Sommaire
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JANVIER—AOÛT 2017
P.03 Édito ENTRETIENS P. 04 P. 08 P. 12 P. 16 P. 20 P. 24 P 26 P. 28 P. 33
Anne-Francoise Rouche | La ’S’ Grand Atelier Thierry Van Hasselt | Frandisco Aziz et Mohamed Bairouk | Médina Florent Garnier et Sylvain Chauveau | I Will Play This Song Once Again Records Paola Hidalgo et Alexis Martinet | Bruxelles Laïque Bart Goeteyn | Ten Weyngaert Zakia Assadiki | Entraide & Culture Dirk Snauwaert | WIELS Marie Close | De mainS
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+ AGENDA
JANVIER—AOÛT 2017
Pour oublier vite fait bien fait ces mois d’hiver, venez au BRASS vous réchauffer le coeur, dans la joie communicative de nos invités suprenants, à la lueur de nos performeurs éclairés, pour fêter l’an neuf en compagnie de nos voisins néerlandophones ou encore grâce à une bière locale, pas tout à fait illégale, source de financement de projets artistiques. Avec nos nouveaux partenaires ou amis de longue date, franchissez les portes d’univers parallèles, adoptez d’autres manières de voir le monde, découvrez de nouveaux territoires. Visitez une ville sans frontières, fruit de l’imagination débordante d’un architecte un peu spécial et de son assistant dessinateur. Soutenez avec nous les personnes les plus fragiles, pour, d’une faiblesse ou d’un handicap, y puiser des ressources inattendues d’expression, d’émancipation et d’échange. Marchez sur les pas d’artistes contemporains traversés par la réalité des flux migratoires. D’autres récits d’asile vous confronteront aux expériences douloureuses de femmes, premières impactées des conflits d’hommes.
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Pour adoucir les moeurs et garder de l’entrain, laissez-vous bercer par nos séances d’écoute dominicales, ou lâchez prise le temps d’un de nos nombreux concerts du jeudi soir. Explorez les marges, là où la créativité est sans doute la plus authentique, car vitale . Prenez de la hauteur en suivant vos enfants et petitsenfants dans leurs mondes fantastiques ! Remuez vos habitudes ménagères, soyez inventifs au quotidien et apprenez à connaître vos voisins, même lorsqu’a priori tout vous sépare . Enfin, profitez des journées longues et ensoleillées pour vous reposer dans un parc, une ancienne Abbaye, un jardin partagé, le temps d’un festival, d’une exposition, ou pour fêter ensemble notre fin de saison, et le début de l’été...
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Haut les coeurs !
Denis Stokkink, Président
Charles Spapens, Échevin de la Culture de la Commune de Forest
Frédéric Fournes, Directeur
L’équipe du BRASS Centre Culturel de Forest
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ANNE-FRANÇOISE ROUCHE LA ’S’ GRAND ATELIER
The Choolers Division | Photo : Olivier Donnet
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OUTSIDERS
19/01 The Choolers Division je
30/03 – sa 29/04 Festival What is it ? je
Pour la deuxième édition du festival, les BrutPop ont jeté leur dévolu sur Bruxelles. Afin d’aborder cette ville et ses réseaux artistiques, il leur fallait s’armer d’un partenaire connaissant le terrain de l’art outsider belge comme sa poche. C’est la ’S’ Grand Atelier qui s’est imposé comme étant ce partenaire de choix, en la personne de sa directrice passionnée, Anne-Françoise Rouche. Nous avons participé l’année dernière à la première édition du festival What is it ?, un festival un peu punk et très énergique […] L’idée des BrutPop, c’est d’arriver dans une ville et de remuer tous les réseaux culturels pour travailler sur la question de l’art, de l’underground et du handicap. La prochaine ville qu’ils veulent remuer, c’est Bruxelles. Nous nous sommes donc lancés ensemble dans l’organisation du festival 2017.
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Logée dans une ancienne caserne militaire de la ville de Vielsalm, au coeur des Ardennes belges, la ’S’ Grand Atelier, centre d’art qui accueille des handicapés mentaux, est un acteur majeur de l’art outsider en Belgique. Anne-Françoise revient sur les débuts : J’ai démarré il y a 25 ans avec un atelier de peinture. Aujourd’hui, on propose toujours de la peinture mais aussi des ateliers de gravure, de film d’animation, de textile… En arts de la scène, nous avons un atelier de musique et nous allons développer des projets de création théâtre-danse-musique. La ’S’ Grand Atelier a vu naître, à partir des années 2000, de nombreuses collaborations entre artistes handicapés et artistes contemporains dits « réguliers ». AnneFrançoise Rouche évoque ainsi l’évolution de son centre d’art : En un sens, notre emplacement géographique a conditionné les activités de la ’S’ (nous sommes parfois perçus comme œuvrant dans un désert culturel entre Liège et Arlon) : j’ai eu besoin d’aller voir ailleurs, de rencontrer des gens, de circuler. Il n’était pas possible de travailler en circuit fermé sinon nous aurions fini asphyxiés. C’est ainsi que nous avons commencé à inviter des artistes contemporains à collaborer avec nos artistes. L’une des plus saisissantes expériences de collaboration est probablement celle entre Marcel Schmitz et le dessinateur Thierry Van Hasselt. L’exposition de leur œuvre FranDisco sera un des moments phares du festival What is it ? au BRASS (cf entretien avec T. Van Hasselt p.08). La ’S’ est également à l’origine d’un groupe de hip hop qui tourne à l’international et qui jouera au BRASS en janvier : The Choolers Division (nom dérivé du mot wallon « tchouleur » – personne qui se plaint, qui pleurniche) est né dans l’atelier de musique du centre d’art ardennais. Nous avons monté le projet avec Antoine Boulangé, qui invitait des musiciens pros à venir jouer avec des musiciens déficients mentaux sur des projets hip hop. Cela a été dès le départ un projet de mixité.
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Le festival What is it ? se déroulera au printemps, non seulement au BRASS mais aussi dans d’autres lieux bruxellois : le MIMA, Recyclart, iMAL, la galerie Alice… Il a été créé par deux Français associés sous le nom de BrutPop. Derrière ce nom, il y a David Lemoine, musicien du groupe Cheveu et Antoine Capet, bidouilleur sonore et éducateur spécialisé. David et Antoine ont lancé l’année dernière, à Marseille, la première édition d’un festival multidisciplinaire (expositions, concerts ateliers, tables rondes) faisant se rencontrer trois univers : l’art, la technologie et le handicap mental. Le but des BrutPop : « Explorer les marges, déconstruire les catégories sclérosantes et bâtir une nouvelle vision de l’art actuel en y intégrant les artistes les moins conventionnels, ceux que l’on qualifie d’outsiders. »
Le festival est une occasion de montrer à Bruxelles le travail de la ’S’ qui n’y a jamais été vraiment présenté, étant donné que les artistes de la ’S’ sont soit en tournée à l’étranger soit au travail dans le fin fond des Ardennes.
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Avec le groupe punk The Wild Classical Music Ensemble, le BRASS a amorcé en décembre dernier une programmation autour de l’art outsider. Comme l’expliquait le batteur du groupe, Damien Magnette, dans un précédent entretien, « art outsider » est le terme utilisé aujourd’hui pour ce qui était auparavant appelé « art brut », à cette différence près que l’art outsider est un terme plus large : il englobe non seulement les créations d’handicapés mentaux mais aussi les œuvres de marginaux, d’autodidactes qui ont créé dans la solitude. En 2017, le BRASS approfondit son exploration de la création hors-normes à travers plusieurs événements qui se déploieront principalement autour du festival What is it ? et de l’exposition FranDisco. En janvier, une autre soirée de concerts accueillera les Choolers Division, fruit d’une collaboration inédite entre deux MC trisomiques et deux musiciens indépendants.
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The Choolers Division se définit musicalement comme « un hip hop électro, une sorte de machine déjantée, hors de contrôle, produisant un mélange étourdissant de genres». Les Choolers, poursuit Anne-Françoise, c’est un vrai projet musical avec un beau mélange d’univers. Les musiciens pros ne sont pas là pour faire plaisir à deux trisomiques, ils créent ensemble un langage qui n’existe que par leur rencontre et qui musicalement tient vraiment la route. Anne-Françoise est convaincue que la collaboration entre artistes handicapés et nonhandicapés est fructueuse pour tous :
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Nous nous sommes vite rendu compte que les échanges entre artistes de la ’S’ et des artistes extérieurs – que ce soit en musique ou en arts plastiques – ont beaucoup d’intérêt pour nos artistes. Et à travers ces expériences, la production personnelle des artistes invités n’est pas dénaturée. Au contraire, la collaboration nourrit aussi leur univers.
