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59e année prix 2 euros | 2015 février-mars
BELGIE-BELGIQUE P.B. 1/9352 BUREAU DE DÉPÔT BRUXELES 7 P006555 FEV-MARS 2015
sommaire
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e prix 2 euros | 59e anné février-mars 2015
3 Édito par La Gauche De la mobilisation à la concertation, la montagne 4 accouchera-t-elle d’une souris? par Daniel Tanuro Michel Ier et la chasse aux chômeuses par Femke Urbain 8 Fin de droit aux allocations: chronique d’un séisme social annoncé 1 0 par Denis Horman La LCR a rencontré le PTB: une page se tourne, d’autres s’ouvriront 1 4 par LCR-SAP
Ont contribué à ce numéro: Sébastien Brulez, Matilde Dugaucquier, Mauro Gasparini, Denis Horman, Freddy Mathieu, Little Shiva, Daniel Tanuro, Kim Tondeur, Femke Urbain, Guy Van Sinoy
Hiver sécuritaire et climat délétère: ne pas se laisser avoir! 1 5 par Matilde Dugaucquier
La Gauche est le journal bimestriel de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), section belge de la Quatrième Internationale.
Attentats de Paris, guerre, impérialisme et (néo-)colonialisme 1 6 par Matilde Dugaucquier
Les articles signés n’engagent pas forcément la rédaction.
2 0 Djihadisme: genèse d'un monstre idéal par Kim Tondeur 2 2 Bataille de Kobane: victoire héroïque, victoire politique par Emre Öngün 2 3 Pegida: Un mouvement ultra-réactionnaire, islamophobe et raciste par Manuel Kellner 2 6 Victoire de SYRIZA: le début de la fin de l'hégémonie néolibérale en Europe? par Mauro Gasparini 2 8 1914-1918: La guerre s’enlise, l’opposition se développe par Guy Van Sinoy 3 0 A propos d’opium du peuple par Daniel Tanuro agenda / lecture 3 1
Tarifs et abonnements: 2 euros par numéro; 10 euros par an étranger: 20 euros par an Abonnement de soutien: 15 euros A verser sur le compte ABO LESOIL 20, rue Plantin, 1070 Bruxelles IBAN: BE93 0016 8374 2467 BBAN: 001-6837424-67 BIC: GEBABEBB mention “La Gauche” La Gauche est éditée par la Formation Léon Lesoil
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covers: Little Shiva
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✒ par La Gauche "ls pourront couper toutes les fleurs, mais ils ne pourront pas arrêter le printemps". Cette phrase du poète chilien Pablo Neruda, utilisée comme slogan des Rencontres anticapitalistes de Printemps (organisées par la Formation Léon Lesoil du 13 au 15 mars), est plus que jamais d'actualité. Le début de cette année 2015 a d'ores et déjà marqué un tournant. S'il fallait s'attendre à la continuité et à l'intensification des politiques d'austérité, initiées en Belgique par le précédant gouvernement social-libéral et approfondies par la majorité de droite actuelle, des événements majeurs sont cependant venus modifier la donne. Il s'agit des attentats de Paris et, chez nous, du démantèlement d'une cellule de présumés futurs terroristes à Verviers. Ces événements ont remis à l'ordre du jour les délires sécuritaires les plus fous, avec cette fois une tendance de plus en plus grande dans la population à accepter de perdre des libertés dans l'espoir de "garantir sa sécurité". Si les tueries comme celles de Paris sont bien entendu condamnables et impardonnables, l'analyse qui en est faite et les conclusions qui en sont tirées passent à côté de la question fondamentale: qu'est-ce qui fait que nos sociétés soient capables de produire de tels monstres? Passer à côté de cette analyse, c'est aller tout droit vers des réponses sécuritaires, racistes et discriminantes [lire notre dossier en pages 15 à 21]. C'est aussi faire l'impasse sur les responsabilités du système capitaliste qui régit notre société et génère l'exclusion et le chacun pour soi généralisé.
édito
Enrayer la machine! dans le reste de l'Europe [lire en page 26]. Dans l’État espagnol aussi, le phénomène Podemos donne des raisons d'espérer. Dans ces deux pays du sud de l'Europe, les sociaux-libéraux commencent à.; payer cher leur ralliement aux politiques. néolibérales. En Grèce, le Pasok a obtenu. moins de 5% des voix. En Espagne, le bipartisme PP-PSOE est probablement en train de vivre ses dernières heures. Comme quoi on ne peut pas impunément et indéfiniment se dire "de gauche" et mener des politiques de droite. A gauche, Syriza et Podemos nous disent deux choses fondamentales: 1) Seule l'unité de la gauche, dans toute la diversité de ses composantes y compris marxistes-révolutionnaires, nous permettra d'atteindre une taille critique et de jouer le rôle de force centripète auprès d'une part importante de la population exploitée, exclue et discriminée. 2) Contester, s'indigner, se révolter ne suffit pas. Il faut proposer des alternatives. Il faut mener la bataille sur le terrain idéologique, culturel, la bataille du langage – ils nous ont même volé les mots, à nous de nous les réapproprier! Nous devons pouvoir montrer qu'autre chose est à nouveau possible, même si la solution miracle n'existe pas et que les réponses seront forcément diverses. Mais il est fondamental de commencer à discuter et à débattre de l'après, du modèle de société, de la démocratie, bref, du monde que nous voulons.
image: Little Shiva — littleshiva.com
Un grain de sable? Non, une graine!
Dans cette période si morose pour celles et ceux qui rêvent à des jours meilleurs, persistent malgré tout des raisons d'espérer. La victoire de Syriza en Grèce démontre qu'une autre politique est possible et que les carcans de l'austérité, présentés comme inébranlables, peuvent être fissurés. Si ce n'est pas la révolution, cela représente quand même un bol d'air frais pour toute la gauche européenne. Mais pour que Syriza ose mener une politique de gauche conséquente, il faudra une large mobilisation tant en Grèce que
Ce n'est pas un grain de sable que nous devons mettre dans l'engrenage, c'est une graine. Une fois la machine bloquée par celle-ci, elle s'ouvrira et donnera naissance à tous ces autres mondes possibles. Notre tâche pour les années à venir? Réinventer l'espoir! ■ la gauche #71 février-mars 2015
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mouvement social
De la mobilisation à la concertation, la montagne accouchera-t-elle d’une souris? ✒ par Daniel Tanuro Qu’elle semble donc loin, la grève du 15 décembre! Les piquets volants, les barrages filtrants, les zonings bloqués ne sont plus qu’un lointain souvenir. Grâce à son plan d’action, le front commun syndical avait construit un rapport de forces. Au lieu de l'étendre et de le consolider, les directions nationales ont choisi de le monnayer à la table de négociation avec les patrons. En espérant que cette concertation débouchera sur des accords, et que ceux-ci seront avalisés par le gouvernement. Cette stratégie est en train de montrer ses effets: la concertation démobilise, divise et permet à l’adversaire de reprendre l’initiative. La montagne de la mobilisation risque d’accoucher d’une souris. On le sentait venir. Début novembre, le président de la CSC, Marc Leemans, déclarait: "S’il y a un tax shift nous pourrons parler des mesures gouvernementales et prendre nos responsabilités". Le 6 décembre, le secrétaire général de la FGTB, Marc Goblet confiait à Sudpresse: "Nous ne demandons pas le retrait des mesures, mais au moins leur suspension. Tout ce que nous voulons, c’est une vraie concertation". Le 14 décembre, à Controverse, son homologue à la CSC, Marie-Hélène Ska, confirmait, à propos du saut d’index: "Nous n’avons jamais demandé ça" (que le gouvernement y renonce, comme précondition à des négociations). On pourrait multiplier les citations de ce genre…
Projet commun…
Il est vrai que le secrétaire national de la FGTB a parfois montré les dents. Il est même allé jusqu’à évoquer un combat "au finish" à partir du 16 décembre. Mais Marc Goblet n’a jamais exigé le retrait pur et simple des mesures d’austérité – même pas celles qu’il qualifiait d’inacceptables. Ses déclarations sur un possible "dérapage comme en 60" n’étaient que des menaces pour convaincre les patrons de cesser de
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se cacher derrière le gouvernement, afin d’ouvrir une concertation. Pas de faux débat: dans tout combat syndical vient un moment où il faut négocier. Mais négocier et se concerter sont deux choses différentes. Des parties peuvent négocier un compromis tout en gardant des visions opposées, tandis que "se concerter", selon le Larousse, signifie "se consulter, s’accorder pour mettre au point un projet commun". La concertation implique que les interlocuteurs se considèrent comme des partenaires ayant des intérêts communs, au moins jusqu’à un certain point. C’est bien dans ce sens-là que le terme "concertation" a été utilisé ces derniers mois. Cela ressortait très clairement des propos de Marie-Hélène Ska lorsque, interviewée par L’Echo (avec Marc Goblet, le 17 décembre), elle a demandé que "tout le monde" ait "une attitude ouverte, et pas une attitude dogmatique", afin de "permettre de discuter d’un certain nombre de points qui sont, pour la plupart, dans l’intérêt des travailleurs ET dans l’intérêt des entreprises" [souligné dans l’original].
… ou projet alternatif?
La plateforme sur base de laquelle les sommets syndicaux ont organisé le plan d’action qui a mobilisé des dizaines de milliers de militant.e.s durant l’automne se prêtait-elle à cet exercice consensuel? Pour rappel, ce texte comportait quatre points: 1°) le maintien et le renforcement du pouvoir d’achat par la liberté de négocier et la suppression du saut d’index, 2°) une sécurité sociale fédérale forte, 3°) un investissement dans la relance et des emplois durables en ce compris des services publics de qualité et 4°) une justice fiscale. On peut dire de cette plateforme qu’elle était assez imprécise: c’est quoi, "une sécurité sociale forte"? C’est quoi, "une justice fiscale"? Elle était surtout fort incomplète: il y manquait en particulier le refus explicite de la pension à 67 ans
et l’abolition des mesures d’exclusion contre les chômeur.euse.s, prises par le gouvernement précédent. Néanmoins, considérée comme un tout, la position du front commun semblait exprimer une volonté de donner enfin un coup d’arrêt à l’austérité pour ouvrir la voie à "tout autre chose", à une autre politique. Cet espoir était renforcé par le fait que, pour la première fois depuis les grèves des vendredis contre le gouvernement Tindemans, un vrai plan d’action était mis sur pied, en front commun et au niveau national. Cela répondait à une demande des militant.e.s, dont beaucoup ne voulaient plus entendre parler des promenades Nord-Midi et autres actions sans lendemains. Du coup, on s’en est aperçu dans la manifestation du 6 novembre, dans les piquets, dans les assemblées: quelque chose s’est mis à bouger. Quelque chose qui aurait pu, en se développant, commencer à ressembler à une alternative anti-austérité.
Les non-dits de la concertation
Seulement voilà: il va de soi qu’une alternative anti-austérité ne saurait constituer un "projet commun" répondant à la fois aux besoins du monde du travail ET aux intérêts des patrons… Il fallait donc choisir. Pour passer de la lutte de masse sur la plateforme du front commun à la concertation en petit comité avec les employeurs, il fallait réduire la voilure et remplir quatre conditions: • 1ère condition: considérer les quatre points de la plateforme comme des thèmes généraux de débat entre interlocuteurs plutôt que comme des revendications précises adressées à des adversaires; • 2e condition (qui découle de la première): faire son deuil des points sur lesquels il est de toute évidence illusoire d’espérer un "projet commun"; • 3e condition: accepter le saucissonnage des problèmes (les "dossiers", dans la
mouvement social La Montagne qui accouche, de Jean de la Fontaine — illustration de Granville (modifiée par Little Shiva)
langue de la concertation); • 4e condition: reconnaître la légitimité et l’autorité du gouvernement des patrons, se contenter de chercher à faire bouger les lignes en son sein en jouant le CD&V contre la NVA et l’Open VLD, et en amenant les patrons à amender sur certains points la politique de leurs amis politiques. La stratégie syndicale actuelle est basée – sans le dire – sur le respect de ces quatre conditions. Avec une telle stratégie, selon nous, il est à craindre que la montagne de la mobilisation sociale accouche d’une souris. Au plus le temps passe, au plus ce risque grandit. Il y a d’abord eu le mini accord du 17 décembre. Comme l’a écrit Felipe Van Keirsbilck sur le site de la CNE, "cet accord ne résout rien des menaces sur nos revenus, nos emplois, nos pensions et notre Sécu, contre lesquelles nous nous sommes mobilisés cet hiver". Il a seulement permis aux patrons de régler à leur avantage des détails techniques de l’accord de 2013 sur les statuts ouvriers-employés, en échange de quoi les syndicats ont obtenu la possibilité de négocier en entreprises et dans les secteurs le report de 2 à 3 ans de très mauvaises mesures "fin de carrière" du gouvernement Michel.
Adieu plan d’action, bonjour paix sociale?
En r egr ettant le fait que les travailleur.euse.s de secteurs moins forts syndicalement – souvent précaires et féminins – auront moins de possibilités de négocier ce délai de 2 à 3 ans, celui-ci est évidemment bon à prendre pour les personnes qui peuvent en bénéficier. Le gouvernement ayant entériné le miniaccord, il n’était donc pas faux de dire qu’il faisait un tout petit pas en arrière, et le front commun un tout petit pas en avant. Mais, dès lors, il s’agissait de répondre à la question posée par le secrétaire général de la CNE: Comment faire pour qu’il soit "suivi par d’autres, plus importants"? Quand les directions syndicales ont fait le bilan de ce mini-accord, elles auraient dû conclure qu’un nouveau plan d’action était nécessaire tout de suite. C’est ce que beaucoup de militant.e.s attendaient. Au lieu de cela, elles ont estimé que, le miniaccord étant "encourageant", il fallait aller plus loin dans la concertation. Donc continuer à geler l’action jusqu’à la fin janvier, afin de ne pas être accusées de créer un mauvais climat, de prendre la population en otage, de nuire à l’économie, etc.
Cela aussi, on le sentait venir. Au cours d’un débat public sur le bilan et les perspectives du plan d’action, organisé le 17 décembre à Charleroi par la Formation Lesoil, le président de la régionale FGTB, Carlo Briscolini, a dit ceci: "J’espère qu’il n’y aura pas d’accord ce soir au Groupe des Dix". Sous-entendu: s’il y a un accord, même minuscule, le plan d’action risque fort de ne pas continuer en janvier, ce qui serait regrettable. Et c’est ce qui s’est passé. Car les patrons et leurs représentants politiques ne sont pas idiots. La priorité, pour eux, était de démobiliser les travailleur.euse.s, pour arrêter la dynamique de confiance croissante dans la force collective du mouvement ouvrier. Dans l’immédiat, ils n’ont pas dû payer cher pour cela: il leur a suffi d’un mini-accord et d’un programme de discussions avec les syndicats jusqu’à la fin janvier. Et Charles Michel de se réjouir immédiatement: "Je mets la paix sociale sous le sapin de tous les Belges". Marc Goblet n’avait pas tort de déclarer à Sudpresse, le 6 janvier, que "les braises sont toujours là". Le problème est qu’elles se transforment en cendres au fil des jours qui passent sans action. D’autres feux s’allumeront à l’avenir, mais celui de l’automne – un mouvement crescendo, la gauche #71 février-mars 2015
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Drapeau blanc, mais les bombardements continuent
Rodomontade? Vantardise? Pas sûr…
D’autant moins sûr que, du fait des attentats terroristes, le climat politique a changé du tout au tout. Ce n’est plus la polarisation sociale qui occupe l’avantscène, mais le consensus sécuritaire. Une atmosphère de guerre est créée qui servira à la fois à faire passer l’austérité plus facilement et à compenser pour la NVA le fait de devoir mettre un peu d’eau dans le vin de son antisyndicalisme de combat. Ce contexte augmente ainsi le risque de voir la concertation accoucher d’une souris aussi mini que l’accord du 17 décembre. On y reviendra en conclusion.
