET

UNE EDITION LE BEC EN L’AIR (EDITEUR 2-916073 / 4 PLACE DES ORMEAUX 04100 MANOSQUE)

LOCAL.CONTEMPORAIN EST UNE INITIATIVE DE LABORATOIRE SCULPTURE-URBAINE (1 RUE JEAN-FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE / CONTACT@LELABORATOIRE.NET) 2-916073-06-X / DEPOT LEGAL 2005 AVECISBN LE CONCOURS DE LA CONSERVATION DU OCTOBRE PATRIMOINE DE L’ISÈRE, (MUSÉE DAUPHINOIS, 30 RUE MAURICE GIGNOUX 38031 GRENOBLE / CONTACT@PATRIMOINE-EN-ISERE.COM) LE COMITÉ DE RÉDACTION DE LA REVUE EST CONSTITUÉ DE MARYVONNE ARNAUD, BÉNÉDICTE MOTTE, NICOLAS TIXIER, HENRY TORGUE ET PHILIPPE MOUILLON. © LOCAL.CONTEMPORAIN POUR LE TITRE ET LE CONCEPT

ONT© PARTICIPÉ CE NUMÉRO FELLA JEAN-PIERRE ASSARI, YVESCHAMBON, CHALAS, BENEDICTE PATRICK CHAMOISEAU, CLAPIÈS, DEEUGENE FAREINS, ANNE FAURE, GENEVIÈRE FIORASO, JEAN GUIBAL, MALLET, JEAN- YVESÀBOULIN, YVES CHALAS, MOTTE, GHANIAFABRICE MOUFFOK, PIERRE YANN SANSOT, SAVITZKAYA, BERNARD STIEGLER, IVAN VLADISLAVIC POURBERNARD LEURS TEXTES MARYVONNE ARNAUD, VINCENTPIERRE COSTARELLA, ROBERTO NEUMILLER, PETER WENDLING, JEAN-PIERRE CHAMBON POUR LEURS PHOTOGRAPHIES YVES©MORIN, GRAZIELLA MONTEIL, SANSOT, MIREILLE SICARD. © XAVIER GARCIA POUR SA COMPOSITION MUSICALE.

ICONOGRAPHIE MARYVONNE ARNAUD, SAUF PAGES-72 À-79-: YANN DE FAREINS CETTE REVUE ESTOCTOBRE EDITEE (RICHARD AVEC LE SOUTIEN DU/ MINISTERE LA CULTUREIMPRIMERIE (DAPA) DES DEUX-PONTS, EYBENS GRAPHISME ATELIER BOKHOBZA) GRAVURE & DE IMPRESSION

DU CONSEIL GENERAL DE L’ISERE, DE GRENOBLE-ALPES-METROPOLE, DE LA REGION RHONE-ALPES,

UNEDES ÉDITION LE BEC EN L’AIR (ÉDITEUR 2-9521472-4-8 /D’HERES. 4 PLACE DES ORMEAUX 04100 MANOSQUE) VILLES DE GRENOBLE ET DE SAINT-MARTIN ISBN 2-9521472-4-8 / DÉPÔT LÉGAL OCTOBRE-2004 / DIRECTEUR DE PUBLICATION PHILIPPE MOUILLON

© LOCAL.CONTEMPORAIN POUREXPOSE LE TITREAETL’AUTOMNE LE CONCEPT2005 LA COLLECTE ALEATOIRE DE PHOTOGRAPHIES DES DIMANCHES LE MUSEE DE GRENOBLE, © YVES CHALAS, PATRICK CHAMOISEAU, MORIN, PIERRE SANSOT, PHILIPPE MOUILLON, BÉNÉDICTE MOTTE POUR LEURS TEXTES / MARYVONNE ARNAUD, YANN DE FAREINS 1 PLACE LAVALETTE 38000 GRENOBLEYVES / WWW.MUSEEDEGRENOBLE.FR POUR LEURS PHOTOGRAPHIES / FABRICE CLAPIÈS POUR SON IMAGE / NICOLAS TIXIER POUR SES FLIPBOOKS / HENRY TORGUE POUR SA COMPOSITION MUSICALE. CETTE REVUE EST ÉDITÉE AVEC LE SOUTIEN DU CONSEIL GÉNÉRAL DE L’ISÈRE ET DE LA MÉTRO ET LA PARTICIPATION DES VILLES DE GRENOBLE, SAINT-MARTIN D’HÈRES ET ÉCHIROLLES.

LA VILLE SONNE LE DIMANCHE !

CINQ CHRONIQUES SONORES RECOMPOSÉES DES DIMANCHES 2005 COMPOSITION XAVIER GARCIA (DURÉE TOTALE 33'25) PRISES DE SONS JEAN-PIERRE SARZIER

Ecoutez et téléchargez gratuitement les cinq compositions sur notre site :

www.local-contemporain.net/audio


C'EST DIMANCHE ! UNE APPROCHE DES TEMPORALITÉS URBAINES CONTEMPORAINES

1 I LOCAL.CONTEMPORAIN


LE JOUR DU DOUTE ?

POURQUOI LA VERSION 2.0 D'HOMO-SAPIENS S'ENNUIE-T-ELLE LE DIMANCHE ? PHILIPPE MOUILLON

Cloches, sirènes ou générique du 20 H, l’écoulement du temps est-il moins fermement cadencé aujourd’hui qu’hier ? Ces rythmes et usages du temps disent-ils l’époque, comme le font les pratiques de l’espace ? Quel est le sens de ses rythmes ? Résultent-ils de rapports de force qui échappent à notre attention : persuasions clandestines, modélisations plus ou moins contraignantes ? Qui en échappe ? Existe-t-il aujourd’hui des individus qui organisent leur temps comme ils le veulent ? L’individu de la société des loisirs est-il loisible de son temps, libre de s’inventer son propre temps ? Ou au contraire, privé de temps propre, singulier, incalculable ? Ne nous reste-il dans l’écrasante majorité des cas que la liberté de faire comme tous les autres ? L’autonomie individuelle ne masque-t-elle qu’un conformisme généralisé ? Assistons-nous à une synchronisation généralisée des comportements ? Ou à une individualisation et désynchronisation des modes de vie ? Existe-t-il des temps libres qui échappent au comportement compulsif et mimétique du consommateur ? À l’ivresse du flux continu de l’information et des marchés ? À l’obsession du temps réel, du présent permanent ? Le temps commun ne consiste-il qu’en une synchronisation massive des désirs des consommateurs solvables ? Cette modélisation des comportements produit-elle un effondrement des temps communs ? L’atomisation des individus facilite-t-elle leur autonomie, leur singularité ou la limite-t-elle ? Chacun n’use-t-il de son temps qu’en similitude avec tous les autres ? Faire ce que font 10 millions d’individus au même instant nous rapproche-t-il d’une industrialisation des corps, des intimités, des consciences ? Assiste-t-on à l’industrialisation du septième jour ? La consommation des loisirs n’est-elle qu’une standardisation des savoirs vivre ? Un refuge horrifié et laborieux devant le vide ? Ne sommes-nous débarrassés des habits du dimanche que pour porter des logos plus diversifiés ? L'infinité des pratiques possibles du dimanche est-elle réductrice des différenciations sociales ? Le temps à soi, libre de contraintes est-il devenu un temps vide et contraint ? De quoi s’ennuie-t-on le dimanche ? LOCAL.CONTEMPORAIN I 2


Comment s’échappent les individus le dimanche ? En cultivant les repères calendaires familiaux, religieux, nationaux, ou en les abandonnant ? Le dimanche est-il le jour du retour à soi ? De la solitude ou de la foule, du clan, de la famille, du couple ? De la communion avec la communauté ? Cette distraction dominicale produit-elle de la cohésion sociale ? Le dimanche ouvre-t-il la liberté de prendre soin de soi, de cultiver un autre plan de soi ? Le dimanche permet-il de retrouver une cohérence intime de vie qui n’est plus offerte par les systèmes sociaux dominants ? De préserver des trajectoires indéterminées, apparemment insensées parce qu’elles ne semblent pas cohérentes avec l’époque ? De cultiver des pôles d’intérêts et de désirs différents ? Comme autant de savoirs précieux, mobilisables dans des contextes ultérieurs inédits? Comme autant de prototypes stratégiques de différenciation ? Le dimanche ouvre-t-il un foisonnement essentiel de temporalités autres ? L’improvisation, contre-feu de la routine ? La méditation, contre-feu de l’information 24 h sur 24 ? La patience, contre-feu du juste à temps ? Le ressourcement, contre-feu de l’ennui et du désoeuvrement ? Le repos, contre-feu du loisir ? Le dimanche permet-il de rompre le cours des choses afin d'en reprendre le cours ? La suspension de la routine est-elle une nécessité ? Une immunité tactique envers l’époque ? Suspendre pour oublier, pour douter, pour anticiper ? Faut-il nécessairement redonner un point de départ à la semaine pour ne pas se perdre de vue soimême ? Le dimanche permet-il de sauvegarder des processus de fond : mise en mémoire, écoute, complicité, transmission intergénérationnelle, qui exigent opiniâtrement la durée ? L’autonomie, la singularité sont-elles amplifiées par cette suspension du temps ? Le dimanche permet-il à chacun de déplier sa vie ? De lui trouver sa juste démesure, sa fragilité nécessaire, son irréductible vivacité ? De réinvestir l’inattendu ? 3 I LOCAL.CONTEMPORAIN


02

02. LE JOUR DU DOUTE ? PHILIPPE MOUILLON

05. EDITORIAL ÉDITORIAL

06. C'EST DIMANCHE !

APPEL À PHOTOGRAPHIES AUPRÈS DES HABITANTS

13. DIMANCHE AU CHOIX YVES CHALAS

18. ABÉCÉDAIRE

MARYVONNE ARNAUD

43. LES NOUVEAUX HABITS DU DIMANCHE JEAN-YVES BOULIN

47. DE MES JOURS… BÉNÉDICTE MOTTE

SOMMAIRE

LOCAL.CONTEMPORAIN

51. AUJOURD'HUI, SUIS-JE DE TROP ?

LOCAL.CONTEMPORAIN I 4

PIERRE SANSOT

54. LE DIMANCHE DE MARGUERITE ROBERTO NEUMILLER

59. WWW.DIMANCHE BERNARD MALLET

60. À TABLE ! /

62. LE SEPTIÈME JOUR… VINCENT COSTATELLA

69. IL N'Y A PLUS DE DIMANCHE POSSIBLE ! BERNARD STIEGLER

78. UN POÈME ASSEZ MAIGRE MAIS PAS TROP AIGRE JEAN PIERRE CHAMBON

83. SEULS LES PIGEONS RESTENT À FOULER LES ÉPLUCHURES ! EUGÈNE SAVITZKAYA

84. LES BRICOLEURS DU TEMPS GHANIA MOUFFOK

86. JOURNÉE PORTE OUVERTE À JOHANNESBURG IVAN VLADISLAVIC

88. LA LESSIVE DU DIMANCHE PETER WENDLING

90. MON DIMANCHE IDÉAL HENRY TORGUE

94. LES DIMANCHES DU BEL ÉTÉ (18)99 YVES MORIN

96. À TABLE ! (BIS) MARYVONNE ARNAUD

98. UNE JOURNÉE BIEN REMPLIE NICOLAS TIXIER

99. L'ESPACE D'UN DIMANCHE MIREILLE SICARD, ANNE FAURE

100. LA VILLE SONNE LE DIMANCHE XAVIER GARCIA


DOUZE ANS DE VIE ! ÉDITORIAL

Avec l’espérance de vie moyenne que connaissent les Français aujourd’hui, la totalité des dimanches vécus par une personne représente 1/7e de son temps - 12 années consécutives ! C’est considérable. Imaginez des vacances qui dureraient 12 ans ! Oui mais voilà, chaque dimanche est séparé du suivant par les jours de la semaine. Et s’agit-il vraiment du même dimanche selon les périodes de la vie, selon l’entourage, selon l’état physique, mental ou affectif, selon les métiers, selon les pays ? Et puis qui a dit que le dimanche était un jour de vacances ? Ce qui semble vrai pour chacun, et depuis longtemps, c’est qu’il s’agit d’un jour à part, souvent plein de promesses, parfois d’espoirs déçus, de rencontres ou de solitudes, d’enracinements ou d’innovations. Comme un sas temporel dans la répétition des jours, comme une séquence de respiration ou d’angoisse, attendue ou redoutée.

pavanent la semaine, sont-ils remplacés par d’autres ? Découvrent-ils un nouveau visage ? Leur vacance est-elle une démission ? Quels visages offre une nature devenant de plus en plus citadine ? Personne n’aurait l’idée de souhaiter “Bon mardi” ou “Bon vendredi”. La semaine le générique “Bonne Journée !” suffit. Seul le dimanche possède ce privilège d’accéder à une adresse particulière. Signe de sa singularité, de son histoire et des multiples épisodes qu’il met en scène et que ce numéro vous invite autant à retrouver qu’à découvrir. Bon dimanche !

Choisir le dimanche comme thème du second numéro de Local.contemporain est le prétexte à rêver et à réfléchir à cette autre grande dimension de chacune de nos vies : le temps. Après l’espace abordé dans le numéro 1, nous avons souhaité questionner l’autre grand axe fondateur auquel nul n’échappe. Mais pour ne pas se faire submerger par le sujet, l’abordage prend le biais du jour de repos, du jour qui échappe à la loi du timing stressant et des actions obligatoires, du moins dans ses figures dominantes parce qu’au creux de cette brèche où se nichent plaisirs et traditions, se repèrent aussi d’autres pressions et d’autres servitudes. La conscience et les pratiques que nous avons du temps ont considérablement évolué au cours du XXe siècle. La vie humaine individuelle a connu un étirement majeur couplé à une démultiplication prodigieuse de ses rythmes. Ce double processus s’accélère sans cesse, générant des comportements diversifiés où se mêlent survivances archaïques et marqueurs de modernité. En occident, la longueur de la vie s’allonge, les repères biologiques changent, la durée de la vie de couple a triplé en cent ans, l’apprentissage s’éternise, le temps d’activité professionnelle se rétrécit, la retraite devient une épopée… En parallèle, les réseaux imposent leur impératif-présent, notre attention succombe à la tentation du zapping. Il faut faire de plus en plus court, de plus en plus vite. Les microtemporalités nous mettent à leur service. Nous sommes toujours plus nombreux. Souvent à faire la même chose au même moment. Écartelés entre une idéologie farouchement individualiste et un grégarisme désarmant. Alors, que faisons-nous le dimanche ? Que deviennent nos quartiers, nos lieux de travail ou d’activités, nos foules pressées ? Tous ces lieux urbains qui se 5 I LOCAL.CONTEMPORAIN


C'EST DIMANCHE !

UN REGARD ALÉATOIRE SUR LES USAGES CONTEMPORAINS DES TEMPS LIBRES PAR APPEL A PHOTOGRA

UNE PROPOSITION DE MARYVONNE ARNAUD IMAGES COLLECTEES DE LORNE AUBER, ROBERT SEIGNEMARTIN, MARIE LISE ALLEMAN, VERONIQUE LECOMTE, JEAN DOLFUS, LOLA BOYAU, ODILE GRÉGOIRE, GILL BACONNIER, AVEC LE COUCOURS DES MEDIAS LOCAUX : DAUPHINÉ LIBÉRÉ, M6, FR3, FRANCE BLEUE, DES BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES, DU MUSÉE DE GRENOBLE, DU MUSÉE DAUPHINOIS, DE L'HEXAGONE DE MEYLAN, E

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APHIES AUPRÈS DES HABITANTS DE L'AGGLOMÉRATION

ET DES JOURNAUX MUNICIPAUX

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IMAGES COLLECTEES DE LOLA BOYAU, LAURENCE MACARY, JEAN CLAUDE SERRES, L..BARDINI, F.CAMPISTANY, CATHERINE WILLOTTE, JEAN-LOUIS PIGNARD, CHRISTOPHE ALBINO, NATHALIE VERNEREY, SERVI

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IANNE COMMIOT

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IMAGES COLLECTEES DE ODILE BERTRAND, EMILIE LAPRAZ, CLÉMENT BOUSSON, BART SABLON, PHILIPPE MACARY, JEAN-LOUIS PIGNARD, ALETH MIGNOT, AURELIE GERBAL, ELISABETH MACLET

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“le samedi, je fais ce que ma femme me dit de faire et le dimanche je dis non” M.S., 55 ans

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DIMANCHE AU CHOIX

“ON NE S’ENNUIE PLUS LE DIMANCHE”, PAROLE D’HABITANT ! YVES CHALAS

Le dimanche, plus que les autres jours de la semaine, chacun passe son temps comme bon lui semble, en fonction de son seul libre-arbitre et dans la plus pure indifférence à ce que font ou ne font pas les autres, y compris parfois à l’intérieur même de sa propre famille. …

A écouter les habitants de l’agglomération grenobloise, trois traits majeurs permettent de résumer et de comprendre la place que le dimanche occupe aujourd'hui dans notre société. Premièrement, le dimanche est devenu un jour multiple en ce qu’il ne peut pas, ne peut plus, être défini par une ou quelques activités essentielles et collectives, ni même par un ou quelques lieux auxquels il serait particulièrement associé. Le dimanche contemporain est plutôt le jour de toutes les occupations et de toutes les destinations possibles. Deuxièmement, le dimanche est un jour toujours différent des autres jours de la semaine, mais cette différence et plus précisément les termes qui fondent cette différence ont considérablement évolué. Troisièmement, le dimanche est un jour encore non urbain, mais plus pour très longtemps, semble-t-il. Ces trois traits majeurs qui paraissent caractériser le dimanche, nos dimanches, sont reliés l’un à l’autre par une problématique commune de fond : celle du choix individuel qui préside à l’organisation du temps le dimanche.

UN JOUR MULTIPLE Les enquêtes nous réservent toujours des surprises. Grise est la connaissance acquise finalement et verte la vie dans ses expressions multiples. Les enquêtes sont, elles devraient être, le point de départ de toute réflexion ou l’objectif visé de toute réflexion pour vérification. Entendre les gens parler de leur emploi du temps, les écouter, les observer dans leurs pratiques, c’est découvrir une inversion remarquable, à savoir que le dimanche n’est pas, n’est plus, le jour où le rassemblement des êtres entre eux reprend le dessus dans nos sociétés pour venir pondérer l’éclatement dans lequel les plongent les autres jours de la semaine marqués par le travail, les nombreuses tâches, les déplacements divers et les actes de consommation répétés. Contrairement à ce que laisserait accroire une certaine nostalgie peut-être, en tout cas une image fausse de notre condition contemporaine d’existence, le dimanche est devenu dans nos sociétés le jour de la semaine où l’individualisme et, son corollaire, la désynchronisation des temps sociaux atteignent leur apogée et s’expriment le plus clairement. Le dimanche, par exemple, est le jour de la semaine où tout un chacun affirme, sans exception aucune – la formule pour être banale n’en est pas moins significative - “voir le moins de monde", c’est-à-dire rencontrer ou recevoir peu, pas du tout le plus souvent, d’amis, de collègues ou de voisins.

En d’autres termes, le dimanche est le jour où, plus que les autres jours de la semaine, chacun passe son temps comme bon lui semble, en fonction de son seul libre-arbitre et dans la plus pure indifférence à ce que font ou ne font pas les autres, y compris parfois à l’intérieur même de sa propre famille. Certains choisissent de se reposer, de ne rien faire, de rester chez soi, pendant que d’autres au contraire préfèrent s’épuiser dans le sport, le bricolage, le jardinage, les sorties, les voyages, le ménage, ou que d’autres encore optent pour la poursuite dans le calme et pour plus d’efficacité d’un travail commencé durant la semaine. Non seulement les activités d’un individu à l’autre sont fort dissemblables, et plus dissemblables que les autres jours de la semaine, mais de surcroît, les activités pour un même individu varient considérablement d’un dimanche à l’autre. Il n’y a plus de dimanche-type collectif et institutionnalisé, par les églises, la famille, le sport, les clubs ou la vie associative. Il n’y a même plus de dimanche-type pour un même individu. La monotonie des dimanches a disparu. “On ne s’ennuie plus le dimanche”, parole d’habitant ! Si le sentiment de désœuvrement pouvait prévaloir par le passé du fait de la vacance de toute activité qui s’imposait ce jour-là ou encore de la répétition invariable des obligations familiales et sociales auxquelles ce même jour était consacré, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le dimanche, plus rien, ou presque, ne s’impose et rien n’est exclu, tout est possible. Au point que les personnes interrogées sur leurs dimanches ont le plus grand mal à dire ce qu’elles font ou ne font pas, tant la liste de leurs activités est longue, diversifiée et surtout changeante d’un dimanche à l’autre. De même, il n’y a plus de lieu qui soit invariablement associé au dimanche, tels l’église bien sûr, le stade ou la salle à manger familiale. Dans l’esprit comme dans la pratique du plus grand nombre aujourd’hui, tout peut être ou peut devenir un lieu du dimanche, du canapé devant la table basse du salon, jusqu’à la résidence secondaire quand on en a une, en passant par l’ordinateur dans la chambre et Internet, sans oublier les lieux plus traditionnels voués au culte, au sport et autres. L’on ne réserve plus ses dimanches à une ou quelques activités précises et à des lieux exclusifs qui inévitablement viendraient s’inscrire dans l’agenda de chacun après une semaine de labeur selon un rituel immuable. D’un dimanche à l’autre, l’on alterne les plaisirs dans une palette toujours plus large d’activités et de lieux possibles.

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DIMANCHE AU CHOIX “ON NE S’ENNUIE PLUS LE DIMANCHE”, PAROLE D’HABITANT !

