Jupiter ascending

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JUPITER ASCENDING – LA MONO-EXPRESSIVITÉ , LE PRINCE CHARMANT ET LE DESTIN DE L’UNIVERS Jupiter Ascending fait partie de ces films qu’on va voir en sachant pertinemment que le scénario ne vaut pas un clou, mais que le spectacle en vaut la chandelle. Après le magnifique Cloud Atlas, les Wachowski ont mis leur génie au placard le temps de servir un divertissement à la portée de tous.

A partir du moment où Mila Kunis fait partie d’un casting, je baisse considérablement mes attentes par rapport à un film. Je préfère ne m’attendre à rien de bon de la part de cette actrice et, pourquoi pas, être un jour surprise par sa performance, plutôt qu’espérer qu’elle ait prit des cours de comédie et me retrouver bien déçue. Je dis cela parce qu’elle tient le rôle principal de Jupiter Ascending, Jupiter Jones, et c’est donc grâce à elle que je n’ai pas été complètement dégoûtée à la sortie de la salle de cinéma : je ne m’attendais à rien de plus qu’à un joli spectacle visuel. Après un Cloud Atlas de génie, monté directement sur la plus haute marche du podium de mes films favoris, j’étais terriblement excitée à l’idée de revoir une œuvre des Wachowski (qui seront désormais les W., parce que flemme) . Merci donc à Mila pour avoir jeté un bon gros froid.

L’idée du film est pourtant bonne, originale, et prometteuse sur le papier. Dans les grandes lignes, la


Terre n’est en réalité qu’une ferme (et nous, le bétail) qui a été créée par une des plus puissantes familles dans l’Univers : les Abrasax. Le peuple dont font partie des Abrasax est aussi humain que nous, mais en version plus évoluée ; ils voyagent entre les Galaxies comme entre deux arrêts de métro et sont obsédés par l’immortalité. Ils ont mis au point une substance qui leur permet de « reset » leurs cellules et rester jeunes pendant des millénaires. Le détail pas cool, c’est que cette technologie est faite à base de…nous. D’autres humains. Nous arrivons donc au moment où Balem Abrasax (Eddie Redmayne), heureux propriétaire de la Terre, veut nous « moissonner » pour récolter la matière première de la substance magique qui est son fonds de commerce. Mais c’est sur notre belle planète bleue que les gènes de sa mère décédée ont décidé de se « réincarner », en tant que Jupiter Jones. Si Jupiter découvre ses gènes royaux et demande à récupérer le titre de propriété de la Terre, elle nous sauve tous.

Si ça vous a l’air vague, dites-vous que je vous ai fait un résumé ultra clair. Devant le film, vous ne comprendrez rien de tout ça avant une bonne heure. Car la première partie vous largue facilement. Les séquences s’enchaînent très rapidement, un coup sur Terre, un coup dans l’Univers, on voit vite fait les protagonistes mais on ne comprend rien à ce qu’ils font, et encore moins à ce qu’ils disent tant on nous matraque à coups de termes scientificométhaphysiques. Une tonne de questions sont soulevées. Il faut être patient, les réponses arrivent au compte-goutte, c’est un peu la patte des W.

Ils adorent nous créer un univers ultra complet et complexe, très philosophique la plupart du temps, tant et si bien que soit ils nous pondent une trilogie pour l’exploiter à fond, soit un film de trois heures. Jupiter, c’est un peu les W. contrariés qui ont essayé de tirer des leçons de leurs « erreurs » : trois films, ça largue le public ; trois heures, c’est foutrement long. Ils ont donc essayé de condenser leurs idées géniales, les rendre plus accessibles, et tout faire rentrer dans un film de deux heures. Appelons ça le « syndrome du K-way ». Mais ça ne donne qu’un scénario brouillon, une sensation de potentiel mal utilisé, sans oublier une immense frustration. On ne demande qu’une seule chose, c’est quitter la salle de cinéma pour plonger corps et âme dans le monde qu’ils nous proposent, mais on se retrouve le nez collé à la toile, spectateurs d’un pale panorama d’un univers très riche, résumé à un enchaînement d’aventures pas franchement crédibles.

