BRASS
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Édito ENTRETIENS
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Roda Fawaz Sophie Sénécaut Étienne Gaudillère Sandrine Franken Une Maison en Plus Thierry Lefèvre Barbus au sommet d’une montagne Maison des jeunes de Forest Damien Magnette
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+ AGENDA
Denis Stokkink, Président
Charles Spapens, Échevin de la Culture de la Commune de Forest
Frédéric Fournes, Directeur
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Il y a deux ans, nous ouvrions la saison avec une question très simple : Pour vous c'est quoi le BRASS ? Il s'agissait par là d'ouvrir le dialogue et d'échanger sur les attentes éventuelles d'une population vis-à-vis d'un centre culturel. À quoi sert-il ? À qui s'adresse-t-il ? Que peut-on bien y faire ? Fort de vos nombreux témoignages, nous avons donc orienté nos actions pour les années à venir : plus d'activités pour les enfants et les adolescents et leur famille, plus de convivialité, plus de mixité, plus d'activités dans l'espace public, des projets citoyens, des artistes émergents… Bien sûr, tout comme Forest ne s'est pas construit en un jour, le BRASS grandit progressivement et les défis sont nombreux. Mais grâce à votre enthousiasme communicatif, des partenaires engagés, des artistes visionnaires et des soutiens institutionnels précieux, nous allons tout mettre en œuvre pour concrétiser nos attentes communes dans les années à venir ! Et également vous surprendre, bousculer vos habitudes, vous convier à prendre des chemins de traverse. Comme vous le constaterez dans cette brochure, nous avons souhaité mettre en avant les personnes qui par leur singularité vont colorer cette nouvelle saison. Dès notre Joyeuse Ouverture, nous mettrons encore une fois en avant la créativité du milieu associatif forestois en présentant le résultat de projets socio-artistiques menés avec différents publics. Attaché plus que tout à notre quartier et à nos voisins, nous capitalisons aussi toute cette énergie locale au sein de notre Quartier Général, un nouvel espace voué à la rencontre et au soutien aux initiatives citoyennes. Un haut lieu de brassage culturel, convivial et solidaire. À de jeunes auteurs de théâtre, nous donnons la possibilité d’interroger un certain état du monde. Avec humour et générosité, Roda Fawaz nous parle de son identité multiple, alors qu'Etienne Gaudillère s'attaque au personnage tristement réel d'Anders Breivik et à la construction de la pensée radicale, jusqu'au passage à l'acte… Atomix, Tripartite, Crash Test : nos trois rendez-vous récurrents se poursuivent toute l'année, pour les enfants et les parents, les mélomanes et musiciens forestois et bruxellois, les performeurs et curieux dans leur très grande diversité. Comme l’affirmait haut et fort l’artiste Pamina de Coulon accueillie la saison passée dans une période déjà tourmentée : « face à l’effroi, prendre des forces ».
L’équipe du BRASS Centre Culturel de Forest
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RODA FAWAZ
23/09 20:30 BRASS seul en scène On the road…A Roda Fawaz
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D’où viens-tu ? Je suis belge d’origine libanaise, né au Maroc (en 1979), j’ai passé ma petite enfance en Guinée. J’étais encore un enfant quand je suis venu à Bruxelles avec ma mère. J’y ai passé la plus grosse partie de ma vie, et j’y ai fait mes études d'art dramatique. Aujourd’hui, je vis à Paris. Qu’est-ce qui t’a amené à la scène ? Au départ, je voulais travailler dans le tourisme mais un jour — j'en parle dans le spectacle — alors que j’étais en dernière année d’études de tourisme, un prof a affiché un papier qui disait « cours de théâtre à 500 mètres de l'école ». Je ne sais pas pourquoi, j'ai été attiré par ce papier. Je suis allé au cours de théâtre, et j'ai eu un genre de coup de foudre pour cet art. Comment as-tu écrit le texte de « On the road…A » ? J’ai démarré avec une phrase : « À ma naissance… ». Tout le reste a coulé de source. Je me suis enfermé pendant un mois au Maroc et j'ai écrit 80 pages. Dans un premier temps, j'ai appris les 80 pages par cœur. Je les ai jouées devant Angelo Bison, qui a été mon premier prof de théâtre, celui qui me connaît le mieux. J'avais besoin de me rassurer, vu que j'écrivais un texte intime. Je me demandais si ça allait intéresser les gens. Je sentais que je prenais un risque à un endroit. Nous avons coupé le texte, jusqu'à ce qu'il reste 50 pages. J'ai appris les 50 pages et j'ai joué le nouveau texte devant Angelo et Eric de Staercke, le metteur en scène du spectacle. Ensemble, nous avons de nouveau coupé et retravaillé le texte ; le spectacle s'est construit à partir de là. Qu’est-ce qui t’a nourri dans l’écriture de ce seul-en-scène ? Au départ, je me suis inspiré d'un livre qui m'a beaucoup touché, Les Identités meutrières de l’auteur franco-libanais Amin Maalouf. Un essai sur l'identité. Il écrit : « Si notre regard enferme les autres dans leurs plus étroites appartenances, notre regard aussi peut les en libérer ». Cette phrase résume bien le propos du spectacle. Plus précisément, de quoi parle le spectacle ? Il parle de la question de l'identité, dans son aspect le plus complexe, le plus multiple. J'aborde, en mélangeant le vrai et le faux, tout ce qui fonde mon identité : mon parcours, mon éducation, le rapport à ma mère, à mon père, mes rencontres, comment je suis arrivé à ce métier… Le spectacle montre mon personnage qui se débat avec tout un héritage culturel. Il pose la question : comment tu te débrouilles avec ce qui t’est tombé entre les mains et que tu n’as pas choisi ? Ton nom, ta religion, ta circoncision, le divorce de tes parents, l’exil… Tu estimes que tout le spectacle est un « déconditionnement ». Peux-tu nous en dire plus ? J’évoque sur scène tout ce qui m’a été donné et je le questionne :
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Roda Fawaz ouvre la saison 2016 — 2017 avec son deuxième spectacle On the Road…A, un seul-en-scène dans lequel il interroge ses racines en passant par le rire. Dans le cadre de sa Joyeuse Ouverture, le BRASS lui propose également une carte blanche, pour laquelle il a choisi d'inviter le rappeur belge Uman.
