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60e année prix 2 euros | er 2016 janvier-févri
BELGIE-BELGIQUE P.B. 1/9352 BUREAU DE DÉPÔT BRUXELES 7 P006555 JAN-FÉV. 2016
sommaire
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e prix 2 euros | 60e anné janvier-février 2016
3 Édito par La Gauche Les attentats du 13 novembre à Paris: la terreur de 4
l’Etat islamique, l’état d’urgence, nos responsabilités
par Pierre Rousset et François Sabado
On ne lutte pas contre le terrorisme en limitant les libertés 6 démocratiques! par Denis Horman Médias: Entends-tu la voix du patronat? par Pauline Baudour 8
9 Appel:"De la peur à la résistance, urgence démocratique" par La rédaction La religion peut-elle servir le progrès social? par Gilbert Achcar 1 0 Christine Delphy:"Si on ne respecte pas toutes les femmes, on ne 1 2 peut pas dire qu'on est féministe" par Pauline Baudour
Comité de rédaction: Sébastien Brulez, Charlotte Clabecq, Matilde Dugaucquier, François Houart, Daniel Tanuro, Guy Van Sinoy Design: Little Shiva
Il y a 25 ans: Syndicalistes contre la guerre par Guy Van Sinoy 1 6
La Gauche est le journal bimestriel de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), section belge de la Quatrième Internationale.
Comment concilier travail et vie de famille 1 7 quand on est cheminot.e? par Guy Van Sinoy
Les articles signés n’engagent pas forcément la rédaction.
Le spectre de la géoingénierie hante l’accord de Paris 1 8 par Daniel Tanuro
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L'EZLN veut réduire en purée les fossoyeurs du climat 2 1 par La rédaction
Tarifs et abonnements: 2 euros par numéro; 10 euros par an étranger: 20 euros par an Abonnement de soutien: 15 euros
La contamination sécuritaire par Léa Dubuisson 1 4
2 2 France: Après les régionales, un bilan sans concession par Christine Poupin 24 Etat espagnol: Vers un scénario d'ingouvernabilité par Jaime Pastor 2 6 Venezuela: Le chavisme à bout de souffle... Et le mouvement populaire? par Sébastien Brulez 2 8 Nos tâches internationalistes par Pierre Rousset et François Sabado 2 9 Les nôtres… Albert Struyf (1933-2015) par Guy Van Sinoy
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La Gauche est éditée par la Formation Léon Lesoil e.r. André Henry, 20 rue Plantin 1070 Bruxelles
3 0 Leçons de la première révolution russe de 1905 par Guy Van Sinoy 3 2 Ilan Halevi, 100% juif et 100% arabe par Daniel Liebmann 3 4 A lire... 3 5 Agenda / Où trouver La Gauche?
La Une dessin: Arnold De Spiegeleer
2 la gauche #75 janvier-février 2016
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édito
A gouvernement radical, réponses anticapitalistes!
dessin: Arnold De Spiegeleer
✒ par La Gauche Le gouvernement Michel-De Wever se radicalise! Du point de vue sécuritaire, il veut utiliser les tragiques tueries du 13 novembre pour renforcer son appareil répressif: contrôle massif, possibilité de perquisitionner 24h/24, extension de la garde à vue jusqu’à 72h, proposition de procéder à l'incarcération par mesure administrative (sans intervention d'un juge) des jeunes revenus de Syrie, etc. [Lire en pages 6 et 7] Toutes ces mesures sont non seulement inefficaces (on sait par exemple que les prisons sont loin d’être un lieu de réinsertion, mais on sait aujourd’hui qu’elles sont en plus un lieu de radicalisation terroriste), mais elles sont aussi dangereuses pour nos libertés. Elles pourront, et seront sans aucun doute, utilisées pour museler tout mouvement contestataire d’ampleur qui menacerait le pouvoir. Concernant l’extension de la garde à vue, le député PTB-GO! Marco Van Hees indiquait récemment sur son compte Facebook, à la suite d’une réunion de la commission Terrorisme à la Chambre: "Le ministre de la Justice avait déjà ce projet des 72 heures avant les attentats. Et la nouvelle proposition de la majorité prévoit ces 72 heures dans tous les cas, sans les limiter au terrorisme. D'ailleurs, la moitié des discussions, aujourd'hui, ne portaient pas sur le terrorisme. Je suis donc intervenu à nouveau, en fin de réunion, pour dénoncer le fait que cette commission Terrorisme sort de son cadre. C'est la première proposition et déjà on constate que le gouvernement utilise la lutte contre le terrorisme comme un pied-de-biche pour faire passer des plans qui n'ont rien à voir avec le terrorisme, mais qui menacent nos libertés constitutionnelles et une Justice équitable pour tous. Une dangereuse pente glissante…" Nous avons déjà pu constater, lors de la grève intersectorielle du 23 novembre dans le Hainaut, comment la police essayait (sans grande conviction), sous prétexte d’alerte niveau trois, de limiter
le nombre de personnes à 15 aux piquets devant les entreprises. Les travailleurs ne se sont pas laissés intimider et ont montré leur détermination en restant à leur poste. A Bruxelles, le retour au niveau trois est aujourd’hui perçu comme un "retour à la normale", alors que les militaires occupent toujours les rues, les gares, etc. D’un point de vue politique, cette radicalisation sécuritaire du gouvernement ne fait que précéder une nouvelle radicalisation des mesures antisociales. Bart De Wever a présenté ses bons vœux en annonçant qu’il voulait faire "davantage d'économies sur le budget de la sécurité sociale". La justification est toute trouvée pour Darth Vader De Wever: "Il n'y a que là que nous pouvons encore grignoter de l'argent. Ce n'est plus le cas en ce qui concerne le fonctionnement de l'Etat. Au contraire, en raison de la menace terroriste et de la crise des réfugiés, nous allons devoir dépenser davantage. Non pas par plaisir. Mais parce que nous devons assumer les tâches principales de l'Etat, telles que garantir la sécurité". C’est donc tout trouvé, sous prétexte de "garantir la sécurité", le gouvernement va intensifier ses coupes dans les services publics et sociaux. Et il en profite au passage pour renforcer l'amalgame menace terroriste/réfugiés, accentuant encore les divisions en laissant entendre que ceux-ci
seraient en plus responsables du trou dans le budget de l’Etat (alors que par ailleurs le gouvernement refuse de récupérer 700 millions d’euros offerts en cadeaux aux multinationales et pourtant considérés comme "régime fiscal illégal" par la Commission européenne). Ces dernières semaines, seuls les cheminot.e.s ont réagi en décrétant deux jours de grève. Une combativité à soutenir et à étendre aux autres secteurs. Au lendemain d’une COP21 taillée sur mesure pour les apprentis sorciers de la géoingénierie [lire en pages 18 à 20], une grève du rail doit aussi être l’occasion de faire la jonction plus que jamais nécessaire entre le mouvement syndical et le mouvement pour la justice climatique. Seuls des transports publics de qualité permettront de sortir du tout-à-la-voiture mortifère. Ailleurs, dans le Hainaut, la CGSP Admi de Mons-Borinage a récemment voté une motion appelant "à en finir avec ce gouvernement de malheur". Le texte souligne que "la récente actualité de nos camarades cheminots démontre, s’il le fallait encore, qu’avec ce gouvernement, il est utopique d’espérer un changement par le biais de la négociation". La contestation n’est pas morte, le potentiel de mobilisation est latent et ne demande qu’à s’exprimer. A nous de tout mettre en œuvre pour le faire ressurgir. ■ la gauche #75 janvier-février 2016
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actualité
Les attentats du 13 novembre à Paris: la terreur de l’Etat islamique, l’état d’urgence, nos responsabilités ✒ par Pierre Rousset et François Sabado
similaire, qui répondent à la même nationale; d’autres comme en réaction logique destructrice. Notre solidarité est ont tellement souligné les très réelles internationale, elle se tourne en particulier responsabilités politiques et historiques vers celles et ceux qui, en d’autres pays, la de l’impérialisme occidental que la combattent au péril de leurs vies: en Syrie dénonciation de l’Etat islamique en est et en Irak, au Liban et à Bamako, au devenue inaudible. Au fil des jours, les Pakistan et en Turquie… Nous devons prises de position se sont souvent clarifiées. Le 13 novembre constitue un changement dans la situation politique nationale avant tout affirmer notre compassion, Tant mieux. Mais on lit encore bien notre identification, notre fraternisation des articles jugeant que si les attentats et internationale. "n’avaient aucune excuse", il fallait avant avec les victimes, avec leurs proches. Solidarité avec les victimes! En un tel moment, nous continuons tout prendre en compte "le contexte"– L’Etat islamique (EI, Daesh) a encore bien entendu à poursuivre la lutte de l’analyse dudit contexte se réduisant pour frappé, et plus fort encore. En janvier, les classes, à soutenir le combat de toutes l’essentiel à l’énumération des méfaits cibles étaient les journalistes de Charlie et tous les opprimés, mais au-delà, impérialistes, on pourrait en conclure Hebdo, la police et les juifs. Cette fois-ci, nous défendons l’humanité contre la que les mouvements fondamentalistes c’est la jeunesse du pays qui est visée. Ils barbarie. La dimension humaniste de ne font que réagir à l’action des grandes n’ont pas tué n’importe où et n’importe l’engagement révolutionnaire reste puissances et que nous devrions qui: ils se sont attaqué aux jeunes, à la pour nous une boussole. Toute politique en quelque sorte leur accorder des jeunesse sous toutes ses couleurs, quelque progressiste commence par l’indignation, circonstances atténuantes. Il est nécessaire soient ses origines, ses religions (ou l’émotion. Elle ne se réduit pas, bien de lever toute ambigüité à ce sujet. absence de religion), ses opinions poliEtrangement, bien des plumes de entendu, à celles-ci, mais tel est son point tiques. Au moins 130 morts, plus de 350 gauche dénoncent vigoureusement de départ. N’opposons pas réfléchir à blessés – un millier au bas mot de témoins les attentats fondamentalistes, mais se pleurer! Ne parlons pas d’une langue de directs du carnage. Beaucoup d’entre refusent à condamner nommément, bois, n’écrivons pas d’une plume glacée! nous ont des proches parmi les victimes explicitement, les mouvements qui les Ici et maintenant, aidons les victimes et et, sinon, nous avons des amis qui en ont. commettent. Plus étrange encore, bien leurs proches, participons aux moments L’onde de choc, l’émotion, est profonde. des organisations qui n’hésitent pas à le de deuil, aux minutes de silence, aux L’objectif poursuivi par les manifestations de solidarité. Nous sommes faire (nommer les coupables, expliciter commandos de l’Etat islamique ne fait dans ce mouvement – et c’est de là que leur caractère réactionnaire) n’en tirent pas mystère: fracturer par la terreur la aucune conséquence pratique. Quand on nous pouvons expliquer nos positions. société. Créer une situation où la guerre en arrive aux tâches, le combat contre des uns contre les autres s’impose; où la Quel que soit le rôle de le terrorisme et contre ces fondamentalpeur dresse d’infranchissables barrières l’impérialisme, l’Etat islamique ismes n’est plus mentionné; ce qui, soit entre les citoyennes et citoyens selon leurs est responsable de ses actes dit en passant, laisse à nos gouvernants Les révolutionnaires se doivent de le monopole des réponses spécifiques. origines, leurs religions, leurs modes de vie, leurs identités – creuser un fossé de sang rejeter clairement et nettement la barbarie Nous sommes généralement d’accord au sein même de la religion musulmane, fondamentaliste. Elle doit être combattue – pour nous attaquer aux impérialismes forcer les croyants à choisir un camp. Qui par nos méthodes, selon notre orientation et à leurs guerres, à une mondialisation n’est pas avec nous jusqu’à l’inhumain est et non celle de nos gouvernants – mais capitaliste destructrice, aux inégalités contre nous, et devient une cible"légitime". elle doit être activement défaite. et aux discriminations, à l’idéologie du Sous le choc des événements, des choc des civilisations, aux racismes – dont Les attentats de Paris ont été parmi les plus sanglants perpétrés dans le monde organisations de gauche, associations et l’islamophobie – aux héritages du passé par l’État islamique et autre mouvement syndicats ont plié devant l’appel à l’union colonial, aux politiques sécuritaires et
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metronews.fr/info/en- direct-attentats- du-13-novembre -a-paris-7-arrestations- en-belgique - en-lien-avec-les-attaques/mokn!cAMM4zofRkng6/
Nous reproduisons ci-dessous une partie de l’article publié dans Inprecor n°622 (décembre 2015) et sur www.inprecor.fr. Par manque de place, nous avons choisi de ne pas y inclure les deux parties plus spécifiques à la France,"La crise de société en France" et "Un tournant de la situation nationale". La partie sur "Nos tâches internationalistes" est publiée en page 28 de ce numéro.
concernant la montée des fondamentalismes religieux en d’autres parties du monde, y compris dans des pays qui n’ont rien connu de comparable à la guerre de 2003, comme l’Inde (extrême droite hindouiste), la Birmanie (extrême droite bouddhiste) ou les Etats-Unis (extrême droite chrétienne – puissante bien avant le 11 septembre, 2001 et fort proche de Bush).
Retour sur le "choc des barbaries"
au sens fort du terme. Bien entendu, la France est frappée en raison de sa politique moyen-orientale ou de son histoire coloniale et post colonial. Mais lorsque Daesh massacre les Yezidis parce qu’ils sont Yezidis, réduit des populations à l’esclavage, vend des femmes, déstabilise le Liban, pousse aux extrêmes les violences interconfessionnelles (notamment à l’encontre des chiites), quel est le rapport avec un supposé anti-impérialisme? Tous les mouvements fondamentalistes n’ont pas les mêmes bases, la même stratégie. Certains, comme l’Etat islamique, sont-ils fascistes? Ils n’entretiennent pas les mêmes rapports (complexes) avec des secteurs des bourgeoisies impérialistes comme en Europe dans les années 30, mais les reproduisent avec des secteurs des bourgeoisies de "puissances régionales" comme au MoyenOrient l’Iran, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie… Ils attirent la "poussière d’humanité" de sociétés en déliquescence aussi bien que des éléments des "classes moyennes", d’une "petite bourgeoisie" d’un salariat éduqué. Ils usent de la terreur "par en bas" pour imposer leur ordre. Ils déshumanisent l’Autre et en font des boucs émissaires comme hier les nazis des Juifs, Tziganes ou homosexuels. Ils éradiquent toutes formes de démocratie et d’organisations populaires progressistes. L’exaltation religieuse occupe la même fonction que l’exaltation nationale dans l’entre-deux-guerres et leur permet, en sus, de se déployer internationalement. Il serait étrange que les convulsions provoquées par la mondialisation capitaliste ne donnent pas naissance à de nouveaux fascismes, comme il serait étonnant que ces derniers ressemblent trait pour trait à ceux du siècle précédent. Il y a une différence avec les fascismes européens, c’est l’imbrication de cette réaction intégriste totalitaire, de la crise de dislocation d’Etats, et des rapports de domination impérialistes-économiques et militaires qui encadrent la région. La lutte antiterroriste doit être menée par les peuples de la région, et non par une coalition de puissances occidentales. Une nouvelle intervention militaire des puissances impérialistes et de la Russie, appuyée sur chacun de ses flancs, par les pays du golfe et par la dictature syrienne, peut affaiblir Daesh sur le plan militaire, mais elle ne peut que provoquer une réaction de rejet de tous les peuples sunnites de la région. ■
actualité
états d’exception, aux appels à l’union nationale et à la paix sociale… A certaines causes donc et aux conséquences des drames que nous vivons. Mais nous devons aussi combattre l’influence de Daesh (entre autres) dans nos propres sociétés et nous solidariser concrètement avec les résistances populaires dans les pays du Sud déchirés par le fanatisme religieux – un devoir internationaliste s’il en est! Il y a là un "point aveugle" dans une bonne part de la gauche radicale, même celle qui ne sombre pas dans un"campisme"délétère. C’est pourquoi nous donnons de l’importance à cette question dans notre contribution. L’Etat islamique et autres mouvements similaires ne se contentent pas de réagir; ils agissent selon un agenda qui leur est propre. Ce sont des acteurs politiques qui poursuivent des objectifs déterminés. Il fait peu de doute que Daesh soit effectivement responsable des attentats de Paris. Cette organisation a construit un proto-État sur un territoire équivalent à celui de la Grande-Bretagne. Elle gère une administration, accumule d’immenses richesses (évaluées à près d’1,8 milliards de dollars), organise la contrebande de pétrole ou de coton. Elle mène des opérations de guerre sur de multiples théâtres d’opérations, a recruté des informaticiens du plus haut niveau… Elle n’est pas une marionnette! Elle est responsable de ces actes – totalement responsable des attentats qu’elle commet en tant de lieux. Cette responsabilité propre ne s’efface pas du fait des responsabilités de l’impérialisme, aussi écrasantes soient ces dernières – et depuis longtemps: des accords Sykes-Picot du début du XXe siècle aux interventions actuelles des grandes puissances. On entend souvent dire que sans l’intervention US de 2003 en Irak (qui a déstabilisé la région, disloqué des Etats), Daesh n’existerait pas. Ce n’est vrai qu’en ce qui concerne un enchaînement spécifique qui a conduit à la fondation de l’Etat islamique tel qu’on le connaît. Autrement, c’est faux. L’émergence des forces djihadistes ne découle pas mécaniquement de la seule domination impérialiste, elle est le produit combiné de nombreux facteurs qui vont de la faillite des gauches arabes (et européennes) jusqu’à la volonté des bourgeoisies dans la région d’avoir de nouvelles forces contre-révolutionnaires pour appuyer leurs ambitions régionales ou combattre la montée révolutionnaire au sein du monde arabe. C’est aussi vrai
Il y a une responsabilité impérialiste occidentale, comme au lendemain de la guerre 14-18 (le traité de Versailles) dans la montée du nazisme en Allemagne. Les antifascistes de l’époque n’ont pas manqué de le rappeler systématiquement. Cependant, une fois qu’il a pris son envol, le parti nazi a été dénoncé et combattu en tant que tel. Daesh a pris son envol… Nous devons continuer à expliquer le contexte, mais l’Etat islamique doit être appréhendé pour ce qu’il est, pas comme la simple ombre portée de l’Occident. L’impérialisme contemporain, les politiques néolibérales, la mondialisation capitaliste, les entreprises de recolonisation, les guerres sans fin déchirent le tissu social d’un nombre croissant de pays, libérant toutes les barbaries. Mais les fondamentalismes religieux sont eux aussi de redoutables agents de la désintégration de sociétés entières. Il n’y a pas en l’occurrence une "barbarie principale"(de l’Occident) qu’il faudrait combattre aujourd’hui et une "barbarie secondaire"(Daesh et consort) dont on ne devrait se préoccuper que dans un avenir indéfini. L’inverse est tout aussi vrai: on ne doit pas fermer les yeux sur la barbarie impérialiste et celle des dictatures "alliées" sous prétexte de combattre la barbarie fondamentaliste. Il n’y a pas de hiérarchie dans l’horreur. On doit défendre activement et sans attendre toutes les victimes de ces barbaries jumelles, qui se nourrissent l’une l’autre, sous peine de faillir à nos devoirs politiques et humanitaires. Les fondamentalismes religieux ont souvent été initialement soutenus par Washington au nom de la lutte contre l’URSS (en Afghanistan, au Pakistan…) avant d’affirmer leur autonomie, voire de se retourner contre leur parrain. Profondément réactionnaires, ces mouvements n’ont rien de progressiste. Il n’y a pas "d’anti-impérialisme réactionnaire"! Ils veulent imposer un modèle de société à la fois capitaliste et passéiste, totalitaire Lire la suite en page 28.
