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Patrick Ollier : “la métrOPOle est une chance !”

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PARLEMENT LE MAGAZINE DES GRANDS ENJEUX

N°862 - 12,00 €

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Patrick Kanner face au défi sportif Pierre Moscovici contre l’évasion fiscale COP21 : en France rien n’est joué

Fondé en 1960


ÉDITORIAL Patrick Ollier

© Ville de Rueil-Malmaison-Paul Martinez

La MétropoLe du Grand paris, au-deLà des cLivaGes poLitiques

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a Métropole du Grand Paris est en marche. Au terme de ses 110 premiers jours, elle est au travail dans le cadre des compétences exercées dès cette année, l’environnement, le développement durable et le développement économique. Ainsi les bureaux et les commissions thématiques se sont déjà réunis entre deux et trois fois chacun. Une équipe resserrée d’une trentaine de personnes avec à sa tête un préfet, directeur général des services, qui a pris ses fonctions le 2 mai dernier, travaille dans une logique de mission et constitue une force de frappe efficace et réactive pour mettre en œuvre ce que nous avons à faire. Et nous avons beaucoup à faire ! Nous avons lancé, dès le 18 février dernier, l’appel à projets “Inventons la Métropole du Grand Paris”, concours d’architectes et d’équipes d’aménageurs qui vont présenter, pour les terrains proposés par les villes, des projets innovants clefs en main, qui répondent aux enjeux de la Métropole de demain et aux orientations de chacun des maires. L’Etat a annoncé, par l’intermédiaire du ministre de l’Economie mardi 15 mars au MIPIM à Cannes la jonction de l’opération “Inventons la Métropole du Grand Paris” avec les “hubs du Grand Paris”. Le gouvernement adjoint ainsi 100 millions d’euros du Programme d’Investissements d’Avenir II mobilisables, notamment pour les quartiers de gare. J’ai invité l’ensemble des maires de la Métropole et des acteurs concernés le 23 mai pour un grand séminaire de présentation au pavillon BALTARD. C’est ainsi une centaine d’équipes pluridisciplinaires qui vont proposer des projets pour faire prendre corps à la Métropole. Et si nous avons encore plus de villes candidates, nous organiserons une deuxième session l’an prochain ! Il y a aussi le lancement du Plan climat, les actions contre le bruit, la pollution. Nous mettrons en place à la rentrée le projet “La Métropole roule propre”. Les artisans qui possèdent des camionnettes polluantes pourront se tourner vers nous pour bénéficier d’aide à l’acquisition de véhicules propres. Je souhaite, par ailleurs, lancer un programme d’investissement sur dix ans, approuvé à l’unanimité lors du dernier bureau, pour aider à financer un programme concernant les franchissements (ponts, passerelles, etc.) que nous attendons depuis 50 ans, afin de réduire les coupures urbaines et ainsi permettre à des quartiers aujourd’hui isolés de se développer. Nous réfléchissons aussi à la mise en place d’un Pass musées métropolitain pour les 90 musées de nos villes, à un programme “Consommons local” pour les cantines des écoles... Et en parallèle nous réglons, l’une après l’autre, les difficultés que rencontrent les maires et les présidents des territoires. A ce sujet, nous avons organisé la première conférence des Présidents de Territoires et dégagé des pistes de travail pour aider les territoires en manque de financements pour des projets créateurs de valeur ajoutée. La Métropole est au travail et au-delà des clivages politiques, le bureau démontre que la gouvernance partagée nous permet d’aller vite dans l’intérêt de la population de l’aire métropolitaine. Nous construisons ensemble ! n

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PARLEMENT SOMMaire

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La Métropole du Grand paris, au-delà des clivages politiques Par Patrick Ollier.

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ÉDITORIAL...

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EN COUVERTURE

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LOCAL

patrick ollier : “La Métropole est une chance !” Propos recueillis par Pauline Pouzankov. Les 12 travaux du Grand paris express Louis Watrelot. Brexit et tafta : deux dossiers liés même s’ils n’en ont pas l’air… François Domec.

10 ANALYSE

Brexit or not Brexit ? Propos recueillis par Laure Tosin. pierre Moscovici : “Jouer selon les règles, et non pas avec les règles” Propos recueillis par Pauline Pouzankov.

12 EUROPE

panama papers : frédéric oudéa s’explique Pauline Pouzankov et Louis Watrelot.

16 ÉCONOMIE

crise migratoire : quelles solutions pour l’europe ? Valentine de Brye.

17 POLITIQUE

L’europe face à la montée des extrêmes droites Propos recueillis par Pauline Pouzankov et Louis Watrelot.

18 EUROPE

cop21 : en france, rien n’est joué Louis Watrelot.

20 POLITIQUE

4 octobre 1962 : quand une motion de censure “renverse le gouvernement” François Domec.

22 hISTOIRE

“La loi française est opposable à facebook” Propos recueillis par Louis Watrelot.

24 SOCIÉTÉ

un projet de loi à l’épreuve des citoyens Julien Da Sois.

26 POLITIQUE

électrosensibles : la guerre des ondes Louis Watrelot.

28 SOCIÉTÉ

Les Bourguignons passent à table Louis Watrelot.

30 LOCAL

andré azoulay : père de ministre et conseiller du roi Jean-François Bège.

32 PROFIL

La “positive attitude” de Michel sapin Pauline Pouzankov.

33 MERCREDI, SALLE EMPIRE 8

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34 ChRONOLOGIE

Pauline Pouzankov.


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arène politique / injustice en outre-mer / un élu “de terrain” / soirée bière et foot ! / opération “coup de fouet” / une question de longueur… / une femme à la tête de l’institut des cultures d’islam / des quartiers à l’abandon / triste sort pour le gendarme du web / Lcp fait la part belle à la vidéo...

36 ZOOM EN COULISSES

voyagez couverts… Pauline Pouzankov.

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MAPPEMONDE

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FOCUS

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PROSPECTIVE

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RENDEZ-VOUS MÉDIA

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LIVRES

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Maubeuge-val de sambre, un territoire dynamique aux multiples atouts Jusqu’où peut aller la diplomatie vaticane ? Jean-François Bège. patrick Kanner face au défi sportif Propos recueillis par Jonathan Bensadoun. L’art de la guerre digitale – survivre et dominer à l’ère du numérique La fenêtre de dieu pour en finir avec les mafias – sexe, drogue, clandestins : et si on légalisait ? un messager pour l’europe – un plaidoyer contre les nationalismes vera

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Le think tank farM europe sert-il réellement les intérêts agricoles européens ?

TRIBUNE

LE COURRIER DU PARLEMENT - Édité par Monde Edition S.A.S. - Siège : 3, rue Mornay, 75004 Paris - Téléphone : 01 44 54 05 50 - Fax : 01 44 54 05 55 E-mail : redaction@lecourrierduparlement.fr - www.lecourrierduparlement.fr n Directeur de la Publication - Rémy Lazimi n Secrétaire de rédaction - Sharon Lazimi n Rédacteur en chef - Jean-François Bège n Journalistes - Jonathan Bensadoun, Célia Canis, Valentine De Brye, Julien Da Sois, François Domec, Julien Dreyfuss, Jeanic Lubanza, Pauline Pouzankov, Nicolas Rinaldi, Laure Tosin, Julien Vallet, Louis Watrelot n Infographiste - Isabel Viana n Directrice de la communication - Danielle Decaris n Relations presse - Laurent Vigée n N° 862 n Numéro ISSN - 0045-8899 n Imprimé en France n Dépôt légal à parution n Photo couverture - © Ville de RueilMalmaison-Paul Martinez / Toute reproduction, même partielle, des articles publiés dans ce numéro, nécessite explicitement le consentement écrit de l’éditeur.

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© Sophie Liedot/JBV NEWS

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patrick ollier : “La Métropole est une chance !”

Président de la nouvelle institution du Grand Paris, le député-maire de RueilMalmaison, ancien ministre chargé des relations avec le Parlement, se déclare prêt à “brûler les étapes” pour que la structure prouve son utilité par l'exercice de ses compétences.

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Quels seront les objectifs prioritaires de votre début de mandat ? La construction de la Métropole est un défi passionnant car tout est à faire... à partir seulement d’un texte de loi ! Dans un premier temps, il s’agit de mettre sur pied l’ensemble des moyens qui vont lui permettre de fonctionner le plus rapidement possible, car nous n’avons pas de temps à perdre. Dès le vendredi 29 janvier, l’ensemble de l’équipe élue s’est réunie pour envisager les premières actions à conduire et préparer la mise en œuvre de la Métropole, dans le cadre d’un calendrier à moyen terme et des objectifs prioritaires que nous nous sommes fixés, tant sur le plan politique que technique. Il en va de même avec la Mission de Préfiguration, dirigée par le préfet Lucas, qui nous sert de support pour le démarrage du fonctionnement de notre système administratif. Pour l’heure, la priorité va aux finances et plus précisément aux attributions de compensation provisoire que l’on doit rendre aux communes, à hauteur de 3,7 milliards d’euros. Pour Gilles Carrez, le vice-président délégué aux Finances, la deuxième phase du travail a consisté à préparer la maquette budgétaire de la Métropole en vue du vote du budget, qui a eu lieu début avril. En ce sens, des échéances sont déjà fixées dans le cadre des quatre compétences obligatoires de la MGP que sont : n la politique locale de l’habitat ; n la protection et la mise en valeur de l’environnement ; n l’aménagement de l’espace métropolitain ;

“Ce que je souhaite avant tout, c’est que l’on réussisse pour les sept millions d’habitants dont la loi nous confie la responsabilité.” En dépit de votre proximité politique, la nouvelle présidente de la région Île-de-France n’est pas très intéressée par la Métropole du Grand Paris, qu’elle ne veut pas voir concurrencer l’exécutif francilien. Comment allez-vous vous y prendre pour améliorer le climat ? Les interrogations de Madame Pécresse sont légitimes, elle a une conception de la Métropole qui est différente de celle qui a été créée par la loi. Toutefois, la MGP n’a pas vocation à se substituer à aucune autre collectivité, que ce soit la Région ou la Ville de Paris. En tant qu’intercommunalité, sa mission est de travailler uniquement pour les communes qui la composent : ma principale préoc-

© Vernier/JBV NEWS

n le développement économique, social et culturel.

A titre personnel, je préfère “brûler les étapes” sur la mise en place de la Métropole afin que nous puissions exercer nos compétences le plus rapidement possible, et apporter des réponses concrètes aux interrogations des sept millions d'habitants qui se trouvent dans notre périmètre.

patrick ollier lors du meeting de nicolas sarkozy en 2014, alors candidat à la présidence de l’uMp.

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© Benh LIEU SONG

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“J’ai affirmé dès le départ ma volonté d’une Métropole stratège qui puisse assurer sa mission de proximité, reposant sur le couple commune-territoire” assure patrick ollier.

cupation est donc que l’ensemble des maires concernés puisse rapidement percevoir les résultats de notre action. En quoi cela poserait des problèmes à la Région ? C’est la collectivité supérieure, qui regroupe 12 millions d’habitants dans un périmètre beaucoup plus grand, avec des compétences bien plus précises et plus vastes que les nôtres. Elle doit donc porter à la Métropole le même soutien qu’aux autres collectivités de son territoire. La Métropole est une chance, y compris pour la Région, puisqu’elle permet d’exprimer les objectifs de 131 communes d’une seule et même voix. Je voudrais dire aux pessimistes et à ceux qui ont des doutes, que l’expérience démontrera que les conflits et les confrontations n’auront pas lieu d’être, d’autant plus que j’ai une confiance totale en la compétence de Valérie Pécresse. La MGP ne veut pas se construire contre la Région, mais dans un partenariat actif et utile à l’intérêt public.

Ne sera-t-il pas difficile de rendre “lisible” au plan international l’activité d’une Métropole qui, vue de Singapour ou de Brasilia, pourrait être facilement confondue avec la ville de Paris ou la région Ile-de-France ? Ce point mériterait justement un travail commun entre la Ville de Paris, la Région et la Métropole. Notre intérêt est de rendre nos

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131 communes les plus attractives possibles pour inciter les investisseurs à s’y implanter : cet objectif ne sera atteint qu’à condition de faire converger tous nos efforts. Aujourd’hui, l’entité la plus visible de toutes est incontestablement la Ville de Paris : elle sera donc le porte-avion de ce que la Métropole pourra faire en synergie pour l’ensemble de ses maires, tout en renforçant les relations internationales à l’échelle de l’Île-de-France. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que j’ai confié la vice-présidence aux Relations Internationales à Anne Hidalgo, la maire de Paris étant la plus “lisible” des membres de la Métropole à l’étranger.

“La Métropole ne veut pas se construire contre la Région, mais dans un partenariat actif et utile à l’intérêt public.” Ce que je souhaite avant tout, c’est que l’on réussisse pour les sept millions d’habitants dont la loi nous confie la responsabilité. C’est la raison pour laquelle j’ai mis de côté mes idées politiques, comme mes collègues de tous les partis, pour créer une gouvernance par-


“Je voudrais dire aux pessimistes et à ceux qui ont des doutes, que l’expérience démontrera que les conflits et les confrontations n’auront pas lieu d’être.”

tagée dans le respect des différents groupes. Je pense que cet effort commun mériterait d’être davantage mis en lumière, car le fait d’y être arrivé dans le cadre d’un projet aussi ambitieux que la MGP a d’autant plus de sens.

Les représentants des 131 communes réunis sous votre autorité vont devoir beaucoup travailler pour “inventer” cette nouvelle collectivité, ses usages, sa fiscalité, etc... Est-ce que cela ne se fera pas au détriment du “devoir de proximité” qui est celui des élus locaux ? Pas du tout. J’ai affirmé dès le départ ma volonté d’une Métropole stratège qui puisse assurer sa mission de proximité, reposant sur le couple commune-territoire, qui sera notre interlocuteur principal en matière de coordination, d’harmonisation, ou encore de

mutualisation. Nous sommes une assemblée de maires et la MGP fera le nécessaire pour que la libre administration des communes soit respectée. L’intérêt de se regrouper prend d’autant plus de sens face aux décisions fortes que nous serons amenés à prendre : il vaut mieux décider une seule fois pour 131 communes qu’inversement ! Ce fonctionnement va vers davantage de simplification et de clarification des compétences, contrairement à “la couche supplémentaire au millefeuille” que dénoncent les détracteurs. Comme souvent, ce sont ceux qui connaissent mal le dossier qui en parlent le plus savamment. Enfin, au niveau du bureau métropolitain, nous avons décidé unanimement au démarrage qu’aucun élu ne touchera d’indemnités tant que les instances et le fonctionnement de la Métropole ne seront pas effectifs. C’est une mesure qui a du sens, non ? n Propos recueillis par Pauline Pouzankov

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LOCAL En février, la commission des finances du Sénat recevait Philippe Yvin ainsi que Jean-Yves Le Bouillonec, respectivement président du directoire et président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. L’occasion de revenir sur le projet colossal du Grand Paris Express.