“si tu ne fabriques pas quelque chose par toi-même, ce n’est plus le dimanche” cadre supérieur, 55 ans

“le dimanche, aussi, je mange comme j’ai envie. Un dimanche, je peux dire à Jojo, mon mari, je te fais deux oeufs au plat et on n’en parle plus.” femme au foyer, 65 ans

“peut-être que je me trompe, mais je ne vois pas trop ce qu’il y a à faire le dimanche dans une ville française” étudiante, 27 ans

“le dimanche, quand je ne sais pas où aller avec mon petit-fils, je vais chez Paquet, la jardinerie. Je n’achète pas forcément quelque chose. Je me promène avec lui parce qu’il y a du monde, des poissons dans des aquariums, des animaux. Il y a des choses qui se passent.” secrétaire médicale, 52 ans

“c’est sûr qu’on peut imaginer choisir de s’arrêter de travailler quand on veut, mais comme il y a des gens qui ne s’arrêteront pas, il faut les arrêter pour eux. Le dimanche, c’est un peu fort ce que je vais dire, c’est d’utilité publique” étudiante, 27 ans LOCAL.CONTEMPORAIN I 14

La désynchronisation sociale des activités le dimanche, mais aussi la déstandardisation des modes de vie et la déritualisation des pratiques ce jour-là, du fait que chacun entend faire ce qu’il veut quand il le veut, s’appuient sur un individualisme, tout autant que cet individualisme se nourrit en retour d’un tel vivre-ensemble éclaté, qui semble avoir pour objectif premier ou ultime : le choix. Tout est possible le dimanche, tout est affaire de choix. L’essentiel est d’avoir enfin le choix le dimanche. Le copieux repas de famille le dimanche midi ou l’endimanchement (plus rare) dans des vêtements inhabituels ne sont pas rejetés, pas plus que l’abrutissement durant de longues heures devant la télévision ou les embouteillages du dimanche soir après une journée de ski ou de pique-nique-barbecue à la campagne, mais à condition et à condition seulement que de telles activités ne soient pas systématiques, d’une part et, d’autre part, résultent d’un choix personnel. Le dimanche au choix: voilà le vrai dimanche dans nos sociétés contemporaines, le dimanche idéal pour une très large majorité de personnes. L’attente du dimanche ou encore la demande sociale contemporaine de dimanche sont une attente ou une demande de dimanche au choix, plus ou moins réalisées et plus ou moins satisfaites dans les faits bien sûr. Le dimanche est devenu dans les têtes et dans les visées, si ce n’est dans la réalité, une construction individuelle flexible. À chacun non pas son dimanche, mais ses dimanches : “le dimanche c’est comme je veux, quand je veux", re-parole d’habitant ! Le dimanche au choix est le dimanche personnalisé, customisé, le dimanche sur mesure, le dimanche que chacun confectionne ou essaie de confectionner “à sa façon" et pour soi.

UN JOUR TOUJOURS DIFFÉRENT C’est le choix qui fait la différence entre le dimanche et le reste de la semaine, alors que ce n’était nullement le cas hier. Si le dimanche à l’époque qui est la nôtre n’est pas un jour comme les autres, et personne, à ce qu’il se dégage des enquêtes, ne tient à ce qu’il le devienne, ce n’est pas parce que l’on n’y fait plus rien ou parce que les activités changent fondamentalement de nature, mais parce qu’il est le seul jour de la semaine qui ne soit pas affecté, le moins affecté en tout état de cause, à des tâches précises, routinières et inévitables. “Le jour non affecté", cette expression, cette image, émane de propos quotidiens, ordinaires, d’une personne qui essayait au cours d’un entretien de définir le plus brièvement possible


ce que représentait aujourd’hui selon elle le dimanche. Le sentiment irréfragable d’alternance ressentie lorsque le dimanche arrive par rapport aux autres jours de la semaine, y compris le samedi souvent et même régulièrement - rituellement - sacrifié aux courses, ne s’explique pas, ou de manière partielle seulement, par l’opposition entre travail et loisirs, travail et repos, activité et non-activité, mais plus conséquemment par l’opposition entre jour affecté et jour non affecté. Quoi que l’on fasse le dimanche, que l’on s’adonne à la sieste ou que l’on devienne hyper-actif, que l’on sache ou non occuper son temps libre, l’essentiel est qu’on le fasse sans contrainte, sans nécessité - ou avec le moins de contrainte ou de nécessité possible - pour que le dimanche ait un sens et exauce la différence espérée avec les autres jours. Le dimanche ne joue le rôle de soupape salutaire, de parenthèse régénérante ou de contrepoint rythmique indispensable à l’écoulement des jours et des semaines qu’à cette condition. Toute personne reconnaît - la réduction du temps de travail aidant, mais aussi la facilité des déplacements et l’accroissement du pouvoir d’achat -, que de plus en plus les activités tels le bricolage, le sport, le ménage ou même le repos, qui hier ne pouvaient s’accomplir que le dimanche ou durant le week-end, se pratiquent tout au long de la semaine et que sur ce point le dimanche ne fait pas la différence. Les activités peuvent être les mêmes le dimanche que les autres jours de la semaine, qu’importe, à partir du moment où ces activités sont librement acceptées et ne s’inscrivent pas obligatoirement dans l’emploi du temps de chaque fin de semaine, le dimanche se distinguera des autres jours et méritera de porter son nom. “Soupape", “parenthèse", “contrepoint" sont des mots qui appartiennent toujours au langage courant sur les dimanches, mais qui renvoient à un contenu nouveau en relation avec l’évolution des modes de vie et des mentalités et notamment avec l’aspiration proprement contemporaine à une souveraineté individuelle accrue sur le déroulement de la vie. “Etre souverain le dimanche en ce qui concerne le choix de ce que l’on fait ou de ce que l’on ne veut pas faire, c’est ce qui importe", nous dira une personne interrogée ; “on travaille pour cela durant la semaine, pour faire vraiment ce que l’on veut le dimanche", complètera une autre personne interrogée.

La perception du dimanche en tant que jour non affecté par rapport aux autres jours de la semaine, qui eux se définissent comme des jours affectés, varie cependant selon certaines catégories sociales, au-delà de la question des revenus. L’intensité vécue de la coupure que représente le dimanche entre jour affecté et jour non affecté est inversement proportionnelle à la maîtrise que les individus ont sur leur emploi du temps de la semaine et notamment sur leur temps de travail. Moins les individus ont la capacité d’organiser leur temps de travail, et en conséquence le temps qui leur reste pour les activités hors-travail durant la semaine, et plus le dimanche sera ressenti comme un jour non affecté et, par là, comme un jour différent des autres jours. Ainsi, les retraités bien sûr, de plus en plus présents dans nos sociétés, ou les étudiants, dont le nombre pèse dans une ville universitaire de taille moyenne telle que Grenoble, mais aussi les enseignants, et davantage ceux du supérieur que ceux du secondaire, les chercheurs des grands organismes publics, de même que certaines professions artistiques ou relevant de l’action culturelle vivent moins fortement l’opposition entre jour affecté et jour non affecté recouvrant l’opposition entre le dimanche et les autres jours que les artisans, les commerçants, les vendeurs et les vendeuses, les ouvriers, les employés de bureau, les secrétaires et certains cadres supérieurs. Que l’intensité vécue de la différence que représente le dimanche par rapport aux autres jours de la semaine soit relative, nuancée selon les individus et les catégories sociales auxquelles ils appartiennent, cela ne doit pas faire perdre de vue pour autant qu’il existe une unanimité sociale très nette en ce qui concerne la définition et par là même le vécu du dimanche ou des dimanches en tant que jours non affectés. Pour tout le monde ou presque, le dimanche est certes un jour qui n’a rien ou qui n’a plus rien d’exceptionnel, qui n’est pas ou plus un jour de fête, qui peut être aussi et qui l’est souvent un jour banal par ce que l’on y fait et ce que l’on n’y fait pas, mais qui reste un jour singulier en sa qualité de jour non affecté. Mieux, tout un chacun s’emploie à sa manière et avec ses moyens à préserver, à cultiver le dimanche en tant que jour non affecté. Il existe bel et bien une culture contemporaine du dimanche en tant que jour non affecté ou jour au choix qui pour être ordinaire, anonyme, invisible, n’en est pas moins volontaire et efficiente.

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DIMANCHE AU CHOIX “ON NE S’ENNUIE PLUS LE DIMANCHE”, PAROLE D’HABITANT !

“le dimanche, c’est le jour de la semaine où j’entends les ronrons des petits avions dans le ciel. Les autres jours de la semaine, on ne les entend jamais. On n’entend rien les autres jours de la semaine” coiffeur, 42 ans

“je ne dis pas que ça n’a pas de sens de ne pas le faire un autre jour de la semaine, mais on a plus d’activités qui sont fixes, régulières, et comme mettre du basilic en pot, ça c’est une activité qui n’est ni obligatoire, ni régulière, j’aurais plus tendance à la caser le dimanche” étudiant, 24 ans

“je n’arrive pas à m’ennuyer le dimanche” étudiante, 22 ans

“je ne vais pas en ville le dimanche parce qu’il n’y a pas la foule avec laquelle on se mêle. ” cadre supérieur, 55 ans

“j’ai deux cousines qui sont veuves et je m’occupe beaucoup d’elles. Je vais leur tenir compagnie, je les emmène au cimetière.Ce n’est pas une contrainte. Jamais de la vie. Moi j’aime bien, au contraire, on papote” femme au foyer, 50 ans

“une ville doit être ouverte le dimanche. Pourquoi ça doit s’arrêter pour tout le monde en même temps ? Cela n’a pas de sens aujourd’hui” cadre supérieur, 55 ans

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Ainsi, même les retraités ou, bien que dans une moindre mesure, les étudiants, c’est-à-dire les catégories sociales qui ont le plus de temps, qui bénéficient de la plus grande possibilité d’organiser comme elles le souhaitent leur emploi du temps, se réservent le dimanche non pas vraiment pour changer d’activité ou ne rien faire, mais comme un jour non affecté à une activité, à un lieu ou à un comportement spécifiques, comme un jour où quoi que l’on fasse ou que l’on ne fasse pas et où que l’on aille ou que l’on n’aille pas, tout est choisi ou contingent, rien ou presque n’est obligatoire ou inéluctable. Le dimanche est un jour où l’on passe de la nécessité d’activité au désir d’activité.

UN JOUR ENCORE NON URBAIN Le rapport à la ville le dimanche est très significatif de la montée en puissance des modes de vie contemporains fondés sur le choix et qui s’expriment ce jour-là plus que les autres jours. La culture massive, transversale aux stratifications sociales diverses, du dimanche au choix, du dimanche non affecté, peut mener jusqu’à l’espoir latent, parfois jusqu’à la demande très explicite, d’ouverture des commerces le dimanche, petits et grands, au centre de la ville comme en périphérie. La ville fermée le dimanche est désignée par certains, dénoncée par d’autres, comme un obstacle à la culture du dimanche au choix. En première analyse, deux profils-types d’habitants s’opposent il est vrai sur l’ouverture des commerces le dimanche dans une ville comme Grenoble, par exemple. D’un côté, l’habitant du centre-ville, généralement vieux ou jeune qui dispose de temps libre ; de l’autre, l’habitant de la périphérie d’âge moyen et de toute catégorie sociale qui est très pris par son travail du matin au soir chaque jour de la semaine, excepté quelques heures ou un après-midi au mieux qu’il consacre au sport ou à ses enfants. Le premier redoute l’ouverture des commerces le dimanche qu’il perçoit comme une atteinte très directe non seulement à son bien-être, mais à la possibilité même d’habiter au centre-ville, tant il a un besoin quasi vital que la ville se calme, disparaisse presque ce jour-là, afin qu’il puisse souffler un peu et retrouver son désir de vivre au centre avant de réaffronter l’agitation urbaine de la semaine. Le deuxième affirme qu’il ne lui reste au contraire que le dimanche s’il veut effectuer ses achats dans les boutiques spécifiques du centre-ville et surtout jouir de l’animation urbaine, du passage, du mouvement,


de la foule que seule rend possibles une véritable activité commerciale. Pour ce dernier, il est anormal qu’une ville aux temps qui sont les nôtres ne puisse pas fonctionner le dimanche comme les autres jours. Et, précise-t-il, c’est parce que toute activité cesse le dimanche qu’il ne fréquente plus que très rarement le centre-ville, qu’il finit même par le méconnaître totalement ou presque, son éloignement périphérique ne lui laissant guère le temps en semaine d’en profiter et la fermeture des commerces le dimanche ne lui donnant ni l’occasion, ni l’envie de s’y rendre. Toutefois, et c’est ce qui apparaît ensuite et assez vite à l’analyse, quel que soit l’habitant, qu’il souhaite pour des raisons pratiques, fonctionnelles, l’ouverture des commerces le dimanche ou, à l’inverse, qu’il veuille pour des raisons religieuses, idéologiques ou d’alternance salutaire entre bruit et ataraxie dans la ville, ou encore pour des raisons sociales d’égalité devant le travail, le maintien de la fermeture des commerces le dimanche, tous s’accordent pour constater que le dimanche la ville est “vide", qu’il n’y a “rien", qu’il ne se passe rien, qu’il ne peut rien se passer parce qu’il n’y a pas d’autre choix que de ne rien faire ou si peu. Les habitants sont nombreux, y compris ceux de la périphérie, il ne faut guère se méprendre, qui apprécient ou peuvent apprécier le vide et le rien du dimanche en ville, le fait, très précis dans leurs descriptions, de pouvoir se promener dans les rues devenues silencieuses, comme immobiles, sans passant, sans sollicitation commerciale, et de pouvoir contempler les façades et le ciel par-dessus les toits sans craindre d’être bousculés. Mais tout aussi nombreux sont les habitants, et y compris ceux du centre, pour diagnostiquer qu’il n’y a que ce choix-là le dimanche, celui des agréments, si l’on en trouve, du vide et du rien dans la ville, autant dire pas de choix du tout. Plus la ville est petite ou de taille moyenne, comme Grenoble en l’occurrence, et plus les habitants éprouvent le sentiment du vide et du rien auxquels la ville est assignée le dimanche. La parole habitante est critique, parfois caustique, quand elle aborde le sujet. Pour mieux signifier ce vide et ce rien de la ville le dimanche, les habitants vont jusqu’à évoquer la piètre culture urbaine dont souffre une ville comme Grenoble que le dimanche accentue dramatiquement et révèle de la sorte en pleine lumière aux yeux de ceux qui auraient pu l’oublier. Grenoble est jugée de manière récurrente et lapidaire par ses habitants comme « une ville trop sportive et pas assez urbaine » dont le dimanche constitue l’hyperbole.

La comparaison avec d’autres villes, et notamment les grandes villes comme Lyon, Paris et même New York ou Montréal, est elle aussi inévitable dans la méditation habitante ordinaire sur les dimanches en ville moyenne ou petite. Les grandes villes françaises sont évoquées pour leur urbanité si riche, si ancrée historiquement, que le dimanche ne parvient pas à les transformer complètement en nonlieux du vide ou du rien, c’est-à-dire en lieux du non-choix. Les grandes villes nord américaines sont elles appelées à la rescousse pour souligner que leurs commerces restent ouverts le dimanche – tout le monde le sait maintenant – et que, de ce fait, elles offrent tous les choix possibles à leurs habitants ce jour-là et non pas l’unique choix du vide et du rien. Ainsi, à bien entendre les habitants, à bien prendre en considération leur volonté aussi discrète que tenace et générale de fonder leurs modes de vie contemporains sur le choix, sur le libre choix individuel, comme le révèle ce qu’ils font et surtout désirent faire le dimanche, ne se pourrait-il pas que la ville à temps continu, la ville ouverte sept jours sur sept, soit l’horizon plus proche qu’il n’y paraît de nos villes européennes ?

(1) enquête réalisée à Grenoble centre-ville et quartiers sud, Saint Martin le Vinoux, Meylan, Saint Martin d’Hères et Eybens

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Abécédaire des dimanches MARYVONNE ARNAUD

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Amour, abandon, angoisse, amis, anniversaire, attente, aviron, arbre, absence

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Barbecue, balade, baptĂŞme, bible, ballon, boules, bains, bricolage,

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Choisir, courir, courrier, cuisine, culture, contemplation, cinĂŠma, certitudes,

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Dimanche, doute, départ, danser, dormir, divaguer, draguer, décibel,

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Ennui, espoir, évasion, élection, échange, écoute, enthousiasme,

Famille, facture, film, foule, fin, fête, fermeture, fleurs, foi, football,

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Grimper, glisser, gymnastique, gazon, gare, gogo, gastronomie, gradin,

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Hiberner, histoire, humour, humeur, hamac, harmonie, hospitalitĂŠ,

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Imagination, isolé, imprévu, invité, ignoré, incertitude, intimité, intense

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Jeux, joker, joyeux, jardin, jouissance, java, jazz, journal, jockey,

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Kiosque, Kebab, kilomètres, kermesse, kayak, ketchup, karting,

Liberté, lecture, libido, lit, légerté, lézarder, limonade, logis, lyrique,

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Musée, maison, ménage, maigrir, midi, messe, multitude, montagne, m

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marche, maraicher, marchandage, mobilité, mélancolie, mise en scène,

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Nature, nostalgie, natation, nuance, nuageux, nĂŠcessaire, nectar,

Oubli, observateur, occupation, oreiller, opinion, orangeade, ouverture,

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Plaisir, passion, prière, photographie, panaché, pantoufle, pelouse,

Quintessence, qualité, quiétude, questions, quidam, quinquina, quinte,

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Repas, repos, racine, révision, réparation, rituel, respirer, rêver, représentation,

Solitude, sport, sieste, sexe, santé, salut, sauvergarde, silencieux,

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Travail, télévision, tiercé, téléphone, toboggan, tonnelle, transat, twist,

Urgence, utile, ubiquité, utopie, uniforme, unique, unisson, ultrason,

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Voyage, vendre, voiture, vide, visite, volupté, vitrine, vacuité, volapük,

W eek-end, whisky, windsurf, web, wifi, water-polo, western,

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X iménia, xéres,

Y oupi, Ying-yang, yoyo,yé-yé, you-you, yoga, yachting, yawl,

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Z oo, zigzag, zizi, zizanie, zodiaque, zone, zen, zĂŠnith, zazou, z

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zèle, zinzin, zoom, …-

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LES NOUVEAUX HABITS DU DIMANCHE

LE DIMANCHE APPARAIT DESORMAIS COMME LE JOUR DE L’INFINITE DES POSSIBLES JEAN-YVES BOULIN

Il n’y a plus de dimanche bourgeois, paysan ou ouvrier : ce dernier comme le cadre ou l’intellectuel peut se retrouver devant la télévision tout comme chacun d’entre eux peut être au travail ou “jogger” dans le même espace.

“Sunday is closed” se réjouissait Fernand Raynaud dans un sketch des années 1950/60 dans lequel il racontait un week-end à Londres en compagnie de sa femme. Il y a fort à parier qu’aujourd’hui sa carte de crédit serait en surchauffe car à Londres désormais ”everything is opened on Sunday”. À Londres, mais aussi dans d’autres grandes villes anglaises tout comme à Dublin, Edimbourg ou Glasgow. Eurostar ne désemplit pas les vendredis soir et samedis pour acheminer des hordes de touristes français faire du shopping à Londres. Cette profonde transformation des dimanches londoniens qui s’est amorcée au milieu des années 1980 avec la réforme du “shop act” et qui n’a pris sa pleine expression qu’à partir du milieu de la décennie suivante s’inscrit dans une tendance de fond de déréglementation du régime d’ouverture des commerces dans les pays anglosaxons. Depuis 1972 l’ouverture dominicale est autorisée en Suède et si dans la majorité de ces pays de tradition protestante l’ouverture des commerces le dimanche demeure en principe prohibée, la digue du samedi ainsi que celle de la soirée a sauté depuis le milieu des années 1990 tant au Danemark qu’aux Pays-Bas et en Allemagne. Comme en France, le débat sur l’ouverture du dimanche est récurrent dans ces différents pays et, à l’exception de l’Allemagne, les dérogations légales ou les entorses de fait se multiplient, surtout dans les grandes villes européennes. Ces évolutions se retrouvent dans les statistiques qui révèlent une croissance du nombre de personnes qui travaillent, de manière occasionnelle ou fréquente , le dimanche : de 18,5% en 1991 on passe à 22% en 1998 en France (DARES, 1999). Audelà des employés des services de santé, des transports, de l’armée et de la police ou ceux du commerce qui constituent les gros bataillons des travailleurs du dimanche, on observe sur la période récente une croissance de la part des cadres et des professions intellectuelles supérieures (24% d’entre eux travaillaient au moins un dimanche par an en 1991 contre 30% en 1998) et des professions intermédiaires (respectivement 21% et 26%). Les données européennes qui recensent ceux qui travaillent habituellement le dimanche indiquent que 11,7% des personnes en emploi étaient dans ce cas en 2002 dans l’Europe des 15 (11,5% des hommes et 12% des femmes). Elles révèlent surtout de fortes disparités significatives des évolutions en cours puisque la France se situe sous la moyenne européenne (9,7%) alors que les pays nordiques ont des proportions nettement plus élevées (17,6% en Suède, 17,3% en Finlande, 16,9% aux Pays-Bas, 16,8% au Danemark). L’Irlande et le Royaume-Uni affichent respectivement des taux de 14,7% et de 12,6%.