Saucissonnage et mini-accords
Récemment, le président de la CSC a passé en revue les "dossiers" qui sont sur la table des "partenaires sociaux": la liaison au bien-être des pensions et des allocations, la marge salariale pour les conventions, la formation et l’innovation, la réforme des pensions, la justice fiscale. La manière dont les choses sont présentées montre bien que, en optant pour la concertation, les appareils syndicaux acceptent implicitement le carcan des conditions mentionnées ci-dessus, ce qui déforce le monde du travail. Pour gagner plus que des "miniaccords", les quatre points de la plateforme du front commun auraient dû former un tout. Au lieu de cela, le saucissonnage bat son plein: négociation sur la marge salariale et l’enveloppe bien-être, avec les patrons, au sein du Groupe des Dix; négociation avec le gouvernement, pour le secteur public; négociation sur les pensions, avec le gouvernement, au sein d’un comité que le gouvernement installera à partir du mois d’avril; engagement du gouvernement à préparer une "grande réforme fiscale", avec un "tax shift substantiel du travail vers ‘d’autres sources de revenus’". Alors que l’abandon du saut d’index était une des seules revendications vraiment précises de la plateforme du front commun, Leemans se plaint du fait que l’enveloppe bien-être pour 2015 n’ait pas
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reçu les 127 millions de "correction sociale pour le saut d’index" que le gouvernement avait annoncés et qui seront versés plus tard "parce que le saut d’index sera effectif plus tard". Ne serait-il donc plus question de l’empêcher à tout prix? Alors que la plateforme demandait la "liberté de négociation salariale", le front commun se place dans le cadre de la loi sur la compétitivité et argumente que le rapport du Conseil central de l’économie prouve qu’une marge de 0,3 à 0,5% est possible pour des augmentations de salaire, de sorte que le saut d’index "n’est pas justifié". Une petite marge vaut évidemment mieux que pas de marge du tout… Mais, en échange, on accepte le carcan de la loi sur la compétitivité. Si le saut d’index était "justifié", l’accepterait-on? Tous les syndicalistes en sont conscients: les rapports de forces sont minés par la mondialisation, le chômage massif et la précarisation des contrats. Personne n’espère de miracles dans cette situation. Mais on peut retourner l’argument: c’est justement parce que le
En introduction à l’interview de Marc Goblet et de Marie-Hélène Ska, juste avant la première réunion du Groupe des Dix, le 17 décembre, L’Echo écrivait, ironique: "Les syndicats, en front commun, ont décidé de lever le drapeau blanc". Ils ont levé le drapeau blanc, en effet… Mais la droite, elle, n’arrête pas ses bombardements. Contrôle des chômeurs et des prépensionnés jusque 66 ans (donc, en clair, augmentation de l’âge de la pension), diminution de 5% sur le montant des allocations de chômage économique, limite a 25 ans de la demande d’octroi de la première allocation d’insertion (interdit de rater une année d’étude). Sans compter que la machine dirupienne à exclure les chômeur.euse.s tourne à plein régime depuis début janvier… L’armistice syndical unilatéral fait donc des victimes, et celles-ci, comme d’habitude, se recrutent en premier parmi les plus faibles: les jeunes, les femmes, les précaires, les sans-papiers. Par ailleurs, on ne tardera pas à constater que le secteur culturel ne recevra même pas quelques cacahuètes et que les services publics seront dos au mur face à un gouvernement d’obsédés du tout-au-privé et du tout sécuritaire. Va-t-on continuer à se contenter de constater?
Un coup porté à l’espoir
Le plus grave est peut-être ce qui ne se mesure pas: le coup porté à l’espoir. Espoir d’un combat tous ensemble, pour gagner. Espoir d’une alternative qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Espoir de dignité et de sens pour chacun.e par l’engagement collectif en faveur d’une autre politique, d’une autre société. L’actualité des derniers jours ne montre que trop bien, hélas, qu’une course de vitesse est engagée entre un projet solidaire, social, généreux, émancipateur, d’une part, et, d’autre part, la plongée dans la barbarie que le capitalisme porte en lui comme la nuée l’orage. Les dizaines de milliers de militant.e.s qui ont porté le mouvement de l’automne vivent cette course de vitesse au quotidien dans les ateliers, les bureaux, les écoles, dans la population en général. Elles et ils
photomontage: Little Shiva
mouvement social
contexte est si difficile que les syndicats auraient dû utiliser à fond les atouts qu’ils avaient en main jusqu’au 15 décembre: la mobilisation, l’unité, le soutien du monde culturel et associatif. Au lieu de cela, ils semblent en train de les gaspiller.
tous ensemble – a été privé d’oxygène brutalement. Or il était d’une intensité exceptionnelle. Le front commun syndical avait la main. Il est en train de la perdre. Le gouvernement était à quai. Il est en train de gagner en force et en assurance. Et le Premier ministre de claironner: "Je maîtrise la situation", mon gouvernement est "sur les rails" (Le Soir, 6 janvier).
LCR
Attention: danger!
C’est sur ce "décollement" entre les syndicats et la masse que misent les patrons et le gouvernement. Et attention: le temps politique et social n’est pas uniforme, il peut s’accélérer soudainement. De ce point de vue, la combinaison fortuite de l’arrêt de la mobilisation sociale et du déferlement sécuritaire-islamophobe crée une situation très dangereuse. Une situation dans laquelle le gouvernement de droite pourrait, en même temps, faire d’autres très petits pas en arrière – pour gagner la paix sociale – ET quelques (très) grands pas en avant pour réduire radicalement la place et le poids des syndicats dans la société. Le chef de groupe MR à la Chambre est plus que jamais déterminé à déposer une proposition de loi pour vider le droit de grève de son contenu. Par ailleurs, tout indique que le "tax shift" tant souhaité par certains sera pour la droite le prétexte à la nouvelle réduction radicale et linéaire des cotisations patronales à la sécurité sociale qui était annoncée dans la déclaration gouvernementale. Ce ne sont que deux exemples. En regard de ça, les miniconcessions du genre "deux à trois années de délai avant la mise en oeuvre des mesures sur la fin de carrière" ne pèsent pas lourd. Paris vaut bien une messe, marginaliser le mouvement syndical vaut bien quelques mini-concessions. La CGSP annonce qu’elle passera à l’action sans attendre les résultats de la concertation avec les patrons. Le secteur public ne peut pas rester isolé. Pour la gauche syndicale, à tous les niveaux des organisations, il est temps, grand temps, de se coordonner – par-delà les syndicats, les centrales et les secteurs – afin de redresser la barre: la négociation sur base d’un rapport de forces, construit par la mobilisation et l’action la plus large du monde du travail, oui; la concertation qui divise et qui mine le rapport de forces, basée sur la démobilisation et la passivité des "troupes", non! ■ 20/01/2015
Retour à la l’action? Oui, mais avec quelles perspectives? ✒ par Freddy Mathieu L’article qui précède a été écrit mi-janvier, alors que les organisations syndicales venaient de prolonger la trêve jusqu’à la fin du mois. Au moment de boucler ce numéro, FGTB et CSC annoncent un nouveau plan d’action. Nous nous réjouissons du fait que le front commun reste uni contre la politique du gouvernement de droite, contre le saut d’index, pour des services publics et une sécurité sociale forts. Nous serons dans l’action, comme nous l’avons toujours été. Mais nous maintenons notre message: il n’y a plus moyen de gagner par une stratégie de concertation qui ne recourt à l’action que comme force d’appoint; face au patronat de choc et au gouvernement de droite, il faut opter pour un syndicalisme de combat à moyen et long terme; il s’agit de conscientiser et de mobiliser les travailleur.euse.s en profondeur autour d’une alternative d’ensemble: il s’agit aussi de créer les conditions politiques de la mise en œuvre de cette alternative. Les événements des derniers mois nous renforcent dans notre conviction qu’il n’y a pas d’autre stratégie possible. Les quelques dérogations aux nouvelles dispositions sur les prépensions sont positives, mais impliquent que le régime général imposé par le gouvernement est avalisé. Les miettes concédées par les patrons dans le cadre de l’AIP seront bien vite éparpillées par les mesures d’austérité du gouvernement. Ce qui a fait le succès des mouvements sociaux de novembre à décembre 2014 c’est la combinaison
des "quatre balises" du front commun et d’un plan d’action pour les imposer. Dans le long tunnel de 2 mois de négociation, cette alchimie objectifs/plan d’action a été neutralisée, la combativité a vacillé et des signes de désunion sont apparus. Désunion entre organisations – sur l’appréciation des miettes concédées par les patrons dans le projet d’AIP. Mais désunion aussi au sein des organisations – comme l’ont montré le vote très partagé à la CSC, et, à la FGTB, la crainte de la CGSP de se retrouver seule dans l’action. La FGTB a eu raison de ne pas signer mais elle aurait pu éviter de s’embourber dans cette stratégie de la "négociation à reculons".
mouvement social
sentent que tout peut basculer. Le combat qu’elles et ils ont mené en novembre et décembre a bénéficié d’un appui majoritaire parce qu’il semblait déterminé. Mais, si les résultats sont dérisoires, le balancier risque de repartir dans l’autre sens. Les militant.e.s se retrouveraient alors dans une situation plus difficile qu’avant, face à des affilié.e.s désabusé.e.s, croyant encore moins à l’action collective. On sait où cela conduit politiquement…
On repart au combat, tant mieux!
Nous avons un urgent besoin d’objectifs dignes de ce nom... Le scandale Swiss Leaks souligne la nécessité d’une fiscalité juste. Marc Goblet s’est prononcé récemment pour un impôt sur les patrimoines et pour la globalisation de tous les revenus avant taxation: c’est une bonne première clarification. Mais, pour récupérer le terrain perdu depuis le 15 décembre, il faut aussi tirer les leçons: non au saucissonnage des revendications, construisons ensemble le rapport de forces pour gagner ensemble; dans ce but, ajoutons le retrait des mesures chômage à nos revendications, précisons notre refus de tout allongement de la carrière et renforçons le front commun. Oui, on peut gagner! Pour cela, il faudra aller plus loin et faire au moins autant voire plus encore que pour le premier plan d'action. ■ 16/02/2015
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féminisme
Michel Ier et la chasse aux chômeuses ✒ par Femke Urbain Depuis une dizaine d'années, la politique d'activation des chômeurs/euses fait des dégâts. Le gouvernement précédent de Di Rupo Ier avait déjà rajouté une couche, avec l'accentuation de la dégressivité des allocations jusqu'à un forfait, le renforcement du contrôle et la limitation dans le temps des allocations d'insertions à trois ans à travers l'article 63 bis. Le gouvernement Michel Ier maintient ces mesures et poursuit sur la lancée, notamment en instaurant des prestations obligatoires pour chômeurs/euses de longue durée et en traquant les "faux isolés", quitte à enfreindre le droit à la vie privée. Pour que les femmes ne soient pas les oubliées des interventions et des revendications de la résistance sociale et politique à construire, focus sur la chasse aux chômeuses/eurs ou comment le gouvernement précarise encore plus les femmes tout en détruisant la sécurité sociale et en offrant une réserve de main-d’œuvre corvéable à la merci aux patrons…
Des inégalités structurelles en trame de fond
La façon dont les femmes sont particulièrement touchées par la chasse aux chômeurs/euses reflète des inégalités structurelles, comme la répartition inégale des tâches au sein des familles, la segmentation du marché du travail qui cantonne les femmes dans les emplois les plus précaires et moins bien payés ou encore le manque de place dans les institutions de soins aux personnes dépendantes (enfants, personnes handicapées ou personnes âgées). Ainsi, de 70 à 80% des chômeurs/ euses cohabitant.e.s et 55% des allocataires d'insertion sont des femmes n'ayant pas pu accumuler suffisamment de jours de travail pour ouvrir leur droit aux allocations de chômage à cause d'un travail à temps partiel ou de pauses carrières. Elles sont aussi majoritaires (79%) parmi les bénéficiaires de l'Allocation de Garantie de Revenu (AGR), le complément de chômage octroyé aux travailleurs/euses
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à temps partiel involontaire à bas salaire. Or, toutes ces catégories, déjà moins bien loties, sont particulièrement touchées par les dernières réformes du chômage.
Davantage d'obstacles à l'emploi mais mêmes obligations de "recherche active"
Beaucoup de chômeurs/euses peinent à trouver un emploi malgré leurs efforts: considéré.e.s comme trop qualifié.e.s pour certains emplois mais pas assez spécialisé.e.s pour d’autres, pris/es dans le cercle vicieux de l'exigence d'expérience qu'on ne peut acquérir qu'en se faisant engager. Une majorité de femmes rencontrent un obstacle supplémentaire: le manque de place de garde pour les enfants ou personnes dépendantes. Sans garderie ou maison de repos accessibles, difficile de se rendre à un entretien d'embauche et encore plus d'assurer un emploi à temps plein. Un problème encore plus criant pour les mères de familles monoparentales (80% des chef.fe.s de famille monoparentale sont des femmes). Les autorités sont conscientes de cette difficulté. Les convocations obligatoires dans le cadre de l'accompagnement des chômeurs précisent d'ailleurs systématiquement "afin de vous servir dans les meilleurs conditions, la présence d'enfants n'est pas autorisée durant l'entretien". Pourtant, tandis que les exigences en termes de "recherche active d'emploi" sont les mêmes, avec les mêmes sanctions à la clé, rien n'est mis en place pour augmenter et rendre accessibles les places de garderies. Rappelons qu'en Fédération Wallonie-Bruxelles, seuls 22% des enfants de moins de 3 ans peuvent espérer trouver une place en milieu d’accueil. Les coupes budgétaires communales font déjà mal et le secteur va aussi subir la poursuite de l'austérité régionale. En Wallonie, 340 millions d’investissements prévus en 2015 pour construire notamment des crèches et maisons de repos seront bloqués. Sans compter les 2000 emplois menacés dans le secteur non-marchand subsidié, pour les garderies et l'accueil extra-scolaire notamment. En Flandre, la hausse des tarifs est annoncée, ce qui reviendra à près de 800
Plus nombreuses parmi les allocataires d'insertion
Mélissa a 29 ans. Cela fait trois ans et demi qu’elle est au chômage. Elle vit avec sa mère et son frère, également au chômage. A trois, ils se débrouillent avec 1000 euros par mois. Mélissa consacre tout son temps à la recherche d’emploi: elle envoie quatre à cinq lettres de motivation par jour, enchaîne les formations, et effectue actuellement un stage de deux semaines (non rémunéré). Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à décrocher de job et essuie des refus tous les jours. Elle est une "bonne élève" qui démontre des efforts conséquents. Pourtant, parce qu'elle n'a pas pu cumuler suffisamment de jours de travail pour ouvrir le droit aux allocations sur base du travail, elle est allocataire d'insertion depuis plus de trois ans et fait partie de celles et ceux qui ont été exclu.e.s du chômage le 1er janvier 2015. Celles et ceux mais il s'agit surtout de celles, puisque les femmes constituent environ 65% des exclu.e.s en janvier 2015. Un quart des exclu.e.s sont des mères de famille monoparentale. Un hasard? Pas du tout. Cette exclusion vise les plus précaires: ceux et surtout celles qui enchaînent les petits contrats à durée déterminée, les temps partiels, les intérims, ou dont la recherche d’emploi reste infructueuse. euros annuels supplémentaires pour placer son enfant en crèche.
Plus nombreuses parmi les cohabitant.e.s Tandis que le taux de cotisations prélevées sur le salaire est le même, les chômeuses/eurs perçoivent des allocations différentes en fonction de leur situation familiale. Les personnes en statut cohabitant sont ainsi les plus lésées. Les dernières
Plus nombreuses parmi les bénéficiaires d'AGR
44% des femmes travailleuses sont à temps partiel, contre 9% des hommes. En temps partiel involontaire et sous un certain seuil de revenus, il est possible d'obtenir une Allocation de Garantie de Revenus (AGR). 79% de ses bénéficiaires sont des femmes, dont près de deux tiers sont des mères seules avec enfants. Mais le gouvernement Michel Ier a décidé de ne plus prendre en compte la charge de famille et de réduire le montant de ces allocations de moitié après deux ans. Une perte salariale importante (jusque 20%!) pour des travailleurs/euses déjà précaires qui ne dégagera que 105 millions d'économie en 2015.
illustrations: Little Shiva
Rompre le cycle infernal
Les attaques contre les droits des chômeurs/euses sont des attaques contre l'ensemble des travailleurs/euses. Elles grignotent jusqu'au trognon le droit aux allocations de chômage gagné par la lutte et attaquent par là l'un des piliers fondamentaux de notre sécurité sociale.