La finalité du projet est de faire évoluer les représentations du handicap, de les appréhender différemment dans la société et surtout pas par une vue caritative ou de sentiments dégoulinants.
Aujourd’hui, les créateurs de FranDisco, tout comme The Choolers Division, passent une bonne partie de leur temps sur les routes, de Bonn à Saint-Nazaire, de Stockholm à Genève. Le premier milieu qui s’est intéressé à nos artistes avant l’art brut et avant l’art contemporain, se rappelle AnneFrançoise, c’est la scène underground. Ces gens ont été les premiers à programmer les Choolers, dans des festivals un peu punk. La réception a été fantastique.
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Avec la nouvelle génération d’artistes de la ’S’, Anne-Françoise Rouche envisage, dans les années à venir, d’aborder des nouveaux sentiers de création, à savoir les arts numériques. C’est un domaine qui m’intéresse énormément car les jeunes artistes handicapés, tout comme les nonhandicapés, sont hyperconnectés. Alors pourquoi n’auraient-ils pas accès à l’art numérique ? Également présent au sein des recherches de BrutPop, l’art brut numérique sera un volet important du festival What is it ?. Rendez-vous à partir du 30 mars ! Vivre à FranDisco, Thierry Van Hasselt et Marcel Schmitz, Ed. Fremok, 2016
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THIERRY VAN HASSELT FRANDISCO
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Thierry et Marcel à FranDisco | Photo : Amandine Nandrin
OUTSIDERS di
30/03 – 23/04 FranDisco
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dans le cadre du festival What is it ?
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Comment est né le projet FranDisco ? Anne-Françoise Rouche Rouche, la directrice de la ’S’ m’a contacté la première fois il y a presque 10 ans pour un projet de BD mené conjointement par des artistes du Frémok et des artistes mentalement déficients. J’ai rencontré Richard Bawin, un graveur et chanteur trisomique avec qui nous avons fait une adaptation BD des films de Jean-Claude Van Damme (Match de catch à Vielsam, éditions Frémok, 2009). Quand Richard est décédé, j’ai continué à fréquenter la ’S’. Je venais, cette fois non pas en tant qu’artiste mais en tant qu’éditeur, pour le suivi des livres en préparation. Un jour, j’ai vu Marcel Schmitz, que je connaissais depuis longtemps, commencer à construire des bâtiments avec ce qu’il trouvait : du scotch, du carton et des morceaux de ses gravures et broderies (il traînait un peu dans tous les ateliers). Il était passionné de buildings mais son travail était, auparavant, beaucoup plus élémentaire. Tout d’un coup, quand Marcel a commencé à utiliser la perspective, son travail plastique prenait une toute autre dimension. Qu’est ce qui t’a donné envie de dessiner la ville de FranDisco ? Parmi les premiers bâtiments que Marcel a construit à FranDisco, il y avait une usine de chicons. L’usine est une boite avec une cheminée, on ne voit rien de ce qu’il y a à l’intérieur mais Marcel le sait : il m’a raconté qu’on y fabrique des chicons et les ouvriers y travaillent tout nus. De même, dans les premières constructions, il y avait un tunneléglise. C’est un tunnel avec une petite croix au-dessus : « Lorsqu’on part en vacances, on passe vite à travers le tunnel-église, on obtient un sacrement et c’est bon, pas besoin d’aller à la messe. » Quand j’ai entendu ces histoires, je les ai trouvées formidables. Lorsque je suis revenu à la ’S’ j’ai vu que Marcel avait encore agrandi la ville, construit d’autres bâtiments. J’ai eu terriblement envie de dessiner cette ville, aussi pour que la mémoire des histoires qui viennent avec les bâtiments ne se perde pas. J’ai donc proposé à Anne-Françoise et Marcel de faire une bande dessinée autour de cette création. Et Marcel est devenu le personnage principal de la ville…
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Marcel Schmitz est un artiste issu de la ’S’ Grand Atelier. C’est là qu’il a rencontré Thierry Van Hasselt, dessinateur qui compte parmi les fondateurs des éditions Frémok. Cette maison d’édition défend la poésie graphique en publiant de la bande dessinée, parfois expérimentale. Dans le cadre du festival What is it ?, Marcel et Thierry passeront trois semaines au BRASS avec leur projet FranDisco. Le duo d’artistes propose plus qu’une simple exposition : ils travailleront in situ pour compléter leur ville imaginaire peuplée de créatures incongrues. Au fur et à mesure que la ville est construite par Marcel, en trois dimensions au moyen de scotch et de carton, Thierry la dessine, y met en scène Marcel, entre les usines de chicons, les hôtels et les tunnels-églises. Ces histoires graphiques, fruits de la contamination mutuelle de deux univers singuliers, ont été publiées dans une BD muette, sorte d’errance dans cette mégalopole imaginaire faite d’enchevêtrements improbables et de lignes bancales. Le livre est intitulé Vivre à FranDisco.
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L’idée est venue très vite de faire de cette bande dessinée le lieu où Marcel peut vraiment habiter sa ville. Je le faisais poser comme un acteur de série Z puis je l’incrustais dans FranDisco par le moyen du dessin. J’avais choisi de le dessiner avec un outil d’architecte : le Rotring, une mine très fine d’une haute précision, et tout d’un coup, les questions d’échelle n’existaient plus. Je dessinais comme si Marcel évoluait dans une vraie ville. En fait, Marcel apparaît à différents endroits de FranDisco en même temps. Il a le don d’ubiquité et il est à la fois adulte et enfant dans sa ville. Lors de chaque nouvelle expo-résidence, la ville de FranDisco s’enrichit de nouveaux bâtiments inspirés par la ville dans laquelle vous séjournez ? Oui. Quand nous sommes rentrés de Genève, FranDisco s’était enrichie d’une douane suisse, d’une vache, d’une fromagerie, et d’un NH hotel (celui dans lequel nous avons dormi). Ensuite, nous avons renouvelé l’expérience à Paris, à Charleville-Mézières, puis à Aix-en-Provence. À Paris, c’est surtout des filles que Marcel a ajouté dans sa ville (nous étions chez Agnès B, nous y avons vu passer beaucoup de jolies filles). À Aix-en-Provence, il a ajouté à FranDisco une réplique de la fondation Vasarely, qui a un côté film de science-fiction des années 1970. Est-ce important que l’édification de FranDisco passe par Bruxelles ? Quand j’ai fini le premier livre, Vivre à FranDisco, il me semblait évident que ce projet ne pouvait pas s’arrêter. Le premier livre commence à Vielsalm, dans les Ardennes, là où Marcel vit. S’il y a un deuxième livre, je voudrais bien qu’il commence à Bruxelles. C’est une étape importante du projet que de faire découvrir ma ville à Marcel. Il ajoutera sans doute le bâtiment du BRASS à la maquette… Comment émergent les histoires des habitants de cette grouillante cité de carton ? Elles naissent de nos discussions. Je pose des questions à Marcel, je lui tire les vers du nez et je transcris directement en dessin ce qu’il me raconte. Par exemple, il m’explique qu’Anne-Françoise est sous une douche d’eau bénite. Je dessine, et lui demande : – Qu’est ce qui se passe maintenant ? Elle ne va pas rester éternellement sous la douche, elle a froid. – Les infirmiers arrivent avec l’hélicoptère médicalisé. – Ok, je le fais arriver. Qu’est ce qu’ils lui font ? – Ils lui font un shampoing. Je dessine les infirmiers qui sortent de l’hélicoptère et qui font un shampoing à la madone sous la douche. Ils remontent tous dans l’hélico. C’est Anne-Françoise qui pilote l’hélicoptère médicalisé. Elle commence à prier et entre en transe. Un peu plus loin dans le ciel, il y a un sousmarin volant. Je propose à Marcel qu’il y ait un accident, un crash. – Non ! Il ne veut pas. J’insiste : – Il faut un accident dans notre histoire. Que se passe-t-il ensuite ? – Anne-Françoise perd le contrôle de l’hélicoptère. Au sol, il y a une parade, sorte de gay pride avec gros son electro. Elle
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Artistiquement, la rencontre avec Richard puis celle avec Marcel m’ont amené dans des zones d’expérimentations dans lesquelles je ne serais jamais allé seul.