DU TEMPS LIBRE CONTRAINT AU TEMPS À SOI Reste que ces données relatives au travail du dimanche constituent un indicateur de tendance (la croissance récente du travail du dimanche, elle-même soumise aux variations conjoncturelles, renvoie à des raisons de nature structurelle telles que le développement des emplois de service, notamment des services à la personne, l’augmentation de la part des cadres dans la population en emploi, l’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail induisant une flexibilité croissante des horaires de travail ou encore le développement du tourisme urbain en Europe) qui ne peut masquer le fait que le dimanche conserve aujourd’hui, pour l’immense majorité des français et des européens, un statut particulier. On ne peut parler aujourd’hui de banalisation du dimanche, y compris pour ceux qui travaillent ce jourlà puisqu’en général, ils perçoivent une rémunération supérieure à celle des autres jours ou bénéficient d’un repos compensateur très favorable en temps. En revanche, les usages du temps et les comportements spécifiques à ce jour ont subi de profondes évolutions depuis l’an 321 lorsque Constantin décréta que ce jour devait être dédié au Seigneur à l’exclusion de toute autre activité, particulièrement de travail servile. Les travaux d’historiens ont montré, pour la France, l’évolution du statut de ce jour au cours des siècles, qui au fond n’a jamais été un jour uniquement dédié au Seigneur. Bien plus, la présence obligatoire aux offices religieux au temps de la France rurale, contribuait à la migration dominicale des ruraux vers les villages et les villes et générait des activités commerciales et de services (Beck, 1997). C’est à ce moment-là que le dimanche est devenu également un jour de socialisation, un repère temporel, certes avec des activités contraintes (l’assistance aux offices religieux) mais également occupé par des activités d’achat, de réparation (maréchal-ferrant), d’apprêt (barbier/coiffeur) puis par des distractions. Richard Beck montre bien comment à la fin de l’Ancien Régime, le dimanche combinait à la fois le sacré (l’assistance aux offices) et le profane (la fréquentation des cabarets, les jeux et les danses). Si au 19ème siècle le dimanche a perdu son côté festif sans pour autant enrayer la progressive érosion de sa dimension religieuse, c’est qu’il a endossé les habits du travail au plus fort de la révolution industrielle. C’est probablement à ce moment-là que le travail du dimanche, au sens du travail contraint, a été le plus répandu en France, même si les “sublimes”, ces ouvriers les plus qualifiés, choisissaient de travailler volontairement ce jour-là par refus du 43 I LOCAL.CONTEMPORAIN


LES NOUVEAUX HABITS DU DIMANCHE LE DIMANCHE APPARAIT DESORMAIS COMME LE JOUR DE L’INFINITE DES POSSIBLES

dimanche religieux et bourgeois consacrant ainsi le lundi comme jour de repos (la Saint-Lundi). La discipline capitaliste du travail qui, on l’oublie trop souvent, a aussi, et peut-être surtout, concerné les activités commerciales et de services à la fin du 19ème siècle a conduit à un consensus social, réunissant à la fois le Clergé et les anti-cléricaux pour faire du dimanche le jour du repos hebdomadaire au début du 20ème siècle, jour désormais dédié au repos, à la famille puis, progressivement, aux loisirs. Les travaux des historiens permettent de mettre en exergue la fonction cohésive et de socialisation qu’a pu opérer le dimanche dans la culture européenne, jour unique qu’il soit le premier ou le dernier de la semaine, repère temporel, moment identitaire pour la communauté urbaine, villageoise et rurale. Cette fonction de synchronisation des temps et des activités inscrite dans la mémoire collective a opéré comme défense, tant laïque que religieuse, du dimanche face à toutes les tentatives de le faire disparaître (décadi révolutionnaire) ou de le banaliser (loi de 1802 qui laisse le jour de repos au libre choix des individus). Mais, ces travaux ont également pointé la diversité des usages du dimanche selon les régions, selon les secteurs, les métiers, selon le genre, selon l’âge ou la catégorie sociale. Il semble que c’est en France que cette polychronie du dimanche a été la plus marquée. De ce point de vue, on ne peut manquer d’être frappé par l’évolution constatée aujourd’hui dans les grandes villes anglaises alors qu’au milieu du 19ème siècle, les tenants du travail du dimanche considéraient que cela distinguait “si agréablement le dimanche français de la grisaille et de l’ennui du dimanche anglais” (Beck, op.cité ; :197) tandis que ses opposants, tel Sismondi, pestaient en même temps contre “le dimanche anglais, sombre et ennuyeux, jour de repos dénaturé qui ne peut que provoquer l’ivrognerie” (Beck, op.cité ; :257). Aujourd’hui, ce temps qui selon le Clergé ne devait appartenir qu’à Dieu et non à l’individu, souvent vécu comme un temps libre contraint, est appréhendé comme un temps à soi, comme le jour de l’infinité des possibles tout au moins pour ceux qui ne sont pas astreints au travail. S’il demeure un repère temporel dans l’aire géographique où la chrétienté a exercé son influence et souvent bien au-delà, le dimanche n’est plus affirmé comme le jour de contraintes collectives, subies ou partagées par tous. Jour de synchronisation temporelle, le dimanche apparaît désormais comme un jour de désynchronisation des pratiques, caractérisé par leur diversité et surtout leur individualisation. Il n’y a plus de dimanche bourgeois, paysan ou ouvrier : ce dernier comme

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le cadre ou l’intellectuel peut se retrouver devant la télévision tout comme chacun d’entre eux peut être au travail ou “jogger” dans le même espace. La diffusion des pratiques de loisir à l’ensemble du corps social joue ici comme un réducteur des différenciations sociales dans les usages du temps.

À NOUVELLES PRATIQUES / NOUVEAUX SYNCHRONISMES SOCIAUX ? D’où viennent alors ces tendances à l’extension du travail dominical observables dans les pays anglo-saxons comme, dans une moindre mesure, en France ? S’agit-il de l’émergence de nouvelles sujétions liées à la présence d’un chômage endémique qui conduirait à la réapparition de l’idéologie, très prégnante au 19ème siècle, selon laquelle il faut laisser les individus travailler quand ils le souhaitent, que l’on traduit aujourd’hui par le slogan “travailler plus pour gagner plus” ? À quelles pratiques correspondent-elles et faut-il les combattre ? En réalité, les évolutions actuelles observables quant au statut du dimanche s’inscrivent dans un processus de dilution des principes organisateurs de l’organisation sociale du temps héritée de la révolution industrielle. De ce point de vue, il n’est pas abusif de parler ici d’un changement paradigmatique. Les mutations dans le contenu, la nature et les modes d’organisation temporels du travail (travail immatériel, flexibilité des statuts et des horaires) conduisent à un brouillage des frontières entre travail et hors travail ; la présence affirmée des femmes sur le marché du travail et leur réticence à le quitter lorsqu’elles ont des enfants tout comme la déstructuration de la famille nucléaire modifient l’organisation de la division du travail entre les hommes et les femmes et obligent à repenser les fonctionnements temporels des activités commerciales et de services. Enfin, la diversification des activités de loisir, l’élargissement de l’éventail des activités pratiquées, les implications qui en découlent en termes de mobilité géographique apparaissent comme la condition de l’individu post moderne. Celle-ci est aujourd’hui mondialisée par le biais de l’usage croissant des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ce qui est à l’œuvre dans nos sociétés aujourd’hui et qui se retrouve de façon paroxystique dans les usages du dimanche est un processus complexe de diversification des pratiques et de leur diffusion/uniformisation à l’ensemble de l’économie-monde et de l’individu-mondialisé.

Le dimanche est à la fois victime de cette désynchronisation des temporalités et des pratiques en même temps qu’il est réactivé par son encastrement dans des blocs de temps plus amples. L’extension de la semaine anglaise à l’ensemble des activités industrielles et administratives, tout comme la réduction du temps de travail ont libéré le dimanche de l’essentiel des contraintes d’approvisionnement et d’entretien. Ainsi, même si elles subsistent encore comme le montrent les enquêtes sur les usages du temps, les inégalités entre les hommes et les femmes tendent à s’estomper quant à la réalisation des tâches domestiques le dimanche, parfois par leur déplacement sur un autre jour de la semaine à la faveur de la réduction du temps de travail (ce qui revient à déplacer les inégalités sans les diluer). La sédimentation du week-end et son allongement ont généré de nouvelles pratiques initiées par la première industrie qu’est désormais celle des loisirs et du tourisme que celleci se déploie dans les espaces balnéaires ou campagnards ou dans les espaces urbains ou à la montagne. Compagnies d’aviation et réseaux hôteliers ou de location de voitures se sont accordés pour développer la pratique d’un tourisme urbain au sein de l’Europe qui génère d’importantes migrations de fin de semaine. Imagine-t-on alors des villes dont les musées, les cafés, les restaurants, les hôtels, les cinémas, les théâtres et salles de concert ou infrastructures sportives seraient fermés le dimanche ? Des bords de mers, des espaces de montagne ou de campagne aménagés pour le tourisme dont les cafés, hôtels et restaurants ou autres lieux du patrimoine seraient clos le dimanche?

NOS DIMANCHES POST MODERNES Les mutations des temporalités du travail, l’individualisation des modes de vie et des usages du temps, induisent une forte désynchronisation des temps sociaux qui transfigurent le dimanche en en démultipliant la nature et le contenu. Si l’on est loin de la banalisation de ce jour, tant il continue de susciter des attentes fortes et demeure un repère temporel, cet émiettement des comportements et des usages comporte un risque de dilution de la cohésion sociale et de renforcement des inégalités. Ce risque réside dans l’asymétrie des différentes catégories sociales au regard du travail du dimanche tout comme dans celle qui existe au regard des usages du temps dominical : activités qui doivent fonctionner le dimanche tout comme l’extension des possibles au regard des usages du temps repose de plus en plus sur une approche localisée, topologisée à

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travers une double logique de spatialisation du temps et de temporalisation de l’espace dont le dimanche constitue un point d’application. Les politiques temporelles locales, ou politiques des temps de la ville (Boulin, Mückenberger, 2002), nées en Italie au début des années 1990, diffusées par la suite en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, Finlande et Espagne, se sont donné pour objet de repenser les synchronismes sociaux en tenant compte des spécificités économiques, sociales et culturelles du territoire. Le dimanche, tout comme le reste du calendrier hebdomadaire, mensuel ou annuel, est ainsi réencastré dans son contexte local, spatialisé en quelque sorte, pour faire l’objet d’une régulation co-construite par l’ensemble des acteurs locaux concernés à travers des tables de concertation organisées à l’initiative du bureau des temps de la municipalité ou selon des règles communes définies localement. Ces politiques ont ainsi pu conduire à l’ouverture dominicale des bibliothèques municipales dans une centaine de villes néerlandaises. Leur régime d’ouverture (13h-17/18h d’octobre à avril) tient compte des modes de vie et du contexte climatique en vigueur aux Pays-Bas. Reposant sur le volontariat des employés, cette ouverture dominicale a profondément modifié la fonction et le rôle social des bibliothèques. Elles sont, en effet, devenues des lieux de rencontre entre amis, de sortie familiale et de socialisation ethnique ; des lieux d’échange d’informations, de communication (création de cyberespaces) et de discussion. Une mutation et une diversification des activités y sont à l’œuvre avec l’organisation d’événements autour et à propos du livre et de la littérature. Cet exemple montre que face au marché qui surfe, tout en l’alimentant, sur la tendance à l’individualisation/atomisation des pratiques dominicales, même si cela passe souvent par l’agrégation de masses importantes dans un même lieu qui engendrent des phénomènes de “foule solitaire” (nouveaux espaces de “retailtainment” associant dans le même espace fonctions commerciale et de loisir fonctionnant souvent 24h sur 24), que des initiatives locales, coconstruites par les citadins, peuvent constituer une alternative et générer de nouveaux temps collectifs et de nouvelles pratiques de socialisation et d’échange. Les expériences italiennes de “jour du citadin” créent également de nouveaux temps collectifs, de nouveaux repères temporels, dont le dimanche peut être un point d’application. Les tables de coconstruction de ces nouveaux projets temporels ont pour fonction non seulement d’innover dans la construction de ces nouveaux temps collectifs, repères temporels constitu-

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tifs de l’identité et de la cohésion sociales, mais également de définir avec les employés les conditions qui doivent entourer le travail du dimanche (rémunération, catégories concernées, rotation etc.). C’est sous ces conditions que nous pourrons réinventer nos dimanches, que l’on pourrait appeler « post-modernes ».

Bibliographie Beck, R. (1997) Histoire du Dimanche de 1700 à nos jours Les Editions de l’Atelier. Boulin, J.Y. ; Mückenberger, U.(2002) La ville à mille temps Aube/Datar Eurostat (2003) Statistiques sociales européennes : résultats de l’enquête sur les forces de travail 2002, Commission Européenne, Luxembourg Liaisons Sociales (1999) : Horaires de travail en mars 1998 : l’enquête conditions de travail de la DARES. Documents, n°68/99, 20 août.


DE MES JOURS…

POUR CERTAINS IL N’Y A PLUS DE DIMANCHES, POUR MOI DIMANCHE EST DEVENU LE PLUS CLAIR DE MON TEMPS. BÉNÉDICTE MOTTE

Celle qui est née un dimanche s’annonce d’emblée différente. Elle nous emmène ailleurs, à l’image de ce jour qu’on dit voué à disparaître.

Dimanche c’est un blanc dans la semaine, comme un silence dans la musique, (un noir au cinéma) : un temps suspendu ; il ne se passe rien. C’est une faille dans la semaine, comme une brèche dans un mur. Une porte étroite qui s’élargit incroyablement quand le cœur s’y engouffre. En principe, dimanche s’en tient à dimanche : quelque chose s’arrête et se tait ; quelque chose dit “attend”. Dimanche dit “attend”, vous interpelle 24 heures puis vous lâche, vous laisse reprendre vos activités. Beau joueur. Mon dimanche est un peu plus coriace, colonisateur. Il s’est installé dans ma vie à la place même du quotidien, grignote petit à petit tous les autres jours de la semaine. Il ne se passe plus rien : plus un bruit, plus une secousse, plus un coup de téléphone. Dimanche est devenu le plus clair de mon temps. Un clair obscur. C’est un grand blanc, un infini silence. Un rêve et un cauchemar. Un rêve puisque tout le monde désire ardemment du temps pour autre chose (écrire, nager, broder et toutes les choses inutiles). Un cauchemar, comme tous les rêves qui se réalisent, se révèlant d’une âpreté sans relâche. On ne peut pas faillir face au silence qu’on a tant appelé de ses vœux, mais rester ainsi arrimé à un perpétuel dimanche est une entreprise périlleuse. Le premier réflexe - humain - est bien sûr de fuir. Mettre en route son moteur, allumer la radio, prétexter une course en ville, n’importe quoi mais échapper à ce face-à-face vertigineux avec soi même. N’est pas ermite qui veut !

C’est un fossile que j’explore, un silence en voie de disparition, comme on contemple une trouvaille dans un chantier de fou. Dimanche tous les jours, on dirait que l’univers entier retient sa respiration, on en devient prudent dans nos moindres gestes. Imaginez un silence à faire résonner le râteau sur la terre. Ce silence là vos oreilles n’y entendraient rien. Elles en ont perdu la trace, ne peuvent le reconnaître, n’en portent plus la mémoire. C’est volontairement que j’ai pris la tangente et décidé d’habiter cet éternel dimanche. Je ne savais pas sa force, son poids, sa démesure. Je ne pouvais pas savoir, parce que cette confrontation n’est plus de notre temps. L’époque est vitesse et flux, impose un tout autre rapport de forces. Plusieurs questions demeurent : combien de temps peut-on vivre ainsi à rebours de son temps ? Comment vivre à contre flux et être dans le monde ? Mais aussi : qu’est-ce que je fais là ? Rien, tout, autre chose. Voilà, dimanche il ne se passe rien, mais peut-être autre chose. Je me rappelle “Celle qui est née un dimanche”, un récit de Bobin. J’ai oublié l’histoire mais le titre m’est resté. Il est resté comme une bribe de rêve persiste “infimement”. Celle qui est née un dimanche s’annonce d’emblée différente. Elle nous emmène - je l’imagine - ailleurs, à l’image de ce jour qu’on dit voué à disparaître. Et moi qui ai tant détesté les dimanches, je m’y accroche à présent. Je ne voudrais pas que dimanche s’en aille.

Bien sûr vous rêvez de silence : une sieste sous les arbres à l’approche du printemps, une nuit claire, quelques sommets déserts. Vous rêvez d’un silence circonscrit et limité. Un silence qui ne dure pas. Mais ce dimanche de tous les jours, ce silence qui est ma vie et qui ne finit pas, vous seriez les premiers à le faire taire. Or faire taire le silence est beaucoup plus compliqué qu’il n’y parait. Il y a une force insoupçonnée dans cette masse blanche et compact, étanche. Parce que vous lui avez ouvert la porte, Dimanche vous poursuit jusqu’au plus lointain de vous-même, implacable. Il prend ses aises en vos profondeurs, vous pousse dans vos retranchements, teste le bien-fondé de vos intentions. Il se prend pour un Dieu, et je nage en eaux troubles. 47 I LOCAL.CONTEMPORAIN


Un jour de désoeuvrement,

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ou de ressourcement ?

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“Ce matin, tandis que je déambule avec un certain affairement dans les halles, un garçon que je connais à peine, vaguement alcoolo, au métier incertain m’interpelle : “votre précipitation à exister m’étonne de votre part”. Comme la formule est belle !” P.-S.

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AUJOURD’HUI, SUIS-JE DE TROP ?

JE SUIS COMME UN VOYAGEUR ÉGARÉ QUI SE SERAIT TROMPÉ DE PAYS ET QUI N’ENTENDRAIT PAS LA LANGUE DE SES HABITANTS ! PIERRE SANSOT

Avec Pierre Sansot s’est éteinte une figure du flâneur pour lequel tous les jours de la semaine valent le dimanche, “une espèce rare qui assume ce beau rôle de voyant et de témoin” comme il se définissait lui-même.

Je reste. Maintenant que la plupart de mes amis ont disparu, à qui parler, qui peut entendre un langage aujourd’hui fané ? Plaider pour des valeurs qui ne sont plus de mode ? Je ne suis pas fier d’être encore de ce monde. Nous avions juré de ne jamais nous quitter et j’ai assisté à leur disparition sans broncher. Il y a de ma part une forme de trahison et je pourrais éveiller le soupçon. Quand, à la suite d’une rafle, la police rendait la liberté à un membre d’un réseau, on se demandait s’il n’avait pas vendu la mèche. A la suite de quelles compromissions ai-je été épargné par la vie ? Je suis comme un voyageur égaré qui se serait trompé de pays et qui n’entendrait pas la langue de ses habitants. Je suis comme un prisonnier qui au retour de son camp s’aperçoit que durant sa détention, sa ville a été bombardée et rasée. Là où il déambulait dans un aimable jardin, il n’y a plus que quelques ruines. Le collège où il acheva ses études est devenu un parking. C’est ainsi que je cherche en vain aujourd’hui mes Dupont : le Dupont latin si proche de la Sorbonne, le Dupont Bastille où je commandais une consommation en compagnie d’une de mes cavalières du Balajo. A Nice, où sont donc maintenant les villas de maître du Boulevard Dubouchage, et à Cimiez les grands hôtels de la Belle Epoque ? Je m’égare ridiculement parce qu’on prend plaisir à m’égarer. Un professeur habile termine son cours à l’instant précis où la sonnerie du collège retentit. Une bonne ménagère n’encombre pas sa cuisine de trop de restes. Et voilà que j’ai excédé mon temps de parole, mon temps de vie, insensible aux bâillements de mon auditoire. Les plus grands se sont retirés à temps, autour de la quarantaine (je ne peux imaginer le Christ déambulant jusqu’à cinquante ans sur les chemins d’une Palestine trop connue, ni Alexandre jouant les papys gâteux sur le tard de sa vie). La vie est pour la plupart d’entre nous un long marathon : une course de fond ou de demifond nous suffirait. Quoiqu’il arrive maintenant, j’aurais accompli un parcours honorable. Je lorgne du côté de ceux qui courent avec moi. Quand l’un d’eux s’arrête, épuisé, j’ai pour lui un regard de compassion et je me félicite d’avoir été épargné. Quelques spectateurs nous applaudissent, un peu étonnés que nous n’ayons pas abandonné. Je me demande s’ils n’espèrent pas le moment où, le visage défait, nous nous effondrerons sur les bas-côtés. Je demeure (je préfère ce verbe à celui de rester), je résiste.

Mais ai-je vraiment résisté ? Si tel avait été le cas, j’aurais reçu davantage de mauvais coups qui m’auraient mis à mal. La chance m’a souri ou bien peut-être je me suis défilé, non point par lâcheté mais parce que je n’aime pas les affrontements. Je méprisais, je me moquais, je plaignais presque les êtres suffisants. S’ils se révélaient trop nocifs, je prenais le gourdin et avec quelques amis je les chargeais. Même mes maladresses, mes gaucheries, mes étourderies me servaient : qu’avait-on à redouter d’un être aussi inoffensif ? Ils s’amusaient à l’école, à la caserne, sur les boulevards d’un être aussi extravagant qui les tirait de leur torpeur. Certains croyaient même que j’avais de l’esprit et que j’avais mis au point un numéro désopilant. C’est ainsi qu’un colonel, qu’un président d’Université, qu’un inspecteur des Impôts ne sanctionnèrent pas mes bévues. Puisse Dieu, lui aussi, user de la même indulgence et interrompre, eu égard à mon numéro, le concert des anges. Je reste. J’insiste. Mon insistance à exister peut déplaire. Nous en voulons légitimement à l’un de nos invités qui, après avoir déjeuné, ne nous quitte pas, bavarde sottement et gâche notre après-midi. Je feins, je feins de ne pas apercevoir leur impatience. Viendra peut-être un jour où je ne pourrai plus faire preuve d’un tel détachement. Les places sur cette terre seront devenues rares. On n’admettra plus que certains d’entre nous ne désertent pas une place qu’ils occupent depuis longtemps : dans un hôpital, aux urgences, lorsque les couloir sont bondés, sur une plage totalement recouverte de corps allongés. J’ai entendu un jeune homme s’exclamer : “Et dire qu’ils nous piquent les dernières réserves de la Sécu ! ”. Je reste, j’insiste, ou plutôt je subsiste. Aujourd’hui j’ai pris place sur le canapé de mon salon pour assister aux exploits des géants de la route ; autrefois, je me mesurais au Tourmalet, je le descendais à tombeau ouvert au risque de succomber à une mauvaise chute. J’assiste à des rencontres de foot ; autrefois nous nous disputions la balle sur un terrain vague et la partie s’interrompait à la suite de mauvais coups venus des deux camps. Dans un bus, une dame parvenue à la cinquantaine, pour ma plus grande honte, insiste pour me céder sa place : autrefois, je prenais au vol la plate-forme d’un bus. Viendra peut-être un jour où je subsisterai tout à fait. Je prétends pour l’instant que ce verbe déprimant ne me 51 I LOCAL.CONTEMPORAIN


AUJOURD’HUI, SUIS-JE DE TROP ! JE SUIS COMME UN VOYAGEUR ÉGARÉ QUI SE SERAIT TROMPÉ DE PAYS ET QUI N’ENTENDRAIT PAS LA LANGUE DE SES HABITANTS !

convient pas. Je monte et je descends les étages de mon immeuble. Je respire. J’entends, je vois, j’use de mes sens avec d’autant plus d’acuité et de bonheur qu’un jour ils me seront sans doute retirés. Je déambule au marché au milieu des offrandes des fruits de la terre. Mon œil s’éblouit des premières asperges, des premières cerises, du premier raisin mais tout aussi bien, j’achète religieusement les dernières bottes d’asperges, les dernières grappes de raisin. Qui me plaindrait, quand les jours déclinent, je les accompagne dans leur chute, sur le mode d’une mélancolie souriante, et quand, à nouveau, ils s’allongent, je les encourage à le faire vaillamment. Les jours s’en vont, je demeure. Le passé n’est pas quelque chose qui me retirerait de mon présent pour ronchonner et le bouder. Il appartient à l’instant que je vis. Il lui donne de l’épaisseur. Mes souvenirs ne suscitent pas le regret mais l’émerveillement et la gratitude. Il me fut donné beaucoup et plus que je ne méritais, à tel point que je me demande parfois si je ne devrais pas restituer ce qui m’a été accordé indûment. Je polis, je repolis ces instants parfaits. Ils gagnent en douceur. Quand je traverse un mauvais moment, il m’est toujours possible d’aller les quérir dans le grenier de ma mémoire. Un jour, peut-être je manquerai de souffle pour gravir l’échelle qui mène jusqu’à lui. Faute de ces grains que je croyais immémoriaux, je danserai le ventre vide devant un buffet fermé à double tour. La véritable et pathétique déchirure se produira quand auront à leur tour disparu les personnes avec lesquelles il m’était possible de m’entretenir de nos chers défunts. Mes paroles, mes évocations se perdront dans le désert et cette fois je saurais que je suis irrévocablement seul. Je ne suis pas pour autant seul sur cette terre. Le monde continue à me parler, à me faire parvenir des messages odorants, sonores, parfois tactiles. Dans la rue, je me fraie un chemin, l’on me bouscule ou l’on me cède la voie. Il arrive que l’on réponde à mon sourire par un autre sourire. Ce matin, tandis que je déambule avec un certain affairement dans les halles, un garçon que je connais à peine, vaguement alcoolo, au métier incertain m’interpelle : “votre précipitation à exister m’étonne de votre part”. Comme la formule LOCAL.CONTEMPORAIN I 52

est belle de la part d’un individu que je croyais quelconque ! Ma curiosité à l’égard du futur est entière. A mon sens, il sera plus riche que mes années antérieures. La musique, la peinture, l’architecture ont pris des voies nouvelles. Je crois découvrir à la fois des menaces et des promesses. Nous sommes en train de saccager notre planète et quelle terre léguerons-nous à nos enfants ? Des espoirs : les occidentaux découvrent peu à peu qu’ils ont des obligations à l’égard des autres continents. Une telle histoire en train d’advenir mériterait que j’assiste à son avènement. D’une certaine manière, notre société et notre terre sont plus belles que jamais.