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qu'est-ce qui est de l'ordre de mon choix ? Qu'est-ce qui m'appartient vraiment ? Ce sont des questions qui partent de mon expérience intime mais tout le monde peut s'y reconnaître. Pas besoin d'avoir des origines exotiques ni des conflits religieux. Certaines personnes font un métier qu'elles n'ont pas envie de faire parce que papa fait ce métier-là… Dans le spectacle, il y a tout un voyage à travers les différents prénoms que tu as portés… Oui ! Lorsque j’étais enfant, j’étais célébré comme un dieu en Guinée, à cause de mon prénom « Mohammed ». On me disait : « c’est le nom du prophète ! ». Quand je suis arrivé en Belgique, je ne comprenais pas qu’on ne me traite pas comme un dieu. À l'école primaire, il y avait quatre Mohammed dans la même classe… Quand j’ai grandi, j’ai laissé de côté le nom de Mohammed pour me faire appeler Mimo, ce qui sonnait plus italien et facilitait les entrées en nightclub. Puis quand j’ai fait du théâtre, j’ai voulu reprendre le nom de Mohammed, parce qu’on ne trouvait pas d’Arabes dans le milieu du théâtre. Je pensais : « Je suis le seul Arabe ! Ils auront besoin de moi pour jouer tous les rôles d’Arabe ! ». Sauf qu’au conservatoire, j’ai découvert Shakespeare, Molière et là je me suis dit : « J’ai pas envie de faire l'Arabe ! j'aimerais jouer autre chose ! » Malheureusement, à ce moment, on ne voulait me donner que des rôles d'Arabe. On me renvoyait une image de moi qui n’était pas forcément celle que j'avais de moi-même, mais qui en même temps, fait partie de moi. C’est là que j’ai pris le nom de Roda, qui est en fait mon deuxième prénom. Tu joueras au BRASS le 23 septembre. Tu y avais montré ton premier spectacle Quarts d’identité en 2013. Oui. J’avais surtout joué ce one-man-show à Paris, et j'avais fait une dernière exceptionnelle à Bruxelles, que j'ai jouée au BRASS. Étant donné que je suis forestois, ça me tenait à cœur de terminer là-bas. Comment qualifierais-tu le ton de ce spectacle ? Je crois qu’il est difficile d’identifier clairement le style. Comme j'ai fait du conte, du stand-up, du théâtre, le spectacle porte les influences de tout ça en même temps. Je ne m'empêche pas de faire un spectacle qui est à mi-chemin entre différents styles. La tonalité n’entre pas dans une seule case. À l’image du propos du spectacle : je refuse qu'on enferme les gens dans des cases.
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— Amin Maalouf, Les Identités meutrières
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Si notre regard enferme les autres dans leurs plus étroites appartenances ; notre regard aussi peut les en libérer
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SOPHIE SÉNÉCAUT
J’ai profité de Crash Test pour creuser des problématiques assez personnelles liées à l'identité, au métissage, au territoire, à la déterritorialisation…
Rendez-vous avec Sophie Sénécaut devant la tête géante qui veille sur le Parc de Forest*. Sophie Sénécaut vit à quelques pas d’ici. Dans la vie, comme on dit, elle fait du théâtre. Depuis une dizaine d’années. Formée à l’INSAS, elle a travaillé avec différentes compagnies et metteurs en scène : Utopia, Sophie Kokaj, Florence Minder, Les Viandes Magnétiques,… Avec cette dernière compagnie, elle a joué au BRASS l’année passée,
* œuvre temporaire de Fred Martin installée à l’occasion de Parcours d’Artistes et du festival SuperVliegSuperMouche
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Depuis 2013, le BRASS propose Crash Test, des soirées dédiées à l’art performance. Le principe a évolué au fil des saisons, jusqu’à prendre sa forme actuelle, où des artistes sont invités à s’approprier le BRASS pour y construire une proposition qu’ils livrent au public à l’issue d’une semaine de création in situ. En mai dernier, la comédienne Sophie Sénécaut s’est prêtée au jeu. Retour sur expérience.
dans Le Nu Civil de Jean-Baptiste Calame. Elle défend ardemment le travail de la compagnie Les Viandes Magnétiques, que l’Abbaye de Forest a accueillie lors de deux résidences successives. Lorsque Sophie Sénécaut a été invitée par Mathias Varenne, curateur du projet Crash Test avec Isabelle Bats, à venir expérimenter au BRASS, elle n’a pas même envisagé d’y participer seule. Pour elle, l’aventure artistique est d’autant plus riche qu’elle est collective : Je considère la création comme une forme de tressage ou comme une broderie, où l’on fait se croiser plusieurs histoires personnelles. Sophie évoque cette semaine de travail, entourée de six acteurs et amis, comme une mini-résidence, où les artistes peuvent expérimenter des collaborations inédites, et approfondir des questions qui étaient déjà présentes dans leur travail :
Au BRASS, Sophie et son équipe ont choisi la salle des cuves. Ils ont travaillé de manière instinctive, en s’appuyant sur une musique du chanteur syrien Omar Souleyman.
Notre démarche n'était pas expliquée. Si le public ne comprend pas ce que tu as voulu dire, du moins, quelque chose se passe. Car il y a dans la performance un geste offert vers l'autre. Comme une parole qui ne passe pas par une grammaire ou une orthographe. C'est ce que j’aime, avec la performance : c'est comme un langage parallèle, qui n'enferme pas autant que les mots. On s’est parlé, mais à un autre endroit, à un endroit qui échappe au langage. Sophie évoque le fait qu’elle aime l’abstraction qui permet « de ne pas écrire les choses ». Elle précise : Parfois, les gens croient en savoir plus sur moi quand ils me voient, que je n'en sais moi-même sur moi : « Elle vient d’Afrique, ceci, cela… ». C'est extrêmement asphyxiant. On ne se rend pas compte à quel point c'est violent. Pour se défaire des catégorisations, la comédienne pense qu’on devrait parler par impressions, couleurs… comme si on faisait de la peinture impressionniste ou abstraite. Dans mon travail, j’essaie de m'arrêter sur chaque mot et de les faire trembler. Qu'est ce que l’Afrique ? Qu'est ce-que c'est venir de ? Qu'est-ce que c'est arriver à ? Idem pour la notion d'homme et de femme. Je suis très intéressée par les questionnements : est-on certain d'être un homme ou une femme ?