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Belgique
On ne lutte pas contre le terrorisme en limitant les libertés démocratiques! ✒ par Denis Horman Après les attentats de Paris, la LCR tirait la sonnette d’alarme face aux procédures anti-démocratiques qui se mettent en place au nom de la lutte contre le terrorisme. Et près d’un millier de personnes signaient l’appel "De la peur à la résistance - urgence démocratique" qui se termine par: "Nous abominons le terrorisme de Daesh, mais nous lutterons contre la politique sécuritaire et liberticide que nos gouvernements veulent imposer au nom de la lutte contre les terroristes!"
Les conséquences de "l’Etat d’exception" ne se sont pas fait attendre. Les perquisitions policières se sont multipliées, avec des méthodes choc (portes défoncées, fenêtres brisées, etc.) "Des policiers qui interrogent des élèves, musulmans, parce qu’ils ont participé à un débat en classe et que le professeur, inquiet de ce qu’il avait entendu, les a directement contactés sans en référer à la direction. Un élève – musulman lui aussi – se fait violemment interpeller au moment où il achète son pique-nique de midi. Mitraillette pointée sur lui, il est fouillé et emmené au poste avant d’être libéré (…) "On ne peut en tout cas plus parler aujourd’hui d’incidents isolés", constate Patrick Charlier, directeur du Centre interfédéral pour l’Egalité des Chances (1). Des travailleurs, suspectés comme éléments "radicaux" sont dénoncés comme tels. Sous prétexte de "lutter contre le terrorisme", on a vu des bourgmestres interdire des manifestations ou des débats publics. Le MR profite de la situation pour déposer une proposition de loi visant à interdire les piquets de grève…
Un nouvel arsenal de mesures sécuritaires et liberticides
Le jeudi 19 novembre, le gouvernement Michel énonçait 18 "mesures fortes" pour lutter contre le terrorisme. Mesures qui doivent faire l’objet d’un débat au sein d’une commission parlementaire ad hoc avant d’être soumises au parlement fédéral et traduites en texte de loi (et même avec
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révision d’article de la Constitution). Dans une "carte blanche", plusieurs organisations ont attiré l’attention sur le caractère "ultra-sécuritaire" et liberticide de ces mesures: "Ces mesures sont problématiques sur le plan des droits démocratiques […]. Nous nous inquiétons de la politique ultra-sécuritaire qui se met en place sous nos yeux. Nous abhorrons le terrorisme de Daesh, mais nous nous opposons tout aussi fort au démantèlement des droits fondamentaux au nom de la lutte contre les terroristes pour qui ce démantèlement constituerait une victoire". (3) Le 10 décembre 2015, journée mondiale des Droits de l’Homme, les organisations signataires de cette carte blanche, rejointes par la FGTB fédérale, la Centrale générale et la Centrale des Métallos FGTB Wallonie-Bruxelles appelaient à la mobilisation et un rassemblement dans le centre de Bruxelles.
Pointons quelques-unes de ces mesures:
• Contrôle massif: tous suspects ! • Renforcement des contrôles policiers
aux frontières; application du PNR (Passenger Name Record). Sans attendre le projet européen, la Belgique appliquera le contrôle systématique de l’enregistrement de tous les passagers, avec leurs données, dans les transports (avions et trains à grande vitesse); élargissement des écoutes téléphoniques, présence massive de caméras de surveillance… • "Il ne faudrait pas que, sous couvert de lutte antiterroriste, on mette en place des mécanismes de contrôle et de surveillance systématique de l’ensemble des citoyens", s’inquiète Edouard Delruelle, professeur de philosophie politique à l’ULg (4)."Trop d’information tue l’information. La plupart des personnes impliquées dans les attentats de Paris étaient connues des services de sécurité. Il faut des contrôles ciblés plutôt que de considérer à priori toute la population civile comme suspecte", plaide Alexis Deswaef, le président de la LDH. • Renforcement du "screening" pour l’accès aux emplois sensibles."Il faut rester prudent quant aux risques de discrimination qui pourraient se faire jour, particulièrement vis-à-vis de certains groupes, soit en raison de leur religion,
dessin: Arnold De Spiegeleer
Procès d’intention?
Militaires dans la rue Un millier de militaires déployés dans les grandes villes et aux endroits "stratégiques", soit trois fois plus dans nos rues qu’en mission à l’étranger! "L’exemple des militaires dans la rue laisse craindre le pire", souligne un document de la Ligue des Droits de l’Homme; "L’urgence est devenue le droit commun, et ne prendra sans doute jamais fin"(2). Avant la trêve des confiseurs, le gouvernement a décidé de prolonger d’un mois l’occupation de Bruxelles par l’armée et a annoncé 2.500 policiers en plus dans les rues du pays… Près de la moitié seront d’anciens militaires! ■ commentaire d’un journaliste relatant le communiqué du Premier ministre le jeudi 19 novembre 2015: "Charles Michel a évoqué un hypothétique ‘état d’urgence’ qui permettrait à l’exécutif d’opérer plus vite et fort s’il le faut"(8). En serions-nous déjà là?
Répression – prévention – droits démocratiques
Le 24 novembre, dans son communiqué, la LCR n’hésitait pas à dénoncer la marche à l’Etat fort du gouvernement Michel: "Celui-ci instrumentalise cyniquement le sentiment d’horreur soulevé par les ignobles attentats de Daesh pour imposer un climat politique et médiatique ultra-sécuritaire où toute contestation de sa politique néolibérale est montrée du doigt comme faisant le jeu de l’ennemi". Le gouvernement Michel-De Wever avance des mesures essentiellement répressives et liberticides (sans oublier l’arsenal de mesures antisociales), qu’il compte bien continuer à faire voter par un parlement où la majorité lui est acquise! Et l’opposition parlementaire (CDH, PS, Ecolo et PTB) dans tout ça? Tout en mettant l’accent sur la nécessité d’allier répression avec prévention, n’est-elle pas en train d’approuver globalement ces 18 mesures, au nom de l’unité nationale "tous ensemble contre le terrorisme", même si c’est avec des nuances propres à chaque famille politique (9)? [Lire notre article en pages 14 et 15] C’est du côté syndical et des mouvements sociaux, avec les organisations de la gauche radicale, que le sursaut doit s’opérer. "Le droit de vivre en paix et dans
la sécurité sont inséparables d’un tournant radical, à tous les niveaux, vers la justice sociale, l’égalité des droits, la satisfaction des besoins, le partage des richesses et le respect"(10). ■ (1) La Libre Belgique, Opinion, 07 décembre 2015.
Belgique
soit en raison de leurs opinions politiques", met en garde la Ligue des Droits de l’Homme. "Cette mesure, qui vise à identifier des éléments ‘radicaux’, pose la question de ce qu’inclut le terme ‘radical’ […]. Ce terme flou pourrait aboutir à créer une nouvelle catégorie de citoyens privés d’une partie de leurs droits fondamentaux et être le moteur d’une dérive […] vers une répression par l’Etat de la contestation sociale ou politique"(5). • Lors de la COP21 à Paris, des militants du climat furent traités comme des terroristes et assignés à résidence pendant deux semaines! [Lire en page 23] • Perquisitions 24h/24 et prolongation de la garde à vue • Actuellement, les perquisitions ne peuvent être menées qu’entre 5 heures du matin et 21 heures. Des perquisitions de nuit sont cependant déjà utilisées, soit sur base du flagrant délit, soit en matière de stupéfiant, soit encore sur base du consentement des personnes concernées. Désormais, les enquêtes pour terrorisme entreront dans ces exceptions et les perquisitions liées à ces affaires pourront donc s’effectuer la nuit. Le ministre de la Justice, Koen Geens, tient à préciser: "Cela reste une mesure d’exception qui visera le terrorisme de manière générale [c’est nous qui soulignons] et les organisations criminelles, lorsqu’il existe des indices sérieux"(6). Qui va en juger? Faudra-t-il encore l’autorisation d’un juge d’instruction pour mener ces perquisitions en pleine nuit? Et puis, on imagine le traumatisme laissé par ces perquisitions de nuit, menées avec des méthodes"choc"chez un suspect, présumé innocent, et pour sa famille et ses enfants. Ce type de perquisitions n’est plus exceptionnel. • Prolongation de la garde-à-vue jusqu’à 72 heures pour les actes de terrorisme. Les signataires de la carte blanche font bien de rappeler que "la prolongation de privation de la liberté de 24 à 72 heures ne peut être appliquée sans changer la Constitution. Or la Constitution n’est pas un texte que l’on peut bricoler à la légère. Garder un suspect – présumé innocent – pendant trois jours au commissariat est un délai très long. Seul un juge d’instruction doit pouvoir examiner la nécessité d’une détention prolongée au-delà de 24 heures". (7) • Ces quelques mesures mises en évidence (sur l’arsenal des 18 mesures annoncées par le gouvernement Michel) ont d’ores et déjà été approuvées par le Conseil des ministres, tenu le vendredi 11 décembre 2015. On retiendra ce
(2) La LDH, Réaction aux diverses mesures annoncées par le gouvernement suite aux attentats de Paris (3) Carte blanche signée par la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat des Avocats pour la Démocratie, le CNAPD, la CSC BHV et la Centrale générale de la FGTB, Campagne Stop Répression et d’autres, Le Soir, 10 décembre 2015 (4) Edouard Delruelle:"On est très loin d’un Patriot Act à l’américaine, mais…", Le Soir, 20 novembre 2015 (5) La LDH, ibid. (6)"Six mesures antiterroristes approuvées par le conseil des ministres", Le Soir, 12-13 décembre 2015 (7) Le Soir, 10 décembre 2015, ibid. (8)"Les mesures fortes pour la lutter contre le terrorisme", Le Soir, 20 novembre 2015 (9) Daniel Tanuro,"Attentats: PS, Ecolo et PTB dans le piège sécuritaire", www.lcr-lagauche.org, 1er décembre 2015 (10) Communiqué de la LCR, www.lcrlagauche.org, 24 novembre 2015 (11) Felipe Van Keirsblick,"Face à la terreur", Le droit de l’employé n°10, décembre 2015
C'est louche! "Comment Charles Michel a-t-il pu trouver, sans difficulté pour le budget, 400 millions d’euros de plus pour les budgets militaires et de sécurité, alors qu’il nous répond, depuis un an qu’il n’y a pas un euro, à cause des contraintes budgétaires, pour créer des emplois ou relever les petites pensions au-dessus du seuil de pauvreté […]. Oui le terrorisme tue, mais la pauvreté tue davantage, le manque de soins, le chômage, le travail tue… L’Agence européenne pour l’Environnement révèle que la pollution de l’air a causé en Belgique 11.000 morts prématurées en 2012. Pourquoi n’y a-t-il jamais d’argent pour nous protéger d’abord des dangers qui nous menacent le plus?". (11) ■
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médias
Entends-tu la voix du patronat? Ce n'est pas nouveau, les "chiens de garde de la démocratie" sont de mieux en mieux dressés, et leur maître n'est pas difficile à identifier. On peut particulièrement l'observer lorsqu'il est question des grèves ou des mouvements sociaux dans les "grands" médias. Tout récemment, ceux-ci se sont fait le fidèle relais du gouvernement par rapport aux menaces terroristes. Se rendant ainsi responsables d'un sentiment d'insécurité justifiant l'injustifiable… Sans doute nous souviendrons-nous longtemps du week-end des 21 et 22 novembre 2015. Une semaine après les attentats de Paris, alors qu'il y avait déjà un "niveau d'alerte 3" décrété par l'OCAM, Bruxelles passait à un "niveau d'alerte 4" dans la nuit du vendredi au samedi. Une vaste opération policière était déployée, et l'on annonçait la fermeture des métros et des écoles. Dans les médias, les émissions spéciales se succédaient, répétant en boucle… l'absence d'informations sur ce qu'il se passait. En effet, il avait été demandé aux médias, tout comme aux internautes sur les réseaux sociaux, de ne pas dévoiler d'information sur l'opération antiterroriste en cours. Et tout le monde… a obéi. Tandis que les chats pullulaient sur Facebook, les médias obtempéraient et répétaient le néant. Le 22 novembre, Le Soir publiait ainsi: "Menaces terroristes sur Bruxelles: Le Soir suspend la diffusion d'informations sur les opérations en cours", remplaçant une photo illustrant les opérations policières par une image… de chat. Cette promptitude à obéir serait par la suite récompensée, avec un humour parfois douteux (pensons aux croquettes offertes par la police aux chats qui l'avaient aidée). Le phénomène #BrusselsLockdown (censure à peine déguisée) était né. Une nouvelle étape dans la manipulation médiatique venait d'être franchie. Le 5 décembre, une initiative citoyenne soutenue par une vingtaine d'associations a lancé une action devant
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des actions, réduites suite au risque de menace. Comment ce mouvement de grève est-il relayé par la presse? Bien vite, il est fustigé, Béatrice Delvaux n'hésitant pas à employer ces mots durs dans son édito paru le 23 novembre: "La palme de l'indigence revenait cependant aux syndicats qui ont maintenu leur mot d'ordre de grève en Wallonie. Mais ce soir, cela ne mérite pas plus d'une ligne." En effet, dans l'édition du Soir du 23 novembre, on ne trouvera pas une ligne de plus au sujet des syndicalistes qui bravent le climat anxiogène pour se rendre aux piquets. Ce n'est que le 24 novembre qu'un article y sera consacré, titré: "Le flop plutôt que le chaos pour la grève en Hainaut"… L'info arrive en dixième page, loin derrière la menace terroriste. Plus récemment, c'est au tour des cheminots d'être rabroués et sommés d'accepter les mesures visant à les presser comme des citrons, le gouvernement avait déjà tant de gros dossiers à boucler pour Noël! Entre l'info des policiers qui seront dorénavant plus nombreux dans la rue (et de plus en plus souvent d'anciens militaires), et celle de l'e-commerce qui sera désormais possible de nuit, on apprend que le gouvernement refuse en bloc la demande des syndicats. "La palme de l'indigence Il est fort probable que la presse nous revient aux syndicats" donnera encore de multiples exemples de Le 23 novembre, les syndicats (CSC et son obédience au patronat dès le début de FGTB) avaient prévu un mouvement de grève à Namur et dans toute la province de cette année: à nous d'être vigilants, attenHainaut pour protester contre les mesures tifs à chaque mot qui sera employé pour d'économie du gouvernement. Malgré les parler de la lutte des cheminots dès janvier écoles fermées à Bruxelles et une ambi- 2016. Les médias, des chiens de garde? Oui, ance délétère, ils décident de maintenir au service du capital. ■ la RTBF de Liège, pour exiger qu'elle cesse de ne relayer qu'un seul message, celui de la peur, et qu'elle fasse aussi entendre toutes les voix qui s'élèvent contre la guerre, contre les bavures et intimidations policières, contre les dérives sécuritaires: "D'autres voix doivent urgemment pouvoir se faire entendre à l'heure où seuls les va-t'en-guerre monopolisent les ondes", stipulait l'appel à cette action, qui a rassemblé entre 100 et 150 personnes. Aujourd'hui, la propagande médiatique se contente de nous abreuver d'un savant mélange d'informations sur les suites des attentats de Paris (témoignage de la compagne d'Abdeslam, manière dont celui-ci aurait pris la fuite, liens qui unissaient les différents suspects, etc.) et de présentation des mesures liberticides mises en œuvre (perquisitions de nuit, détention administrative de 3 jours, prison automatique pour les jeunes de retour de Syrie, etc.). Les premières servant bien sûr à justifier les secondes. En même temps, on assiste à une véritable décrédibilisation des mouvements sociaux, que ce soit les manifestations qui sont interdites sans susciter le moindre émoi ou les mouvements syndicaux, étouffés.
photomontage: Little Shiva (qui s'excuse auprès des chats)
✒ par Pauline Baudour
photo: flickr.com/image -bank
✒ par La rédaction 13 novembre: en réaction aux meurtres de masse commis à Paris par les terroristes de Daesh, François Hollande décrète immédiatement l’état d’urgence et le blocage des frontières. Toutes les manifestations sont interdites. Il s’agit très clairement d’un prétexte, comme en atteste le fait que le gouvernement français avait déjà décidé avant les attentats de limiter sévèrement l’accès au territoire, en perspective de la COP21 [lire l'encadré en page 23]. Pas question pour le gouvernement Michel-Jambon d’être en reste. L’escalade sécuritaire, c’est une de ses spécialités, il en est friand. La constitution ne prévoyant pas d’état d’urgence, on procède à la belge, pragmatiquement, en posant des faits accomplis et en se cachant derrière les "experts". L’OCAM (créé par le gouvernement Di Rupo, notons-le en passant) est d’avis que la menace est de niveau 3 dans tout le pays et de niveau 4 à Bruxelles. Le gouvernement en profite, roule des mécaniques, met l’armée dans les rues, ferme les écoles et le métro, et interdit tout rassemblement dans la capitale, comme à Paris. La manipulation de la peur et de l’émotion prend des proportions inquiétantes et son effet est palpable. Le PTB reporte sa "protest parade", son porte-parole au parlement approuve la décision d’offrir 400 millions aux forces de sécurité, le front commun syndical "suspend" les manifestations prévues dans le cadre de son plan d’action (qui ne convainquait de toute manière plus beaucoup les militant.e.s), la Coalition Climat et le "Climate Express" se plient aux interdictions successives de manifester à Bruxelles et à Ostende. Seule exception à cet alignement sécuritaire: la FGTB et la CSC du Hainaut maintiennent leur mot d’ordre de grève de 24h. La LCR avait été frappée directement, avec la tentative d’interdiction par le bourgmestre de Saint-Gilles d’une conférence-débat sur la Syrie, organisée
appel
De la peur à la résistance, urgence démocratique La gauche était menacée de tétanisapar la Formation Lesoil avec notre ami Joseph Daher comme orateur. Il fallait tion. Cette initiative a contribué à la sortir faire quelque chose. Avec des personnalités de sa torpeur. Elle a notamment trouvé de divers horizons – syndicalistes, intellec- un écho dans l’appel à manifester pour tuel.le.s, artistes – des membres de la LCR le climat qu’une poignée de militant.e.s lancèrent donc un appel: De la peur à la ont lancé courageusement sur les réseaux sociaux le 25 novembre, au mépris des résistance. Urgence démocratique. interdictions policières. On était à ce L’onde de choc sécuritaire moment-là en plein surréalisme à la est loin d’être terminée belge, avec la réouverture des écoles et du Ce texte se concluait par ces mots: métro, les rodomontades islamophobes "Nous refusons l’Etat autoritaire qui est de Jan Jambon à Molenbeek, et tout le en train d’être mis en place sous nos yeux. reste. En quelques heures, les grandes Nous refusons que des organes non-élus ONG décidèrent de se rallier à l’idée d’une comme l’OCAM et le Conseil de Sécurité action pour le climat le dimanche 29 à national dirigent le pays. Nous voulons Bruxelles, et l’unité la plus large se fit dans que toute la clarté soit faite, y compris par l’organisation d’une chaîne humaine qui une commission parlementaire d’enquête, rassembla plus de 4000 personnes. Un sur la façon dont un climat de peur a pu très beau succès, construit en trois jours à être créé délibérément. Nous refusons peine et qui confirme le vieil adage: celui aussi une guerre qu’on prétend commettre qui lutte n’est pas sûr de gagner, celui qui en notre nom, et qui ne fera qu’ajouter ne lutte pas a déjà perdu. des morts aux morts, de la barbarie à L’onde de choc sécuritaire est loin la barbarie. Nous appelons l’opposition d’être terminée. Il reste utile de signer et sociale et politique à ce gouvernement à de faire signer l’appel disponible sur www. marcher dans les rues et à montrer que petities24.com/van_angst_naar_verzet ■ non, nous n’arrêterons pas de vivre et de lutter pour un monde meilleur, et que nous n’accepterons pas d’être bâillonnés et réprimés ‘pour notre sécurité’ […] Nous refusons de continuer à laisser la peur nous diriger. Nous abominons le terrorisme de Daesh, mais nous lutterons contre la politique sécuritaire et liberticide que nos gouvernements veulent imposer au nom de la lutte contre les terroristes, et qui fait le jeu de ceux-ci." Près de huit cents personnes ont rejoint les premiers signataires de cet appel, parmi lesquels on trouvait les noms bien connus de Daniel Piron, Daniel Richard, Felipe Van Keirsbilck, Isabelle Stengers, Josy Dubié, Corinne Gobin, Sfia Bouarfa, Christian Panier, Isabelle Wanschoor, Eric Toussaint et beaucoup d’autres. Dans la semaine du 23 au 30 novembre, le texte de l’appel a été publié par De Morgen du côté flamand et par le site de la RTBF du côté francophone. Curieusement, l’écho médiatique a été plus grand au Nord du pays, où plusieurs organes de presse ont relayé l’information.