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LE DIMANCHE DE MARGUERITE

MARGUERITE, NEE LE 24 JANVIER 1923, VIT SEULE A GRENOBLE. CE DIMANCHE, LEVEE VERS 7H00, ELLE A RENDEZ-VOUS AVEC SA BELLE-SOEUR LOUISE ! ROBERTO NEUMILLER

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WWW.DIMANCHE

UNE RECHERCHE INTERNET SUR CE MOT CLEF OUVRE SUR UN FATRAS DOMINICAL ! BERNARD MALLET

Le mot, avec ce qu’il connote de personnel intime, de jour réservé, préservé, retranché, est projeté dans l’espace indéterminé, inapproprié, indifférent d’une réception universelle. La petite musique d’une voix individuelle résonne dans un pavillon planétaire. L’éventail des figures liées aux activités du Dimanche s’y retrouve, mais délimité par une géographie hétéroclite où s’articulent toutes les contradictions du rapport contemporain entre local et universel. LES SATANISTES DU

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- ACCUEIL (WEBZINE DEDIE AU HARD ROCK /METAL)

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ARRIVE TARD, MAIS IL TOMBE BIEN. IL S’APPELLE RADICAL CHIC.

GRENOBLE : RE-PAS DE QUARTIER(S) LE

DIMANCHE

12 AU ...5 (L’AFFAIRE DU PARC P. MISTRAL)

BREST OUVERT - 10-13H,

DIMANCHE

JUIN, TAUX DE NITRATES : CIRCUIT ...

ESCALADE - PARTENAIRES/DISPO – GRIMPE

DIMANCHE

12 JUIN VERS GRE. (TROP TARD!)

22 JANVIER 1905 :

DIMANCHE

ROUGE A SAINT-PETERSBOURG

TRAVAIL LE

DIMANCHE

, TRAVAIL LE WEEK END: DROIT DU TRAVAIL

01NET. - PEER-TO-PEER : LES PIRATES DU

DIMANCHE

LES PIRATES DU DIMANCHE RATTRAPES PAR LA JUSTICE

[UZINE 3] UN

DIMANCHE

A ROISSY (ZONE DE TRANSIT)

COMME UN

DIMANCHE

- SORTIES ENFANTS (POUR LES PARENTS)

[UZINE 3] LE WEB SERA SAUVE UN

DIMANCHE

LE LENDEMAIN DE DIMANCHE, DOIT ETRE … UN DIMANCHE

*LE PEINTRE DU

DIMANCHE

**»CHEZJC» (REPEIGNEZ VOTRE AUTO)

ITINERAIRE SUD DE LA RANDONNEE ROLLERS

DIMANCHE

LES LIENS IDIOTS DU

DIMANCHE

LE JOUR LE PLUS LIBRE DE LA SEMAINE EST SI MORNE SUR LA TOILE

MAGELLAN: FIERTE D’UN

DIMANCHE

JE SUIS UN HOMME ENCORE PLUS FIER D’ÊTRE L’HOMME DE CETTE FEMME. 59 I LOCAL.CONTEMPORAIN


À TABLE !

AVEC QUI, OÙ, ET QUE DÉJEUNER CE DIMANCHE ? Voici quelques menus proposés un dimanche de juin 2005 par six restaurants de l'agglomération. Un voisinage mondial de références culinaires qui renseigne sur les usages et les désirs de l'époque.

à partager en toute convivialité ! Menu Elysée Escalopes de Foie Gras Juste Cuites et Tendre Confit d’Abricots Secs, Gelée Royale Escalope layer of just cooked Foie gras and tender crystallized of dry apricots, royal jelly

Rocher de Gambas à la Coco, Riz Noir Infusé au Bouillon d’Herbes, Chips de Gingembre

Rock of Gamba to Coconut, Black Rice Infused into the GrassBubble, Chips of Ginger

Fraicheur de Homard à la Vapeur de Fleur de Thym, Bavarois d’Avocat, Pailleté de Tomate

Freshness of Lobster to the Vapor of Fleur de Thym, Bavarian of Lawyer, Spangled Tomato

#

BUFFALO WINGS AMERICAN ONION RINGS MIX TAPAS ASSIETTE HACIENDA TERRINE DE BISON COCKTAIL DE CREVETTES ASSIETTE CARPACCIO ASSIETTE JAMBON MELON ASSIETTE DE SAUMON FUME SALADE DE CHEVRE CHAUD SALADE ITALIENNE SALADE CALIFORNIENNE SALADE DE GESIERS SALADE KENTUCKY SALADE PACIFIC GRANDE SALADE MONTANA SALADE GRENOBLOISE

les formules du chalet LA TYPIQUE Galette de sarrasin jambon blanc et fondue de reblochon ou Galette sarrasin fondue de reblochon et œufs sur le plat ou Galette sarrasin œufs sur le plat et jambon blanc et

#

COTE DE BŒUF CHATEAUBRIAND ENTRECOTE COWBOY ENTRECOTE CLASSIC 2 BROCHETTES DE FILET DE BŒUF PAVE DE RUMSTEACK BAVETTE D’ALOYAU BROCHETTE D’AGNEAU STEAK DE JAMBON GRILLE MAGRET DE CANARD DEMI POULET GRILLE BARBECUE RIBS A LA TEXANE CHILI CON CARNE ASSIETTE DU TRAPPEUR DOUBLE CARPACCIO DE BŒUF STEAK TARTARE STEAK HACHE BUFFALO WINGS STEAK HACHE DE BISON PAVE DE BISON

Variation de Fruits Rouges de Saison, Sorbet à la réduction de Vinaigre Balsamique

ASSORTIMENT DE FROMAGES FROMAGE BLANC

et

Darne de Bar de Ligne Clouté de Truffes, Cœur de Fenouil Laqué, Léger jus de Viande

Darne of sea breem of Line Studde in Truffes, Heat of Enamelled Fennel, Leger Gravy

Demie Langouste Rôtie dans sa Carapace, Jus Pressé au Réglisse, Cigarette de Patate Douce et Jeunes Pousses d’Epinards encore Crus

Tail of Lobster Roast in its Carapace, Juice Pressed with Liquorice, Cigarette of Sweet potato and Young still Raw Growths of Spinaches

Pièce de Veau Poêlé au Miel de Lavande et Pignons de Pin Torréfiés, Gâteau Moelleux à la Chèvre, Brochette du Maraîcher

Calf Pan net to the Honey of Lavender and Torrefied Pinions of Pine, Marrowy Cake with the Goat, Skewer the four seasons Merchant

# Chariot de Fromages Cheese trail

Variation of Red Fruits of Season, Sorbet to the Balsamic Vinegar Reduction

Carré Framboisine à la Mousse de Miel, Biscuit Cacao, Sorbet Framboise Framboisine square with the Foam of Honey, Biscuit Cocoa, Sorbet Raspberry

Coco en Choco Glacé, Banane et Fruits Secs Caramélisés, Jus du Retour des Iles

Coconut in Frozen Choco, Banana and Dry Fruits Caramelized, Juice of the Return of the Islands

Lingot de Nougat Praliné, Sauce Chocolat Grand Cru, Crème Glacée au Cacao Lingot of Nougat Praline-flavoured ice cream, Sauce Chocolate, Great Vintage, Dairy ice cream with the Cocoa

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GAUFRE LA DILIGENCE DES DESSERTS NOUGAT GLACE COUPE AMERICA CRUMBLE POMMES BROWNIE PROFITEROLES AU CHOCOLAT GLACES OU SORBETS CAFE OU CHOCOLAT LIEGEOIS COUPE BOUNTY

Petit mesclun aux trois variétés et Une crêpe à votre confiture (Fraise, Abricot, Myrtille)

L’AUTHENTIQUE Une galette de sarrasin du Chalet : Œuf, jambon blanc & Reblochon ou Saucisson à cuire & Pommes de terre écrasées et La salade verte de notre Maraîcher Duo de crêpes flambées au Grand Marnier ou Crêpe au choix ou Crème caramel renversée et Bolée de cidre


PASTA

ENTREES 1. 2. 3. 4. 5. 6.

Soupe Soupe Soupe Soupe Soupe Soupe

aux asperges et crabes Hanoienne Spéciale Chinoise aux Vermicelles aux Raviolis Acidulée de Crevettes et Ananas

HORS D’ŒUVRES 7. Salade Chinoise 8. Salade au Bœuf Piquant 9. Salade Thaïlandaise 10.Nems « Rouleaux Impériaux au Poulet » 11 Nems« Rouleaux Impériaux au Porc » 12.Rouleaux frais aux Crevettes 13.Rouleaux frais au Boeuf 14.Assiette de Dégustation 15.Raviolis Grillés Sauce Pékinoise 16.Raviolis aux Crevettes à la Vapeur 17.Bouchées de Porc et Crevettes à la Vapeur 18.Pâtes de Riz au Boeuf 19.Calmars du Chef 20.Beignets de Crevettes 21.Crevettes du Chef 22.Brochettes de Crevettes 23.Brochettes de Boeuf GRENOUILLES 24. 25. 26. 27.

Cuisse Cuisse Cuisse Cuisse

de de de de

Grenouilles Grenouilles Grenouilles Grenouilles

CANARD 28.Canard Laqué 29.Canard aux Ananas 30.Canard au Gingembre Frais 31.Canard Sauté aux Poivrons 32.Canard au Soja

Spaghetti Napolitaine Spaghetti à la Sicilienne Spaghetti aux fruits de Mer Penne Carbonara Penne all’Arrabiata Penne Primavera Rigatoni alla Norma Rigatoni al Pesto Rigatoni Marinara Fettucine al pesto genovese Fettucine aux Morilles Fettucine au Saumon Papardelle aux queues d’écrevisses Papardelle Mare-Monti

PASTA AL FORNO Gnocchis Napolitaine Gratin de Gnocchis aux 4 fromages Raviolis aux Aubergines Agnolotti Ricotta & Epinards Tortellini à la viande de Boeuf

ANTIPASTI Assiette de Jambon de Parme Carpaccio de Boeuf Mozarella Panée Bruschetta Toscana Carpaccio de Bresaola aux copeaux de Parmesan Assiette Melenzane Pepperone Parmiggiani Pepperoni Piémontaise Carpaccio de Saumon Assiette de Poulpes à la Romaine Gambas au Four

POULET

INSALATE

33.Poulet aux Amandes 34.Poulet aux Cinq Epices 35.Poulet au Gingembre Frais 36.Poulet au Curry 37.Poulet Chop Suey 38.Poulet aux Ananas 39.Poulet au Bambou et Champignons noirs 40.Poulet à la sauce Piquante 41.Poulet Sauté aux Poivrons 42.Poulet à la Citronnelle

Salade Salade Salade Salade Salade Salade

PORC 43.Porc 44.Porc 45.Porc 46.Porc

au Caramel au Bambou et Champignons noirs Sauté au Soja à la sauce Piquante

BŒUF 47.Bœuf aux Ananas 48.Bœuf aux Oignons 49.Bœuf au Soja 50.Bœuf au Curry 51.Bœuf au Bambou et Champignons noirs 52.Bœuf au Gingembre frais FRUITS DE MER 53.Calmars et Crevettes aux Ananas 54.Calmars et Crevettes à la Sauce Piquante 55.Calmars et Crevettes au Saté 56.Crevettes au Caramel 57.Crevettes au Bambou et Champignons noirs 58.Crevettes à la Sauce Piquante 59.Crevettes aux Vermicelles Grillés 60.Poisson à la Tomate 61.Poisson à la Sauce Piquante 62.Poisson au Gingembre frais 63.Gambas Grillés 64.Gambas à la Sauce Piquante 65.Gambas au Caramel 66.Coquilles Saint-Jacques à la Tomate 67.Coquilles Saint-Jacques à la Sauce Piquante 68.Coquilles Saint-Jacques au Caramel 69.Coquilles Saint-Jacques au Curry

Mixte Caprese Chèvre Chaud Gorgonzola Toscana du Pêcheur

CARNE Escalope à la Milanaise Escalope de Veau à la Vénitienne Escalope de Veau Toscana Escalope de Veau Primavera Escalope de Veau “al forno” Filet de Boeuf au Gorgonzola Filet de Boeuf Pizzaïolo Filet de Boeuf aux Morilles Filet de Boeuf grillé au Feu de Bois Brochette de Filet de Boeuf Découvrez toutes les semaines nos suggestions de retour de marché à l’ardoise

Le menu des découvertes •Tranche de cabillaud, oseille crue et pomme de terre Charlotte, vinaigrette de noix. •Betteraves Loma, Chiogga, cerfeuil et noix de muscade. •Filet de caneton « roti-confit », tomate verte, sureau et mousseron. Ces trois plats servis avec le dessert du moment.

Le menu à la carte •Ecrevisses et tomate cœur de bœuf roties, concombre et bouillon de salades sauvages. •Celtuce, miel et beurre demi-sel, carottes fanes et cumin. •Féra du Léman grillé, citron, bergamote, fenouil et poireaux confits. •Pigeon « poché-rôti » , racine de persil, oignon rose de Roscoff, jus et foie de pigeon. Ces quatre plats servis avec le fromage et les desserts.

Le menu des spécialités •Araignée de mer, piment des oiseaux et ail nouveau. Petits pois mis en crème, homard rôti, avocat et huile d’amande. •Foie gras poêlé, radis en croute de sucre candi, jus de citron. •Turbot rôti à l’ail des ours, huile d’olive primeur. •Pintade rôtie en cocotte, échalote fraîche, et mizuma. •Pièce de bœuf du Trièves, pois gourmands, pomme de terre primeur et agastache. Ces plats servis avec quelques inattendus, avec le fromage et les desserts. Tout changement au menu est facturé avec un supplément de 15 euros

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LE SEPTIEME JOUR…

LE LE JOUR JOUR SACRÉ SACRÉ POUR POUR LA LA CHRÉTIENTÉ, CHRÉTIENTÉ, LE LE JOUR JOUR DU DU REPOS, REPOS, DE DE LA LA MÉDITATION, MÉDITATION, DE DE LA LA COMMUNION COMMUNION DEVIENT-IL DEVIENT-IL UN UN JOUR JOUR DE DE FLUX FLUX COMME COMME LES LES AUTRES AUTRES ?? VINCENT VINCENTCOSTARELLA COSTARELLA

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“Dieu est mort”, ça veut dire que tout est calculable. Dieu c’est un nom de l’incalculable, …” Bernard Stiegler

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IL N'Y A PLUS DE DIMANCHE POSSIBLE ! UN ENTRETIEN AVEC BERNARD STIEGLER PHILIPPE MOUILLON

Il faut interrompre le cours pour reprendre le cours normal des choses, interrompre un moment le phénomène de perte qui consiste dans la consommation ou dans l’hyperactivité de la production, qui consiste à se perdre de vue soi-même, à ne plus savoir qui l’on est, à être absorbé.

- Il y a peu, on s’endimanchait le dimanche, puis on enchaînait des rituels successifs - ainsi de la messe ou du repas de famille, autant de gestes appartenant à des repères collectifs locaux, familiaux, religieux ou nationaux dont l'emprise semble moins forte aujourd'hui. Cela permet-il à chacun d’utiliser le temps libre du dimanche pour s’inventer son propre temps et sculpter sa vie de façon singulière ? “Notons tout d’abord que cette question du dimanche pourrait être celle du samedi ou du vendredi… Quoi qu’il en soit, il y a un point final (ou de départ) donné à la semaine, et il construit une calendarité. Au sens large, qui n’est pas le sens strict, la calendarité, c’est tout le rituel qui fait qu’un groupe humain, à un moment donné, se synchronise autour d’un dispositif quelconque. En général, cela a un lien avec le cosmos, avec la lune, le soleil ou les grands cycles, ce que j’appelle les programmes cosmiques. Ils ne sont pas éternels, mais ils sont vécus comme tels. Cela existe dans toutes les sociétés : il n’y a aucune société sans une forme de calendarité. Ces rituels se constituent dans une relation essentielle aux hypomnèses. Ce terme qui vient du grec désigne les supports de mémoire ou encore ce que j’appelle les rétentions tertiaires, c’est-à-dire des dispositifs dans lesquels la mémoire collective se dépose. Il s’agit tout d’abord de dispositifs de comptage, qui enchaînent sur le tatouage des corps, et qui se prolongent jusqu’aux ordinateurs et aux réseaux, en passant par les calendriers égyptiens, etc. Ces dispositifs ont une histoire très complexe, qui est au centre de l’humanité grecque.

La société humaine se constitue finalement autour de ces pratiques que j’appelle calendaires au sens large, inséparables de pratiques cardinales : calendrier et cardinalité se pensent ensemble. En réalité, il s’agit des mêmes dispositifs – des dispositifs bi-fonctionnels, si je puis dire. Par exemple, une mosquée est orientée d’une certaine manière, une église aussi, un cimetière également, et ce sont autant des lieux d’inscription d’un rituel temporel que des lieux d’organisation de l’espace, et de rapports au cosmos. Dans cette histoire, un moment capital se joue au Néolithique, avec la sédentarisation et l’apparition de ce que l’on appelle les grands empires, qui vont développer des techniques d’anticipation par la notation. Les formes qui sont à l’origine de l’écriture apparaissent en même temps que les pyramides, qui sont des lieux mortuaires, et forment des dispositifs d’orientation : cardinalité veut dire orientation. Et finalement, ce que l’on appelle la civilisation (qui dit civilisation dit cité, urbanité, déterritorialisation, différenciation entre un arrière pays et une ville, une urbanité sous une forme quelconque, une accumulation de ressources, une division et une hiérarchisation des rôles sociaux) correspond essentiellement à la constitution d’une calendarité au sens strict, cette fois-ci, et non plus au sens large. Cette calendarité au sens strict se constitue en articulant la réalité effective du social sur celle, cosmique, des astres : les Egyptiens et les Mésopotamiens puis les Grecs l’observent et calent leur vie sur celle des cieux dans lesquels ils voient des dieux. Tout cela engendre les premières arithmétiques, les premières géométries, la première astronomie… Ainsi, notre calendrier, comme identification des 365 jours de l’année, vient très tôt : les Egyptiens en avaient déjà connaissance, même si son calcul rigoureux n’advient qu’avec Thalès. Et ce calendrier est aussi une organisation du rapport à l’espace : lorsque vous regardez les étoiles, vous identifiez le nord, le sud, l’est et l’ouest. Ce sont les mêmes instruments qui permettent d’identifier les dispositifs calendaires et les dispositifs cardinaux. Séparer cardinalité et calendarité est impossible.

Ma thèse c’est que l’humanité se constitue par extériorisation de sa mémoire, et que cette extériorisation induit des dispositifs sociaux qui sont rituels. Le symbolique et la mémoire Où commence l’humanité, du point de vue des rituels, on ne peut pas le dire. Il y a des traces de tout cela qui remontent symbolique se constituent autour très loin, et l’hominisation a 3 millions d’années. Il semble du calendrier. attesté que depuis 300 000 ans, il y a du rituel qui passe en particulier avec les sépultures, et ce, dès Neandertal.

Le calendrier est un dispositif de commémoration : le retour du printemps, par exemple, date un rituel sacrificiel. 69 I LOCAL.CONTEMPORAIN


IL N'Y A PLUS DE DIMANCHE POSSIBLE ! UN ENTRETIEN AVEC BERNARD STIEGLER

La Pâque est d’une robustesse extraordinaire : ce rituel trouve sa source avant les temps bibliques. D’autre part, l’apparition de l’écriture permet de constituer une mémoire de longue durée, et donne lieu à une mythologie d’origine, tout d’abord, puis, avec la révélation mosaïque, puis christique, puis mahométane, à une révélation d’origine, où se forment des systèmes calendaires propres. Cette mémoire de longue durée déclenche la constitution des grandes religions monothéistes, mais elle aura aussi des incidences en Extrême-Orient. Il faut ici remarquer que la calendarité grecque est composée de deux calendriers. L’un est politique, et l’autre est rituel. Mais le calendrier politique se distingue des pratiques rituelles sans pour autant être laïc : dans la cité grecque, il faut être pieux pour être un citoyen. Cependant, il n’y a pas de religion chez les Grecs : “la religion grecque” n’existe pas – et le mot religion est latin. Il y a en revanche des pratiques pieuses, et, en particulier, des rituels sacrificiels à respecter impérativement. Reste que dans la cité grecque, la calendarité ne se constitue pas simplement comme espace rituel, mais également comme l’espace politique. C’est au même moment que les Grecs cassent les espaces tribaux, en imposant la constitution de dèmes, en bâtissant des villes au cordeau (c’est déjà un urbanisme). Les Grecs, qui sont des fondateurs de cités, fondent à la fois les calendriers politiques et les organisations spatiales de la cité, qui accueillent les différents espaces rituels. Ce sont des espaces pour le temps, car finalement, un espace rituel est un espace pour que quelque chose ait lieu - que ce soit le théâtre, l’agora… L’ensemble de ces dispositifs est ce qui constitue le rapport de l’occident à son temps et à son espace. Et j’appelle ici occident un processus d’individuation psychique et collective d’un genre particulier. Tous les groupes humains constituent des processus d’individuation psychique et collective, et un être humain est psychique, et ne cesse de se transformer, mais en tant qu’il est inclus dans un processus de transformation plus large, que l’on appelle le social.