Elles tirent en même temps vers le bas les conditions de travail générales en obligeant les chômeurs/euses à accepter n'importe quel travail, aussi précaire soit-il. Ces attaques sont particulièrement violentes pour les femmes en contribuant à les pousser de plus en plus dans la précarité. Pour en sortir, il est nécessaire, mais pas suffisant, de lutter contre ce gouvernement et ses mesures 100% à droite. Il est nécessaire, mais pas suffisant, de battre en brèche le capitalisme et sa logique qui enrichit les 1% en sacrifiant les 99% et la planète. Il est aussi nécessaire de construire un mouvement féministe fort qui pousse à "féministiser" les fronts social et politique de la résistance. Cela passe avant tout par l'auto-organisation des premières concernées. Ainsi, la constitution d'un "bloc de femmes" pour mettre en avant la situation particulière de la moitié de la population dans la grande manifestation nationale du 6 novembre dernier est à saluer, à encourager et à répéter. De même que les nombreuses initiatives qui permettent une prise de conscience de cette situation particulière comme, par exemple, l'outil développé par Vie Féminine pour aider les femmes à calculer ce que rapportent leurs heures de travail impayées à s'occuper des enfants ou des personnes âgées, à faire le ménage… Et cela implique enfin de porter à bout de bras des revendications transversales qui tiennent compte de la situation particulière des femmes, comme la réduction collective des temps de travail ou l'investissement dans des institutions publiques de soin aux personnes dépendantes, pour créer de l'emploi, alimenter la sécu par notre salaire socialisé et lutter contre le travail précaire et la division sexuelle des tâches. ■
féminisme
réformes n'arrangent rien, au contraire. Pour les cohabitant.e.s qui bénéficient encore des allocations de chômage, la dégressivité accrue des allocations sera encore plus rude. Si les allocations de départ sont désormais harmonisées, en tant que cohabitant.e, le forfait, atteint au bout de 15 mois à quatre ans, s'élève à 503 euros, contre 953 pour un.e isolé.e et 1134 pour un.e cohabitant.e avec charge de famille! Le gouvernement Michel Ier entend bien maintenir cette inégalité criante et prévient tout de suite qu'il n'est pas question de tenter d'y échapper en se déclarant frauduleusement isolé.e. Pour en rajouter une couche de stigmatisation sur les soi-disant "chômeurs profiteurs", le secrétaire d'Etat à la Fraude sociale, Bart Tommelein (Open VLD), propose ainsi carrément de contrôler la consommation de gaz et d'eau des chômeurs/euses pour vérifier qu'il n'y a pas de triche sur le statut, au plus grand mépris de la vie privée. En outre, l'article 63 bis, qui prévoit les exclusions des allocataires d'insertion, "épargne" les isolé.e.s ou cohabitant.e.s avec charge de famille (ex-chef.fe.s de famille) de moins de 30 ans mais est sans pitié pour les cohabitant.e.s pour lesquel. le.s aucun âge plancher n'est prévu. Depuis le 1er janvier 2015, les allocataires d'insertion exclu.e.s peuvent s’adresser au CPAS pour subsister. Mais les cohabitant.e.s n’auront droit à rien!
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syndical /social
Fin de droit aux allocations: chronique d’un séisme social annoncé ✒ par Denis Horman Depuis le 1er janvier 2015, des milliers de chômeurs et chômeuses sont frappé.e.s d’une "double peine": privés d’emploi, ils et elles sont, en plus, exclu.e.s du droit aux allocations de chômage. "Je suis certain que nous allons avoir des drames. Et les gens vont réagir si on leur enlève le minimum vital; c’est mon ressenti, les gens vont se révolter. Au niveau politique, vont-ils en tenir compte? Il ne faut pas toujours imaginer un soutien populaire envers la pression exercée sur les chômeurs. On sait que je travaille à l’Onem, on m’interpelle beaucoup, ces exclusions sont perçues négativement. Les vieilles personnes par exemple ont peur d’être agressées, disent qu’elles ne pourront plus sortir…! Ca fait très peur aux gens! Elles ont peur de l’avenir, des vols, et elles ont peur… d’une révolution. Elles me le disent. Peu de gens me disent que c’est bien fait pour eux! Toutes ce personnes vivent en famille, travaillent, mais elles ont peur de ça, de cet avenir-là. Elles ressentent très fort le malaise". (1)
Non, rien de rien…
"Je ne regrette rien": Monica de Coninck, ex-ministre SP.A de l’Emploi dans le précédent gouvernement Di Rupo, persiste et signe (2). A peine constitué, fin décembre 2011, le gouvernement Di Rupo décidait de limiter à une durée de trois ans (à compter du 1er janvier 2012) les allocations d’insertion, une mesure touchant les jeunes qui n’auront pas réussi à trouver un emploi depuis leur sortie d’école, ou encore les chômeurs/ euses qui n’ont pu prester suffisamment de jours de travail, dans un délai de référence donné, pour prétendre aux allocations de chômage classiques (les travailleurs – surtout les travailleuses – à temps partiel, les contrats à durée déterminée, les intérimaires…). Malgré sa responsabilité de premier plan dans la décision et la mise
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en application de ces mesures, Elio Di Rupo déclarait récemment: "J’ai le cœur qui saigne quand je pense à tous ces gens; croyez-moi, je n’en dors pas"! (3) Selon la FGTB, dans le courant de l’année 2015, ce sont 22.000 allocataires d’insertion habitant en Wallonie qui pourront être exclus du chômage, sur un total de 37.000 personnes dans toute la Belgique (4). Et les exclusions continueront pour des milliers d’autres, à l’échéance de trois années d’allocations d’insertion! Ce n’est pas le renforcement des mesures d’exclusion, décidé par le gouvernement Michel Ier, qui va freiner l’ampleur des exclusions du chômage, en particulier pour les jeunes. En effet, le gouvernement de droite a décidé qu’à partir du 1er septembre 2015, il faudra être titulaire d’un diplôme du secondaire pour bénéficier des allocations d’insertion avant l’âge de 21 ans. D’autre part, depuis le 1er janvier 2015, le jeune qui a quitté l’école et ne trouve pas d’emploi ne peut plus introduire de demande d’allocation d’insertion après 25 ans (au lieu de 30 ans auparavant). Compte tenu du stage d’insertion d’un an sans allocation, il devra en fait avoir terminé ses études à 24 ans ou il n’aura droit à rien! Comme le souligne Ludovic Voet, responsable régional jeunes CSC Mons-La Louvière, "on peut tabler sur un minimum de 8000 jeunes exclus chaque année, avec ces deux nouveaux mécanismes. Pour un gouvernement qui déclare vouloir combattre le ‘chômage des jeunes’, c’est un comble" (5). L’objectif invoqué, dans l’accord du gouvernement Di Rupo, pour la limitation dans le temps des allocations d’insertion, était de "favoriser
l’insertion plus rapide sur le marché de l’emploi". En d’autres termes, en privant d’allocations, après une durée de trois ans, des personnes qui n’ont jamais travaillé ou qui ont été contraint.e.s et forcé.e.s d’accepter des boulots à temps partiel, des intérims, des contrats à durée déterminée, le gouvernement Di Rupo, et aujourd’hui, celui de Michel Ier, entendent pousser ces
Il y a en Belgique plus d’un million de personnes totalement ou partiellement hors emploi, toutes catégories confondues. Chômeurs fainéants? Selon les sources officielles publiées par les CPAS, le For em, Actiris et l’Onem, il y a en Belgique
plus d’un million de personnes totalement ou partiellement hors emploi, toutes catégories confondues (7); alors qu’il y a entre 30.000 et 40.000 offres d’emploi maximum, chaque mois, dont la plupart sont des emplois précaires (temps partiels, intérimaires, contrats à durée déterminée, etc.). Bref, des emplois qui nous ramènent tout droit aux allocations d’insertion, supprimées, après trois ans, par décret gouvernemental! Une situation kafkaïenne, dirait-on! "L’absurdité de cette mesure renforcera l’existence d’une société belge à plusieurs vitesses, dont les ‘perdants’ seront contraints de retourner chez leurs parents ou de multiplier travail au noir, petite délinquance, prostitution, mendicité…, avec en bout de course de la décomposition sociale, de l’angoisse, l’isolement…" (8). Ces mesures gouvernementales – et c’est une des raisons essentielles de celles-ci – forcent les demandeurs et demandeuses d’emploi à accepter n’importe quel travail dans n’importe quelles conditions. Elles favorisent la précarisation du marché de l’emploi qui fait pression sur les conditions de travail et de salaire de tous les travailleurs et travailleuses. Une belle aubaine pour les patrons! Couplée à la fin de droit aux allocations d’insertion, le gouvernement Di Rupo a également décrété la dégressivité des allocations de chômage pour les différentes catégories de chômeurs/euses, et cela jusqu’à un forfait, après 36 mois maximum. Celui-ci place tous les chômeurs en-dessous du seuil de pauvreté (9). Le gouvernement Michel Ier n’est pas en reste: il concocte un projet de dégressivité plus rapide du niveau des allocations de chômage, sauf pour les personnes qui presteraient le "service à la communauté", deux demijournées par semaine! Quel cynisme!
CPAS: bouée de sauvetage?
Que vont devenir tou.te.s ces exclu.e.s des allocations d’insertion? La plupart n’auront comme seule solution que de pousser la porte du CPAS (le Centre public d’Action sociale).
"On va être confrontés à des pleurs, des grincements, des tensions, si pas de la violence", craint Claude Emonts, président du CPAS de la Ville de Liège. "Tout le monde n’a peut-être pas encore été informé ou compris que l’octroi d’une aide CPAS ne se fait pas en remplissant un simple formulaire. Il y a une enquête sociale qui peut durer 30 jours", souligne de son côté Freddy Beuwer, président du CPAS de Verviers; "nous tenons compte de la situation globale de revenus de la personne et pas uniquement de sa situation à l’emploi, ce qui peut donner lieu à beaucoup de désillusions. Un jeune, qui vit avec ses parents et qui percevait autrefois une allocation, ne recevra plus rien du CPAS. Pareil pour une femme au foyer dont le mari travaille. Ca sera parfois difficile à encaisser" (10). Selon la FGTB, la moitié des allocataires d’insertion, wallon.ne.s et bruxellois/es (surtout des femmes), cohabitent avec une personne qui dispose d’un revenu. Ils ne toucheront donc pas le Revenu d’Intégration Sociale (RIS, le minimex)! Dans de telles situations, la perte de revenus pour la famille pour atteindre 400 euros, voir 500 euros par mois. Les cohabitant.e.s n’ont droit à rien si le revenu du conjoint dépasse les 1089 euros par mois (11). "Nous craignons que les personnes ne soient pas informées de tous leurs droits", signalent cependant l’ADAS (Association de Défense des Allocataires sociaux) et le collectif Stop Article 63&2, qui tiennent ensemble des permanences à Liège pour informer les exclus du chômage. "Par exemple, en matière de cohabitation, le CPAS peut ne pas tenir compte des revenus de la famille au 1er degré et octroyer tout de même une aide, même si les revenus dépassent 1089 euros; peu de gens le savent", tient à préciser Thierry Muller, animateur de la plate-forme STOP AR.63&2. Haro sur la "fraude à l’aide sociale"! Le gouvernement Di Rupo a nommé, pour la première fois, un Secrétaire d’Etat spécialement dédié à la lutte contre la fraude fiscale… et sociale. Mettre dans le même panier ces deux formes de "fraude"
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milliers de personnes à faire davantage d’efforts pour trouver du travail, en les privant de revenus ou en les forçant à recourir au CPAS. Est-il utile de préciser que la plupart des personnes touchées par les mesures gouvernementales de suppression des allocations d’insertion ont systématiquement fourni à l’Onem les preuves de recherche active d’emploi? Elles ont de ce fait échappé au système de sanctions et exclusions du chômage, fonctionnant depuis 2004. Depuis l’entrée en vigueur, cette année-là, du contrôle du "comportement de recherche d’emploi", des agents de l’Onem, appelés "facilitateurs", sont chargés de vérifier les preuves écrites de démarches des chômeurs. "La plupart des contrôleurs estiment que leur travail est normal et que les chômeurs sont des fainéants (…). Il faut au moins 60% de dossiers négatifs (…). Pas assez de preuves, ça ne va pas; trop, c’est suspect"! (6). Ainsi, selon la FGTB Wallonne, depuis 2004 plus de 120.000 sanctions ont touché 78.280 chômeurs/euses, entrainant 36.769 exclusions définitives. Les sanctions ont explosé en 2014. Selon le rapport semestriel de l’Onem, sur le seul premier semestre 2014, le nombre de sanctions était de 31.329. Pour l’ensemble de l’année dernière, on devrait dépasser les 62.000 sanctions, estime la CSC.
chômage
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n’a apparemment posé aucun problème! Concrètement, les CPAS ont développé une série d’outils pour lutter contre la fraude sociale: multiplication des enquêtes sociales, collaboration avec la police et les agents de quartier, visites à domicile, mise sur pied de cellules spéciales de lutte contre la fraude sociale…, tout est mis en œuvre pour débusquer les fraudeurs (12). Il paraitrait même que la sinistre pratique de la délation serait en expansion. "Elle est à la base de pas moins de 11,7% des cas de fraudes détectés", signale Bernadettre Schaeck (ADAS); "une tendance peu rassurante elle aussi; vu leur bon ‘rendement’, les CPAS pourraient être tentés d’encourager ces procédés qui rappellent pourtant les pages les plus sombres de notre Histoire" (13).
d’Intégration Sociale au CPAS! A propos de cette "chasse aux cohabitant.e.s fraudeurs", Christine Mahy du Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté fait remarquer, non sans humour, que "personne n’imagine que l’Etat irait prendre une part du salaire de deux travailleurs qui louent un logement ensemble pour faire des économies. Pourtant le système a conçu que, pour deux chômeurs ou allocataires qui vivent ensemble et font des économies d’échelle, il serait juste de considérer qu’ils sont tout de même un peu des profiteurs". Selon une enquête, près d’un tiers des Belges en seraient persuadés (14). Alors que ce sont bien la non-individualisation des droits (catégories chef de ménage, isolé, cohabitant), les minima sociaux sous le seuil de pauvreté, les salaires trop bas conduisant à une précarisation croissante et la pauvreté, qui
chômage
Mais que représente donc cette "fraude à l’aide sociale"?
Sous le gouvernement Di Rupo, Maggie De Block, à l’époque en charge de l’Intégration Sociale, avait mandaté le bureau d’analyse et de consultance PricewaterhouseCoopers (PwC, une des quatre plus grandes sociétés mondiales d’ingénierie fiscale au service des grosses fortunes et des multinationales!) pour une étude sur la fraude sociale au sein des CPAS. D’après cette étude, 4,5% des usagers ont été accusés de fraude en 2013, pour un montant moyen de 1600 euros en moyenne par cas. Comparés aux chiffres de la fraude fiscale – entre 20 et 30 milliards d’euros par an – ces montants sont dérisoires. A tel point que la Ministre a préféré passer l’étude sous silence. Mais dans la foulée, deux arrêtés royaux et trois circulaires, recommandations traduites en obligations, furent quand même transmis à tous les CPAS afin d’amplifier la chasse aux fraudeurs. Le gouvernement Michel Ier a pris le relais: la consommation d’eau et de gaz des chômeurs et des bénéficiaires du CPAS sera contrôlée. Gare aux cohabitant.e.s qui déclarent "frauduleusement" vivre seul.e pour toucher davantage d’allocation de chômage ou le Revenu
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poussent inévitablement les gens à user de créativité pour tenter de boucler leur fin de mois.
Un des axes du combat syndical!
"Et les chômeurs, camarades? Et les chômeuses?" C’est l’appel que la LCR lançait, en décembre dernier, aux
organisations syndicales engagées dans un bras de fer avec le gouvernement Michel Ier, en attirant leur attention sur l’importance d’ajouter au plan d’action syndical le retrait des mesures d’exclusion du chômage, véritable bain de sang social. "L’abolition des mesures chômage du gouvernement Di Rupo (durcies par le gouvernement Michel Ier, ndlr) est une question de justice sociale élémentaire. Les victimes de la crise, des fermetures, des restructurations et du manque d’investissement n’ont pas à faire les frais du gâchis capitaliste" (15). Et
encore moins la couche la plus fragilisée, précarisée et pauvre de la population! Une question de justice sociale élémentaire? Quelques données chiffrées, budgétaires, économiques, fiscales – provenant de l’Onem, l’ONSS, la BNB, la Cour des comptes, etc. – sont plus éclairantes que de longs discours et descendent en flamme les info-intox (16).
