Le fort avant le front, immersion en stage commando

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Le Fort avant le front Embarqué en stage commando Proposé par Léa Pfeiffer Les bombes explosent, les débris volent. Fort Béar est à nouveau un champ de bataille. Cette année encore, 27 journalistes et techniciens s'immergent durant une semaine dans cette simulation de guerre organisée par le CNEC (Centre National d'Entraînement Commando) dans les collines de Collioure. Ces reporters ont toujours fasciné le public par leur courage, mais c'est sans oublier les militaires qui participent à leur sécurité. Ce stage sert aux journalistes à déceler les dangers et connaître les réflexes à avoir sur terrain. Simulation de prise d'otage, descentes en rappel et nuits survie dans la montagne mettent leur mental et leur physique à rude épreuve. Comment suivre un groupe armé sans mettre en péril les opérations et sa propre vie ? Comment réagir face à une mine ? Le commando a sept jours pour préparer les journalistes à toutes les éventualités avant qu'ils ne soient renvoyés chez eux avec quelques bleus, en attendant le prochain reportage en zone de guerre.


Mise en condition Fort Béar, début d'après-midi. Vingt-sept journalistes venant de tous types de médias sont accueillis par les militaires. Jean, Xavier et Marie rencontrent les instructeurs, membres des commandos de l'armée. Jean s'est déjà rendu sur le terrain. Mais après avoir constaté de nombreux enlèvements en 2013, il vient roder son savoir pour ne pas risque ce genre d'expérience. Xavier, au contraire, n'est jamais parti sur un champ de bataille caméra au poing. Le cameraman doit accompagner un journaliste au Mali bientôt, mais hors de question d'y mettre les pieds sans être préparé à toutes les éventualités. Il en va de même pour Marie, journaliste indépendante. Comme eux, depuis 10 ans, 500 stagiaires ont été sensibilisés aux dangers du terrain par le Centre National d'Entraînement Commando. Après une courte présentation des acteurs du stage, c'est une semaine d'immersion en zone de guerre qui commence. Les reporters, initiés et novices, sont équipés de la tête au pieds. Casque, gilet pare-balles, package : plus d'une dizaine de kilos de matériel qui les suivra partout désormais. Les voici immédiatement lâchés dans la nature, en reconnaissance topographique, accompagnés d'une poignée de militaires. Après des heures de marche, le groupe trouve un endroit adéquat entre les arbres pour installer un camp. Ils dorment dans des duvets à même le sol autour du feu, à la belle étoile, et dans le froid de cette nuit de février.

Parcours en zone urbaine Après une première journée d'informations théoriques (comment faire son sac, allumer un feu, monter une tente, chasser et dépecer un lapin), et de mise en pratique afin de survivre dans la nature, les choses sérieuses débutent. Caché derrière un muret, entouré de soldats, Xavier attend le signal du commando pour continuer d'évoluer dans le fort. Equipé d'une GoPro, nous pourrons avoir les images de l'exercice depuis l'intérieur. Il entend une bombe exploser à quelques mètres d'eux et voit les débris partir de part et d'autre. Le cameraman qui l'accompagne ne rate rien de la scène. Le parcours en zone urbaine est un exercice phare du stage. Pour les journalistes, l'exercice consiste à pouvoir faire leur travail, avoir des images inédites, sans perturber la mission du commando -et sans se faire tuer. Ils doivent rejoindre un lieu sécurisé où ils pourront interviewer un faux chef d'une organisation rebelle. Le groupe avance et se retrouve face au brouillard de grenades à fumigènes. A l'abri sous un pont, ils trouvent le corps d'un faux journaliste faisant mine d'être blessé. Ils doivent lui faire un garrot et l'évacuer d'urgence. Immergé dans le champ de bataille, sous pression, dans le bruit, l'urgence et la peur, Xavier perd parfois ses moyens. Au débriefing, les militaires corrigeront les points qui l'ont desservis et lui donneront des conseils pour gérer son stress et rester maître de soi dans la plupart des situations. Le futur reporter le sait : dans la réalité, il serait déjà mort.


Épreuves physiques et checkpoint Embarquée sur la banquette d'une voiture, Marie ne dit pas un mot. Comme avant chaque début d'exercice, elle ne sait pas plus de quelques minutes à l'avance ce qui va se passer. Cet état de stress omniprésent est particulièrement fatiguant. De plus, le froid l'a empêchée de dormir la nuit dernière et de récupérer de l'exercice en zone urbaine de la veille. Pas très en forme, elle doit donc être d'autant plus en alerte. La voiture s'arrêtera à un checkpoint à trois reprises. Le véhicule est fouillé, la journaliste montre ses papiers d'identité et ses autorisations. Tout d'abord dans le calme, la situation se dégrade aux passages suivants. La troisième fois, les soldats lèvent leurs mitraillettes et tirent sur la voiture. Impossible de passer, il faut abandonner le véhicule. Marie réussit à sortir en restant à l'abri. L'après-midi, le commando effectue de nombreuses démonstrations devant les journalistes : les armes et leurs effets, les mines et les attaques chimiques. Les reporters partent ensuite en parcours d'audace. Les attendent escalade, boue, corde raide, tyrolienne et descentes en rappel, parfois accrochés à de simples draps noués entre eux. Le tout toujours encombrés de leur caméra. Quelques bleus sont à déplorer en fin de journée.

Simulation d'enlèvement Après un moment en voiture, la nuit tombée, c'est l'embuscade. Jean est arraché du véhicule et jeté à terre par un groupe d'hommes cagoulés. Les yeux bandés, bâillonné, il est embarqué dans un van puis dans un zodiac. Dans l'obscurité, les longues minutes de trajet lui font perdre tous ses repères. Le stress l'envahit lorsqu'il entend un homme tomber à l'eau et hurler qu'on vienne le sauver. Le journaliste est amené dans une cave. L'humidité et le froid le font grelotter. Une poignée de minutes passent comme des heures. La porte de cette pièce du sous-sol se ferme sur nous ; le mystère de cet exercice doit être préservé. C'est à sa sortie que nous retrouvons Jean, bien secoué. Il nous confiera ses impressions sur cette expérience en tant qu'otage et l'enseignement qu'il en a tiré. Ivan Ceriex, otage en Irak en 2004, vient également témoigner devant les stagiaires. A l'heure où les journalistes sont de plus en plus la cible d'enlèvements, ce genre d'entraînement est un atout loin d'être négligeable. Pour les reporters embeded comme pour les soldats, ces sessions de sensibilisation sont des plus bénéfiques une fois sur le terrain, parfois quelques jours seulement après la fin du stage, afin de pouvoir travailler ensemble.


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