C’est une chanson d'amour, une musique festive, amoureuse, électrisée, qu'on a décortiquée jusqu’à n’en garder pratiquement qu’une boucle. Le vendredi soir, dans la salle des cuves, on a pu voir un portrait vidéo projeté dans la salle obscure, entendre cette boucle musicale et voir sept personnes danser sur un tapis, pendant une quinzaine de minutes, sans paroles.
Sophie referme sa farde et ajoute : Si on ne se pose pas ces questions-là, rien à faire, les gens seront toujours assignés à des catégories. Les réfugiés seront toujours « des réfugiés », il y aura toujours « des arabes et des noirs », « des hétéros et des homos ». Et je serai toujours « une africaine ».
Nous avons fait des propositions très personnelles. La danse renvoie à un univers qui n'est pas verbal, qui est assez abstrait. Le public, au cours de la soirée, a pu ainsi naviguer entre cette performance, et quatre autres propositions artistiques jouées dans les différents espaces du BRASS. Dans sa farde, Sophie soulève une photo de danseurs des années 1960, et sort une feuille sur laquelle est recopié un morceau d’une lettre de Tchekhov à une amie. Elle le lit à haute voix :
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C’est une notion qui résume beaucoup ce que je suis, qui résume beaucoup Bruxelles, et qui résume l'état du monde… Ce que je suis, parce que je suis une actrice d'origine africaine mais je ne sais pas vraiment ce qu'est cette origine, je ne sais pas à quoi elle renvoie. En tout cas, je n’ai pas du tout le sentiment de me dresser verticalement au dessus d’une racine. Je suis constituée de plein de choses.
Sophie a toute confiance dans l’intuition et l’émotion du spectateur.
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Sortant de son sac une farde qui rassemble des textes et des images, la comédienne explique qu’il s’agit d’un dossier dont elle s’était armée au début de sa semaine de création collective. Des documents qui la nourrissent, la guident. Non pas des textes voués à être dits lors de la performance, mais des idées qui l’accompagnent, des pensées tutellaires. En tête de ces textes, un extrait d’un essai d’Edouard Glissant Introduction à une Poétique du divers. Dans ce texte, Glissant reprend le travail des philosophes Deleuze et Guattari pour envisager la notion d’identité comme un rhizome qui se construit horizontalement, plutôt qu’une racine qui évolue verticalement.
« À quoi bon expliquer quoi que ce soit au public ? Il faut l'effrayer et c'est tout, il sera alors intéressé et se mettra à réfléchir une fois de plus. » SEPTEMBRE—DÉCEMBRE 2016
J’ai profité de Crash Test pour creuser des problématiques assez personnelles liées à l'identité, au métissage, au territoire, à la déterritorialisation…
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ÉTIENNE GAUDILLÈRE
23/11+ sa 26/11 seul en scène Utøya Etienne Gaudillère me
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Tu as créé ta propre compagnie, est-ce que tu peux nous en parler ? La compagnie Y a été créée en 2014. Pale Blue Dot et Utøya sont ses deux premiers projets, c’est donc une toute jeune compagnie. Son nom est en lien avec la génération Y (jeunes nés entre 1980 et 2000) et sa ligne artistique est de travailler sur l’actualité, quelle qu’elle soit. Pale Blue Dot parle des lanceurs d’alerte (Wikileaks). Utøya est un texte contemporain qui se situe en 2011. Je ne dirais pas que je suis anti-classique, mais parfois, je suis un peu irrité de voir que se jouent six Tartuffe par an ! Je trouve qu’il existe un cercle vicieux, en France : les écoles font étudier Molière aux élèves, les théâtres programment donc du Molière pour faire des séances scolaires, les programmateurs demandent donc aux metteurs en scène de monter des classiques pour remplir les scolaires… Du coup, certaines années, il y a six Tartuffe à l’affiche ! C’est bien que les classiques existent, mais je pense qu’ils prennent trop de place. Pourtant, des histoires incroyables se passent chaque jour qui sont aussi fortes qu’un récit de Shakespeare. Comment t’es-tu intéressé à Utøya ? Quand j’étudiais la littérature à Paris 7, j’ai écrit un mémoire sur les bourreaux. J’ai suivi des séminaires qui évoquaient la question de comment les victimes peuvent se reconstruire par l’écriture, après le génocide au Rwanda ou la Shoah… C’est une thématique qui me fascine et que je relie beaucoup à Breivik, le tueur norvégien sur l’île d’Utøya. J’ai découvert le livre de Laurent Obertone en lisant un journal. Très vite, j’ai proposé un projet de mise en scène à Arthur Vandepoel, le comédien. J’ai contacté la maison d’édition, Ring, qui m’a donné son feu vert. Ce qui m’intéresse, c’est l’origine du mal, dans le sens où Breivik n’est pas quelqu’un de fou (même si la frontière de la folie n’est pas si nette). Nous sommes tous des Breivik en puissance. Peut-être que si j’étais tout seul et obsédé par une pensée, je serais capable d’exécuter 77 personnes. Breivik est très intelligent. C’est ça qui me questionne beaucoup. Deuxième chose qui m’a amené à m’intéresser à Utøya, et dont je n’avais pas conscience au début : je me suis retrouvé plusieurs fois à discuter avec des personnes qui avaient le discours de Breivik. C’est très compliqué de discuter avec des extrêmistes, et Laurent Obertone retrace cela de façon très pertinente dans son livre : il manipule la pensée du lecteur. C’est bien de pouvoir comprendre comment la pensée est manipulée, cela permet de s’armer face à des discours extrêmes. Comment as-tu adapté le livre qualifié de « roman documenté » au théâtre ? Arthur (le comédien) et moi avons lu le livre en entier à voix haute. Cela nous a quasiment pris une semaine. Quand on lit le livre tout à la suite, avec les nombreuses répétitions, il y a un effet lavage de cerveau. On a vraiment l’impression d’être dans
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Le metteur en scène lyonnais Étienne Gaudillère propose une adaptation du livre de Laurent Obertone sur la tuerie de 77 personnes sur l’île d’Utøya, en Norvège, en 2011. Utøya se jouera dans la salle des machines du BRASS, du 23 au 26 novembre 2016.