Les allocations de chômage, un gouffre financier? En 2013, le PIB de la Belgique (l’ensemble de la richesse produite par… les travailleurs!) était de 395,3 milliards d’euros. Pour la même année, les allocations de chômage correspondaient à 1,9% du PIB et, toutes catégories confondues, elles s’élevaient à 7,513 milliards d’euros. Par contre, les intérêts de la dette publique tournaient, en 2013, autour de 13 milliards d’euros. La Belgique est un des pays les plus riches de la planète, rappelle opportunément la plate-forme STOP AR. 63&2; il est le 17ème mondial en termes de PIB par habitant, le 10ème en Europe, devant la France, l’Italie, l’Angleterre et… l’Allemagne. Mais, là aussi, les données officielles se passent de commentaires. En 2013, tous secteurs confondus, les sociétés qui ont généré le plus de profits ont été en
moyenne taxées à 6,7% (au lieu du taux normal d’imposition de 33,99%). Cette défiscalisation massive des grosses entreprises a engendré une perte nette fiscale pour l’Etat de quelque 13 milliards d’euros. Le refrain est bien connu: soutien, cadeaux aux entreprises pour qu'elles daignent créer de l’emploi! En ce qui concerne les chiffres d’affaires, bénéfices et dividendes de l’ensemble des entreprises (non financières) installées en Belgique, la FGTB de Verviers nous a livrés des données éclairantes, sur base des rapports
1. Ensemble, pour la solidarité contre l’exclusion (trimestriel), "Contrôle Onem", déc. 2014, p.29 2. Le Soir, 30/12/2014 3. Le Soir, 07/01/2015 4. Syndicats (bimensuel FGTB), 16/01/2015 5. Ensemble, ibid, p.21 6. Ensemble, ibid, p.27 7. En août 2014, l’Onem indemnisait mensuellement 1.259.346 personnes 8. Voir plate-forme-appel du réseau pour l’abrogation de l’article 63&2
syndical /social
de la BNB. Pour l’année 2012, le chiffre d’affaires était de 786 milliards d’euros (une progression de 21% depuis 2009); les bénéfices: 59 milliards (recul de 7,7% par rapport à 2009). Par contre les dividendes aux actionnaires s’élevaient à 45,3 milliards d’euros (une progression de 13,7% par rapport à 2009). Les dividendes distribués aux actionnaires pour l’ensemble des entreprises en Wallonie augmentaient de 30% entre 2009 et 2012 (17). Mais pas question d’augmenter les salaires! Ajoutons à ce tableau les pertes nettes pour l’Etat résultant de la fraude fiscale, estimées à 20 à 30 milliards par an, soit entre 2,5 et 4 fois le montant des allocations de chômage. Ces données officielles dressent un réquisitoire contre nos gouvernements et leurs politiques d’austérité dont les travailleurs et les allocataires sociaux sont les victimes. Elles justifient déjà à elles seules le rejet des mesures antisociales du précédent gouvernement et, aujourd’hui, de ce gouvernement bien décidé à amplifier tout un arsenal de mesures antisociales et à les imposer. Il y a urgence pour imposer ensemble, partis politiques, organisations syndicales et mouvements sociaux, un programme anticapitaliste d’urgence sociale dont nombre de revendications se trouvent déjà dans des résolutions syndicales! ■
9. Forfait: 1135 euros par chef.fe de ménage; 953 par isolé.e; 504 par cohabitant.e 10. Le Soir, 06/01/2015 11. En 2014, le montant mensuel du RIS était de 1089,82 euros pour une personne ayant charge de famille; 817,36 pour un isolé et 544,91 pour une personne cohabitante 12. Contraste (bimestriel des Equipes Populaires), "Allocataires sociaux, tous des fraudeurs?", décembre 2014, pp.17-19 13. Bernadette Schaeck, "Arsenal démesuré contre fraude fiscale", in Ensemble, décembre 2014, pp.44-47 Contraste, ibid. 14. Florent Gallois, "Et les chômeurs, camarades? Et les chômeuses?", www.lcr-lagauche.org (rubrique syndical-social), 05/12/2014 15. Ensemble, ibid, pp.23-26 16. Denis Horman, "Salaires bloqués, actionnaires comblés", www.lcr-lagauche.org (rubrique syndical-social), 12/09/2014
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CPAS
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communiqué de presse
La LCR a rencontré le PTB: une page se tourne, d’autres s’ouvriront ✒ par le Secrétariat national de la LCR-SAP Le vendredi 23 janvier, une délégation de la LCR a rencontré une délégation du PTB afin de discuter de nos analyses respectives des suites possibles à donner à la victoire des listes PTB-GO. Les camarades du PTB nous ont présenté leur réponse à nos demandes: ils refusent un contact régulier entre les élus PTB-GO et les partenaires du GO, mais restent ouverts à des discussions sur des questions concrètes, à notre demande. Le PTB a également confirmé son refus d’accorder une part de la dotation électorale aux autres organisations partenaires dans PTB-GO, au motif que le sujet n’a pas été abordé avant la victoire du 25 mai et qu’il ne s’agissait pas d’un cartel électoral. Le PTB a confirmé son avis que la formule PTB-Gauche d’ouverture correspondait à une séquence électorale qui s’est terminée. Il a précisé n’avoir jamais été dans l’optique défendue par la FGTB de Charleroi d’un travail de long terme en direction d’un rassemblement de la gauche
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anticapitaliste en Belgique, dont PTB-GO était un premier pas. Les camarades du PTB ont aussi insisté sur la nécessité de rester fraternels dans nos débats entre organisations. Ils ont également expliqué que dans leur optique, critiquer publiquement la stratégie de certaines directions syndicales comme le fait la LCR, c’était affaiblir le monde du travail. Les camarades ont également laissé ouverte une possible coopération future, en fonction des circonstances et de la force respective de chaque organisation quand la question se reposera. La LCR a expliqué sa vision de la situation: à l’heure où Syriza et Podemos démontrent le potentiel de l’unité dans la diversité pour porter l’espoir, il est essentiel de s’appuyer sur l’ouverture et la dynamique positive engagée avec la formule PTB-GO, comme début de recomposition politique anticapitaliste en Belgique, en parallèle et en complément avec le nécessaire rassemblement pour la reconquête sociale. Cette stratégie implique également pour nous de nous impliquer en faveur de la gauche syndicale. Nous avons également souligné le
besoin de respecter l’esprit de la campagne PTB-GO et l’effort fourni à tous les niveaux par chaque composante. La LCR prend donc acte du choix du PTB. Nous continuons à parier sur l’ouverture et le rassemblement à gauche, dans le respect des différences et de chaque composante de celle-ci, en lien avec le processus amorcé par la FGTB de Charleroi. Nous ne doutons pas que nous continuerons à militer côte à côte dans de nombreuses luttes sociales avec le PTB comme avec d’autres forces de gauche en Belgique, même si aujourd’hui nous avons des différences stratégiques importantes que nous avons expliquées dans notre précédent article. Nous continuerons également à promouvoir le débat ouvert à gauche en Belgique, notamment avec le PTB. Nous prendrons des initiatives en ce sens dans les semaines qui viennent, à commencer par la venue de Marco Van Hees, député PTB-GO du Hainaut et fiscaliste réputé, lors de nos Rencontres anticapitalistes de printemps 2015, du 13 au 15 mars à Nieuport. Une page se tourne, d’autres s’ouvriront. ■
dossier
Hiver sécuritaire et climat délétère: ne pas se laisser avoir!
Charlie: Michael Paulus – Esqueletos
✒ par Matilde Dugaucquier En quelques jours à peine, attentats de Paris et opérations de police musclées à Verviers et Molenbeek ont radicalement transformé l'agenda politique en Belgique. Au regard de l'actualité sociale qui a précédé ces événements, difficile de ne pas s'interroger sur leur caractère opportun pour le gouvernement des droites emmené par Charles Michel. En effet, déjà avant que la psychose ne s'empare du pays, l'accord du gouvernement prévoyait toute une série de mesures visant "une approche globale et intégrale" de la sécurité et de la radicalisation. Il ne restait plus qu'à trouver le moment opportun pour les mettre en œuvre. Extension des infractions (notamment la participation à des combats à l'étranger) et durcissement des peines, élargissement des possibilités de retrait de la nationalité et retrait temporaire des documents de voyage, systématisation du suivi des returnees (sous forme de révision de la bien mal nommée circulaire "Foreign Fighters" du 25 septembre 2014), échange de l'information, lutte contre le radicalisme dans les prisons, réforme des structures de renseignement et de sécurité (officialisation du Conseil national de Sécurité), appel à l'armée pour des missions spécifiques... toutes ces mesures sont inscrites noir sur blanc dans l'accord du gouvernement Michel Ier adopté le 11 octobre 2014. Avant les attentats également, le Premier avait annoncé la mise en place de son Conseil national de Sécurité, organe dirigé par le Premier ministre en personne et qui doit remplacer le Collège du renseignement et de la sécurité dans un soucis d'efficacité. Autant dire qu'il s'agit-là d'un petit trône dessiné par le seigneur Michel pour autocouronner son triomphe électoral. Seulement voilà, le problème c'est que toutes les mesures prévues par l'accord portaient en elles les graines d'une con-
testation virulente de la part des secteurs mobilisés de la société, pour les logiques arbitraires (cet oxymoron!), répressives et discriminatoires qu'elles sous-tendent: répression des mouvement sociaux, limitation de la liberté de mouvement, contrôles au faciès... la musique est bien connue! Le gouvernement Michel ne pouvait se permettre d'ajouter de l'huile sur le feu de la contestation sociale. Pour faire passer son projet en force, il lui fallait un choc, en bonne et due forme. En ce sens, la liquidation des deux présumés futurs terroristes de Verviers, dont on se demande toujours si elle aurait pu avoir lieu à un autre moment et dans d'autres circonstances, tombait à point. Et il n'en fallait pas moins pour que l'opposition Ecolo-Ps se jette dans les bras du Premier bien décidé à nous envoyer l'armée... Pendant ce temps-là, ça gesticule également du côté du ministère de l'Intérieur. C'est que, depuis la fin de l'année dernière déjà, Jan Jambon, en sa qualité de ministre de l'Intérieur du premier pays exportateur de djihadistes en Europe, a été désigné par le Conseil de l'Union européenne pour lancer une campagne de "propagande antidjihadistes" à l'échelle du continent. Fort de sa nouvelle aura internationale, le ministre s'en est donc allé glaner de bonnes pratiques "de prévention" outreManche. Il s'agit, dans les faits, de "traquer sur internet les messages appelant à la radicalisation ou au départ vers la Syrie et diffuser des messages afin de décourager les personnes de partir." Il ne faudrait pas se laisser prendre au jeu des images d'un Jambon "taclant" Dewinter (VB) et se posant en défenseur triomphant de l'islam et des musulman.e.s du pays face à une arène parlementaire en liesse.
En ce qu'elle situe l'origine du problème de la radicalisation violente dans la religion elle-même, l'approche de Jan Jambon est essentialisante et a fortiori raciste et dangereuse.
Avec le battage médiatique qui accompagne les événements de ces dernières semaines, elle participe du climat insupportable qui règne partout, en particulier dans les écoles où la jeunesse est prise pour cible, sommée de choisir son camp entre "pro" et "anti" Charlie, et ce au plus grand mépris de la formation de la pensée critique. Ce débat stérile pollue la quasi totalité de notre espace médiatique alors qu'il y a urgence à prendre à bras le corps les véritables causes des départs de jeunes hommes et femmes pour la Syrie, car c'est bien de notre jeunesse dont il s'agit et pas seulement de quelques tireurs fous anonymes. Les deux articles qui suivent visent à poser certaines des questions trop souvent éludées mais qui semblent essentielles dans ce débat, sans prétention à être exhaustifs. ■ la gauche #71 février-mars 2015
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dossier
Attentats de Paris, guerre, impérialisme et (néo-)colonialisme ✒ par Matilde Dugaucquier Les attaques meurtrières contre Charlie Hebdo et le supermarché cacher de Vincennes ont suscité de nombreuses réactions sur la toile. L'incompréhension et l'étourdissement des premières heures ont rapidement laissé la place aux questionnements utiles. En particulier, la revue Contretemps republiait sur son site (contretemps.eu) l'article "Guerres saintes! Le choc des images écrase les idées" publié en 2002 par notre camarade Daniel Bensaïd en réaction aux attentats du 11 septembre 2001. Si, de l'aveu de la rédaction, le rapprochement qui est fait entre les deux événements est "trop hâtif ", ce texte constitue avant tout "un avertissement à ne pas laisser, le jour d'après, la sidération occulter l'analyse des raisons politiques et l'injonction aux guerres saintes étouffer nos combats." Parmi d'autres réactions, il nous apparaît utile aujourd'hui pour comprendre le contexte dans lequel s'inscrivent les attentats des 7 et 9 janvier, et envisager la nécessaire riposte face au climat délétère qui s'est depuis lors installé, en France comme chez nous.
Guerre impérialiste et guerre sociale, guerres sans fin(s)?
Comme nous le rappelle Bensaïd, 1989 a marqué l'avènement d'un nouvel ordre impérial qui devait plonger le monde dans un état de guerre permanente pour le contrôle des ressources et des zones stratégiques. Le 11 septembre 2001 a permis de redistribuer les cartes et de donner à l'ennemi un visage, ou du moins un nom, tout aussi imprécis que mouvant: la "menace islamiste", le "jihadisme" ou bien encore la "terreur", "islamiste" elle aussi. La guerre à l'infini du Bien contre le Mal étant dès lors enclenchée, la fin – toujours louable dans la rhétorique – devait justifier les moyens en Afghanistan, en Irak, en Tchétchénie, en Palestine
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ou plus récemment en Lybie, au Mali et en Syrie. Dans un contexte où toutes les forces du Bien sont sommées de s'aligner, la France, comme la Belgique dans une moindre mesure, s'est engagée à diverses occasions dans cette grande entreprise civilisatrice, nourrissant par là le terreau sur lequel prospèrent les groupes dits "jihadistes" de tous les acabits, dans une spirale sans fin. Ainsi, comme le faisait remarquer Julien Salingue dans un article reproduit sur notre site [www.lcr-lagauche.org], le matin du 7 janvier 2015 la France (re-) découvrait qu'elle est en guerre et que "la guerre ça fait des morts, et les morts ne se comptent pas toujours chez l'adversaire". Les sombres événements de Paris ont ceci de spectaculaire qu'ils impliquent à la fois des facteurs internationaux et des facteurs internes, dans un contexte de guerre sociale menée contre les classes populaires dans toute l'Europe, qui vient renforcer la dynamique de marginalisation et de stigmatisation des couches issues de l'immigration au sein de celles-ci. Ici aussi, l'ennemi est tout désigné: l'étranger/ ère, le ou la migrant.e, les Arabes et "les noir.e.s", les musulman.e.s. S'il est évident que tou.te.s, loin s'en faut, n'emprunteront pas la voie de la réponse nihiliste et violente à cette violence structurelle quotidienne, l'attention médiatique dont ont fait l'objet les délires paranoïaques des Zemmour et Houellebecq à la veille des attentats de Paris aurait dû sonner comme une mise en garde. Les racines du drame sont bien à chercher dans nos sociétés dites "libres" et "prospères". Il ne s'agit pas ici de relativiser les attentats. Rappelons avec Bensaïd que les victimes, tout comme "les employés du World Trade Center, les passagers des volssuicides [et] les pompiers new-yorkais sont aux yeux des concepteurs de l’attentat des "dommages collatéraux" au même titre que les enfants irakiens et palestiniens le sont pour Bush et Sharon. Dans les deux
cas, nul ne devrait être indifférent au sort de ces victimes." Cependant, "les raisons morales de condamner les attentats [du 11 Septembre] sont [...] indissociables des raisons politiques." Ainsi, comme le signalent nos deux auteurs, l'action des protagonistes des attentats de Paris ne s'inscrit pas dans le néant, elle dérive d'un enchaînement de causes et de conséquences et est le fait d'acteurs rationnels "qui se revendiquent d’une guerre et d’une vision du monde qui est tout autant celle de l’État islamique que celle de nombre de nos gouvernants: civilisation contre civilisation, identité contre identité, violence contre violence" chez Salingue, "barbarie contre barbarie" chez Gilbert Achcar.
Sois Charlie et tais-toi!
C'est en particulier l'attentat contre Charlie Hebdo qui a généré une vague d'émotion sans précédent. Celle-ci tient notamment à ce que l'événement touche dans leur chair des pans entiers d'une population qui, sur plusieurs générations, a pu, un jour ou l'autre, de près ou de loin, rire avec Charlie Hebdo. De plus, nombreux/ses étaient encore celles et ceux qui, sincèrement ou de manière ponctuelle et/ou opportune a posteriori, considér(ai) ent toujours ce journal comme un symbole de la liberté d'expression. Nous ne reviendrons pas ici directement sur le débat autour de la ligne éditoriale adoptée par Charlie Hebdo ces dernières années. Relevons simplement au passage, comme le font François Sabado et Pierre Rousset dans un autre article reproduit sur notre site, que les manifestations massives qui ont suivi ne signifiaient pas un ralliement unanime à cette ligne. Avec tous les problèmes qu'elles supposent (sous-représentation des personnes d'origine migrante, snipers postés sur les toits applaudis par la foule, etc.), elles constituaient plutôt un élan massif de solidarité face aux assassinats.