Vous pouvez, 10 minutes avant de mourir, avoir une idée qui va finalement vous faire devenir tout à fait autre que ce que vous aviez été pendant 80 ans LOCAL.CONTEMPORAIN I 70

Un officiant peut alors vous donner l’absolution, voire vous convertir - ou bien vous pouvez au contraire blasphémer comme jamais. L’être humain est un être absolument plastique : il est dans un processus d’individualisation et de transformation permanente de lui-même. Cela est vrai quand il est en acte, parce que l’homme peut évidemment vivre comme un animal, comme un cloporte même ! L’homme par excellence, c’est celui qui jusqu’à la fin se transforme alors même qu’il cherche à être fidèle à lui-même. Socrate en est l’exemple : son dernier geste est le plus grand. Boire la ciguë, c’est ce qui lui confère tout à coup une autorité sur toutes les générations qui lui succéderont, pour des milliers d’années. Il va au bout de son individuation. Cependant, cette individuation psychique ne se constitue que dans la mesure où elle constitue une individuation collective. Comme l’écrit Simondon, je ne m’individue psychiquement que si cela produit une “résonance interne” dans le groupe. Par exemple, ces œuvres que vous m’avez présentées contribuent à individuer ceux qui vont les rencontrer ; elles les individuent isolément bien sûr, et d’abord comme leur solitude-même, et c’est pourtant là la source d’un devenir collectif dans leur faire-ville, ce faire-corps qu’est l’urbanité, et c’est ce processus qui constitue une société. Toutes les sociétés se caractérisent par le fait qu’elles ont des dispositifs spécifiques d’individuations psycho-sociales. En occident, cela passe par la mise en œuvre de techniques calendaires/cardinales dont les effets sont extrêmement variés - je dis l’occident mais, en fait, il y a bien des “occidents”, même si il y a un processus d’individuation occidental et qui leur est commun. Ce qui fait l’unité du processus d’individuation occidental, c’est la manière dont ce que Foucault appelait les hypomnémata - les supports de mémoires - sont instanciés comme principaux supports de l’individuation. Il y a trois sources cruciales pour comprendre où nous en sommes, nous, aujourd’hui. Premièrement, le monothéisme, qui induit un certain type de rituels hebdomadaires, où le groupe se retrouve dans des lieux et des contextes rituels spécifiques – vendredi, samedi ou dimanche. Deuxièmement, la politique, comme l’espace collectif et temporalisé d’une publicité fondée par la Grèce, et qui organise une nouvelle distribution des rôles sociaux où émerge la représentativité. Troisièmement, et plus tardivement, la révolution industrielle, qui attribue à ces dispositifs calendaires et cardinaux de nouvelles fonctions – sans aucun précédent historique :


La révolution industrielle constitue ainsi une rupture colossale dans l’histoire de l’humanité toute entière, et non simplement en occident, puisque les techniques de calendarité et de cardinalité sont alors mises au service de la production, au-delà du symbolique. Des conditions préalables à ce processus s’établissent dès les monastères, avec l’invention de l’horloge, qui est à la fois un constituant de la communauté religieuse et un événement de la mécanique, qui devient ainsi une technique, et bientôt une technologie. Cet engrenage, ou ce dispositif d’engrenages, finit par conduire, à travers la Renaissance (et un certain nombre d’événements qui s’étalent sur cinq siècles), au machinisme industriel et à ce que Marx analyse comme la mesure du temps de travail. Cette mesure est la soumission du corps à une calendarité qui n’est plus religieuse : c’est la calendarité de ce que Foucault appelle la société disciplinaire, où il s’agit de soumettre les comportements individuels aux impératifs sociaux d’un social qui ne se vit plus comme un rituel – qui se rationalise, comme dira Max Weber. Depuis la révolution industrielle, qui remonte à plus de deux siècles, se joue une transformation extrêmement complexe dont on n’a toujours pas fini de vivre, en France, les rebondissements. Par exemple, la politique de Nicolas Sarkozy pour faire du dimanche un jour non-chômé, un jour ouvrable, s’inscrit dans un devenir dont on sent que s’y expriment des contradictions, et dans lequel, en eaux profondes, se jouent de très graves questions : n’est-il pas très étrange que Nicolas Sarkozy d’une part crée les conditions pour liquider le dimanche sur le plan du sacré – car le dimanche dans toute cette calendarité est un jour sacré – et d’autre part produise un livre sur la religion et sa nécessité profonde comme vie spirituelle, ou se signe en voyant un bateau qui prend la mer, se mettant à assumer tout à coup une catholicité qu’on ne lui connaissait pas ? Ces agencements calendaires peu cohérents entre le profane et le sacré raniment en vérité de très vieilles questions.

- Le dimanche étant une suspension du temps profane ? “Je crois que cette distinction se rejoue dans d’autres termes, au cours de l’Antiquité, et dans la considération desquels je crois qu’il faut de nos jours s’attarder : l’otium et le negotium. Qu’est-ce qu’un dimanche pour un chrétien ? C’est le jour du Seigneur, qui est aussi le jour du retour à soi. C’est le jour où l’on va retrouver la communauté des fidèles, écouter un prêche, communier et finalement progressivement être réintroduit dans cette communauté en tant qu’elle est fondée par cette fidélité, par l’officiant, par le curé - littéralement celui qui prend soin (cura) de quelque chose, de moi, du troupeau - où l’on se retrouve comme soi (face à Dieu)…. Ce moment-là est un moment sacré : si je lui échappe, je m’échappe totalement. C'est pour le fidèle une façon de se retrouver lui-même car dans le temps profane de la semaine, il s’échappe à lui-même. Cependant, nous vivons dans une société qui dit que Dieu est mort. Qu’est-ce que veut dire que “Dieu est mort” ? Qu’il n’y a plus de sacré ? Est-ce que tout, étant sécularisé, est profanable, sinon profané ? Il ne fait pas de doute que ce qui fait la puissance de la cité grecque est justement le devenir profane – qui n’est pourtant pas une sécularisation. La cité grecque rend accessible aux profanes des choses qui étaient cachées et inaccessibles – via l’écriture – et c’est ce qui engendre le fabuleux dynamisme que l’on a appelé le “miracle grec”. Mais la cité maintient aussi le culte d’un autre plan, et un espace constituant une différence entre dieux et mortels, une différence sans laquelle la cité n’aurait pas lieu, sans laquelle il n’y aurait pas de cité. Que signifie le fait de dire, après Hegel, que Dieu est mort ? Que Dieu soit mort signifie d’abord que tout est calculable : Dieu c’est un nom de l’incalculable.

La société capitaliste pose en principe que tout est calculable, il n’y a absolument plus rien d’incalculable. Il y a là une intéressante contradiction – car la classe bourgeoise et capitaliste est pieuse, et on la dit “réactionnaire” dans la mesure où elle “réagit” contre ce devenir-profane de toutes choses. Or, dans cette organisation calendaire par laquelle le curé prend soin des âmes dont il est en charge, au sein de ce que l’on appelle une paroisse, s’exprime une 71 I LOCAL.CONTEMPORAIN


IL N'Y A PLUS DE DIMANCHE POSSIBLE ! UN ENTRETIEN AVEC BERNARD STIEGLER

modalité d’affirmation d’une différence, parmi d’autres possibles, entre le plan du calculable et celui de l’incalculable, et qui peut se jouer sur d’autres plans que le plan religieux. C’est pourquoi je parle d’otium et de negotium. L’important est ici le culte d’une différence, et en tant qu’un tel culte organise une calendarité, c’est à dire un rythme social. L’otium est la liberté de prendre soin de soi au nom d’un hors-de-soi supérieur à soi. L’otium, traduit en français, désigne le loisir. L’otium est une pratique qui donne la liberté de prendre soin de soi au nom de quelque chose de supérieur à soi. Cette chose supérieure à soi peut s’appeler Dieu, et donner ce que j’ai appelé un otium du peuple. Mais la pratique peut être celle des mathématiques, de la philosophie ou de la peinture – non pas comme hobby, mais comme moment d’interruption du cours ordinaire des choses vouées à la sub-sistance (c’est à dire à la satisfaction des besoins de conservation de soi), et par où peut s’ouvrir cette fleur qu’est mon existence.

Mon existence ne se résume pas à ma subsistance : elle est de l’ordre du désir, et ce que je désire est de l’ordre de l’incalculable. Mon désir ne peut désirer que ce qu’il considère être absolument singulier et incomparable, donc incalculable. Or, on ne peut calculer que des choses comparables. Ce désir peut porter toutes sortes de noms, peut s’attacher à toutes sortes d’objets, les objets sexuels en tant qu’ils deviennent des objets d’amour, les objets de sublimation plus généralement, et Jésus-Christ est un tel objet – si désirable que les Carmélites l’épousent. Mais l’objet de l’art est aussi un objet de cette étoffe : celle du désir qui ne compte pas. L’otium traduit en latin ce que les Grecs appelaient skholé : un processus qui consiste à atteindre une sphère qui n’est pas réductible à la nécessité de la subsistance. L’otium a organisé la société pendant plus de deux millénaires. Chez les Grecs, c’est ce qui fondait et légitimait l’existence de l’esclavage : il y avait ceux qui assuraient la subsistance, et ceux qui avaient droit à l’existence entendue comme ce qui permet de cultiver la skholé - c’étaient les citoyens, en tant qu’ils pouvaient et devaient cultiver leur liberté. Il s’agissait en cela de se mettre en suspens, en retrait par LOCAL.CONTEMPORAIN I 72

rapport aux contraintes du social, sans se couper du tout, mais en cultivant un autre plan et un autre temps dans un autre espace. Depuis les premiers Grecs présocratiques, jusqu’à “l’honnête homme” du XVIIIe siècle, il y a bien des formes d’organisation de l’otium ou de la skholé. Et il y a ce que j’aime appeler un “otium du peuple”. Pendant très longtemps, les fidèles furent considérés comme des manants qu’il fallait maintenir dans la fidélité à Dieu parce qu’il fallait les contrôler - les serfs étaient proches des esclaves. Et puis il y a eu le mouvement très important de la Réforme, lié à l’apparition de l’imprimerie, c’est-à-dire une nouvelle forme d’hypomnèse, contexte de la révolte de Luther contre son monastère et de sa nouvelle conception de l’ecclésia. Luther est un moine qui vient affirmer la possibilité d’un otium du peuple, soutenant qu’il faut que les fidèles sachent lire parce c’est dans un rapport direct au texte, dans la confrontation directe avec la parole du Christ, que la créature peut être et rester fidèle. Or, l’église est devenue, aux yeux de Luther, un système fiscal qui éloigne de la foi. Et Luther conçoit ainsi un otium du peuple que la contre-réforme prend rapidement à son compte, à travers Ignace de Loyola, au nom du pape cette fois-ci, et c’est ainsi que les jésuites apparaissent et développent leur discours sur l’alphabétisation, faisant du dimanche, et à travers le missel, le jour d’une pratique hypomnésique pour tous. À partir des XIXème et XXème siècles, une énorme transformation se produit qui résout – temporairement – un problème endémique du capitalisme : la surproduction de biens de consommation (le monde industriel produit plus que les gens solvables n’ont besoin). Et c’est pourquoi le capitalisme utilise bientôt les technologies symboliques pour capter le désir des individus et le détourner vers les intérêts de la production, c’est-à-dire vers les objets de la consommation. Ainsi se développent les moyens de ce que l’on appelle bientôt le marketing. Quelque chose d’absolument nouveau se produit ainsi, qui sera ensuite théorisé de manière généralement insane et idéologique, et que l’on va appeler la société de consommation puis la société des loisirs.

On nous fait croire que l’homme moderne prétendument post-


industriel est loisible de son temps. En réalité, ces soi-disant temps de loisirs deviennent, à partir des années 1960, avec l’explosion des médias, des temps de dressage et de captation de la libido qu’il s’agit d’orienter vers les objets de la consommation.

vraiment riches se comportent souvent comme d’énormes consommateurs, et je ne suis pas sûr qu’ils aient un rapport plus libre à leur propre temps. Il n’y a pas grand monde aujourd’hui qui ait un rapport libre à son temps. Or, ce moment de la liberté est le temps du soi, c’est comme ce moment qu’un moi devient un soi et peut véritablement s’individuer, et c’est aussi le moment où se réinvente le social, le lien à la famille, aux amis, à la cité, au cercle du travail ou plus généralement de la collaboration, etc. C’est là ce qu’on pourrait appeler finalement l’échappement de l’horloge sociale, tout comme dans l’ordinateur il y a un battement d’horloge qui remet x fois par seconde les choses en phase avec leur zéro, pour que le cycle se produise – et l’échappement est le cœur du mécanisme horloger.

Les industries du “loisir” sont en réalité une fonction du système de production/consommation. Aujourd’hui, et bien que Dieu soit mort, il y a une espèce de reviviscence des problèmes de spiritualité. Elle exprime une inquiétude fondamentale à l’égard de l’incalculable et de sa négation. À partir du XIXe siècle, c’est l’art qui devient, principalement pour la bourgeoisie, la surface de projection de l’incalculable. Ce qui signifie que la singularité esthétique en devient le foyer. Or, ce que j’ai analysé comme la société hyperindustrielle, qui caractérise notre temps, tend à éliminer tout ce qui fait obstacle à la circulation du calculable, dont le nom est la marchandise, et c’est pourquoi l’on veut supprimer ces jours fériés où l’on ne peut pas commercer, et qui ne furent pas pour rien, d’emblée, des jours de culte – c’est à dire d’épreuve de l’incalculable. Il est certes tentant de dire qu’il n’est pas rationnel que lorsque les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent puisqu’ils ne travaillent pas, on les empêche d’aller faire leurs courses par exemple. Pourtant, je trouve ce raisonnement catastrophique : l’interruption du cours ordinaire des choses est absolument essentielle pour l’existence. Et cet étrange ennui dont tous les adolescents se plaignent le dimanche est un moment essentiel de la vie. Nietzsche fait de l’ennui la condition d’une vraie pensée. Il faut beaucoup s’ennuyer, et souvent être ennuyé par les autres, pour lire, et pour découvrir les immenses richesses que seule peut donner la lecture. Proust s’ennuya mortellement. Il y a aujourd’hui très peu de gens qui organisent leur temps comme ils le veulent. Certains artistes peut-être. Les gens

Quelle que soit la civilisation, il y a un jour de la semaine spécifique, un jour d’interruption qui est en fait un redémarrage et qui échappe au calcul. Tel est l’échappement, et c’est aussi ce que les philosophes appellent une épokhè, une mise en suspens. Il faut interrompre le cours normal des choses pour qu’il puisse reprendre. Il faut plus que jamais interrompre, aujourd’hui, cette perte de soi qu’est la consommation devenue addictive, tout comme l’hyperactivité de la production, par où l’on se perd de vue soi-même, ne sachant pas qui l’on est, comme s’en plaint Richard Durn peu de temps avant de massacrer huit conseillers municipaux. La suppression du moment social d’interruption qu’est dans nos sociétés le dimanche s’inscrit dans un processus de désindividuation et désublimation généralisée. Durant les années 1960, la télévision s’est emparée du dimanche, et de l’ennui, et c’est ainsi qu’advient finalement l’émission Dimanche Martin, ou d’un équivalent, faisant de l’ennui une arme pour imposer le règne de la bêtise. Je suis né avec la télévision : en 1952, mon père était en train d’apprendre l’électronique, et il a fabriqué le poste de télévision familial. Très peu de gens avaient la télévision en 1952. En 1960, les possesseurs de téléviseur ne représen-

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taient encore que 13% des français; en 1970 ils étaient déjà 70,3%. Aujourd’hui ils sont 97%. Ainsi sont apparues ce que l’on appelle les industries de programme par lesquelles s’est mise en place la calendarité audiovisuelle qui s’est substituée aux rituels existants, et qui les ont purement et simplement détruits – même s’il y a des émissions religieuses à la télévision (et les télévangélistes ne tarderont pas à débarquer chez nous). - L’époque semble caractérisée par une soumission au temps du travail, au temps des transports, au temps des achats, au temps des médias, jusqu’à une société totalement synchrone, laissant peu de marge d’initiative individuelle ? “Le dimanche est à la fois ce qui interrompt le cours des choses et ce qui leur donne cours : il est la source d’un courant. L’être qui existe, qui ne se contente pas de subsister, recherche des objets de désir, c’est-à-dire des objets incalculables : des singularités. Et à travers les objets singuliers qu’il recherche, c’est lui-même qu’il singularise : s’individuant, il adopte des comportements imprévisibles et incontrôlables, que le capitalisme actuel tente d’éliminer. Or, le capitalisme ne va pas pouvoir continuer ainsi longtemps : il se détruit lui-même en anéantissant le désir. Le capitalisme qui fonctionne sur la base du désir est en train de le détruire et se détruit inévitablement, ce qui n’est pas une bonne nouvelle.

une grande surface avec une carte de fidélité, on est profilé, catégorisé à partir des objets que l’on consomme, contrôlé dans les moindres détails de sa vie. Code barre, carte bleue et carte de fidélité sont des technologies de contrôle, qui automatisent le réassort, en temps réel et à flux tendu. Il n’y a plus aucun délai, ce qui veut dire qu’il n’y a plus d’interruption : il n’y a plus de dimanche possible, plus aucun arrêt où que ce soit dans la chaîne. Tel est le dispositif qui domine aujourd’hui, et qui ne peut pas continuer : il ne peut en sortir qu’une immense débandade.” - Michel de Certeau doutait de la profondeur de cette aliénation et recherchait inlassablement dans les pratiques quotidiennes, les détournements : bricolages de survie des populations, ruses et astuces de chasseurs, trouvailles jubilatoires, poétiques et guerrières, comme autant d’immémoriales intelligences ? “On sent bien que les êtres humains continuent à désirer pratiquer des choses et non pas simplement les consommer. Cependant, le marché identifie tous ces segments d’activités pour en faire des segments de marché justement, et non simplement des moments d’existence. Il tend à les transformer non plus en pratiques mais en usages – et de Certeau n’a pas vu la différence entre usage et pratique. Le bricolage, c’est typiquement cela : le type a envie de monter son mur avec des moellons, on va lui donner des techniques pour que ça aille beaucoup plus vite, que ce soit moins cher…, et finalement il n’y a plus de pratique.

La singularité est ce qu’on cherche à détruire, à éliminer. Or C’est une espèce de prolétarila singularité produit la néguen- sation de la production amateur, y tropie du système – c’est à dire compris de la pratique du sport. La pratique sportive est une des seules qui reste aujourd’hui. son avenir.” - Les individus vivent de plus en plus dans le présent et le temps réel s’impose comme le temps dominant des échanges sociaux. Que pensez-vous de cette domination ? “Il n’y plus de passé. Les technologies de contrôle font en sorte qu’il n’y a plus de passé individuel, et qu’il n’y a plus de passé collectif non plus. Ainsi quand on va acheter dans LOCAL.CONTEMPORAIN I 74

Je ne parle pas de Zidane qui est un très grand praticien, et c’est sans doute pourquoi il est aimé : les gens désirent et admirent la pratique, et pour cette raison ne veulent pas simplement pratiquer eux-mêmes mais voir pratiquer les autres. Je parle ici du joueur de foot ou du cycliste du dimanche - ces gens qui savent qu’il y a là quelque chose qui n’a pas de prix – et je vous le dis avec beaucoup de conviction : je fais moi-même du vélo le dimanche. Il est heureux qu’il y ait encore cela.


A certains égards au moins, les analyses de Michel de Certeau se sont combinées avec la théorie de la “société des loisirs” dite “postindustrielle” de Touraine, et si vous croisez Touraine et de Certeau, vous avez une image assez fidèle aux incuries de la social-démocratie, peu apte à la pensée critique, beaucoup plus dérégulatrice que le gaullisme, et au service de la “libération totale” qui croit que le dimanche peut avoir lieu tous les jours et qui œuvre à la destruction de l’otium et au développement du capitalisme. Ce discours sur les usages efface la question de la pratique. Prolétarisé, l’ouvrier perd ses pratiques, c’est à dire ses savoirs, et ses outils, et devient usager de la machine, et passe du statut d’ouvreur de monde, comme son nom l’indique, à celui de servant de machine, sinon d’esclave. Mais c’est aussi vrai dans le tertiaire et de plus en plus des cadres qui s’adaptent aux systèmes d’information qui les privent de leurs savoirs. Un être, aussi crétinisé qu’il puisse être, a toujours une activité qui demeure irréductible : dans l’être humain, il y a le désir, et c’est ce que de Certeau sait très bien, et c’est depuis ce savoir qu’il parle. Mais il sous-estime la manière dont le capitalisme, ayant fait de l’exploitation du désir son principe au XXème siècle, finit par le détruire, et rend l’être humain inhumain, parce que sans désir.