Les 12 travaux du Grand paris express

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our comprendre le but de ce chantier titanesque, certains chiffres doivent être pris en compte. En Île-de-France, 8,5 millions de voyageurs empruntent quotidiennement les transports en commun. La région accueille 10 % du réseau pour 40 % du trafic à l’échelle du pays, un trafic important qui a augmenté de 21 % en 10 ans. Augmentation qui n’a pas été suivie des adaptations nécessaires. Le réseau est aujourd’hui engorgé et ne répond plus aux attentes de ses usagers. C’est dans ce cadre que le Gouvernement et les collectivités territoriales souhaitent la mise en place d’un “Nouveau Grand Paris des Transports”. Au programme : la modernisation et l’extension du réseau existant en Île-de-France, ainsi que la réalisation de nouvelles lignes de métro.

l’avancement du nouveau réseau Le Grand Paris Express constitue un projet stratégique pour la région Île-de-France : le prolongement et la construction de 200 km de lignes de métro automatiques pour relier les territoires de la région à travers la création de 68 gares. Il est notamment constitué d'une ligne de rocade autour de Paris et de lignes de périphérie à périphérie. Deux millions de voyageurs seront amenés à emprunter chaque jour ce nouveau réseau. Le premier jalon devrait voir le jour fin 2019 avec le prolongement de la ligne 14 nord jusqu’à la mairie de Saint-Ouen, puis fin 2020 avec la 15 Sud entre le Pont de Sèvres, à Boulogne-Billancourt et Noisy-le-Grand (Champs-sur-Marne). Le reste des différents tronçons devraient théoriquement être mis en service entre 2024 et 2030. Il n’empêche que les attentes sont déjà grandes. Néanmoins, entre la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, et l’exposition universelle de 2025, la Société du Grand Paris est tenue aux résultats par deux rendez-vous mondiaux. L’objectif actuel est de sécuriser le financement du projet en réduisant son coût global de l’ordre de 3 milliards d’euros, pour respecter un coût d’objectif arrêté à 22,625 milliards d’euros, présenté par le Gouvernement le 6 mars 2013. Les ressources dont dispose la Société du Grand Paris sont majoritairement issues de recettes fiscales à hauteur de 500 millions d’euros par an, ainsi que de prêts à très long terme accordées par la BCI. L’État quant à lui injectera 1 milliard 500 millions d’euros, et l’Union européenne accorde une subvention de 30 millions. L’argent vient donc principalement des Franciliens, particuliers ou entreprises, ainsi que de fonds privés via les prêts contractés.

le plus grand défi : la légitimité Néanmoins, la Commission des finances ne cache pas son scepticisme quant à certains aspects du projet final, voire même sur l’acteur du projet tout court. Vent debout, le sénateur du Val d’Oise Francis Delattre ne décolère pas d’un projet “d’aggravation des inégalités sociales ”. En cause, une future desserte de son département largement minoritaire par rapport à d’autres territoires comme les Yvelines : “nous payons les taxes, mais en n’ayant quasiment aucun avantage”. En marge des guerres d’intérêts concernant le tracé des futures voies ferroviaires, certains pointent des questions de fonctionnement, ainsi que de légitimité de la Société du Grand Paris face aux opérateurs existants, à savoir le STIFF, la RATP et la SNCF. Ainsi pour Roger Karrouchi, “il faudrait se poser la question de la fin de l’existence de la Société du Grand Paris ”. Pour le sénateur des Hauts-de-Seine, il est invraisemblable qu’une telle entreprise soit confiée à un organisme particulier, alors que d’autres opérateurs existent. De plus, la priorité serait plutôt de privilégier la rénovation des lignes existantes. Jean-Yves Le Bouillonec rétorque : “la Société du Grand Paris a été conçue comme l’acteur de ce réseau nouveau pour le territoire francilien. Pour quelle raison ? Parce qu’il y a une incapacité pour les acteurs préexistants de l’assumer. ” Le Grand Paris Express continue de cristalliser les tensions à travers sa société d’exploitation, et par extension la Métropole du Grand Paris, vue par certains comme une collectivité supplémentaire qui supplante les organisations régionales n

louis Watrelot

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© Vernier/JBV NEWS

ANALYSE

Brexit et tafta : deux dossiers liés même s’ils n’en ont pas l’air… le lieN SeMBle Peu éViDeNt eNtre le réFéreNDuM Sur le Brexit OrgaNiSé le 25 JuiN PrOchaiN eN graNDe-BretagNe et le traité De liBre-échaNge SuScePtiBle D’être cONclu eNtre leS etatS-uNiS et l’uNiON eurOPéeNNe. eN réalité, leS Deux PerSPectiVeS SONt JuMelleS car WaShiNgtON a BeSOiN D’alliéS DaNS la Place à BruxelleS POur OBteNir uN accOrD aVaNtageux. la SOrtie DeS BritaNNiqueS Ne SerVirait PaS SeS iNtérêtS. D’Où le ViBraNt PlaiDOyer eurOPéeN De Barack OBaMa PrONONcé à lONDreS eN aVril DerNier, au cOurS D’uNe ViSite à graND SPectacle MiSe eN ScèNe Par DaViD caMerON.

L’

éditorialiste du Guardian, dans l’une de ces inimitables formules chères à nos confrères anglais, résume : “l’Amérique aime que la Grande-Bretagne soit déjà mariée”. Sous-entendu, c’est dans une sorte de ménage à trois que les Etats-Unis trouvent le plus leur bonheur car un Royaume-Uni sorti de l’Europe se retrouverait dans la situation de l’épouse qui quitte son mari pour se faire épouser par un amant qui n’en demande pas

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tant. Cette remarque plus inspirée semble-t-il par Sacha Guitry que par Shakespeare résume bien la situation. Le président américain, dans ses discours comme dans ses réponses devant 500 étudiants, a mouillé la chemise à Londres. Il ne veut visiblement pas que le camp europhobe, toujours bien fourni Outre-Manche triomphe le 25 juin. Cela s’explique pour des raisons historiques mais aussi par des contingences beaucoup plus récentes. C’est parce que la GrandeBretagne, sans être membre de la zone euro et tout en profitant de


L’art du lobbying Les USA ont cru longtemps qu’ils pourraient se désintéresser un jour de la Vieille Europe laissée à ses charmes surannés et ses mérites certains pour se consacrer à l’Asie dans un encerclement plus ou moins amical de la puissance montante, la Chine. Mais la crise ukrainienne et l’implication brutale de Poutine au ProcheOrient via la Syrie leur ont montré qu’ils s’étaient trompés dans une stratégie qui consistait, en gros, à faire étalage de puissance en écrasant leurs ennemis (l’Irak), en soutenant leurs alliés économiques (les monarchies du Golfe) et en faisant ami-ami avec leurs anciens adversaires (l’Iran). Rien de cela ne marche, ne serait-ce que parce que les dirigeants de l’Arabie saoudite ne veulent pas les voir pactiser avec l’Iran. Et une double menace s’est alors dessinée : celle du retour d’une Russie conquérante et celle du fondamentalisme islamique propageant le terrorisme dans l’ensemble des pays arabes comme en Occident, après s’être taillé un bastion territorial aux confins de la Syrie et de l’Irak. Résultat : les Américains n’auront jamais plus les moyens, même si ceux-ci sont colossaux, de jouer à

eux seuls les gendarmes du monde. Il faut qu’une Europe forte vienne à la rescousse, en Afrique et partout où cela chauffe. Un seul problème : à part la France et la Grande-Bretagne, peu de nations européennes sont en mesure de jouer un rôle militaire car elles ont toujours vécu, avec les encouragements de Washington, dans l’idée que l’OTAN et la puissante Amérique les protégeaient. C’est la raison pour laquelle le discours d’Obama à Londres a marqué une vraie nouveauté dans la façon de considérer l’Europe. Une façon de dire : tant pis si elle nous conteste notre suprématie, il vaut mieux qu’elle soit forte parce qu’il s’agit en fait de la survie du monde occidental.

Dans les propos du locataire (en fin de bail) de la Maison-Blanche a surgi, au beau milieu du prêche europhile, un éloge appuyé de l’éventuel accord de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis, qu’il est convenu d’appeler le TAFTA (traité de libre échange transatlantique). Ce n’était pas un cheveu sur la soupe. Le message était, encore une fois, de mettre en garde la Grande-Bretagne sur les dangers du Brexit. Il s’agissait de dire - et le président américain s’est fait explicite sur ce point - que, dans l’Europe, les Britanniques profiteraient un jour d’un véritable “marché unique” avec les USA, tandis que, isolés, il n’y arriveraient qu’en “queue de peloton”. Il faut à ce sujet, même si cela est passé inaperçu en France, signaler le commentaire très avisé de l’ancien ministre des relations extérieures du Québec Jean-François Lisée, grand connaisseur du dossier. Le canadien (francophone) a traduit les propos d’Obama de cette façon : “Soyez de bons européens et je vous promets l’Amérique ”. Car, bien entendu, tout est lié : si le Brexit se produit, la négociation sera plus difficile avec l’Europe car “l’anglosphère” sera mal représentée à Bruxelles. Le TAFTA, chargé de tous les maux par tout ce que l’Europe comporte d’anti-américains primaires, n’aurait guère de chances d’être accepté sans l’art du lobbying des britanniques. On connait la chanson : le poulet lavé à l’eau de Javel débarquant dans nos supermarchés, le boeuf aux hormones à l’étal du boucher, etc… Ce péril, associé dans la fantasmagorie populaire aux pesticides, aux OGM, aux fast-foods et à l’obésité infantile, représente en apparence l’un des plus sûrs obstacles à la suppression des droits de douane des deux côtés de l’Atlantique. L’atmosphère de secret qui entoure les négociations a fait le reste. Mais en réalité, les obstacles sont plus du côté américain que dans la tête de nos éleveurs et consommateurs. Les Etats-Unis n’arrivent pas à établir de véritables accords de libre-échange avec leurs propres voisins. Le Canada et le Mexique ont accepté à plusieurs reprises des accords divers et variés sur quantité de produits sans pour autant parvenir à se retrouver fournisseurs au coeur de la richesse américaine : les marchés publics. Union capitaliste et en théorie libérale d’Etats qui le sont tout autant, la nation américaine est hérissée de barrières protectionnistes qui empêchent en matière de téléphonie, de défense, de bâtiment ou de travaux publics la moindre incursion d’entreprises étrangères. Les européens sont bien placés pour le savoir et la douloureuse affaire des Airbus de ravitaillement militaire — commande acceptée puis annulée — a été là pour nous rappeler que l’US Navy n’a guère de chances, TAFTA ou pas, de s’équiper de sous-marins français à l’image de la très avisée marine australienne. Les Allemands rêvent bien sûr de vendre plus de Mercedes et de BMW dans les garages chics de Los Angeles ou de New-York, tandis que les américains songent à nous inonder de petites voitures électriques connectées et contrôlées par Google. Mais en attendant le TAFTA ne pourrait être qu’un accord léonin, désavantageux pour un pays comme la France et à peine intéressant pour la Grande-Bretagne n François Domec

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ANALYSE

quantité d’exceptions, a su noyauter la plupart des institutions communautaires que “l’anglosphère” est si bien représentée à Bruxelles. La prédominance linguistique de l’anglais, le prestige d’Oxford, les traditions militaires et diplomatiques ainsi que le fascinant folklore royal des “British” donnent souvent un complexe d’infériorité aux autres partenaires. A côté d’eux, les Français ont parfois peur de passer pour des fantaisistes et les Allemands pour des lourdauds. D’où une situation particulière : l’influence administrative de la Grande-Bretagne, parfois à de très modestes niveaux de décision dans les couloirs de la Commission, paraît plus considérable que son poids spécifique en matière économique et démographique ou, sur le plan politique, quant à la sincérité de son engagement européen. “Les Anglais ont l’art de faire avancer leurs dossiers et d’obtenir des avantages en menaçant de s’en aller ” dit-on à Bruxelles comme à Strasbourg car ce qui était vrai du temps où Mme Thatcher clamait “I want my money back ” l’est resté. Les Etats-Unis ont toujours apprécié cette stratégie d’influence, en pensant que ce qui était bon pour les Anglais (au sens large) ne saurait être mauvais pour eux et qu’une Europe ainsi composée ne basculerait pas facilement dans l’anti-américanisme primaire. Les velléités centrifuges qui agitent tous les pays de l’Union (et pas seulement la Grande-Bretagne) créent cependant une nouvelle situation pour Washington. Car le “Brexit” pourrait avoir une conséquence dépassant son simple enjeu initial. Il risquerait en effet de libérer en Europe toutes les énergies hostiles à la construction communautaire et, à terme plus ou moins rapproché, de provoquer l’effondrement de l’édifice. Et cela serait vraiment dommageable aux intérêts de l’Amérique d’aujourd’hui. Pourquoi ? Tout simplement parce que le regard porté par la communauté diplomatique et politique du nouveau continent sur l’ancien n’a pas cessé d’évoluer. En pleine guerre froide, les pères fondateurs de l’Europe des six (atlantistes convaincus, à l’image du français Jean Monnet) paraissaient offrir un excellent rempart contre le communisme. Puis, après la réunification allemande et l’instauration de l’euro, les Etats-Unis se sont mis à douter : une “Europe puissante” n’était-elle pas en train de naître, menaçant leur leadership mondial. Les crises successives de la Grèce, le désordre structurel et l’impopularité des institutions, ainsi que l’égotisme à des degrés divers des dirigeants nationaux de chaque pays finirent par les rassurer… Mais trop, c’est trop : si une Europe brinquebalante leur va bien, une Europe disloquée leur fait peur. Car la donne mondiale a changé. Obama ne s’en est pas caché à Londres.

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EUROPE

Brexit or not Brexit ?

Un jour oui, un jour non. Au Royaume-Uni, les sondages sur le Brexit se suivent et ne se ressemblent pas. A quelques encablures de la date butoir du 23 juin, impossible de savoir si les Britanniques veulent, ou pas, rester dans l’Union européenne. Tout au plus peut-on se référer au poll of polls, une moyenne des derniers sondages effectués. Marc-Olivier Padis, directeur des études du think tank Terra Nova, nous a livré quelques éléments de réponses.

Marc-Olivier Padis Directeur des études chez Terra Nova

Pourquoi l’organisation d’un tel référendum ? C’est une promesse de campagne de Cameron, coincé entre un fort courant eurosceptique de son parti et la progression électorale du parti Ukip, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, qui prône la sortie de l’UE. C’était un calcul tactique pour être réélu en 2015 : gagner du temps en repoussant les échéances, donner l’impression de trancher un sujet difficile en s’engageant à redonner la parole aux électeurs, reprendre l’initiative par rapport aux anti-européens en imposant des conditions au maintien dans l’UE. Mais ce calcul pourrait bien se retourner contre le Premier ministre britannique : il s’est longtemps présenté comme neutre et épouse tardivement la cause européenne, sans avoir vraiment obtenu de gains majeurs à Bruxelles. Il fait maintenant campagne pour le maintien dans l’Union mais sans valoriser l’Europe et ce qu’elle apporte de positif, comme s’il partageait le rejet affectif de l’Europe de la presse populaire.