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la tête de Breivik. Au théâtre, c’est compliqué de jouer sur les répétitions pendant une heure et demie. C’est pourquoi nous avons reclassé tout le récit par thèmes : l’immigration, les femmes, les jeunes, l’ADN, etc., ce qui nous a pris deux ou trois semaines. Que veux-tu faire ressentir aux spectateurs à travers cette pièce ? La violence ! La violence de la pensée. Ce que dit Breivik est très violent, à vomir, même. Nous sommes très habitués à une image de la violence donnée par le cinéma, le théâtre… Dans le livre d’Obertone, à travers les rapports d’autopsies, les impacts des balles, on voit une réalité qui n’a rien à voir avec le scénario qu’on se fait des actes de violence. Comme lorsqu’on lit des témoignages des survivants de l’attentat du Bataclan : on nous parle de gens qui ne bougent pas, qui restent sur place… C’est perturbant, mais c’est vrai ; en fait, on ne connaît pas la réalité de la violence. Comment travailles-tu l’interprétation avec ton comédien ? Nous travaillons de façon très rythmique, un jeu assez froid et reptilien. La mise en scène est épurée : on ne voit que la moitié du visage du comédien pendant toute la première partie. Ce qui est très violent et puissant, c’est qu’on ne montre pas directement la violence sur scène. Les images dont le comédien parle nous renvoient à notre propre violence. C’est nous, c’est notre imaginaire, qui les construisons. Je pense beaucoup au film Funny Games de Michael Haneke. Toute la violence est dans la parole et dans l’imagination. Vas-tu adapter la mise en scène lorsque vous jouerez au BRASS ? Nous jouerons dans la salle des machines du BRASS et ce sera très intéressant pour notre scénographie ! Les machines nous permettront sans doute d'illustrer le système de la pensée de Breivik. Tu as mis en scène récemment ta première pièce, Pale Blue Dot, qui traite de Wikileaks. Définiraistu ton théâtre comme du théâtre documentaire ? Étonnemment, je ne dirais pas ça d’Utøya. D’ailleurs, même l’éditeur a classé le livre dans « récit », et non pas dans « documentaire ». Qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui est faux dans le récit ? Je pense que Laurent Obertone n’a pas tant inventé. Mais de manière générale, j’aurais tendance à dire qu’on s’en fiche, dans le sens où une chose est certaine : la fiction permet d’éclairer la réalité et la réalité permet d’éclairer la fiction. Si je devais choisir entre le propos documentaire et l’expérience cathartique qu’on souhaite proposer au plateau, je choisirais l’expérience cathartique.
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Ce qui est très puissant, c’est que les images dont le comédien parle nous renvoient à notre propre violence.
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SANDRINE FRANKEN
UNE MAISON EN PLUS
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Comment « Une Maison en Plus » s’est-elle construite ? Une Maison en Plus est une maison de quartier qui a été créée en 1982 à l'initiative de la maison médicale du quartier Primeurs-Pont de Luttre. L’équipe de la maison médicale a pris conscience que beaucoup de gens avaient besoin d'autre chose que des soins médicaux. Ils ont alors fondé une asbl indépendante de la maison médicale. Au départ, ce n’était qu’une école des devoirs. Beaucoup de parents du quartier étaient largués pour l’aide aux devoirs de leurs enfants. À l'époque, c'était seulement la première génération de l'immigration marocaine, ou la deuxième qui démarrait, donc des personnes qui ne parlaient vraiment pas bien français et qui n'avaient pas du tout l'habitude du système scolaire belge. Comment l’école créative est-elle venue compléter l’école des devoirs ? Quand j’ai commencé à travailler à Une Maison en Plus, nous nous sommes aperçus que l'école des devoirs ne suffisait pas, qu'il fallait englober l'enfant dans un processus. Pas seulement pour qu'il réussise à l'école, mais aussi pour qu'il devienne un adulte responsable, bien dans sa peau, qui puisse être critique —notamment envers la société—, qui sache prendre la parole…. Beaucoup de choses qu'on n'apprend pas spécialement à l'école. Peindre en grand, faire du théâtre, chanter, bouger, permet de dénouer le langage et dénouer le corps… C’est ainsi que nous avons mis en place l’école créative, pour les 6-15 ans, dont je suis devenue coordinatrice. L’école créative consiste à la fois à pratiquer les arts plastiques, mais aussi le théâtre, le chant, la danse…? Chaque membre de l’équipe a un potentiel en arrivant, chacun a une formation, et nourrit le projet de l’asbl. Pour ma part, je suis prof d'arts plastiques au départ. J’ai étudié aux Beaux-Arts et fait de la pédagogie. De fait, il y a beaucoup d'arts plastiques dans ce qu'on fait à l’école créative ; c'est ce que j'amène, ayant pratiqué beaucoup de techniques différentes : mosaïque, peinture monumentale, gravure… Quel type de public recevez-vous ? Les personnes qui fréquentent Une Maison en Plus sont des gens du quartier, c’est-à-dire un public plutôt défavorisé, avec des petits revenus. Troisième et quatrième génération d'origine maghrébine, des personnes d'Europe de l'Est, des familles syriennes arrivées récemment —on travaille pas mal avec des primo-arrivants. Et il reste encore des Italiens de la première immigration arrivée dans le quartier. Par quoi se traduit le partenariat d’Une Maison en Plus avec le BRASS ? C’est important pour nous de pouvoir nous appuyer sur un centre culturel francophone qui enfin existe à Forest, et qui a pris de l'ampleur si vite. On a construit ensemble avec le BRASS le projet des Dimanches Atomix, ces journées consacrées à des activités
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Les chemins d’Une Maison en Plus et du BRASS se croisent régulièrement, pour l’élaboration d’activités culturelles à Forest. Mais qu’est-ce qu’Une Maison en Plus ? Sandrine Franken, l’énergique coordinatrice d’une des quatre branches de cette Maison, nous en parle.
