Dossier d'économie : crise de la dette en zone euro, les clés pour comprendre

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TOUT LE MONDE SE MOUILLE POUR LES « PAYS DU CLUB MED » ► Les abaissements catastrophiques des notes de la Grèce amènent les marchés à la considérer comme un pays dangereux. Mais le Portugal et l’Italie menacent également de devenir des enclumes pour la zone euro. Le Soleil ne brille plus pour le Sud de l’Europe. Même si la Grèce se voit éventuellement offrir une nouvelle fois un effacement partiel de sa dette, avec l’accord inespéré de l’Allemagne, son redressement demeure un véritable challenge. La clémence du FMI l’allège déjà de 40 milliards d’euros pour 2020, modifiant ainsi l’objectif de son abaissement initialement prévu à 124% du PIB à 120%. S’il est atteint, le pays pourra espérer retourner sur les marchés peu à peu. Mais pour le moment, la Grèce est prisonnière de sa note, abaissée à CCC par S&P et Fitch. Ses taux d’intérêts sur les marchés s’élèvent aujourd’hui à 16%, la forçant à se tourner vers les fonds européens. Engagée dans un fort programme d’austérité auprès de l’Europe et du FMI, ses mesures afin de re-

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dresser son économie sont vérifiées tous les 6 mois. Malgré tout, son taux de chômage devrait atteindre les 24% en 2013 selon sa banque nationale. Les efforts payent, mais la population en pâtit. Cette crise a augmenté le taux de suicides du pays de 40% en 2012. Pas une semaine ne passe sans une nouvelle manifestation ou une nouvelle grève contre les mesures européennes. Le cauchemar n’est pas terminé pour les Grecs. Mais l’Europe prendra-t-elle de la même manière la dette Portugaise ou Italienne qui menacent d’exploser ? Leur valeur s’élève aujourd’hui respectivement à 111% et 123% de leur PIB. Et si tout est mis en place afin de solutionner le problème, les chiffres ne cessent d’aug-

menter. Néanmoins, le MES ne pourra pas aider tout le monde. Cette perspecive assombrit l’horizon. Une partie des marchés, en perte de confiance, spéculent sur un éclatement de la zone euro suite à un effet domino sur les pays déjà fortement endettés qui aident à la survie des naufragés. Parmi eux, la France, non loin d’une Espagne en première ligne. Un certain nombre de fonds de placements mondiaux ont peur de cette zone « pourrie » du sud de l’Europe. Se tournant vers les autres, ils créent des écarts énormes entre les pays en difficulté et ceux qui gardent la tête hors de l’eau, tel que l’Allemagne. Reste à voir si ceux-là ne se laisseront pas tirer vers le fond. Léa Pfeiffer


ECONOMIE : CRISE DE LA DETTE EN ZONE EURO, LES CLEFS POUR COMPRENDRE ► La «crise» fait partie de notre vocabulaire économique. Nous ne sommes pas pour autant certains de pouvoir lui donner un sens. Qu’est-ce que la crise? Retour sur le refrain qui secoue l’Europe.

ECONOMIE LIBÉRALE ET FINANCIERE : TOUS SOUS LA BOTTE DES ACTIONNAIRES « Un homme a le droit de travailler comme il veut, de dépenser ce qu'il gagne, de posséder sa propriété, d'avoir l'État pour serviteur et non pour maître.» Margaret Tatcher En 1975, le premier ministre britannique fait alors la promotion du libéralisme économique inspiré par les Etats-Unis. Débute la mise en place d’une révolution du modèle économique Européen. Réduction importante du rôle de l'État, compensée par un renforcement de son autorité sur les domaines qu'il conserve. De nombreux corps intermédiaires disparaissent. Les entreprises privatisées connaissent une productivité et une rentabilité croissante à

toute épreuve. Afin de faire régresser le déficit, les dépenses publiques diminuent. Les impôts sur la consommation sont augmentés, tandis que les impôts sur le revenu sont baissés en contrepartie. La classe moyenne est fortement encouragée à augmenter ses revenus grâce à la Bourse. Ce modèle économique traverse les frontières pour s’imposer à l’Union Européenne. Les résultats Anglo-Saxons font tourner les têtes d’une Europe désireuse d’offrir aux Etats-Unis un concurrent à sa hauteur. Les entreprises privatisées passent des mains de l’Etat à celles des actionnaires et des banques sur des marchés financiers. Leur rôle est désormais d’être rentable, au détriment de la productivité et

de l’emploi. Depuis le traité de Maastricht, les Etats eux-mêmes ne peuvent trouver de l’argent que sur ces marchés. Depuis trente ans, c’est la dérive d’un capitalisme sous le jouc des financiers. Ceux-ci détiennent le droit de vie ou de mort sur les entreprises et les nations. Désormais loin du rêve d’un libre-échange enrichissant et auto-équilibrant, les marchés financiers sont un monde déconnecté des réalités sociales. Et, à force de lâchetés politiques successives, les Etats sont incapables de réagir. Eclatement de la bulle internet, crash boursier de 2001, crise des subprimes, crise de la dette grecque… Le système tout entier s’asphyxie aujourd’hui.