Aujourd’hui, on est dans la pulsion. Le capitalisme ne vise plus le désir mais la pulsion. Dans la consommation alimentaire par exemple, c’est la compulsion de répétition qui est visée. La psychiatrie identifie des pathologies de consommateurs qui peuvent devenir source de grands problèmes de santé publique. Freud définissait le désir comme ce qui dépasse le pulsionnel en liant les pulsions. C’est pourquoi la pulsion sexuelle n’est pas le désir : l’objet libidinal n’est pas simplement sexuel, c’est, en tant qu’objet du désir, un objet sexuel en voie de désexualisation. La femme ou l’homme que j’aime est un objet de désir sexuel dans la mesure où je l’ai désexualisé, ou j’en ai fait l’objet non seulement d’une relation sexuelle, mais une relation d’amour qui dépasse la pulsion qu’est la sexualité – tout en passant par elle. La sublimation est déjà là. Dans la société actuelle, on en est arrivé à faire reposer le développement économique et industriel sur un dispositif pulsionnel qui détruit l’économie et l’énergie libidinales parce

qu’il détruit le narcissisme primordial par lequel, lorsque je regarde la télévision, même si je parais complètement passif, je suis encore actif, parce que mon narcissisme projette des singularités dans ce qui semble être la banalité même. Ce qui fait que je peux projeter narcissiquement de la singularité dans un objet commun, et banal, et même débile comme sait l’être un feuilleton télévisé, c’est que la manière dont je regarde la chose par rapport à mon voisin est singulière dans la mesure où mon passé n’est pas le passé de mon voisin. Cependant, dès lors que l’industrie de programmes permet de contrôler absolument tous les modes de vie, la singularité s’effrite : je regarde les mêmes émissions que mon voisin, j’entends le mêmes discours au journal de 20 heures, je vois les mêmes images, je me fabrique le même passé, c’est à dire que je n’ai plus mon passé – mais des images passent par moi qui me vident de toute ma singularité. Nous subissons tous de près ou de loin ce processus d’hypermassification. Il nous accable, nous démoralise dans tous les sens du mot. Et il ne faut pas confondre ici l’usage et la pratique parce que l’usage est ce qui ménage un espace d’appropriation individuel particularisable, c’est-à-dire caractérisable par des calculs, au sein de ce que par exemple le marketing appelle des tribus. Les tribus qu’engendre le marketing visent à transformer le singulier en particulier, et à rendre le singulier calculable, mais du même coup l’éliminent tribalement. Tous les nouveaux objets communicants sont actuellement socialisés en classifiant la jeunesse par la diffusion et le renforcement des comportements tribaux que l’on appelle précisement des usages et qui constituent des niches, par rapport auxquels il y a des niveaux de solvabilité requis : à un type d’usage correspond un niveau de revenu ; tout est traitable en parts de marché, c’est pour ça qu’il n’y a plus d’otium. Aucune classe n’échappe à cela.” - Le dimanche qui fut originairement le jour sacré pour la chrétienté, le jour du repos, de la méditation est réduit, par la marchandise, à un jour de flux comme les autres ? ”Tout à fait. C’est pourquoi que je parle de prolétarisation généralisée, y compris parmi les personnes à hauts revenus. La prolétarisation ce n’est pas une affaire de ressources économiques : c’est une affaire de ressources symboliques.” Bibliographie Mécréance et discrédit 1. La décadence des démocraties industrielles. Galilée, 2004 De la misère symbolique 1. L’époque hyperindustrielle, Galilée, 2004

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Un jour privilégié pour

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s'ouvrir son propre monde ?

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UN POÈME ASSEZ MAIGRE MAIS PAS TROP AIGRE JEAN-PIERRE CHAMBON

sortir de la ville aller voir les arbres et le vent se rapprocher de l’herbe et du ciel c’est un peu s’échapper des murs de sa propre tête alors on prend la route aux rapides zigzags qui s’élève vers l’une des montagnes dont on voit tous les jours de la semaine se profiler au bout de la rue les pentes les contours lorsqu’on lève les yeux que l’aile du rêve nous porte plus loin plus haut vers les aires d’herbe rase les ressauts de pierre lustrée tel segment intact invivable du paradis perdu

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là-haut au bord d’un petit lac cerné de sapins noirs on tire une couverture sur le pré on pose un gobelet de vin en équilibre dans l’herbe deux œufs durs sur une pierre un chien vient fureter dans les sachets les gosses jettent des cailloux dans le ciel miroité l’eau pue un peu la montagne grimpe encore jusqu’à la roche nue l’os affleurant de la terre le monde dans une autre dimension grouille remue on suit seul événement le trajet d’une fourmi transportant une miette de


pain il n’est pas de répit de dimanche pour les obscures inlassables ouvrières une brindille tombe au milieu de la page du journal déplié un fourmillement d’encre déplace une miette de sens on ferme les yeux à travers les mailles du feuillage un tentacule de lumière palpe les paupières la cicatrice d’un avion s’effiloche comme une corde brisée entre deux horizons dans le bleu mutique il ne se passe rien l’eau du temps

coule ralentie dans les veines un chemin s’enfonce dans la forêt des squelettes de sapins couverts de lichen évoquent des paysages sous-marins pétrifiés dans les halos de rouille du soleil rampant sur des tapis d’aiguilles on est seul tout à coup un instant à l’écart sous les branches infiniment seul parmi des présences pressenties les mains collantes de résine les cheveux emmêlés de fils d’araignées seul perdu dans la forêt de l’enfance la forêt primitive effrayante merveilleuse aussitôt des champignons

décapités des voix exclamatives dans les fourrés tout proches dissipent l’illusion à nouveau le petit moteur de l’œil bourdonne parmi les apparences butine un bouquet de marguerites sur le bord d’un talus pétales d’horloge pollen des pensées des heures envolées déjà la lumière empesée de mélancolie ploie la forêt lentement se referme une pincée d’ombre remonte dans une infime effervescence des profondeurs du lac des portières claquent les moteurs ronflent on redescend avec la file des autos vers la ville

qui apparaît à la faveur d’un virage comme une maquette avec immeubles miniaturisés une fourmilière humaine un aberrant labyrinthe une imbrication de fonctions une ville sur la terre au creux des montagnes le soir en tirant les rideaux on regardera un instant les montagnes bleuir pensant à ce dimanche il n’en restera lundi déjà presque rien quelques gouttes de sensations s’évaporant de la mémoire une étroite pluie de mots recueillie sur la page dans un poème assez maigre un poème du dimanche pas trop aigre

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Seulement semblable aux autres

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ou seul face à soi-même ?

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Et comment se vivent les dimanches aux quatre coins du monde ?

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SEULS LES PIGEONS RESTENT À FOULER LES ÉPLUCHURES ! DIMANCHE À LIÈGE, LE BOURDONNEMENT DES UNS FAVORISE LE REPOS DES AUTRES, EUGENE SAVITZKAYA

Au balcon, le Liégeois se prélasse torse nu, c’est qu’il n’y a pas école le dimanche à Liège, tous les papiers sont dans la rue, un seul chantier bat et bat, c’est le nouveau chapeau de la gare, dimanche à Liège, dans la Meuse plonge un sinistre calamistré déséquilibré par bière et pèquet, dimanche à Liège, les Hollandais viendront nous voir danser en sabots, avait prédit la mère de l’autre, dimanche à Liège, bref on boit sur les quais, aux terrasses, aux prés, à Montegnée, on vient de me dire qu’au cimetière la consommation d’alcool augmente chaque dimanche à Liège, sur les collines seules bêlent les brebis, du clocher de l’église Saint Denis appelle le muezzin, on a vendu au marché douze couples de perruches à gorge noire, seuls les pigeons restent à fouler les épluchures dimanche à Liège, Paul mange zarzuela et Selçuk dort, l’aquilon souffle pour Jacques d’Outre-Meuse, le repos des uns favorise l’agitation des autres, dimanche à Liège, le bourdonnement des uns favorise le repos des autres, de Chevaufosse se lève une nuée d’akênes, trois pies indiquent trois directions.

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LES BRICOLEURS DU TEMPS

A ALGER LE RAPPORT AU TEMPS SE NEGOCIE SANS FIN. QUI L’EMPORTERA, LE TEMPS DE LA FOI OU LE TEMPS DU MARCHÉ ? GHANIA MOUFFOK

Chaque année, la rumeur court que bientôt, le samedi et dimanche vont à nouveau remplacer le jeudi et vendredi.

C’était un vendredi de printemps, jour de congé hebdomadaire en Algérie, une de ces journées splendides où la campagne du Sahel, à quelques kilomètres d’Alger seulement, ressemblait à une noce. Les champs étaient couverts de glaïeuls sauvages et, en cherchant bien, on pouvait même cueillir des asperges. Nous avions rempli notre voiture de brassées de fleurs, marguerites hautes comme des arbres, genêts jaunes d’or, nous les avions cueillis comme on rattrape le temps perdu. Pendant des années, ce plaisir tout simple nous avait été interdit, les petites routes de campagne s’étaient transformées en coupe-gorges et la mort violente pouvait se rencontrer au tournant de ces champs plantés au creux des vallons. Tout à notre bonheur, la faim nous prit soudainement et nous voilà cherchant un coin pour manger à l’heure de la prière. En traversant la Mitidja, ses villes, ses bourgs, tout était fermé, seules les mosquées étaient ouvertes et déjà pleines de monde, hommes, femmes, enfants répondant à l’appel à la grande prière du vendredi, haya ‘ala salat. Marchant sur des œufs, nous roulions lentement pour ne pas gêner cette rencontre hebdomadaire solennelle qui déborde jusque sur les routes. Nous avons fini par atterrir à Draria, ville depuis peu devenue à la mode et célèbre pour ses brochettes, supplantant par le simple bouche à oreille des villes voisines comme Staoueli, Zeralda, où les familles s’installent en terrasses pour manger des glaces monstrueuses et des assiettes de petites brochettes de viande, de foie grillées à l’ancienne, certifiées par l’odeur du charbon et de la graisse. Ce quartier de Draria tant couru avait surgi de terre en l’espace de quelques années, et là où, naïfs, nous nous attendions à une atmosphère bucolique de terrasses donnant sur les champs, nous découvrîmes à notre grande stupeur des barres et des barres de béton avec vue sur le parking. Nous avions faim et de guerre lasse, nous nous installons, quand même, dans un de ces nouveaux lieux de plaisir qui hésitent entre la gargotte classique et la cafétéria. Nous sommes accueillis par un énorme présentoir frigorifique dans lequel s’entassent des viandes à griller, dont de délicieuses petites cailles qui se laissent tendrement grignoter. La salade de poivrons piquants couverte d’huile d’olive s’impose, et nous apprécions le pain fait maison qui, depuis quelques années, a fait son apparition dans tous les restaurants, depuis que le savoir des femmes est devenu lui aussi une marchandise. La dinde aussi, c’est nouveau, cette viande dodue et bon marché, comparée au foie d’agneau qui vaut de l’or, s’est répandue dans nos assiettes avec de nouvelles habitudes culinaires, comme la pizza LOCAL.CONTEMPORAIN I 84

et le chawarma. Comme sont nouveaux nos compagnons en gourmandise à la table à côté. Ce sont des “chinois”, c’est ainsi que nous appelons indistinctement ces dizaines d’asiatiques qui bâtissent les nouvelles villes en des temps records, et dont nous attendons, tranquilles, qu’ils règlent à notre place notre cauchemardesque crise du logement. La salle est presque vide, il est treize heures environ, les gens sont à la prière. Deux femmes entrent alors avec une petite fille. La quarantaine sobre, elles portent des jeans et des baskets, la petite fille a des rubans. Elles s’installent et s’impatientent de ne pas voir venir les serveurs. Ces derniers hésitent avant de leur dire : “le patron nous interdit de servir à l’heure de la prière, attendez qu’elle soit finie”. Elles tentent bien de négocier une salade de tomate, “pour la petite qui a faim”. Il n’y a pas d’exception à cette nouvelle règle. Rassasiés, nous nous sentons coupables et tentons de nous en mêler à l’algéroise. Rien n’y fait, “ce n’est pas nous qui décidons, c’est le patron”. Nous-mêmes, nous devrons attendre la fin de la prière pour payer la note et impuissants, nous regardons nos trois femmes partir en maugréant. Leur sortie est gâchée et nous plonge dans un débat interminable sur la liberté des uns et des autres. La société algérienne négocie, sans fin, son rapport au temps : entre l’heure de la communauté des croyants et l’heure de la communauté citoyenne qui l’emportera ? Nous avons du mal à nous souvenir que le vendredi n’est devenu jour férié que depuis 1975, sur décision du colonel Boumediène, alors président, comme un signe fort du recouvrement de notre identité, arabe et musulmane. En l’espace de trente ans, el djoumouâ, qui en arabe signifie à la fois vendredi et rassemblement de la communauté, est devenue une institution forte autour des mosquées qui se sont transformées en hauts lieux d’identité par delà les appartenances politiques des pratiquants. Elles sont devenues le lieu de rencontre massive et hebdomadaire de la communauté des croyants. Chaque année, la rumeur court que bientôt, le samedi et dimanche vont à nouveau remplacer le jeudi et vendredi. Rumeur insistante depuis que l’économie de marché a envahi nos rues, imperceptiblement, en l’espace de vingt ans, date où l’Etat cédait son monopole du commerce extérieur à tous les concessionnaires et autres filiales de l’économie mondiale. Nous voilà coupables de faire perdre du temps, de l’argent aux banques, aux multinationales, aux hommes d’affaires qui, toutes nationalités confondues, Algériens, Français, Américains, Chinois, Indiens, Turcs, Syriens, vivent à l’heure de l’économie mondiale à deux pas de nos mosquées. “Cela ne peut pas continuer”, croit


savoir Samir T. qui dirige un bureau de consulting - c’est comme ça qu’il dit - et il affirme que le décret est prêt et que bientôt nous passerons à l’heure du weekend universel, “comme tout le monde. Cette histoire nous fait perdre au moins trois jours de travail et des millions de dollars” et, de compter : “le samedi et le dimanche les banques à l’étranger ne travaillent pas et, chez nous les banques sont fermées le vendredi. Dans tous les cas, je n’ai plus de weekend : je suis condamné à travailler le jeudi et le vendredi avec mes partenaires étrangers et le samedi et le dimanche avec l’administration algérienne” dit-il, épuisé de ce nouveau visage de l’échange inégal : “pour eux le dimanche c’est sacré, mais mon weekend à leurs yeux il compte pour du beurre”. Qui l’emportera, le temps de la foi ou le temps du marché ? Les paris sont ouverts et ils ont l’odeur du feu, des batailles à venir comme un brasier qui attend sa brochette… Notre temps libre a le goût du malaise, des malaises qui nous habitent, symptômes d’une quête insatisfaite. Mais nous avons une parade pour résister : nous nous arrangeons avec le temps que nous bricolons pour le faire avancer, reculer, où même l’effacer. Par exemple, le 19 juin, date du coup d’Etat du colonel Boumediène, en 1965, contre le premier président de l’Algérie indépendante a été rayé du calendrier des jours fériés, depuis que les colonels parlent de démocratie et font des affaires cela faisait mauvais genre. En revanche, nous sommes désormais autorisés à célèbrer officiellement Yannayer, date du nouvel an berbère. En quelle année sommes-nous, en 2005, en 1426 ou en … ? Dis-moi quel est ton calendrier et je te dirai qui tu es. Calendrier julien, hégérien ou berbère ? Faut-il fêter le nouvel an ou Yannayer, le début de l’année berbère, ou ne rien fêter du tout parce que c’est péché d’être ailleurs qu’au temps de l’hégire ?

à former le numéro de la personne à saluer et d’éteindre le portable dès la première sonnerie, histoire d’économiser des “unités” tout en rappelant aux autres que l’on est toujours vivant et que peut-être on s’ennuie. Nous sommes en passe de devenir les maîtres des loisirs virtuels. Nous zappons, nous bipons, nous tchatons. Les cybercafés sont ouverts toute la nuit, pleins à craquer pendant que chacun derrière son écran, se branche et chatte, nous draguons, nous flirtons, nous nous masturbons via internet, c’est pas cher et c’est libre d’accès. Encore faudraitil que les autorités ne s’en mêlent pas, dès que les pauvres gens s’inventent un plaisir, elles inventent une ordonnance. Désormais, il faut une autorisation spéciale du ministère de l’Intérieur pour garder ouvert son cyber au-delà de minuit. Entre la police sociale et la police tout court, qu’est-ce que le temps libre quand les Hommes ne le sont pas ? Alors, on se prend à rêver avec cet homme, enfermé dans un embouteillage, il rêve à voix haute d’un arbre à l’ombre duquel il serait assis, vêtu d’une simple gandoura, comme celle que devait porter son grand-père, une gargoulette d’eau fraîche à portée de main et de rien d’autre, pas de frigidaire, dit-il, pas de téléphone, pas de télévision, seul le silence serait son compagnon et lui resterait là, juste à ne rien faire, à contempler le monde sous ses yeux comme on se regarde du dedans.

Alors, en attendant de régler nos problèmes de temps, nous nous exilons massivement, tous les soirs, dès que nous avons une minute de libre, nous prenons le chemin de la “parabole”. C’est ainsi qu’à Alger nous aimons appeler cette grande assiette blanche qui trône désormais sur nos fenêtres et nos terrasses par milliers, et qui par la grâce du numérique nous permet de capter des bataillons de programmes de télévision que nous pêchons tels des pirates au plus loin de nos ennuis que nous zappons. Et entre deux exodes, nous bipons aussi. Bip, bip, c’est le nouveau mot que nous avons inventé pour désigner l’art du salut virtuel via nos portables, indispensables portables, que nous portons telle une nouvelle occupation. Le jeu consiste 85 I LOCAL.CONTEMPORAIN


JOURNEE PORTES OUVERTES

PARCOURS D'IMPOSTURE DANS L'INTIMITÉ DE JOHANNESBURG ! IVAN VLADISLAVIC

Six jours par semaine, les résidences des vertes banlieues de Johannesburg apparaissent telles des forteresses imprenables. Le septième jour, les barrières se lèvent exceptionnellement …

Alors que tout le monde paresse le dimanche matin, les agents immobiliers s’activent. A certains coins de rue, ils installent de petits écriteaux en fer ou en carton sur des piquets qu’ils plantent à coups de marteau dans le sol, ou bien des panneaux sandwichs qui tiennent tout seuls sur leurs jambes, pareils à la lettre A. On peut y voir le nom et le numéro de téléphone de leur agence, ainsi qu’une flèche indiquant “A visiter”. Le dimanche, c’est journée portes ouvertes. Pour ceux qui cherchent à acheter, les simples curieux ou ceux en quête d’abri – dont moi, et qui conduisent le journal ouvert aux pages des annonces immobilières, comme une carte sur laquelle les maisons à visiter sont encerclées, ces pancartes postées aux croisements représentent de véritables balises qui guident la navigation.

Une flèche portant la mention “A visiter” indique la propriété mise en vente. Je me promène le long d’une ruelle bordée d’arbres feuillus et soudain tout m’apparaît familier et inéluctable. Je suis à la recherche du numéro 12, mais la situation me rend plus sensible que d’habitude aux signes extérieurs: les habitants du numéro 3 aiment jardiner, cela se voit au nombre foisonnant de pots et de corbeilles qui pendent à l’arrière de leur maison, et aussi aux petits cartons de semis entreposés au pied du mur. Peut-être qu’ils s’occupent du jardin collectif ? Au numéro 8 habite un artisan, à en juger par les ornements de vitraux sur les carreaux. Celui qui habite au numéro 9 aime la vie au grand air : un vélo, un kayak et du matériel de camping sont entassés sous une bâche. Et me voici arrivé à destination, signalée par une autre flèche et une porte entrouverte.

Six jours par semaine, les résidences des vertes banlieues de Johannesburg apparaissent telles des forteresses imprenables. Les maisons se terrent derrière de très hauts murs, qui leur confèrent plus d’intimité que de sécurité, et à moins d’avoir une bonne raison de pénétrer derrière ces grilles et ces murs, ils restent clos. Mais certaines propriétés doivent changer de mains, et le marché veut que les acheteurs soient autorisés à visiter ce qui est à vendre. Alors le septième jour, le jour des “portes ouvertes”, les barrières se lèvent exceptionnellement et la permission d’entrer est accordée à une minorité. Bien entendu, ce privilège n’est pas accordé à tout le monde. Le droit d’entrée est toujours réservé. Pour franchir le seuil, vous devez prendre l’apparence d’un acheteur et cultiver l’image d’une personne « prête à acheter ». Comme dans l’arche de Noé, il est préférable d’aborder le marché de l’immobilier deux par deux. L’accueil sera plus enthousiaste pour un couple que pour une personne célibataire : deux chéquiers valent mieux qu’un. Vous devez en outre assortir vos vêtements en fonction du voisinage et de l’échelle des prix. Si vous souhaitez avoir accès aux lotissements les plus sécurisés et les plus chics, allez-y en 4X4 et accompagné d’un ami européen. Un accent étranger aura l’effet d’un passeport diplomatique qui vous garantira l’immunité contre les règles pointilleuses de la sécurité.

Mon premier regard sur l’agent immobilier m’en dit beaucoup sur la façon dont elle va exercer son art de la vente. Est-elle assise à la table de la cuisine, absorbée par un portfolio de documents, et lève-t-elle les yeux avec un sourire grave quand je rentre ? Ou bien est-elle assise de manière décontractée sur le canapé du salon, les jambes croisées, occupée à feuilleter le supplément “Art de vivre” du Sunday Times, et se lève-t-elle pour m’accueillir d’un pas assuré, ni nonchalant ni trop empressé, comme si c’était une ancienne petite amie ? C’est aussi dans ces premiers moments que j’évalue les astuces du métier de vendeur. Si la vue depuis la fenêtre du salon est belle, les rideaux sont ouverts en grand ; si au contraire la vue est médiocre, ils sont tirés et des lampes de lecture sont allumées pour diffuser une lumière chaleureuse. Une odeur de pain tout juste sorti du four parvient de la cuisine ? Non, je n’ai encore jamais eu droit à cet artifice d’accueil recommandé par les vendeurs les plus offensifs ; en revanche une corbeille débordante de fruits sur le comptoir de la cuisine est presque de rigueur.

Chaque mur dissimule quelque chose. Telle porte donne sur un jardin insoupçonné jusque là, alors que je suis passé devant en voiture des centaines de fois ; tel passage conduit à une cour cachée au cœur d’un lotissement en expansion; une bande de terrain boisé apparaît entre deux rangées de maisons. LOCAL.CONTEMPORAIN I 86

Les journées portes ouvertes, certains intérieurs acquièrent, pour des raisons pratiques, une simplicité moderniste. Le fouillis a été débarrassé : les photos des enfants et petitsenfants dans leurs cadres d’argent, les boites de porcelaine et les animaux de cirque en cristal, tous les objets se trouvant sur le bord d’une étagère et qu’il serait facile de faire disparaître d’une pichenette dans la poche d’une veste ou dans un sac à main. Le manque de touche personnelle dérange la stabilité domestique du lieu : c’est comme si les occupants avaient déjà commencé à faire leurs cartons dans l’attente du déménagement.


En l’absence de ces précautions certes raisonnables mais pour le moins offensantes, l’agent immobilier se voit dans l’obligation de me suivre comme un agent de sécurité de grand magasin, feignant de ne pas attacher d’importance à mes réactions, et tâchant de rester discrète malgré son regard insistant. Tout ceci me rend mal à l’aise. Je n’aurais jamais eu l’idée de piquer quoi que ce soit, mais maintenant qu’elle me suit partout en me surveillant du coin de l’œil, je commence à prêter attention à tous les objets que je pourrais faucher si j’en avais envie ; mon regard, glissant d’une chose à l’autre, enregistrant le bric-à-brac plutôt que les “traits particuliers” de la maison, me donne un air suspect. L’agent commence à réaliser qu’elle ne s’était pas trompée sur mon compte : elle sait repérer les personnes louches de très loin. Et de fait elle est dans le vrai, car je suis réellement un imposteur. Je ne suis pas du tout un “acheteur potentiel”, et je me moque pas mal des “atouts intéressants pour le client”. Je profite juste des avantages des journées portes ouvertes pour fureter discrètement dans ces petits musées de la vie privée que les gens appellent leur maison. J’aimerais pouvoir feuilleter les livres dans les vitrines et les casiers de CD, étudier les tas de photographies sur les buffets, mais cela me démasquerait. Alors il me faut adopter les manies d’un acheteur - me baisser pour examiner les plinthes à la recherche de signes éventuels d’humidité naissante, ou encore faire des commentaires sur les placards encastrés et les variateurs de lumière.