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descend en parachute et arrive dans les bras de Saint-Nicolas. La collaboration avec des artistes handicapés a-telle modifié ta manière de travailler ? Est-ce que pour toi il y a un avant et un après la ’S’ ? Oui, ces échanges sont très transformateurs. Artistiquement, la rencontre avec Richard puis celle avec Marcel m’ont amené dans des zones d’expérimentations dans lesquelles je ne serais jamais allé seul. Elles m’ont apporté une opportunité de créer quelque chose de drôle et poétique. Je fais de la bande dessinée depuis vingt ans, les sujets que j’ai abordé en travaillant seul étaient toujours assez graves, sombres. Je n’avais jamais pensé que je trouverais dans ma vie une solution artistique pour faire un travail qui véhicule une puissance émotionnelle forte tout en restant léger et lumineux. Ce que Marcel m’a donné à travers FranDisco est un cadeau gigantesque, et pour lui aussi, cet échange est une fantastique opportunité de vivre une autre vie.
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AZIZ ET MOHAMED BAIROUK MÉDINA
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Aziz Bairouk et Laura De Meuter (animatrice chez Medina)
22/01 + 19/02 + 12/03 + 30/04 + 11/06 Dimanches ATOMIX di
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Pouvez-vous nous raconter les débuts de Médina ? A.B. Au départ, il y a 20 ans, Médina était un club sportif d’amis, rue des Alliés. Nous faisions du foot en salle. Il y avait des Espagnols, des Belges, des Italiens, des Marocains… Nous étions suivis par des jeunes supporters qui habitaient le quartier et voulaient aussi participer. Ils ont demandé qu’on leur crée une équipe, ce que nous avons fait. Puis au fil des années, nous avons créé d’autres équipes, pour tous les âges. Aujourd’hui, on compte 11 équipes de foot en salle de 6 à 18 ans : 10 équipes masculines et une féminine. Comment avez-vous étendu votre action des activités sportives vers les activités éducatives ? A.B. En passant du temps avec les enfants et les jeunes qui font partie de nos équipes, nous avons constaté qu’il y avait d’importantes difficultés dans la scolarité. Nous avons alors lancé une école de devoirs francophone en 2004. Au départ, elle était destinée aux enfants du club de foot mais au fur et à mesure, elle s’est ouverte à tous. En 2005, nous nous sommes finalement constitués en asbl. C’est à partir de ce moment que Médina est réellement devenue une maison de quartier nomade : nous n’avons pas de lieu fixe, nous fonctionnons sur des partenariats avec d’autres lieux (le BRASS, MIRO…), mais nous faisons véritablement un travail de maison de quartier : nous travaillons, à travers le sport et les activités parascolaires, à une forme d’éducation à la citoyenneté. Médina a également ouvert, en 2015, une école de devoirs en néerlandais, qui est la première à Bruxelles. A.B. Cette école de devoirs a lieu à l’espace MIRO, rue de Mérode. Des personnes âgées qui fréquentent ce lieu se sont énormément investies dans le projet et prennent très à coeur d’aider des enfants à surmonter les obstacles liés à leur scolarité. M.B. Au départ, cette initiative est également née du constat que certains enfants du club de foot, inscrits dans des écoles néerlandophones, rencontraient beaucoup de difficultés. Nous nous sommes vus, quelques dizaines d’années en arrière, quand nos parents ne pouvaient pas nous aider dans notre parcours scolaire, parce qu’ils ne parlaient pas bien français. Mais beaucoup de personnes veulent que leurs enfants soient le mieux outillés pour l’avenir et qu’ils soient bilingues. Il y a cette barrière que beaucoup de gens ont rencontrée dans le monde de l’emploi : « Vous êtes diplômé(e), mais vous n’êtes pas bilingue ». Je pense que dans l’inconscient d’une génération entière, cela a laissé des traces.
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Qualifiée de « Maison de quartier nomade » par ses fondateurs, Médina est une asbl forestoise qui place en ligne de mire l’intégration sociale et le dialogue interculturel. Depuis plusieurs années, Médina organise des activités de soutien extrascolaire au BRASS, ainsi que des stages durant les vacances. Les deux associations ont donc appris à se connaître et collaborent désormais sur les Dimanches ATOMIX. Tour d’horizon, avec les frères Bairouk, sur les efforts d’une petite équipe qui répond aux réalités sociales observées sur le terrain en refusant de se limiter aux cercles communautaires.
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De quelle manière le travail de l’asbl évolue-t-il ? A.B. Nous avançons de manière empirique : à chaque fois nous partons de nos expériences. Au départ, nous faisions du travail social, presque sans le savoir, et la réflexion théorique est venue après. Par exemple, les entraîneurs de foot ont constaté que beaucoup d’enfants sont en surpoids, bien davantage qu’à notre époque. Nous nous sommes demandé comment nous pourrions contribuer à changer cela : nous avons mis en place un atelier d’éducation à la santé, avec une diététicienne qui vient tous les samedis sensibiliser un groupe d’enfants à la nourriture saine. Quelle est l’idée centrale qui guide votre travail d’accompagnement des enfants après l’école ? M.B. Dans notre projet pédagogique, nous nous inspirons de ce qui se fait en Europe du Nord et notamment en Finlande. Ces pays sont vraiment en avance en matière d’éducation. Dans nos écoles de devoirs, nous essayons d’adapter une vision holistique (qui prend l’enfant dans toutes ses dimensions) et émancipatrice, sachant qu’en amont, il y a déjà l’école, qui fait un autre travail, plus rigide. Mais l’idée centrale est la suivante : il n’y a pas que la scolarité, l’enfant peut avoir du talent ailleurs. Il faut juste trouver un moyen de mettre en valeur ce talent (que ce soit dans le sport, dans l’artistique, etc). En quoi le terme « école des devoirs » n’est-il pas tout à fait juste ? A.B. Effectivement, ce que nous proposons est plus large. Chaque jour après l’école, nous consacrons une petite heure aux devoirs, et pendant la deuxième heure, nous faisons des activités avec les enfants (bricolage etc.). Nous profitons parfois du jardin entre le BRASS et le WIELS pour y faire des activités. Par exemple, nous travaillons avec l’apiculteur qui y a ses ruches. Médina a monté une pièce de théâtre au BRASS, avec les enfants de l’école des devoirs. Sur quel thème ? M.B. Nous avons monté une pièce sur les 50 ans de l’immigration marocaine en Belgique. C’était exceptionnel de leur faire jouer du théâtre, surtout sur les 50 ans de l’immigration. Eux, des petits fils d’immigrés, ne savaient pas ce qu’était l’immigration ! Cela leur a ouvert les yeux. Vous avez aussi organisé au BRASS des rencontres de jeunes avec des rappeurs. Que retenez-vous de ces rencontres ? M.B. Une chose intéressante avec ces rencontres est qu’elles ramènent les jeunes sur terre. Je me souviens par exemple d’un rappeur leur racontant qu’il a dû reprendre des cours de français car il avait honte de proposer des textes à sa maison de disques tellement ils étaient truffés de fautes d’orthographe et écrits à la manière des sms. Les jeunes étaient vraiment surpris quand le rappeur leur expliquait : « Tout ce que tu vois dans les clips, c’est faux. La voiture est de location, les vêtements sont loués, la Ferrari avec laquelle je roule n’est pas à moi. La villa que tu as vu, même dans mes rêves, je ne l’aurai pas. » Cela les remet en question et les ramène à la raison, ils se rendent compte de l’importance d’investir sur l’école. Et c’est cela qui nous mobilise, précisément, dans tout le travail que nous faisons avec les
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Nous voulons préparer nos jeunes à l’avenir, leur montrer qu’il n’est ni rose ni noir.
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jeunes : nous voulons les préparer à l’avenir, leur montrer qu’il n’est ni rose, ni noir, leur éviter de basculer dans un extrême. Faire de ces jeunes des citoyens responsables et ouverts aux autre cultures.