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religions
La religion peut-elle servir le progrès social? ✒ par Gilbert Achcar L'athéisme est pourfendu par bien des religieux, et la religion par de nombreux laïcs. Des combats émancipateurs ont pourtant rassemblé ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, notamment en Amérique latine grâce à la théologie de la libération. Mais ce type d’alliance paraît inconcevable avec les partisans ultra-orthodoxes de l’islam politique. Pourquoi?
Des corrélations contraires
La corrélation entre la montée en puissance de chacun de ces mouvements et le destin de la gauche laïque dans leurs régions respectives constitue un indice révélateur. Alors que le destin de la théologie de la libération épouse celui de la gauche laïque en Amérique latine, l’intégrisme islamique s’est développé dans la plupart des pays à majorité musulmane comme un concurrent. Il a remplacé la gauche dans la tentative de canaliser la protestation contre la misère, contre l’État et la société. Ces corrélations contraires témoignent d’une différence profonde entre les deux mouvements historiques. La théologie de la libération offre la principale manifestation moderne de ce que Michael Löwy appelle l’"affinité élective" entre christianisme et socialisme (1). Cette affinité élective explique pourquoi la vague mondiale de radicalisation politique à gauche qui débuta dans les années 1960 put en partie adopter une dimension chrétienne – en particulier dans les pays où la majorité de la population était chrétienne, pauvre et opprimée. On l’observa en Amérique latine, où la radicalisation fut impulsée, à partir du début des années 1960, par la révolution cubaine.
Sur les décombres de la gauche
L’intégrisme islamique, en revanche, a crû sur le cadavre en décomposition du mouvement progressiste. Le début des années 1970 vit le déclin du nationalisme radical porté par les classes moyennes; un déclin symbolisé par la mort de Nasser,
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en 1970, trois ans après sa défaite face à Israël lors de la guerre des six jours. Parallèlement, des forces réactionnaires utilisant l’islam comme étendard idéologique se répandirent dans la plupart des pays à majorité musulmane, attisant les flammes de l’intégrisme afin d’incinérer les restes de la gauche. Comblant le vide créé par l’effondrement de celle-ci, l’intégrisme ne tarda pas à devenir aussi le vecteur principal de l’opposition à la domination occidentale — une dimension qu’il avait intégrée depuis le début, mais qui s’était estompée au cours de l’ère nationaliste laïque. Une intense opposition à la domination occidentale prévalut à nouveau au sein de l’islam chiite après la révolution islamique de 1979 en Iran, et revint sur le devant de la scène au sein de l’islam sunnite au début des années 1990, lorsque des détachements armés d’intégristes passèrent du combat contre l’Union soviétique au combat contre les États-Unis. C’est ainsi que deux types majeurs d’intégrisme en vinrent à coexister à travers la vaste étendue géographique des pays à majorité musulmane, caractérisés l’un par sa collaboration avec les intérêts occidentaux (le royaume saoudien, le plus obscurantiste de tous les États islamiques) et l’autre par son hostilité à leur égard (la République islamique d’Iran, bastion anti-occidental au sein du chiisme, tandis qu’Al-Qaïda et l’Organisation de l’Etat islamique représentent son fer de lance actuel chez les sunnites).
Un projet tourné vers le passé
Tous les courants de l’intégrisme islamique se dédient à ce que l’on peut décrire comme une utopie médiévale réactionnaire: un projet de société imaginaire et mythique qui n’est pas tourné vers le futur, mais vers le passé. Tous cherchent à réinstaurer la société et l’Etat mythifiés de l’islam des premiers temps: un modèle médiéval de domination de classe, un modèle né il y a un peu moins de quatorze siècles, et dont le fondateur – un marchand devenu prophète, seigneur de guerre et bâtisseur d’État et d’empire – mourut
au faîte de son pouvoir politique. Comme toute tentative de restaurer une structure sociale et politique vieille de plusieurs siècles, le projet de l’intégrisme islamique équivaut nécessairement à une utopie réactionnaire. Ce projet est en affinité élective avec l’islam ultra-orthodoxe, devenu avec l’appui du royaume saoudien le courant dominant au sein de la religion musulmane (2). Cet islam-là encourage une approche littéraliste de la religion par son culte inégalé du Coran, considéré comme parole divine définitive.
La teneur historique des écritures religieuses
Alors que dans la plupart des autres religions, l’intégrisme (doctrine préconisant une interprétation littérale des écritures religieuses) est minoritaire, il est dominant dans l’islam institutionnel. En raison de la teneur historique spécifique des écritures auxquelles il tente d’être fidèle, l’islam ultra-orthodoxe encourage des doctrines où une mise en œuvre de la religion conforme à la foi suppose un gouvernement fondé sur l’islam. Dans la mesure où le Prophète s’est battu âprement pour instaurer un tel État, il favorise la lutte armée contre toute domination non islamique, en se référant à l’histoire et à la guerre que l’islam mena contre les autres croyances au moment de son expansion. Admettre cette affinité élective entre islam ultra-orthodoxe et utopisme médiéval réactionnaire, après avoir souligné celle unissant christianisme primitif et utopisme "communistique"(3), ne relève pas d’un jugement de valeur, mais d’une sociologie historique comparative des deux religions.
L'imbrication de chaque religion dans la société de classes
En outre, qu’il y ait des affinités électives différentes entre islam et christianisme ne signifie pas que l’évolution historique réelle de chaque religion ait suivi naturellement la pente de son affinité élective spécifique. Cette évolution s’est
photo: Sébastien Brulez 2009
occidentale, bien qu’en des termes socialement réactionnaires.
Replacer l'usage de la religion dans son contexte social et politique
L’idée superficielle, très répandue aujourd’hui, selon laquelle l’intégrisme islamique est le penchant "naturel" des peuples musulmans est une aberration. Car elle ignore des faits élémentaires. Ainsi, il y a quelques décennies l’un des plus importants partis communistes du monde, un parti qui s’appuyait donc officiellement sur une doctrine athée, exerçait ses activités dans le pays comptant le plus grand nombre de musulmans: l’Indonésie. Ce parti fut noyé dans le sang, à partir de 1965, par des militaires indonésiens soutenus par les États-Unis. A la fin des années 1950 et au début des années 1960, la principale organisation politique en Irak, surtout parmi les chiites du sud du pays, n’était pas un mouvement dirigé par un religieux, mais par le Parti communiste. Il convient donc de situer tout usage de l’islam, comme toute autre religion, dans ses conditions sociales et politiques concrètes. De même qu’il importe d’opérer une distinction claire entre l’islam quand il devient un instrument idéologique de la domination de classe et de genre, et
l’islam en tant que marqueur d’identité d’une minorité opprimée, dans les pays occidentaux par exemple. Le combat idéologique contre l’intégrisme islamique – contre ses idées sociales, morales et politiques, pas contre les principes spirituels de base de l’islam en tant que religion – devrait rester l’une des priorités des progressistes au sein des communautés musulmanes. Il y a, en revanche, très peu à objecter aux idées sociales, morales et politiques propres à la théologie de la libération chrétienne – hormis son adhésion au tabou chrétien général de l’interruption volontaire de grossesse – y compris pour les athées endurcis de la gauche radicale. ■
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adaptée à la configuration réelle de la société de classes dans laquelle chacune s’est imbriquée. Plusieurs siècles durant, le christianisme historique "réellement existant" fut moins progressiste que l’islam historique "réellement existant". Reconnaître une affinité élective entre christianisme et socialisme ne saurait conduire à penser que le christianisme historique ait été fondamentalement socialiste. Une telle proposition serait absurde. De même, reconnaître l’affinité élective entre le corpus islamique et l’utopisme médiéval réactionnaire de notre époque, ne revient pas à penser que l’islam historique était essentiellement intégriste ou que les musulmans sont condamnés à tomber sous la coupe de l’intégrisme, quelles que soient les conditions historiques. Elle nous permet de comprendre pourquoi la théologie de la libération chrétienne a pu devenir une composante si importante de la gauche en Amérique latine, alors que toutes les tentatives de produire une version islamique de cette même théologie sont restées marginales. Elle nous aide également à percevoir pourquoi l’intégrisme islamique a pu gagner l’énorme importance qui est la sienne de nos jours au sein des communautés musulmanes, et pourquoi il a si aisément supplanté la gauche dans l’incarnation du rejet de la domination
Version raccourcie d’un article publié dans Le Monde Diplomatique de juin 2015, les intertitres sont de la rédaction. Gilbert Achcar est auteur de Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, Actes Sud, Arles, 2015, dont ce texte est adapté. (1) Michaël Löwy, La Guerre des dieux. Religion et politique en Amérique latine, Éditions du Félin, Paris, 1998 (2) Lire Nabil Mouline,"Surenchères traditionalistes en terre d’islam", Le Monde diplomatique, mars 2015 (3) L’adjectif "communistique" est ici utilisé pour distinguer cet utopisme des doctrines communistes formulées après l’avènement du capitalisme industriel.
Fresque murale dans le quartier populaire du 23 de Enero, à Caracas. La dernière cène y est représentée avec des icônes de la gauche révolutionnaire latino-américaine. la gauche #75 janvier-février 2016
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✒ par Pauline Baudour Christine Delphy était à Bruxelles le 17 décembre, invitée par l'Université des Femmes et l'Université populaire. Pétillante et pleine d'humour, la sociologue qui a participé à la fondation du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) et des Gouines rouges (entre autres) a partagé ses réflexions avec le public – une salle comble, en grande majorité des femmes, toutes générations confondues. Petit compte-rendu nonexhaustif de cette soirée intéressante. Aujourd'hui, certaines femmes posent la question de la place des hommes dans les mouvements féministes. Pour Christine Delphy, cela s'explique par la confusion entre l'idée de parité et de mixité. Or, la mixité n'induit pas l'égalité: Il suffit d'observer une cour de récré pour s'en apercevoir. "Son statut, on le porte avec soi et sur soi"; il ne suffit pas de mélanger les gens pour effacer les statuts. Le fait de vouloir inclure des hommes dans les mouvements féministes relève aussi d'un symptôme des dominés. En effet, une des attitudes typiques des dominants est de reprocher la subjectivité et la petitesse du point de vue des dominés. Ainsi, on accorde généralement plus de crédit aux discours masculins, qui seraient plus "objectifs" moins "influencés par les émotions", etc. Il n'est donc pas rare qu'un groupe de dominés souhaite la présence de dominants en son sein pour obtenir une certaine valorisation. C'est pour lutter contre ce phénomène que les groupes non-mixtes peuvent s'avérer nécessaire. Si l'on prend l'exemple de la lutte antiraciste des Noirs américains, les Noirs étaient méprisés; "la beauté ne pouvait pas être noire" (c'est d'ailleurs ce mépris qui donnera lieu au slogan "Black is beautiful"). Cela a induit un sentiment d'envie et de déférence par rapport aux Blancs. A cause de ce sentiment, on pouvait observer dans des groupes mixtes la domination du point de vue blanc à propos de l'oppression des Noirs! Il en va de même par rapport aux groupes féministes.
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L'armée de réserve du marché matrimonial
Pour poursuivre sur cette idée que "les dominés veulent être les dominants", on a parfois l'impression que l'égalité serait que les femmes puissent agir comme les hommes, et pas le contraire. Pour Christine Delphy, il faudrait déjà que les hommes commencent par prendre leur part du travail domestique. Les statistiques sur l'accomplissement des tâches ménagères sont en effet effrayantes. On observe ainsi qu'après la naissance d'un enfant, un homme en ménage en fait moins qu'un homme célibataire. Face à cette situation, les femmes sont souvent découragées: demandant à leurs compagnons de faire un effort, elles finissent souvent par se lasser et par arrêter de le leur demander pour éviter les conflits. Elles se retrouvent confrontées au choix difficile de quitter ou non leur conjoint. Avec cette pression qui existe: si elles refusent d'accepter cette situation, il y a dehors plein d'autres femmes qui seraient prêtes à l'accepter! C'est ce que Christine Delphy nomme avec ironie "le marché matrimonial". "Les luttes individuelles, ça ne va pas loin", insiste la sociologue, dénonçant ce qu'elle nomme "le féminisme par capillarité". Ce ne sont pas les actions individuelles qui vont permettre de changer les choses; d'ailleurs "ce ne sont pas toutes les femmes qui ont fait un avortement clandestin qui ont obtenu sa légalisation mais bien la lutte collective". De même, on ne peut considérer que parce qu'on est féministe, tout nos actes le sont. Prenons l'exemple des fantasmes: ceux-ci sont créées par la société dans laquelle on vit, et la sexualité est elle aussi culturelle. Il faut donc distinguer une démarche d'émancipation et ce qui fait partie des choses qu'on devrait remettre en cause.
"La lutte contre le port du foulard islamique, c'est la construction d'un racisme respectable"
Christine Delphy fait partie des féministes qui se sont battues contre l'interdiction du port du foulard dans les écoles et luttent
Christine Delphy
contre l'exclusion des musulmanes en général. En France, le port du foulard est interdit dans les écoles publiques depuis 2004."Depuis, les oppressions se sont renforcées", dénonce-t-elle: "Maintenant, l'interdiction s'étend parfois aux jupes longues! Les profs sont censés être neutres, mais ce n'est pas le cas, puisque ces jupes longues ne posent problèmes que si elles sont portées par des jeunes filles musulmanes! Les femmes qui portent le foulard doivent faire face à une pression permanente, et ont le choix entre se soumettre ou se démettre. C'est une véritable traque!" La féministe ne peut comprendre que la majorité des courants féministes "visibles" se retrouvent du côté des oppresseurs des femmes musulmanes. Le féminisme ne peut exclure des femmes à l'avance: on peut ne pas être d'accord, mais on doit se respecter. Et de conclure: "Si on ne respecte pas toutes les femmes, on ne peut pas dire qu'on est féministe". ■
photo de Christine Delphy: humanite.fr/christine - delphy-sociologue - directrice - de -recherche -honoraire -au- cnrs-sur-le -feminisme - et-le - genre
féminisme
Christine Delphy: "Si on ne respecte pas toutes les femmes, on ne peut pas dire qu'on est féministe"
photo MLF: http://afab-radical-trans- dyke.tumblr.com/post/117893872687/monique -wittig-right-was-an- organizer- of-the
La parole aux premières concernées
Certaines participantes au débat n'ont pas manqué d'interpeller Christine Delphy sur sa position à propos de la prostitution. Abolitionniste, elle se déclare en effet en accord avec la pénalisation des clients et estime que lorsqu'il est question de légaliser la prostitution, il s'agit en réalité de légaliser le proxénétisme. A l'argument que la pénalisation des clients se répercute sur les prostituées, obligeant celles-ci à davantage de clandestinité encore – et revient donc à une mise en danger encore plus grande – Christine Delphy oppose que ce ne sont pas les lieux qui sont dangereux, mais les gens qui peuvent les rendre dangereux – et de citer l'exemple des giga-bordels allemands dans lesquels il existe des "boutons de panique", ce qui prouve que les femmes ne sont pas en sécurité du moment qu'elles se retrouvent seules avec un client… Dans la salle, tout le monde est loin de partager cet avis, et les arguments se succèdent, notamment celui de donner la parole aux premières concernées, les prostituées, et de veiller à ce que celles-ci ne soient pas exclues des mouvements féministes. Un débat est ouvert et loin d'être clos... ■
L'islamophobie n'a jamais été aussi forte et violente qu'aujourd'hui: depuis les attentas de Paris, la gravité des actes commis contre les musulmans augmente en Belgique. Les femmes musulmanes sont les premières victimes de discriminations et de violences. Des femmes portant le foulard qui se faisaient insulter en rue se font maintenant agresser. "Si vous voulez que je fasse du bon boulot, j'ai besoin de me sentir en harmonie avec moi-même", a toujours déclaré Khadija à ses employeurs lors de ses entretiens d'embauche, afin de garder le droit de porter son foulard. Une bataille difficile, mais qu'elle a réussi à remporter. Aujourd'hui employée dans un service d'aide au logement, elle déclare à l'adresse des soi-disant féministes qui s'opposent au port du foulard: "Si vous voulez vraiment le bien de ces femmes, offrezleur accès à la formation et à l'emploi! Un mari qui contraint sa femme à porter le voile – ça existe bien sûr! – acceptera peut-être de la laisser aller à une formation où elle peut garder le voile. Qu'est-ce qu'on cherche en leur fermant toutes les portes? Qu'elles s'émancipent toutes seules chez elles? C'est de l'hypocrisie: on voit bien que c'est le voile qui pose problème, pas l'oppression de ces femmes!" ■
Nous nous opposons aux bombardements du territoire syrien, qui ne conduiront qu’à plus de morts injustes là-bas et ici. La France doit renoncer immédiatement à ses guerres interventionnistes qui sont le problème et non la solution. Nous nous opposons à l’état d’urgence et à la militarisation de la France, qui ne mènent qu’à un renforcement du racisme, du classisme et du sexisme. Nous, qui avons pour certain.e.s perdu des proches là-bas et ici, refusons que la disparition de ces personnes soit instrumentalisée pour légitimer la politique impérialiste et belliciste de la France.
Nous appelons à:
• L’arrêt immédiat des bombardements • L’arrêt immédiat de l’état d’urgence • Une remise en question de la politique militariste de la France et du commerce d’armes • Une réaffectation des crédits alloués aux guerres, vers la lutte contre les formes d’oppression et de discrimination racistes, sexistes et de classe qui marquent la société française. Cette pétition, initiée par des féministes à titre personnel, est ouverte à tou.te.s. Vous pouvez la signer en ligne à l'adresse suivante: www.change. org/p/le-gouvernement-français-nousrefusons-la-guerre-2 ■
photomontage: Little Shiva
Citations extraites de l'article d'Elodie Blogie paru dans Le Soir du 21 décembre 2015.