Je peux alors brièvement arrêter de faire semblant et m’adonner au besoin qui m’a conduit ici : faire le plein de modes de vie et de leurs répercussions. Quand je ressors dans la rue, j’ai conscience qu’une légère ombre de culpabilité plane autour de moi. Les pancartes “A visiter” sont toujours regroupées aux coins des rues, réfléchissant le soleil de fin d’après-midi. On dirait des petits piquets montés par le Forum Anti-privatisation . Encore plus tard, quand les longues ombres noires des poteaux téléphoniques et des arbres s’étendent comme des rubans de soie en travers des rues, les agents immobiliers roulent d’un croisement à l’autre, et enlèvent leurs écriteaux pour les jeter à l’arrière de leur 4x4 ou de leur break, révoquant ainsi les libertés d’un jour. Les trottoirs sont maintenant dégagés. Les maisons tournent de nouveau le dos à la rue, les gardes de sécurité ont repris le règlement : entrée interdite. Seuls ça et là, des petits trous demeurent dans le bitume des trottoirs ou le sol dur des bascôtés, à l’endroit où les pancartes ont été plantées, comme des pointillés indiquant l’endroit où il faut signer.

Parfois il arrive que je croise d’autres acheteurs pendant une visite. De telles rencontres vous mettent mal à l’aise. La présence d’un autre inconnu vous fait prendre conscience l’un comme l’autre que vous êtes des intrus ici. Nous cachons notre gêne derrière une politesse excessive, nous contournant à pas feutrés, tels des visiteurs esseulés dans une galerie d’art, essayant d’assourdir le crissement de nos semelles de caoutchouc sur les dalles italiennes et faisant encore plus attention que d’habitude à ne pas masquer une vue ou gêner une observation. Et plus nous faisons cela, plus nous réalisons que tout dans cette maison, y compris nous-mêmes, est en vitrine, “à visiter”. Les agents ont tôt fait de jauger l’incommodité d’une telle situation et ils interviennent en général à ce moment-là – “Avez-vous vu la piscine ?” - emmenant l’un des intéressés. Je raffole de ces moments où l’agent est occupé ailleurs. 87 I LOCAL.CONTEMPORAIN


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LA LESSIVE DU DIMANCHE

DANS LES LAVERIES, LE DIMANCHE N’EXISTE PAS. QU’IL FASSE MAUVAIS OU BEAU, LE TEMPS SEMBLE STRUCTURÉ SEULEMENT PAR LES QUARANTE MINUTES DE COULEUR À SOIXANTE DEGRÉS. PETER WENDLING

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MON DIMANCHE IDÉAL

ËTRE DU DIMANCHE NE SUFFIT PAS, ENCORE FAUT-IL COMPRENDRE QUEL DIMANCHE VOUS HABITE ? UN JEU-TEST PROPOSE PAR HENRY TORGUE

Dans chaque paire de citations, cochez celle qui reflète le mieux votre état d’esprit. Faites votre choix à chaque ligne et reportez vous au tableau page Augustin écrivait qu’on trouverait au Paradis un dimanche 01 Saint éternel... La vie n’est juste qu’une longue attente jusqu’au week-

millions d’êtres humains rêvent d’une vie éternelle et s’il pleut le 02 Des dimanche après-midi, ils ne savent pas quoi faire. [Suzan Ertz, After

03 Le dimanche, c’est un jour autre. Même le soleil est différent...

ne change pas les dimanches de novembre, on les pleure goutte à 04 On goutte, lentement, avec chaque minute qui coule.

end.[Pekka Himanen, L’éthique hacker]

[Yves

Montand, Montand raconte Montand]

sais pourquoi je déteste le dimanche : c’est parce que des gens, 05 Jeoccupés à rien, se permettent d’être oisifs comme moi.

[Jules Renard,

Journal]

Noon]

[Jeanne Voidy, Lectures

brèves pour le métro]

dimanche et le jeudi étaient nos jours de congé ; mais les offices, 06 Leauxquels nous assistions très exactement, employaient si bien le

: le dimanche, on sort avec ses habits. On peut aussi inviter ses 07 Habit 08 habits à manger. [Pef, Dictionnaire des mots tordus]

dimanche, que nous considérions le jeudi comme notre seul jour de fête. [Honoré de Balzac, Louis Lambert] Je n’aime pas le dimanche, jour du Seigneur, mais j’aime le mercredi, jour des enfants. [Dan Franck, in Libération - 25 mars 2000]

09 Le travail du dimanche n’enrichit pas.

ne pourrai jamais m’amuser les dimanches, car je n’arrive pas à 10 Jeoublier que le lendemain j’ai école.

samedi, le temps ralentit, avant de s’arrêter tout à fait le 11 Ledimanche.

serait-ce qu’en terme d’allocation du temps, la religion n’est pas 12 Ne très efficace. Il y a tellement d’autres choses à faire le dimanche

[Proverbe italien]

[Bill Watterson, Calvin et Hobbes - Fini de

rire !]

[Geneviève Brisac, in Libération - 31 mars 2001]

matin. [Bill Gates]

dimanche, les enfants s’ennuient. Vienne vienne la semaine, Lundi un dimanche matin Où je m’allonge avec mon amour 13 Lemardi 14 Voici Pour admirer les couleurs de la terre Et entendre chanter au loin jeudi, car la rue est toujours pleine de lumière et de bruit ! Les alouettes dans les airs. [Alfred Edward Housman, Poems]

[Charles Trenet]

boutiques se remplissent et les rues s’animent. Le village prend 15 Les 16 Dimanche, le monde existe un peu moins. un air de dimanche. [François Bon, in Libération - 21 octobre 2000]

[Roland Dorgelès, Les croix de bois]

17 Quand on est mort, c’est tous les jours dimanche. 19 Ce n’est pas tous les jours dimanche.

[Jean Dolent]

vie est un dimanche triste et morne, mais il faut qu’on la 18 Latraverse. [Anonyme]

20 Puisque je me fiche de tout, c’est dimanche tous les jours.

[Proverbe québécois]

[Nirvana,

Lithium]

sentiment qu’inspire le dimanche c’est le même calme un mercredi démarre comme un dimanche, il y a quelque 21 Lemélancolique 22 Quand et lourd qu’inspire les mots : «Ainsi il a été et ainsi il chose qui cloche quelque part. [John Wyndham]

sera pour les siècles des siècles.»[Anonyme]

comprends que le clergé soit partisan du repos dominical : c’est le seulement Dieu n’existe pas mais en plus il est impossible de 23 Jedimanche 24 Non que ces messieurs travaillent le plus. trouver un plombier le dimanche. [Alphonse Allais]

: elle couche avec Dieu le dimanche et le trompe toute la 25 Bigote semaine. [Jules Renard]

[Woody Allen]

dimanche est ennuyeux parce qu’il est dimanche pour tout le 26 Lemonde. [Georges Perros, En vue d’un éloge de la paresse]

main qui, samedi, tient un balai est celle qui, dimanche, caresse le avait l’impression de souffrir plus que d’autres de ce mal 27 Lamieux. 28 Mathilde assez commun qu’elle appelait le mal du septième jour. [Goethe, Faust]

L’homme aux cercles bleus]

[Fred Vargas,

dimanches m’apparaissaient comme des fêtes extraordinaires, bien qu’il jour-là vois-tu, c’est mon jour de congé, c’est mon dimanche, et 29 Ce 30 Les ne se passât jamais rien d’étonnant. C’est tous les jours dimanche aujourd’hui. je tâche qu’il y en ait plusieurs dans la semaine mari à la campagne]

31

[Jean-François Bayard, Le

Mais je regrette le temps où je n’en avais qu’un par semaine. [Guy de Maupassant, Contes et nouvelles - Souvenirs]

Si les Anglais hésitent à aller voir une comédie le samedi soir, c’est qu’ils ont peur d’en rire à l’office du dimanche.[Peter Ustinov]

32

Le mercredi est le plus mauvais jour de la semaine. Il n’est plus dans la zone du dimanche et pas encore dans les prémices du samedi. [Michaël Krüger, Histoires de famille]

ne puis pas encore m’expliquer aujourd’hui, à cinquante-deux ans, bon comme lorsque l’on se trouve chez soi, en maillot de 33 Jela disposition 34 C’était au malheur que me donne le dimanche. corps, avec un dimanche d’été à la fenêtre… Henry Brulard]

LOCAL.CONTEMPORAIN I 90

[Stendhal, Vie de

tour de ville]

[Daniel Boulanger, Les jeux du


les jours de la semaine se ressemblent. Sauf le dimanche : le 35 Tous rythme est plus lent, on récure les corps et les esprits.

[Jacques Renaud,

En d’autres paysages]

dimanche soir, l’un des pires moments que l’on puisse imaginer : 36 Leencore en congé mais déjà au travail, toute la force du capitalisme à l’oeuvre. [Jean Dion, in Le Devoir - 28 octobre 1999]

n’est pas interdit de penser que si l’Angleterre n’a pas été envahie 37 Ildepuis 38 Tous les buveurs du dimanche (…) étaient attablés devant les portes. 1066, c’est que les étrangers redoutent d’avoir à y passer un [Pierre Loti, Mon frère Yves]

dimanche. [Pierre Daninos, Les carnets du Major Thompson]

dimanche efface la rouille de toute la semaine. [Joseph Addison, in 39 Le Spectator - 9 juillet 1711]

horreur du dimanche : tous ces gens qui encombrent les rues, 40 J’ai sous prétexte de se reposer.

foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera : Tel qui rit vendredi, 41 Ma dimanche pleurera.

rit vendredi, c’est toujours ça de pris. Qui pleure vendredi, 42 Qui dimanche ne saura quoi faire.

43 La religion : une affaire du dimanche.

44

[Jean Racine, Les plaideurs]

[Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir

de l’âme]

[Roger Martin du Gard, Les Thibault]

[François Cavanna, Humour secret]

Quand Michael et moi étions encore mariés, le dimanche matin était un moment de choix pour l’amour. À moitié endormis, nous n’étions pas encore sur nos gardes et pouvions nous délecter des joies de la peau, des muscles et des hormones, sans nous réciter mentalement toutes nos querelles de la veille. [Nancy Huston, Une adoration]

: le jour laissé aux américains pour se croire au paradis peintres du dimanche qui sont des milliers pour un seul douanier 46 Ces 45 Dimanche pendant que leurs voisins sont en enfer. Rousseau… [Henri Louis Mencken]

47 Je me sens extraordinairement dimanchard ! Journal]

[Paul-Vialar, Débucher]

[Edmond et Jules de Goncourt,

voyant le dimanche matin les gens jouer au tiercé on se met à 49 En penser que l’homme est la moins noble conquête du cheval.

[Pierre-Jean

Vaillard, Le hérisson vert]

48 Le dimanche, on échange les ennuis de la semaine contre l’Ennui. [Paul Morand, Journal inutile]

50 La rêverie est le dimanche de la pensée.

[Henri-Frédéric Amiel, Journal

intime]

des siècles de désoeuvrement pour pouvoir supporter l’oisiveté un travail que vous aimez et vous ajoutez cinq jours à 51 Ildufaut 52 Trouvez dimanche. chaque semaine. [Anne Hébert, La mercière assassinée]

[Henri Jackson Brown]

53 Demain est souvent le jour le plus chargé de la semaine. espagnol]

[Proverbe

: nostalgie du passé immédiat : «Merde, ça allait tout 54 Ultra-nostalgie de même mieux la semaine dernière.» [Douglas Coupland, Génération X]

: asticot jeté dans le Champ-de Mars, pour y pêcher les 55 Ballon parisiens, le dimanche.

saumon vit dans des boîtes en fer-blanc, d’où il ne sort que le 56 Ledimanche soir quand des amis arrivent à l’improviste.

masse des catholiques que nous voyons à la messe chaque ne désire, au fond, savoir de la religion que ce qui peut 57 Ladimanche les confirmer dans la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mêmes.

58 À l’ombre des feuilles les eaux lentes se recueillent dimanchement.

[Louis Auguste Commerson, Petite encyclopédie boufonne]

[Georges

Bernanos, Le chemin de la Croix-des-Âmes]

[Groucho Marx,

Mémoires d’un amant lamentable]

[Francis Jammes, De l’Angélus]

que c’est vraiment dimanche ? ... Je disais ça parce que tout va la fête, comme pour les enterrements, les commémorations, 59 Est-ce 60 Eton pour bien. sort les «habits du dimanche», ceux que l’on achète un peu trop [Jean Giono, Batailles dans la montagne]

grands et qui deviennent très vite un peu trop courts. [François Morel, Les habits du dimanche]

61

J’ai vu plus de quatre-vingts ans de douleurs, et chaque heure de joie s’est toujours brisée sur une semaine d’angoisses ! [William Shakespeare, Richard III]

meilleur preuve que les Français se lavent peu, c’est qu’ils 63 Laparaissent beaucoup plus propres le dimanche !

[Pierre Daninos, Les secrets

du major Thompson]

62 La société d’un ami m’est tout un dimanche sonneurs]

[George Sand, Les maîtres

64 Ce qu’il y a de meilleur dans le dimanche, c’est encore le samedi soir. [Gilbert Cesbron, Journal sans date]

n’est pas un jour normal, physiologique, c’est un hiatus, chrétien est un homme qui se repent le dimanche pour ce qu’il a 65 Leunedimanche 66 Un fait le samedi et qu’il refera le lundi. solution de continuité dans la trame des jours vivants. qu’il n’y ait si pauvre paysan en mon royaume qu’il n’ait 67 Jetousveux les dimanches sa poule au pot. [Henri IV]

69

[Thomas R. Ybarra]

[Georges

Duhamel, Chronique des Pasquier]

Ce que Mme Bosse jette à mes cabots : des ratas, que d’autres seraient contents de faire leur dimanche avec. [Roger Martin du Gard, Vieille France]

chat est mort 68 LeLe petit muscat du dimanche

70

Ne les fait plus chanter [Jacques Brel, Les vieux] Dimanche de pelle à gâteaux [Bobby Lapointe]

91 I LOCAL.CONTEMPORAIN


Cochez le numĂŠro des citations que vous avez choisies. Puis faites le total des lettres obtenues par colonne.

01 A

03 05 07 09 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 63 65 67 69

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02 B 04 B 06 A 08 B 10 B 12 A C 14 A C 16 18 BC 20 22 A 24 B B 26 B 28 30 32 A C 34 B 36 38 A 40 B 42 44 46 48 B 50 A 52 A 54 B 56 58 A C 60 C 62 A 64 B 66 68 B 70 C

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VOUS AVEZ PLUS DE 16 A ET PLUS DE 6 H VOTRE TENDANCE PROFONDE, LE :

VOUS AVEZ PLUS DE 16 A ET PLUS DE 10 C, POUR VOUS C’EST LE :

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DIMANCHE REL Â CHE DIMANCHE PARADIS Jour de repos par excellence, votre dimanche oscille entre la relaxation et le laisser-aller. Si vous entreprenez une activité, ce sera pour le plaisir, jamais par contrainte. Que vous soyez seul ou entouré, vous êtes au centre de la journée. Que le reste du monde s’agite en vous ignorant. Couleur : la tartine beurrée. Moyen de transport : les tongs. Pas de rasage ou de brushing aujourd’hui. Survêt élimé. Cuisine : on mange sur le pouce. L’heure-clé : celle de la petite sieste amoureuse. Si vous sortez, un sport individuel peut vous tenter, ou une visite au musée s’il n’est pas trop loin. Si vous avez aussi plus de 10 D, votre relâchement glisse vers la morosité. Attention à la déprime qui peut être contagieuse. Si vous avez plus de 10 E : vous n’êtes pas hostile à une grosse forêt noire bien crêmeuse dans l’après-midi. Si vous avez plus de 10 F : même si vous êtes seul, vous prendrez

Quoi qu’il vous arrive, tout se passera bien : c’est le jour-roi et le roi des jours, celui du plaisir de la ville, des joies du sport, des balades dans la nature, des rigolades entre amis, des fous rires des enfants, des promenades d’amoureux, du cinéma d’après-midi et de tout ce qui ne ressemble pas aux autres jours de la semaine. Couleur : le ciel bleu. Moyen de transport : tout ce qui sert à rouler, glisser, marcher sauf les pantoufles. Le petit café du marché est un des meilleurs moments de la semaine. Votre optimisme influence jusqu’à la météo : on sort, on va se balader, on va se baigner, on va au ski, on va au cinéma, seul, à deux, en groupe ou en famille, mais on sort. Le bouchon de retour en ville est une bonne occasion pour parler en famille, pour écouter la radio ou un bon CD. L’heure-clé : le samedi soir avant de s’endormir, quand on s’imagine les activités du lendemain.

bien un petit apéro ? C’est dimanche !

DIMANCHE RENCONTRES

DIMANCHE AMER

VOUS AVEZ PLUS DE 10 C ET PLUS DE 6 G, VOUS PARTICIPEZ AU :

VOUS AVEZ PLUS DE 16 B ET PLUS DE 10 D, VOUS SUBISSEZ LE :

Jamais vous ne saurez vraiment pourquoi le dimanche vous Votre dimanche-type est une farandole d’échanges, un tourbillon déteste, comment il fait pour concentrer autant de situations haïes. d’amis et de relations, familiales ou autres. Votre dimanche, c’est Dès votre enfance, c’était le caillou dans la chaussure de la les autres. Toutes catégories : vous participez à un groupe, chorale, semaine. équipe sportive, parti politique ou mouvement divers qui se réunit Malgré tous vos efforts et ceux des vôtres, ce pensum hebdomadaire continue à vous peser. parfois le dimanche. Et vous aimez ça. Couleur : avec ou sans pluie, tous les dimanches sont gris. Couleur : un panier de cerises ou les braises d’un barbecue. Moyen de transport : parfois un livre pour vous évader. Moyen de transport : le téléphone pour organiser les rendez-vous Cuisine : même les bons plats ont le goût de mauvais souvenirs. de la journée. Et en plus, il faut faire bonne figure à l’entourage. Les moments-clés : tous les repas. L’heure critique : 14 h, quand le marché est balayé et la ville au Si vous avez plus de 10 E : vous aimez les cérémonies, religieuses point mort. Vivement que le lundi ramène son lot d’obligations. D’ailleurs plus ou civiles et les rassemblements humains de toutes tailles. la soirée s’avance, mieux vous vous sentez. La famille est une grande référence dans votre vie. Si vous avez plus de 10 E : vous en rajoutez une couche en Si vous avez plus de 10 F : les brocantes et les foules sportives, regardant une émission qui ne vous plaît pas à la télé. hiver comme été, ne vous font pas peur. Vous aimez faire la Si vous avez plus de 10 F : vous faites un devoir de maths, vous connaissance de nouveaux amis. corrigez des copies ou remplissez votre déclaration d’impôts.

RESULTATS !

MON DIMANCHE IDÉAL


À TABLE !

DEUXIÈME ÉPISODE ! MARYVONNE ARNAUD


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LOCAL.CONTEMPORAIN I 96


LES DIMANCHES DU BEL ETE (18)99 !

DIEU, QUE CES ÉTÉS GRENOBLOIS SONT LOURDS... ELLE EN LANGUIRAIT PRESQUE LE RETOUR DE L’HIVER, L’ISÈRE PRISE DANS LA GLACE, LES ENFANTS QUI PATINENT, À L’ILE VERTE OU AU POLYGONE... YVES MORIN

Merci à l’élégante anonyme de ce cliché qui m’a inspiré cette rêverie historique.

