Crèches intergenerationnelles, premier et troisième âge sous le même toit

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Maisons intergénérationnelles Premier et troisième âge sous le même toit Proposé par Léa Pfeiffer Et si la meilleure nounou, c'était une mamie ? A Tourcoing, la crèche « Jardin des Orchidées » et la maison de retraite « Résidence des Orchidées » ne font qu'un. Là bas, les tout-petits côtoient les personnes âgées. Les bébés partagent leur journée avec les pensionnaires, déjeunent à la même table et partagent des activités. Dans cette maison intergénérationnelle, les animateurs s'occupent aussi bien des petits comme des vieux. L'un découvrant l'autonomie, l'autre apprenant à la conserver aussi longtemps que possible. Ce croisement des générations est un moyen pour les pensionnaires de la maison de retraite de conserver un désir du lendemain. Les bambins sont, eux, sensibilisés à la fragilité du grand âge. Un échange positif porté par l'association « Rigolo comme la vie » et qui séduit de plus en plus de crèches prêtes à adopter cette idée. Immersion d'une semaine dans cette maison intergénérationnelle à la découverte de ces liens tissés par delà de la différence d'âge.


Un jour au Jardin des Orchidées Il est 8h30 lorsque Marie entre dans la crèche « Le Jardin des Orchidées », tenant par la main le petit Corentin, 2 ans. Accueilli par une animatrice de la petite enfance dans la salle de jeux, il retrouve ses camarades en coucheculotte, mais aussi Danièle, pensionnaire de la « Résidence des Orchidées », sa mamie préférée. C'est un tendre rituel qui se répète chaque matin. Cette initiative est née de la rencontre entre Laurence Six, présidente de l'association « Rigolo comme la Vie » qui promeut les échanges intergénérationnels, et Amélie Demuyter, directrice de la maison de retraites. « Je venais d'arriver à mon poste, et j'ai vu ce très grand jardin que nous avons ici. Je me demandais quoi faire avec tout ce terrain. L'idée est alors venue de créer une crèche. C'est pour ça qu'on l'appelle la crèche ''Jardin des Orchidées'' » raconte-t-elle. La journée se passe dans ce fameux jardin. Les bébés envahissent l'espace, gambadent entre les fauteuils roulants des pensionnaires sur leurs tricycles. Ces moments à l'extérieur sont l'occasion de créer une ambiance pleine de partage. Danièle peut ainsi faire découvrir le goût de la prune au petit Corentin ou lui faire sentir le parfum des fleurs. Dans le brouhaha de gazouillis d'impatience, les vingt-deux têtes blondes vont déjeuner. Comme chaque jour, ils partagent la table de la centaine de pensionnaires de la maison de retraite. L'ambiance est loin d'être morose : les tout-petits sont l'assurance d'une constante animation et de beaucoup de rires. Alors que certains passent le repas sur les genoux de leur mamie ou de leur papy d'adoption, les autres jouent avec leur purée. Après une sieste bien méritée, Danièle et son petit protégé Corentin passeront le reste de la journée ensemble à lire des livres ou entonner des chants.

Un enrichissement perpétuel Le lendemain, c'est après-midi peinture. Les jeux de couleurs fascinent les enfants et leurs yeux pétillants sont une véritable source de joie pour leurs anciens. Cela fait plusieurs jours que petits et grands préparent le grand carnaval qui marquera la fin de l'année. Une fête très attendue qu'ils passeront tous ensemble. Ils confectionnent avec enthousiasme leurs costumes et leurs masques, mais aussi les décorations et les stands de jeux. Corentin demande à Elodie, animatrice de la petite enfance, pourquoi Danièle n'est pas venue peindre avec elle aujourd'hui : trop fatiguée, elle n'a pas pu participer à cet atelier. Comprendre la faiblesse des personnes âgées, c'est aussi ça grandir. Les mains et les tabliers tâchés par la gouache, les enfants sont toujours fiers de montrer leurs œuvres aux anciens, ravis d'être au centre d'autant d'attention. « Les gosses sont vraiment innocents, ils ne voient pas la maladie. Ca fait du bien aux pensionnaires d'avoir ce regard complètement neutre et plein d'amour posé sur eux » témoigne Elodie. Amandine, 3 ans, saute dans les bras de Colette qui l'attend, seule à une table de l'atelier. La vieille femme qui souffrait de l'absence de ses proches avait perdu tout désir du lendemain à 85 ans. Froide et agressive, elle n'a développé aucun lien social avec les autres pensionnaires des « Orchidées ». Mais depuis que la


crèche a ouvert dans le jardin de la résidence, la présence d'Amandine l'apaise et lui redonne goût à la vie. Elle a trouvé dans cette petit fille une nouvelle famille et passe autant de temps que possible avec elle. Armées de leurs pinceaux, elles déposent de la couleur vive sur leurs masques en papier mâché. La fillette a particulièrement hâte de pouvoir le porter le jour du carnaval. Ces échanges entre l'aube et le crépuscule de la vie permettent non seulement de tisser des liens mais sont également le théâtre de belles histoires. André, 82 ans, était pensionnaire de la résidence depuis quelques années lorsque la crèche a accueilli un nouveau petit garçon, Mathéo. C'est en reconnaissant les parents du bout de chou que Henri a découvert que le blondinet était en réalité son arrière petit neveu. Alors qu'il n'en connaissait pas même l'existence, l'initiative intergénérationnelle de la crèche et de la maison de retraite lui a permis de rompre son isolement en renouant avec cette partie de sa famille. Aujourd'hui, il a appris à connaître le petit Mathéo : ils ne se séparent plus et fabriquent leurs masques de carnaval ensemble.

Le jour du carnaval Musique et cotillons multicolores sont au rendezvous en ce jour de carnaval dans le jardin de la « Résidence des Orchidées ». Les petits défilent en costume, les anciens chantent en cœur des chansons pour les enfants. De nombreux jeux les attendent dans la kermesse. Danièle et Corentin font leur show de danse ensemble devant l'assemblée éclectique. Les parents de Mathéo sont venus assister aux festivités ; André, heureux, a la chance d'être entouré de sa famille. Les costumes de Colette et d'Amandine sont accordés. Néanmoins, la vieille femme a le visage fermé. Alors la petite Amandine lui demande, « pourquoi tu as l'air triste ? ». L'attention de la gamine lui réchauffe le cœur. L'année prochaine, elle partira à l'école Maternelle. Une épreuve difficile à supporter qui rend Colette triste. Mais sa favorite lui promet : elle reviendra lui rendre visite à la maison de retraite. Un lien qui s'exporte hors des murs de la crèche. Ce concept hors normes fait doucement son bout de chemin auprès d'autres établissements. L'idée plaît. De nombreuses villes souhaitent aujourd'hui fonder des maisons intergénérationnelles.


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