Nous refusons la guerre
féminisme
Quand la prostitution fout le bordel
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idéologie
La contamination sécuritaire ✒ par Léa Dubuisson Depuis les attentats de Paris, en France, en Belgique et ailleurs, l'urgence sécuritaire a gagné la tête d'affiche face aux urgences sociales, écologiques et démocratiques pourtant de plus en plus prégnantes. Malgré la disproportion des mesures sécuritaires envisagées ou déjà adoptées, leur inefficacité face à une menace impossible à contenir et leurs graves effets collatéraux sur nos droits fondamentaux, ce raz-de-marée généralisé ne rencontre qu'une résistance relativement timide, y compris de la part de la gauche de gauche. La peur a un effet anesthésiant. Comme aussi, sans doute, la difficulté de se saisir de préoccupations populaires profondément angoissantes, auxquelles l'intervention massive d'uniformes bleu et kaki, ainsi que l'adoption de mesures liberticides, discriminatoires et stigmatisantes font office de baume apaisant. Nous l'écrivions déjà début décembre dans un article qui faisait le point sur les positions adoptées par la gauche belge dans ce contexte si particulier (1): "Au parlement, celle-ci (ndlr: la gauche que représentent le PS, Ecolo et le PTB) craint d’apparaître comme ‘laxiste’ face au terrorisme. Par peur que cette image lui coûte des voix, elle a choisi dès le début 1°) de se placer dans le cadre de "l’unité nationale" appelée de ses vœux par le Premier ministre; 2°) de soutenir le discours général du gouvernement de droite; et 3°) d’approuver globalement les mesures prises au nom de la lutte antiterroriste. Il ne s’agit évidemment pas d’un accord sans critique: chaque parti cherche à se profiler aux dépens des autres, et chaque parti doit envoyer des messages non seulement à la masse des électeurs mais aussi à ses propres membres. Mais il s’agit bel et bien d’un accord sur le cadre stratégique". Après plusieurs semaines, l'analyse semble se confirmer: si des critiques existent (notamment sur la privatisation de certaines missions policières ou sur l'achat de nouveaux
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bombardiers), elles ne remettent jamais en cause le fond de l'affaire: le glissement vers le tout sécuritaire. Le mouvement social n'est pas plus loquace sur le sujet. Au contraire, il accepte sans trop broncher de se faire museler. Une aubaine pour la droite qui parvient ainsi à le pousser dans les cordes. A part la grève en Hainaut (sur laquelle les médias n'ont pas hésité à vomir encore plus que de coutume), les actions syndicales décidées en décembre ont été docilement annulées.
"Il est vital pour la gauche de réussir le difficile exercice de répondre à la peur en gardant les deux pieds solidement ancrés dans le camp des 99%" En janvier, il ne reste que les courageux/ ses cheminot.e.s pour résister, dans l'isolement, aux mesures austéritaires en défendant un service de transport public fort et efficace. Les actions liées à la COP21 ont été déplacées de Paris à Bruxelles, puis de Bruxelles à Ostende pour se convertir en une gentille chaîne humaine. Si le succès de foule était là, la frustration aussi. Pourtant, du côté syndical comme du côté écologiste, il n'y a eu aucune mobilisation pour contester ces atteintes flagrantes au droit de manifester ou les contraintes à l'expression démocratique de la contestation sociale. La contamination sécuritaire, puisqu'elle s'appuie sur les ignobles attentats perpétrés par l’Organisation de l’Etat islamique (Daesh), s'accompagne aussi d'une pluie d'amalgames envers les populations musulmanes, même si une partie non négligeable des candidat.e.s au djihad en Syrie sont issu.e.s de familles athées ou chrétiennes (2). Les discriminations et attaques islamophobes deviennent de plus en plus violentes. Indirectement ou de manière plus frontale, les partis de gauche
entretiennent dangereusement ces amalgames en restant dans le sens du courant. Même si des précautions sont bien mentionnées dans les discours, les (non-)prises de position ne sont pas sans conséquences. Par exemple, en Belgique, la déchéance de nationalité, décidée cet été avec une abstention d'Ecolo et du PTB, n'a pas suscité de polémiques comme en France. Il s'agit pourtant d'un message dangereux qui laisse planer une suspicion perma nente envers les ressortissants bi-nationaux dont le potentiel de radicalisation serait plus élevé que celui des belgo-belges. Même chose avec le fameux débat sur "nos valeurs", revendiqué avec force par le MR notamment, et auquel le PS accepte d'ouvrir la porte en remettant sur la table la laïcité de l’Etat et l'interdiction du port de signes religieux. Une nouvelle occasion d'en remettre une couche sur la population musulmane ou assimilée en entretenant l'idée que, décidément, "ils ne sont pas comme nous". Dans un autre genre, mais avec les mêmes conséquences possibles sur la compréhension que peut en avoir une bonne part de la population, le PTB est en campagne pour couper les ponts avec l'Arabie saoudite. Selon ce parti, ce pays serait l'une des principales sources de financement de Daesh et l'attitude hypocrite que la Belgique entretient avec l'Arabie saoudite alimenterait le radicalisme à l'intérieur de nos frontières. S'il y a évidemment de quoi s'en prendre à l'Arabie saoudite, c'est une cible un peu facile à l'heure où il est de bon ton de s'attaquer aux "barbus". Il aurait peut-être été plus efficace – en tout cas plus courageux en se plaçant clairement à contre-courant de l'islamophobie ambiante – de s'en prendre aussi ouvertement et avec au moins autant de vigueur aux relations que la Belgique continue d'entretenir avec l’Etat raciste
idéologie photomontage à droite: Little Shiva / photo ci- dessus: elle.fr/Societe/News/Attaques-a-Paris- en- quoi- consiste -l- etat- d-urgence -3011509
"Un climat de délinquance larvée…" d'Israël (qui contribuent peut-être même davantage à la montée du radicalisme!) C'est d'autant plus regrettable que des militant.e.s du PTB sont impliqué.e.s de longue date dans la solidarité avec le peuple palestinien. Dans un contexte aussi pourri, il est vital pour la gauche de réussir le difficile exercice de répondre à la peur en gardant les deux pieds solidement ancrés dans le camp des 99%, en tournant le dos au populisme tout en bataillant ferme à contre-courant contre tous les intégrismes et pour des alternatives démocratiques et solidaires qui garantissent la sécurité d'existence de chacun.e. Cela implique de reprendre la lutte sur notre terrain, avec notre propre agenda, pour défendre une sécurité d'emploi, de revenus, de logement, une sécurité sanitaire, alimentaire, environnementale, pour garantir la liberté d'expression, d'organisation, de manifestation, contre les violences policières, les mesures autoritaires et antidémocratiques; pour gagner une égalité effective des droits entre toutes et tous contre les discriminations et violences racistes, sexistes, homophobes. C'est notre voie ou la leur; ne ratons pas le coche! ■
C’est en ces termes que Louis Michel avait qualifié le climat de combativité aux Forges de Clabecq, dans les années 90 lors des luttes contre la fermeture de l’usine. A propos de délinquance larvée, le MR devrait plutôt balayer devant sa propre porte. Pour rappel, en 2004 Daniel Ducarme, ministre MR avait dû démissionner car ce délinquant fiscal récidiviste ne rentrait plus de déclaration d’impôts depuis des années. Il devait près de 250.000 euros au fisc. Serge Kubla, de son côté, bourgmestre MR de Waterloo et ancien parlementaire, a été inculpé et arrêté en 2015 pour une affaire de corruption au Congo. Remis en liberté, il reste inculpé. Armand De Decker, bourgmestre MR d’Uccle, fait l’objet d’une enquête menée par le parquet du procureur visant à déterminer s’il est exact qu’il a reçu 500.000 euros pour accélérer l'adoption d'une loi permettant à un homme d'affaires kazakh d'échapper à des poursuites, dans l'une des ramifications de l'enquête française du"Kazakhgate".■
(1) Daniel Tanuro,"Attentats: PS, Ecolo et PTB dans le piège sécuritaire", 1er décembre 2015, www.lcr-lagauche.org (2) Dans une tribune libre publiée dans Le Monde le 29 décembre 2015, Dounia Bouzar, directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), constate que 847 familles catholiques ou athées en France sont frappées par le départ d'un enfant pour le djihad. Dounia Bouzar conclut: "C'est un mensonge ou une grande incompétence de faire croire qu'il ne s'agit que d'un problème d'immigration ou de musulmans". L'auteure décrit fort précisément l'"embrigadement relationnel et cognitif" de type sectaire qui répond en les pervertissant à des aspirations présentes dans la jeunesse, toute la jeunesse. [Lire aussi notre recension de l’ouvrage de Dounia Bouzar en page 34].
la gauche #75 janvier-février 2016
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✒ par Guy Van Sinoy Pour riposter à l’annexion du Koweït par Saddam Hussein en août 1990, les Etats-Unis mettent sur pied une coalition militaire internationale (600.000 militaires issus de 28 pays, dont la Belgique) pour attaquer l’Irak. Les bombardements intensifs de l’Irak (85.000 tonnes de bombes lancées jour et nuit par un millier d’avions) commencent le 16 février 1991. Ils vont durer 42 jours et vont détruire toute l’infrastructure du pays. A la mifévrier l’offensive terrestre commence et ne rencontre aucune résistance. Bilan: 200.000 morts du côté irakien, quelques dizaines parmi les troupes de la coalition. En Belgique le ministre des Affaires économiques, Willy Claes, annonce en janvier 1991 la perspective d’aller "vers une économie de guerre". Il multiplie les déclarations sur l’inévitabilité "d’instaurer les pouvoirs spéciaux". En clair: une guerre contre le monde du travail. La CGSP-Enseignement de Liège est la première à réagir en adoptant une résolution contre une guerre menée pour le pétrole. Une poignée de militant.e.s syndicaux (1) lance alors en janvier 1991 l’appel "Syndicalistes contre la guerre": "Militant s syndicaux de tous horizons, engagés dans la défense des conditions d’existence de la population laborieuse, luttant pour plus de justice, de démocratie, de fraternité et de paix, nous appelons à mettre tout en œuvre pour arrêter la guerre. Rien de ce qui peut arriver aux peuples du monde ne nous est étranger. Nous n’admettons pas l’horreur d’un conflit impliquant un million d’hommes et ses
conséquences effroyables pour les populations civiles et pour l’environnement. […] Cette guerre menée au nom du droit international est injuste. Qui équipa, hier, la dictature irakienne? De qui Saddam Hussein fut-il l’allié il y a peu? Alors que l’ONU condamne Israël, qui se précipita pour faire respecter les droits des Palestiniens? […] Rien de ce qui peut arriver au monde du travail ne nous est étranger. Nous n’acceptons pas que le désastre de la guerre serve de prétexte à une nouvelle offensive d’austérité. […] Nous n’accepterons pas que le climat de guerre serve à limiter nos libertés d’expression, de presse, de manifestation… et génère la haine et le racisme. Nous n’accepterons pas que l’action syndicale soit entravée par de nouveaux pouvoirs spéciaux. Cette guerre n’est pas la nôtre. Nous appelons l’ensemble des syndicalistes, avec leurs organisations, à se joindre au mouvement pour la paix, contre la guerre..." Cet appel connaîtra un succès important. Il sera notamment publié dans les quotidiens La Wallonie et Le Soir. Des milliers de syndicalistes et de simples affilié.e.s vont le signer. Un compte bancaire est ouvert pour couvrir notamment les frais de publication de l’appel dans Le Soir. Plus de 150.000 francs belges seront ainsi récoltés en quelques semaines. ■ (1) Francine Dekoninck (membre du Bureau exécutif national CGSP-ALR), René Stroobant (Secrétaire CMB Waasland) et Jacques Yerna (ancien Secrétaire général de la FGTB Liège-HuyWaremme). (2) 150.000 FB de l’époque correspondent environ à 10.000 euros d’aujourd’hui si on tient compte de l’évolution du coût de la vie.
PAS DE GUERRE POUR LE PETROLE! 16 la gauche #75 janvier-février 2016
Jacqueline Galant ne peut être accusée de malversations criminelles semblables à celles évoquées dans la brève en page 15. Il n’empêche que dans un laps de temps très court elle a accumulé les casseroles. En novembre 2014 elle a mandaté pour un montant de 500.000 euros le cabinet d’avocats Clifford-Chance (honoraires facturés à 385 euros l’heure!), qui n’est pas spécialisé dans le droit du transport, afin de la conseiller dans le dossier du survol aérien de Bruxelles. Non seulement la procédure obligatoire d’appel d’offres n’a pas été respectée, mais de plus les prestations dudit cabinet d’avocats ont été facturées depuis le 29 octobre 2014 alors que le mandat ne débutait que le 7 novembre. Certains évoquent le copinage car le chef de cab de Jacqueline Galant a notamment travaillé dans le passé pour Clifford. Le Galantgate a culminé début novembre car il s’est avéré que l’intéressée, absente au parlement lors de l’interpellation du Premier ministre par l’opposition, avait tout simplement menti. La N-VA, de son côté a soigneusement évité les questions embarrassantes dans ce dossier pour ne pas enfoncer le MR. Jacqueline Galant a désormais une dette vis-à-vis de la N-VA. Les attentats terroristes du 13 novembre ont ensuite relégué le Galantgate à l’arrière-plan et Jacqueline a dû pousser un ouf de soulagement. Sauvée par le gong… mais pour combien de temps? ■ Jacqueline Galant
photo: standaard.be
Il y a 25 ans, la Guerre du Golfe (1991)
Syndicalistes contre la guerre
Sauvée par la N-VA et par Daesh
✒ par Guy Van Sinoy Comment augmenter la productivité de la SNCB de 20% en cinq ans, avec une réduction de trois milliards par an de sa dotation? On comprend tout de suite que cela se fera sur le dos du personnel. Mais le plus insupportable est sans doute le mépris avec lequel la ministre de la Mobilité, Jacqueline Galant dénigre le travail des cheminots, n’hésitant pas à les faire passer pour des privilégié.e.s.
Diminution du nombre de jours de congés
Dans une entreprise publique qui fonctionne 365 jours par an, jour et nuit (les trains de marchandises roulent la nuit), les horaires de travail sont pénibles [voir les témoignages ci-dessous] et les jours de congé et de récupération sont importants car ils permettent de retrouver un peu d’équilibre dans une vie sociale (famille, amis, loisirs, etc.) La direction du chemin de fer a décidé de façon unilatérale (sans concertation) de tailler dans les jours de congé: suppression du congé du 15 novembre, suppression d’un jour de congé par tranche de 18 jours d’absence (congé, maladie), suppression du jour de congé compensatoire quand un jour férié tombe le week-end.
Sur les voies
Les agents de la voie ont un travail dangereux, de plus en plus pénible car les horaires ne sont pas respectés. Ce travail lourd devrait normalement être effectué de jour, avec une prestation occasionnelle de nuit ou le week-end. Et ce travail de nuit et de week-end devrait se faire sur base du volontariat. Depuis plus d’un an, les prestations des AMS (Agent de maintenance spécialisé) n’ont plus rien de régulier. Les horaires changent sans arrêt et les agents ne font quasiment plus que des nuits et des week-ends.
rentrent le samedi matin et doivent retravailler le lundi matin en prestation de jour pendant deux jours, puis sur cette même semaine recommencer de nuit jusqu’au dimanche matin et doivent reprendre leurs prestations le lundi matin suivant. Tous habitent assez loin, donc rentrent tard chez eux et doivent se réveiller très tôt le lendemain pour revenir travailler et ça, sans avoir pu se reposer un minimum. Alors que nous disposons d’un libre parcours, beaucoup se sont résignés à venir travailler en voiture malgré les risques dû à l’épuisement des prestations de nuit pour pouvoir se reposer quelques minutes de plus en partant plus tard du domicile et en rentrant plus tôt. Sans parler des prestations de week-end, qui sont aussi devenues très compliquées depuis les changements d’horaires des trains". "Parfois lorsqu’on demande une semaine de congé (cinq jours consécutifs, du lundi au vendredi) ou une plus longue période (comme les vacances d’été), on nous demande de prester le samedi et le dimanche sous prétexte que nous n’avions pas précisé ‘week-end libre’". "Pour l’organisation du travail, nous nous retrouvons souvent en manque d’effectifs, nous avons d’importantes manutentions très lourdes à effectuer qui parfois peuvent être dangereuses et éprouvantes, nous manquons de matériel et celui dont nous disposons est souvent vétuste".
En cabines
Infrabel veut imposer de nouvelles conditions de travail dans les cabines. Allongement de la journée de travail, de 8 heures à 12 heures, alors qu’il s’agit d’un travail qui demande une attention de tous les instants. Concentration des cabines, ce qui va réduire fortement l’effectif des signaleurs. Cette concentration signifiera plus de polyvalence (connaître plus de postes), et un changement de siège de travail pour certain.e.s.
service public
Comment concilier travail et vie de famille quand on est cheminot.e?
Accompagnateurs et accompagnatrices
Le plan Galant prévoit la suppression de plusieurs centaines de postes d’accompagnateur/trices de train sur les petites lignes. En outre, plus de flexibilité sera imposée pour les horaires de travail. Un exemple: actuellement lorsqu’un.e accompagnateur/trice est en jour de congé de compensation, la veille il ou elle ne doit pas terminer sa journée de travail après 23h et le lendemain du jour de compensation il ou elle ne doit pas commencer avant 5h. Dorénavant on pourra exiger que l’agent travaille jusque 1h du matin la veille de son congé de compensation, et le lendemain on pourra lui imposer de commencer le travail à 3h du matin! L’allongement de la durée du travail quotidienne jusque dix heures par jour est aussi au programme. Combien de navetteurs accepteraient de travailler dans ces conditions? ■
Témoignages:
"Dans une brigade, ce mois de novembre 2015, certains ont cumulé neuf prestations consécutives sans jour de repos. Prestations comme suit: quatre prestations de jour, samedi et dimanche compris, avec un enchaînement de cinq prestations de nuit. Certains agents la gauche #75 janvier-février 2016
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climat
Le spectre de la géoingénierie hante l’accord de Paris sur le besoin urgent de combler cet écart significatif". Dans ce but, l’accord La conférence de Paris sur le climat sera actualisé tous les cinq ans. Mais le (COP21) s’est terminée sur un accord que résultat est fort incertain, car il dépendra les négociateurs et les médias ont qualifié entièrement de la bonne volonté des Etats, d’ambitieux et d’historique. Ce document aucune sanction n’est prévue. Cette actualisation débutera en 2023, n’est pourtant guère plus qu’une déclaration d’intention confirmant l’objectif fixé trois ans après l’entrée en vigueur de à Copenhague: maintenir la hausse de l’accord. Le problème posé ici est celui du température au cours de ce siècle au-des- timing, notamment de l’année à laquelle sous de 2°C, si possible 1,5°C… comme il faudrait, au plus tard, commencer à réduire les émissions mondiales. C’est une envisagé déjà lors de la COP de Cancun. L’accord ne stipule ni l’année où les question très importante. En la creusant, émissions mondiales commenceront à on constate qu’il y a anguille sous roche. diminuer, ni le rythme annuel de cette Pas si grave, en fin de compte? diminution, ni le moment où on se Selon le quatrième rapport du GIEC passera des combustibles fossiles. Il ne dit (Groupe d’experts intergouvernemental pas non plus comment les pays se part- sur l’évolution du climat), les émisageront l’effort à réaliser en fonction des sions mondiales devaient commencer à responsabilités historiques et des capacités diminuer au plus tard en 2015 pour que respectives. Copenhague avait échoué prin- la concentration en gaz à effet de serre cipalement sur ce point. Paris contourne ait 50% de chance de rester entre 445 et la difficulté en réaffirmant en général les 490 ppmv CO2eq (parts par million en principes de la Convention cadre, sans dire volume d’équivalent CO2), correspondant si les plans concrets par lesquels chaque un réchauffement probable de 2 à 2,4C° à Etat envisage de contribuer à stabiliser le l’équilibre. climat sont conformes à ceux-ci. Le cinquième rapport donne des indi-
✒ par Daniel Tanuro
du GIEC l’estime à 1000 Gt (gigatonnes) pour la période 2011-2100. Au rythme d’émission actuel, ce budget sera épuisé dans une quinzaine d’années. Il y a donc urgence, plus que jamais. Le charbon, le pétrole et le gaz naturel couvrent plus de 80% de nos besoins en énergie. Leur combustion est la source majeure des gaz à effet de serre. Un plan doit donc être établi pour réduire la consommation et remplacer les fossiles (et le nucléaire) par les renouvelables. Ainsi la courbe des émissions pourra s’infléchir, passer par un maximum, puis décroître jusqu’à zéro. Est-ce encore possible? Oui, mais les mesures à prendre sont repoussées depuis 25 ans et le rythme annuel des émissions n’a fait que croître. Du coup, le rythme de réduction des émissions du secteur énergétique doit être extrêmement rapide. Kevin Anderson, directeur du prestigieux Tyndall Center on Climate Change Research, l’estime à 10% par an d’ici 2025, au moins.