Quelles seraient les conséquences sur la vie quotidienne des Britanniques en cas de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne ? Dans la mesure où les Britanniques ne participent ni à l’espace Schengen ni à l’euro, on peut avoir l’impression que rien de très visible ne changerait. Pour un Français, en effet, la monnaie et la possibilité de franchir facilement les frontières font partie des éléments les plus tangibles de l’appartenance européenne. Beaucoup de Britanniques pensent sans doute à l’allègement de la contribution, pourtant déjà réduite, de leur pays au budget européen. Un petit effet pour les porte-monnaie. Et les partis europhobes ont beaucoup parlé des Polonais qui ne pourraient plus venir aussi facilement travailler dans les conditions garanties par le marché unique. Mais là n’est pas l’essentiel. Les militants du Brexit ne parlent pas beaucoup, dans la campagne référendaire, de la tournure que

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prendrait une sortie de l’UE. Car ils sont bien en peine de décrire les effets d’une sortie. L’effet le plus important serait que la GrandeBretagne aurait à négocier un nouvel accord d’association avec l’UE et, au-delà, des accords commerciaux avec tous les partenaires économiques de l’UE. Une négociation qui partirait de zéro car aucun projet n’est dans les cartons. La tentation est grande, pour une partie du secteur économique et de la finance, de poursuivre sur la voie du dumping fiscal et réglementaire sur laquelle le pays est déjà engagé. Pourquoi ne pas devenir le Singapour du Nord ? Après tout, c’est aussi une île... L’Europe semble promise au déclin, se disent-ils, l’Asie s’est imposée sur la scène mondiale, l’Afrique promet beaucoup... Mais la Grande-Bretagne indépendante a-t-elle un poids suffisant pour négocier des accords commerciaux favorables ? Avec moins de 1 % de la population mondiale, elle pèse moins de 3 % de la production mondiale. Ce qui n’est pas un mauvais résultat mais qui ne pèse guère face à l’Inde et à la Chine. Pour les États-Unis, ce partenaire détaché de l’ensemble continental est moins stratégique. Pour les multinationales, le déménagement des sièges sociaux est déjà à l’étude : mieux vaut avoir un pied à Paris ou à Munich pour se conformer aux normes valables pour l’Europe dans son ensemble. Pour la vie quotidienne des Britanniques, on assisterait donc à un ralentissement de l‘activité économique (des commentateurs anticipent une chute de 4 % du PIB) dû au ralentissement des échanges avec le continent. Quelles seraient les conséquences pour les autres pays européens en cas de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne ? Pour les autres pays européens, les effets ne seraient pas négligeables. Tout d’abord, l’Ecosse, qui souhaite rester dans l’UE, se trouverait exclue contre son gré et devrait faire une démarche pour y être acceptée de nouveau. Ce qui ne manquerait pas de créer des difficultés, car l’Espagne et peut-être l’Italie ou la Belgique n’accepteraient sans doute pas qu’une région autonome puisse adhérer directement à l’UE. Dans ce cas, l’Ecosse exigerait-elle une indépendance complète ? Triste bilan pour David Cameron. L’Allemagne verrait son jeune leadership très contesté. Si la stabilité politique et la prospérité économique allemandes, confortées par le solide consensus interne en faveur de l’Europe, ont donné à l’Allemagne des responsabilités nouvelles, une sortie britannique marquerait une certaine incapacité à créer du consensus, à se poser en garante d’une “union sans cesse plus étroite”. L’obligation


de construire tous les accords européens avec la France se trouverait rappelée à l’Allemagne. La France, de son côté, se trouverait privée de son allié de substitution et partenaire privilégié sur les questions militaires, diplomatiques et énergétiques (nucléaire). Les pays de l’ancien bloc soviétique perdraient pour leur part le champion d’une Europe-marché sous protection américaine dont ils partagent la vision. Enfin, l’Europe dans son ensemble perdrait une place financière majeure, qu’elle n’aurait plus la possibilité d’intégrer à un programme de régulation ambitieux.

la France... Les partis populistes pourraient rapidement demander qu’on “redonne la parole au peuple” ou qu’on obtienne des aménagements et des dérogations par la menace du référendum. Cela pourrait structurer durablement le débat européen dans une série de pays tentés par les égoïsmes nationaux, d’autant plus que l’Union donne le triste spectacle d’une improvisation permanente.

David Cameron pose certaines conditions au maintien de son pays dans l’Union européenne. Pensez-vous qu’il soit trop exigeant et si oui sur quelles conditions ?

Le départ du Royaume-Uni mettrait un terme à la dynamique fondatrice de l’“Union sans cesse plus étroite”. Le mouvement historique apparaîtrait réversible et l’idée européenne aurait peutêtre passée son heure. Le mouvement inverse de la dislocation serait-il cependant assez attractif pour constituer le “Grand Récit” de la période ? L’argument fort des Britanniques hostiles à l’Europe consiste à vanter un système de représentation et de décision démocratiques “qui a fait ses preuves” depuis plusieurs siècles. Tous les États européens ne peuvent pas en dire autant. C'est l’Europe ou la perspective de l’intégration européenne qui ont stimulé la transition démocratique du Sud (Portugal, Espagne, Grèce) et de l’Est. Le retour à la stricte souveraineté nationale accompagnerait un mouvement de démocratisation dans un nombre important de pays. Il est vrai que le mouvement est déjà entamé en Hongrie, sans que l’appartenance à l’Europe parvienne à freiner la dérive autoritaire du régime. On peut douter en tous cas que la sortie éventuelle du Royaume-Uni offre l’opportunité de relancer la construction européenne, délivrée du frein britannique, comme l’espère l’ancien Premier ministre français Michel Rocard. Les Britanniques ont certes adopté une attitude non-coopérative sur de nombreux dossiers et ont négocié des exemptions dans une Europe à la carte. Mais leur départ ne suffirait pas à créer une dynamique. Tout d’abord, parce que ce départ, on l’a dit, donnerait le sentiment que le vent de l’histoire a tourné. Ensuite, parce qu’il ouvrirait une période de surenchères anti-européennes parmi les partis populistes. Enfin, parce qu’une relance européenne ne pourrait venir que d’une initiative franco-allemande, inexistante à ce jour et difficile à imaginer alors que les deux pays entrent presque simultanément en période pré-électorale... n

En fait, les Européens ont très peu cédé à Cameron, même s’ils l’ont laissé paraître vainqueur pour augmenter ses chances de gagner le référendum, ce qui est l’intérêt européen commun. Une fois sorti de ce feuilleton du référendum, Cameron pourra peutêtre changer la nature du débat sur l’Europe en Grande-Bretagne et jouer un autre rôle dans les Conseils européens... Cameron voulait “rester dans une Europe réformée”. Il n’a obtenu aucune renégociation des traités et les points concédés inscrivent plutôt l’approfondissement d’une exception britannique qu’un changement des règles communes.

© European Union 2016

En cas de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, pensez-vous que d’autres pays pourraient suivre ? Si oui, lesquels ? D’autres départs sont possibles, en particulier dans les pays “nouveaux entrants” devenus très eurosceptiques comme la Pologne, la Hongrie ou la Slovaquie. Mais, pour ces pays, la pente autoritaire russe est un facteur qui n’est pas négligeable. Et l’exemple ukrainien a de quoi les faire réfléchir. La Pologne, en particulier, a de bonnes raisons de se méfier du nouveau “désir d’empire” russe. Sur le Maidan à Kiev, des Ukrainiens défendaient leur indépendance nationale, le drapeau européen à la main. Mais, indépendamment de la situation orientale, il est certain qu'en cas de départ du Royaume-Uni, le chantage au referendum deviendrait une arme politique tentante dans de très nombreux pays, à commencer par

Pensez-vous qu’un départ du Royaume-Uni de l’Union européenne signe le début de la fin de l’UE ?

Propos recueillis par laure tosin

“une fois sorti de ce feuilleton du référendum, cameron pourra peut-être changer la nature du débat sur l’europe en Grande-Bretagne et jouer un autre rôle dans les conseils européens.”

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pierre Moscovici : “Jouer seLon Les rèGLes, et non pas avec Les rèGLes”

EUROPE

Suite aux révélations des Panama papers, l’Europe veut contraindre les multinationales à plus de transparence. Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des Affaires économiques, monétaires et fiscales, a accepté de répondre à nos questions.

© European Union 2016 - Source : EP

chiffre d’affaires de toutes les multinationales et reprend celui déjà fixé par l’OCDE. Ce seuil est donc pleinement pertinent. Cette directive ne risque-t-elle pas de porter un coup aux investissements en Europe ? Je suis convaincu qu’il n’existe pas d’opposition entre transparence d’une part, et activité économique, attractivité et investissements d’autre part. Au contraire, et c’est tout le sens de nos propositions : nos mesures s’appliquent à toutes les multinationales présentes dans l’Union européenne ; elles éviteront une mosaïque de législations nationales, qui nuirait fortement au marché intérieur et donc à l’activité économique des entreprises européennes ; et elles façonnent une fiscalité en Europe favorable aux entreprises qui jouent selon les règles, et non à celles qui jouent avec les règles.

“Je suis convaincu qu’il n’existe pas d’opposition entre transparence d’une part, et activité économique, attractivité et investissements d’autre part." Votre proposition consiste à obliger les multinationales présentes dans l’Union européenne à publier leurs données fiscales et comptables dès que leur chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros : pourquoi avoir choisi ce seuil là en particulier ? N’exclut-il pas une grande partie des entreprises ? Cette proposition, portée avec mon collègue Jonathan Hill, vise justement les entreprises multinationales qui sont les plus à même de se lancer dans des activités de planification fiscale agressive. On estime qu’au moins 6000 multinationales actives sur les marchés de l’UE devront établir un rapport d’informations pays par pays. Le chiffre d’affaires de ces entreprises représente environ 90% du

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Qu’en est-il du projet de paquet “antifraude” présenté en janvier ? Notre paquet de lutte contre l’évasion fiscale part d’un constat : certaines entreprises ne paient pas leur juste part d’impôt, voire ne paient pas d’impôt du tout. Cela n’est plus acceptable. Nos mesures reposent sur quatre piliers : une imposition effective – et non pas théorique – des entreprises; un saut qualitatif pour la transparence fiscale; une concurrence fiscale équitable et saine; et une stratégie externe pour lutter contre l’évasion fiscale à l’international et mieux appréhender la bonne gouvernance fiscale avec les


Etats tiers. Je sais pouvoir compter sur l’appui précieux du Parlement européen pour avancer en matière fiscale. Quel sera le calendrier d’élaboration et d’adoption finale de la proposition émise par la Commission européenne ? Les premiers résultats sont déjà là : le 8 mars dernier – 40 jours à peine après sa présentation –, la proposition de Directive sur le reporting pays par pays, a été adoptée par les ministres des finances de l’Union. C’est une réussite majeure, en un temps record. Ces mesures, qui reprennent les recommandations de l’OCDE contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, acronyme pour “Base Erosion Profit shifting”), permettront aux administrations de mieux contrôler les transferts irréguliers de profits entre entreprises et de mieux orienter leurs contrôles fiscaux. Concernant la proposition de Directive sur la lutte contre l’évasion fiscale, les discussions techniques progressent très rapidement au Conseil. La Présidence néerlandaise a confirmé son souhait d’aboutir à un accord politique. Je suis confiant que nous y parviendrons d’ici juin. Enfin, je souhaite que nous aboutissions dans les prochains mois sur notre proposition d’une liste noire commune européenne des paradis fiscaux.

Plus de transparence pour les multinationales est un élément clé dans la lutte contre la planification fiscale agressive et l’évasion fiscale. Elle permet aux décideurs, citoyens et consommateurs de connaitre réellement les pratiques de ces entreprises. Nous avons aussi fait des pas de géant sur la transparence pour les citoyens en Europe, notamment avec les accords conclus avec la Suisse, Andorre, Saint-Marin et le Liechtenstein – Monaco suivra bientôt – sur l’échange automatique d’informations relatives aux comptes financiers. C’est véritablement la fin du secret bancaire en Europe. Malgré la transparence, il existe encore des régimes de faveur dans certains pays membres : une uniformisation fiscale serait-elle à terme, une solution envisageable en Europe ? Une uniformisation fiscale serait en effet une solution efficace. C’est pourquoi nous avons relancé le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). Elle permettrait de créer un ensemble unique de règles que les entreprises transfrontalières pourraient utiliser pour calculer leur bénéfice imposable dans l’Union européenne. Nous travaillons actuellement sur cette proposition, que je présenterai d’ici la fin de l’année n

Propos recueillis par Pauline Pouzankov

© European Union 2016 - Source : EP

Vous avez affirmé que “l’UE sera la première zone du monde à franchir le pas de la transparence intégrale” : croyez-vous que cette initiative pourra donner une nouvelle dimension à la lutte

contre l’évasion et la fraude fiscale ?

pierre Moscovici souhaite aboutir dans les prochains mois à la proposition d'une liste noire commune européenne des paradis fiscaux.

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ÉCONOMIE

panaMa papers : frédéric oudéa s’expLique

© Vernier/JBV NEWS

Vivement critiquée depuis l’éclatement du scandale des “Panama papers”, la Société générale a du répondre de ses actes devant une commission du Sénat le 11 mai dernier. Frédéric Oudéa, le Directeur général, a contesté les accusations affirmant que la banque aurait facilité des cas de fraude fiscale via le cabinet panaméen Mossack Fonseca.

par le communiste Eric Bocquet qui tient à rappeler “qu’il ne s’agit pas là d’une audition tout à fait ordinaire ”. Au DG de Société Générale de réfuter, en s’appuyant sur plusieurs arguments. Notamment, les procédures mises en place par la banque pour s’assurer de la transparences des sociétés offshore, moyennant 70 déclarations de soupçons en 2015. Les entreprises qui seraient encore actives et montées avec Mossack Fonseca s’élèveraient au nombre de 66, dont six à Panama. Neuf autres se situeraient également dans ce pays mais dépendraient d’autres cabinets. Une opacité persistante

frédéric oudéa estime que “laisser penser que le groupe société Générale serait au cœur de l’évasion fiscale est une information erronée et injustifiée.”

L

a Société Générale a-t-elle les mains sales ? C’est à cette question qu’a dû faire face Frédéric Oudéa devant une assemblée de sénateurs en deux heures top chrono. Conscient du peu de temps dont il dispose face à l’ampleur des accusations, le directeur général n’a pas ménagé ses propos : “l’affaire des Panama Papers ne reflète ni la situation actuelle, ni la politique menée par la Société Générale depuis plusieurs années en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.” Voila qui est dit. S’il estime que “les attentes de l’Etat et de l’opinion publique sont légitimes”, Frédéric Oudéa maintient que sa banque “exerce son métier avec la plus grande responsabilité”, avant d’ajouter : “laisser penser que le groupe Société Générale serait au coeur de l’évasion fiscale est une information erronée et injustifiée”. Une conviction de façade que ne semblent pas partager l’ensemble des élus présents : à commencer

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Quelles conséquences pour l’avenir des sociétés restantes ? A priori aucune. Selon Frédéric Oudéa, chacune des ces entités respecte la législation fiscale des bénéficiaires finaux, à savoir les clients de la Société Générale. Se pose la question de la raison même de leur existence. A cette colle le DG donne une définition assez évasive : “cet outil, légal, permet aux clients d’assurer leur confidentialité dans un cadre professionnel, mais aussi patrimonial dans le cadre de successions compliquées”. Le doute est encore permis, car toute la procédure de contrôle de création des sociétés off-shore via le service fiduciaire de la banque privée est actuellement soumise à un service interne à la Société Générale. Au-delà des preuves attestant des procédures mises en place pour garantir une parfaite transparence et la conformité aux normes nationales et européennes, un autre point de défense est purement économique. “La banque privée ne représente que 3% des 25 milliards de revenus annuels du groupe ”, et le service fiduciaire “2 millions”. Par cette phrase il faut comprendre : pourquoi la Société Générale se salirait les mains dans une histoire de fraude fiscale, alors que les bénéfices susceptibles d’en être retirés ne représentent qu’une infime part du trésor de guerre de la deuxième banque de France ? Au moment même de cette audition, un nouveau rebondissement avait lieu dans la sphère financière française. D’après Le Monde, Le Crédit Agricole a lui aussi eût recours au désormais mondialement célèbre cabinet Mossack Fonseca pour la création de sociétés off-shore. Les banques n’en ont pas fini avec l’enfer des paradis fiscaux n Pauline Pouzankov et louis Watrelot


crise MiGratoire : queLLes soLutions pour L’europe ?

POLITIQUE

© European Union 2015

“Chaque jour, plus de 1 700 réfugiés arrivent en Europe”. Le ton est donné par Mathilde Berthelot, responsable de programmes Médecins Sans Frontières (MSF), lors d’une table ronde à l’Assemblée nationale. L’occasion de faire le bilan sur la situation migratoire et les accords passés entre pays européens. de comptabiliser les sévices policiers subis par les réfugiés, “violences qui représentent 85 %, le reste étant dû à des groupuscules d’extrême droite ”. Quel est le sort des migrants ? Les 17 et 18 mars, un sommet entre l’Union Européenne et la Turquie s’est déroulé dans le but de trouver une solution face à cette arrivée massive de migrants. Après deux jours de négociations, un accord pour interdire le passage de la mer Egée aux migrants et aux réfugiés a été conclu entre Bruxelles et Ankara. Depuis le 20 mars minuit, tous les réfugiés tentant de forcer le passage sont désormais renvoyés en Turquie. L’objectif de cette démarche : convaincre les réfugiés syriens d’y rester afin de bénéficier des programmes de réinstallation prévus sur place, sans parler du controversé principe du “un pour un”. Il prévoit que pour chaque syrien arrivé illégalement en Grèce et donc renvoyé en Turquie, un autre syrien arrivé en Turquie sera installé en Europe. L’Union européenne s’engage ainsi à prendre en charge 72 000 réfugiés syriens.

plus de 131 860 personnes ont débarqué sur les côtes grecques entre le 8 et le 11 mars.