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FLORENT GARNIER ET SYLVAIN CHAUVEAU I WILL PLAY THIS SONG ONCE AGAIN RECORDS
di
05/02 + di 02/04
séance d’écoute concert
Les musiciens choisissent à chaque fois le support – CD, cassette, vinyle le plus souvent – et le nombre de versions uniques qu’ils consentent à enregistrer – généralement une dizaine. Chaque artiste dédie vocalement sa nouvelle version à son futur auditeur : « Salut Jean, je vais jouer maintenant pour toi ». Le label est né de l’envie de retrouver une qualité d’écoute à une époque où nous sommes noyés dans l’abondance de sons et d’images , explique Florent. On réfléchit beaucoup, Sylvain et moi, à la notion d’écoute et de distribution de la musique. Comment proposer quelque chose d’unique pour que l’écoute redevienne un moment privilégié et pas un bruit de fond ? Un jour, on s’est dit : si on fait un disque seulement pour toi et si tu sais que tu es le seul à l’avoir, tu prendras sans doute le temps de l’écouter vraiment. Le lendemain, Florent et Sylvain avaient créé leur label, qu’ils nommèrent littéralement « Je jouerai cette chanson une fois encore ». Les enregistrements sont vendus dans le monde entier, de la Belgique au Japon, à prix coûtant : autant dire que les deux amis bûchent davantage sur le projet par appétit pour l’expérimentation que par intérêt financier. Au fil du temps et des rencontres, Florent et Sylvain ont prolongé leur réflexion sur la diffusion de la musique en proposant des concerts et des dispositifs d’écoute originaux, tantôt fixes, tantôt nomades, dans différents lieux culturels bruxellois. On voulait dérouter les schémas habituels du concert : en montrant par
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Pendant le Kunstenfestivaldesarts, le label a continué d’expérimenter les conditions d’écoute en organisant au Beurs des concerts pour une seule personne. À l’automne, ils ont été invités par le cinéma Galeries lors d’un focus sur le cinéaste Jim Jarmush. Ils proposaient alors une balade sonore dans trois lieux : un bar, un disquaire et un appartement. Le label travaille également avec la librairie Tulitu (rue de Flandre) : des musiciens sont conviés à venir parler de livres qu’ils aiment puis à jouer quelques morceaux dans l’atmosphère intimiste de la librairie. Au BRASS, I Will Play This Song Once Again Records programme un dimanche tous les deux mois une séance d’écoute et un concert. Si le terme « séance d’écoute » peut sembler un peu studieux, il renvoie surtout, selon Sylvain, à un moment collectif de concentration et à une expérience singulière. Florent se rappelle un de ces dimanches au BRASS. Le concert d’un artiste du label, Will Samson, est précédé d’une séance d’écoute des Flaming Lips, groupe américain auteur de l’album Zaireeka. Cet album doit nécessairement s’écouter sur 4 platines CD, placées à différents angles d’une pièce et lancées simultanément en parfaite synchronisation. Il induit donc d’emblée la dimension collective de l’écoute.
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Nous avons fait la première sortie avec Peter Broderick, un artiste folk américain qui vit en Irlande. Il a été le premier à se lancer dans cette idée un peu bizarre de ré-enregistrer des chansons pour chaque acheteur, raconte Florent.
exemple des performances mouvantes, où l’artiste se déplace dans l’espace, pas seulement sur la scène. On l’a fait avec Stranded Horse à l’Atelier 210.
Cela faisait longtemps que nous voulions faire écouter ce disque quelque part , raconte Florent. Nous avons installé les 4 lecteurs dans la salle des machines, et pendant 45 minutes, c’était très beau. On voyait le soleil se coucher derrière la voie ferrée et le public était très attentif. Le genre de moments collectifs rares. I Will Play This Song Once Again Records, ou l’art de réinventer un lien poétique entre le musicien et l’auditeur à l’ère du streaming…
Le caractère unique et personnalisé de chaque version redonnent de la valeur et de la singularité à la musique enregistrée.
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« Une version singulière sur une copie unique ». Tel est le mot d’ordre du label bruxellois I Will Play This Song Once Again Records. Créé en 2012 par Florent Garnier et Sylvain Chauveau, ce label affirme une volonté d’écouter la musique différemment. Comment? Il invite des musiciens à rejouer et ré-enregistrer leurs morceaux spécialement pour chaque personne qui leur achète un disque. Il propose aussi, notamment au BRASS, des séances d’écoute collectives et des concerts. En quatre années, I Will Play This Song Once Again Records a édité 18 projets.
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PAOLA HIDALGO ET ALEXIS MARTINET BRUXELLES LAÏQUE
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QUARTIER GÉNÉRAL di
16/03 – 19/03 L’Art du mouvement perpétuel Foire abordable d’artistes contemporains je
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Qu’est-ce que Bruxelles Laïque ? P.H. C’est une association née en 1979, qui a pris de l’ampleur en 2002, lorsque le mouvement laïque a été reconnu (en tant que « communauté philosophique non-confessionnelle »), c’est-à-dire financé au même titre que les six religions (catholicisme, islam, protestantisme, judaïsme, orthodoxie et anglicanisme). En Belgique, l’approche de la laïcité est tout à fait différente de l’approche française : ici, L’État subsidie tous les cultes (ce qui ne l’empêche pas de rester neutre). Votre travail ne dépasse-t-il pas la seule notion de laïcité ? A.M. Par laïcité, on entend la séparation Église-État. Mais c’est aussi la promotion des savoirs, d’une démarche critique et la mise en avant de valeurs comme la solidarité et l’égalité. À travers Bruxelles Laïque, nous sommes là pour faire rayonner ces valeurs. Il faut dire que nous avons une très grande liberté d’interprétation sur la manière de les incarner. P.H. En fait, nous avons un rôle de questionnement de l’autorité et nous travaillons sur un rééquilibrage des rapports de force, pour que le citoyen ne soit pas écrasé par cette autorité. Ce que nous voulons, en bref, c’est faire entendre la voix des plus vulnérables. Quels sont les domaines d’action de l’asbl ? A.M. En plus de l’éducation permanente, nous avons des actions sociales : accompagnement à la recherche d’emploi, intervention dans les écoles (accompagnement pour les devoirs), cours d’alphabétisation et cours de français / langue étrangère. Nous faisons de la médiation interculturelle en milieu hospitalier (dans le contexte de la relation de soins, il y a parfois des incompréhensions d’ordre linguistique ou culturel entre les patients et le personnel soignant). Nous avons aussi un service de médiation de dettes (nous négocions avec les créanciers pour permettre à des personnes en situation de surendettement de s’en sortir). Enfin, nous avons un service juridique gratuit qui conseille, le plus souvent dans le domaine du droit des étrangers (demandes d’asile), mais aussi droit familial (gardes d’enfants, divorces etc) et droit au logement (en vue d’aider des locataires ou des personnes expulsées à faire valoir leurs droits). P.H. Difficile de lister tous nos champs d’action, mais nous avons aussi beaucoup travaillé, par exemple, sur l’état de la démocratie, sur les lobbys qui gravitent autour de Bruxelles, les pressions économiques des entreprises sur le pouvoir étatique. Nous proposons, par ailleurs, un cycle d’ateliers sur le web. Avec des questions telles que : Qui contrôle internet ? Quelle est la gratuité réelle ? Qu’estce que les Big data ? On évoque les logiciels libres, on introduit
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Depuis septembre, le BRASS accueille tous les deux mois un grand rassemblement convivial et solidaire, construit avec des associations locales. Lors du Quartier Général de mars, l’asbl Bruxelles Laïque sera aux manettes et organisera une foire d’oeuvres d’art contemporain mettant en avant le travail d’artistes migrants installés en Belgique. Gros plan sur l’action de Bruxelles Laïque, grâce aux réponses de Paola Hidalgo et Alexis Martinet.
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des moteurs de recherche alternatifs à Google et des navigateurs comme TOR, qui préservent les données personnelles… Bruxelles Laïque œuvre aussi dans le domaine culturel. Vous êtes connus pour être à l’origine du Festival des Libertés qui se déroule chaque année au Théâtre National. En quoi consiste ce festival ? P.H. C’est un festival qui est à la fois artistique et politique, festif et subversif. Il mobilise chaque automne plusieurs formes d’expression (projections de films, théâtre, concerts, débats…), et se fait le témoin de la situation des droits et libertés dans le monde. Il alerte sur les dangers qui guettent, promeut la solidarité et incite à la résistance. La thématique 2016 était « Urgences? ». Ce terme englobe l’urgence sécuritaire mais aussi les urgences sociales, environnementales et humanitaires. On y a débattu sur les conditions d’enfermement, les défis alimentaires, le djihadisme, le nucléaire, les accords commerciaux internationaux… Vous êtes partenaires, avec le CRER (Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation), du festival Steen Rock… A.M. Oui, c’est un festival de musique qui se passe en mai dans un champ à Steenokkerzeel, en face du centre fermé pour étrangers en situation irrégulière. C’est en bordure des pistes de l’aéroport de Zaventem. Des centaines de personnes y sont enfermées chaque année en attente de leur expulsion. Le son est à la fois dirigé vers le public et vers le centre fermé. À cette occasion, nous essayons toujours d’inviter des parlementaires à visiter le centre pour qu’ils se rendent compte de la gravité de la situation. En organisant ce festival, nous cherchons à sensibiliser un public le plus large possible au côté inhumain des centres fermés, qui emprisonnent des personnes n’ayant commis aucun délit. Ce n’est évidemment pas l’idée de faire la fête devant le centre, mais plutôt de pointer les regards vers des lieux invisibles ou vite oubliés. Pourquoi organiser une foire d’art au BRASS ? A.M. Nous organisons beaucoup d’activités autour des migrations. Paola et moi avons souvent l’impression que nous touchons un public déjà convaincu, un public qui vient à nos conférences, un public déjà sensibilisé aux questions migratoires. Si nous passons par le biais de l’art plutôt que celui des rendez-vous militants, nous avons l’opportunité de faire se croiser des personnes politisées et non politisées, intéressées par les questions migratoires ou pas. D’où l’idée d’organiser une foire d’art contemporain avec des artistes installés en Belgique. Une foire (et pas seulement une exposition) pour que les artistes soient présents sur place, aient la possibilité de vendre leurs oeuvres (moyennant un prix abordable), de rencontrer le public, de rencontrer d’autres artistes. Il y aura des moments d’échange, et aussi des moments musicaux, des animations autour du marché luimême. Les artistes seront sélectionnés via un appel à projet lancé en partenariat avec un collectif d’artistes migrants : Refugees got talent . P.H. À travers la forme d’un marché d’art, il est certain que nous nous mettons dans un inconfort, car venant du non-marchand, nous empiétons sur un terrain tout à fait inconnu. En même temps, on évoque toujours les migrants dans des contextes de grandes difficultés,
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À Bruxelles Laïque, nous travaillons sur un rééquilibrage des rapports de forces, pour que le citoyen ne soit pas écrasé par les autorités. Nous voulons faire entendre la voix des plus vulnérables.