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En revanche, l'opportunité politique dont s'est saisi le gouvernement Hollande en appelant à "l'unité nationale" pourrait être lourde de conséquences. Dans un premier temps, cet unanimisme aveugle légitime l'imposition grossière de toute une série de mesures liberticides et socialement injustes, puisqu'elles seront mises en œuvres à coût "d'économie supplémentaires" dans d'autres domaines (et ce sur trois ans en ce qui concerne la France). Sur le plus long terme, les injonctions à être Charlie ont des conséquences encore plus graves: en reléguant tout ce qui y résiste dans la zone "approbation" voire "apologie du terrorisme", elles érigent de facto un "nous" et un "eux" biaisé, qui redéfinit les contours de l'ennemi, cette fois tant intérieur qu'international. Ainsi se crée une ligne de rupture parmi celles et ceux qui, plus que jamais dans un contexte de crise à tous les étages, devraient être uni.e.s: les majorités blanches et racisées, croyantes et non-croyantes, etc. In fine, il s'agit de rallier le plus grand nombre à la logique va-ten-guerre des puissants représentés dans le peloton de tête de la manifestation du 11 janvier. Que les Erdogan, Netanyahu, Lavrov et autres fossoyeurs de la liberté et de la démocratie n'aient pas été formellement invités à défiler auprès des très respectables Hollande/Valls, Merkel, Cameron et consorts ne change rien au problème. Les 7 et 9 janvier marqueront une nouvelle fuite en avant dans la guerre infernale du Bien contre le Mal, les invités encombrants du 11 janvier l'ont bien compris et ils se devaient de réaffirmer leur appartenance au clan. Notons qu'une atmosphère belliciste s'était en fait déjà déployée avant le jour où l'on se mit à chanter la Marseillaise à l'Assemblée nationale, notamment
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dans le cadre de la chasse à l'homme engagée contre les frères Kouachi et à travers l'engouement qui a suivi leur mise "hors d'état de nuire" (pour paraphraser Valls), comme l'illustre le fameux "Justice est faite!" [titre de La Meuse – quotidien du groupe Sudpresse – du 10 janvier]. Loin d'être anecdotique, cette déshumanisation de l'ennemi supposé devrait également nous mettre en garde. Comme le faisait remarquer Bensaïd au sujet de la guerre impérialiste, "la "guerre humanitaire" au nom d’une Humanité majuscule ne connaît plus d’ennemi, mais l’autre absolu, la bête. Elle trace une frontière infranchissable entre l’humain et l’inhumain. [...] La bestialisation de l’ennemi apparaît ainsi comme le corollaire de la dépolitisation de la "victime humanitaire". La réduction de cette dernière à un corps souffrant et à une misère nue la nie en tant que possible sujet politique. Elle devient ainsi une sorte de double de la bête maléfique, une pure victime de l’affrontement sans merci entre le Bien et le Mal, un animal domestique qui ne doit pas sortir de son rôle d’objet compassionnel. Ce monopole impérial sur la représentation de l’espèce est lourd de conséquences. Contrairement au symbole de la balance, qui est celui de la mesure, la justice illimitée autorise aussi bien la loi du lynchage [...] que 'les liquidations non judiciaires' [...]." Si on se tourne vers la Belgique, le peu d'interrogations qu'ont suscité le déboulonnage en règle des deux présumés futurs djihadistes de Verviers et l'anonymité dont ils ont fait l'objet par la suite ont ceci d'inquiétant qu'ils laissent entendre que l'ennemi intérieur n'a pas de visage, qu'il peut se terrer partout, chez vos voisins et jusque dans les écoles, et que tous les moyens sont bons pour "l'éradiquer".
Misère des colonisé.e.s d'ici et d'ailleurs
En fait d'ennemi intérieur, le ton avait été donné dès les premières heures, voire les premières minutes, qui ont suivi l'attentat de Charlie Hebdo. Certains caricaturistes ont ainsi cru bon de répondre aux événements par la surenchère raciste et islamophobe, voire par des appels aux armes, tout en se représentant en pourfendeurs de la liberté d'expression face à l'obscurantisme médiéval des populations musulmanes du monde entier. L'émission Je suis Charlie diffusée le soir du 11 janvier sur de nombreuses chaînes francophones est en ce sens emblématique. La rédaction nous a ainsi
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gratifié d'une "interview exclusive" du Prophète Mahommet par la chroniqueuse de France Inter Charline Vanhoenacker, dans laquelle celui-ci avoue avoir "trafiqué sa voix" pour se protéger de ces "connards" qui parlent en son nom sans même avoir lu "son bouquin". Le sketch dégoulinant d'humour franchouillard plus que douteux atteint des sommets de nombrilisme raciste et colonial en affirmant que si les connards en question n'ont pas compris le fameux livre ("La parole du patron! La parole d'Allah!"), c'est qu'ils "l'ont lu à l'envers". Cette débauche d'humour potache semble traduire deux problèmes majeurs. Premièrement, comme le faisait remarquer une réaction publiée sur le site redflag.org.au, il s'agit du refus continu de mettre en perspective l'offense ressentie par les musulman.e.s face aux représentations de leur Prophète avec le traitement que ceux-ci subissent à travers le monde, ici et là-bas, ainsi qu'une "incapacité à éprouver de l'empathie face à cette oppression systémique continue". Ce refus a pour corollaire ce que Gilbert Achcar définit comme de la "compassion narcissique", une compassion qui ne se fait jour que face à la misère des nos semblables. De plus, comme le fait remarquer l'anthropologue Ghassan Hage sur le site criticallegalthinking.com, "l'humour", "la démocratie séculaire", "la satire", la "liberté d'expression" (qui a décidément bon dos dans cette affaire) ou encore "la tolérance" sont ici portés au rang d'objets d'une identification tout aussi narcissique qui, à l'image même des idolâtries religieuses, touche tellement l'affect occidental qu'il lui est impossible de s'en distancier. Au travers de cette "stratégie de distinction phallique" ("de fin d'empire colonial racialisé", ajoute l'auteur), le monde occidental continue de jeter son regard condescendant sur le monde musulman "non libre" et, qui plus est, "dépourvu d'humour". Esprit colonial, nous as-tu seulement jamais quitté? A l'abri des bombes, c'est bien une guerre coloniale "civilisatrice" qui est menée chez nous contre les colonisé.e.s de l'intérieur, auxquel.le.s on voudrait apprendre à rire de tout (sauf du maître) et dont on voudrait faire des "musulmans modérés" (par exemple, des musulmans "qui ne vont que peu, voire pas du tout, à la mosquée et qui fêtent Noël" – entendu sur RTBF/La Première!) Depuis le 7 janvier, tout sujet télévisuel, radiophonique ou médiatique qui aborde la tuerie de Charlie
Hebdo – ou, chez nous, les événements de Verviers – du point de vue de l'islam ne crée pas seulement un amalgame: il distille à tout va le venin d'un racisme sournois, banal, voire trivialisé. Ainsi, le traitement médiatique fait à l'histoire de Lassana Bathily – le "musulman malien" qui a aidé de potentielles victimes juives d'Amedy Coulibaly à s'enfuir de l'épicerie cachère de la porte de Vincennes – parle en images inversées. Le jeune homme a eu beau s'évertuer à répéter qu'il n'est pas un héros, que le fait d'être musulman n'a rien à voir avec son geste et qu'il voulait "juste la nationalité française", il n'aura pas pu échapper à la cérémonie d'honneur aux côtés des Valls et Cazeneuve, ni à l'étiquette de "héros musulman". Tout se passe comme si n'importe quel autre "musulman" à la place du pauvre Lassana se serait fait une joie de livrer les victimes juives en pâture au preneur d’otages. Et pendant ce temps, celles et ceux qui n'ont sauvé personnes sont prié.e.s de se désolidariser de la tuerie, une sommation qui est non seulement humiliante mais sous-entend surtout que tous sont potentiellement, si pas coupables, au moins complices... Pendant ce temps-là également, la télé nous assène des images de manifestations des "anti-Charlie" (terme devenu interchangeable avec "fou(s) d'Allah") à travers le monde, dont seul un journaliste un peu zélé de la RTBF a pris la peine de démontrer le caractère ultra-minoritaire.
Que faire (face à ce cirque indécent)?
Dans les semaines qui ont suivi les attentats de Paris, la France a vu déferler une vague d'actes islamophobes mettant parfois en jeu des vies. En Belgique, c'est le mouvement Pegida, directement inspiré de "l'expérience" islamophobe et antimigrant.e.s d'Allemagne [lire en page 23], qui tente de pointer le bout de son nez. Dans ce contexte, les appels à "éviter les amalgames" sonnent particulièrement creux (et font mal aux oreilles dans la bouche de certain.e.s). Pour reprendre le terme du sociologue Saïd Bouamama, les "islamalgames" du type "port du foulard = obscurantisme" ont imprégné les consciences depuis bien longtemps. Les événements de ce mois de janvier 2015 ne font que leur procurer une force renouvelée, repoussant toujours plus les limites de l'ostracisation. En premier lieu, c'est donc l'obscurantisme des classes dominantes
dans nos rues. Il conviendra également de rester attentifs aux velléités impériales des puissants qui voudront utiliser les attentats de Paris comme un prétexte à de nouvelles expéditions punitives, qui sèment la misère de Bamako à Kaboul en passant par Gaza. Si le problème posé par le "djihadisme européen" doit se régler en Europe, notre sort est indissociable de celui des populations ostracisées du monde. Dans ce contexte-là, les théories du complot et leur corollaire, l'antisémitisme, qui risquent fort de proliférer dans le climat délétère qui s'installe chez nous doivent être combattues également en ce qu'elles constituent une réponse biaisée, basée sur des distinctions raciales et/ou sectaires, à des problèmes qui concernent avant tout l'immense majorité. Au final, c'est donc bien à nous qu'il appartient de construire des alternatives crédibles, capables d'englober tou.te.s celles et ceux qui, pour paraphraser la rédaction de Quartiers Libres [quartierslibres.wordpress.com], "pris entre l'enclume néo-libérale et le marteau des takfirs réactionnaires, veulent tuer le forgeron". ■
ne s'agit pas d'aller chercher des réponses de façon mécaniste dans les conditions économiques de celles et ceux qui se radicalisent [lire en page 20]. Le désarroi prolifère également sur d'autres apories du système individualiste néolibéral capitaliste dans lequel nous vivons: aliénation, pensée unique, absence d'alternatives... Ainsi, celles et ceux qui empruntent la voie de la violence ne sont pas tou.te.s à proprement parler "des pauvres". Par ailleurs, il s'agit également de construire une riposte efficace au fascisme et aux réponses fascisantes qui sévissent déjà
photo de la série Stop The Violence par Francois Robert francoisrobertphotography.com
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et des médias que nous devons combattre. En effet, ceux-là s'évertuent à chercher des solutions aux conséquences de leurs propres actes dans la religion des autres, tout en mettant très sérieusement à mal la liberté de conscience et en ignorant, comme le faisait remarquer Julien Salingue, nombres d'études empiriques qui pointent la religion comme vecteur et non comme source de radicalisation. Il convient donc de déconstruire le discours dominant et de le mettre face à ses propres contradictions. Et nous devons le faire de manière offensive, main dans la main avec les premiers et les premières concerné.e.s. Parallèlement à cela, il s'agit de dénoncer sans relâche les conditions sociales et matérielles qui produisent de la frustration et un ressenti violent au sein des couches populaires, racisées mais pas seulement. Outre qu'elle souligne le caractère strictement vectoriel d'une certaine compréhension de la religion, la question des jeunes converti.e.s et radicalisé.e.s en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire démontre que c'est bien au sein de notre société qu'il y a un problème. Et il
Six skeletons smoking around the dinner table, circa 1865 London Stereoscopic Company Hulton Archive / Getty Images
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✒ par Kim Tondeur En Syrie et en Irak, ce sont décapitations publiques, viols répétés, attaques systématiques contre les populations kurdes et la minorité religieuse Yézidi. En Belgique et en France, assassinats antisémites et attentat monstrueux à Charlie Hebdo. A raison, le djihad armé fait froid dans le dos: "ces gens là sont des fous". Pourtant (à quelques exceptions près sans doute) le terrorisme n'est pas l'œuvre de fous ni de monstres ex-nihilo, mais le produit extrême d'un processus de radicalisation qui n'est rien d'autre, in fine, qu'un processus de socialisation. A ce titre, les clés de compréhension de ce phénomène résident non pas dans les Textes mais bien dans les contextes d'interaction. Le premier réflexe à adopter est donc sans doute le suivant: pour comprendre les motivations qui poussent Belges et Européens à partir combattre au Moyen-Orient, il faut aller chercher les sources du problème en Europe, au sein de nos sociétés, et non dans l’appartenance confessionnelle et/ou communautaire. Pratiquement, cela veut dire qu’il faut 1) évacuer une fois pour toutes le débat stérile et dangereux sur l’implication de l’Islam dans l’incitation à la haine et à l’action violente. Au contraire, de nombreuses instances et individualités musulmanes ont non seulement fermement condamné les exactions des radicaux d’Al Nosra et de Daesh, mais l’analyse des communiqués de djihadistes dévoilerait de surcroît une très faible connaissance des écrits coraniques et suggérerait un enrôlement de nature sectaire plus que religieuse. Il s’agit également 2) d’éviter la stigmatisation sur base de l’appartenance ethnique: s’il existe des cas exceptionnels de familles parties combattre, ce serait une erreur énorme que d’y chercher la cause principale des départs; les membres de familles de djihadistes ne partageant que rarement les pensées radicales de leurs proches: l’endoctrinement se fait sur une autre base. Enfin, il s’agit de 3) relativiser le rôle de la situation au Moyen-Orient et celui de l’exposition médiatique aux
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du niqab et de la burqa dans l’espace public ne représentent que la part visible et légale de l’iceberg. Mais aujourd'hui, les relents islamophobes se révèlent au grand jour et sans pudeur à la lumière de polémiques comme celle causée par l’existence de "djihadistes européens". Ainsi, la campagne "not in my name" qui appelle chaque musulman à se désolidariser Il convient de s’interroger sur les des barbaries de l’OEI ne caractéristiques structurelles de nos mérite pas de faire couler plus d’encre que celle sociétés qui peuvent favoriser la nécessaire à la dénonradicalisation des jeunes Belges vers cer: cette campagne une forme d’action politique violente. témoigne du "non-dit fondamental" selon lequel "le musulman est Entre autres, les difficultés d’inté- suspect par définition". Une triste réalité gration dues au manque de perspective confirmée par les événements récents d’avenir, le racisme et à l’islamophobie puisque, faisant suite aux événements du galopante auxquels ces jeunes font face 7 Janvier, la France dénombre en deux au quotidien, mais aussi l'échec relatif de semaines autant d'actes islamophobes que nos démocraties. Selon Mohssin El Gharbi sur toute l'année 2014. Les horreurs comet Soufian Gharbaoui, il existe bel et bien mises par Daesh au nom de l’Islam ne font un lien positif entre l’augmentation du que renforcer le rejet en bloc de cette relichômage et la précarisation du travail gion pourtant si riche, et nourrit ainsi les et les probabilités de voir augmenter les propos radicaux d’un Islam mis à mal. Le formes violentes d’engagement politique. djihadisme armé, d’une certaine manière, Dès lors, il faut étudier le djihad euro- s’auto-alimente. péen à la lumière de la crise économique Sans y arrêter l'analyse, on peut enfin prolongée que nous connaissons, dont les évoquer ici une troisième raison majeure: mesures d’austérité qui l’accompagnent le manque d'autonomie citoyenne. Dans touchent en premier lieu les jeunes et un brochure consacrée au départ des les postes à faible rémunération, par ail- jeunes Belges en Syrie, la CNAPD notait leurs souvent occupés par des Belges issus à juste titre la louabilité de la volonté de l’immigration. Les Belges d’origine d'engagement citoyen dont font preuve ces marocaine ou turque par exemple, qui tra- jeunes. Cette volonté est positive en soi, et vaillent majoritairement dans des secteurs nous invite donc plutôt à questionner les en perte de vitesse, font de surcroît face à ratés de nos sociétés dites "démocratiques", un taux de chômage qui s’élevait à 38% en qui peinent à offrir aux jeunes Européens 2004, soit 5 fois supérieur à celui de leurs révoltés – et a fortiori à ceux issus de concitoyens à la même époque. Qui plus l'immigration – un champ d'action praest, on sait que l’augmentation du chô- tique, démocratique et non-violent. mage et de la précarité fait aussi les choux gras des discours et politiques racistes, Le "monstre" est amorçant par là un effet boule de neige. paradoxalement l'outil idéal Effectivement favorisée par les du pouvoir inégalités sociales (sans qu’on puisse Il est facile de faire passer la folie et la nécessairement l’y réduire), il existe une barbarie pour un état de nature lorsqu'ils islamophobie larvée dans nos sociétés sont précisément le produit d'un lieu et dont les lois belges telles que l’interdiction d'une époque. Le monstre idéal a en effet horreurs qui y sont commises comme moteur principal de motivation. Si cela doit certainement jouer, il semblerait trop réducteur d’y chercher une cause première. C'est bien plutôt de l'attentisme de nos gouvernements envers Israël ou le régime des Assad que se nourrit la radicalisation islamique et les discours haineux.
montage: Little Shiva
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Djihadisme: genèse d'un monstre idéal
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le caractère du mythe: "Il est constitué par la déperdition de la qualité des choses [...] qui perdent en lui leur souvenir de fabrication" (Barthes 1957 : 230). Mais puisqu'il se définit toujours par rapport au "normal", c'est aussi le propre du monstrueux que de pointer du doigt le quotidien banal. Force est de constater que celui-ci est à ce jour peu reluisant. A travers la figure du djihadiste belge et européen, c’est notre imaginaire d’un terrorisme "lointain" et "périphérique" qui est remis en cause. Ce terrorisme "barbare" sur lequel on a tant éructé et qui donne du souffle aux discours xénophobes et racistes nous apparaît en effet aujourd’hui – plus clairement que jamais – comme le produit de nos sociétés également. Dans un tel contexte, ce serait une grave erreur que de nier cette réalité à travers ce double réflexe malheureusement trop courant de repli nationaliste et de rejet de l’"Autre". Au contraire, il s’agit d’accepter la part de responsabilité de nos sociétés afin de mettre en place des politiques audacieuses capables de traiter des problèmes de fond. ■ Kim Tondeur est anthropologue et auteur d'un dossier sur le djihad pour Pax Christi. Références: BARTHES, Roland, 1957, Mythologies, Paris, Éditions du Seuil. EL GHABRI, Mohssin et Soufian GHARBAOUI, 2014, "Qui sont ces Belges partis combattre en Syrie? Grille d’analyse micro-économique pour éclairer la décision publique", Etopia, p14.