D

epuis le début de l’année 2016, la situation va de mal en pis. Pour cause, ils sont 10 500 Syriens, Afghans ou Pakistanais à être arrivés en Grèce depuis début janvier. Rien qu’en seulement trois jours, la directrice des programmes de MSF précise que “plus de 131 860 personnes ont débarqué sur les côtes grecques du 8 au 11 mars ”. Une situation alarmante que l’organisme humanitaire tente de résoudre en élaborant des projets d’aide aux réfugiés.

Vers une fin de la crise migratoire ? La majorité des dirigeants l’admettent : malgré cet accord, la fin de la crise migratoire n’est pas pour tout de suite. D’autres routes vont s’ouvrir et, avec le retour du beau temps, les traversées au départ de la Libye ont déjà repris vers l’Italie et Malte. L’Ukraine a également signalé des passages migratoires. Selon Gilbert Potier, directeur général de Médecins du Monde, il ne fait aucun doute que “les migrants emprunteront d’autres routes, de l’Albanie vers les Pouilles ou de la Libye vers l’Italie ” n

Des plans d’urgence en aide aux réfugiés

Valentine De Brye © European Union 2015

MSF a érigé plusieurs actions, notamment en Grèce et en France pour apporter secours aux réfugiés : en Grèce, un travail avec les pêcheurs locaux a été mis en place sur les îles de Samos et Agathonisi. “C’est sur les côtes grecques que les morts et les blessés se font les plus nombreux au moment de l’accostage, à cause des nombreux courants (…). Avec l’aide des pêcheurs, notre équipe s’occupe donc de récupérer toutes les personnes arrivant sur ces deux îles afin d’éviter qu’elles ne s’échouent et ainsi leur apporter les premiers secours ”, rappelle Mathilde Berthelot. Quelque 70 % des réfugiés arrivant à Samos et Agathonisi sont donc réceptionnés à l’accostage par les membres de l’ONG, “les 30 % restants sont en général récupérés par les gardes-côtes grecs ”. En France, l’organisme humanitaire international prend en charge les migrants de Calais et de Grande-Synthe. Des constructions sanitaires, consultations médicales, actions juridiques ont été mises en place sur les deux camps. “Nous avons également recensé toutes les violences qui ont pu se dérouler sur le site de Calais ”, ajoute Mathilde Berthelot. Concernant les violences justement, des juristes sont installés sur le camp calaisien depuis décembre 2015, afin d’observer et

L’union européenne s’est engagée à prendre en charge 72 000 réfugiés syriens.

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EUROPE

L’europe face à La Montée des extrêMes droites

Spécialiste des radicalismes politiques, le politologue et chercheur associé à l’IRIS Jean-Yves Camus voit en la montée des extrêmes droites en Europe une véritable lame de fond, qui ne disparaîtra probablement pas dans les années à venir.

Jean-Yves Camus Directeur de l’Observatoire des radicalités politiques et co-auteur du livre “Les droites extrêmes en Europe”

Vous affirmez que la montée des extrêmes droites en Europe n’est pas réductible seulement à la crise économique : en quoi a-t-elle favorisé leur essor ? La crise économique a exacerbé le ressentiment à l’égard des élites, considérées comme n’ayant pas su trouver de solution pérenne aux problèmes du chômage, de la délocalisation, ou encore de la baisse du pouvoir d’achat, etc. D’autres phénomènes peuvent, en parallèle, expliquer cette montée : d’abord, la présence des droites radicales dans certains pays dès les années d’après-guerre, qui leur donne une tradition politique bien établie, comme en Autriche ou en Italie par exemple. Ces partis ont su s’adapter aux conditions contemporaines, transformer leurs moyens de communication pour abandonner le fantasme de la prise de pouvoir par la force… et finir par s’insérer dans le jeu électoral. A l’est, les pays sortis du bloc communiste constatent un bilan d’intégration européenne mitigé, ce qui produit un mécontentement global, doublé d’une classe politique qui n’est peut-être pas encore aussi efficace et transparente qu’elle devrait l’être. Sans oublier un phénomène d’autant plus profond : celui du questionnement identitaire en Europe, qui donne l’impression aux populations de ne plus être celles qui façonnent le monde. Car l’histoire européenne ne s’écrit plus uniquement à partir de son propre continent, comme en témoigne la crise actuelle des réfugiés. Si la mondialisation n’est pas rejetée par tous, elle engendre chez certains citoyens un sentiment d’inquiétude, bousculant leurs repères de pensée tout en ayant des conséquences matérielles directes.

Les extrêmes droites préconisent justement la reconstruction d’un “nous” pour faire face à la mondialisation, l’américanisation, ou encore l’orientalisation du monde… Les personnes qui se situent à l’extrême droite du spectre politique sont effectivement hostiles à toute forme de supranationa-

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lité, qu’il s‘agisse de l’Union européenne, de l’OTAN ou du Tribunal pénal international. L’idée de base étant que dans les compétences régaliennes, il ne doit y avoir aucun échelon supérieur à celui de la souveraineté de l’Etat-nation.

“En Autriche ou en Italie, ces partis ont su (…) s’insérer dans le jeu électoral.” Le problème en Europe vient-il, au fond, de la montée des extrêmes droites, ou de la porosité croissante entre la droite traditionnelle et les mouvements plus radicaux ? Les deux. D’abord, parce que les partis d’extrême droite continuent de recueillir, dans plusieurs pays, un pourcentage croissant de votes aux élections : à cet égard, la Slovaquie, qui va prendre la présidence de l’Union européenne à partir du 1er juillet 2016, rassemble une forte population d’eurosceptiques. Si le problème de porosité est bien réel, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent qu’il existe un continuum entre la droite classique et les mouvements plus radicaux. Un rapide coup d’oeil aux programmes respectifs suffit pour comprendre que leurs projets idéologiques sont totalement différents. Par essence, le libéralisme et le conservatisme mettent au centre de leur philosophie politique l’individu et les libertés individuelles, tandis que les extrêmes estiment qu’il n’est rien en dehors de la collectivité. La montée des extrêmes droites n’a-t-elle pas radicalisé une partie de la vie politique, comme en témoignent certaines récupérations ? Elle a amené un certain nombre d’hommes politiques de droite à exprimer une surenchère sur les questions d’immigration, des réfugiés ou de l’identité, c’est incontestable ; sans conduire pour autant les partis libéraux ou conservateurs classiques à adopter son système de pensée. Par exemple, on peut effectivement considérer que Monsieur David Cameron fait une erreur en mettant au


référendum le Brexit, il n’en reste pas moins que son action ne peut pas être qualifiée d’extrême droite. Il en va de même pour Nicolas Sarkozy, que l’on a souvent accusé de vouloir récupérer les électeurs du Front national : au final, les actes n’ont pas suivi les mots… ce qui lui a d’ailleurs été reproché.

“Les droites extrêmes ont lutté pour se faire élire démocratiquement plutôt que par la force.”

Si l’on ne peut plus réduire le vote d’extrême droite à un vote contestataire, peut-on parler pour autant d’un vote d’adhésion ?

Les élus français, tous partis confondus, appellent à faire barrage au Front national dès lors qu’une élection se présente, sans y parvenir véritablement : comment disparaissent les extrêmes droites ? Elles ne disparaîtront probablement pas dans la décennie à venir, parce qu’il s’agit vraiment d’une lame de fond, pas simplement d’une flambée de type poujadiste comme on peut souvent l’entendre. Né en 1953, ce mouvement rentre au parlement en 1956, pour disparaître totalement deux ans plus tard, lors du retour du Général de Gaulle. Or, le FN a franchi pour la première fois la barre des 10 % aux élections européennes de 1984, pour arriver à rassembler 15 % des voix à la présidentielle au milieu des années 90. Ce phénomène s’inscrit donc dans la longévité et il est loin d’être le seul sur le continent. L’une des plus grosses erreurs que nous avons commise a été de penser qu’après les horreurs de la guerre, ces mouvements radicaux ne réapparaîtraient jamais : pourtant rien ne disparaît complètement en politique. D’autant plus que les droites extrêmes ont lutté pour réussir à s’adapter aux conditions de la compétition moderne, pour se faire élire démocratiquement plutôt que par la force n Propos recueillis par Pauline Pouzankov et louis Watrelot

© European Union 2015

Il existe clairement un socle d’électeurs solide dont le soutien s’illustre à tous les niveaux, des élections locales jusqu’à la présidentielle. Vient ensuite un volant mobile, qui émet un vote de protestation, en quête d’une véritable rupture et pas seulement d’un changement à la marge du système. Ce qu’il demande, c’est une

mutation réelle dans les pratiques du pouvoir, dans le personnel et sur un certain nombre de fondamentaux : comme la question de la priorité nationale, ou de la sortie de l’Union européenne par exemple.

pour le politologue Jean-Yves camus, la montée du front national en france est un “phénomène qui est loin d’être le seul” en europe.

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POLITIQUE Le 22 avril à New-York, une grande partie des nations ont signé la Convention pour le Climat établie lors de la COP21 à Paris. Un record qui ne doit pas laisser perdre de vue les échéances à venir.

cop21 : en france, rien n’est Joué

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la question de la transition énergétique en suspens Force est de constater qu’aucune annonce claire et précise quant à la fermeture de centrales nucléaires n’a encore fait surface. Le ministère de l’Ecologie devait présenter un plan pour rééquilibrer les différentes sources d’énergies. Car pour réduire le nucléaire, il

© Vernier/JBV NEWS

Etats signataires. Pour Ségolène Royal, présidente de la COP 21, il s’agit d’une grande victoire. Néanmoins la signature n’est que la première partie du long processus pour une application concrète de l’Accord de Paris décidé en décembre 2015. Pour que le texte soit définitivement adopté, encore faut-il que celui-ci soit ratifié au minimum par 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. A titre de comparaison, la Chine et les États-Unis totalisent à eux seuls 38% des émissions, et se sont engagés à ratifier l’accord d’ici la fin de l’année. La course à la ratification est lancée, chose que la France devrait mettre en oeuvre avant l’été avec la saisine du Parlement.

Si l’Elysée se félicite du chemin déjà parcouru, il lui reste de nombreuses casseroles à récurer avant de revendiquer le titre de défenseur du Climat. Le nombre de dossiers sur lesquels le gouvernement doit montrer des signes forts ne cessent de s’accumuler, et les réponses concrètes se font attendre. La loi sur la transition énergétique adoptée en août 2015 est pourtant claire : passer de 75 à 50 % d’électricité d’origine nucléaire en 2025, réduire de 40 % les émissions de gaz à effets de serre en 2030 et diviser de moitié la consommation d’énergie en 2050.

ségolène royal, ministre de l’ecologie et présidente de la cop21, est en première ligne de nombre de dossiers périlleux.

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faut aussi augmenter les renouvelables. Un plan était attendu avant la fin de l’année dernière, puis en mars. Désormais les annonces gouvernementales se cantonnent au développement des énergies vertes. Dernière évolution en date lors de la Conférence environnementale du 25 avril, le groupe EDF devra proposer après 2018 “la fermeture de certaines centrales” et “la prolongation d’autres”, dans le cadre de la transition énergétique, a affirmé le président de la République François Hollande. Ces propositions interviendront après l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur l’état du parc nucléaire français, attendu fin 2018. Ce sera donc le prochain gouvernement qui héritera du problème.

“Passer de 75 à 50 % d’électricité d’origine nucléaire en 2025, réduire de 40 % les émissions de gaz à effets de serre en 2030 et diviser de moitié la consommation d’énergie en 2050.” l’aéroport de la discorde gouvernementale Ségolène Royal a chargé trois ingénieurs généraux d’examiner les alternatives ou solutions “complémentaires” au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, vieux de 50 ans, qui oppose riverains, opérateurs, élus et défenseurs de l’environnement. Leur constat, rendu à travers un rapport du 5 avril, est sans appel : le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est “surdimensionné” par rapport aux besoins. Il est suggéré de le revoir à la baisse, avec la construction d’une seule piste au lieu des deux initialement prévues, ou d'agrandir l'aéroport de Nantes Atlantique. La ministre a confirmé que le référendum se tiendrait bien le 26 juin, dont la question sera : oui ou non voulez-vous le transfert de l’ancien aéroport vers un aéroport à Notre-Dame-des-Landes ? “S’il y a décision de transférer (l’aéroport de Nantes à Notre-Damedes-Landes), le rapport s’appliquera. Ça sera en effet une seule piste. 200 hectares seront rendus aux agriculteurs ”. Le Conseil d’Etat devrait rendre sa décision sur le projet d’ordonnance autorisant l’Etat à organiser une consultation locale sur un projet d’intérêt national le 14 avril. La modernisation de l’aéroport actuel ou la construction d’un nouveau, avec une seule piste, à Notre-Dame-des Landes nécessiteront une nouvelle enquête publique, a encore relevé Ségolène Royal, précisant qu’une enquête publique durait un an. Soutenu de longue date par Jean-Marc Ayrault et François Hollande, le transfert de l’aéroport nantais est aussi défendu par le premier ministre Manuel Valls qui en fait un symbole d’autorité. Cette prise de position par la ministre de l’Ecologie, complètement contraire à celui du chef du gouvernement, ne facilitera en aucun cas la conclusion de ce dossier qui pèse sur les épaules de l’exécutif depuis le début du quinquennat.

Les énergies renouvelables, piste de réflexion principale quant aux objectifs de la loi sur la transition énergétique.

l’attente de la loi sur la biodiversité Dans le numéro 861 du Courrier du Parlement (voir Les Ruches à l’Heure du cocktail mortel ) nous expliquions la lutte législative acharnée entre écologistes et lobbies concernant l’interdiction des néonicotinoïdes. L’interdiction de ces pesticides fut votée en première lecture à l’Assemblée en mars 2015, contre l’avis du gouvernement. Le Sénat est ensuite revenu sur le texte en janvier, tout en prévoyant un encadrement de leur usage. Cette année, en mars, le texte est revenu au Palais Bourbon.

“Aucune annonce claire et précise quant à la fermeture de centrales nucléaires.” Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a alors envoyé une lettre aux députés pour les appeler à voter contre toute “interdiction brutale”. Incompréhensible pour les défenseurs du texte. Selon eux, plusieurs études scientifiques ont prouvé la nocivité des néonicotinoïdes sur les abeilles et pollinisateurs sauvages, mais aussi sur les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les oiseaux et au final l’être humain. Finalement, l’Assemblée nationale à voté le 17 mars en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes, tout en repoussant son application à 2018. Ce cas met en exergue le projet de loi sur la biodiversité, promis depuis 2012 lors de la première conférence environnementale. Toujours en discussion au Parlement, ce texte doit prévoir d’importantes mesures comme la mise en place d’une Agence française de la biodiversité, ou encore l’inscription au code civil du préjudice écologique n louis Watrelot

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hISTOIRE Lors de la réforme instituant l'élection du président de la République au suffrage universel, le gouvernement de Georges Pompidou a été “censuré” par 280 députés. Mais après un référendum et une dissolution, le Premier ministre a retrouvé sans coup férir le chemin de Matignon.