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et cela nous fait parfois oublier qu’il s’agit de personnes qui ont des compétences et du talent, et qui sont en droit de vendre leurs œuvres de même que n’importe quel artiste non migrant. Nous espérons, à travers cet événement, contribuer à déconstruire les préjugés qui restent tenaces à l’encontre de certaines personnes récemment arrivées en Belgique.
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BART GOETEYN TEN WEYNGAERT
Installé rue des Alliés depuis une quarantaine d’années, sur le site d’une ancienne entreprise pharmaceutique, le Ten Weyngaert (gemeenschapscentrum – centre communautaire) organise tout au long de l’année une pléiade d’activités culturelles, avec un accent mis sur le public familial : spectacles de danse, théâtre, marionnettes, concerts, ateliers… Le Ten Weyngaert s’inscrit dans une volonté de culture démocratique, n’hésitant pas à « délocaliser » ses activités ailleurs sur la commune pour les amener au plus près des gens. Dans le but également de tirer un fil entre l’intérieur et l’extérieur, il encourage des habitants à venir se greffer sur la programmation via leurs propres projets. Au cours des années passées, le Ten Weyngaert et le BRASS ont plusieurs fois allié leurs énergies et conduit des projets conjointement. Cette année verra s’amplifier leur collaboration, lors de moments festifs reliant différents quartiers de Forest. Rendez-vous un jeudi de novembre, la cafétéria est en travaux, quelques hommes s’affairent. À partir du vendredi suivant démarrera Café TW, un bar ouvert tous les vendredis soirs qui accueillera, au gré des propositions extérieures, des projections, jeux, concerts, etc. Le centre communautaire néerlandophone de Forest incite les associations et citoyens, qu’ils soient
francophones ou néerlandophones, à proposer des rendez-vous publics dans leurs locaux et à faire du lieu un espace de rencontre. Le collectif QuartierWielsWijk, qui s’attache à la création de liens sociaux dans le quartier Wiels à travers l’amélioration du cadre de vie (plus convivial, plus vert, plus ludique) a ainsi initié différentes activités au Ten Weyngaert : les Gratiferias (marchés gratuits) et les Repair Cafés (concept qui essaime en Europe depuis 2009 et consiste à réapprendre à réparer les objets du quotidien plutôt que les jeter). « Nous voulons vraiment appuyer des volontés des citoyens et les inciter à venir avec leur idées et leurs envies. » explique Bart Goeteyn, chargé au Ten Weyngaert de la programmation pour les écoles et les familles. « Un de nos piliers, précise Bart, c’est de fédérer les énergies déjà présentes sur la commune, et les aider à se renforcer, à se mélanger. De brasser, en somme. Comme chez vous au BRASS.» La collaboration entre les deux Centres ne date pas d’aujourd’hui : « Nous avons commencé à coopérer pour la Zinneke Parade, qui a vu un bel échange se faire entre nos deux structures, des artistes et des habitants de Forest. » raconte Bart. « Le BRASS a également été partenaire de Toc Toc Toy, un marché gratuit « spécial jouets » que nous organisons un peu avant la Saint-Nicolas. Nous avons en outre mis en place ensemble, l’année dernière,
Le 30 avril, les équipes du BRASS et du Ten Weyngaert sont bien décidées à squatter de nouveau, ensemble, l’espace public, avec des associations forestoises partenaires. Le public pourra participer à des activités en extérieur, mais également en intérieur, dans le Home Bellevue, maison de repos pour personnes âgées située au numéro 157 de l’Avenue du Roi et derrière laquelle se dissimule un paisible jardin. Les activités artistiques pour petits et grands seront l’occasion d’œuvrer pour la préparation de SuperVliegSuperMouche, festival des arts pour enfants qui aura lieu le 11 juin au Parc de Forest et qui s’appuie beaucoup, en amont, sur la créativité des habitants du quartier. Lors du dernier Parcours d’Artistes à SaintGilles et Forest, l’Avenue du Roi avait fait l’objet d’installations de rubans proposées par le collectif Kadanja, tendus de balcons en balcons, qui faisaient le lien avec le décor du festival SuperVliegSuperMouche. Reliant le parc de Forest aux rails de la gare du Midi et marquant la frontière entre la commune de Saint-Gilles et le quartier Saint-Antoine, l’avenue du Roi a, par sa largeur et sa verdure, un potentiel de convivialité qui reste en fait assez peu exploité. Depuis 2015, le Ten Weyngaert concentre précisément une partie de son travail sur le quartier SaintAntoine. L’année dernière, il lui a consacré une exposition photo à l’occasion des 25 ans des « émeutes » de la place Saint-Antoine : en 1991, les jeunes du quartier s’opposèrent violemment à la police pendant trois jours. « Ce quartier reste probablement aujourd’hui l’un des plus défavorisés de Forest, estime Bart. En 2016, nous avons organisé un concert dans l’église du parvis Saint-Antoine. C’était une belle expérience mais il n’y avait pas vraiment de mélanges entre notre public habituel et les familles du quartier. Nous cherchons toujours à améliorer la qualité de nos expériences. Pour cela, nous intégrons les écoles du quartier et les associations locales à notre démarche plusieurs mois avant l’événement.» Toujours soucieux de la question de la mixité des publics, Bart
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Les Dimanches ATOMIX du BRASS sont plutôt axés sur des ateliers et nous sommes, avec 7xzondag, plutôt axés sur des spectacles. Alors nous faisons en sorte que nos événements se rejoignent et se prolongent les uns les autres. Nous mettons ensemble nos énergies et nos compétences, ce qui permet de mélanger au maximum les publics.
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En janvier, Ten Weyngart s’invite au BRASS pour y tenir sa traditionnelle réception de Nouvel An. Elle commencera au Ten Weyngaert avec Petites Furies, un spectacle dès 2 ans et demi, par la compagnie liégeoise Zététique Théâtre. On pourra profiter des ateliers de musique, de danse, et à partir de 16h, une fanfare entraînera le public vers le BRASS où la fête se poursuivra. Toutes les activités seront gratuites.
