Exodus

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EXODUS – LA VIRILITÉ, HOLLYWOOD ET LA BIBLE La vie de Moïse vue par Ridley Scott, ça donne Exodus. Dans la même veine que Noé, sorti plus tôt dans l’année, cette adaptation du récit biblique se veut réaliste et sombre. Mais on ne retrace pas 120 ans de vie sans quelques ratés.

La première impression n’était franchement pas bonne. Dégoûtée du Noé de Darren Aronofsky, malgré une performance bouleversante de la part d’Emma Watson qui tenait à elle seule tout le film, j’avais décidé que plus jamais mon argent n’irait cautionner une nouvelle adaptation de la Bible made in Hollywood. Mais je ne sais pas dire non à Christian Bale. Me voici donc dans la salle de cinéma, devant ce biopic (si je puis dire) pour le moins déroutant. Exit le film de Dreamworks, on balance du lourd, du dark, du tragique, et ça fait aussi mal qu’un arrachage de pansement.

J’aimerais débuter par un détail que moi, représentante du sexe faible aimant les soldes et les sels de bains, ai trouvé aussi aberrant qu’affligeant : la coupe de cheveux de notre bon Christian Bale (oui, vraiment, mais ça ne sera pas long). Au beau milieu de l’Egypte antique, le seul gars qui a une


coupe absolument impeccable, c’est Moïse. Autant dire qu’on aurait pu voir les sillons de la tondeuse sculpter ses mèches brunes en regardant de près. Pas vraiment ce qu’on nous apprend dans les bouquins d’Histoire. Voyez vous-même ci-dessus.

Mais passons. Le plus dérangeant reste la direction artistique du film. Pas que j’ai quoi que ce soit contre la volonté de notre bon Ridley Scott d’obscurcir le mythe de Moïse, au contraire, mais réussir à complètement refroidir l’ambiance d’un pays composé de 90% de sable, c’est très fort. On assiste à un sacré abus du filtre bleu pendant plus de deux heures. Je prône peut-être un manque d’originalité en réclamant un minimum de stéréotypes universels, mais dans mon imagination, l’Egypte est un pays où il fait chaud, où le soleil brille sur les dunes et les pyramides, un pays coloré, et pas ce paysage monochromique que nous dépeint le réalisateur. Sérieux, l’âge d’or de l’Egypte fait peine à voir. Plus loin encore que les images littéralement froides du film, la réalisation toute entière est emprunte à une grande austérité. Les plans sont brefs, efficaces, sans fioriture, sans une once de recherche créative –à quelques exceptions près. Nous restons très extérieurs à l’histoire, simples spectateurs dont on ne demande même pas vraiment de grande réflexion religieuse – politiquement correct, quand tu nous tiens. On observe, on constate, voilà. Bouh, Moïse n’a pas eu la vie facile, mais au moins il avait une femme canon qui ne vieillit jamais. J’ai envie de dire que c’est la vie d’un mec, réalisée par un mec, pour un public de mecs avec des enjeux très masculins. Comme pour Noé, le fond est plus tourné vers des questions portant sur le rôle de l’homme, ses responsabilités vis-à-vis de sa famille et de son devoir, la manière dont il doit gérer son équilibre, ses choix, ses doutes. Pour le sentimentalisme, on repassera. C’est ce qui m’avait rebutée pour Noé, et c’est aussi ce qui m’a déplu pour Exodus (mais ne vous en faites pas, ça ira mieux après une cure de Titanic).

Le film reste fort de deux très grands atouts. Un : Joel Edgerton. Il était vraiment temps qu’un rôle mette en valeur ce bonhomme, et pas seulement en le foutant à moitié à poil à l’écran (même si Exodus n’échappe pas à la règle). Doté d’un jeu d’acteur tout en finesse, très subtil, il parvient à donner toute la profondeur à ce Ramsès trop souvent relégué au second plan. Il devient un grand enfant, s’étant toujours senti dans l’ombre du bon Moïse aux yeux de son pharaon de père, certes égoïste, mais loin d’être foncièrement mauvais. Le personnage a ses propres questionnements et ses propres enjeux qui sont loin d’être inintéressants. Deux : la volonté d’importer du réalisme au sein du récit biblique. Pas de Mer Noire qui se divise en deux en un spectaculaire couloir d’eau, même les plaies de l’Egypte se déroulent comme des phénomènes naturels parfaitement normaux dans un enchainement d’événements logique. Et ça fait du bien. D’abord parce que c’est vraiment bien fait d’un point de vue visuel, mais aussi pour l’originalité, pour ne pas dire le regard neuf que cela nous fait porter sur ces événements.


Je n’irais pas qualifier Exodus de navet, même si je n’en étais pas loin une fois sortie de la salle. Les jours passés m’ont laissé le temps de prendre du recul afin de comprendre l’objectif de Ridley Scott, et même si je pense que son défunt frère aurait préféré qu’il lui dédie mieux que cela, le film reste regardable pour ce qu’il est : un biopic, et non un divertissement.


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