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LE MONDE EST-IL DEVENU STONE ? CHRONOLOGIE D’UNE TRAGEDIE ► Une crise n’arrive jamais seule. Afin de comprendre comment nous en sommes arrivés là, voici un résumé des évènements de ces dernières années. Crise des subprimes Des millions d'Américains et de banques sont tombés dans le piège. Les subprimes sont des crédits à risque accordés à des familles très modestes ne remplissant pas les conditions d’un prêt normal. Lorsque le marché immobilier chute, la vente du bien hypothéqué ne rapporte plus assez pour compenser les dettes. A l’international, les banques rachètent entre-elles ces créances à risques : c’est la titrisation qui rendra la contagion dans le monde possible. Les dettes étant impayées par des américains mis à la rue, les banques font faillite. Les Etats mettent en place des plans de renflouement de leurs caisses afin de leur faire sortir la tête de l’eau. Pour cela, les pays Européens s’endettent pour un total de 1 700 milliards d’euros, dont 40 milliards pour la France. De quoi creuser profondément le déficit public, déjà important. Crise financière. Les marchés financiers perdent confiance dans les Etats appauvris et fragilisés par la crise des subprimes. De nombreux pays de la zone euro entrent en récession. L’argent utilisée pour aider les banquent est partie dans la spéculation. De nombreuses bulles concernant les matières premières, l’or et le pétrole, menacent d’éclater. Le pot aux roses grec Le nouveau gouvernement grec découvre un déficit du pays de 12,7% du PIB, soit deux fois supérieur à celui annoncé initialement afin d’intégrer d’Union Européenne. L’objectif est de le réduire à 8,7%. La note du pays passe de A- à BBB+ chez Standar and Poor’s, rendant les taux d’intérêts des crédits plus élevés et réduisant considérablement la confiance des marchés dans le pays. Les plans d’austérité et d’aide financière de l’UE sont ponctués de grèves et de manifestations.

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La contagion Les notes de l’Espagne et du Portugal sont baissées de AAA à AA- par S&P. Afin d’éviter le pire, l'UE se munie d'un fonds de stabilisation (FESF) de 750 milliards d'euros avec l’aide du FMI. La Banque Centrale Européenne permet aux marchés financiers de racheter de la dette publique et privée. L’euro dans le cercueil L’UE décide que 50 % de la dette grecque est effacée. L’Etat naufragé reste sous perfusion des pays plus riches de la zone euro afin de ne pas devoir en sortir. L’Italie et la France sont à leur tour menacé. Les Etats mettent en place un plan d’austérité afin de rassurer les marchés. Tous pour l’euro Un « Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire » est signé par 25 des Etats membres de l’UE. Il stipule que le déficit structurel ne devra pas dépasser 0,5 % du PIB. Des sanctions s’appliqueront lorsque les déficits dépasseront 3 % du PIB. Un mécanisme commun de supervision des banques est mis en place : le Mécanisme de stabilité européen (MSE), qui remplace le FESF. Il recapitalise les banques directement, sans que cela pèse sur la dette des États membres. Les États ont aussi adopté un « pacte pour la croissance et l'emploi ».

KEZAKO Les marchés financiers sont un ensemble d’institutions. Banques, des fonds de pension, des Etats très riches ainsi que des fortunes des pays développés ou en voie de développement désirent tirer une rentabilité maximum de leur argent, tout en évitant les accidents et les risques. Ils confient cet argent à des fonds de placement. Ceux-ci vont le faire prospérer en faisant l’acquisition de titres facilement revendables. Ils investissent de moins en moins dans l’économie des pays dont les titres sont plus compliqués à transformer. Les Etats se financent sur les marchés et ont néanmoins besoin d’eux. Ainsi, les marchés ont le pouvoir de dicter leur politique aux Etats à l’aide de cette menace. Les agences de notation telles que Standar & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings notent les émetteurs de dettes. Entreprises, Etats, municipalités, leur note correspond à leur capacité à rembourser une dette. C’est sur celle-ci que les fonds de placement se fient pour estimer la sureté d’un investissement et imposer un taux de remboursement plus ou moins élevé. La spéculation est une course hippique où l’on peut faire des gains en pariant sur le


CONSEQUENCES DE LA CRISE EN FRANCE: DANS LE SILLON DE LA GRECE? ► La

France est l’un des piliers de la zone euro avec l’Allemagne, ce qui ne l’empêche pas de souffrir de la crise. Focus sur l’état de notre pays.