Le scénario cherche à servir des rebondissements à la pelle, et pourtant, rien ne nous surprend tant la totalité du film est calé sur un même rythme à motif répétitif. Jupiter est dans la merde, Cain (Chaning Tatum, assassin mi-homme, mi-loup, moitié albinos, garde du corps et amoureux transi) est évincé, le méchant lance son plan diabolique, et PAF, Cain, transporté par le Love Power, fout le bordel et sauve la belle juste à temps. Tout le temps. Jupiter va se faire tuer par des Aliens dans une clinique sur Terre ? Bah non, Cain les bute tous. Jupiter va être mariée par la ruse à un frère Abrasax qui veut ensuite la tuer ? No bitch, Cain arrive à entrer dans le vaisseau et sauver l’autre niaise. Attention, Cain est dans la mouise : jeté dans l’espace sans protection ! Oh, wait, presque sans protection, il a réussi à en attraper une juste avant que le sas ne s’ouvre (qu’il est fort ce Cain). Flûte, sa combi’ n’a que 37 minutes (attention, c’est


précis) d’oxygène. Merde, voilà qu’il arrive à 0 minutes ! Mais qui arrive au loin pour le sauver in extremis ? LA POLICE DE L’ESPACE qui a mit exactement 37 minutes à le retrouver ! Pas 36, pas 38, MAIS TRENTE-SEPT MINUTES TOUT PILE. Quand le même refrain se répète sur deux-trois péripéties, c’est bon, on a compris, et on attend que le prince charmant débarque juste avant que le méchant gagne à chaque fois en n’essayant même plus de feindre la surprise. Je pourrais aussi m’amuser à lister toutes les situations bien illogiques du film (comme quand l’énorme vaisseau de la police de l’espace n’arrive pas à passer les ouragans de Jupiter (la planète, hein), mais la petite navette de la taille d’une Smart pilotée par Cain, elle, y arrive. C’est puissant, l’amour.) mais j’aimerais éviter que cette critique fasse plus de deux pages Word.

Bref, il arrive des trucs de fifou, dans l’espace en plus. Mais il y a une personne que ça n’a pas l’air de choquer, qui surfe un peu sur la vague, qui vit les événements, sans plus : c’est Jupiter ellemême. La petite terrienne, immigrée russe, dont la vie jusqu’à présent se résumait à faire le ménage toute la journée chez les richous, se lever à 4h du matin pour récurer des toilettes. Franchement, découvrir du jour au lendemain qu’elle est la réincarnation de la mère d’une puissante famille de l’espace à qui appartient la Terre et qu’on cherche à la tuer pour pouvoir transformer les humains en eau de fontaine de jouvence… Easy, ça passe. En tout cas, à voir ses réactions et l’absence de palette d’émotions qui traversent son visage impeccablement makeupé malgré les poursuites et les explosions qui la secouent dans tous les sens, tout semble être parfaitement normal.

En fait, la mono-expressivité des acteurs est plutôt une généralité qui ne touche pas que Mila Kunis (mais elle n’a pas dû trop se forcer). Il faut dire qu’ils ne sont pas aidées à cause de l’absence de profondeur, d’histoire et de motivations crédibles de leurs personnages. Le pauvre Channing Tatum, qui tient tout seul toutes les scènes d’action (avec ses super bottes antigravitationnelles de l’espace-de-la-mort-qui-tuent-à-batterie-illimitée), garde l’air grave et les sourcils froncés pendant deux heures. On ne pige absolument rien au pourquoi du comment il est croisé avec un loup, mais c’est stylé, alors on passe l’éponge. Sean Bean, n’en parlons même pas ; il annonce que sa fille est très malade comme on dit qu’il n’y a que du jambon-coquillettes pour le dîner. Les frères et sœur Abrasax sont transparents et les raisons de leurs interventions sont incroyablement bancales.

Heureusement, il y a Eddie Redmayne. D’abord, on se demande pourquoi il s’est embarqué làdedans. Puis vient le moment où on le remercie chaleureusement d’avoir intégré le casting, parce que sans lui, il ne vaudrait pas un clou. D’ailleurs, soyons honnêtes, sans lui, le film se résumerait à un ensemble vague de belles images. Parce que, oui, visuellement, Jupiter Ascending est une bonne grosse claque, nickel, au détail près. Des vaisseaux spatiaux magnifiques, la planète Jupiter recrée avec le souci d’être fidèle à ce qu’on en sait, des espèces Alien rendues réalistes… Mes yeux n’avaient pas autant pris leur pied depuis… bah, Cloud Atlas. S’il y a quelque chose qu’on ne peut pas enlever aux W., c’est la qualité des équipes qui les entourent, et leur volonté de servir un orgasme pupillaire. Ils cherchent à bluffer le public et proposer un spectacle original, recherché,


poussant plus loin à chaque fois.

Pour en revenir à Redmayne. Ce garçon est un acteur de génie, c’est dit. Son personnage est malheureusement aussi superficiel que les autres, quoi que le plus profond et recherché de l’histoire, pour ne pas dire qu’il est le seul qui tient la route. Ou alors est-ce le jeu de Redmayne qui le rend digne d’intérêt. Il ne laisse rien au hasard, travaillant la posture, le rythme du corps, l’entière gestuelle, le timbre de sa voix… J’ai envie de dire qu’il est le seul de ce casting de fainéants à mettre en valeur le travail incroyable des costumiers et des maquilleurs qui se sont visiblement donnés à fond. Il est terriblement crédible, et il fout les jetons. Merci, Ed.


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