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Victoire héroïque, victoire politique… ✒ par Emre Öngün Kobane a été reprise par les combattant.e.s kurdes du YPG/YPJ. Il s’agit des unités armées du PYD lié au PKK (principale organisation du mouvement de libération kurde en Turquie), alliées aux peshmergas du PDK (dont l’influence porte sur le Kurdistan irakien) et à la coalition "Volcan de l’Euphrate", regroupant des groupes kurdes non affiliés au PKK et des groupes arabes sunnites dont certains participent à l’Armée Libre Syrienne (Liwa Thuwwar al-Raqqa) ou au Front Islamique (Brigade Al-Tawhid). Cette victoire marque probablement la fin d’une séquence commencée le 15 septembre 2014. Le soutien logistique des puissances occidentales ne doit pas tromper: c’est une victoire héroïque et chèrement payée de nombreuses vies, plusieurs centaines même si aucun chiffre fiable n’est disponible. La bataille de Kobane renforce bien évidemment la position du mouvement kurde en Syrie et en Turquie et marque un coup d’arrêt ne serait-ce que symbolique pour l’EI (Organisation de l’État islamique, ndlr). Elle signifie également un nouveau camouflet pour le gouvernement turc du parti conservateur-autoritaire-ultralibéral de l’AKP. Le président turc Erdogan n’est pas particulièrement enthousiaste en ce qui concerne l’EI mais comptait sur la défaite des troupes kurdes liées au PKK afin s’améliorer le rapport de force en sa faveur en Turquie. Après cela, il s’agissait probablement de se débarrasser de l’EI par l’intervention de la coalition tout en s’assurant de la chute d’Al-Assad en Syrie… Et ainsi gagner sur tous les tableaux. Mais cette manœuvre (trop) ambitieuse, à plusieurs bandes, s’est révélée au-dessus des capacités des dirigeants turcs. Au contraire, c’est le PKK qui a réussi à fédérer autour de lui contre l’EI et a affermi sa position dans le Kurdistan syrien dont il a proclamé l’autonomie alors qu’au début, lorsque les troupes ont débarqué
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dans cette zone, cette démarche n’était pas sûre de réussir. De plus, il apparaît internationalement comme le fer de lance de la lutte sur le terrain contre l’EI. La réaction d’Erdogan ne s’est pas fait attendre. De retour d’une tournée en Afrique, celui-ci a déclaré: "Nous ne pouvons pas accepter une Syrie du Nord!" (c’est-à-dire une Syrie du Nord kurde et autonome, entendue comme un pendant au gouvernement régional kurde en Irak du Nord). Ce cri du président turc a été suivi par une déclaration véhémente comportant une part de vérité lorsqu’il déplore l’abandon à son sort de la ville d’Alep face au régime criminel d’Al-Assad… mais dont la conclusion prouve son impuissance internationale: "J’espère que les Américains vont réviser leur jugement (soutien à Kobane, ndlr) et feront ce qui est juste". Ce qui confirme que le grand frère américain fait peu cas de ce partenaire qui s’est embourbé... Mais n’est pas impuissant pour autant. En effet, la victoire à Kobane n’efface pas les dangers auxquels font face les peuples de la région: L’EI n’est pas désarmé et contrôle des parties importantes de la Syrie et de l’Irak. Il s’installe comme une réalité tangible, cherche à implanter un régime avec son administration. Il ne peut pas être assimilé à une bande de brigands armés. Vouloir sa destruction sans proposer une solution viable aux Arabes sunnites de la région est toujours une impasse. Le régime d’Al-Assad continue à massacrer son peuple et le danger est grand de le voir revenir d’une manière ou d’une autre, de rompre définitivement son isolement et d’asseoir son autorité à la faveur de la "lutte contre l’EI". Enfin, mis en échec en Syrie, il est tout à fait possible qu’Erdogan utilise les "sympathisants" de l’EI en Turquie même dans sa fuite en avant autoritaireconservatrice, tout en échouant dans les pourparlers avec le PKK... Une bataille est gagnée… Mais l’avenir est encore lourd de dangers. ■ article publié le 28.01.2015 sur le site www.ensemble-fdg.org
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Bataille de Kobane
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✒ par Manuel Kellner Depuis octobre 2014, il y a en Allemagne des manifestations contre "l’islamisation". La première de taille à faire la Une des médias avait été organisée par les "Hooligans gegen Salafisten" (HoGeSa, "Hooligans contre Salafistes") avec 5000 participants dans les rues de Cologne, alors que les contre-manifestants n’avaient pu rassembler que quelques centaines de personnes. Après cela, c’est une initiative au nom de PEGIDA ("Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes" – "Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident") qui a pris le relais. Elle a été lancée par un certain Lutz Bachmann à Dresde qui est devenu son porte-parole. D’abord ce n’étaient que quelques centaines qui venaient aux "manifestations du lundi" dans cette ville de Saxe dans l’est de l’Allemagne qui criaient entre autres "Wir sind das Volk" ("Nous sommes le peuple"), allusion consciente aux manifestations de masse en 1989 contre le régime du SED dans la RDA. Puis, ce furent des milliers, et en mi-décembre 15.000 (et même plus d’après certaines estimations). Il y avait à peu près 6.500 contre-manifestants. L’initiative a été reprise dans d’autres villes et régions, et le mouvement était vite au centre du débat politique public en Allemagne. Un certain nombre de politiciens comme la chancelière Angela Merkel se sont vite distancés de PEDIGA, mauvais pour l’image de l’Allemagne dans le monde. Mais beaucoup d’autres ont déclaré qu’il fallait "prendre au sérieux les soucis des gens". Quels soucis? Le chômage, la précarité, l’inégalité sociale de plus en plus grotesque, la destruction de nos bases naturelles de survie? Non, le souci d’être inondé par un océan d’étrangers avec les "prêcheurs de la haine" musulmans et les terroristes islamistes à la clé...
Lutz Bachmann a publié une plateforme (Positionspapier der PEGIDA) en 19 points dont les points 1, 3 et 5 et partiellement 10 ont la fonction évidente d’alibi (1): Pour accueillir les réfugiés, pour les loger de manière humaine, pour les encadrer par plus de travailleurs sociaux et l’affirmation de ne pas se dresser contre les musulmans "bien intégrés" vivant en Allemagne. Mais ces points-là ne sont pas articulés par les orateurs de PEGIDA envers les manifestants – les autres points oui, et d’autres qui vont plus loin. Entre autres: Le devoir des "étrangers" de s’intégrer au lieu du seul droit d’asile, répartition plus équitable des réfugiés au sein de l’UE, plus de moyens financiers pour la police pour les surveiller, pour l’application conséquente des lois sur l’asile et les expulsions, tolérance zéro envers les demandeurs d’asile et les immigrants criminels, sauvegarde et protection de la culture occidentale judéo-chrétienne, etc., puis aussi contre le "gender mainstreaming" et l’imposition d’un langage "politiquement correct".
Des nazillons organisateurs
Dans les discours publics et les commentaires de participants, le tout est bien plus robuste. Les réfugiés, les musulmans, les immigrés sont la cible de propos haineux. Le monde politique des partis établis est attaqué en tant que complice des islamistes et des éléments "étrangers". Les réfugiés, dit par exemple Lutz Bachmann, vivent dans le luxe, tandis que les mères allemandes n’ont plus de quoi acheter des cadeaux de Noël pour leurs enfants. Et Katrin Oertel, un autre membre du comité d’organisation de PEGIDA à Dresde, dit que les immigrés doivent "s’adapter aux normes, aux mœurs et à la culture allemande" – ce qui rappelle, par ailleurs, des positions articulées par le dernier congrès des chrétiens-conservateurs du CSU bavarois…
Allemagne
Pegida: un mouvement ultra-réactionnaire, islamophobe et raciste Lutz Bachmann n’est pas trop bien placé pour l’agitation contre les "immigrés criminels". Il a été lui-même plusieurs fois traduit en justice – entre autres choses pour cambriolages, délits de drogues, conduite de voitures sans permis de conduire et pour se soustraire à la justice allemande en fuyant en Afrique du Sud – mais a-t-on jamais vu un panneau d’indication rouler dans la direction qu’il indique ? De toute façon, dans le personnel organisateur de PEGIDA, on retrouve des personnes bien connues des milieux d’extrême droite, y compris des néonazis de souche. Notamment, dans le comité d’organisation de KÖGIDA, de la filiale de PEGIDA à Cologne, il y a une certaine Melanie Dittmer, fasciste depuis sa plus tendre jeunesse, qui soutient que l’Holocauste est une invention des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale et qui veut sauver l’Allemagne d’un cauchemar semblable à celui à Londres où, d’après-elle, le nom le plus souvent choisi pour les nouveau-nés, c’est Mahomet. Le responsable qui a annoncé la manifestation de KÖGIDA du 5 janvier officiellement à la police, Sebastian Nobile, est lui aussi actif depuis longtemps dans des structures néonazies comme la "German Defense Ligue" interdite, avec de bons contacts avec la bande assassine "blood and honour" et dans une autre organisation d’extrême droite, les "identitaires".
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Il faut dire que même à Dresde, le nombre de manifestants PEGIDA semble reculer et le nombre de contremanifestants avancer, et dans les autres villes d’Allemagne, comme à Berlin, à Munich, Münster et d’autres, le nombre de contre-manifestants a été beaucoup plus grand que celui des manifestants. C’est le 5 janvier à Cologne qui symbolise ce retour des choses. On a pu le voir dans les médias internationaux – ce soir-là, le Kölner Dom, la cathédrale de Cologne, n’était pas éclairé. Les lumières d’autres églises étaient éteintes également, ainsi que celles de la chambre de l’industrie et du commerce, des grands hôtels et des ponts du Rhin. Des manifestants de KÖGIDA, il n’y en avait que quelques centaines, dans le sombre de la nuit, mais les contre-manifestants étaient des milliers, 10.000 au minimum, mais probablement plutôt 25.000 (chiffre donné dans la communication électronique interne de la police sur place). La difficulté de donner des chiffres exacts provient du fait de l’intervention massive de la police contre les contremanifestants, les dispersant en partie, opposant des grilles métalliques à l’immense foule voulant progresser vers le petit groupe des manifestants de KÖGIDA. Une panique de claustrophobie de masse a été évitée de justesse. Mais la pression mécanique de la foule a été si impressionnante qu’à la fin la police a dû conseiller aux manifestants de KÖGIDA de renoncer à défiler sur un des ponts du Rhin comme prévu et, en fin de compte, à ne défiler nulle part. Le tout a été un échec catastrophique pour KÖGIDA, au point que ses organisateurs avaient annoncé de s’abstenir dorénavant à manifester à Cologne…
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Ce n’est pas par hasard qu’après le massacre des journalistes et caricaturistes de Charlie Hebdo, KÖGIDA vient de réviser cette décision et d’annoncer de vouloir manifester chaque mercredi à Cologne près de sa cathédrale – et, bien entendu, les organisateurs des contre-mobilisations se préparent à répondre à cette initiative par des contre-manifestations aussi massives que possible.
Un problème à méditer
A Cologne, il y a deux comités d’unité d’action qui préparent les actions contre PEDIGA et contre toute autre manifestation raciste et xénophobe. Il y a les milieux des initiatives antifascistes et des organisations de gauche, puis les organisations du monde du travail, les syndicats du DGB et le SPD. Mais en fait, c’est l’ensemble du monde politique (sauf l’extrême droite), associatif et institutionnel qui apparaît comme front uni à ces occasions, surtout ce coup-ci, en incluant les partis bourgeois traditionnels et les organisations patronales. Et à Dresde, après l’attentat contre les journalistes de Charlie Hebdo, on vient de voir une manifestation de 20.000 ou plus pour la tolérance, contre la violence, contre PEDIGA et contre le racisme, à l’appel de presque tout le monde, y compris du gouvernement régional mené par le CDU chrétien-conservateur. Bien entendu, on peut se réjouir du fait qu’il semble y avoir maintenant un bien plus grand nombre de gens prêts à se mobiliser contre les agissements racistes et islamophobes que de gens qui suivent les appels de PEGIDA et de ses filiales et semblables. Mais d’autre part, les manifestations de PEDIGA articulent une radicalisation de toute une couche de la population, souvent faisant partie des classes moyennes, qui se sentent
antisystème, qui hurlent de joie, quand des orateurs dénoncent la "presse mensongère d’Etat", les "partis de bloc qui se foutent de notre gueule" (partis de bloc: fine allusion aux partis légaux groupés autour du "parti dirigeant", le SED, dans feu la RDA), les "bureaucrates et les bonzes corrompus" qui ne répondent pas aux aspirations des bonnes petites gens du peuple allemand. Il faudra donc discuter des possibilités de donner un contenu de classe et d’internationalisme plus précis aux mobilisations antifascistes. Ce sont les forces politiques défendant l’ordre établi et les intérêts du grand capital qui créent au quotidien les raisons pour les radicalisations réactionnaires. Et plus précisément: qui, par une politique inhumaine et des propos inacceptables créent eux-mêmes l’atmosphère propice au populisme de droite et aux campagnes racistes. Mis à part le discours vaguement humaniste "politiquement correct", les politiciens des partis procapitalistes établis opposent à PEDIGA et aux radicalisations racistes des considérations sur l’importance de l’immigration "bien qualifiée" pour l’économie allemande, pour le financement des pensions, pour les recettes fiscales… Mais PEDIGA elle-même parle des "bons" immigrants bien intégrés… Tout en se situant formellement dans le cadre du grand mouvement d’unité nationale contre PEGIDA et ses semblables (on ne contredit pas son propre chef de parti qui est en plus la chancelière du gouvernement allemand), le ministre de l’Intérieur de Saxe Markus Ulkig (CDU) annonce sous les applaudissements des manifestants de PEGIDA la création de nouvelles unités policières spéciales "contre les demandeurs d’asile criminels" et d’autres "malfaiteurs notoires" ("Intensivtäter").