Eté 1909. Etourdie par la lourdeur de l’été, elle observe avec tendresse sa famille à présent constituée. La halte au “Jardin des Dauphins”, ce “jardin alpestre” rêvé par le Syndicat d’initiative, remplace en cette année 1909, pour elle comme pour beaucoup de grenobloises, la traditionnelle ascension dominicale par la montée de Chalemont. Cela fait maintenant dix ans qu’elle est mariée. En 1899, c’est en amoureux qu’ils gravissaient rituellement, elle l’ombrelle à la main, les marches qui menaient à Sainte-Marie-d’enHaut, ce premier panorama au ras des toits. Ils s’étaient rencontrés lors d’un voyage en Arles, en juin de la même année, au milieu d’un groupe d’amis, photographes et membres de l’Académie Delphinale. Ils s’étaient revus à Paris, lors d’une visite organisée du chantier de l’Exposition Universelle, dans une capitale éventrée par les travaux du Métropolitain mais promise à un XXème siècle radieux. Elle se souvient surtout de ces fréquents déjeuners dominicaux, au printemps et au début de l’été, chez le Père Gras qui avait ouvert son “Café de la Bastille” en 1896. En 1899, le nouveau Président de la République, Emile Loubet, succédait à Félix Faure dont elle avait assisté à l’entrée dans Grenoble deux ans plus tôt... Elle n’avait alors que 18 ans et s’était sentie bien perdue, jeune fille modèle, dans ce grand banquet républicain donné en l’honneur de cet invité bien trop strict pour elle. La “fin de siècle” hantait alors ses amies de lycée et les relations de ses parents, à Grenoble comme à Paris. Les plus fortunés s’étourdissaient dans les spectacles et les Folies, les soirées à l’Olympia ou au Moulin Rouge et tentaient d’oublier les menaces de guerre qui planaient toujours. Entre la tenue de la Conférence de La Haye, temporisante, le coup d’éclat de la Ligue des Patriotes, emmenée par Paul Déroulède, l’apogée et le dénouement attendu de l’affaire Dreyfus, elle avait appris, dès cette année 1899, à scruter les variations d’expressions sur le visage de son époux, inquiet d’une possible reprise des hostilités en Europe... Il avait alors l’âge de partir ! L’été 1899 avait exacerbé cette alternance entre légèreté et lourdeur, promesses et menaces. En ce dimanche du bel été 1909, elle est rassurée : ces dix ans écoulés ne lui ont procuré que bonheur et sérénité... Leurs dimanches s’égrènent entre le restaurant Monnet, place Grenette, l’hôtel Beau-Séjour, cours Saint-André - il faut bien que leurs deux enfants se dégourdissent les jambes - les promenades le long de l’Isère et les haltes, en fin d’aprèsmidi, au kiosque du Jardin de Ville, pour le concert militaire

dominical... Elle ne sait plus qui entretient maintenant ce rite, des enfants ou de son époux, et elle accompagne ce mouvement de sa bienveillance. Mais ils partagent avec plus d’engouement d’autres rendez-vous de ce Grenoble, ludique et discipliné à la fois : les compétitions d’avironneurs qui remontent le cours de l’Isère et les défilés de la cavalerie, si bien ordonnancée, sur l’esplanade de la porte de France. Leurs enfants monteront, plus tard, son mari a remporté nombre de médailles dans son club d’aviron... Depuis la naissance des petits, ils ont abandonné les voyages organisés et ils recherchent avant tout le bon air, sur la colline de la Bastille, en canotant fréquemment sur l’étang de l’hôtel Lesdiguières et, parfois, en rejoignant Uriage par le tramway... Les enfants en raffolent ! Ils savent tous deux que les parisiens se précipitent à cette heure dans les nouvelles salles Pathé et Gaumont ou au premier LunaPark, récemment implanté dans la capitale... Son mari, jeune entrepreneur, lui avait offert un second voyage de noces à Paris, dès avril 1900, pour assister à l’inauguration de l’Exposition Universelle, et c’était la dernière fois qu’elle avait communié avec cette capitale moderne, survoltée et cosmopolite. Il l’avait emmené visiter le bien curieux “Vieux Paris”, conçu par l’architecte Albert Robida sur les quais de Seine, cette fiction médiévale l’avait tant enchantée. Mais sa fierté d’aujourd’hui, c’est de traverser les “beaux quartiers” dont il a réalisé, quatre ans plus tôt, avec ses confrères, la bien élégante Ecole des Arts Industriels - Fondation Berthede-Boissieux. Dieu, que ces étés grenoblois sont lourds... Elle en languirait presque le retour de l’hiver, l’Isère prise dans la glace, les enfants qui patinent, à l’Ile Verte ou au Polygone... C’était une folie d’avoir accepté de reprendre un verre d’apéritif, ce midi, chez le père Gras... Le soleil est si fort... Le bourdonnement d’un avion monoplace qui se dirige vers le Polygone la tire de sa torpeur et lui rappelle, un instant fugace, l’exploit de l’été, cet aviateur, Louis Blériot lui semble t-il, qui a traversé la Manche sur ce type de machine... Non, décidément, rien de mauvais ne peut naître de ce siècle élégant et inventif... Elle savoure ses 30 ans comme jamais elle ne l’aurait espéré... Un léger voile dans le regard de son époux déclenche pourtant chez elle un frisson inattendu.

Photographies : Bibliothèque d’Etudes et d’Information de la Ville de Grenoble, Collection de la Société Dauphinoise des Amateurs Photographes, Fonds Duchemin.

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UNE JOURNÉE BIEN REMPLIE NICOLAS TIXIER

A la lecture des vingt-huit pages du Dauphiné Libéré du dimanche 20 février 2005 puis des vingt-huits pages du Dauphiné Libéré du dimanche 26 juin 2005

HIVER / BROCANTE ET ANTIQUITÉS, L’ORIEL DE VARCES LES HALLES STE CLAIRE, MARCHÉ COUVERT DE GRENOBLE LEVER DU SOLEIL EUROPUCIER-BROCANTE À SASSENAGE RANDONNÉE EN RAQUETTES, DÉPART : MAIRIE DE CHAPAREILLAN 1ER ESSAIS INTER. EPREUVE DE MOTOCROSS À VALENCE BALADE À PIEDS DÉCOUVERTES DES CONTREFORTS DE BELLEDONE VOYAGE DANS LE MONDE DES COLLECTIONS PHILATELIQUES - TULLINS OUVERTURE DE LA PHARMACIE DE GARDE DES GLAÏEULS - GRENOBLE OUVERTURE DE LA PISCINE DU CLOS D’OR - GRENOBLE CONTEST FREESTYLE, FINALE NOCTURNE, SOIRÉE REGGAE, CHAMROUSSE OUVERTURE DE LA PATINOIRE PÔLE-SUD -

05H54 07H00 07H00 07H38 08H00 08H00

08H30 09H00 09H00 09H00 09H00 09H30 09H30 10H00 10H00 FESTIVAL DES MARIONNETTES,163 COURS BERRIAT - GRENOBLE - 10H30 FILM : «AVIATOR», DE MARTIN SCORSESE, PATHÉ ECHIROLLES - 10H40 11H00 11H15 1ÈRE MANCHE SENIOR EPREUVE DE MOTOCROSS À VALENCE 11H25 FILM : «MAR ADENTRO», D’ALEJANDRO AMENABAR, EN VOST (ESPAGNOL), LE CLUB 13H50 14H00 14H00 14H30 15H00 16H00 16H00 CIRCULATION - DÉBUT DE LA PÉRIODE CLASSÉE ORANGE DANS LE SENS DES RETOURS FINALE INTER. EPREUVE DE MOTOCROSS À VALENCE - 17H00 FILM : «ROIS ET REINE», D’ARNAUD DESPLECHIN, MON CINÉ - 17H45 - 18H00 - 18H00 COUCHER DU SOLEIL - 18H09 DESCENTE AU FLAMBEAUX, MULTIGLISSES ET FEU D’ARTIFICE À MÉAUDRE - 18H30 DÉMONSTRATION DE VOITURES THERMIQUES SUR CIRCUIT GLACE À CORRENÇON EN VERCORS - 18H30 FILM : «LES CONSEQUENCES DE L’AMOUR», DE PAOLO SORRENTINO, LE MÉLIES - 19H00 POT D’ACCUEIL «GREEN CHAUD» OFFERT PAR L’OFFICE DU TOURISME À VILLARD DE LANS - 20H00 CONFÉRENCE SUR L’ORTOLOGIQUE, SALLE POLYVALENTE MOYRAND - 20H30 RENCONTRE DÉBAT, «TROIS MODÈLES DE GOUVERNANCE MONDIALE», LE TONNEAU - 20H30 - 20H44 THÉ DANSANT AVEC L’ORCHESTRE SERGE JOURDAN, CASINO DE CHALLES LES EAUX - 21H30 - 21H50 FILM : «CONSTANTINE», DE FRANCIS LAWRENCE, LES 6 REX - 22H15 - 23H15 SOS AMITIÉS - TÉL. : 04 76 87 22 22 - 24H/24H «DECOUVERTE DE L’OURS, ATELIER AU MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE, GRENOBLE OUVERTURE DU BOWLING, ECHIROLLES LE CIRQUE KINO’S, L’ESPLANADE PORTE DE FRANCE FÊTE DES LABOUREURS, DÉFILÉ DES CHARS, FANFARES ET BAL, HAMEAU DES FAUCONNIÈRES TOURNOI POUR LES JUDOKAS MINIMES, FINALE, HALLE CLÉMANCEAU - GRENOBLE -

LOCAL.CONTEMPORAIN I 98

ÉTÉ - LEVER DU SOLEIL - SAINT JEAN DE MOIRANS - FÊTE DU PAIN ET DE LA CERISE (JOURNÉE) - GRENOBLE - OUVERTURE DE LA PHARMACIE DE GARDE - ALBERT 1ER DE BELGIQUE - MÉAUDRE - 11ÈME CONCENTRATION DE COCCINELLES ET AUTRES COMBI WOLKSWAGEN - CORENC - VIDE GRENIER À MONTFLEURY - 5ÈME ÉDITION DE LA RANDONNÉE PÉDESTRE SEYSSINS - SAINT-NIZIER - MÉAUDRE - COURSE DE CAISSES À SAVON - TROPHÉ DU VERCORS - SEYSSINS - LE MÉCHANT PETIT CHAPERON ROUGE - RENCONTRES THÉÂTRALES - MÉAUDRE - OUVERTURE DE LA PISCINE - FILM : «LES POUPÉES RUSSES», DE CÉDRIC KLAPISCH, LE CLUB - BOULISME - GRAND PRIX DE LA VILLE DE VOIRON - DEMIES FINALES PUIS FINALES - FONTAINE - DÉBAT : CONSTRUIRE ENSEMBLE L’ALTERNATIVE À GAUCHE - FILM : «TRAVAUX. ON SAIT QUAND ÇA COMMENCE...», DE BRIGITTE ROÜAN, LA NEF - TPS STAR - FOOTBALL : ARGENTINE - MEXIQUE - COUPE DES CONFÉDÉRATIONS - ECHIROLLES - «VENTS D’AUTANT ET D’AILLEURS» - SPECTACLE DE DANSE - ARTÉ - THÉMA : «LA MAGIE DU TOUR DE FRANCE» - COUCHER DU SOLEIL - FILM : «STAR WARS EPISODE 3, DE GEORGES LUCAS, LES 6 REX - TF1 - «DESPÉRADO» - FILM DE R. RODRIGUEZ, 1995 - SOS AMITIÉS - TÉL. : 04 76 87 22 22


L’ESPACE D’UN DIMANCHE

QUE FAITES-VOUS LORSQUE VOUS ÊTES CHEZ VOUS LE DIMANCHE ? MIREILLE SICARD & ANNE FAURE

Le dimanche vivez-vous dans la cuisine, les chambres, le salon, le couloir… ? Pourquoi vous sentez-vous mieux dans certaines pièces ? Que faites-vous lorsque vous êtes chez vous le dimanche ? Quels sont les pièces que vous pratiquez le plus souvent le dimanche ? Et celles que vous occupez très peu ? Les espaces du dimanche sont-ils les mêmes l’été et l’hiver ?Avez-vous inventé des espaces du dimanche ?

DESSINEZ LE PLAN DE CHEZ VOUS SANS OUBLIER AUCUNE PIÈCE MÊME LES PLUS PETITES ! POUR CHAQUE PIÈCE CHOISISSEZ UNE COULEUR QUI EXPRIME SON AMBIANCE ET AVEC PLUS OU MOINS D’INTENSITÉ SELON LE TEMPS DE PRÉSENCE VOUS UTILISEREZ PAR EXEMPLE DU BLEU FONCÉ POUR UNE CHAMBRE OCCUPÉE ET DU BLEU PÂLE POUR UNE CHAMBRE VIDE

A PARTIR DE CE DESSIN ET DE VOS IDÉES, IMAGINEZ UN NOUVEL ESPACE POUR LE DIMANCHE QUELLES SONT LES PIÈCES À GARDER, À SUPPRIMER, À TRANSFORMER ? AGRANDISSEZ OU RÉDUISEZ LES ESPACES SELON VOS ACTIVITÉS DU DIMANCHE. REDESSINEZ UN PLAN AVEC CETTE NOUVELLE RÉPARTITION CORRESPOND-IL AUX ESPACES QUE VOUS AIMEZ LA SEMAINE ?

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LA VILLE SONNE LE DIMANCHE !

CINQ CHRONIQUES SONORES RECOMPOSÉES DES DIMANCHES 2005 COMPOSITION XAVIER GARCIA (DURÉE TOTALE 33'25) PRISES DE SONS JEAN-PIERRE SARZIER

Existe-t-il un son de ville, un local qui ne serait pas commun à toutes les villes ? Et un son le septième jour différent des autres jours de la semaine ?

Quelque part entre le relevé méticuleux de l’activité acoustique d’une ville le dimanche et la composition abstraite d’atmosphères et d’images acoustiques. On oscille entre le réel et le surnaturel, le réaliste et le surréaliste sans jamais vraiment s’installer dans l’un ni dans l’autre. Une “phonographie” de ville.

01 Jardin de Ville (5’10) Début d’après-midi au “jardin de Ville”, kermesse au bénéfice de la Croix-Rouge, numéros gagnants ou perdants, jeux traditionnels en bois, jeu de massacre fait de boîtes de conserves, patins, hockey sur rollers…et un personnage qui s’invite au micro… voilà les éléments à peine bousculés, légèrement déplacés et re-sculptés pour ce petit opéra de jardin.

02 La partie de Boules (4’04) Un terrain de boules près de la rue du général Mangin. Sons des boules, commentaires des joueurs… les images acoustiques se troublent, se figent, basculent dans un hors champ surnaturel qui s’évanouit aussitôt pour revenir capter l’instant suivant et recadrer à nouveau la scène. Légers étourdissements, absences passagères…, puis les deux mondes coexistent presque tranquillement.

03 Manèges (8’47) Saute-mouton entre l’univers d’un parc (toboggan, tourniquet…) et celui de la vogue (machines à sous, ramdam des manèges, et pauvres effets sonores, …). Pour l’anecdote, “Allez, pas de beignets, Mimie la grosse souris (Minie ?), allez encore une, envoyez la patronne, enc…encore, encore…”(sic) est livrée sans montage….

04 La Messe (7’32) Du marché de la place St Bruno on entre à l’église. Transe douce de la répétition, surplace hypnotique de l’orgue…

05 Marchés (7’45) C’est croustillant ce qui se dit, se chante, se hurle sur les marchés…! Une compilation donc, de différents lieux de marché (marché de l’Estacade, brocanteurs à Sassenage, déstockeurs de la place Saint Bruno…). Pendant ce temps, à l’intérieur, un jeune chanteur répète au calme avec d’improbables choristes. Comme le dit la chanson, “what a wonderful wolrd” !

Ecoutez et téléchargez gratuitement les cinq compositions sur notre site : www.local-contemporain.net/audio

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LOCAL.CONTEMPORAIN 1 RUE JEAN FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE CONTACT@LOCAL-CONTEMPORAIN.NET WWW.LOCAL-CONTEMPORAIN.NET LOCAL.CONTEMPORAIN EST UNE INITIATIVE DE LABORATOIRE SCULPTURE-URBAINE, 1 RUE JEAN-FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE / WWW.LELABORATOIRE.NET AVEC LE CONCOURS DE LA CONSERVATION DU PATRIMOINE DE L’ISERE, MUSEE DAUPHINOIS, 30 RUE MAURICE GIGNOUX 38031 GRENOBLE / WWW.PATRIMOINE-EN-ISERE.COM ONT PARTICIPE A CE NUMERO JEAN- YVES BOULIN, YVES CHALAS, JEAN-PIERRE CHAMBON, VINCENT COSTARELLA, ANNE FAURE, XAVIER GARCIA, BENEDICTE MOTTE, GHANIA MOUFFOK, ROBERTO NEUMILLER, PIERRE SANSOT, EUGENE SAVITZKAYA, MIREILLE SICARD, BERNARD STIEGLER, IVAN VLADISLAVIC, PETER WENDLING. DIRECTEUR ARTISTIQUE, DIRECTEUR DE PUBLICATION PHILIPPE MOUILLON RELECTURES, TRADUCTIONS, CORRECTIONS MAUD FELIX-FAURE, PASCALINE GARNIER. ICONOGRAPHIE MARYVONNE ARNAUD, VINCENT COSTARELLA, ROBERTO NEUMILLER, PETER WENDLING, JEAN-PIERRE CHAMBON. COMPOSITION MUSICALE XAVIER GARCIA PRISE DE SONS JEAN PIERRE SARZIER CONTACTS PEDAGOGIQUES ARCHITECTURE ET REGARDS 04 76 01 10 40 CONSEILS PEDAGOGIQUES EVE FEUGIER, BERNARD VENDRA LIGNE GRAPHIQUE RICHARD BOKHOBZA LOCAL.CONTEMPORAIN GRAPHIQUE JEAN-NOEL 1 RUEIMPULSION JEAN FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLEDURU GRAVURE & IMPRESSION IMPRIMERIE DES DEUX-PONTS, EYBENS CONTACT@LOCAL-CONTEMPORAIN.NET WWW.LOCAL-CONTEMPORAIN.NET

UNE EDITION LE BEC EN L’AIR (EDITEUR 2-916073 / 4 PLACE DES ORMEAUX 04100 MANOSQUE)

LOCAL.CONTEMPORAIN EST UNE INITIATIVE DE LABORATOIRE SCULPTURE-URBAINE (1 RUE JEAN-FRANÇOIS HACHE 38000 GRENOBLE / CONTACT@LELABORATOIRE.NET) 2-916073-06-X / DEPOT LEGAL 2005 AVECISBN LE CONCOURS DE LA CONSERVATION DU OCTOBRE PATRIMOINE DE L’ISÈRE, (MUSÉE DAUPHINOIS, 30 RUE MAURICE GIGNOUX 38031 GRENOBLE / CONTACT@PATRIMOINE-EN-ISERE.COM) LE COMITÉ DE RÉDACTION DE LA REVUE EST CONSTITUÉ DE MARYVONNE ARNAUD, BÉNÉDICTE MOTTE, NICOLAS TIXIER, HENRY TORGUE ET PHILIPPE MOUILLON. © LOCAL.CONTEMPORAIN POUR LE TITRE ET LE CONCEPT

ONT© PARTICIPÉ CE NUMÉRO FELLA JEAN-PIERRE ASSARI, YVESCHAMBON, CHALAS, BENEDICTE PATRICK CHAMOISEAU, CLAPIÈS, DEEUGENE FAREINS, ANNE FAURE, GENEVIÈRE FIORASO, JEAN GUIBAL, MALLET, JEAN- YVESÀBOULIN, YVES CHALAS, MOTTE, GHANIAFABRICE MOUFFOK, PIERRE YANN SANSOT, SAVITZKAYA, BERNARD STIEGLER, IVAN VLADISLAVIC POURBERNARD LEURS TEXTES MARYVONNE ARNAUD, VINCENTPIERRE COSTARELLA, ROBERTO NEUMILLER, PETER WENDLING, JEAN-PIERRE CHAMBON POUR LEURS PHOTOGRAPHIES YVES©MORIN, GRAZIELLA MONTEIL, SANSOT, MIREILLE SICARD. © XAVIER GARCIA POUR SA COMPOSITION MUSICALE.

ICONOGRAPHIE MARYVONNE ARNAUD, SAUF PAGES-72 À-79-: YANN DE FAREINS CETTE REVUE ESTOCTOBRE EDITEE (RICHARD AVEC LE SOUTIEN DU/ MINISTERE LA CULTUREIMPRIMERIE (DAPA) DES DEUX-PONTS, EYBENS GRAPHISME ATELIER BOKHOBZA) GRAVURE & DE IMPRESSION

DU CONSEIL GENERAL DE L’ISERE, DE GRENOBLE-ALPES-METROPOLE, DE LA REGION RHONE-ALPES,

UNEDES ÉDITION LE BEC EN L’AIR (ÉDITEUR 2-9521472-4-8 /D’HERES. 4 PLACE DES ORMEAUX 04100 MANOSQUE) VILLES DE GRENOBLE ET DE SAINT-MARTIN ISBN 2-9521472-4-8 / DÉPÔT LÉGAL OCTOBRE-2004 / DIRECTEUR DE PUBLICATION PHILIPPE MOUILLON

© LOCAL.CONTEMPORAIN POUREXPOSE LE TITREAETL’AUTOMNE LE CONCEPT2005 LA COLLECTE ALEATOIRE DE PHOTOGRAPHIES DES DIMANCHES LE MUSEE DE GRENOBLE, © YVES CHALAS, PATRICK CHAMOISEAU, MORIN, PIERRE SANSOT, PHILIPPE MOUILLON, BÉNÉDICTE MOTTE POUR LEURS TEXTES / MARYVONNE ARNAUD, YANN DE FAREINS 1 PLACE LAVALETTE 38000 GRENOBLEYVES / WWW.MUSEEDEGRENOBLE.FR POUR LEURS PHOTOGRAPHIES / FABRICE CLAPIÈS POUR SON IMAGE / NICOLAS TIXIER POUR SES FLIPBOOKS / HENRY TORGUE POUR SA COMPOSITION MUSICALE. CETTE REVUE EST ÉDITÉE AVEC LE SOUTIEN DU CONSEIL GÉNÉRAL DE L’ISÈRE ET DE LA MÉTRO ET LA PARTICIPATION DES VILLES DE GRENOBLE, SAINT-MARTIN D’HÈRES ET ÉCHIROLLES.

LA VILLE SONNE LE DIMANCHE !

CINQ CHRONIQUES SONORES RECOMPOSÉES DES DIMANCHES 2005 COMPOSITION XAVIER GARCIA (DURÉE TOTALE 33'25) PRISES DE SONS JEAN-PIERRE SARZIER

Ecoutez et téléchargez gratuitement les cinq compositions sur notre site :

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Fabrice Clapiès

C’est pourquoi de nombreux artistes et chercheurs associés à cette initiative proviennent de territoires autres, ou font appel à une multiplicité d’outils pour réfléchir.

Yann de Fareins

local.contemporain cherche ainsi à aiguiser l’attention et, si possible, à nous aider à gagner un brin de légèreté Philippe Mouillon pour aborder joyeusement les défis de l’époque.

Pierre Sansot Nicolas Tixier Henry Torgue

PRIX 8€ CETTE REVUE EST EDITEE AVEC LE SOUTIEN DU MINISTERE DE LA CULTURE (DAPA) DU CONSEIL GENERAL DE L’ISERE, DE GRENOBLE-ALPES-METROPOLE, DE LA REGION RHONE-ALPES, DES VILLES DE GRENOBLE ET DE SAINT-MARTIN D’HERES..

LOCAL.CONTEMPORAIN NUMÉRO 2

Ce numéro, consacré aux usages contemporains des temps libres, aborde les tensions entre loisirs et marchandises, usages et pratiques du Yves dimanche, foule et communauté. Il interroge l’incertitude actuelle des temps publics, Morin la domination sociale du temps réel, l’industrialisation du septième jour, la désynchronisation des individus, l’uniformisation des modes deMotte vie,…. Bénédicte

CE N’EST PAS UNE ACTIVITÉ ORDINAIRE QUE DE S’INTÉRESSER À L’ORDINAIRE

Yves Chalasdu regard, attentive aux formes et aux pratiques émergentes, confronte Cette entreprise de renouvellement des approches sensibles, statistiques, intuitives, rationnelles sur un territoire très localisé, ici l’agglomération Chamoiseau grenobloise, Patrick en pleine conscience de l’échelle mondiale de certaines mutations, mais aussi de l’extrême complexité des temporalités à l’oeuvre.

LOCAL.CONTEMPORAIN

2005

local.contemporain est un foyer de recherches originales et d’initiatives artistiques autour des territoires urbains Maryvonne Arnaud contemporains

C'EST DIMANCHE !


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