4 octoBre 1962 : quand une Motion de censure “renverse Le GouverneMent”

L

a France est un vieux pays. Autour de la discussion d’un texte législatif peuvent ainsi ressurgir de vieilles références. C’est sans doute ce que l’on appelle les bégaiements de l’Histoire. “Nuit debout” et les “casseurs” ont fait, assez vaguement, penser à Mai 68. La “fronde” des députés PS a évoqué une réalité plus lointaine, celle de la grande révolte nobiliaire du début du règne de Louis XIV qui marqua tellement le jeune souverain qu’elle l’inclina à l’absolutisme. En vertu du dicton voulant que l’on ne juge l’arbre qu’à ses fruits, il est en effet permis de remarquer que les fièvres politiques aboutissent bien souvent au contraire du but recherché par ceux qui les ont provoquées ou entretenues. Ainsi en fut-il de la première et à ce jour unique “motion de censure” couronnée de succès à l’encontre d’un gouvernement de la Ve République. Le 4 Octobre 1962, le Premier ministre Georges Pompidou était en effet “renversé” selon la terminologie en usage sous la IVe, dont l’effacement n’était, il est vrai, vieux que de quatre ans seulement. La France avait cependant changé de régime et les “frondeurs” de l’époque, renvoyés devant leurs électeurs par le général de Gaulle s’en aperçurent très vite.

pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Seuls quatrevingt parlementaires “sauvèrent l’honneur” pour diverses raisons en refusant de s’associer à une décision collective revenant à instituer – la suite hélas le prouva – un régime dictatorial inféodé à l’idéologie nazie de l’occupant allemand. En 1958, dans un contexte lourd mais tout de même moins tragique pour ce qui concernait la métropole, la question algérienne conduisait à faire appel au général de Gaulle, à changer la Constitution et à constituer une majorité destinée à soutenir l’instauration d’une démocratie fondée sur “un parlementarisme rationnalisé” selon l’expression du professeur de droit Maurice Duverger. Les électeurs envoyèrent donc siéger au Palais-Bourbon, en majorité, des députés favorables à l’action du fondateur de la Ve. Un parti gaulliste, l’UNR, vit le jour car, tout en étant hostile “au régime des partis”, le général de Gaulle avait tout de même besoin d’une structure d’accueil pour ses partisans les plus nets, les autres se partageant entre réel soutien, approbation tiède et hostilité franche. Mais cet équilibre savant se rompit dès 1962 pour de nombreuses raisons. A l’intérieur même du camp gaulliste, certains ne comprirent pas l’attitude du général de Gaulle qui, dans un virage brutal, après avoir laissé entendre que l’Algérie pourrait rester dans le camp français était devenu, sous la pression des événements et dans un contexte mondial favorable à l’émancipation des colonies, un partisan résolu de l’indépendance des départements français situés de l’autre côté de la Méditerranée. Il en résulta une tragédie humaine, avec l’exode de près d’un million de pieds-noirs et de musulmans favorables à la France, ainsi que le massacre des harkis, supplétifs de l’armée française. Le général de Gaulle, au grand dépit de ses soutiens démocrates-chrétiens favorables à la construction européenne, se déclara également hostile à toute idée d’Europe fédérale, ce qui entraîna la démission de plusieurs ministres. Pour mieux affirmer son autorité, enfin, il changea de Premier ministre en appelant à Matignon, un non-parlementaire issu de la banque Rothschild, Georges Pompidou, pour remplacer le gaulliste historique Michel Debré. C'était beaucoup pour les députés qui, même parmi les plus confiants en l’aura gaullienne, retrouvèrent dans l’hémicycle, pour la première fois depuis l’instauration de la République, un chef de gouvernement qui n’avait jamais été élu, flanqué de quelques ministres exemptés également – à l’époque – de toute onction par les urnes, à l’image des emblématiques André Malraux et Maurice Couve de Murville.

“Les fièvres politiques aboutissent bien souvent au contraire du but recherché par ceux qui les ont provoquées ou entretenues.”

contourner le Parlement

La réalité et les épreuves changent les majorités politiques. En 1936, les électeurs qui avaient par leurs suffrages permis l’accession du Front populaire au pouvoir ne se doutaient pas que cette même “chambre”, mélangée au Sénat et privée des élus communistes interdits à cause du pacte germano-soviétique, voterait les

La goutte d’eau qui fit déborder le vase fut la procédure utilisée par le général de Gaulle pour imposer une réforme à laquelle il tenait beaucoup : l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel qui lui avait été inspirée, dit-on, au constat des attentats perpétrés contre sa personne par les activistes de l’Algérie française. Ne voulant pas de “vice-président” à l’américaine, le chef de l’Etat pensait que

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par certains aspects, “nuit debout” et les “casseurs” ont fait, assez vaguement, penser à Mai 68.

la plus haute fonction de l’Exécutif ne pouvait être assumée qu’après “la rencontre d’un homme et d’un peuple”. Elu lui-même au départ par un “collège de notables” selon un mode de désignation prévu par la nouvelle Constitution mais qui ne servit qu’une fois, il souhaitait que les règles changent et que les choses aillent vite. Il a donc recherché l’assentiment direct des Français par référendum en contournant la lourde procédure de révision contraignant notamment à un vote de deux assemblées réunies en Congrès, après adoption par chacune d’une résolution en termes identiques. Le tollé fut magistral. Lors d’un congrès du parti radical, le président du Sénat Gaston Monnerville parla de “forfaiture”. La plupart des juristes, les membres du Conseil d’Etat et, semble-t-il, du conseil constitutionnel – dont l’avis resta secret – se déclarèrent défavorables à la méthode. Il ne restait plus à Georges Pompidou, encore jeune dans la fonction (nous étions en octobre et il avait été nommé en avril) qu’à affronter l’Assemblée. Il le fit à sa manière, à laquelle on ne prêta pas beaucoup d’attention sur le moment, alors qu’elle révélait déjà le fin politique. A la tribune, il s’acquitta de sa mission par une déclaration nette et précise qui ne laissait pas deviner la moindre désobéissance face au dessein élyséen. Dans la coulisse, il exhorta le chef de l’Etat à plus de souplesse et s’arrangea pour que cela se sache, grâce à des relais dans la presse écrite notamment. Il avait entrevu qu’une motion de censure le mettant en minorité serait perçue, derrière le camouflet parlementaire infligé au général de Gaulle, comme l’échec personnel de son Premier ministre. Rien n’infléchit cependant la volonté du fondateur de la Ve et, dans deux allocutions relayées par la radio-télévision, le président de la République fit bien comprendre que, par le référendum, le peuple déciderait et non les parlementaires. D’où l’accusation de “plébis-

cite bonapartiste” en référence à Napoléon III qui rétablit l’Empire et mit à bas la République après avoir fait ratifier un coup d’Etat par référendum... Initiée par la SFIO (ancêtre du PS), le MRP et les Indépendants, la motion de censure fut votée par 280 députés, sur 480. Parmi eux, la gauche, les radicaux, les démocrates-chrétiens du MRP et même quatre UNR ! Il a été donc été ainsi démontré que l’on pouvait, sous la Ve, “renverser” un gouvernement. Mais la démonstration est restée en réalité toute théorique. Car la Constitution offrait d’autres armes au chef de l’Etat. Le général de Gaulle, au lieu de consulter une personnalité parlementaire pour lui demander de former un nouveau gouvernement – ainsi que l’aurait fait un président de la IVe – a usé de son droit de dissolution et engagé de cette façon la France politique dans une double campagne : celle du référendum et celle des législatives. Ainsi s’instaura, dans une inévitable cacophonie, une grande discussion – la dernière de cette envergure à notre connaissance – entre tenants du primat présidentiel et défenseurs de la République parlementaire. Les premiers l’emportèrent largement. Non seulement le référendum fut gagné mais les législatives marquèrent la déroute des orateurs les plus virulents en faveur de la motion de censure. Commencée le 4 octobre par sa mise en minorité, la crise s’achève le 5 décembre pour Georges Pompidou, resté très calme dans la tempête. Le chef de l’Etat lui demande de former un nouveau gouvernement. Il va pouvoir reprendre le fil d’une carrière qui le mènera à la magistrature suprême. Quant à l’élection du président de la République au suffrage universel, il est sans doute inutile de rappeler à quel point les Français y sont aujourd’hui attachés n François Domec

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“La Loi française est opposaBLe à faceBooK”

SOCIÉTÉ

Deux actions ont été lancées par la CNIL et la DGCCRF contre Facebook en France. Pour Maître Antoine Chéron, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, c’est un premier pas qui pourrait à terme faire plier le genou du géant des réseaux sociaux.

Facebook a reçu deux mises en demeure, l’une de la CNIL et une autre de la DGCCRF. Ces deux actions portent-elles sur des points différents ? Effectivement, ces deux mises en demeure ne portent pas sur les mêmes éléments. D’une part, la décision de la CNIL du 26 janvier 2016 met en demeure Facebook de se conformer à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978. Elle lui reproche de suivre la navigation sur des sites tiers, d’internautes qui ne disposent pas de compte. Il lui est également fait grief de ne pas recueillir le consentement exprès des internautes au moment de la collecte de données sensibles. D’autre part, la répression des fraudes dans sa décision du 9 février dernier considère que sont abusives certaines clauses, lorsqu’elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. C’est notamment le cas de celles qui octroient à Facebook Ireland LTD le pouvoir discrétionnaire de retirer des contenus publiés par l’utilisateur, ou le droit de modifier unilatéralement ses conditions d’utilisation sans en informer préalablement l’internaute. La DGCCRF souhaite ainsi que soit opéré un rééquilibrage des droits au profit des utilisateurs de Facebook. Les amendes que risque l’entreprise peuvent-elle lui être appliquées, sachant que son siège social européen se situe en Irlande ? La loi française est opposable à Facebook, puisque les faits litigieux ont été constatés sur le territoire français. De plus, la Cour d’appel a écarté, dans une décision du 12 février 2016, la clause attributive de compétence au profit des tribunaux californiens figurant dans les conditions générales de Facebook. Elle rend ainsi la clause inopposable aux internautes devant les juridictions françaises, qui sont donc compétentes pour juger des litiges opposant Facebook à ses utilisateurs. Cette mise en demeure a-t-elle une chance de forcer le géant californien à modifier ses conditions d’utilisation ? Facebook dispose de trois mois pour se conformer à la loi Informatique et Libertés. À l’issue de ce délai, une sanction pourra 24 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

le cas échéant être prononcée par un comité restreint de la CNIL contre le réseau social. Le risque est que cette sanction pécuniaire ne suffise pas à contraindre Facebook, en égard à son poids économique. Si l’impact en termes financiers est limité, celui en termes d’image est toutefois considérable. Il serait peut-être opportun que la CNIL voit ses pouvoirs de sanctions renforcés, ce que prévoit en partie le projet de loi pour une République Numérique. Il en est de même pour l’injonction prononcée par la DGCCRF. L’amende administrative qui pourrait être prononcée à défaut de réaction de la part de Facebook dans le délai imparti (60 jours), laisse craindre un manque d’efficience. Finalement, la seule mesure qui pourrait imposer à Facebook de changer ses pratiques sans échappatoire possible semble être la saisie d’une juridiction par la DGCCRF afin d’ordonner sous astreinte toute mesure nécessaire à la suppression des clauses abusives. La multiplication et la répétition des sanctions pécuniaires pourraient à terme amener Facebook à être plus respectueux de la législation française. Cette affaire est-elle révélatrice d’une sorte d’impunité des GAFA (Google, Apple, Facebook, Adobe) à l’égard de normes nationales et internationales ? Peut-on imaginer qu’en cas de nonconformité prolongée, des juridictions interdisent l’accès au réseau social ? Les géants du web ne subissent ni les revers de la compétitivité sur Internet, ni les obligations résultant des législations nationales ou internationales en recherchant les pays dans lesquels les règles sont les moins contraignantes. Il est à déplorer que les législations applicables relatives à la protection des données et des droits des internautes au niveau international soient peu respectées. À l’échelle française, l’attitude de Facebook pourrait dans l’absolu conduire à une interdiction par les juges de l’accès au site internet. Mais en pratique, il est dans l’intérêt du réseau social de se conformer au droit avant d’en arriver à ce stade. L’image de la France en serait également altérée, car le principe de neutralité du web garanti par le projet de loi pour une République Numérique exige notamment des pouvoirs étatiques qu’ils protègent les communications internet ou l’accès au réseau, de façon non discriminante pour les services et leurs usagers n Propos recueillis par louis Watrelot


POLITIQUE Le 13 avril a été présenté en conseil des ministres le projet de loi Egalité et Citoyenneté. Imaginé après les attentats de janvier 2015, ce texte a fait l’objet d’une consultation numérique du 9 au 25 mai, avant d’être débattu au Parlement ce mois-ci.

© Vernier/JBV NEWS

un proJet de Loi à L’épreuve des citoYens

contre les phénomènes de ségrégation territoriale et de “ghettoïsation” de certains quartiers. Est donc notamment inscrit dans le texte le renforcement de la loi relative à la solidarité et renouvellement urbain (SRU), afin d’aboutir à une meilleure répartition des logements sociaux sur le territoire. A l’heure actuelle, le logement est selon Emmanuelle Cosse “un facteur d’inégalité ”, puisque ce sont les régions en grande difficulté économique et sociale qui accueillent le plus de logements sociaux. Le troisième et dernier titre, dont la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité réelle Ericka Bareigts a la charge, ambitionne d’offrir à chacun une égalité d’opportunité, c’est-à-dire une certaine équité. Cet objectif se traduit concrètement dans le projet de loi par l’ouverture du troisième concours de la fonction publique, l’inclusion de l’apprentissage de la langue française dans le cadre de la formation professionnelle ou encore le durcissement des sanctions face aux actes de racisme et de discrimination. Pour Ericka Bareigts, il s’agit avec ce texte d’améliorer “le vivre et le faire ensemble”.

a l’heure actuelle, le logement est selon emmanuelle cosse “un facteur d’inégalité”.

“N

ous avons besoin de rassembler la nation après les terribles attentats qui ont touché notre pays l’an dernier.” Ces mots de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, résument bien le leitmotiv du projet de loi Egalité et Citoyenneté. Le texte cherche avant tout à restaurer la cohésion sociale entre les citoyens, très affaiblie depuis les attaques de janvier et novembre 2015, en traitant des problématiques de l’école, du logement, de l’emploi, de la laïcité, de la mixité ou encore de la lutte contre les discriminations.

un texte très riche Trois grands titres composent le projet de loi : la citoyenneté et l’émancipation des jeunes, la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’habitat, et enfin l’égalité réelle. Piloté par Patrick Kanner, le premier thème répond à une double ambition : créer une véritable culture de l’engagement et accompagner l’autonomie des jeunes. Mesure phare de ce premier titre, la création de la réserve citoyenne permettra aux citoyens souhaitant s’engager au service de l’intérêt général d’apporter ponctuellement leurs compétences à une mission de service public ou d’intérêt collectif. La deuxième thématique, chaperonnée par la ministre du Logement et de l’Habitat durable Emmanuelle Cosse, vise à lutter 26 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

“Le texte cherche avant tout à restaurer la cohésion sociale entre les citoyens.” une démarche participative Mais la spécificité de ce projet de loi est ailleurs. Pour la troisième fois seulement, une consultation numérique a été organisée, après celles sur la fin de vie en février 2015 et sur la République numérique en septembre et octobre 2015. Du 9 au 25 mai, les citoyens ont pu donner leur avis sur l’ensemble des articles du projet de loi, soit en votant, soit en publiant un argument pour ou contre, soit en proposant une modification. Possibilité était également donnée de proposer soi-même de nouveaux articles. Les personnes dépourvues d’accès à internet n’ont pas été oubliées, puisqu’elles pouvaient organiser des ateliers-relais, c’est-à-dire des réunions physiques de quelques participants visant à faire émerger des idées nouvelles, dans le but d’alimenter la plateforme de consultation. Cette dernière constitue pour Patrick Kanner “un nouvel outil de démocratie participative ”, dont l’objectif est d’enrichir les débats au Parlement qui ont lieu ce mois-ci. Un bel exemple selon lui de “démarche participative au service de notre démocratie représentative” n Julien Da Sois


SOCIÉTÉ En février, Laurence Abeille et Michelle Rivasi d’EELV ont organisé à l’Assemblée nationale un colloque pour la reconnaissance de l’électrosensibilité. Véritable maladie ou simple phobie des ondes, ses partisans plaident pour que soit reconnu le statut d’handicapé aux personnes affligées de ce mal contemporain.