fck pgda: facebook.com/nopgda — "Kein Mensch": Tanja Djordjevic flickr.com/fotokiosk
Allemagne La contre-mobilisation
Cela rappelle la première moitié des années 1990, où les attentats contre les demandeurs d’asile se multipliaient, condamnés bien entendu solennellement par un monde politique qui néanmoins mettait en pratique les revendications principales des enragés racistes en transformant le droit d’asile incorporé dans le "Grundgesetz", dans la constitution allemande, en un "droit" de grâce. C’est du semblable qui se prépare maintenant: Une rhétorique des bonnes paroles qui accompagne et masque un durcissement du traitement déjà extrêmement restrictif du petit nombre de réfugiés qui ont réussi d’entrer en Allemagne malgré la forteresse meurtrière qui est là pour les en empêcher. Les mobilisations PEDIGA ne tombent pas du ciel. (2) Avant celles-ci, en Allemagne, il y a eu un grand nombre d’agissements et de mobilisations racistes dirigés contre les réfugiés. De janvier à novembre 2014, le chiffre des réfugiés en Allemagne est monté à 130.000. Même si les données statistiques montrent que la disposition à la radicalisation raciste ne dépend ni de la part de réfugiés ni de la part d’immigrés dans la population (à Dresde, par exemple, les deux chiffres sont particulièrement bas), il est vrai qu’il y a eu, en 2014, un grand nombre d’actions contre l’hébergement de réfugiés dans des quartiers aisés comme dans des quartiers populaires, à l’ouest comme à l’est de l’Allemagne. Souvent, elles étaient portées
ensemble par des habitants allemands du voisinage et des forces d’extrême droite et néonazis organisées. L’association "Pro Asyl" comptait 220 mobilisations dirigées contre des réfugiés de janvier à novembre 2014, et dans la même période 31 actes de vandalisme dirigés contre eux, 24 attentats incendiaires contre leurs lieux d’habitation imposés et 33 attaques physiques contre des réfugiés particuliers. Des sondages d’opinion montrent la montée des préjugés racistes, xénophobes et islamophobes dans la population allemande. En 2011, 25,8% étaient strictement contre un traitement moins restrictif des demandeurs d’asile, en 2014 ce sont 76%. En 2011, 30,2% se sentaient "étranger dans leur propre pays" à cause du grand nombre de musulmans, en 2014 ce sont 43%. Maintenant, une majorité de 55,9% pense que les "Tziganes" (les Roms) ont une tendance criminelle, en 2011 c’était encore une (importante) minorité de 42%. On peut estimer à 12% le potentiel d’extrême droite pur et dur en Allemagne (et le parti Die Linke et les autres partis et organisations de gauche bien plus petits ont à peu près le même potentiel), prêt à se mobiliser dans des manifestations, si ce n’est pas trop loin de leurs résidences respectives. Seulement une partie est prête à voter pour l’AFD ultra-conservatrice, ultranéolibérale et populiste de droite (qui, d’après l’institut Forsa, se situe pour le moment à 5% des intentions de vote – cela
a déjà été plus). Une partie du personnel de ce parti a cherché à collaborer avec PEGIDA, son chef Bernd Lucke (professeur d’Economie ultralibéral) a déclaré sur sa page Facebook que les revendications de PEGIDA seraient "légitimes". Mais lui, et surtout son compère Olaf Henkel (ex-président d’une des deux grandes associations patronales), prennent plutôt leurs distances vis-à-vis de PEGIDA, par peur de perdre leur semblant de sérieux dans les milieux conservateurs et libéraux bourgeois. D’autres dans l’AFD, situé à leur droite, se révoltent contre cette distanciation, et ça donne une crise de direction dans le parti… En fait, PEDIGA est une tentative de briser l’isolement et la dispersion de l’extrême droite pour arriver à des mobilisations significatives et à s’éloigner de l’image d’extrémisme de droite pour apparaître comme une force enracinée "au sein de la société allemande". Il est bien possible que cette initiative, en fin de compte, n’aboutisse pas – mais ce n’est certainement pas la dernière. ■
Allemagne
Un potentiel ultra-droitier
Cologne, le 11 janvier 2015 * Tribune écrite pour Viento Sur. (1) www.i-finger.de/pegida-positionspapier.pdf (2) Pour des éléments d’analyse voir: www. sozialismus.de/kommentare_analysen/detail/ artikel/willkommens-unkultur-in-deutschland
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Grèce
Victoire de Syriza
Le début de la fin de l'hégémonie néolibérale en Europe? ✒ par Mauro Gasparini Personne ne sait encore dire où elle nous mènera, mais une nouvelle période s'est ouverte en Europe après la victoire électorale de Syriza en Grèce. Les sondages l'annonçaient de plus en plus clairement, les urnes l'ont confirmé: c'est un vrai raz-de-marée pour Syriza, qui avec ses plus de 36% dépasse la droite (Nouvelle Démocratie) de plus de 8% et relègue les restes de social-démocratie à moins de 5%. Après cinq années de résistance sociale massive en Grèce contre les fameux mémorandums qui ont mis des millions de grec.que.s dans la pauvreté, et lancé un processus de destruction caractérisée des services publics, l'échiquier politique grec est bouleversé. Au total, les forces pro-austérité ne réunissent plus "que" 40% des voix, leurs opposants sont donc très largement majoritaires, et les seules forces de gauche radicale (Syriza, le parti communiste KKE, à 5% et la coalition anticapitaliste Antarsya, à 0,6%) totalisent près de 42% des voix. Malgré tout, Syriza a échoué à deux sièges près à obtenir seul la majorité absolue au Parlement. Les rapports entre social-démocratie néolibérale et gauche radicale se sont totalement inversés dans le Parlement par rapport à l'avant-crise.
La question des alliances
Très rapidement après leur victoire, les dirigeants de Syriza ont annoncé une alliance avec le parti de droite populiste ANEL (les Grecs Indépendants), une scission de la Nouvelle Démocratie orientée anti-mémorandum mais également farouchement conservatrice. Quand nous parlons de populisme, il est utile de rappeler que ses dirigeants sont sensibles à des théories du complot, et sont aussi capables d'appeler au lynchage public d'un maire favorable aux investisseurs étrangers pour une mine d'or en Chalcidique, dans le Nord de la Grèce. Alors pourquoi Syriza s'est-il embarqué dans cette galère? Il est clair
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que cette alliance est contre-nature sur plusieurs points (ANEL est très pro-Eglise et plutôt anti-immigrés et LGBT, alors que Syriza est laïque, pro-LGBT et antiraciste), et sort du cadre d'un "gouvernement de gauche" qui était espéré. Cela a évidemment choqué nombre d'observateurs, et a suscité des critiques de la composante anticapitaliste de Syriza, DEA (Gauche ouvrière internationaliste). En y regardant de plus près, la stratégie de Tsipras et son équipe est claire: plutôt que de s'allier avec des forces pro-mémorandum, y compris To Potami (nouveau parti centriste néolibéral), et plutôt que d'essayer une nouvelle fois de convaincre le KKE (replié sur un sectarisme extrême au point de refuser de discuter avec Syriza), ils ont préféré assurer une coalition clairement anti-mémorandum et de "salut national", en confrontation avec la Troika (UE, FMI, BCE) qui dirige de facto la Grèce depuis 2010. L'option d'un gouvernement minoritaire mais homogène était jugée trop risquée. Ce pari est risqué, et nécessitera comme d'autres aspects une vigilance et une mobilisation vigoureuse pour limiter au maximum une influence d'ANEL sur les choix du gouvernement. Jusqu'à présent, il faut reconnaître que les pires craintes ne se sont pas (encore?) réalisées en la matière.
Les débuts du gouvernement Syriza
En effet, les premières mesures et les premiers gestes ont montré une véritable rupture avec les habitudes et avec la domination sans partage des gouvernements et politiques néolibérales depuis des décennies sur le continent. La composition du gouvernement est un vrai patchwork, fait d'intellectuels, de personnalités issues du mouvement social, de l'aile gauche de Syriza qui obtient plusieurs ministères dangereux comme celui du Travail, de formations autres que Syriza (comme les Verts qui obtiennent l'Environnement, et ANEL qui obtient… la Défense), et même d'anciens du PASOK, avec les postes-clé entre les mains des proches de Tsipras. Gros bémol: aucun "super-ministère" n'est accordé à une femme, bien que ce soit Zoé Konstantopoulou qui obtienne la présidence du Parlement (une première historique), et les femmes ne comptent au total que pour 6 des 24 vice-ministères. Très en deçà d'objectifs paritaires, donc. C'est du côté des mesures du gouvernement qu'il y a plus de matière à se réjouir: certes, on n'a pas ici de programme résolument anticapitaliste, avec nationalisation des banques et secteurs-clés de l'économie, etc. Mais, faut-il le rappeler, la victoire de Syriza n'est évidemment pas une révolution socialiste. La nouvelle équipe marque par contre un net changement de cap anti-austérité, envoyant voler en éclats cette phrase répétée ad nauseam depuis les années 1980: "Il n'y a pas d'alternative". En effet, parmi les première mesures annoncées, dont il faudra vérifier l'application concrète, il y a l'arrêt des privatisations d'entreprises stratégiques (électricité, ports), la ré-embauche de milliers de fonctionnaires licenciés, la hausse du salaire minimum de 580 € à son niveau (déjà bas à 751€) d'avantmémorandum, l'annonce de l'octroi de la nationalité à tous les enfants nés en Grèce de parents immigrés, la réinstauration des conventions collectives de travail, la suppression du forfait de 5€ par visite à
ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens", à Merkel, Hollande ou Draghi (de la Banque Centrale européenne) et Christine Lagarde du FMI. Le gouvernement Syriza a décidé d'en finir ouvertement avec la Troika, et de ne négocier qu'avec ses interlocuteurs gouvernementaux. Mais même si la forme change, et que Syriza aiguise les contradictions entre partisans d'une austérité dure et ceux d'une version allégée et étalée, comment parvenir à contenter les capitalistes et le peuple grec? Comment sortir de l'austérité sans sortir de l'euro, sans même poser d'acte "unilatéral" souverain, et avec l'appui des institutions autoritaires néolibérales européennes? Pour l'instant l'équipe de Tsipras n'a pas commis de faute tactique importante, et a même réussi à refuser la dernière tranche de 7 milliards d'euros de prêts de la Troika fin février. Avec pour conséquence que si la BCE ne change pas son fusil d'épaule en autorisant Athènes
Grèce
l'hôpital, et la réintégration des étudiant.e.s exclu.e.s pour leur cursus "trop long" (parce qu'ils travaillaient à côté). Du côté symbolique, Alexis Tsipras a prêté un serment civil et non religieux (autre première historique) et s'est directement rendu à un monument à 200 résistants communistes grecs victimes du nazisme. Par ailleurs, les barrières protégeant le Parlement du peuple grec ont été levées le premier jour. Sur la question épineuse et centrale de la dette publique grecque, le gouvernement Syriza veut mettre en œuvre son scénario de "quadrature du cercle" et négocier une réduction drastique de celle-ci avec ses créanciers sans menacer de quitter l'euro.Pour rappel, les prêts à la Grèce n'ont servi qu'à 10% au gouvernement grec, tout le reste est allé rembourser les créditeurs et dans le renflouement des banques privées. L'affirmation du KKE selon laquelle ce gouvernement ne constitue pas un changement politique en faveur du peuple confirme l'option dramatiquement sectaire de ce parti.
sources: Tsipras > Daily Mail — Varoufakis > Huffpost — IMF > london.indymedia.org — montage euro: Little Shiva
Beaucoup d'inconnues, beaucoup de possibilités
Avec toutes ces mesures, le gouvernement Syriza bénéficie d'une cote de popularité exceptionnelle à 70%, un état de grâce dont ses dirigeants ont tout intérêt à profiter au maximum. Programmatiquement, il reste l'inconnue ANEL: les alliés de droite souverainiste ont semble-t-il accepté de mettre en œuvre tout le programme socio-économique de Syriza, à condition qu'on ne touche pas à l'Eglise orthodoxe et qu'on évite une détente avec la Turquie et la Macédoine, et ils héritent de la Défense, un budget important en Grèce. Deux tabous, donc, mais quid des droits des personnes LGBT par exemple? Syriza va-t-il s'appuyer sur des majorités alternatives avec les néolibéraux de gauche du PASOK ou de To Potami pour faire avancer leurs droits? Et si oui, ANEL prendra-t-il le risque de mettre en danger la coalition? Autre inconnue, majeure celle-là: quelle sera la réaction des fameux "marchés financiers", c'està-dire les grands capitalistes? Après l'annonce de l'arrêt de privatisations, la Bourse d'Athènes a chuté de 9% en une journée et les taux d'intérêts des bons grecs partaient à la hausse. Cette inconnue est liée à une autre, celle de la réaction des dirigeants de la Troika, de Juncker, président de la Commission européenne, qui proclame qu'"il
a bénéficier de meilleures conditions d'emprunt, la Grèce risque de faire défaut à très court terme… et d'être sortie de l'euro. C'est ce qui s'appelle "renvoyer la balle". Le ministre des finances Varoufakis s'est aussi entouré de conseillers de la banque d'investissement Lazard pour ses négociations avec les créditeurs, la même qui a pourtant été mouillée dans la gestion calamiteuse de la dette grecque avec les précédents gouvernements. Reste enfin l'inconnue de la réaction dans l'appareil d'Etat face à ce gouvernement anti-austérité: la police est infiltrée par les nazis d'Aube Dorée, Syriza va-t-il enfin agir contre ce fléau? Autant de questions auxquelles aucune certitude positive ne peut être accordée. Mais c'est aussi le fruit de cette nouvelle période: il y a aujourd'hui autant de réelles incertitudes que de réelles possibilités de faire progresser les intérêts des classes populaires. ■ la gauche #71 février-mars 2015
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histoire rebelle
14-18: la guerre s’enlise, l’opposition se développe ✒ par Guy Van Sinoy En décembre 2014 plusieurs émissions TV ont fait écho de la fraternisation sur le front entre soldats belligérants à l’occasion de la Noël 1914: rencontres entre fantassins allemands d’une part et français et britanniques d’autre part, matches de football organisés dans le no man’s land entre les tranchées, etc. Ces fraternisations, passibles du Conseil de guerre, sont l’indice d’un profond dégoût de la guerre parmi les soldats qui s’affrontent depuis l’été 1914.