souligne le caractère intergénérationnel de cette foisonnante fête de quartier en perspective. Nul doute que le spectacle Oma’s handtas (« Le sac à main de grand-mère »), qui se jouera à la maison de repos ce 30 avril, réunira de minuscules fripouilles et des messieurs-dames pas loin d’être centenaires…
—Bart Goeteyn
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un dimanche festif pour les familles, qui se déroulait entre le Ten Weyngaert et l’Abbaye de Forest. »
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ZAKIA ASSADIKI ENTRAIDE & CULTURE
Ceci n’est pas un poème avait été l’occasion, en septembre dernier, de découvrir le travail de l’association Entraide & Culture au BRASS, son voisin sur l’Avenue Van Volxem. Lors de cette exposition étaient montrés des dessins d’enfants créés à partir de poèmes. Ces textes, écrits par des apprenants en alphabétisation, leur avaient été inspirés par des oeuvres de Magritte. Ainsi, l’asbl Entraide & Culture a pour mission, depuis 1983, de favoriser tout ce qui peut contribuer au développement culturel. Mais il s’agit aussi, et surtout, d’aider les personnes en situation précaire. Depuis novembre, le BRASS et Entraide & Culture ont mis en place ensemble un nouveau rendezvous, baptisé Remue-Ménage. Le BRASS offre des espaces suffisamment grands pour accueillir des groupes et dispose d’une connexion wifi. Manquant d’espace et de connexion internet à Entraide & Culture, Émilie Maidon a un jour saisi l’opportunité d’occuper le troisième étage du BRASS pour animer ses ateliers d’informatique. Un
mercredi sur deux, elle aborde les mystères de la galaxie 2.0, avec des participants qui souhaitent s’initier à l’utilisation intelligente des smartphones et tablettes. Elle travaille en grande partie avec des primo-arrivants : beaucoup sont originaires du Maghreb, quelques-uns sont venus d’Afrique subsaharienne et quelques autres arrivés, il y a quelques années, d’Europe de l’Est. En plus viennent s’ajouter des seniors dépassés par la rapide évolution des technologies digitales. Les cours d’Émilie ont en fait deux fonctions : réduire la fracture numérique, c’est-à-dire l’inégalité d’accès à l’informatique et à internet, mais aussi enseigner le français. Rares sont en fait les personnes avec lesquelles elle s'attaque seulement à l’informatique. Avec la plupart d’entre eux, elle fait ce qu’elle appelle de l’« alpha-tic » : Alphabétisation et Technologie de l’Informatique et de la Communication. Émilie précise : « On télécharge ensemble des applications qui les aident pour le français, par exemple des mots croisés numériques, ou des
Zakia Assadiki est animatrice à l’école des devoirs d’Entraide & Culture. Quatre jours par semaine, elle aide des enfants de 6 à 12 ans ayant besoin d’un soutien scolaire. Ces enfants sont souvent aussi des primoarrivants, mais originaires cette fois du Sud de l’Europe, débarqués en Belgique en 2009 suite à la crise financière. Les écoliers sont régulièrement invités à d’autres activités. Zakia les accompagne parfois au potager collectif de la rue de l’Imprimerie, situé à quelques encablures des locaux de l’asbl. Zakia dit toute l’admiration qu’elle porte à certains parents qu’elle rencontre par l’école des devoirs ou l’alphabétisation : « Quand je vois le public que nous recevons, ils s’investissent beaucoup pour leurs enfants, parfois même d’une façon encore plus profonde que des personnes nées ici. Dans les familles populaires, l’enfant a parfois toute l’attention, parce qu’on mise sur lui là où ses parents n’ont pas pu faire d’études. » Zakia est très consciente que le système d’éducation dans lequel doivent s’insérer ces enfants n’est pas toujours à leur image. « Étant marocaine d’origine, même si je suis de la quatrième génération, je peux parfois me mettre à la place des familles qui doivent quitter un pays pour aller vivre dans un autre. Il faut ‹s’intégrer›, et malgré toute la bonne volonté du monde, ce n’est pas toujours simple. » Zakia a le sentiment que l’aide sociale a longtemps accompagné les personnes dans leur misère, au lieu de les considérer comme égales aux autres. « C’est important de toujours repenser notre profession. Et c’est important aussi de créer des liens, des ponts. Comme le dit Rosenberg, le grand penseur de la communication non-violente, il faut comprendre que nous sommes interdépendants les uns des autres. » En novembre dernier, Zakia, qui est aussi formée en aromathérapie, a mis en place avec le BRASS un rendez-vous qu’elle espère
La suite des ateliers sera dédiée à la réflexion sur les différentes manières de consommer. Les thématiques de chaque atelier seront adaptées en fonction des envies et demandes des participant(e)s. « Imaginons par exemple, suggère Zakia, une séance au cours de laquelle les participant(e)s sortent faire des courses ensemble. Chacun découvre comment l’autre choisit ses produits, fait ses achats. Des question se posent… Sur quoi se base telle personne, apprenante en alphabétisation, pour choisir ? Sur quels symboles ? Ce sera aussi une opportunité pour que se créent des liens entre personnes à l’aise en français et d’autres qui ne maîtrisent pas cette langue. »
09/01+23/01+ 06/02+20/02+ 06/03+20/03+ 24/04+08/05+ 22/05+12/06 Remue-Ménage
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En dehors de son pôle informatique, Entraide & Culture compte cinq services destinés à soutenir les personnes en difficulté : un service de médiation qui aide les personnes endettées, une bourse alimentaire qui distribue des colis de nourriture deux fois par semaine, un service social qui envoie des bricoleurs et femmes de ménage chez les personnes âgées ou handicapées, un vestiaire social (vente de vêtements deuxième main) et enfin un pôle éducatif comprenant l’alphabétisation et l’école des devoirs.
remueur de méninges et qui porte le nom de Remue-Ménage. Au BRASS, deux fois par mois, des personnes se réunissent et viennent acquérir des méthodes qui leur permettent de préserver à la fois l’environnement et leur santé. L’atelier est ouvert à tous. Il a lieu le lundi matin, entre 9h30 et 11h30. Lors du premier lundi, il s’agissait de fabriquer des produits d’entretien ménager. L’intérêt, pas évident pour tous, est que ces produits homemade sont moins coûteux, plus écologiques et tout aussi efficaces que ceux qu’on trouve dans le commerce. En d’autres termes, vive le vinaigre blanc et le bicarbonate de soude ! Le but de ces rencontres, explique Zakia, est d’éveiller aux questions environnementales et de trouver des solutions pour consommer autrement, de manière plus responsable et durable, en partant des choses très concrètes du quotidien. « Les problématiques écologiques sont souvent associées à un public plus favorisé socialement. Avec RemueMénage, nous voulons mélanger les publics : celui que nous amenons, qui est souvent un public précarisé, et celui du BRASS qui est beaucoup plus mixte. Ce sera l’occasion de faire venir au BRASS des personnes qui n’ont pas l’habitude des lieux culturels et qui n’osent pas y entrer. »
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applications qui leur soufflent les conjugaisons des verbes. »
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DIRK SNAUWAERT WIELS
20/04 – di 13/08 Le musée absent je
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Pouvons-nous revenir 10 ans en arrière, à la veille de la rénovation ? Il y a 10–12 ans, lorsque nous avons démarré, il y avait une forte polémique autour de la rénovation de l’ancienne brasserie. Le bruit courait que cette opération avait été concoctée par des promoteurs immobiliers soucieux surtout de faire du bénéfice. Beaucoup disaient que nous allions gentrifier le quartier, qu’il serait envahi par les yuppies et les bobos. Finalement, en 10 ans, on n’a pas constaté de changement radical dans le quartier. On peut certes constater un développement d’habitations plus mixtes, mais beaucoup de travail reste à faire pour le dynamiser. Quel est le rôle de WIELS dans le quartier ? WIELS est un vecteur important d’une meilleure qualité de vie dans les environs. Nos activités sont ouvertes à tous, avec une médiation soutenue. La salle de brassage est un important lieu de rencontre sociale et le jardin potager, que nous avons mis en place sur le terrain entre WIELS et le BRASS, est un poumon vert fort utilisé. Nous pilotons également une panoplie d’activités, notamment dans le parc de Forest, le festival gratuit pour enfants SuperVliegSuperMouche. Globalement, il règne dans ce quartier un esprit assez ouvert et convivial. On a l’impression, parfois, quand on entend parler du quartier Saint-Antoine, qu’on est face à une sorte de ghetto, ce qui n’est absolument pas le cas. Il est vrai que les échanges entre les gens passent encore trop par des espaces religieux et c’est aussi pour cela que des lieux sociaux et culturels sont d’importantes passerelles de citoyenneté entre les personnes de différentes origines. L’exposition se déploiera dans 3 bâtiments, dont le Métropole, qui est aujourd’hui à l’abandon. Oui ! C’est aussi cela Bruxelles : il y a des contradictions à tous les coins de rues, le délabrement et le confort cohabitent dans le même bloc. Je trouvais crucial que l’exposition fasse de nouveau le lien entre ces trois bâtiments : le Métropole, le Blomme (bâtiment communément appelé WIELS aujourd’hui), la salle de brassage et la salle des machines (ces deux derniers étant aujourd’hui le bâtiment appelé BRASS). Il faut souligner que nous sommes au départ un projet patrimonial: il fallait sauver le Blomme et cela a fonctionné grâce à nos activités artistiques.