L’INSEE A DIT Chômage: le taux le plus haut depuis 1999. De baisse du pouvoir d’achat des ménages français De la population vit sous le seuil de pauvreté milliards d’euros de déficit du commerce extérieur de déficit public en 2012

France, nouveau mauvais élève? cheval perdant. Ce système s’applique sur l’ensemble des marchés et des actions ou des obligations, dont les contrats d’assurances des Etats et les dettes publiques. Il est donc possible de toucher de l’argent si un pays fait faillite, si l’on a spéculé dans ce sens. Aux débuts du système, les marchés financiers sont capables d’investir avec pertinence. Mais de plus en plus fréquemment, des mouvements purement spéculatifs interviennent. Au final, les marchés eux-mêmes gèrent les fluctuations qu’ils devraient contribuer à atténuer. La mode est aux traders à haute fréquence: des machines conçues pour la spéculation automatique. Elles permettent aux institutions d’effectuer des transformations plus vite que les clients, et ainsi s’enrichir en créant de nouvelles fluctuations. Une Bulle spéculative est une évolution des cours de bourse extravagante par rapport à la vraie rentabilité d’une entreprise. Les investisseurs se précipitent, jusqu’au jour où l’on se rend compte de la dangerosité d’une entreprise qui n’est pas aussi rentable qu’elle le prétend. La panique amène tous les investisseurs à vendre leurs actions. C’est le crack. Le but du jeu: entrer dans la bulle le temps de gagner de l’argent, et de la quitter avant d’en perdre.

Comme S&P en Janvier 2012, Moody’s retire à la France son triple A. L’agence pointe du doigt une perte de compétitivité du pays. CDI trop protecteur, niveau élevé des charges sociales et faiblesse de l’innovation font, entre autres, parti des points faibles de son marché du travail. Ses objectifs budgétaires sont jugés intenables. Le gouvernement estime la croissance à venir de +0,8% en 2013 et +2% en 2014 afin que le déficit atteigne les 0% en 2017. Si son plan de réduction du déficit budgétaire est approuvé, ces hypothèses paraissent trop optimistes. L’agence s’appuie aussi sur l’exposition disproportionnée de la France à une future explosion de la crise chez ses pays voisins, l’Italie et l’Espagne. L’Etat est en effet détenteur de liens commerciaux, et d’une grande part de leur dette souveraine. Leur naufrage rendrait le pays vulnérable à son tour. Peut-être est-ce là une preuve que la France n’a pas les moyens de sauver le reste de l’Europe si elle ne se sauve pas elle-même. Le pays de la stagnation Nombreuses sont les mesures prises par le gouvernement afin que la France puisse traverser la tempête. Néanmoins, cette austérité a eu pour principal effet de ralentir, voir même geler, la croissance de notre

pays tombé dans la récession. Les ravages sont nombreux. Lorsque les entreprises ne font pas faillite, elles usent de plans sociaux qui ne cessent de se succéder. Les chiffres du chômage battent des records. Le pouvoir d’achat des ménages effectue son plus fort recul depuis 1984. Additionné à une baisse des dépenses publiques et à une hausse des impôts, la demande est en baisse, fragilisant ainsi les entreprises. Ainsi va le cercle vicieux. Les Français perdent confiance dans l’Europe et le gouvernement, faisant remonter à la surface les pires préjugés entre le Nord des « riches » et le Sud des « pays du Club Med ». Sans oublier de mentionner la colère vis-à-vis des marchés financiers soupçonné de mettre en péril la démocratie. Quel avenir pour l’économie française? Selon l’économiste Marc Touati, l’horizon est encore sombre; « La dette devrait atteindre la barre psychologique des 100 % du PIB en 2013. Dans ce cadre, la note de la dette publique française perdra au moins deux crans d'ici l'été et les taux longs se tendront vers les 4 %. » Afin de l’éviter, le Président Hollande décide de miser sur la croissance plutôt que sur l’austérité. A voir si son programme économique et ses nombreuses réformes sauront séduire l’agence Fitch Ratings, qui doit se prononcer sur la note de la France en 2013.

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