Les chercheurs s’autocensurent
C’est un défi gigantesque. Vu les masses de capitaux immobilisées dans cations un peu différentes: pour avoir 66% les réserves de fossiles et les installations Le verre est vide à 80% Dans le jargon des COP, ces plans sont de chances de rester sous 2°C en 2100, il de conversion, il n’y a aucun espoir de le appelés les INDC (Intended Nationally faudrait que les émissions culminent en relever en respectant les lois capitalistes Determined Contributions). A supposer que 2010 dans les pays de l’OCDE (Organisa- du profit. Il faudrait au contraire recourir ces "intentions de contributions" soient tion de Coopération et de Développement à des mesures anticapitalistes radicales: effectivement mises en œuvre, leur effet Économiques), en 2014 dans les Etats de suppression des productions inutiles ou cumulé nous mettrait sur la voie d’un l’ex-bloc de l’Est, en 2015 en Amérique nuisibles, suppression des consommaréchauffement de 2,7 à 3,7°C d’ici la fin du latine, en 2020 en Afrique, en Asie et au tions ostentatoires des riches, partage des ressources et de l’emploi, expropriation siècle. C’est moins que les 4-6°C projetés Moyen-Orient. Le fait que l’échéance du pic semble des multinationales de l’énergie et des au rythme actuel des émissions, mais beaucoup plus que l’objectif adopté à Paris. ainsi reculer crée l’impression que la banques, localisation des activités, planifiUn organe ad hoc mis en place menace du réchauffement, en fin de cation du développement, etc. Ces mesures ne sont même pas envisalors de la COP de Durban a étudié compte, n’est pas si grave, que les solul’impact des INDC. Remise officiellement tions permettant d’éviter une sérieuse gées par les économistes qui élaborent a u S e c r é t a r i a t d e l a C C N U C C catastrophe restent entièrement ouvertes. des scénarios de stabilisation du climat. (Convention-cadre des Nations unies Est-ce vrai ou faux? Et, si c’est faux, com- Par exemple, aucun scénario ne pose sur les Changements climatiques) en ment une idée aussi dangereuse a-t-elle pu l’hypothèse de la suppression de la production d’armes, ou d’autres productions préparation de Paris, sa conclusion est s’insinuer dans les esprits? Pour répondre, il faut se fonder inutiles et nuisibles. Les chercheurs exclusans appel: les INDC représentent à peine un cinquième de l’effort donnant 66% de sur la notion de "budget carbone 2°C", ent eux-mêmes certaines pistes. Dans sa partie du rapport, le Groupe de chance de rester sous la barre des 2°C. autrement dit la quantité de gaz à effet de serre qui peut encore être émise sans Travail III du GIEC expose clairement les Le verre est donc vide à 80%. Dans son préambule, l’accord de réchauffer l’atmosphère de plus de 2°C causes de cette autocensure: "Les modèles Paris "insiste avec une vive préoccupation d’ici la fin du siècle. Le cinquième rapport prennent l’économie comme base de la
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climat
Selon les études citées par le GIEC, ces quelque peu freinées sans être supprimées technologies à émissions négatives (NET) (elles continuent même d’augmenter dans permettraient de retirer annuellement certains secteurs, comme le transport). Le GIEC ne fait que compiler des 10 Gt de carbone de l’atmosphère d’ici 2050, voire 40 Gt/an à la fin du siècle. Les publications scientifiques existantes. Dès transnationales de l’énergie s’y intéressent lors que celles-ci sont envahies de scéde près, financent les recherches. Et pour narios de ce genre, le diagnostic sur la cause: les "émissions négatives" pourraient "mitigation" du changement climatique compenser la poursuite de la combustion est profondément affecté – ou plutôt infecté. En particulier, l’année du pic des des fossiles pendant plusieurs décennies. émissions peut être retardée aussi longAu nom du réalisme! temps qu’on trouve – sur le papier! – des Ce report de la transition coûtera plus moyens hypothétiques pour que le déficit cher à long terme à l’humanité dans son du budget carbone creusé dans les 20-30 ensemble, mais il est moins cher à court prochaines années soit comblé dans la terme pour les entreprises énergétiques. Le seconde moitié du siècle. Groupe de Travail III du GIEC (qui écrit Nous en sommes là aujourd’hui. La la partie du rapport sur la mitigation du base de données du 5e rapport du GIEC réchauffement) dit franchement que la contient 113 scénarios de mitigation donplupart des chercheurs ont décidé de se nant au moins 66% de chances de rester résigner, d’abandonner leurs "suppositions sous les 2°C; au nom du"réalisme", 107 idéalisées". Par "réalisme", la majorité des d’entre eux (95%) font l’hypothèse d’un nouveaux scénarios intègrent l’hypothèse déploiement massif des NET. Selon les six que le budget carbone sera dépassé et que autres, le pic des émissions devait avoir ce dépassement sera compensé ultérieure- lieu au plus tard en… 2010. En réalité, ment par le déploiement des NET. nous sommes donc "hors des clous" de la Dans la plupart de ces scénarios, le stabilisation du climat. nucléaire, la capture-séquestration et Notons-le au passage: quand l’intérêt les renouvelables complètent le "mix des créanciers dicte de saigner les peuples énergétique". Les émissions résultant pour payer les dettes, la pseudo-science de la combustion des fossiles sont ainsi économique néolibérale ne jure que par
dessin: Arnold De Spiegeleer
prise de décision (…). Ils tendent à des descriptions du futur qui sont normatives et focalisées sur l’économie. Les modèles supposent typiquement des marchés qui fonctionnent pleinement et un comportement de marché concurrentiel". Avec ce cadre de référence, il ne faut pas s’étonner qu’on soit dans l’impasse aujourd’hui. Pour en sortir, il faudrait mettre le cadre en question. Mais les équipes qui donnent le ton dans l’élaboration des scénarios n’en veulent pas. Elles préfèrent chercher de pseudosolutions pour retirer de l’atmosphère les déchets que le capital fossile veut continuer d’y déverser. Citons rapidement quelques-unes de ces pseudo-solutions. Il y a des arbres artificiels qui pompent le CO2 de l’air pour le stocker dans des couches géologiques profondes. Il y a des réactions chimiques qui fixent le CO2 de l’air sous forme de carbonate de calcium (le composé principal du calcaire), à stocker au fond des océans. Il y a la pyrolyse de la biomasse qui produit du biochar (un genre de charbon de bois), à enfouir dans les sols. Il y a la bio-énergie avec capture et séquestration du carbone (BECCS), autrement dit l’utilisation de la biomasse à la place des fossiles, avec enfouissement du CO2.
la gauche #75 janvier-février 2016
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La BECCS, nouvelle "alternative infernale"
Parmi les NET, la technologie qui émerge est l’utilisation massive de la biomasse comme source d’énergie, la BECCS (Bio-énergie avec capture et séquestration de carbone). C’est la moins coûteuse pour le secteur énergétique, elle ne demande pas de bouleversement du système et elle convient à la fois à la production d’électricité, de biogaz et de carburants liquides. De plus, la BECCS ne fait pas que retirer du CO2 de l’air: contrairement aux arbres artificiels, elle offre aux capitalistes du secteur des marchandises à vendre… Le GIEC cite plusieurs études évaluant à 3 Gt par an la quantité de carbone que la BECCS permettrait de retirer de l’atmosphère à un "coût acceptable". Il est vrai qu’il consacre aussi une quinzaine de pages aux incertitudes et aux risques de la capture-séquestration géologique en général, de la BECCS en particulier. Cependant, au moment de la décision, les exigences des "marchés qui fonctionnent pleinement" poussent chacun à adopter "un comportement de marché concurrentiel"… C’est ainsi que le rapport de synthèse sur les INDC, rédigé par les experts du groupe de Durban, est muet sur les risques des NET. Ces risques sont pourtant considérables. Une publication toute récente en explore certains aspects. Les conclusions donnent le frisson. Selon les auteurs, retirer 3 GT/an de l’atmosphère en recourant à la bio-énergie avec
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Pas de panique chez les extractivistes! L'accord correspond largement à ce que quatorze multinationales extractivistes (dont Shell, BP et Rio Tinto) souhaitaient et qu'elles avaient exprimé à travers un manifeste commun, en octobre 2015: un accord basé sur les INDCs; incluant tous les pays (au moins tous les grands émetteurs); à long terme, révisé périodiquement, sans engagements chiffrés de réduction des émissions; avec soutien aux marchés internationaux du carbone; sans aucune contrainte pour les transports maritimes et aériens (www.climatechangenews. com/2015/10/14/bp-shell-rio-tintooffer-support-to-paris-climate-deal/). Benjamin Sporton, dirigeant de la World Coal Association, ne panique pas davantage: pour lui, l’accord n’impose pas un "changement massif" aux compagnies charbonnières mais incite les gouvernements à s’intéresser davantage à la capture-séquestration. ■ Financial Times, 13/12/2015
capture et séquestration nécessiterait notamment). Comme si ces menaces ne d’établir des plantations industrielles sur suffisaient pas, les apprentis-sorciers de la des superficies comprises entre sept et 25% croissance capitaliste veulent en ajouter de la surface cultivable (25 à 46% de la une nouvelle: la concurrence entre la surface agricole cultivée en permanence). satisfaction des besoins alimentaires de Les besoins en eau sont un autre souci: la la population mondiale, d’une part, et BECCS impliquerait d’augmenter de trois la nécessité, pour sauver le climat, de pourcents les prélèvements humains sur rétribuer le secteur privé afin qu’il retire de la ressource. Les plantations pourraient l’atmosphère une partie du CO2accumulé certes être établies sur des terres non parce que la soif de profit n’a pas de irriguées mais, dans ce cas, les superficies limites, d’autre part. Qu’une telle "alternative infernale" devraient augmenter de 40%. On ne répétera pas ici ce que la plupart puisse se draper dans le manteau de la des lecteurs connaissent, concernant "Science" en dit long sur la profondeur des les risques terribles du nucléaire. On ne eaux glacées du calcul égoïste où la société répétera pas non plus les dangers et les marchande nous a égarés. Le sauvetage du incertitudes de la capture séquestration du climat ne dépend pas de ces Messieurs et CO2 en général (impossibilité de garantir de leurs négociations, il ne peut venir que l’étanchéité à long terme des réservoirs, de la convergence de nos luttes! ■
photo désastre BP: counterspill.org
climat
l’équilibre des finances publiques; mais quand l’intérêt des créanciers dicte de creuser le déficit du "budget carbone", il n’est plus question d’équilibre, ni même d’efficience coût. Au contraire, tous les moyens sont bons pour gonfler la facture et la reporter sur les générations futures ainsi que sur les écosystèmes! Revenons à l’accord. L’analyse cidessus en éclaire le contenu. Pourquoi mentionner un pic des émissions, un rythme de réduction, une échéance de décarbonisation? Tous ces paramètres, dorénavant, dépendent de l’importance possible des NET. Le fait que le texte ne parle pas de la "transition énergétique" n’est pas la lacune regrettable d’un accord qui "va dans le bon sens": c’est la manifestation en creux d’un projet qui mise sur les technologies de la géoingénierie pour sauvegarder les super-profits des compagnies exctractivistes [lire l’encadré].
✒ par La rédaction Durant la COP21, et malgré les interdictions de manifester, plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées à travers les Climate Games, une plateforme mise en place par des activistes pour organiser de manière décentralisée des actions directes non-violentes. Nous publions ci-dessous le communiqué de l'EZLN, qui n'est pas celle que vous croyez! Les patatistes sont nombreux parmi cet Ensemble Zoologique de Libération de la Nature, de quoi redonner la patate à ce mode d’action qu’est la désobéissance civile. Une initiative à soutenir, reproduire, approfondir…
photo EZLN: climategames.net/fr/teams/392
BNP Paribas, cible d’une action théâtrale subversive
Après avoir créé le buzz avec leur première action visant un concessionnaire Volkswagen (plus de 300.000 vues sur Facebook), le collectif EZLN remet le couvert en décorant entièrement une banque aux couleurs de la nature. En marge de la COP21 qui s’est déroulée à Paris, l’Ensemble Zoologique de Libération de la Nature a mené une action contre un des sponsors de la Conférence climatique. Le 8 décembre, une centaine de personnes déguisées en éléments de la nature sont entrées dans une agence de BNP Paribas Fortis de la Porte de Namur à Bruxelles pour mener une action coup de poing. En moins de cinq minutes, l’agence était entièrement re-décorée à l’intérieur et à l’extérieur. Des arbres et des buissons, tantôt faits de carton tantôt de branchages, ont été installés partout à l’intérieur, des fleurs volaient en l’air, des tapis floraux recouvraient le sol mais aussi les murs. A leur sortie, l’agence ressemblait davantage à une forêt qu’à une banque. Tout comme leur première action menée contre VW, aucune dégradation matérielle n’a été occasionnée. Cette installation artistique vise à incarner le slogan "Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend!" qui chapeaute les Climate Games. L’idée que voulait faire passer l’EZLN était
reprise sur l’un de leurs calicots: "Stop doing business with nature or nature will fight back". L’installation représentait donc la nature reprenant le dessus sur le monde de la finance qui cherche à faire de la nature une marchandise. La sous-commandante Lapin explique le choix de leur action: "BNP Paribas est une championne mondiale de l’investissement dans le charbon mais aussi le pétrole, le gaz et les centrales nucléaires. Leur stratégie de diversification énergétique est dérisoire à côté des dommages écologiques dont ils sont responsables. De plus, BNP Paribas promeut la pire des fausses solutions au défi climatique: le système de marché du carbone ou comment continuer à polluer en achetant des droits de pollution aux pays du Sud! Enfin, la banque soutient le TTIP, traité de libre-échange qui menace de faire exploser les émissions de CO2!" La campagne menée par l’EZLN demande la création d’un tribunal environnemental et l’expulsion des multinationales du cadre des négociations. A l’instar des lobbys pharmaceutiques qui ont été exclus des négociations de l’Organisation mondiale de la Santé, l’EZLN demande d’expulser les entreprises polluantes et responsables de crimes climatiques du cadre des négociations. Selon lui, c’est en tenant les multinationales à
à l’action!
L'EZLN veut réduire en purée les fossoyeurs du climat l’écart des Etats et de la société civile qu’un accord à la hauteur pourra être trouvé [Lire notre analyse de l’accord de Paris en pages 18 à 20]. C’est-à-dire un accord qui prévoit des mesures contraignantes pour encadrer les plus grosses entreprises mondiales et qui s’attaque à des mythes comme le libre-échange et l’agriculture industrielle. ■ Pour aller plus loin: Voir leur première vidéo contre VW: vimeo.com/147410136 Info sur les ClimateGames: climategames.net/fr/home Voir les reportages de ZinTv sur les actions pour la justice climatique: zintv. org/Action-pour-la-justice-climatique1
Le chiffre: 2 milliards d’euros La direction de BNP Paribas Fortis a annoncé son intention de verser un dividende exceptionnel de 2 milliards d’euros à sa maison-mère (BNP Paribas). Cette décision passe évidemment très mal dans les organisations syndicales car BNP Paris Fortis a annoncé la suppression de 1.020 emplois au cours des trois prochaines années. Cela n’a l’air de rien, mais 2 milliards d’euros de dividendes, c’est cinq fois le budget que Charles Michel a prévu pour accroître la sécurité après les attentats du 13 novembre. ■
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France
Après les régionales, un bilan sans concession ✒ par Christine Poupin Certes, le Front national (FN) ne dirigera aucune région à l'issue du second tour des élections de décembre 2015, il est pourtant le grand gagnant de cette séquence. Avec 6 millions au premier tour et 6,82 millions au second, il engrange le plus grand nombre de voix de son histoire et bat son précédent record du premier tour de la présidentielle de 2012 (6,42 millions de voix). Depuis cette date le FN a présenté plus de 500 listes aux municipales – alors que jusque là il ne parvenait pas à réunir le nombre de candidat.e.s nécessaire – et gagné dix villes. Puis il est arrivé en tête lors des européennes et enfin les départementales lui ont donnés 31 cantons et deux sénateurs. Il ne s'agit donc pas d'une percée soudaine, mais bien d'une montée en puissance régulière non seulement de son audience électorale, mais aussi de son influence et de son implantation. Il consolide ses forts résultats dans les classes populaires, où il recueille 43% des suffrages, jusqu'à 51% parmi les ouvriers, certes avec une abstention encore plus forte que dans le reste de la population, mais rien ne permet de penser que les abstentionnistes voteraient de manière substantiellement différente. Malheureusement, les salariés influencés par les organisations syndicales ne sont pas immunisés, loin s'en faut. Comme en témoigne une enquête en fonction des proximités syndicales qui donne 27% pour le Front national parmi les sympathisants de la CGT, 26% auprès de ceux de la CFDT et 34% chez ceux de FO. Et désormais les fonctionnaires ne sont plus épargnés. Dans le même temps, depuis les départementales de mars 2015, il gagne du terrain chez les cadres supérieurs et les professions libérales et très fortement (+12%) chez les artisans et commerçants ou chez les agriculteurs en empiétant résolument sur ces électorats traditionnels de la droite. Encore sur les terres de la droite, il progresse chez les catholiques en particulier pratiquants.
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Ce double mouvement de consolidation parmi les chômeurs, ouvriers et employés d'une part, et de basculement de couches traditionnellement à droite (18% des électeurs de Nicolas Sarkozy du premier tour de 2012 ont voté FN aux régionales) d'autre part, permet au Front National de franchir un nouveau pallier et d’assurer désormais sa présence dans toutes les couches de la société.
Qui perd gagne
En tête dans six régions sur 13 à l'issue du premier tour, le FN n'en a emporté aucune. Les deux régions du Nord-Pas-deCalais-Picardie et Sud-Est n'ont échappé aux Le Pen qu'à la faveur du retrait pur et simple des listes du Parti socialiste, aboutissant à des conseils régionaux composés exclusivement de la droite et de l'extrême-droite. Ce front républicain effaçant encore un peu plus les frontières entre la droite et le PS a fonctionné, mais pour combien de temps encore? Loin d'être un rempart efficace, il s'agit plutôt d'un calcul cynique qui pourrait bien se retourner. Bien trop nombreux sont ceux qui font le pari risqué d'encourager la montée du FN. En premier lieu Hollande et Valls dont la tactique, en misant sur la soi-disant lutte prioritaire contre le FN promu meilleur ennemi, vise tout à la fois à réduire l'espace politique de la droite et à la diviser. La droite, quant à elle, est de plus en plus explosée entre Sarkozy et son camp qui n'en peuvent plus de filer le train au FN, le renforçant d'autant, et ses adversaires qui tentent de jouer les recours contre le FN mais se retrouvent de fait sur le terrain déjà occupé par le PS. Les uns et les autres jouent un jeu dangereux: chacun mise sur l'arrivée en tête de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2017 et cherche à être le deuxième qui imposera aux autres de se rallier, pariant sur la seule configuration lui permettant d’emporter le second tour. En dépit des gesticulations sur le thème du"sursaut républicain", ni le PS ni la droite ne veulent, ni ne peuvent, faire reculer l'extrême-droite.