Une boucherie industrielle où les hommes sont de la chair à canon
Le développement massif de l’industrie lourde, et en particulier de la métallurgie et de la chimie, permettent de fabriquer des armes de destruction inconnues à ce jour. L’artillerie lourde pulvérise tout (bâtiments, hameaux, arbres) et transforme la campagne en véritable paysage lunaire. Les fantassins, terrorisés, n’ont jamais connu un tel déluge. D’autant plus que les états-majors n’ont même pas pris la peine d’équiper leurs troupes de matériel adéquat. Les soldats français sont coiffés d’un képi et ne disposent pas de casques. L’uniforme du fantassin français, composé d’un pantalon rouge et d’une capote bleu marine, est une ineptie sur un champ de batailles où les mitrailleuses sèment la mort. De surcroît comme, en août 1914, les états-majors avaient prévu que la guerre ne durerait que quelques semaines, on n’avait pas prévu d’équipement chaud pour l’hiver. Sur tous les fronts, les officiers envoient les soldats quasi désarmés face aux mitrailleuses ennemies. «Il était huit heures du matin, nos batteries de 75 déclenchèrent tout à coup un feu violent sur les lignes adverses. Cela nous paraissait formidable mais c’était absolument insuffisant pour protéger notre attaque. Au bout de quelques minutes, le mot fatal ‘En avant!’ se répéta dans la tranchée. Nous pensions escalader la tranchée tous à la fois et partir en tirailleurs au
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coude à coude, eh bien non, on avait trouvé mieux: de la tranchée se détachait un petit boyau long d’une quinzaine de mètres avec au bout quelques marches grossièrement taillées, c’était par là à la file indienne que nous allions sortir. A défaut de volontaires, la section que le sort avait désignée commença le mouvement. Notre section venait après. Vu la grande distance et un léger brouillard qu’un pâle soleil ne parvenait pas à dissiper tout à fait, les Allemands tout d’abord ne s’aperçurent de rien, mais à peine une vingtaine d’hommes étaient-ils sortis qu’une mitrailleuse se mit à claquer, puis deux, puis trois, on ne savait plus, comme des grêlons des balles venaient frapper le rebord de la tranchée, nous faisant baisser la tête; à l’escouade qui nous précédait, un homme eut l’épaule traversée par une balle et perdait du sang en abondance tant qu’il en mourut faute de soins immédiats; mais les brancardiers étaient on ne sait où et puis il ne fallait pas retarder notre marche, défense de s’arrêter pour soigner, secourir même son frère. En passant, ou plutôt en enjambant ce premier blessé qui râlait, nous dûmes patauger dans son sang, ce qui nous impressionna fort désagréablement. Les plus stupides comprirent qu’on allait à la mort sans aucun espoir de succès, tout simplement pour servir de cibles vivantes aux mitrailleurs allemands. On aurait été commandés par des chefs à la solde du Kaiser, vendus à l’ennemi, qu’on n’aurait pas agi autrement pour nous attirer dans un guet-apens et nous faire massacrer.»(1)
A l’arrière, l’opposition à la guerre impérialiste se développe
Au début de la guerre, les militants socialistes qui adoptent une position internationaliste en s’opposant à la guerre sont une infime minorité. Ils doivent souvent échapper à l’arrestation. Le 26 juillet 1914, Lénine qui séjourne en Galicie, une province autonome soumise à l’autorité de l’Empire Austro-hongrois, est arrêté. Remis en liberté le 6 août, il part aussitôt pour la Suisse. Le 3 août, Trotsky se
trouve à Vienne et il part précipitamment pour Zurich afin d’échapper à une arrestation. Il faut dire que bon nombre de figures prestigieuses de la Deuxième Internationale se rangent du côté de la "défense nationale", parmi lesquelles: le menchevik russe Georges Plekhanov, qui avait introduit le marxisme en Russie, Karl Kautsky, théoricien marxiste allemand, Jules Guesde qui avait pris position en faveur de la Commune de Paris en 1870, devient ministre d’État en 1914. Martov, par contre, dirigeant menchevik adopte une position internationaliste. Ajoutons enfin que Benito Mussolini, directeur du quotidien socialiste italien Avanti! se rallie à la guerre, après avoir été auparavant anti-interventionniste. Expulsé du Parti socialiste italien en novembre 1914, Mussolini créée son propre journal Il Popolo d’Italia qui prend des positions nationalistes proches de la petite-bourgeoise. En 1921, il fondera le Parti national fasciste. A partir de novembre 1914, Lénine et Zinoviev, réfugiés en Suisse, entament la publication du journal Social-Démocrate. A Zurich, Trotsky publie en octobre 1914 la brochure La Guerre et l’Internationale (2), où il tire les enseignements de l’effondrement de la Deuxième Internationale. A partir de novembre 1914, Trotsky est à Paris où il participe au journal russe Naché Slovo (Notre Parole) avec un groupe de militants internationalistes. Les internationalistes russes en exil à Paris trouvent un appui dans les milieux anarcho-syndicalistes, et notamment auprès de Pierre Monatte, d’Alfred Rosmer, d’Alphonse Merrheim et d’Albert Bourderon (Fédération des Métaux). Monatte et Merrheim mènent bataille au sein de la CGT pour s’opposer à la ligne majoritaire chauvine. Mais la bourgeoisie veille et écarte les opposants. C‘est ainsi que Monatte et Merrheim sont mobilisés et doivent partir pour le front. A Berlin, le pouvoir utilise les mêmes méthodes. Karl Liebknecht, seul député social-démocrate allemand à voter contre les crédits de guerre en décembre 1914, est à son tour mobilisé. Rosa Luxemburg
Naché Slovo, quotidien socialiste russe à Paris pendant la guerre
Voici ce qu’écrit Alfred Rosmer à propos de la publication de Naché Slovo à Paris, pendant ces années difficiles. "Les groupements d’émigrés russes de Paris n’avaient pas échappé, eux non plus à la panique spirituelle provoquée par la venue de la guerre ni aux conséquences de l’effondrement de l’Internationale. Il suffira de mentionner que le groupe bolchevik de Paris fut particulièrement éprouvé, un contingent notable de ses membres allant jusque l’enrôlement volontaire pour la guerre. Mais les socialistes de divers groupes qui ne voulaient pas abdiquer furent amenés à se rencontrer et le rassemblement allait donner naissance au quotidien Naché Slovo. L’âme du journal, c’était AntonovOvséenko; il avait toutes les charges, la rédaction, l’administration, surtout celle de trouver les ressources indispensables. Il montrait une ténacité et un optimisme qui étonnaient même Trotsky point dépourvu pourtant de ces deux qualités. La grosse préoccupation, c’était le papier, grosse dépense sur laquelle on ne pouvait rien rogner. Avec les typos, on s’en tirait toujours, bien qu’il y eût toujours un gros arriéré de salaires; même quand il n’y avait rien pour eux dans la caisse, ils faisaient le journal; autant que les rédacteurs qui le considéraient comme leur œuvre. Le journal parut d’abord, le plus souvent, sur quatre pages, de petit format; mais il fallut assez vite renverser la proportion et se contenter d’une seule feuille. Même réduit à deux pages, il restait solide et substantiel, apportant une information abondante et, selon la mode russe, des ‘feuilletons’ de doctrine et de discussions
Alfred Rosmer 1877-1964
théoriques. La collaboration était nombreuse et de qualité. A côté de Trotsky qui la dominait, on trouvait Martov (jusqu’à Zimmerwald) Lounatcharsky, Riazanov, Kollontaï, Lapinski, Lozovsky, Tchitchérine, Angelica Balabanova, Brodsky, Radek, Rakovski, Artëm, Ouritsky, Manouilski. La dispersion des émigrés à travers le monde assurait une correspondance internationale nourrie. Aucun journal ne fut jamais plus sérieusement préparé. La rédaction se réunissait chaque matin pour le travail de préparation du numéro. C’était l’occasion de longues et souvent vives discussions, quand les diverses tendances représentées dans le groupe se heurtaient. Pour nous, qui avons vu vivre Naché Slovo, qui savons aussi ce qu’a fait le groupe Bolchévik de Paris, il nous faut exprimer notre reconnaissance au groupe de Naché Slovo pour l’aide qu’il a apportée au mouvement ouvrier français pendant la guerre, et constater que ce que son effort représente, de courage, d’intelligence, de dévouement, ne se rencontre pas fréquemment dans l’histoire du mouvement ouvrier. Rentrés en Russie, sous Kerenski, les rédacteurs de Naché Slovo se rapprochèrent très vite du bolchevisme; ils se trouvaient en plein accord avec la plate-forme défendue par Lénine, tandis que Lénine se heurtait à des résistances voire à ses oppositions dans les sommets même de son propre parti. Leurs noms se rencontrent à toutes les pages de l’histoire de la Révolution: avant Octobre, pendant les journées d’Octobre et après Octobre. Il faut en conclure qu’ils n’étaient pas si mal préparés." –Alfred Rosmer (3) ■
histoire rebelle
avait été condamnée en février 1914 pour "incitation publique à la désobéissance" à l’issue d’un procès retentissant. Elle est incarcérée en février 1915.
(1) Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, Louis Barthas, Ed. Maspero, Paris 1979, pp 67-68. (2) La Guerre et l’Internationale, Trotsky, octobre 1914, www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ guerint/guerint00.html (3) Le mouvement ouvrier pendant la guerre, de l’Union sacrée à Zimmerwald, Alfred Rosmer, Librairie du Travail, Paris, 1936, pp 244-249.
Milite dans l’aile syndicalisme révolutionnaire à la CGT avant 1914. Il connaît l’anglais, le russe et l’italien, ce qui lui donne l’occasion de participer aux réunions internationales. Opposé à la guerre, il soutient la Révolution d’Octobre et est mandaté comme délégué au 2e Congrès du Komintern où il est élu au Comité Exécutif. Il reste à Moscou pendant plus d’une année, revient en France et adhère au PCF. Membre du Bureau politique, il perçoit
que l’élimination de Trotsky se prépare à Moscou. Il diffuse le Testament de Lénine et est exclu du PCF. Participe à la fondation de la Ligue communiste de France en 1930 mais s’en écarte après plusieurs polémiques. Il reprend contact avec Trotsky à l’occasion des Procès de Moscou. En 1938, il prête sa petite maison pour le congrès de fondation de la Ive Internationale mais n’y participe pas. Il a notamment écrit Moscou sous Lénine (Paris, Maspero, 1970). la gauche #71 février-mars 2015
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religion
A propos d’opium du peuple ✒ par Daniel Tanuro "La religion est l’opium du peuple": s’il est une citation de Marx que tout le monde connaît, c’est bien celle-là. A chaque fois que la religion fait irruption dans l’actualité politique, des laïcs la ressortent, comme si cette petite phrase avait le pouvoir magique de clouer le bec aux croyants en démasquant la nature absolument réactionnaire de leur foi. Pour certains, les attentats terroristes ont été une nouvelle occasion d’exorciser les masses en exhibant l’aphorisme marxien: "religion, sors de ces corps!". Marx doit se retourner dans sa tombe, car la fameuse citation est sortie de son contexte et employée à tort et à travers. Au risque de simplifier, disons que l’auteur du Capital ne condamne pas l’usage de l’opium, il tente de comprendre les raisons sociales qui le rendent indispensable à la majorité de l’humanité. Nuance. Voici le texte intégral: "La religion est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple". Ce jugement ne clôt pas le débat sur la religion, il l'ouvre et nous en indique la profondeur dialectique. Car la religion est à la fois une chose et son contraire: "l’expression de la misère réelle et la protestation contre cette misère réelle". Elle est soumission et refus, passivité et aspiration utopique. C’est parce que la religion présente cette nature contradictoire qu’il est vain d’espérer l’affaiblir par le blasphème, la provocation, voire l’interdiction. Le débat n’est pas neuf. Après l’écrasement de la Commune de Paris, une partie des révolutionnaires réfugiés à l’étranger revendiquaient l’interdiction de la religion. Friedrich Engels n’était pas tendre avec eux: "Persécuter des idées que l’on n’aime pas est le meilleur moyen de les renforcer. Le seul service que l’on puisse rendre à Dieu aujourd’hui, c’est encore de transformer l’athéisme en un article de foi qui doit être imposé (…) en interdisant totalement la religion." Entre parenthèses: cet avertissement est à prendre encore
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plus au sérieux quand on s’attaque aux croyances d’une minorité opprimée, dont la religion constitue un facteur d’identité. Le marxisme est issu de la philosophie des Lumières. Ses fondateurs sont athées mais leur matérialisme diffère de celui de leurs prédécesseurs. Ludwig Feuerbach, par exemple, pensait tordre le cou à la religion en montrant que les représentations célestes ont leur équivalent sur terre, qu’elles servent à justifier. Or, pour Marx, le défi majeur n’est pas de descendre du ciel sur la terre, mais au contraire d’expliquer comment et pourquoi on monte de la terre au ciel. Autrement dit: puisque la religion sépare l’être réel et l’être idéel, le matérialisme conséquent doit conclure que cette séparation est le produit des conditions sociales concrètes dans un contexte historique déterminé.
chercher à unir les exploité.e.s et les opprimé.e.s pour agir sur les causes sociales est en définitive la seule stratégie susceptible de déboucher sur un succès. C’est dans ce cadre qu’il faut aborder les débats de l’après-Charlie. Les crimes commis à Paris et à Vincennes sont monstrueux. Mais qu’expriment-ils avant tout? Un vice fondamental de l’islam, sa barbarie inhérente? Non, une dérive extrême de la protestation sociale qui, pour une série de raisons, a choisi l’islam comme vecteur. Celles et ceux qui, dans nos pays, s’enrôlent dans le djihad, sont issus d’une frange de la société accablée
Il s’agit donc de changer les conditions sociales concrètes, plutôt que de condamner la religion de façon idéologique et atemporelle. Cette analyse modifie profondément la stratégie face à la religion. C’est ainsi que le programme de lutte des marxistes révolutionnaires revendique la séparation de l’église et de l’Etat, mais pas l’athéisme. Pourquoi? Peu suspect de complaisance vis-à-vis de la religion, Lénine répond très clairement: "l’unité dans la lutte réellement révolutionnaire de la classe opprimée pour la création d’un paradis sur terre est plus importante pour nous que l’unité de l’opinion prolétarienne sur le paradis aux cieux". D’une manière générale, la religion n’est pas la cause profonde qui met des masses en mouvement mais elle peut être le vecteur par lequel les causes profondes, qui sont sociales en dernière instance, se manifestent de façon plus ou moins déformée. La nature contradictoire de la religion fait que ce vecteur peut aller vers la gauche ou vers la droite, selon les circonstances concrètes. Il va de soi que la première hypothèse est plus favorable que la seconde mais, dans les deux cas,
par le chômage, l’exclusion, le racisme et l’humiliation [lire notre dossier dans ce numéro]. La répression seule ne fera qu’attiser l’incendie, et l’islamophobie ne fera que jeter de l’huile sur le feu. C’est l’engrenage barbare. On n’en sortira ni par la dénonciation de la religion, ni par l’éducation sur ce qu’est "vraiment" l’islam. La réponse de fond réside dans la lutte pour une alternative qui ne laisse personne au bord du chemin et qui rompt avec les politiques coloniales, au MoyenOrient et ailleurs. ■
Frontal d'altar de la Seu d'Urgell o dels Apòstols", peinture d'ar t roman médiéval, Musée national d'ar t de Catalogne. Photo: La Gauche
Jeudi 26 février à partir de 18h à l‘UPJB, rue de la Victoire 61 à Saint-Gilles Il y a quelques années – plus ou moins nombreuses – tu as peut-être participé à l’une des 31 légendaires Rencontres Internationales des Jeunes de la IVe Internationale. En tout cas, tu en as certainement entendu parler. Es-tu au courant de la grande nouvelle? Le prochain camp aura lieu… tadaaam… en Belgique du 26 juillet au 1er août, comme il y a tout juste 25 ans! Parce qu’on a besoin de rassembler un maximum de forces financières et humaines et parce que c’est une bonne occasion pour se retrouver, se rappeler les bons souvenirs et fêter ça, nous invitons tou.te.s celles et ceux qui, comme toi, ont connu de près ou de loin les saisons passées à une petite soirée-camp jeudi 26 février. Au programme: des photos des éditions précédentes qui défilent avec toutes nos petites bouilles mélangées (n’hésite pas à envoyer celles que tu aurais conservées à info@anticapitalisme.be pour les inclure au montage), des anecdotes des camps passés, des idées pour le camp futur, des chants révolutionnaires comme musique de fond… ambiance camp quoi. L’objectif est aussi de commencer à récolter des fonds pour permettre à un maximum de jeunes de participer au camp. C’est pour ça (mais oui c’est pour ça) qu’il y aura un bar et que, en échange de minimum 5 euros (et plus si tu le peux), nous te proposons un souper international… dans le style du camp. Oui, ça fait peur comme ça mais on promet que ce sera bon! Pour avoir un idée des quantités, merci de réserver en écrivant à info@anticapitalisme.be ou en téléphonant au 0474/91.64.59 avant le 24 février.
Conférence
Où trouver La Gauche?
Géopolitique israélo-palestinienne
Bruxelles
Avec Michel Warschawski, journaliste militant pacifiste israélien
Tropismes
Mercredi 25 février à 19h Gouvernement provincial du Hainaut (rue verte 13 à Mons)
Couleur du Sud
Une organisation conjointe d'International Hainaut Tourisme, l’Association Belgopalestinienne de Mons-Borinage, les Amis du Monde Diplomatique de Mons, Borinage 2000 asbl, l’antenne montoise du CNCD-11.11.11, la Formation Léon Lesoil, la Maison des Jeunes de Cuesmes, le PAC, le Théâtre du Copion (Baudour), le MOC, le ClEP et Village du Monde (Cuesmes). P.A.F. : 5€
Conférence-débat
Galerie des Princes 11 1000 Bruxelles Avenue Buyl 80 1050 Ixelles
Volders Avenue Jean Volders 40 1060 Saint-Gilles
Joli Mai Avenue Paul Dejaer 29 1060 Saint-Gilles
Charleroi Carolopresse
Sécurité sociale: stop au démantèlement
Boulevard Tirou 133 6000 Charleroi
Jeudi 26 février à 19h30 Rue Sœurs De Hasque 9 (près de la place St. Paul) à Liège
Mons
Le gouvernement Di Rupo a commencé la sale besogne. Ce gouvernement Michel-De Wever accélère de démantèlement de la sécurité sociale, en connivence avec le patronat. Assistanat, précarisation, pauvreté… sanctions, exclusions! Mise en péril du financement de la sécurité sociale! Défense des droits conditionnels! Solidarité salariés et allocataires sociaux! Pour en parler: Matéo Alaluf, docteur en sciences sociales (ULB) et Bernadette Schaeck, animatrice de l’ADAS (association de défense des allocataires sociaux).
Le Point du Jour Grand'Rue 72 7000 Mons
Couleur Livres Rue André Masquelier 4 7000 Mons
Wavre Librairie Collette Dubois Place Henri Berger 10 1300 Wavre
Conférence organisée par la Formation Léon Lesoil.
Rencontres anticapitalistes de printemps Du 13 au 15 mars 2015
Organisées depuis plusieurs années par la Formation Léon Lesoil, en collaboration avec la LCR-SAP et les JAC, ainsi que des camarades de France (NPA), des Pays-Bas (SAP-Grenzeloos) et d’Allemagne (ISL, composante anticapitaliste de Die Linke), les RAP vont nous permettre cette année encore de nous rassembler avec des activistes et des auteur.e.s militant.e.s de la gauche critique. image credit
En vente dans les librairies suivantes:
agenda /agenda lecture
Le camp des jeunes de la IVe, tu te souviens?
www.lcr-lagauche.org info@lcr-lagauche.org www.facebook.com/lcr.sap.4 www.twitter.com/LcrSap4
Infos et inscriptions sur www.lcr-lagauche.org/rap2015 ou via rencontres.anticapitalistes@gmail.com
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