Nollywood, en coulisses

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« Nollywood, en coulisses » proposé par Léa Pfeiffer

Lagos, capitale Nigérienne de la drogue, de la prostitution, de la violence... et du cinéma. Au cœur de la ville, les boîtes de production sont sorties de terre par dizaines en une poignée d'années. Elles ont inondé le marché Africain de films peu chers, tournés en une semaine avec les moyens du bord. On appelle cette industrie cinématographique Nollywood. Avec ses 2000 films tournés par an, le Nigéria fait mieux qu'Hollywood et pose le pied sur la seconde place du podium des plus gros producteurs de films du monde. Nos caméras vont se plonger au coeur de Nollywood et le chaos des tournages, à Lagos, où le cinéma apparaît comme l'espoir d'un retour à la sécurité dans les rues de la ville.


De Paris à Lagos : le géant Nollywood Paris, dans les locaux de Nollywood TV. Apparue discrètement en 2012 dans le bouquet des chaînes payantes de la Free Box, cette chaîne ne diffuse que des films nigérians. La programmation vient de recevoir un nouveau DVD. Le film en question est sorti il y a quelques jours seulement au Nigéria. La communauté africaine en France pourra y avoir accès dès demain. Tous les ans, ce sont ainsi près de 2000 films qui sont produits à Nollywood (contraction de Nigéria et Hollywood). Au cœur de la ville la plus dangereuse d'Afrique, comment sont filmés ces milliers de productions bas de gamme ? Qu'est-ce qui fait son succès retentissant ? Nollywood est-elle une lueur d'espoir pour la population Nigérienne ? Immersion à Lagos, le berceau de Nollywood. Notre équipe arrive à Lagos. A travers les vitres de la voiture, nous pouvons prendre le pouls de cette capitale de l'insécurité. Les rues sont ponctuées de militaires armés et de chars. Difficile de croire que derrière les grillages se cache la deuxième plus grosse industrie cinématographique du monde, devant Hollywood : Nollywood. Les rouages de la machine C'est dans le quartier de Surelere que sont rassemblées les sociétés de productions. Nous sommes accueillis par Obi Emelonye, dirigeant de l'une des plus importantes d'entre elles : la Nollywood Factory. Obi nous en apprend plus sur la naissance de Nollywood. Cette industrie est apparue grâce aux conséquences de l'insécurité et de la violence au Nigéria sous la dictature de Ibrahim Babangida. Les salles de cinéma fermant une à une, la télévision nationale mettant la clé sous la porte, de nombreux techniciens et réalisateurs commencèrent à tourner des films auto-financés, vendus sous le manteau. En dix ans, la transformation est totale. Aujourd'hui, Nollywood c'est près de 500 millions d'euros par an de chiffre d'affaires. Il est ainsi le second employeur du pays après l'agriculture. Dans les locaux de la Nollywood Factory, nous assistons à un tournages en intérieur de l'un des films en ours de productions d'Obi. Dans un studio étroit, les équipes ont reconstitué un salon. Parfois en amenant leurs propres meubles. L'éclairage est artisanal. Les scènes s'enchaînent à toute vitesse : l'équipe n'aura accès au local qu'aujourd'hui.