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parents-enfants. Pour chaque Dimanche Atomix, nous proposons différentes activités : ateliers de fabrication de marionnettes à doigts en feutrine, fabrication de fanions en référence à la lucha libre et à la fête des morts au Mexique… Brigitte, qui est la coordinatrice de la halte-garderie d’Une Maison en Plus, organise des activités pour les tout petits : lecture, fabrication de hochets à partir de matériaux de récupération… Ce qui est chouette, c’est que nous amènons aux Dimanches Atomix un public différent de celui habitué à fréquenter les lieux culturels. C'est un public auquel il faut laisser de la place. Au printemps dernier a eu lieu au BRASS l'exposition Origines du collectif VAO. Vous avez pris le projet au vol pour vous y greffer. Le BRASS nous a proposé de faire quelque chose avec l'artiste Obêtre, qui est membre du collectif VAO. Nous avons mélangé public adulte et enfant, et nous sommes partis avec lui le long du chemin de fer, pour une visite guidée, à la découverte du Street Art. Puis il nous a proposé de participer avec lui à un atelier pour faire une peinture monumentale dans la salle des cuves. C’était assez jouissif : certains ne l'avaient jamais fait, ils avaient des étoiles plein les yeux, contents d'avoir pu réaliser une œuvre en grand, contents qu'on leur fasse confiance. C’est un type de public qui, en général à peur d’entrer dans les lieux consacrés à l'art. Quand nous allons au musée, ils sont mal à l'aise, ils n'ont pas tous les codes pour comprendre. Ce genre d’expérience leur permet en quelque sorte d'entrer au BRASS en tant qu’artistes ! On vous trouve parfois au rez-de-chaussée de l’Abbaye de Forest dans « l’espace Geleytsbeek ». Qu’y fabriquez-vous ? Effectivement, nous occupons chaque semaine l’espace Geleytsbeek où nous menons un projet de mosaïques dans le cadre du contrat de quartier Abbaye. Les mosaïques sont créées par des habitants du quartier, enfants, ados ou adultes. Les enfants ont inventé des jeux en mosaïques (jeu de l’oie, marelle, fléchettes) qui seront, à terme, intégrés au sol de la ville. Ces jeux sont compréhensibles par tout le monde, tous âges, langues et origines confondues. Et on doit pouvoir y jouer avec rien : un simple caillou… Les adultes, eux, ont préparé des sortes de trompe-l’œil. Les œuvres resteront donc dans la rue. Ce genre de projet a un réel impact sur les habitants et sur un quartier. Vous utilisez l’espace de résidence du BRASS à l’Abbaye pour d’autres activités. Lesquelles ? Chaque année, le BRASS nous met à disposition ses locaux de l’Abbaye pendant un mois. Cela permet de faire une résidence d'artiste pour les enfants. Nous leur expliquons ce qu’est une résidence d'artiste, et que les œuvres réalisées seront exposées devant un public. En termes d’ego, pour eux, c'est vraiment important. Cette année, nous avons fait de la peinture monumentale. Dans nos locaux, nous manquons de place, c’est impossible de peindre en grand. En travaillant le grand format, ils s'éclatent vraiment. À partir de leurs créations, nous essayons de réfléchir par rapport à l'espace et de proposer une installation. Nous organisons un vernissage avec une fête… À chaque fois, nous invitons un groupe de musiciens : cette année, un groupe sénégalais. Il y avait une ambiance
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du tonnerre ! Les gens ont dansé très longtemps. Une directrice d'école, des parents, des gens du quartier, des personnes plus âgées du haut de Forest… Un joyeux mélange. Nous veillons à cela en général, à la mixité des publics. Dans notre projet à Une Maison en Plus, pour moi, ça reste le plus important : la culture pour tous.
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THIERRY LEFÈVRE
A B B A Y E
Les Histoires de la baraque, c’est quatre contes écrits par Thierry Lefèvre : Gus Blank, L’homme de l’arbre, Le cœur de l’autre, et Le placard d’Elsa. Des sortes de poèmes, dits par Thierry Lefèvre, Delphine Veggiotti, Vincent Rouche et Juan Martinez, pour un public à partir de 8 ans. Juan Martinez a déjà joué de nombreuses fois Le placard d’Elsa dans un camion qui déambulait dans le Brabant Wallon. Petit à petit, le projet a continué de s’étoffer, Thierry Lefèvre a écrit d’autres histoires, et le camion a laissé place à la maison. « Il y a des idées qui font boule de neige… Dans mon village j'avais déjà construit une baraque. Pour mes enfants. La même que celle-là, mais plus petite. J’avais récolté des portes auprès des habitants, des portes dont on veut se débarrasser. Le dernier jour, avant de partir, j'avais fait des lectures de mes histoires pour les gens qui avaient donné du bois. C'était gai ! » Pour l’équipe des Histoires de la baraque, la résidence à l’Abbaye de Forest correspond aussi à l’opportunité d’accueillir les passants qui souhaiteraient suivre les aventures de la construction, ou assister à une répétition. En effet, l’espace dans lequel ils travaillent, une
L’aventure des Histoires de la baraque est, quoi qu’il en soit, vouée à être poursuivie. « Avec cette baraque, estime le dramaturge bricoleur, on peut prolonger à l'infini. J’ai d'autres textes en magasin, que j’ai presque fini d’écrire. » En novembre prochain, Thierry Lefèvre sera en résidence à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Cette résidence d’écriture verra probablement la naissance d’autres histoires pour la baraque.