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À la brasserie Wielemans à Forest, la dernière bière est brassée en 1988. L’usine ferme alors définitivement ses portes, après plus de 100 ans d’existence. Dans les années 2000, la Région, qui devient propriétaire du bâtiment Blomme, retient l’hypothèse d’y créer un grand centre d’art contemporain. La rénovation commence en 2005 et WIELS ouvre ses portes en 2007. Pour marquer son dixième anniversaire, WIELS a initié une exposition de grande envergure, qui aura lieu non seulement dans le Blomme, mais aussi dans deux bâtiments qui faisaient autrefois partie de la brasserie : le BRASS et le Métropole. Le public pourra y voir les œuvres d’environ 45 artistes, contemporains et d’un passé récent. Dirk Snauwaert, directeur de WIELS, assure le commissariat de cette exposition intitulée Le musée absent .
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Cette exposition occupera aussi les salles du BRASS. Même si le WIELS paraît très grand, nous manquons en fait d’espace pour des projets d’une ampleur internationale. Or, nous souhaitons faire venir des visiteurs de l’Europe entière. C’est une condition nécessaire pour attirer des artistes importants et pour faire vivre économiquement le projet. La collaboration avec le Kunstenfestivaldesarts, qui installera plusieurs activités dans nos bâtiments, contribuera au retentissement médiatique. À quoi se réfère le titre de l’expositon Le musée absent ? C’est un clin d’œil à Edgar Poe, Baudelaire et surtout à Marcel Broodthaers. Ce titre correspond à un questionnement sur le paysage institutionnel : la plupart des gens parlent du « musée » WIELS , alors qu’en réalité nous n’en sommes pas un. WIELS occupe un élément du patrimoine historique de la Région, mais comme celle-ci n’a pas la compétence de créer des institutions culturelles, elle ne pouvait initier de musée. Les musées, eux, deviennent, à la manière d’Hollywood, une sorte d’industrie à exploiter la culture à travers des blockbusters. Ils préfèrent souvent faire le show avec des artistes renommés que de proposer une lecture approfondie de l’histoire de l’art contemporain en Belgique. On assiste à une dérive événementielle et touristique de la culture: on n’investit plus dans la création future, on préfère retourner nostalgiquement en arrière pour exploiter l’héritage patrimonial à des fins touristiques. Nous devons travailler contre cela, pour ne pas vivre tournés vers le passé. On oublie trop que la « belle époque » de la Belgique est aussi construite sur la misère, celle du Congo par exemple, ou sur l’histoire des ouvriers wallons, flamands ou bruxellois. L’art peut servir à élucider/éclairer ces problématiques ; évoquer à quel point il est agréable mais aussi difficile de vivre à son époque. Par quelles problématiques sera traversée cette exposition ? Cette exposition posera une question qui est sur le bout des lèvres de beaucoup de gens depuis deux ans, depuis la crise des réfugiés : pourquoi n’entend-on pas les musées ? Pourquoi ne prennent-ils pas position dans ce contexte ? Je parle des musées des arts, pas ceux de l’immigration ou de l’histoire. On entend le monde du théâtre, celui du cinéma, de la musique. Mais les musées sont absents. Pourtant, les artistes ont souvent travaillé sur les questions d’échanges nordsud, des influences mutuelles etc. Les musées ont été privatisés et poussés vers le sponsoring, le blockbuster, le spectaculaire ; alors que leurs fonctions initiales sont citoyennes, démocratiques et nonconsensuelles. La privatisation engendre le consensuel : on évite la controverse par peur de perdre son financement. Quand se produit une crise telle que celle que nous vivons, on ne peut plus rester consensuel. Donc, ce seront les migrations et les échanges culturels qui animeront le coeur de cette exposition ? En fait, l’exposition sera en quelque sorte la suite de celle que nous avons organisée l’année passée pour Mons 2015 : elle mettait au centre la question de ce que le Borinage avait comme avantage sur le reste de l’Europe, ayant été confronté à des vagues de migrations depuis 1840. On y évoquait moins la désindustrialisation que des
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questions d’intégration, de multiculturalité, de multilinguisme. Ces thématiques sont prépondérantes: elles sont dans les pages de tous les journaux quotidiennement. Elles sont prépondérantes en art contemporain, en politique, et aussi dans notre environnement immédiat. Aussi, cela a du sens de traiter ces thématiques dans le contexte de notre voisinage, un quartier de migration espagnole et italienne au départ et qui aujourd’hui a encore plus de facettes et nationalités. Ne sommes-nous pas les mieux placés pour aborder ces questions, n’étant pas au Sablon ou au Mont des Arts ? Ici, nous sommes quotidiennement face à la réalité d’un quartier populaire et diversifié, loin du Bruxelles des cartes postales et des touristes. Mais les vrais gens voient-ils les expositions ? Nous faisons des efforts importants pour faire venir les différents publics et s’adresser à tout le monde. Nous organiserons un week-end de fête pour nos 10 ans, tout le monde sera invité. J’imagine bien que pour beaucoup de personnes confrontées à des questions de survie au jour le jour, la question des loisirs et de la culture n’est probablement que secondaire ou tertiaire. Mais nous tenons à améliorer aussi économiquement le quartier en travaillant avec des fournisseurs proches, en recrutant nos équipes logistiques parmi les gens du quartier ; pour qu’il y ait un échange et pour que l’on sache, en dehors du bâtiment, ce qui s’y passe. Les artistes qui viennent exposer ici sont souvent de très grands noms mais ce sont aussi des gens normaux, alertes, qui réfléchissent sur les conditions d’aujourd’hui. Rappelons que depuis toujours, ce sont les racines et les figures de l’art dit « mineur » qui nourrissent l’art « académique » ou « élevé ». Ce n’est pas l’Afrique qui a inventé Picasso mais c’est bien Picasso qui s’est inspiré de l’héritage africain, par exemple. De la même manière que l’art pop a assimilé la vitalité des classes populaires des États-Unis d’après-guerre. L’événement sera également l’occasion de proposer une formation à des jeunes en recherche d’expériences professionnelles. De quoi s’agit-il ? Nous formerons des jeunes de Forest et des communes limitrophes aux petits métiers de l’exposition : gardiennage, accueil du public, maintenance, communication, tout ce qui peut avoir une utilité dans un secteur socio-culturel et hôtelier. Nous proposerons cette formation en collaboration avec le BRASS, Actiris et la Commune de Forest. Qui seront les artistes dont les oeuvres seront exposées ? Au WIELS, on pourra voir à la fois des œuvres et des installations. Dans le bâtiment du BRASS seront montrées les installations de cinq ou six artistes. De même dans le Métropole. Nous inviterons des artistes de notre bassin d’échanges artistiques quotidiens, c’est-à-dire la zone entre Paris, Londres, Amsterdam, Cologne et Düsseldorf. Beaucoup d’artistes du monde entier ont des points d’attache dans une de ces villes. Nous voulons montrer que, quel que soit le pays d’origine, nous sommes tous confrontés à des problématiques très similaires. Celles-ci font disparaître les nationalismes, que nous avons intériorisés depuis le XIXème siècle, au point de croire que territoire, langue et culture sont une entité homogène
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et que tout doit passer par ce filtre. L’académie se retrouve d’ailleurs, à notre époque, face à un problème d’écriture de l’histoire de l’art, basée jusqu’ici sur ce découpage en territoires nationaux. Or aujourd’hui, tout est beaucoup plus perméable et nous sommes dans le « diasporique » : les artistes ne sont pas liés à un seul lieu mais à deux ou trois à la fois. Parfois c’est voulu, parfois c’est involontaire, dû à la guerre ou aux conditions économiques, ou encore… à des histoires d’amour.
Comment ouvrir la question de l’histoire, ce carcan qui paraît déterministe et figé ? L’histoire ne nous impose pas forcément nos actions, elle peut être ouverte.