Le ventre toujours plus fécond, d'où surgit la bête immonde
Les causes profondes de la montée du FN sont multiples mais toutes s’aggravent. L’une d’elles est à l’évidence la désespérance sociale née de la conjonction des crises du capitalisme, des bouleversements profonds du monde et de la société française, des politiques néolibérales destructrices d’emplois, de droits et de protection sociale menées depuis 35 ans par les gouvernements successifs. Le fait que les coups décisifs soient portés par le Parti socialiste en accroît les effets dévastateurs, achevant de désespérer les salarié.e.s, les chômeurs/ euses, les retraité.e.s et les précaires, celles et ceux que l'on appelait le "peuple de gauche" et parmi lesquel.le.s le FN fait désormais ses meilleurs scores. Le racisme reste déterminant dans l’identité du FN, qu’il prenne aujourd’hui d’avantage le visage de l’islamophobie n’y change rien. Et si Marine Le Pen peut paraître "dédiabolisée" (expression particulièrement dangereuse, qui laisserait croire qu’elle aurait été"diabolisée"donc rejetée à tort!), ce n’est pas parce qu’elle est moins raciste, mais parce que malheureusement le racisme s’est banalisé, singulièrement sous sa forme de rejet des musulman.ne.s ou de celles et ceux qui sont supposé.e.s l’être. Au-delà, c’est tout le discours visant à faire de l’immigration, des migrant.e.s, des réfugié.e.s... un problème, qui a gagné du terrain dans l’ensemble de la société. Là encore la responsabilité du PS est écrasante, en poursuivant, voire accentuant les politiques discriminatoires menées par la droite, en durcissant les conditions d’accueil et de séjour, en manipulant lui aussi une prétendue "laïcité" mais vraie stigmatisation... il ne fait que légitimer le discours du FN et le vote pour ses candidats. Dans le même sens le cours répressif et sécuritaire des politiques gouvernementales donne raisons aux réponses autoritaires de l’extrême-droite. Une fois admis que la répression policière est la réponse à tous les maux, pourquoi
photo: http://alfa.blog.lemonde.fr/files/2015/11/Republique -22.jpg
Des questions incontournables
Pourquoi l’effondrement du PS, son incapacité à représenter même par défaut les classes populaires ne renforcent-ils pas les forces à sa gauche? Le NPA n’a
pas pu se présenter, LO a fait 1% et le Front de Gauche moins de 5%. Pourquoi est-ce le vote pour le FN qui est utilisé par nombre de celles et ceux qui souffrent du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion, par bon nombre aussi de celles et ceux qui redoutent le déclassement, pour exprimer leur colère? La réponse est dramatiquement simple et appelle un bilan sans concession. Plus aucune force politique ne permet tout à la fois d'exprimer la colère face aux injustices sociales, de construire la solidarité pour résister à l'exploitation et aux oppressions, de faire vivre l'espérance d'un avenir meilleur, la conscience de la puissance collective des exploité.e.s et des opprimé.e.s et la confiance en cette puissance pour changer le monde. Pire, les idées réactionnaires, racistes, inégalitaires, celles qui prétendent que les pauvres et les exclus sont responsables de leur sort, que la solidarité n’est pas la solution... c’est idées-là ont dangereusement gagné du terrain. Pourtant, quand la chemise du DRH d’Air France est déchirée par les salariés menacés de licenciement, la colère ouvrière surgit et vient rappeler la fierté et le refus de courber la tête. Pourtant, au quotidien, des milliers de militant.e.s syndicaux, associatifs font vivre la solidarité dans les entreprises et dans des quartiers. Pourtant, les mobilisations pour le climat dessinent un autre système non seulement désintoxiqué des énergies fossiles mais aussi de l'aliénation marchande. L’enjeu est bien, à partir de ces points d’appui, de construire ensemble une nouvelle représentation politique, un nouveau projet émancipateur capable de disputer l’hégémonie acquise par les forces réactionnaires. ■
Les militants du climat traités comme des terroristes
France
ne pas voter pour ceux qui poussent jusqu’au bout cette logique? Sur ce terrain, ni un Valls pourtant particulièrement zélé, ni même un Sarkozy qui l’apprend à ses dépens, ne seront aussi crédibles qu’un ou une Le Pen. Dans ce contexte déjà terriblement dégradé, l’horreur des tueries du 13 novembre [lire notre article en page 4] a dramatiquement accéléré la spirale périlleuse. Le choc causé par les attentats a fait basculer vers le FN la fraction des électeurs de la droite traditionnelle les plus sensibles aux thématiques sécuritaires et racistes. Les actes islamophobes se sont multipliés. Hollande l’a joué "chef de guerre" à l’extérieur en intensifiant la guerre en Syrie [lire en page 28] et à l’intérieur en décrétant l’état d’urgence. Des décisions aussi inefficaces l’une que l’autre contre le terrorisme de Daesh. Imposé pour 12 jours, puis prolongé pour 3 mois, l’état d’urgence, ce régime d’exception issu de l’histoire coloniale que le gouvernement cherche à pérenniser en modifiant la Constitution, est prioritairement utilisé contre les quartiers populaires toujours plus stigmatisés et contre les résistances en interdisant les manifestations et assignant des militants à résidence. Le gouvernement fait le choix délibéré d’instrumentaliser les attentats pour livrer une partie de la population à la méfiance et au rejet, rendre durable l’Etat policier et criminaliser les mobilisations. Il détruit ainsi préventivement tout ce qui permettrait de résister à la fois au terrorisme et à l’extrême-droite.
Hollande redoutait qu'une mobilisation de masse pour la justice climatique ne vienne gâcher sa success story "Paris sauve le climat" si soigneusement construite. Des semaines avant la COP21, le gouvernement français avait commencé à faire monter la pression, à préparer son arsenal répressif contre les manifestations prévues à Paris, à dénoncer préventivement les Black Blocs et à rétablir les contrôles aux frontières. Au lendemain des attentats, il a annoncé le maintien de la COP et l’interdiction des manifestations. Il a cherché à diviser le mouvement, en faisant pression d’un côté pour amener les organisateurs à annuler eux-mêmes les initiatives, de l’autre il a utilisé l’état d’urgence pour intimider des militants à coup de perquisitions administratives dans des squats, chez des maraîchers bio, de convocations au commissariat pour signifier les interdictions et les peines encourues... 26 militants ont été assignés à résidence (interdiction de quitter son domicile entre 20h et 6h du matin et obligation de pointer au commissariat trois fois par jour pendant deux semaines) sur la "prédiction d’un comportement de nature à troubler l’ordre public", sur la base d'une simple note rédigée par les services de renseignement. Le régime d'exception nous a privés de ce dont nous avions le plus besoin après les attentats, une démonstration de force et d'espoir, mais il a dû reculer le 12 décembre devant la détermination des manifestant.e.s et lever au dernier moment l'interdiction de manifester. ■
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État espagnol
Après les élections du 20 décembre
Vers un scénario d'ingouvernabilité ✒ par Jaime Pastor Avec une participation de 73,2% (contre 68,94 en 2011), les résultats des élections du 20 décembre ont en grande partie confirmé les principales tendances annoncées par les sondages. Pour n'en souligner que les plus importantes, la somme des deux vieux partis [PP, droite et PSOE, social-démocratie] est de 50,7% (213 sièges). Le PP passe de 44,63% et 186 sièges à 28,7% et 123 sièges. Le PSOE a 22% et 90 sièges, il évite de justesse d'être dépassé par Podemos. A Madrid, un des lieux emblématiques, il est en quatrième position. Podemos et ses alliés [En Comu Podem en Catalogne (1), En Marea en Galice (2), Compromis Podem dans la Communauté valencienne (3)], obtiennent 20,7% et 69 sièges. Izquierda Unida [Gauche unie, coalition de plusieurs décennies structurée autour du PCE], avec 3,67% et deux sièges, sauve sa présence au parlement mais ne pourra pas former de groupe parlementaire. En Catalogne, ERC [Esquerra Republicana de Catalunya, Gauche républicaine catalane] avec 2,39% et neuf sièges passe devant la formation d'Artur MAS [Democracia y Llibertat, ex Convergencia, droite catalaniste] qui n'obtient que 2,25% et huit sièges. Au Pays basque, Bildu [Gauche nationaliste basque] chute de sept à deux sièges (4). Ciudadanos a, pour sa part, perdu de sa superbe en arrivant finalement à 13,93% et 40 sièges. Devant ce panorama, la majorité des analyses post-électorales indiquent une conclusion: l'alternance bi-partisane est arrivée à sa fin et, pour la première fois depuis la Transition [époque post franquiste], la règle mécanique voulant que le parti qui a obtenu le plus de suffrages est celui qui forme le gouvernement risque de ne pas fonctionner, même à la majorité simple. Malgré les pressions de Bruxelles et de l'Ibex 35 [la bourse de Madrid], ni le PP ni le PSOE n’auraient assez de
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soutiens pour former un gouvernement avec cette chambre. Le premier, même en comptant avec l'abstention de Ciudadanos, se trouvera face à une opposition plurielle du PSOE, de Podemos et des forces "périphériques"(ERC, PNV…). Le second, avec un leadership affaibli, ne pourra pas assumer les "lignes rouges" [les quelques conditions non négociables posées par Podemos pour engager des discussions] annoncées par Podemos et, en particulier, celle de En Comu Podem qui est d'organiser un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. La seule alternative, qui commence à être réclamée par le pouvoir économique, serait une grande coalition des deux vieux partis, mais elle supposerait le suicide politique du PSOE. Elle faciliterait par la suite l’ascension de Podemos comme alternative gouvernementale dans de futures élections. Enfin, on pourrait aussi imaginer une abstention du PSOE pour une investiture de Rajoy, comme l'a réclamé Albert Rivera [leader de Ciudadanos], pour garantir "l'unité de l’Espagne" et tranquilliser Bruxelles. Cette
option provoquerait néanmoins une crise profonde dans ce parti. En conséquence, des crises de projets et de leaderships sont à attendre dans les deux grands partis. Dans le PSOE, qui a résisté principalement grâce aux votes en Andalousie et en Estrémadure. Mais aussi dans la formation d'Artur Mas en Catalogne qui a été reléguée en quatrième position. Même Ciudadanos, qui a bénéficié d'un énorme appui médiatique, n'a pas réussi à apparaître comme une solution de rechange au PP. Face à tout cela, un projet alternatif et plurinational peut accumuler des forces et de la crédibilité, un projet qui ne renonce pas à l'objectif de changer le système comme l'a déclaré Pablo Iglesias lors de la soirée électorale (ce projet devra inclure le secteur qui s'est reconnu dans la candidature Unité populaire [coalition autour de Izquierda Unida] menée par Alberto Garzon, dialoguer avec la CUP (5) [Candidatura d'Unitat Popular] qui, en Catalogne, a largement démontré son enracinement populaire, et, pourquoi pas avec Bildu).
photo à gauche: http://media.r tl.fr/online/image/2015/0525/7778475794_des-par tisans- du-mouvement-podemos-le -24-mai-a-madrid-suite -aux- elections-municipales.jpg — photos à droite de franceinfo.fr
Face aux multiples appels qui ne manqueront pas de surgir depuis le cœur du système pour défendre une nouvelle culture "de pacte et de coalitions" (comme l'indique l'éditorial du quotidien El Pais, "L'Espagne a besoin d'être gouvernée après avoir tourné la page du bipartisme","L'heure des pactes" titrait La Vanguardia), la responsabilité de Podemos dans ce nouveau scénario est énorme. Au final, malgré le recul qu'il a connu dans les enquêtes ces derniers mois, il a finalement réussi à apparaître comme la principale force du changement ce 20 décembre. C'est dû à plusieurs facteurs. En premier lieu, grâce à son analyse autocritique des mauvais résultats aux élections catalanes du 27 septembre dernier, sa direction a opté pour une candidature unitaire à égalité avec Barcelona en Comu, les Mareas [en Galice] et Compromis [à Valence], en assumant en plus la revendication d'organiser un référendum sur l'indépendance de la Catalogne et la reconnaissance de la réalité plurinationale existante dans cet Etat avec toutes ses conséquences. Cette rectification a donné des fruits électoraux, même dans des lieux comme le Pays basque (6). Après ce tournant radical par rapport au discours "national-populiste" espagnol, développé jusqu'à présent par les dirigeants de Podemos, a suivi une campagne qui a remis au premier plan les revendications de dignité et de justice sociale qui avaient été centrales dans le mouvement du 15 M, la PAH [Plateforme des Victimes de l'Hypothèque] et les Mareas (symbolisées en plus par le leadership partagé entre Pablo Iglesias et Alda Colau, elle-même incarnant les "mairies du changement"). Cela ne doit pas nous faire oublier l’ambiguïté qui continue d'exister sur des questions centrales comme la défense d'un "changement constitutionnel" – au lieu d'une "rupture constituante" – la modération sur des aspects clés du programme économique après l'expérience grecque – comme la position à adopter face au pacte fiscal de l’Eurozone – ou l'attitude par rapport à l'OTAN.
pour un référendum catalan), afin de réaffirmer Podemos et les groupes parlementaires alliés comme la principale force qui appelle à un "changement de système". Pour cela il faudra beaucoup de fermeté pour ne pas se laisser entraîner vers la "responsabilité d’État", ni retomber dans la mauvaise formule eurocommuniste de compromis historique, qui ne feraient que frustrer les nouveaux espoirs créés et finiraient par contribuer à une reconstitution du régime. Ne l'oublions pas: ce qui est vraiment mort dans ces élections c’est "la démocratie de consensus entre les élites" sur laquelle s'est basée la culture de la Transition. Il nous appartient maintenant, depuis les institutions, la rue et les centres de travail, de donner une forme à cette culture de la participation et du consensus entre les peuples pour la conquête de sa souveraineté face au despotisme oligarchique européen. Pour cela il faudra repenser le "modèle" de "machine de guerre électorale" avec lequel est arrivé Podemos à ces élections. Parce qu'il est temps de réinventer un type de parti-mouvement pluriel, participatif, éloigné du modèle centraliste et verticaliste qui a dominé jusque-là, et, en même temps, l'ouvrir et le refonder par le biais d'une fédération ou confédération avec toutes les forces qui appellent à ce "changement de système". C'est un grand défi, difficile. Mais de sa résolution, qui devra nécessairement être accompagnée d'un nouveau cycle de mobilisations et d'empowerment populaire, dépendra que l'horizon d'une rupture constituante reste ouvert. ■ —21 décembre 2015
Le pari pour le "changement" reste ouvert
4) Les résultats en pourcentage sont calculés sur les suffrages exprimés dans l'ensemble de l’État espagnol. A l'échelle des circonscriptions, cela donne: Catalogne: ERC 16%, DyL 15%; Pays basque: Bildu 15%, PNV [droite basque] 25%; Navarre: Bildu 9,9%.
Jaime Pastor est professeur de science politique à l'UNED et éditeur de la revue VIENTO SUR. Traduction par Ensemble! Les notes entre crochets et en bas de page sont du traducteur. 1) 24,75% en Catalogne. 2) 25% en Galice. 3) 25% dans la Communauté valencienne.
Il s'agit maintenant de tirer des leçons de cette campagne et voir comment on peut avancer sans renoncer aux "lignes 5) La CUP est la gauche anticapitaliste rouges" (en premiers lieux le blindage indépendantiste catalane, elle ne se présente pas aux constitutionnel des droits sociaux, incom- élections du Parlement espagnol. patible avec l'article 135 de la constitution; 6) Podemos obtient 26% au Pays basque les diktats de la Troika et l'engagement et 23% en Navarre. la gauche #75 janvier-février 2016
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La nouvelle Assemblée nationale du Venezuela, issue des élections du 6 décembre 2015, est entrée en fonction le mardi 5 janvier. Pour la première fois depuis 15 ans, le mouvement politique initié par Hugo Chávez est minoritaire au parlement. Plus qu’un vote d’adhésion au projet néolibéral de la droite, c’est bien d’une défaite du chavisme qu’il s’agit, sur fond de crise économique sans précédent. Mais si le gouvernement bolivarien s’essouffle, qu’en est-il du mouvement populaire qui l’a porté au pouvoir?
Une défaite prévisible
Ce recul électoral est loin d’être une surprise. Mais il semblerait que les membres du gouvernement de Nicolás Maduro soient les seuls à ne pas l’avoir vue venir. Quelques jours après les élections, ils étaient aussi les seuls à ne pas se poser de question sur les politiques menées et sur les causes de la déroute. "Ne cherchons pas les causes du côté de la révolution", twittait le 11 décembre la ministre des Relations extérieures, Delcy Rodríguez. Pourtant, ce qui saute aux yeux lorsqu’on compare les chiffres des deux derniers scrutins, c’est la dégringolade spectaculaire du vote chaviste. Entre l’élection présidentielle de 2013 et les parlementaires de 2015, le chavisme a perdu près de deux millions de voix. L’opposition, quant à elle, progresse d’un peu plus de 350.000 voix. Mais la comparaison entre des scrutins présidentiel et parlementaire n’est jamais très probante (même si la participation a cette fois-ci été plus élevée qu’à l’habitude pour un scrutin parlementaire, avec 74,17%), et la croissance rapide de la population et du nombre d’électeurs permet difficilement de comparer des chiffres absolus. Par contre, il est utile de se rappeler que l’usure du vote chaviste à l’Assemblée nationale ne date pas d’hier. Lors du scrutin de 2010, l’opposition s’était déjà fortement rapprochée de la majorité: le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) avait obtenu 48,13% des voix contre 47,22% pour la MUD (Table de l’Unité démocratie, regroupe-
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ment de partis d’opposition allant des sociaux-démocrates à la droite la plus réactionnaire). Mais le PSUV avait alors obtenu plus de 50% des sièges, grâce à une réforme électorale concoctée quelques mois auparavant, modifiant l’attribution des sièges à la proportionnelle, et un redécoupage des circonscriptions électorales. Aujourd’hui non seulement ces subterfuges techniques ne suffisent plus à contenir l’expression électorale du mécontentement mais, pire, ils se retournent contre le PSUV. Avec 56% des voix, la MUD obtient les deux tiers des sièges au Parlement. De même, la modification des circonscriptions électorales de 2010 ne permet plus de préserver les bastions chavistes. Le PSUV a perdu dans des quartiers populaires jusqu’ici imprenables par la droite, comme l’emblématique 23 de Enero à Caracas, et dans certaines régions ouvrières du pays comme l’Etat du Bolívar.
qui le ramena au Palais présidentiel en moins de 48h lors du coup d’Etat mené en 2002 par le patronat et les forces réactionnaires. Les travailleurs, les exclus, les plus démunis avaient pris au sérieux l’idée d’un "pouvoir populaire" qui faisait d’eux des protagonistes et ouvrait les possibilités d’une démocratie participative notamment par une reconnaissance constitutionnelle. Aujourd’hui, force est de constater que c’est une autre conception qui s’est imposée au sein du chavisme: "Une stratégie étatiste plutôt que celle d’une large participation de la base, témoigne d’une vision verticale du processus, source de dégâts électoraux qui sont de nature à ouvrir les portes du pouvoir à l’opposition"(2).
La faute à la "guerre économique"?