éLectrosensiBLes : La Guerre des ondes

“É

teignez vos portables, nous sommes électrosensibles ! ”. À cette annonce qui ouvre le rassemblement, tous reprennent en cadence le mantra répété à longueur de temps par toute personne souffrante d’électrohypersensibilité (EHS), chacune ajoutant son expérience personnelle à ce cri du cœur collectif. “Même en mode avion” ou encore “non, pas seulement en veille” résonne de temps à autre à l’égard des éventuels distraits. Très bien, mais quid du Wi-Fi diffusé dans toute l’Assemblée nationale ? “Malheureusement, nous n’avons pas pu le couper ”, déplore Laurence Abeille. Soupir de désespoir, voire de souffrance chez certains qui s’enroulent dans d’épaisses couvertures, sans se résoudre à quitter la salle pour autant. Après avoir réussi à traverser le déluge électromagnétique que représente Paris, ce ne sont pas quelques routeurs qui auront raison des résistants.

tous électrosensibles Qu’est-ce que signifie être électrosensible ? Le seul énoncé de cette question suffit à faire diverger les avis. Pour le cancérologue Dominique Belpomme, nous le sommes tous, c’est-à-dire que notre corps réagit aux ondes électromagnétiques. Des vibrations que nous ne percevons pas, émises en quantité par le Wi-Fi, smartphones, objets connectés et autres antennes-relais, mais qui sont la cause de tous les problèmes. Les médecins expliquent que tenir un smartphone contre son oreille pendant une certaine durée peut augmenter la température corporelle du visage d’un degré, ce qui est une réaction physiologique aux ondes. Les choses se compliquent chez les électrohypersensibles (ou EHS) car leur seuil de tolérance à ces ondes di-

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minue drastiquement. Il peut s’ensuivre des effets néfastes, qui vont de simples maux de tête à toute une gamme de troubles musculaires, voire cognitifs. Ce n’est pas tout : il semblerait que les champs électromagnétiques puissent être liés aux cancers et à la maladie d’Alzheimer. Les électrosensibles estiment même que cette menace invisible atteindra de plus en plus de personnes, et créera à terme une véritable pandémie mondiale. Pour l’eurodéputée Michelle Rivasi, il s’agit d’un “scandale sanitaire similaire à celui de l’amiante ou du tabac ”.

un manque de preuves Au travers de cette conférence, les scientifiques expliquent ce phénomène qu’ils refusent d’assimiler à une simple cause psychologique. Les juristes défendent le droit d’être considéré comme handicapé tandis que les politiques critiquent la sourde oreille que leur opposent les pouvoirs publics. L’ensemble des discours constitue une journée consacrée à la défense de ceux considérés comme “des réfugiés environnementaux ” par Étienne Cendrier, cofondateur de l’association Robin des toits qui milite pour une diminution de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. En effet, ces derniers sont souvent obligés de s’exiler loin des zones urbaines, qui en sont saturées. Néanmoins, les preuves tangibles manquent encore. L’OMS s’était penchée sur la question une première fois en 2005, puis en 2014. Si elle reconnaît les EHS, elle n’y voit pas forcément une maladie provoquée directement par les ondes. Ce serait plutôt un effet nocebo, c’est-à-dire que les personnes atteintes se jugent malades à cause des ondes, sans pour autant que ce lien soit véritablement établi. Cause psychologique ou physiologique, le débat n’est pas clos. En août 2015, le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse a reconnu le handicap à 80 % subi par un malade atteint d’EHS. D'autre part, un rapport sur cette question, réalisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de la santé et du travail, doit être publié à la fin de l’année. En conclusion de ce colloque, un appel pour une reconnaissance de l’EHS comme maladie, signé par 50 professionnels de la santé, a été envoyé à la ministre de la Santé Marisol Touraine n louis Watrelot


LOCAL La Cité internationale de la Gastronomie et du Vin de Dijon peut officiellement voir le jour. Le 2 février dernier, la mairie de Dijon signait la promesse de vente du terrain sur lequel sera construit le musée par le groupe Eiffage Constructions. Une avancée importante pour un dossier à l’étude depuis trois ans.

© Eiffage / Ville de Dijon

Les BourGuiGnons passent à taBLe

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ijon voit les choses en grand : pas seulement avec la construction d’un musée, mais de tout un quartier axé autour de la gastronomie (voir encadré). L’espace à réaménager est immense, 6,5 hectares, anciennement occupé par l’hôpital général qui sera en partie rénové. Un défi pour un futur lieu, dont l’architecture sera “un véritable menu à déguster ” selon Anthony Béchu, l’un des architectes du projet. Pour François Rebsamen, maire de la ville, la Cité est une opportunité incroyable : “facteur de cohésion sociale et d’attractivité du territoire ”. Le maire parle de la création de

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une signature en grandes pompes au palais des ducs de Bourgogne.


© Eiffage / Ville de Dijon

2 000 emplois, et espère à terme un million de touristes. De quoi asseoir la ville des Ducs à son rang de capitale de la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté. D'autant plus que Dijon a déposé un dossier pour être classée ville touristique internationale. Si la demande est acceptée, les magasins pourraient alors ouvrir sept jours sur sept. La construction ne démarrera qu’à la fin de l’année et devrait être achevée en 2019.

“un semblant de compétition existe pour savoir qui sera LA ville à porter haut et fort le blason aux couverts argentés.”

L’architecture de l'ancien hôpital général sera conservée.

française du Patrimoine et des Cultures alimentaires finit par rédiger un rapport qui préconise la création d’un réseau de quatre cités. En effet, impossible de réunir la richesse culinaire du pays en un seul endroit ! En 2013, l’Etat déclare la création d’un réseau de la gastronomie fédéré autour de plusieurs villes. Les quatre retenues pour accueillir ces lieux à la gloire du “bien-manger” sont Tours, Rungis, Lyon et Dijon.

un marathon gourmand Tout comme les traditionnels repas de famille du dimanche, ce projet est le fruit d’un long processus. Novembre 2010, l’UNESCO inscrit la gastronomie française au patrimoine mondial de l’Humanité. L’Etat français réfléchit alors à un moyen de porter ces valeurs dans l’Hexagone et lance un appel à candidature auprès des collectivités territoriales : qui souhaite accueillir la Cité de la gastronomie ? Devant le nombre de candidats potentiels, la Mission © Eiffage / Ville de Dijon

Les arts culinaires, axe directeur du nouveau quartier.

les raisins de la colère C’est à ce moment qu’une certaine concurrence entre membres, pourtant censés être partenaires, est née. Car si le but recherché est une une meilleure représentation de la gastronomie française, un semblant de compétition existe pour savoir qui sera LA ville à porter haut et fort le blason aux couverts argentés. Pourquoi cet affrontement ? Simplement parce que les retombées économiques sont extrêmement juteuses, un site touristique marqué du label UNESCO gagnant fortement en attractivité. Et Dijon, en plus de la gastronomie, bénéficie depuis juillet 2015 de l’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne. Un double diplôme pour la Ville des Ducs, qui défend désormais la nourriture, mais aussi la boisson. Armée de ces reconnaissances internationales, ainsi que d’un plan de construction arrivé à maturité, il semblerait que Dijon ait pris la tête de la course. Le projet de Tours a régressé et prend un axe principalement universitaire. Rungis est paralysée dans l’attente du Grand Paris Express, qui ne saurait arriver avant 2022. Lyon est actuellement la rivale la plus sérieuse dans le rôle de “lauréat” gastronomique. Sa réputation culinaire n’est plus à démontrer, et tout comme son homologue bourguignon, son projet réside dans le réaménagement de l’Hôtel Dieu. Avantage lyonnais, sa cité de la gastronomie devrait être prête en 2017. Le combat des chefs continue n louis Watrelot

LA CITÉ : LES ChIFFRES CLÉS n Pôle culture et formation de 5 000 mètres carrés n 4 500 mètres carrés de commerces n un hôtel 5 étoiles n un cinéma de 13 salles n un écoquartier avec 540 logements

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père de ministre et conseiller du roi Membre du Siècle, très huppé cercle d’influence, père d’Audrey - l’énarque devenue ministre de la Culture - André Azoulay ressemble à un personnage de Proust tombé d’un tapis volant. Il connait la terre entière. Mais surtout les tours et détours des systèmes monarchiques. Celui du roi Mohamed VI dont il reste un conseiller proche, après avoir été beaucoup écouté par son père Hassan II. Celui, aussi, de notre cour républicaine qui ne dit pas son nom mais qui donne parfois l’impression de fonctionner en résurgence de la royauté. Rien d’étonnant à cela : ce Marocain resté toute sa vie fidèle à sa commune natale d’Essaouira (l’ancienne Mogador) figure, à soixante-quinze ans, parmi les plus grands passeurs d’idées du monde francophone : les échanges entre les cultures chrétienne, musulmane et juive et les projets économiques ( tourisme et développement durable) le mobilisent encore en permanence, ainsi que le Printemps musical des Alizés qu’il organise chaque année à Essaouira. Jeune diplômé du Centre de formation des journalistes de Paris, il est entré chez Paribas pour s’occuper de communication bancaire, réussissant magnifiquement dans l’art de ne jamais en dire trop ou pas assez. Distingué, toujours tiré à quatre épingles mais plutôt souriant qu’austère, il sait à la fois s’esquiver en terrain mondain et batailler avec fougue lorsque l’essentiel (le dialogue judéo-arabe ou les relations franco-marocaines) paraît en cause. Le contraire d’un maladroit…

un patrimoine commun André Azoulay et son épouse, la femme de lettres Katia Brami, réussissent à attirer à Essaouira quantité de chanteurs poètes et musiciens, musulmans et juifs, autour de la mise en valeur d’un patrimoine commun, la musique andalouse notamment. Le “conseiller du roi” est également membre du groupe des Nations-Unies pour l’Alliance des des Civilisations. Il a été élu et réélu président de la fondation euro-méditerranéenne Anna Linh. Dès 1974, il avait créé à Paris une organisation d’intellectuels juifs appelant à la création d’un état palestinien vivant en paix aux côtés d’Israël. L’écologie et la nécessité d’établir des passerelles entre les peuples au nom de la préservation de la planète donnent aujourd’hui de nouveaux arguments à cet infatigable créateur de liens n Jean-François Bège

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© Junta Informa

profiL andré azoulay :


MERCREDI, SALLE EMPIRE

© Vernier/JBV NEWS

La “positive attitude” de

Michel sapin

Invité de l’Association des journalistes parlementaires le 27 avril, le très “hollandais” ministre des Finances n’a pas manqué de renouveler son soutien au président. Si le chef de l’Etat n’a de cesse de répéter que “ça va mieux”, Michel Sapin se demande, lui, comment mettre un terme au “scepticisme collectif des Français”.

“Une bonne marque provoque toujours de l’ironie” : voilà la réponse de Michel Sapin aux nombreuses railleries que le mouvement “Hé oh la gauche !”, lancé par Stéphane Le Foll, a soulevé chez les politiques comme sur les réseaux sociaux. A en croire le ministre des Finances, présent lors du premier meeting, il ne s’agissait “ni d’une réunion de campagne ni d’une réunion de soutien ” qui aurait eu pour seule perspective l’échéance de 2017. Plutôt d’un “moment important ” auquel il était heureux d’avoir participé, qui permettrait “une prise de conscience” donnant “du sens et de la perspective à l’action gouvernementale”.

“Neuf années consécutives de scepticisme” Fidèle au discours du chef de l’Etat, Michel Sapin s’est montré très positif sur la situation économique du pays. En léger décalage avec l’opinion de la majorité des Français. Côté budget, le ministre des Finances affirme même que les résultats obtenus sont supérieurs à ce qui était prévu au départ : “nous faisons face à des situations inattendues comme les dépenses de sécurité, l’augmentation du budget de la Défense, tout en respectant nos engagements.” Un optimisme à toute épreuve ? Du moins “une preuve que nous avons fait les économies nécessaires” estime le locataire de Bercy. Quant aux mauvaises

audiences de “Dialogues citoyens”, Michel Sapin a répondu : “peut-être que l’émission elle-même n’était pas forcément adaptée à ce que les Français attendaient ? ” tout en rappelant “le manque de respect pour la fonction présidentielle” dont a fait preuve, d’après lui, la journaliste Léa Salamé. Conclusion : ces résultats d’audience sont plutôt “le reflet d’un type d’émission que d’une personnalité ”, qu’il explique également par une forme de “lassitude face à la durée de ce que l’on n’ose plus appeler une crise”.

“Beaucoup de choses peuvent changer en un an” “Déficits qui baissent ”, “une meilleure maîtrise des dépenses ” ainsi qu’une “meilleure rentrée des impôts avec une baisse générale ” : autant d’arguments sensés redonner confiance en l’action du gouvernement à l’approche de 2017. Côté transparence, la loi Sapin 2 proposera de nouveaux éléments de protection aux lanceurs d’alerte. Le ministre en est certain : le contexte sera bientôt “favorable” à une candidature de François Hollande. Voilà qui est dit. Les résultats des urnes montreront bien si les Français partagent son enthousiasme n Pauline Pouzankov

LA SALLE EMPIRE Destinée à accueillir l’Empereur lors de l’ouverture des sessions de l’Assemblée, la salle a été décorée en 1811 par Bernard Poyet (1742-1824). Ses ornements peints en bronze feint sont l’œuvre d’Evariste Fragonard (1780-1840). Elle est aujourd’hui dédiée au travail des journalistes et réunit chaque mercredi l’association des journalistes parlementaires autour d’une personnalité politique. N° 862

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ChRONOLOGIE

31 mars Une manifestation d’un jour donne parfois lieu à des meetings bien plus pérennes : voilà déjà plus d’un mois que le mouvement Nuit Debout se réunit quotidiennement place de la République à Paris ainsi que dans d’autres villes de France. Si sa revendication initiale consistait en le refus de la “loi travail”, le rassemblement a rapidement attiré des profils très divers qui veulent changer le monde, contestant les institutions politiques et économiques actuelles. Une revendication globale qui échappe encore aux explications médiatiques, d’après les participants. Maintes fois dispersé par les forces de police en raison des débordements qui y ont eu lieu (l’épisode de l’ “Apéro chez Valls” ou encore celui de la visite d’Alain Finkielkraut), Nuit Debout n’en reste pas moins un “ovni” politique dont personne n’avait prédit l’arrivée : qu’il inspire sympathie ou répulsion. Selon la philosophe Sandra Laugier, “Nuit debout partage avec les autres mouvements d’occupation depuis 2011, d’Occupy Wall Street aux Indignés espagnols, la caractéristique fondamentale de ne pas avoir de chef ni d’organisation hiérarchique. La dimension horizontale de ces mouvements est leur force.”

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31 mars : lancement du mouvement nuit debout, qui occupe la place de la république à paris depuis plus d'un moins.

Si le ministre de l’Economie assure que cette initiative ne s’inscrit pas dans la perspective de la présidentielle de 2017, elle lui permet — une fois encore — de prendre un peu d’avance, tout en cultivant sa différence dans le paysage politique français. Une stratégie décomplexée qui paye, l’image d’Emmanuel Macron ayant fortement gagné en popularité auprès des Français toutes tendances politiques confondues.

8 avril “En marche !” : l’électron libre du gouvernement avance ses pions. Lancé par Emmanuel Macron, ce mouvement revendique une démarche non partisane, ni à droite ni à gauche, ouverte à tous : pour “faire de la politique autrement” et travailler avec des gens qui se sentent à droite. Voilà qui est dit, n’en déplaise au gouvernement.