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Un mercredi de juin. L’agenda a été bousculé. Ils étaient supposés occuper la salle de l’Abbaye pendant une dizaine de jours pour mûrir leur projet, pour rêver à tous les possibles. Au final, l’équipe qui entoure Thierry Lefèvre, homme de théâtre multifonctions et co-fondateur de la compagnie Une Compagnie, a dû très rapidement se projeter dans le concret. Les histoires de la baraque ayant été sélectionné pour figurer dans la programmation du Festival SuperVliegSuperMouche, leur bicoque doit être construite avant la fin de la semaine et le spectacle qui s’y joue doit être prêt. « La baraque » à laquelle fait allusion le titre du spectacle est une sorte de cabane constituée de portes d’armoires et autres planches récupérées. Thierry Lefèvre, penché au-dessus d’une caisse à outils, décrit la manière dont il les a glanées dans son quartier. «J’ai fait une petite carte que j’ai déposée dans les boîtes aux lettres de l'avenue de Kersbeek. J'avais écrit : "Chers voisins, je suis à la recherche de vieilles portes de maison ou d'armoire, vieux morceaux de bois pour construire un théâtre qui accueillerait Les Histoires de la baraque.
salle en rez-de-chaussée avec de grandes baies vitrées, se prête à l’observation des curieux. Delphine Veggiotti évoque, du reste, une visite reçue la veille. « Il y a un atelier à côté, de dames qui font de la mosaïque. Elles sont venues demander ce qu'on faisait, on les a invitées à venir en fin de semaine pour assister à une répétition ». « Quand nous avons parlé avec le BRASS de cette résidence, ajoute Thierry Lefèvre, l’idée me plaisait d'être ici en création : si des gens passent, on leur fait une lecture. On peut organiser des petites représentations sur place. On peut proposer à une école du coin de venir, et jouer un bout de spectacle. On peut même écouter les histoire des gens, et se nourrir de ce qu’ils nous racontent. Tout cela n’est pas habituel pour le théâtre : en général, on se planque pour répéter. » L’équipe reviendra en résidence à l’Abbaye de Forest au printemps prochain, bien décidée à mettre en œuvre ces échanges pour lesquels, cette semaine, le temps manque.
Assez discuté, Thierry Lefèvre reprend sa visseuse et s’attaque aux finitions de la cabane. Vincent Rouche, camarade de longue date avec qui il a notamment travaillé l’art du clown, explique, l’air amusé, que Thierry aime qu’on soit capable de tout faire à la fois : « l’écriture, la mise en scène, le jeu, la bricole… ». D’ailleurs, à la question « Comment te définis-tu ? Comme auteur ? Metteur en scène ? Comédien ? Tourneur-fraiseur ? », Thierry Lefèvre répond spontanément : « J’essaie de ne pas me définir si c’est possible ».
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L’Abbaye de Forest accueille tout au long de l’année des artistes (plasticiens, compagnies de théâtre…) qui ont besoin d’un espace pour expérimenter ou aboutir une création. Rencontre avec Thierry Lefèvre et ses acolytes, au milieu d’une semaine de répétitions pour leur nouveau spectacle Les Histoires de la baraque
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BARBUS AU SOMMET D’UNE MONTAGNE MAISON DES JEUNES DE FOREST Au mois d’avril se jouait au BRASS une pièce intitulée Barbus au sommet d’une montagne. Le spectacle était interprété par dix jeunes du quartier, qui ont répété pendant plusieurs mois à la Maison des Jeunes de Forest, sous l’égide de leur animateur Ismaël Mahla et du metteur en scène Nicolas Philippe. Ismaël et Amine, un des jeunes interprètes de la pièce, nous en disent plus. Amine a 17 ans. Il habite rue de Mérode, à deux pas du BRASS. Il fréquente la Maison des Jeunes de Forest depuis l’âge de 8 ou 10 ans, y passe une bonne partie de son temps, y compris pour aider des plus jeunes à faire leurs devoirs. Arborant un T-shirt « Everyday is a good day », il raconte qu’il interprétait, dans la pièce, le rôle du « mouton débile ». C’est-àdire ? « J’étais comme un petit fou sur scène, j'amusais la galerie ». Ismaël reprend l’histoire depuis le début. Les Barbus au sommet d’une montagne relate l’histoire de bergers barbus vivant dans la montagne. Un jour, ils entendent qu'une explosion a lieu au pied de la montagne, en ville. Un policier arrive au sommet de la montagne, et leur demande de se raser, sinon ils seront exécutés. Les bergers prennent peur et obtempèrent, rasant barbe et cheveux. Par la suite, arrive un autre policier, qui soutient cette fois que les coupables de l’explosion sont des chauves rasés de près…
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Ismaël résume le propos du spectacle en ces termes : « Tout ça pour dire que tu peux être juif, marocain, arabe, barbu, non barbu… Si demain, on veut que tu sois visé, tu seras visé. Et même si tu n'as rien fait, tu ne pourras rien changer au fait que certains veulent te nommer responsable du mal qui a été fait. » Le texte est signé par un auteur canadien, Martin Bellemare. « Les jeunes l'ont adoré dès qu’ils l'ont lu. », assure Ismaël. « C’est un texte qui, basé sur un ton de comédie, fait écho aux événements récents. Il parle de discrimination et d’amalgame, dans un contexte de radicalisation. Ce genre de spectacle, c’est l’inverse de ce qu’on voit dans les médias. »
Ismaël a, comme Amine, grandi à Forest et fréquenté la Maison des Jeunes avant d’y devenir animateur. C’est d’ailleurs à travers ce lieu qu’il a découvert la pratique du théâtre, qui ne l’avait pas accroché d’emblée. « Malheureusement, à l’époque je ne pensais pas que cela m’apportait quoi que ce soit, ne serait-ce que l'aisance dans l'expression orale. Nous étions plus intéressés par des activités où nous étions simplement des consommateurs. Quand il s'agissait de participer, de nous placer dans une dynamique de groupe, nous étions assez renfermés. Nous avions du mal à nous poser face à un public. Mais quand je suis devenu animateur, j'ai eu envie de monter une pièce de théâtre. » Ismaël revient sur des débuts laborieux il y a 3 ans, marqués par une difficulté à motiver les jeunes à monter un spectacle. « Nous nous réunissions les mercredis ou les week-ends, les jeunes faisaient toutes sortes d’improvisations qui leur permettaient de se lâcher et de s’exprimer. Nous étions simplement entre nous. Petit à petit, ils ont adopté l'idée de créer un spectacle qui serait présenté à un public. Nous avons travaillé avec le metteur en scène Nicolas Philippe et l’auteur Laurent Van Wetter (asbl Human R), qui adaptait le texte en fonction des réactions des jeunes. » Un échange a été organisé entre le groupe de jeunes Forestois et un groupe de jeunes du Sud de la France qui pratiquent également le théâtre. La première fois que les jeunes de Forest ont joué « Les Barbus au sommet d’une montagne » (du moins un extrait), c’était à Mazamet, à côté de Carcassone. « On n'avait pas peur, parce que dans le public, on ne connaissait personne », se rappelle Amine. «On s'est amusés ! Par contre, quand on a joué à Bruxelles, on avait vraiment le trac ! Le BRASS était complet, il y avait des gens debout, nos famille, nos amis…. Au début, à cause du trac, on ne se donnait pas à fond. Mais au fur et à mesure des minutes qui passaient, on a commencé à parler plus fort, à plus se lâcher. Comme mon rôle est de faire rire la galerie, il vaut mieux être un peu détendu ! Au final ça s’est bien passé. Je ne pensais pas qu’on nous applaudirait autant. » Ismaël est convaincu que le théâtre a permis à ces jeunes de se découvrir un talent qu'euxmêmes ignoraient. « Aujourd'hui j'ai beaucoup de demandes de jeunes qui veulent faire du théâtre. Pourquoi ? Parce qu'ils ont vu comment étaient certaines de ces personnes il y a quelques années : timides, peu souriantes, etc. Ils ont été félicités, mis en valeur, et ils ont pu voyager… » Ismaël souligne l’importance de la découverte d’autres horizons : « Mon but est de travailler avec eux pour les sortir du patelin, pour qu’ils s’ouvrent à autre chose.