Tu n’es pas seulement danseuse. Quelles sont les autres cordes à ton arc ? Avant de me lancer dans la danse, j’ai fait de la photo et de la radio. Je suis partie six mois en Amérique latine et j’ai récolté des paroles de femmes artistes qui travaillent avec des enfants. Ces femmes expliquaient pourquoi l’art est important pour le développement de la personne. Ce travail a abouti à une création radiophonique Seguir la estrella del Sur. Il y a en Amérique latine une approche vraiment innovante par rapport à l’art en Europe : on n’a pas, d’un côté les artistes, et de l’autre le public. L’art est amené beaucoup plus proche des gens, fait partie de l’éducation, de la conscience, du fait de prendre confiance en soi. Cela m’a fait réfléchir à des questions telles que : comment l’art peut-il nous renforcer, nous rendre plus grands, plus brillants ?… Comment l’art peut-il donner envie de nous relier au monde, en toute simplicité, avec honnêteté ? Comment t’est venue l’envie de ce spectacle ? Quand j’avais 15 ans, j’ai appris le langage des signes. Là où je dansais, nous avions créé un spectacle avec une personne (sourde muette) qui signait ; cette personne était totalement intégrée au spectacle. Les gestes m’ont toujours fascinée. Par la suite, j’ai beaucoup voyagé. Je me suis rendu compte qu’avant d’apprendre les langues des pays dans lesquels je voyageais, j’arrivais toujours à me débrouiller pour me faire comprendre par le corps, les gestes, le regard. Et j’ai pris conscience à quel point ils nous emmènent déjà dans une relation. Parallèlement, à un moment de ma vie, il y a eu cette réflexion : comment introduit-t-on l’art chez les tout-petits ? Que raconte De mainS ? Le spectacle raconte tout ce que l’on peut créer avec les mains et comment on peut s’inventer un pouvoir magique, comment on peut, grâce à nos mains, transformer les choses en nous et autour de nous. Je danse sur un tapis rond, qui peut, entre autres, représenter le monde et je me transforme tout au long de la pièce. Je pars d’un oeuf (un petit oisillon qui débarque et se rend compte
Tu as créé ce spectacle il y a trois ans. Comment ton travail a-t-il évolué depuis ? Je suis allée en Californie pour étudier avec Anna Halprin, une danseuse chorégraphe de 96 ans qui a révolutionné la danse contemporaine. Elle a aussi eu une influence considérable sur l’évolution de la performance, du happening, des arts visuels et de la musique expérimentale. Elle a apporté entre autres la pratique du « Life art process ». J’ai acquis auprès d’elle de nouveaux outils et suite à cet apprentissage, j’ai créé une performance dans la nature et j’organise des stages. J’utilise la danse, mais pour soutenir la danse, je me saisis aussi du dessin, de l’écriture et de la voix. Les activités de ma compagnie s’articulent aujourd’hui autour de la question : « Comment amener l’art dans l’espace public, y compris dans la nature ? » L’idée centrale est d’être à l’écoute de notre environnement, de développer la sensibilité, l’intuition, la confiance en soi.
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Quelle est l’idée derrière le titre ? De mainS contient à la fois les mains, donc la gestuelle qui est à la base du spectacle, et le mot « demain », qui fait écho à l’avenir et aux enfants eux-mêmes. Comme si avec mes deux mains, je leur transmettais quelque chose pour demain. Message d’avenir pour la transformation du monde… Rien que ça ! (rires)
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Marie Close jouera le 18 janvier un spectacle pour mini-spectateurs à partir de 2 ans et demi. Intitulé De mainS, ce seul-en-scène entre danse et théâtre a été créé, entre autres, à l’Abbaye de Forest, l’artiste liégeoise ayant bénéficié de plusieurs résidences. Marie Close nous parle de ce spectacle et évoque son parcours, de la photographie à la danse, de la radio à la performance.
qu’il est sur terre), je me déploie en dansant, je m’ouvre, je n’ai plus peur. J’utilise les quatre éléments : l’eau, la terre, l’air, le feu. Les enfants saisissent le côté chamanique, ils perçoivent une espèce de monde magique.
Ce qui sous-tend ce spectacle est l’idée de se découvrir soi-même et de prendre sa place dans le monde. P. 33
MARIE CLOSE
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C’EST QUOI LE BRASS ?
AUSSI AU BRASS
Le BRASS est un lieu, un espace, une maison, un bâtiment, une ancienne brasserie, un Centre Culturel. C’est le Centre Culturel de la Commune. Le Centre Culturel de Forest. C’est la maison commune des habitants du quartier. C’est une brasserie de cultures. Il y avait des Cuves. Il y a des Machines et des Germoirs. Il se situe dans une ville, Bruxelles, dans une Commune, Forest. Au 364, avenue Van Volxem. À droite, au bout de l’avenue Wielemans-Ceuppens. À gauche, au bout de l’avenue du Pont de Luttre. À côté du Wiels. Pas loin de la Maison des jeunes de Forest. Ni très loin de la gare du Midi. Il accueille des musiciens, des plasticiens, des comédiens, des danseurs, des artistes, des habitants. Des Forestois, des Bruxellois, des associations, des groupes, des classes, des spectateurs, des professionnels, des amateurs s’y rencontrent. On y découvre des artistes. Des ateliers s’y déroulent. Pour les enfants, pour les adultes. Pour les enfants et les adultes. On y danse, on y joue. On y joue des concerts. On y visite des expositions. On y écoute des concerts. On y crée dans des ateliers. On y danse à des concerts. On y expose des œuvres. On y papote. On y débat. On y rencontre ses voisins. On y crée du lien. On y cultive son jardin. On s’y cultive.
BLI:B (bibliothèque néerlandophone communale) : 02 343 20 04 / iemand@blib.be / www.blib.be Radio Vibration : 107.2 FM (Bruxelles) / www.vibration.fm Activités de quartier : Maison de Jeunes de Forest, Dispositif Relais, Médina, Hiwar, potager collectif Mille Semences-Ceuppens… CONTRIBUEZ AU DÉVELOPPEMENT DU BRASS EN DEVENANT « AMBASSADEUR COMPLICE » : Envie de vous impliquer sur le développement du BRASS, de donner un coup de main ponctuel, de mieux le faire connaître auprès de vos voisins et amis ? Contactez-nous au 02/332.40.24 ou par mail : info@lebrass.be MÉDIATION / PARTENARIATS ASSOCIATIFS Envie de découvrir nos projets, notre programmation, nos ateliers ? Envie d’envisager un partenariat avec votre école, votre association ? Contactez Tamara au 02/332.40.24 ou par mail : tamara.maes@lebrass.be Le BRASS est partenaire d’Article 27 et est signataire de sa charte de la médiation culturelle.
BRASS
Au cœur de la dynamique culturelle du sud de Bruxelles : Le BRASS s’inscrit dans une dynamique culturelle collective et solidaire au sud de Bruxelles en s’associant avec le Centre Culturel Jacques Franck à Saint-Gilles et le Centre Culturel « Escale du Nord » à Anderlecht. Notre objectif commun est d’être au plus près des préoccupations culturelles des habitants. BRASS – Centre Culturel de Forest Avenue Van Volxem, 364 1190 FOREST 02 332 40 24 info@lebrass.be
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Le programme présenté dans ces pages est susceptible d’évolution et d’ajouts. Retrouvez les informations complètes et à jour sur notre site Internet, dans nos programmes bimestriels et en vous inscrivant à notre newsletter.
Directeur : Frédéric Fournes frederic.fournes@lebrass.be Chargé de développement : Quentin Velghe quentin.velghe@lebrass.be Chargée de projets, médiation et partenariats : Tamara Maes tamara.maes@lebrass.be Assistants administratifs et financiers : Cécile Pauwels cecile.pauwels@lebrass.be
Président : Denis Stokkink Échevin responsable : Charles Spapens Échevin de la Culture de Forest Design graphique : Pierre-Philippe Duchâtelet et Lionel Maes [ La Villa Hermosa ] Contenu rédactionnel et photographies : Rozenn Quéré Illustrations : Anne Brugni
Khalid Arahou khalid.adahou@lebrass.be
Direction artistique : La Villa Hermosa
Chargé de projet ’Parcours d’Artistes’: Jonathan Chenoix jonathan.chenoix@lebrass.be
Editeur Responsable : Frédéric Fournes 364 avenue Van Volxem 1190 Forest
SOUTIENS INSTITUTIONNELS: Le BRASS bénéficie du soutien de Charles Spapens, Échevin de la Culture, au nom du Collège des Bourgmestre et Échevins de la Commune de Forest. Il est reconnu Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale par le Service public francophone bruxellois. Il reçoit également des aides ponctuelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale.
Assistant régie : Abdel Lahouari abdel.lahouari@lebrass.be
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Régisseur général : Matthieu Gaillet matthieu.gaillet@lebrass.be
Ambassadeur de proximité : Daniel Godinho daniel.godinho@lebrass.be Accueil et secrétariat : Moussa H’Neif moussa.hneif@lebrass.be Aide logistique : Aki Ilonga aki.ilonga@lebrass.be Stagiaire régie: Antoine Davy antoine.davy@lebrass.be
Stagiaire communication: Anthony Henek anthony@lebrass.be
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Stagiaire production et médiation: Leila Arenou leila@lebrass.be
BRASS – Centre Culturel de Forest Avenue Van Volxem, 364 1190 FOREST +32 (0)2 332 40 24 www.lebrass.be ABBAYE de Forest Place Saint-Denis, 9 1190 Forest Tram 82 et 97, arrêt WIELS Bus 49 et 50, arrêt WIELS Station Villo : WIELS, Gare du Midi, Barrière de Saint-Gilles ou Place Albert : 5 min en vélo / 15 min à pied
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