© Vernier/JBV NEWS

14 avril

“Ça va mieux ”. C’est sans doute la phrase la plus reprise de l’intervention de François Hollande dans l’émission “Dialogues citoyens”. S’appuyant sur les premiers signes d’une embellie économique, le président a souhaité mettre l’accent sur les bénéfices d’une stratégie qui “produit des résultats et en produira davantage”. Et ce malgré un chômage persistant, qui ne l’a pas empêché de tabler sur “160 000 emplois nets supplémentaires en 2016.” Avec trois grandes étapes prévues au calendrier : la loi Egalité et Citoyenneté, la loi Sapin 2 et la — très controversée — loi El Khomri. Profitant de ce rendez-vous pour réaffirmer son autorité sur Emmanuel Macron, le président ne semble pas avoir réussi à convaincre les téléspectateurs, à en croire les audiences assez faibles enregistrées lors de ce prime time.

22 avril

8 mai : françois Hollande préside la dernière cérémonie des commémorations du 8 mai de son quinquennat.

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C’est le premier rendez-vous post COP21 suite à l’engagement pris par la communauté internationale de lutter contre le réchauffement climatique. “Un moment historique ” d’après Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, lors duquel 175 pays ont signé l’accord de Paris conclu en décembre, parmi lesquels 15 ont même déjà ratifié ce texte. Présent à New-York pour le parapher, François Hollande a appelé à “aller plus loin même que les promesses qui ont été faites, que les engagements qui ont été pris ”, soulignant que “les mois qui viennent de s’écouler ont été les plus chauds de ces cent dernières années ”. L’accord quant à lui n’entrera en vigueur que lorsque 55 pays responsables d’au moins


© Vernier/JBV NEWS

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55% des émissions de gaz à effet de serre l’auront ratifié, tout en restant ouvert pendant un an à la signature des 195 pays qui l’ont négocié.

25 avril

Alors que le président n’a jamais été aussi contesté par l’opinion publique, ses soutiens se réunissent dans un amphithéâtre de la faculté de médecine de l’université Paris-Descartes pour défendre le bilan de son quinquennat. Une opération reconquête baptisée “Hé oh la gauche !”, dont le nom n’a pas manqué de susciter les moqueries sur les réseaux sociaux. L’objectif ? En finir avec le Hollandebashing, affirmer la différence avec la droite tout en redorant l’image de l’action gouvernementale menée depuis 2012. Si le premier ministre Manuel Valls n’a pas pu honorer le rendez-vous en raison d’un déplacement au Mont-Saint-Michel, il n’a pas manqué de se dire “fier ” de l’action qu’il a engagée, ajourant qu’il “encourage les initiatives comme celle d’aujourd’hui ”. “Je sais les colères, les attentes, les déceptions de mes compatriotes, mais je sais aussi ce qui a été fait, je sais aussi ce qu’il faut pour le pays, pour sauvegarder son modèle social ”. Emmanuel Macron, absent lui aussi, s’est déclaré n’être “en marge de rien ”.

6 mai

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“Happy birthday, Mister President” ! Voilà un anniversaire dont François Hollande se serait bien passé. Quatre ans après son entrée à l’Elysée, la côte de confiance du chef de l’Etat n’a jamais été aussi basse : soit 16% dans le baromètre Elabe pour Les Echos. Un coup d’autant plus dur à encaisser à seulement un an des présidentielles. Si François Hollande ne s’est toujours pas officiellement déclaré candidat à la prochaine élection, beaucoup de commentateurs politiques estiment qu’il ne parviendra pas à faire remonter sa côte de popularité de sitôt. Du moins, pas aussi haut qu’il pourrait l’espérer. Yves-Marie Cann, le directeur politique des études politiques d’Elabe,

8 avril : le ministre de l’economie emmanuel Macron lance son mouvement politique “en marche !”.

25 avril : L’opération reconquête “Hé oh la gauche!” réunit les sympathisants de françois Hollande lors d’un premier meeting dans l’amphithéâtre de la faculté de médecine de l’université paris-descartes.

estime notamment que “les bonnes nouvelles sont nettement insuffisantes pour inverser le regard des Français sur le chef de l’Etat, qui est une tendance lourde.” Le changement n’est décidément pas pour tout de suite.

8 mai “Nous avons bien redressé le pays depuis quatre ans ”. Alors qu’il préside la dernière cérémonie des commémorations du 8 mai de son quinquennat, François Hollande défend son bilan. En présence de Manuel Valls, des ministres et de plusieurs personnalités politique, le chef de l’Etat a déposé une gerbe au pied de la statue du Général de Gaulle, pour ensuite remonter jusqu’à l’Arc de triomphe et raviver la flamme du Soldat inconnu. S’il est certain d’être présent à la prochaine cérémonie (soit avec un second mandat soit en présence du nouveau président de la République), François Hollande a estimé que cette commémoration n’est “pas le souvenir, c’est l’avenir que nous avons à faire ensemble ”.

9 mai Accusé d’harcèlement et d’agressions sexuelles, Denis Baupin quitte ses fonctions de vice-président de l’Assemblée nationale en moins d’une demi-journée. Reçu par le président Claude Bartolone, le député a ensuite mandaté son avocat pour annoncer sa démission en niant les faits qui lui sont reprochés. Contacté par France inter, le coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, François de Rugy, a expliqué : “si ces faits sont avérés, ils doivent bien sûr être condamnés et c’est à la justice d’établir la vérité des faits. Denis Baupin aura l’occasion de dire les choses, de s’exprimer et à ce moment-là bien sûr, s’il doit y avoir des condamnations, elles sont à faire parce qu’on ne transige pas avec ces questions du droit des femmes.” Le député écologiste Noël Mamère a partagé quant à lui son “profond sentiment de malaise, d’accablement et de honte” sur BFM TV et RMC n Pauline Pouzankov

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ZOOM EN COULISSES

SOIRÉE BIèRE ET FOOT !

Nuit Debout, jour couché ? C’est en tout cas l’opinion du sénateur Bruno Retailleau sur les militants du mouvement, qui d’après lui, “ne doivent pas travailler beaucoup le jour pour effectivement veiller la nuit.” Invité de l’émission “Questions d’info” sur LCP, le président du groupe Les Républicains au Sénat a affirmé qu’il s’agissait d’un “mouvement crépusculaire, au double sens du terme” ainsi que d’un “mouvement groupusculaire, au sens d’une radicalisation”. Le

De l’alcool dans les stades. Alain Tourret, le député du Calvados (PRG), n’y voit aucun inconvénient. Il serait même “pour”, comme en témoigne sa prestation sur LCI. “La possibilité de distribuer des boissons en-dessous de trois degrés d’alcool dans les manifestations importantes de football, cela me semblait tellement évident (…) Il y a d’un côté les privilégiés, qui sont dans les loges : alors là, c’est whisky et champagne à gogo. Et, de l’autre côté, le bas peuple,

tout en faisant référence à l’épisode d’Alain Finkielkraut, qui s’est fait rejeter de la place de la République par les occupants, pour illustrer ses propos.

qui paye sa place et n’a même pas le droit de prendre une petite bière ? ” Autre argument : les bénéfices qu’en recevraient les stades, qui demandent des aides très importantes aux collectivités publiques. L’art d’allier l’utile à l’agréable, somme toute.

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ARèNE POLITIQUE

OPÉRATION “COUP DE FOUET”

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Les mauvais esprits n’ont qu’à bien se tenir. Du moins ceux qui font du chantage à grands renforts de “revenge porn” à leurs ex petit(e)s ami(e)s. La sénatrice et ancienne ministre Chantal Jouanno souhaite que “le fait de menacer une personne de diffuser des images ou paroles à caractère sexuel la concernant ” soit puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Précisant que les dispositions pénales relatives au chantage (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende) pourraient également s’appliquer.

INJUSTICE EN OUTRE-MER En pleine réforme de la Dotation globale de fonctionnement (DGF), le sénateur de Guyane Georges Patient a dénoncé “la discrimina-

tion ” que subit l’Outre-mer en matière financière et demande un rattrapage des dotations en faveur des départements et régions ultramarins. Dans un communiqué, il a souligné que la réforme, adoptée le 15 décembre 2015 par le Parlement, “maintient un statu quo délétère pour les communes d’Outre-mer ”. “Or, c’est une véritable discrimination qui touche depuis des années les communes d’Outremer en matière financière”. Il propose ainsi, entre autres, la création d’une “dotation ultra périphérie à partir des critères liés à l’éloignement, l’isolement, l’insularité.”

UNE QUESTION DE LONGUEUR… UN ÉLU “DE TERRAIN” “Vraiment sympa ”. C’est en ces termes que le député PCF de la 6e circonscription de l’Oise, Patrice Carvalho, a qualifié l’expérience qu’il a vécue dans le cadre de l’émission “J’aimerais vous y voir ” sur LCP. L’élu a été invité à rejoindre le collectif Emmaüs de Longjumeau dans l’Essonne pour partager son quotidien. “Heureusement qu’il existe encore des associations comme celle-là qui réintègrent beaucoup de monde” a-t-il affirmé, ajoutant que l’ “on est loin de l’assistanat, tout le monde met la main à la pâte.”

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Le voile n’est “pas plus aliénant que la minijupe” pour Esther Benbassa. Dans un entretien accordé à Libération, la sénatrice EELV a qualifié de “féminisme de grand-mère” les réactions qui vont à l’encontre du lancement de modes “islamiques”, aussi appelées “pudiques”. “Mesurer le niveau d’émancipation des femmes au degré de raccourcissement de leurs jupes, il fallait y penser ! La nudité du corps des femmes comme outil de leur libération ? ” s’est-elle interrogée, sans pour autant négliger “la réalité du contrôle social, voire la contrainte”, qu’implique dans certains cas le port du voile.


Lcp fait La part BeLLe à La vidéo

UNE FEMME à LA TêTE DE L’INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM La sénatrice socialiste Bariza Khiari a été élue, jeudi 14 avril, présidente de l’Institut des cultures d’Islam (ICI), un établissement culturel de la Ville de Paris. Ayant beaucoup écrit sur cette religion, sur la laïcité ou la lutte contre les discriminations, l’élue a indiqué à l’AFP n’avoir pas présenté sa candidature “comme femme politique”, mais en tant que spécialiste de la question : “je suis farouchement républicaine et sereinement musulmane”. Elle a notamment fait partie des signataires musulmans d’une tribune en octobre 2014 qui condamnait les crimes de l’EI et proposait au président François Hollande de “tirer l’Islam vers le haut ”.

DES QUARTIERS à L’ABANDON

© A. Faidy Autocus prod

© France Keyser/In Visu

Des “moyens pour désarmer les cités”. C’est l’appel lancé par Samia Ghali sur le plateau de l’émission “Territoires d’infos” diffusée sur Public Sénat et Sud Radio, quelques jours après les déclarations du ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, qui dénonçait une “centaine de Molenbeek en France ”. Affirmant qu’il “existe des camps d’entraînement dans les quartiers”, la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône a ajouté : “on est quand même en France, au XXI e siècle, et j’en suis à demander à ce qu’on monte un mur dans une école pour que les balles des kalachnikovs ou des fusils ne se retrouvent pas dans la cour de récréation”.

Attirer la jeunesse tout en restant fidèle à son ADN, tel est le défi que s’est lancé LCP en septembre dernier. Sur la période octobre-décembre 2015, elle affiche un bilan déjà très positif pour ses choix programmatiques avec une progression sur l’ensemble des tranches, 10,3% plus exactement. Soit 0,41% de part d’audience en moyenne. Forte d’une fidélisation toujours croissante, la chaine renforce sa stratégie web en mettant l’accent sur l’un de ses principaux atouts : la vidéo. Ainsi, la nouvelle formule de LCP.fr souhaite “redonner du sens au contenu du travail parlementaire ”, comme l’affirme MARIE-EVE MALOUINES, PDG de LCP, grâce au traitement “grand format” des débats et des programmes. Le tout en s’adaptant aux nouveaux usages, l’ordinateur, les tablettes et les smartphones prenant désormais le pas sur la télévision. L’action parlementaire est donc désormais à portée de clic, pour les internautes qui aiment “prendre le temps”.

TRISTE SORT POUR LE GENDARME DU wEB C’est dans un hémicycle quasiment vide que la mort d’Hadopi a été prononcée pour 2022. Déposé par les élus écologistes, cet amendement a été adopté par quatre députés contre trois, dans le cadre de la proposition de loi sur le statut des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (AAI et API). “L’échec de la Hadopi dans ses missions, comme le soulignait la commission d’enquête du Sénat, malgré son budget très supérieur à de nombreuses AAI/API, doit interroger le législateur ” a affirmé Isabelle Attard, l’auteure de cet amendement. Au tour du Sénat de se prononcer sur la question.

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voYaGez couverts...

Zika, Ebola, ou encore H1N1 : ces dernières années ont été marquées par de graves crises sanitaires, causées essentiellement par la multiplication de nouveaux virus qu’il est très difficile d’enrayer. Retour sur les dernières épidémies en date.

Brésil Avec plus d’1,5 million de personnes infectées en quelques mois, le Brésil est le pays le plus touché par le virus Zika. En février dernier, l’OMS l’a même qualifié d’“urgence de santé publique de portée internationale”. Détecté en 2015, l’arbovirus a déjà été à l’origine de plusieurs épidémies, notamment en 2007 sur les îles Yap (Micronésie), en 2013 en Polynésie française et en 2014 en Nouvelle Calédonie. Présent essentiellement dans les régions tropicales d’Afrique et d’Asie, il n’en reste pas moins difficile à suivre : l’infection n’est pas obligatoirement symptomatique, et lorsqu’elle l’est, le diagnostic peut être difficile à poser, tant les symptômes peuvent être confondus avec ceux d’autres maladies. Anodin dans beaucoup de cas, il pourrait cependant provoquer chez certains adultes le syndrôme de Guillain-Baré, ou encore des malformations chez le fœtus, comme la microcéphalie ravageant dernièrement le Brésil.

Guinée Si le monde a connu plusieurs épidémies Ebola au cours des dernières décennies, celle qui a débuté le 23 décembre 2013 en Guinée reste la plus meurtrière. Au total : plusieurs pays touchés, dont le Liberia et le Sierra Leone avec un bilan de 11 000 morts sur 28 000 infectés. Malgré la résurgence de certains cas, la propagation de la maladie semble aujourd’hui arrêtée grâce à la prévention et aux traitements de base, contrairement aux vaccins dont on attendait “l’effet miracle”. Pour l’OMS, la vigilance reste de mise : il n’y a aucune garantie de voir les nouveaux traitements s’avérer efficaces dans le cas d’une nouvelle épidémie, notamment si la souche du virus change. 38 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

© Tarun.real

MAPPEMONDE


France Après plusieurs décennies de lutte, une start-up française de Sophia Antipolis a testé l’efficacité de son traitement contre le SIDA sur 48 malades à l’hôpital de la Conception à Marseille. Un grand pas à l’heure où les traitements antiviraux disponibles ne permettaient aucune guérison de la maladie, ne pouvant que stopper sa prolifération dans le sang sans l’éradiquer. Alors que 150 000 personnes seraient porteuses du VIH en France avec plus de 7000 contaminations chaque année, cette petite entreprise ravive l’espoir de trouver un traitement beaucoup moins contraignant que les trithérapies actuelles.

Chine En 2005, une souche H5N1 du virus de la grippe aviaire a été mise en avant en raison de son danger et de sa transmissibilité à l’Homme. Bien que les principaux pays touchés se situaient en Asie du Sud, la France a décidé de lancer un dispositif de prévention en achetant des millions de doses de Tamiflu, dans le cas d’une éventuelle explosion de la pandémie. Ce qui lui sera reproché plus tard, notamment lorsque lorsque le British Medical Journal, une prestigieuse revue médicale, accuse l’antiviral vedette du groupe Roche de son inefficacité. Si H5H1 n’a toujours pas muté, il fait l’objet d’une veille sanitaire comme d’autres virus de l’Influenza A aviaire, qui pourrait devenir pathogène pour l’Homme dans le cas d’une recombinaison génétique.