À l’issue de notre rencontre, Amine accepte d’être pris en photo, affichant un air optimiste confirmé par la phrase sur son T-Shirt. Puis il se ravise, demandant qu’on n’utilise pas cette image. Après réflexion, il ne veut pas apparaître seul. Il acceptera d’être avec en photo avec le groupe, sinon rien.
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Amine, qui lui, n’en n’est pas à son premier voyage, retient davantage de cette expérience, l’importance du collectif. « Depuis le début, on avait un esprit de groupe assez fort. Avec ce groupe, on est ensemble depuis qu’on est petits. C’est intéressant, de voir comment mes amis réagissent par rapport à un texte alors que moi, je ne vais pas réagir de la même façon. Quand on a lu le texte de la pièce pour la première fois, on n'avait pas bien compris. On a commencé à débattre là-dessus… En fait, ça crée avec mes amis des liens que je n'avais pas avant, des nouveaux sujets de discussion.»
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J'ai grandi ici. Je sais que beaucoup de jeunes ne connaissent que leur quartier, ne mettent jamais les pieds à l’extérieur. La pratique du théâtre nous a amenés à faire cet échange avec une maison des jeunes en France. Nous sommes allés visiter Toulouse. Ça leur a plu ! Ça a vraiment changé leur manière de voir les choses. Tout ça, ce sont des petites choses qui, pour les jeunes, valent beaucoup. »
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La Tripartite a lieu cinq fois par saison au BRASS. À chaque fois, un musicien (belge ou étranger) est associé à la programmation en invitant deux groupes bruxellois à partager un soir la scène avec lui. C’est ainsi que lors de la saison passée, à l’invitation de Castus, Damien Magnette a eu l’occasion de jouer au BRASS avec Facteur Cheval, un groupe dont il est le batteur. Mais le musicien a plus d’un groupe dans son sac : il est également membre de Zoft, Why the Eye ? et The Wild Classical Music Ensemble. Il nous parle de son travail sonore, de ses collaborations et de son point de vue sur la scène musicale bruxelloise. Son premier groupe de rock, Damien Magnette l’a monté quand il avait dix ans. Il fabriquait alors des guitares en carton. Il a commencé à jouer de la basse à l’âge de 12 ans, et la batterie est venue plus tard. À Bruxelles, en parallèle de ses études à l'École de Recherche Graphique, le Namurois d’origine a suivi des cours de composition électro-acoustique qui l’ont, dit-il, beaucoup nourri. Depuis, il s’est éloigné des arts visuels pour devenir un touche-à-tout en matière de son, œuvrant à la fois pour des pièces radiophoniques et au sein de quatre
groupes de musique. The Wild Classical Music Ensemble est peut-être, parmi ces groupes, celui dont la genèse est la plus singulière : un jour, à la fin de ses études, Damien fait un remplacement à l'Atelier 340 à Jette, pour donner des ateliers d'arts plastiques auprès d’un public handicapé mental. J’ai flashé sur ce public, à la fois humainement et artistiquement. Je découvrais tout un univers qui me scotchait vraiment. L’envie émerge alors de monter un projet de musique expérimentale avec des personnes handicapées. J’ai fait des essais avec eux, je trouvais que ça prenait incroyablement bien. Je voyais qu'ils avaient une sensibilité très forte à la musique, et une spontanéité, un talent inné vis-à-vis d'une forme d'improvisation. Dès lors, Damien se met en quête de partenaires, et fait la rencontre de Luc Vandierendonck, au passé de batteur et aux influences punk, tout comme lui. Luc Vandierendonck est à la tête de l’association
Avec les résidents de l’asbl wit.h, Damien Magnette organise d’abord des ateliers autour de la musique. De fil en aiguille, l’atelier se transforme en véritable groupe dont il devient le batteur. Ce groupe prend le nom de Wild Classical Music Ensemble et tourne aujourd’hui au-delà des frontières de la Belgique. J’ai créé ce groupe par intérêt artistique avant tout, par intérêt pour ce que ces personnes ont à proposer musicalement. Les choses se sont mises en place au fil des expérimentations et de leurs désirs, pour arriver à ce collectif jouant un rock hybride un peu improvisé. Bonne nouvelle, le Wild Classical Music Ensemble se produira au BRASS dans le cadre de la Tripartite de décembre. Le groupe sera invité à choisir les artistes qui partageront l’affiche avec eux lors de la soirée. Interrogé sur le concept des soirées Tripartite, Damien Magnette commente : L’intérêt de mêler trois groupes avec une tête d'affiche un peu plus reconnue, c’est de faire découvrir des artistes moins faciles d'accès, moins évidents, et leur donner une place. C’est une manière d'essayer de défendre les créations musicales locales différentes. À ce propos, le batteur déplore qu’il n’existe à Bruxelles pas plus de lieux pour accueillir toute l’offre musicale. Beaucoup de lieux ont fermé ces dernières années : le Dada bar, le DNA, la Compilothèque, la Parfumerie, des squatts… On ressent le manque de scène alternative locale alors qu’il y a un énorme foisonnement sur la scène bruxelloise. Le Dada bar et le DNA avaient comme mission de faire jouer les groupes locaux, qu'ils soient bons ou mauvais, dans n'importe quel style musical. C'étaient des sortes de scènes ouvertes. Cela permettait à tous les
Il y a une scène indépendante « Do it Yourself » qui est très vivace et interconnectée. Dès que tu sors de ce réseau (rock noise etc), par exemple pour le hip hop expérimental, il n'y a aucune scène à Bruxelles. Certains styles musicaux sont complètement laissés sur la touche.