Le discours officiel, repris par une certaine partie de la gauche, attribue la responsabilité de la crise économique La région du Bolívar est repré- actuelle (et de la défaite électorale) à sentative de l’état dans lequel se trouve la "guerre économique" menée par la la révolution bolivarienne: elle a été le bourgeoisie vénézuélienne soutenue par théâtre de la plus ambitieuse expérience les Etats-Unis. Cette approche revient à de contrôle ouvrier du pays, dans le ignorer deux choses: complexe sidérurgique Sidor, employant Premièrement elle tend à miniprès de 14.000 travailleurs. Lancée en miser la responsabilité des politiques 2008 par Hugo Chávez après le rachat économiques menées par le gouverneet la nationalisation de l’entreprise, ment. Comme l’explique l’économiste l’expérience est aujourd’hui enterrée. marxiste Manuel Sutherland: "Le prinAlors que le plan "Guyane socialiste 2009- cipal problème économique c’est la fuite 2019" prévoyait la participation active des massive de capitaux. Le Venezuela est le travailleurs et l’élection de ceux-ci aux pays avec la plus grande fuite de capiprincipaux postes de direction, ce plan taux au monde, proportionnellement à est aujourd’hui au point mort et, depuis son Produit intérieur brut (PIB). Sur les juillet 2013, la présidence de l’entreprise quinze dernières années, cette fuite est estimée à 300 milliards de dollars, et cela est occupée par des militaires. Au sein du PSUV, la dynamique est a anéanti la garantie en devises de notre semblable,"contrairement à ce qui s’était monnaie. Etant donné qu’il n’y a pas de produit lors du premier congrès, en 2009, contreprestation à cette fuite, la monnaie les délégués de 2014 n’ont pas été élus perd de sa valeur et cela se traduit par par les militants: il s’agissait surtout de l’augmentation des prix, autrement dit, gouverneurs, de maires et de députés". (1) par de l’inflation". Ajoutons que cette fuite L’ a r r i v é e a u p o u v o i r d ’ H u g o de capitaux faramineuse n’est possible Chávez en 1998 a été le résultat d’un que par l’appropriation frauduleuse d’une vaste mouvement populaire et de la partie de la rente pétrolière dont jouit le convergence des forces de gauche dans le pays (aujourd’hui mise à mal par la chute pays. C’est aussi ce mouvement populaire des prix du pétrole).
Où est passé le "pouvoir populaire"?
panamarevista.com
✒ par Sébastien Brulez
photo:
Venezuela
Le chavisme à bout de souffle... Et le mouvement populaire?
les chiffres depuis le deuxième semestre 2013. Le taux d’homicides est l’un des plus élevés au monde? Qu’importe, les chiffres officiels ne sont plus publiés depuis 2009.
La révolution bolivarienne survivra-t-elle à la fin du chavisme officiel?
Il est évident que le retour de la droite va signifier à terme, sur le plan social, un coup dur pour les classes populaires; et sur le plan géopolitique, le retour du Venezuela dans le giron des Etats-Unis et la fin d’un moteur d’intégration régionale contre-hégémonique. Si les années Chávez ont permis le retour sur la scène politique vénézuélienne d’un sujet politique populaire, ce sujet ne semble pas en mesure aujourd’hui de reprendre le contrôle de son instrument politique que devrait être le PSUV (au sein duquel les postes se répartissent plutôt en fonction des réseaux personnels et des "loyautés", notamment parmi les militaires). Pas plus que les organes légaux de démocratie participative communale ne lui permettent d’influer sur le cours de la politique nationale. Personne ne sait vraiment quel est l’état de mobilisation réel des 45.000 conseils communaux et 1.500 "communes" créés officiellement. Et ceux-ci restent de toute façon, in fine,
subordonnés à l’exécutif, ne serait-ce que pour l’obtention de financements. Dans les prochains mois, la droite pourrait tenter de réunir suffisamment de signatures pour convoquer un référendum pour révoquer le mandat du Président de la République, conformément à la Constitution. Vu sa majorité des 2/3 au sein de l’Assemblée, elle peut également révoquer des ministres… et même convoquer une assemblée constituante. Le tableau est sombre pour le mouvement progressiste vénézuélien. Des protestations internes au chavisme se sont pourtant exprimées, mais de façon non coordonnée jusqu’à présent, et certaines voix discordantes ont été exclues du parti sans aucun droit de défense. La révolution bolivarienne survivra-t-elle à la fin du chavisme officiel? Rien n’est moins sûr…■
Venezuela
Deuxièmement, le discours officiel oublie de signaler que cette appropriation frauduleuse n’est possible qu’en raison d’une corruption et d’une impunité massives. Elle n’est pas non plus uniquement l’œuvre de la bourgeoisie mais aussi des réseaux du pouvoir chaviste: militaires et "bourgeoisie bolivarienne", connue dans le pays comme "bolibourgeoisie". Plutôt que de remettre en question ses choix politiques et économiques qui l’empêchent de répondre aux trois fléaux qui affligent la population (inflation, insécurité, corruption), le gouvernement bolivarien persiste dans sa politique de l’autruche. L’inflation atteint des sommets ces dernières années? Qu’importe, la Banque centrale du Venezuela n’a pas publié les chiffres en 2015. Il faut désormais s’en remettre aux allocutions publiques du Président Maduro pour avoir des informations sur le taux d’inflation "proche des 100%", alors que d’autres sources évoquent un taux de près de 200% (3). A défaut de chiffres officiels, les travailleurs vénézuéliens mesurent l’inflation à la fonte de leur salaire, malgré les augmentations répétées du salaire minimum. La pauvreté (qui avait baissé de moitié entre 1999 et 2012) remonte suite à la crise économique? (4) Qu’importe, l’Institut national de Statistiques n’en publie plus
(1) Renaud Lambert,"Amérique latine, pourquoi la panne?", Le Monde diplomatique, janvier 2016. (2) Thomas Posado,"L’Etat régional du Bolívar au Venezuela. Reflet du désalignement entre le gouvernement chaviste et le mouvement ouvrier", Mouvements, n°76, 2013. (3) Gregory Wilpert,"Avis de tempête au Venezuela", Le Monde diplomatique, janvier 2016. (4) De 25,4% en 2012 à 32,1% en 2013, d’après la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), http://estadisticas.cepal.org
Nicolás Maduro la gauche #75 janvier-février 2016
27
✒ par Pierre Rousset et François Sabado Suite de l’article des pages 4 et 5. La version complète a été publiée dans Inprecor n°622 (décembre 2015) et sur www.inprecor.fr. Les derniers événements (13 novembre, attentats au Sinaï contre l’avion de ligne russe…) ont précipité une évolution des alliances que l’on percevait déjà avant, avec la formation d’une grande coalition: intégration de la Russie, abandon des prétentions à l’autonomie de la France, inquiétudes manifestées jusqu’en en Arabie saoudite sur le déploiement de l’Etat islamique… En contrepartie, le régime Assad est conforté alors qu’il est à l’origine de la crise syrienne et coupable des crimes que l’on connaît. Cela suffirat-il à favoriser un accord temporaire entre puissances régionales appartenant aux dits"blocs"sunnite et chiite ?
Il est encore bien tôt pour mesurer toutes les implications de ce tournant dans la situation internationale. Soulignons pour l’heure les points suivants:
Les compromis entre Occidentaux et la Turquie ou le régime Assad se feront au détriment des forces qui sur le terrain méritent le plus notre soutien: Kurdes, Yezidis, composantes progressistes et non confessionnelles de la résistance au régime. Il faut leur apporter notre solidarité politique et matérielle et exiger qu’ils reçoivent notamment un armement adéquat – ce dont les composantes progressistes de l’ASL n’ont jamais bénéficié (et pourtant, elles résistent!) et ce dont les Kurdes pourraient être privés, en particulier sur le front syrien. Force est de reconnaître que nous n’avons jamais fait en France, en ce domaine, ce que nous aurions dû. L’intensification des bombardements de la coalition, avec le prix exorbitant payé par les civils, risque de renforcer l’audience de Daesh auprès d’autres composantes islamistes opérant en Syrie. Le résultat net
28 la gauche #75 janvier-février 2016
de cette politique serait alors de conforter à la fois le régime Assad et les organisations fondamentalistes (à commencer par l’Etat islamique)! Pour éviter ce piège, il faut rompre avec la logique des grandes puissances: aidons les forces populaires en Syrie, en Irak à poursuivre leur combat au lieu de vouloir se substituer à elles, voire à les marginaliser plus encore. Luttons donc contre la politique de guerre de nos gouvernants, mais comprenons aussi la spécificité de ce conflit, bien différent des guerres d’Indochine ou d’Algérie: le retrait des troupes françaises ou américaines signifiait alors la fin des principales ingérences étrangères et créait les conditions d’une victoire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui au Moyen-Orient: il resterait la Turquie, l’Iran (et le Hezbollah), l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Algérie, l’Egypte… Dans une géopolitique aussi complexe, il nous faut écouter les mouvements que nous soutenons pour tenir compte de ce dont ils ont besoin matériellement et politiquement. C’est aux peuples de décider, pas aux coalitions impérialistes. Mais, et c’est une dimension particulière de cette guerre, les Kurdes comme les démocrates syriens ont demandé et demandent une aide sanitaire et militaire, y compris aux gouvernements occidentaux. Il faut la leur donner. Pas de substitution
à la décision et à l’autodétermination des forces démocratiques syriennes et kurdes, mais aucune hésitation à les aider et à faire pression sur nos gouvernements pour qu’ils répondent aux appels qu’ils lancent. Sur le plan international, l’hypocrisie des forces occidentales doit être dénoncée: d’un côté, elles prétendent combattre le terrorisme et de l’autre elles appuient des régimes comme ceux du Qatar, de l’Arabie saoudite ou de la Turquie. La coalition qui se constitue n’est en rien une alliance "démocratique" contre une menace totalitaire. Outre nos impérialismes "classiques", elle comprend la Russie de Poutine, l’Arabie saoudite dont le régime est très proche du modèle de société prôné par Daesh, le Qatar, la théocratie iranienne, la Turquie d’Erdogan… Quelle que soit la nature de l’Etat islamique, toute analogie avec un"front démocratique antifasciste"est invalide. Nous ne sommes ni avec la coalition, ni avec Daesh, ni avec Assad. Nous sommes pour le droit à l’autodétermination des peuples – dont le peuple palestinien – contre toutes les barbaries. ■ François Sabado et Pierre Rousset sont membres du Bureau exécutif de la IVe Internationale. Cet article a été publié originalement pour Viento Sur. photo: rebrn.com/re/pro-kurdish- graffiti-bologna-italy-november-100689
internationalisme
Nos tâches internationalistes
"Il faut apporter notre solidarité politique et matérielle aux forces progressistes sur le terrain"
(1933-2015) ✒ par Guy Van Sinoy Notre camarade Albert Struyf est décédé le 23 novembre dernier. Ouvrier à l’imprimerie de la Générale de Banque, il était passé du Syndicat du Livre au Setca lorsque tout le personnel était passé au statut appointé. Délégué syndical de combat, Albert a bien vite rencontré des militantes du POS (l’ancêtre de la LCR) et a rejoint la périphérie organisée de notre parti. Parmi les actions hautes en couleurs menées par cet agitateur hors pair, citons, dans les années 80, l’occupation du bureau d’Eric de Villegas de Clercamp, président de la Banque. Occupation qu’Albert avait menée… seul, en amenant son lit de camp, ses tartines et son thermos. Voici un extrait du discours qu’un de ses camarades a prononcé sur la tombe d’Albert:
Albert, Bébert, petit Schtroumpf, camarade…
Fin des années 60, je venais d’être engagé à la SGB quand j’ai vu débouler dans le bureau situé avenue Louise un petit bonhomme à la forte voix qui est venu faire un speech où, avec toute sa verve, il a fait un plaidoyer pour la défense des travailleurs. Ce jour- là tu as fait de moi un affilié en plus… En 1972, lors de la grande grève des banques, tu t’es comporté comme le chien de garde des acquis et comme porte-parole des revendications et entre autre de la liaison des salaires à l’index. A ce moment tu m’as convaincu avec notre ami Jean Bavay de la nécessité de défendre les plus faibles de la société à travers un mandat syndical. Rentré dans ton syndicat j’ai pu constater que tu en étais une des pierres angulaires. Tu as été le recruteur de beaucoup d’entre nous et, dès lors, à la base de cette équipe de délégués qui a réussi à faire du Setca-BBTK le fer de lance du syndicalisme à la Générale de Banque, en passant en une vingtaine d’années de 5% de représentativité à la majorité.
Malgré certains passages difficiles dans ta vie, ton courage, ton optimisme, ta persévérance et ton inépuisable énergie t’ont toujours fait prendre le dessus. Ton hobby était le cyclotourisme, et là aussi, ton foutu caractère, comme tu disais, ta volonté et ton endurance dans l’effort ont fait des merveilles. Qui ne se souvient pas de ton héroïque Bruxelles-Beyrouth… ton ami le Mont Ventoux se souviendra de toi aussi pour l’avoir vaincu moult fois. Il y a un an, tu m’as confié lors d’une visite que je t’avais faite à l’hôpital, que la "saloperie" comme tu disais, t’avais attrapé. Et tu savais que ta dernière bataille tu ne la gagnerais pas… mais sereinement tu t’es battu à fond pour retarder l’échéance, ton caractère et ta volonté sans limites t’ont permis encore une fois de réaliser un de tes souhaits, et ton saut en parachute tu l’as réalisé cet été, alors que selon les médecins tu n’aurais plus dû être là. Bébert, comme j’aimais t’appeler, ton interprétation de Kalinka et surtout ton ‘et non peut-être’ resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Et maintenant, je te dis, dans la dernière langue que tu as apprise il n’y a pas si longtemps: "Adios compañero, adios amigo". ■
les nôtres
Albert Struyf
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la gauche #75 janvier-février 2016
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Histoire rebelle
Leçons de la première révolution russe de 1905 ✒ par Guy Van Sinoy Il y a 110 ans, la révolution russe de 1905 inaugurait le XXe siècle. La situation économique et politique de la Russie de l’époque combinait à la fois des traits d’arriération, surtout dans les campagnes, et une rapide industrialisation financée par des emprunts de capitaux européens. Ce vigoureux essor de l’industrialisation allait faire sortir de terre de très grandes usines où une classe ouvrière puissante était concentrée.
La guerre russo-japonaise
L’émergence d’une révolution se combine souvent avec une défaite militaire cuisante des régimes en place. Au début du XXe siècle, les visées expansionnistes du tsarisme en Asie orientale se heurtent à l’impérialisme japonais qui avait occupé la Corée et exerçait une pression sur la frontière russe d’Extrême-Orient. La guerre russo-japonaise éclate en 1904 et les défaites humiliantes de l’armée russe sont un révélateur de la décrépitude du tsarisme. La flotte russe est quasiment anéantie en décembre 1904 et PortArthur, une place-forte russe sur la côté pacifique (aujourd’hui située en Chine), capitule en janvier 1905. Le tsar Nicolas II est contraint de s’asseoir à la table de négociations. Cette défaite majeure est le catalyseur qui va précipiter la révolution.
Du Dimanche rouge au cuirassé Potemkine…
En janvier 1905, une grève contre le licenciement de quatre ouvriers démarre à l’usine Poutilov à Petrograd, usine qui occupe 12.000 travailleurs. Le pope Gapone, un ecclésiastique qui rêvait d’une réconciliation entre le monde ouvrier et le pouvoir, organise un cortège qui regroupe 120.000 personnes derrière des oriflammes, des portraits du tsar. On chante "Dieu sauve le tsar!" La cavalerie cosaque charge le cortège pacifique à coups de sabre, piétine les blessés, fait des centaines de morts et des milliers de blessés. Les répercussions de cet événement seront considérables.
30 la gauche #75 janvier-février 2016
Au printemps, les paysans privés des ressources nécessaires à leur existence s’en prennent aux marchands, aux spéculateurs et aux domaines seigneuriaux. En juin, la révolte éclate sur le cuirassé Potemkine, l’unité navale la plus moderne en Mer Noire: un matelot est tué, la moitié des officiers est massacrée, le drapeau rouge est hissé sur le cuirassé.
Le flot montant de la révolution, les soviets, la grève générale d’octobre
Face au flot montant des revendications, le tsar lâche du lest et promet une Douma (parlement) consultative. Mais l’espoir d’un changement radical monte de tous les pores de la société. Les universités proclament leur autonomie et deviennent des foyers d’agitation révolutionnaire. Ouvriers, soldats, intellectuels, fonctionnaires privés de toute liberté de réunion se pressent dans les auditoires surchauffés pour y faire entendre et y confronter leurs revendications. A la campagne, les paysans commencent à occuper les grands domaines. Les premiers conseils ouvriers (soviets: un délégué pour 500 ouvriers) font leur apparition au printemps 1905, mais c’est celui de Petrograd qui donne le ton, les mots d’ordre et les méthodes de lutte au cœur de l’année 1905. Fondés pour répondre à une nécessité pratique (disposer d’une organisation jouissant d’une autorité indiscutable pour regrouper tous les travailleurs, quelle que soit leur affiliation politique), les soviets deviennent rapidement le confluent de tous les groupes révolutionnaires. En octobre, la grève des chemins de fer se déploie dans d’autres secteurs avec beaucoup d’efficacité grâce aux moyens de communication – modernes à l’époque – du chemin de fer et du télégraphe."La grève ouvre une imprimerie quand elle a besoin de publier le bulletin de la révolution, elle se sert du télégraphe pour envoyer ses instructions, elle laisse passer les trains qui conduisent les délégués des grévistes. Pour le reste, elle ne fait aucune exception: elle ferme les usines, les pharmacies, les boutiques,
les tribunaux". (1) De très importants meetings se déroulent et des barricades se dressent même dans certaines villes. Les Izvestia, journal du soviet, sont distribués à tous les carrefours de Petrograd. La censure est ainsi abolie de fait. Le 18 octobre, le tsar Nicolas II est contraint de publier un manifeste ou il s’engage, sur le papier, à accorder une série de libertés importantes: liberté de culte, de réunion et d’association, suffrage universel masculin. La population laisse éclater sa joie. Mais pour le tsar il s’agit surtout de gagner du temps. Au soviet de Petrograd où il vient d’être élu président, alors qu’il a à peine 26 ans, Léon Trotsky s’exclame: "On nous donne la liberté de réunion, mais nos réunions sont cernées par la troupe! On nous donne la liberté de parole, mais la censure reste intacte! On nous donne la liberté d’enseignement, mais les universités sont occupées par la police! On nous donne l’inviolabilité de la personne, mais les prisons sont bondées! On nous donne une constitution, mais l’autocratie demeure! On nous donne tout et nous n’avons rien!"
La réaction s’organise
Pour contrer l’influence grandissante du soviet de Petrograd, le pouvoir utilise plusieurs méthodes: diversion, répression, concessions à la bourgeoisie, organisation de contre-manifestations patriotiques, pogroms contre les Juifs (plusieurs milliers de victimes). A la campagne, les paysans pauvres, favorables à une constituante, s’étaient armés pour s’emparer des terres. Mais les dirigeants de l’Union paysanne n’opèrent pas la jonction avec les villes. Ils sont arrêtés, des représailles et des expéditions punitives sont organisées contre les paysans rebelles. Faute de s’être organisé, le mouvement paysan est écrasé. La classe ouvrière reste donc seule face au tsarisme. Le 3 décembre le soviet de Petrograd est cerné et ses dirigeants sont arrêtés. Ils passeront en procès et seront condamnés à la privation de droits civils et à la déportation en Sibérie.
Histoire rebelle
Un développement "anormal" du capitalisme russe
Dans son livre consacré à la révolution de 1905, Trotsky commence par une analyse du développement du capitalisme russe.
Production de fonte en Russie (en milliers de tonnes) 1767.......................................... 160.000 1896....................................... 1.568.000 1904....................................... 2.880.000
Le développement de la production eut le même r ythme que celui de l’industrie américaine de l’époque grâce à la technique européano-américaine et aux subventions de l’État russe. Toutes les usines métallurgiques du Midi – et beaucoup d’entre elles furent achetées, jusqu’au dernier boulon, en Amérique et transportées par bateau – recevaient dès leur apparition des commandes d’État leur assurant du travail pour plusieurs années. Les dettes contractées par l’État russe étaient financées par l’impôt reposant sur la plus grande partie de la population, la paysannerie. Les conditions historiques de développement de l’industrie russe expliquent pourquoi ni la petite ni la moyenne production n’ont joué un rôle important. La grosse industrie des usines n’a pas grandi "normalement", organiquement, en passant par les étapes du petit métier et de la manufacture car l’artisanat lui-même n’a pas eu le temps de se différencier du travail des campagnes et il a été condamné par la technique et le capital étrangers à périr économiquement.