Une journée de tournage typique à Nollywood Le lendemain, le tournage se poursuit en extérieur. Après des heures d'embouteillage, nous arrivons sur le set : une grande maison de banlieue. Le lieu n'étant pas un faux décor, rien n'est conçu pour accueillir une équipe de tournage. L'improvisation est le maître mot pour pouvoir installer le peu de matériel dont dispose le film. La plupart des productions Nollywoodiennes répondent aux mêmes critères : une caméra, une perche, 15 000 dollars de budget et une semaine de tournage. L'organisation est chaotique. A cause de la mauvaise circulation en ville, l'un des acteurs arrive avec deux heures de retard. Un autre a tout bonnement abandonné le film. L'obligation de tourner en décor naturel pose un problème spécifique au cinéma nigérian. Car les réalisateurs sont souvent obligés de payer les chefs de bandes des quartiers pour avoir le droit de s’installer sur leurs territoires. Les Area Boys sont des voyous qui rackettent les producteurs. Autrement, des marchands ambulants passent en criant à tuetête juste devant la caméra au moment même où celle-ci entre en action. Le réalisateur doit les payer pour qu’ils restent en dehors du champ, ou bien engager des policiers armés pour les contenir. Des acteurs rescapé des mauvais quartiers Sur le tournage, nous rencontrons Muna. Il a déjà près de 200 films à son actif, en seulement 7 ans de carrière. Il vient des quartiers chauds de Lagos et ne s'en vante pas. Mais il sait qu'il a de la chance d'être ici. S'il est sorti de la rue, c'est grâce au cinéma. Avec lui, nous partons visiter les rues du bidonville où il a grandi. Nous pouvons y croiser de nombreux jeunes traînant dans la rue, dealer de la drogue sans aucune crainte de la police. Pour lui, il est intéressant de voir des films africains faits par et pour des africains afin de parler de leur quotidien ou des sujets qui les touchent, permettant également de cultiver une fierté d'être africain et d'en défendre la culture. Muna n'est pas le seul à s'en être sorti. L'actrice Mercy Johnson Okoje était destinée à devenir une prostituée si elle n'était pas miraculeusement tombée dans le cinéma. Elle est aujourd'hui l'une des actrices les plus riches et populaires de Nollywood. Son association, la Mercy Johnson Foundation, cherche à lutter contres les fléaux de Lagos (prostitution,


drogue, sida) grâce au cinéma. A travers ses films, elle parle de ces sujets qu'elle connaît bien et espère sensibiliser la population. Découverte d'une école de cinéma Depuis que Nollywood rencontre un succès international -non seulement à travers toute l'Afrique, mais également en Europe- les écoles de cinéma ont poussé hors de terre par dizaines. Nous nous rendons dans l'une d'elles afin d'avoir un aperçu des cours qui y sont donnés. Un professeur nous explique qu'il profite de ses cours pour inculquer aux élèves les sujets « graves » qui peuvent toucher le public et sensibiliser à certaines causes. Il souhaite que les choses changent dans la ville, que les jeunes quittent la rue pour venir étudier. A travers le cinéma, ils peuvent s'exprimer. A la sortie de l'école, un élève de dernière année nous avoue qu'il veut vraiment s'engager dans le cinéma afin d'avoir un impact sur la société grâce aux films. Il souhaite que la qualité des films provenant de Nollywood augmente pour qu'ils aient enfin une véritable portée internationale, comme les films d'Hollywood. D'autres, moins idéalistes, se contenteront volontiers de reproduire les blockbusters d'Outre-Atlantique. Le piratage, un mal pour un bien ? Quartier d'Idumota, à Lagos, s'est transformé en un énorme vidéomarket. Nous entrons dans l'une des boutiques où l'on trouve des DVD par milliers et des centaines de posters dans les rues. Les acteurs sont souvent les mêmes, leurs visages sont placardés à tout va. Plus que des modèles, certaines sont érigés en véritables héros par les clients de la boutique. Ce quartier est l'un des seuls lieux de la ville « sous contrôle », où les DVD échappent à la piraterie qui ravage le marché. La Video Marketers and Producers Association se bat chaque jour afin d'enrayer ce fléau qui fait perdre des millions à l'industrie du cinéma Nigérienne. Néanmoins, le piratage est à l'origine même du succès des films Nollywoodiens. Aux touts débuts, c'est le piratage qui a permis la diffusion massive des films nigérians. Aujourd'hui, va-t-il le mener à sa perte ?


La renaissance de Lagos ? Nous suivons une famille nigérienne qui, depuis peu, peut sortir de chez elle sans trop avoir peur. Ils se rendent au cinéma. Car depuis quelques années, deux ou trois cinémas ont rouvert dans la capitale. Pour eux, il est important de soutenir l'économie du cinéma nigérien en allant voir les films au cinéma plutôt qu'en les piratant. Né de l'insécurité, Nollywood apparaît comme l'espoir d'un retour de l'ordre dans la ville de Lagos. Aujourd'hui, une nouvelle vague de cinéastes est bien décidée à se lancer dans le cinéma d’auteur afin de s'exporter dans le monde entier, et pourquoi pas, un jour, être enfin reconnus par un Oscar.


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