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Damien Magnette souligne qu’il existe néanmoins un circuit de diffusion pour le rock expérimental :
Le musicien constate que de manière générale, dès que des artistes sont à cheval entre deux styles, il est beaucoup plus difficile de se produire. Ce qui marche, ce sont soit les groupes « storytelling », qui ont une démarche définissable en une phrase, comme le Wild Classical Music Ensemble : « Un groupe de punk avec des personnes handicapées ». Soit de la musique festive, dansante —en tant que public, tu sais ce que tu vas voir.
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Outsider, c’est le terme qu'on utilise maintenant pour ce qu'on appelait avant art brut. L’art brut s'appliquait aux œuvres de malades mentaux. L’art outsider, c'est un terme plus large, ça englobe par exemple une personne qui joue dans sa cave depuis vingt ans et qui se fiche de montrer ce qu’elle fait. C’est un art spontané, né d’une simple envie, sans souci de résultat, sans vision carriériste.
petits groupes d'avoir l'occasion de jouer sur une scène. Le peu de lieux alternatifs qui restent comme le Barlok ou le Magasin 4 croulent sous les demandes de groupes qui seraient prêts à jouer gratuitement, et seraient même prêts à payer pour jouer. La conséquence de cet état de fait est que les musiciens se voient parfois proposer des conditions inacceptables.
Pour lui, la difficulté à trouver des dates de concerts avec Facteur Cheval est certainement imputable à un certain style, inclassable, qui repose beaucoup sur des textes en français et sur la voix de Carl Roosens, « ni vraiment chantée, ni vraiment parlée, ni vraiment hip hop, pas vraiment rock non plus »… Le bidouilleur de sons conclut : Quand le style est un peu ovni, quand on ne peut pas le qualifier en deux mots, ça devient de moins en moins évident de trouver des lieux pour jouer. Mais c’est important qu’on continue à proposer de la musique comme celle de Facteur Cheval : une musique foncièrement différente, peutêtre moins facile à appréhender, mais où se fait une vraie recherche musicale.
la Tripartite je 27/10 Unik Ubik je 15/12 The Wild Classical Music Ensemble Inscriptions en ligne lebrass.be/focus/latripartite/
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wit.h, basée à Courtrai, qui accompagne les créateurs atteints de déficience intellectuelle. L’association soutient des projets mêlant des artistes « outsiders » et des artistes « réguliers ».
C’EST QUOI LE BRASS ?
AUSSI AU BRASS
Le BRASS est un lieu, un espace, une maison, un bâtiment, une ancienne brasserie, un Centre Culturel. C’est le Centre Culturel de la Commune. Le Centre Culturel de Forest. C’est la maison commune des habitants du quartier. C’est une brasserie de cultures. Il y avait des Cuves. Il y a des Machines et des Germoirs. Il se situe dans une ville, Bruxelles, dans une Commune, Forest. Au 364, avenue Van Volxem. À droite, au bout de l’avenue Wielemans-Ceuppens. À gauche, au bout de l’avenue du Pont de Luttre. À côté du Wiels. Pas loin de la Maison des jeunes de Forest. Ni très loin de la gare du Midi. Il accueille des musiciens, des plasticiens, des comédiens, des danseurs, des artistes, des habitants. Des Forestois, des Bruxellois, des associations, des groupes, des classes, des spectateurs, des professionnels, des amateurs s’y rencontrent. On y découvre des artistes. Des ateliers s’y déroulent. Pour les enfants, pour les adultes. Pour les enfants et les adultes. On y danse, on y joue. On y joue des concerts. On y visite des expositions. On y écoute des concerts. On y crée dans des ateliers. On y danse à des concerts. On y expose des œuvres. On y papote. On y débat. On y rencontre ses voisins. On y crée du lien. On y cultive son jardin. On s'y cultive.
BLI:B (bibliothèque néerlandophone communale) : 02 343 20 04 / iemand@blib.be / www.blib.be Radio Vibration : 107.2 FM (Bruxelles) / www.vibration.fm Activités de quartier : Maison de Jeunes de Forest, Dispositif Relais, Médina, Hiwar, potager collectif Mille Semences-Ceuppens… CONTRIBUEZ AU DÉVELOPPEMENT DU BRASS EN DEVENANT « AMBASSADEUR COMPLICE » : Envie de vous impliquer sur le développement du BRASS, de donner un coup de main ponctuel, de mieux le faire connaître auprès de vos voisins et amis ? Contactez-nous au 02/332.40.24 ou par mail : info@lebrass.be MÉDIATION / PARTENARIATS ASSOCIATIFS Envie de découvrir nos projets, notre programmation, nos ateliers ? Envie d’envisager un partenariat avec votre école, votre association ? Contactez Tamara au 02/332.40.24 ou par mail : tamara.maes@lebrass.be Le BRASS est partenaire d’Article 27 et est signataire de sa charte de la médiation culturelle.
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