Une concentration des ouvriers dans les grandes usines
Si on compare les statistiques de la Belgique avec celles de la Russie à la même époque, on constate que 53,6% des ouvriers russes travaillent dans des usines de plus de 499 ouvriers (28% en Belgique), et que 12,6% des ouvriers russes travaillent dans des usines qui occupent de 6 à 50 ouvriers (28,3% en Belgique). La majorité du prolétariat russe est donc concentrée dans des grandes entreprises souvent érigées grâce aux capitaux étrangers.
Faiblesse de la bourgeoisie russe
Cette hégémonie du capital étranger en Russie a eu des conséquences fatales pour l’influence politique de la bourgeoisie russe. En raison des dettes contractées par l’État, une partie considérable du revenu national s’en allait chaque année à l’étranger, enrichissant et consolidant la bourgeoisie financière européenne. Cette faiblesse de la bourgeoisie russe eut pour conséquence qu’elle ne pouvait se mettre à la tête de la lutte nationale contre le tsarisme parce qu’elle se trouvait dès le départ en butte à l’hostilité des masses populaires: le prolétariat qu’elle exploitait directement et la paysannerie qu’elle dépouillait par l’intermédiaire de l’État.
La théorie de la révolution permanente
C’est à partir de ces constats que Trotsky élabore la théorie de la révolution permanente. Dans les pays où le développement capitaliste est tardif, la bourgeoisie nationale est faible et n’est pas en mesure de prendre la tête de la révolution bourgeoise pour balayer les vestiges de l’ancien régime, comme l’avaient fait précédemment la bourgeoisie anglaise et française. Elle en est d’autant plus incapable qu’elle doit faire face à l’impérialisme des puissances capitalistes qui se sont développées plus tôt et sont devenues hégémoniques. C’est donc au prolétariat que reviendra la tâche écrasante de prendre la tête de la révolution, d’entraîner à sa suite l’immense masse de la paysannerie vers une révolution socialiste, "sautant" ainsi
dans l’histoire le stade d’une révolution bourgeoise. C’est le processus qu’a suivi, 12 ans plus tard, la révolution d’Octobre. Mais ce saut qualitatif dans le processus révolutionnaire allait immédiatement poser un autre défi: comment assurer la victoire et le maintien d’une révolution socialiste dans un pays retardataire où le prolétariat est minoritaire, sans extension internationale de la révolution à des nations plus développées sur le plan économique? Ce défi, les bolcheviks n’ont pu le surmonter dans les années 20, la révolution russe est restée isolée, la bureaucratisation stalinienne a gangrené les acquis de la révolution et l’URSS a fini par s’effondrer à la fin du XXe siècle qui avait été inauguré par la révolution de 1905. ■ Les livres de Trotsky 1905 et Bilan et Perspectives peuvent aussi être téléchargés en ligne aux adresses suivantes: www.marxists.org/francais/ trotsky/livres/1905/1905somm.htm et www.marxists.org/francais/trotsky/ livres/bilanp/bpsomm.htm (1) Léon Trotsky, 1905, suivi de Bilan et Perspectives, Éditions de Minuit, Paris, 1969
Belgique (1895)
Russie (1902)
nombre d'ouvriers
nombre d'ouvriers
taille de l'usine
nbre d'usines
par millions%
age
par usine
nbre d'usines
par millions%
age
par usine
de 5 à 49 ouvriers
13.000
0.162
28,3%
13
14.189
0,235
12,6%
16,5
de 50 à 499 ouvriers
1.446
0.250
43,7%
170
4.298
0,629
33,8%
146
500 et +
184
0.160
28,0%
869
726
1,000
53,6%
1.337
Total 14.650 0.572 100% 19.213 1.810
la gauche #75 janvier-février 2016
31
à lire
Ilan Halevi, 100% juif et 100% arabe Les éditions Syllepse ont récemment publié un ouvrage posthume et inachevé d’Ilan Halevi, Islamophobie et judéophobie, l’effet miroir, qui propose une réflexion sur la vague d’islamophobie qui traverse les pays occidentaux, en miroir avec l’antisémitisme d’hier et d’aujourd’hui. Sa lecture est éclairante à bien des égards et peut aider les antiracistes à mieux inscrire leur combat dans l’Histoire. Tout en recommandant cette lecture, je souhaite présenter ici la personnalité et le parcours politique de l’auteur. Le texte d’Ilan Halevi est précédé d’un bel avant-propos de sa fille, Mariam A., dont je m’inspirerai largement pour retracer la trajectoire exceptionnelle de ce Juif palestinien qui a toute sa vie brouillé les pistes. C’est sous le nom de Georges Alain qu’il naît en 1943 à Lyon, une naissance déjà "politique" puisque sa mère accouche dans une cache d’armes de la Résistance. Dès l’enfance, il est confronté au racisme avec "un nom d’ici mais une tête d’ailleurs" et s’identifie tout naturellement aux enfants d’immigrés africains. A l’adolescence, la lecture du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire lui offre une grille de lecture nouvelle sur le racisme et les discriminations, sur ce qui lie la question juive à la question noire. Il publiera dans les années 1960 des poèmes puis des articles de fond sur la condition des AfricainsAméricains dans Les Temps modernes et Présence africaine (dont il sera secrétaire de rédaction). Il publie en 1964 son premier roman en jive (argot des ghettos américains), The Crossing (traduction française La Traversée). Il fréquente à cette époque les militants des Black Panthers et est l’un des rares à avoir rencontré Malcolm X à son retour de La Mecque. Ensuite, il se décide à entamer un travail politique en Afrique même. JeanPaul Sartre et Simone de Beauvoir lui offrent un billet d’avion pour le Mali encore socialiste où il animera une émission de radio sur la diaspora noire du continent
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américain. Il faillit se convertir à l’islam puis y renoncera, expliquant plus tard à sa fille: "Tous les chemins mènent au cercle de la connaissance. Musulmans, chrétiens ou juifs, nous sommes tous à équidistance de ce cercle commun si nous travaillons consciencieusement. Toute conversion est donc inutile, elle serait une pure perte de temps, comme un déplacement latéral qui ne te rapprocherait en rien de la connaissance. Une fois arrivé à ce cercle, tu comprendras que d’une façon ou d’une
autre, nous avons tous parcouru le même chemin et il te suffira de tourner la tête pour comprendre le chemin des autres". Il se rend ensuite à Alger où il se met au service du MPLA angolais et de l’ANC sud-africain. C’est là qu’il prend conscience de la centralité du conflit israélo-arabe. Après un bref séjour en France où il est incarcéré pour insoumission, il décide à l’été 1967 de s’installer en Israël où il adopte le pseudonyme d’Ilan Halevi, un nom typiquement juif arabe. Il
photo: rue89.nouvelobs.com/2013/07/11/mor t- dilan-halevi-intellectuel- engage -100-juif-100-arabe -244147
✒ par Daniel Liebmann
En toute illégalité Syndicaliste, bimensuel de la CSC édité pour les militants, reprend, dans un dossier paru le 25 novembre, un classement social des entreprises. Un volet est consacré au travail intérimaire. On y découvre que l’entreprise Renthotel Brussels, qui exploite l’hôtel Marriott dans le quartier de la Bourse à Bruxelles, occupe 100% de son personnel sous un régime de travail intérimaire à temps plein. Dans les entreprises de transport Louis Frisaye (Ivoz-Ramet) et Nollens (Waregem) plus de 75% des heures de travail ont été prestées en 2013 par des intérimaires. Le SPF Emploi mentionne sur son site que le travail intérimaire ne peut être exercé que pour 3 raisons: pourvoir au remplacement d’un travailleur permanent (ex: maladie), répondre à surcroît extraordinaire de travail, assurer l’exécution d’un travail exceptionnel. Les trois entreprises précitées viennent donc d’être flashées en infraction. Que fait l’Inspection du travail? ■ des Black Panthers et des Black Muslims, 100% africain au côté des indépendantistes angolais ou des militants de l’ANC. Il fut rétrospectivement 100% juif pendant la Seconde Guerre mondiale et enfin 100% palestinien dans l’OLP dans le combat pour la liberté et la justice". Dans l’hommage qu’elle lui consacre sur Médiapart ("M étèque générique", 13/07/2013), son amie Nicole Lapierre dit de lui qu’il fut"l’exemple d’une façon d’être au monde sans doute et cette façon dont il subvertissait les appartenances au profit des solidarités. Depuis l’adolescence, il se vivait comme un métèque générique, s’identifiait à tous les damnés de la terre et défiait les rigidités identitaires. (…) Son parcours et son engagement surprennent évidemment tous les chantres des fixités identitaires, d’où qu’ils viennent". Un parcours de vie internationaliste exemplaire et la meilleure position d’où aborder cette question de l’effet miroir entre islamophobie et antisémitisme, un ouvrage que je vous invite chaleureusement à lire. ■
La Présidente: la BD qui fait peur
à lire
adhère au Matzpen (la Boussole), le parti de la gauche révolutionnaire israélienne où militent également des membres de la Quatrième Internationale comme Michel Warschawski. Avec ses camarades, il lutte non seulement pour la fin de l’occupation des territoires palestiniens conquis par Israël lors de la Guerre des Six Jours, mais aussi contre le sionisme en tant que tel, comme idéologie coloniale. Il participe à plusieurs regroupements de militants israéliens et palestiniens et, dès 1973, acquiert la conviction que la perspective de deux États est un compromis souhaitable compte tenu du rapport de force, sur la voie d’un État binational. Il se rapproche du Front démocratique pour la Libération de la Palestine, composante de l’OLP et première organisation palestinienne à nouer des liens avec la gauche antisioniste israélienne. En 1976, il franchit le pas décisif en adhérant formellement à l’Organisation de Libération de la Palestine: Ilan Halevi devient palestinien. A cette époque il couvre l’actualité palestinienne pour le quotidien français Libération, encore lié à la gauche radicale. Puis il quitte Israël pour revenir en France où il crée la revue Nouvelles de l’Intérieur qui traduit vers le public européen les analyses de la gauche antisioniste israélienne. Il organisera en 1977 les premières rencontres officielles et clandestines entre dirigeants de l’OLP et Israéliens antisionistes. Puis il sera l’un des fondateurs de la prestigieuse Revue d’études palestiniennes et publiera deux de ses ouvrages majeurs: Sous Israël, la Palestine et Question juive, la tribu, la loi, l’espace (que les éditions Syllepse rééditeront prochainement). En 1983 il est nommé délégué du Fatah auprès de l’Internationale socialiste, ce qui le conduit progressivement à entamer une carrière de diplomate. Il sera membre de la délégation palestinienne lors des négociations de Madrid (1991), d’Oslo et de Washington (1993), puis proche conseiller de Yasser Arafat, vice-ministre des Affaires étrangères de Mahmoud Abbas et finalement membre du Conseil révolutionnaire du Fatah. Ses titres et fonctions ne l’ont jamais empêché de porter une parole critique: il dénonce la corruption et prône l’intégration du Hamas dans l’OLP. Après la signature des accords d’Oslo, il s’installe à Jérusalem puis à Ramallah, avant de retourner à la diplomatie à Beyrouth, Berlin puis à nouveau Paris où il meurt en 2013. Selon les termes de sa fille,"Ilan était 100% tout ce qu’il était: 100 % NoirAméricain dans les années 1960 aux côtés
Et si le 7 mai 2017, d’une poignée de voix, Marine Le Pen était élue présidente de la République? L’universitaire et historien François Durpaire et le dessinateur Farid Boudjellal racontent l’onde de choc qui suivrait en France et en Europe. Aidés d’une équipe d’experts, ils nous font assister à l’inimaginable: l’intronisation de Marine Le Pen, la composition d’un nouveau gouvernement, l’application minutieuse et à marche forcée du programme du Front national. Née de la guerre d’Algérie, la Ve République donne au chef de l’État les pouvoirs les plus étendus de toutes les démocraties du monde. Comment Marine Le Pen pourrait-elle en profiter? Quels contre-pouvoirs pourraient s’y opposer en France et en Europe? La Présidente raconte cette histoire-là. Un album glaçant d’un réalisme implacable. ■ François Durpaire et Farid Boudjellal (2015) La Présidente Paris, Les Arènes BD-Démopolis (160 pages, 20€)
Halevi, I. (2015) Islamophobie et judéophobie, l’effet miroir. Paris, Syllepse (180 pages, 15€) la gauche #75 janvier-février 2016
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à lire
Dounia Bouzar: La vie après Daesh ou le difficile travail de désembrigadement jihadiste Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux, ancienne éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse, raconte dans son dernier livre La vie après Daesh, sur base de témoignages, la descente aux enfers de jeunes embrigadés, fascinés par les discours des jihadistes et happés par l’organisation de l’Etat islamique. Dans ce livre, elle dévoile sa stratégie pour tenter de "déradicaliser" ces candidat.e.s au jihad, stoppé.e.s à temps ou tout juste revenu.e.s de l’enfer syrien. Plus de 500 familles en France l’ont sollicitée pour qu’avec son équipe, elle aide leurs enfants à sortir de l’emprise jihadiste. Elle transmet aujourd’hui sa méthode de désembrigadement aux cellules antiradicalité des préfectures en France. Des témoignages saisissants parcourent tout le livre. Léa qui s’est préparée à commettre un attentat; Inès qui a tenté par trois fois de rejoindre les combattants de Daesh; Hanane qui s’est échappée de Syrie; Ali et Aouda qui ont voulu partir avec leur bébé sur la "terre sainte"; Charlotte qui se sentait aimée par ses nouveaux "frères et sœurs"; Brian qui voulait exterminer tous ceux qui ne pensaient pas comme lui; Aida qui était fière de son mari, candidat au martyre en Irak, etc. "Ce livre montre que quand les jeunes s’en sortent, quand les jeunes reviennent en voyant justement le vrai visage de Daesh (…), un monde où l’on tue tous ceux qui ne pensent pas comme nous, on voit que c’est la vie qui est plus forte que la mort", explique Dounia Bouzar. Comment sortir quelqu’un.e de l’embrigadement des groupes jihadistes? Comment contrer leur discours de propagande? Ces questions se posent à tous les pays faisant face à des départs de leurs ressortissants vers la Syrie ou l’Irak. En France, plusieurs structures tentent d’y répondre. Le gouvernement Michel-De Wever qui, dans ses 18 mesures pour lutter contre le terrorisme [lire notre article en
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page 6], prône le passage par la prison de tous les "retourné.e.s" de Syrie, ferait bien de s’inspirer de cette démarche décrite dans le livre de Dounia Bouzar pour soutenir et financer ce type d’approche en Belgique. ■ Bouzar, D. (2015) La vie après Daesh Ivry-sur-Seine, Editions de l’Atelier (144 pages, 15 €)
L'aggravation des inégalités L’inégalité nuit gravement au bienêtre. Le truisme est désormais décliné à l’envi par nombre d’études internationales: les disparités de revenus, les asymétries de patrimoines, la concentration des richesses génèrent des sociétés moins prospères, plus vulnérables et moins durables. Or, à l’exact opposé des promesses de la doxa libérale du trickle down selon laquelle l’accumulation des nantis finit par percoler vers les plus modestes, l’aggravation des inégalités enregistrée ces dernières décennies – entre pays et à l’intérieur de la plupart des pays – s’impose comme l’effet sociétal majeur de la globalisation de l’économie. Et signe, en cela, l’échec d’un modèle de développement planétaire, inique et inefficace.
Comble de la concentration des patrimoines, 1% de l’humanité (73 millions d’ultrafortunés) détient aujourd’hui 50% des richesses totales, tandis que la moitié de la population mondiale (3,65 milliards d’individus) dispose de moins de 1% de celles-ci. Disproportion exorbitante, sans précédent et éthiquement injustifiable. Quant à l’écart entre pays riches et pays pauvres, si son explosion remonte à la période coloniale, il a encore pratiquement triplé depuis lors, pour atteindre un rapport de 80 à 1. Comment se construisent ces disparités? Pourquoi le rendement du capital supplante-t-il à ce point les revenus du travail? Que pèsent les mécanismes de redistribution face à la dérégulation, aux accaparements privatifs, à la libéralisation commerciale, à la concentration des actifs, à l’évasion fiscale? Des pistes politiques existent pour renverser la croissance des inégalités. ■ Duterme, B. et Godin, J. (coord.) (2015) L'aggravation des inégalités Alternatives Sud, CETRI-Syllepse (193 pages, 13 €)
Conférencesdébats organisées par la Formation Léon Lesoil
Dans le numéro précédent de La Gauche, la Formation Léon Lesoil lançait un appel au soutien financier en vue de récolter 3.000 euros. Nous en avons besoin pour équilibrer notre budget et lancer de nouvelles activités en 2016. Cet appel a été relayé par l'envoi d'un mailing aux personnes qui reçoivent habituellement le programme d'activités de la Formation Léon Lesoil. Fin décembre, 1.860 euros ont déjà été récoltés, uniquement par virements sur le compte bancaire. C'est un bon début! Merci à toutes celles et ceux qui ont versé un soutien! D'autre part, plusieurs séries de cartes de soutien ont été imprimées (5 euros, 10 euros, 20 euros, 50 euros, 100 euros, 200 euros) et sont disponibles auprès de nos militant.e.s et sympathisant.e.s. Toutes les sommes récoltées nous aident. Même les plus modestes. C'est bien connu: les petits ruisseaux font les grandes rivières. Aussi, quand vous rencontrez nos membres qui vous proposent des cartes de soutien, faites leur bon accueil. Si vous n'aviez pas l'occasion de rencontrer des camarades avec des cartes de soutien, vous avez toujours la possibilité de verser votre contribution à nos activités (organisations de conférences-débats et de formations, édition de La Gauche, édition de livres marxistes inédits en langue française, etc.) Versements au compte IBAN BE09 0010 7284 5157 de la Formation Léon Lesoil, rue Plantin 20, 1070 Anderlecht, avec la mention "Soutien". Un grand merci!
Mardi 12 janvier 2016 à 19h30
Merci!
État sécuritaire, libertés menacées!
Où trouver La Gauche En vente dans les librairies suivantes:
Bruxelles Tropismes
Galerie des Princes, 11 1000 Bruxelles
Volders
Avenue Jean Volders, 40 1060 Saint-Gilles
Avec Catherine Forget (avocate) et Najar Lahouari (Secrétaire général adjoint des MWB-FGTB).
Charleroi
Mardi 9 février 2016 à 19h30
Carolopresse
État espagnol: après les élections du 20 décembre Avec des représentant.e.s de Anticapitalistas, la gauche anticapitaliste au sein de Podemos. A Bruxelles au Pianofabriek, 55 rue du Fort, 1060 Bruxelles (M° Parvis de St-Gilles)
agenda
Appel au soutien financier: 1.860 euros, un bon début...
Boulevard Tirou, 133 6000 Charleroi
Mons Le Point du Jour Grand'Rue, 72 7000 Mons
Wavre Librairie Collette Dubois Place Henri Berger, 10 1300 Wavre
La plupart des ouvrages commentés ou recommandés dans La Gauche peuvent être commandés en ligne à la librairie La Brèche à Paris.
Librairie La Brèche
27 rue Taine, 75012 Paris, France Tél: 00 331 48 28 52 44 contact@la-breche.com Catalogue en ligne: www.la-breche.com
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