Royaume-Uni En 2013, le “horsegate” en Angleterre a une nouvelle fois révélé l’opacité des circuits dans l’industrie agroalimentaire, non pas sans rappeler la crise de la vache folle qui avait démarré dans ce même pays en 1996. Bien qu’elle ait infecté majoritairement des animaux (plus de 190 000, sans compter ceux qui n’auraient pas été diagnostiqués), près de 204 victimes humaines ont également été touchées avec des symptômes proches de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Complètement enrayée aujourd’hui, cette épizootie a néanmoins provoqué une nette diminution de la consommation de viande : une tendance qui s’enracine encore plus après plusieurs irrégularités constatées récemment en matière de fraude et de traçabilité.

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FOCUS © Benoît Dorchies

Maubeuge-val de sambre, un territoire dynamique aux multiples atouts

De traDitiON PrOFONDéMeNt iNDuStrielle, MauBeuge- Val De SaMBre a Su reNaître De SeS ceNDreS POur eNtaMer uNe recONVerSiON axée Sur leS techNOlOgieS De POiNte. le tOut eN cultiVaNt SON iDeNtité traNSFrONtalière, gage D'attractiVité POur leS iNVeStiSSeurS POteNtielS cOMMe POur SeS PrOPreS haBitaNtS. FOcuS Sur uNe agglO Où il Fait BON ViVre. 40 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862


EDITO : À la croisée des chemins entre un pôle économique européen de grande importance et un secteur industriel vieillissant, la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre reste une place forte du département du Nord. Pour dépasser les difficultés du chômage et fédérer le territoire, l’Agglomération multiplie les collaborations avec ses voisins.

Benjamin Saint-Huile Président de la Communauté d’Agglomération Maubeuge - Val de Sambre

Également, la population du territoire est jeune avec 40% d’habitants de moins de 30 ans. C’est un signal très positif pour l’avenir de notre Agglomération.

Ainsi, quelles sont les principales initiatives impulsées par le Département du Nord pour la prospérité de l’Agglomération ?

Pouvez-vous nous présenter les différentes facettes de la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre ? Notre Agglomération a une position stratégique au carrefour nord-est de l’Europe, au cœur de la banane bleue, dorsale européenne. Ainsi, Charleroi, Lille et Bruxelles sont à moins d’une heure de chez nous, Londres, Paris et Luxembourg à 2h30… De plus, nous sommes un territoire frontalier avec la Belgique, avec qui nous travaillons en lien dans les domaines culturel, économique… Autre atout majeur pour la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre : sa complémentarité entre urbanité et ruralité. Notre identité repose sur cet équilibre entre ville et campagne.

Aux côtés du Département du Nord, l’Agglomération s’est inscrite dans le contrat de territoire de Sambre-Avesnois qui reprend l’ensemble des actions qu’elle souhaite mettre en œuvre en termes d’aménagement et de développement. Par ailleurs, le Département a accompagné de nombreux projets : la construction du complexe aquatique intercommunal à Louvroil, l’aménagement du port à flot à Hautmont, la réhabilitation énergétique et environnementale d’un groupe scolaire à Aulnoye-Aymeries, la requalification des accès et abords du cœur de nature des Marpiniaux, l’aménagement et la réfection de voirie… D’autres opérations sont menées également dans le secteur du tourisme. Par exemple, les itinéraires Véloroutes Voies Vertes proposent de découvrir le territoire et son patrimoine. Un des parcours s’intègre dans le projet Eurovélo 3, qui relie Paris

à Moscou. Dans le cadre du Centenaire de la Guerre 1914-1918, des circuits de mémoire ont été aussi créés.

Avec plus de 300 entreprises tournées vers la métallurgie et 40 000 ouvriers, le territoire est réputé pour son industrie. Par quels moyens parvenez-vous à maintenir ce cap et développer ce secteur ? La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre concentre la majorité de son activité économique dans l’industrie. De grands groupes internationaux y sont implantés, notamment dans les secteurs de l’automobile et de la métallurgie. La force du territoire réside également dans le savoir-faire des petites et moyennes entreprises qui, à travers leurs spécificités, accompagnent les donneurs d’ordre et poursuivent leur innovation. Au côté de Mécanov, pôle d’excellence régional implanté sur le territoire, l’Agglomération cultive aussi son savoir-faire dans le secteur de la mécanique. Elle a, d’ailleurs, impulsé la création des Rencontres Industrielles Régionales qui, aujourd’hui, rencontrent un grand succès et s’exportent audelà des frontières de la CAMVS. Nous sommes également dans une démarche d’accompagnement des mutations à venir : le développement du numérique, la mise en place de clusters d’entreprises, l’adaptation du schéma de formations aux besoins futurs…

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FOCUS

© Benoît Dorchies

“nous avons un destin commun avec la Belgique”

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© N.A.I

FOCUS

Avril 2016 | Maubeuge

La plupart des communes du Nord subissent une baisse des dotations de l’Etat. Quels sont les liens entretenus avec vos voisins ? Quelles sont les perspectives d’avenir communes ?

L’identité de Maubeuge - val de sambre repose sur la complémentarité entre urbanité et ruralité.

La proximité entretenue entre l’Agglomération et la Belgique est un avantage considérable. Quels sont les domaines d’échange et à quel degré s’effectuentils ? Nous partageons avec la Belgique des similarités et donc des enjeux communs. Nos bassins industriels ont souffert ces dernières années. La question de la reconver-

sion économique se pose, de part et d’autre de nos frontières. La coopération avec nos voisins belges est essentielle. Plusieurs initiatives ont déjà vu le jour, notamment avec Charleroi, avec la création d’un Groupement Européen de Coopération Territoriale. Je souhaite que ces liens puissent être approfondis et étendus avec d’autres villes comme Mons et La Louvière. Nous avons un destin commun avec la Belgique.

Afin de pallier ces difficultés, il est nécessaire de se rassembler autour de projets et de mettre nos moyens en commun. Le 13 février 2015, nous avons créé une association de préfiguration d’un pôle métropolitain avec les Communautés d’Agglomération de Valenciennes Métropole et de Cambrai. D’autres collectivités y ont également adhéré. Cette structure va nous permettre une meilleure coordination sur des sujets structurants tels que la santé, la formation, l’emploi et les infrastructures. Organisés et regroupés, nous pourrons porter et défendre ces projets d’une seule voix. Je vois dans cette coopération une première étape vers une collaboration plus large à l’échelle d’un Hainaut franco-belge, une Eurorégion n Propos recueillis par Jeanic Lubanza

des projets des collectivités du Nord - Pas de Calais

C

réé en 1990 à la demande des élus régionaux et de l’Etat pour mener à bien la requalification des friches industrielles générées par la crise économique et urbaine des années 70, l’EPF Nord - Pas de Calais est devenu un véritable opérateur foncier dès 1996 pour accompagner les collectivités dans la maîtrise du foncier de leurs projets de recyclage d’espaces dégradés. Doté d’une ressource financière propre grâce à la perception de la taxe spéciale d’équipement, l’EPF est au service des collectivités sur différents registres : aide à la définition d’une stratégie foncière, acquisition foncières et immobilières, gestion des sites, démolition et traitement de pollution, cession du foncier recyclé. Du fait de la complexité de ces démarches de recyclage, non seulement l’EPF apporte ses compétences et son savoir-faire mais il assure également la prise en charge financière intégrale du coût des travaux de requalification des sites et partielle du coût du foncier des opérations dédiées à la production de logements sociaux ou à la mutation économique des territoires urbains. L’EPF intervient dans le cadre d’un programme pluriannuel d’intervention (PPI) décliné avec les intercommunalités au travers de conventions-cadres de partenariat, partenariat concrétisé par la signature de conventions opérationnelles avec les collectivités maîtres d’ouvrages de projets. Au titre de son PPI 2015-2019, l’EPF a réaffirmé la priorité de son intervention au bénéfice de la production de foncier pour le loge-

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ment social tout en renforçant son investissement sur la question du foncier économique et en maintenant son action en faveur de la préservation de la biodiversité. Le programme pluriannuel est ainsi structuré selon trois axes thématiques et deux fonds d’intervention spécifiques. Les trois axes thématiques : I Le foncier de l’habitat et du logement social ; I Le foncier et l’immobilier industriel et de services, les grands projets régionaux ; I Le foncier de la biodiversité et des risques. Les deux fonds spécifiques : I Le fonds pour la constitution du gisement du renouvellement urbain ; I Le fonds d’interventions exceptionnelles sur l’immobilier d’entreprise. Dans ce contexte, une convention-cadre a été mise en place avec la Communauté d’agglomération de Maubeuge Val de Sambre.

Contact : Etablissement Public Foncier Nord-Pas de Calais 594 Avenue Willy Brandt CS 20003 - 59777 Euralille www.epf-npdc.fr

Publi-rédactionnel

L’EPF Nord - Pas de Calais, partenaire foncier


PRÉSENTATION : Rassemblant 42 communes et plus de 126 000 habitants sur une superficie de 379 km2, Maubeuge-Val de Sambre poursuit son développement en vue de construire un espace agréable à vivre. Avec une toute nouvelle feuille de route visant prioritairement l’accès à un service public de qualité et la mise en œuvre de projets concrets.

cap 2020 pour Maubeuge-val de sambre

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1 Positionner l’agglomération comme guichet unique 2 Mettre en place des clusters d’entreprises en place une politique territorialité de l’emploi et de la formation 3 Mettre 4 Développer le numérique l’accessibilité du territoire et lutter contre son désenclavement 5 Développer 6 Créer un schéma intercommunal des équipements collectifs le Programme local de l’habitat pour la période 2016-2021 7 Poursuivre 8 Créer un Office de tourisme intercommunal

© Benoît Dorchies

Adopté par le conseil communautaire le 30 juin 2015, le projet de territoire 2015-2020 oriente désormais la politique de Maubeuge-Val de Sambre autour de de quinze engagements prioritaires : pour une agglomération innovante, responsable et dynamique.

9 Favoriser les initiatives en matière de santé 10 Mettre en œuvre le Contrat de ville 2015-2020 en oeuvre un plan d’actions territorial sur l’économie sociale et solidaire 11 Mettre 12 Mettre en place une stratégie foncière la transition énergétique et développer les énergies renouvelables 13 Encourager les finances publiques de l’agglomération, en particulier ses charges de fonctionnement, pour auto14 Maîtriser financer le nouveau PPI et limiter le recours à l’emprunt les coopérations territoriales pour porter collectivement des projets structurants 15Développer

Maubeuge-val de sambre

COMPÉTENCES OPTIONNELLES : n Voiries et parcs de stationnement n Eau n Equipements culturels et sportifs n Action sociale d’intérêt communautaire

en bref

COMPÉTENCES OBLIGATOIRES: n Développement économique : création, aménagement et entretien de zones d’activité économique, actions de développement économique, comme le prêt à 0% pour les petites entreprises. n Aménagement de l’espace communautaire : Schéma de cohérence Territoriale (SCoT), création et réalisation de zones d’aménagement concerté, organisation des transports urbains, etc. n Equilibre social de l’habitat : Programme Local de l’Habitat (PLH), politique du logement. n Politique de la ville : dispositifs de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, etc.

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FOCUS

La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre exerce, en lieu et place des 42 communes membres, des compétences dites d’intérêt communautaire définies par la loi : obligatoires, optionnelles et facultatives. Ces dernières sont définies par les Communes membres qui auront deux ans pour se prononcer.

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FOCUS

ENTRETIEN : La réorganisation spatiale engendrée par la fusion des régions du Nord-Pas-deCalais et de la Picardie le 1er janvier 2016 a engendré un tournant décisif et historique jamais connu sous la Vème République.

© Pascal MORTELETTE

nord-pas-de-calais et picardie, unis pour construire la nouvelle grande région Laurent Degroote Président du Conseil économique, social et environnemental (CESER) Nord-Pas-de-Calais

vie collective (association…), personnalités qualifiées. Le Conseil économique, social et environnemental est l’expression de la société civile régionale organisée. Dans quelle mesure la grande région changet-elle la donne des territoires Nord-Pas-deCalais et Picardie en impulsant une nouvelle identité ?

Pouvez-vous nous présenter les missions du Conseil économique, social et environnemental? Le CESER est l’assemblée consultative du Conseil régional. Composé des représentants de la société civile, il a pour mission d’apporter aux élus régionaux d’abord, mais aussi à l’ensemble de la société civile, la vision et l’analyse du monde socio-professionnel sur tout sujet d’intérêt régional. Pour ce faire, le conseil mène des études, rédige des rapports et émet des avis sur saisines du président du Conseil régional (sur les budgets régionaux, les schémas stratégiques….) ou sur auto-saisines. Le CESER du Nord-Pas de Calais est composé de 119 conseillers, répartis au sein de 4 collèges : entreprises et activités professionnelles non salariées, syndicats de salariés, 46 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

Au-delà d’un grand virage géographique et démographique, la grande région représente une opportunité de taille pour construire un territoire de sens ; un défi et une exigence de mobilisation de l’ensemble des acteurs régionaux à la hauteur de l’enjeu que représentent les fusions et le calendrier mis en place. En ce sens, quelles ont été les grandes lignes du Colloque des CESER Nord et Picardie du 1er juillet 2015 ? Avec plus de 590 décideurs économiques et politiques présents, ce colloque s’adressait aux acteurs qui peuvent peser sur les décisions politiques de ce nouveau territoire. Affichant leur volonté commune d’engager une dynamique durable et constructive autour de la création de la grande région, les deux CESER ont mis en

place, dès octobre 2014, cinq groupes de travail communs consacrés à cinq enjeux fondamentaux pour le présent et l’avenir de leur nouvelle région : n la mise en place de nouvelles voies de communication avec le Pôle de Compétence I-Trans, le canal Seine-Escaut ; n la formation des habitants, la recherche et l'innovation ; n la valorisation de l’un de ses atouts : l’agroressouces, l’agroalimentaire et l’agriculture ; n le déploiement des politiques culturelles et touristiques ; n la prise en compte de ses grandes problématiques : l’emploi, la santé et le lien social. Qu’en est-il du développement durable dans la démarche de construction de la nouvelle grande région ? Il est impensable de concevoir l’avenir des territoires sans le déploiement d’un schéma de développement durable. Les CESER attirent l’attention des décideurs et élus régionaux sur la nécessité de : n protéger l’environnement : levier de développement important ; n développer la transition énergétique ;


© Conseil régional du Nord-Pas de Calais: Dominique BOKALO

Avril 2016 | Maubeuge

Comment la société civile pourra-t-elle apporter sa contribution à ce projet ? C’est justement tout l’enjeu. Notre but est de sensibiliser la société civile sur son rôle moteur pour pouvoir co-construire la nouvelle grande région. Le territoire deviendra un leader européen parce que les habitants auront changé leurs comportements et qu’ils participeront à ces changements. Par exemple, le domaine de la santé est un secteur propice à l’entraide, l’habitat : à l’économie d’énergie et les transports : à la mutation vers des modes dits doux, sans parler de la recherche appliquée sur tout le territoire et favorisant l’éclosion et le développement de TPE et PME n

colloque des ceser nord-pas de calais et picardie du 01 juillet 2015 “construire ensemble la nouvelle Grande région nord-pas de calais-picardie”- ouverture du colloque par les présidents des ceser du nord-pas de calais et de picardie: Laurent deGroote et serge caMine.

naccompagner les habitants dans ces changements et favoriser l’appropriation de nouvelles pratiques ;

n développer une économie de la fonctionnalité, basée sur l’usage (l’habitat isolé, le covoiturage...).

“Nous sommes les éclaireurs de la région.”

FOCUS

Propos recueillis par Célia Canis

Publi-rédactionnel

Jeumont Electric, un esprit pionnier depuis 1898. Forte de son influence et de sa notoriété, l’entreprise n’a jamais cessé d’innover et d’être au plus proche de ses clients.

Un entretien avec Nathalie Renard,

Directrice Marketing Jeumont Electric

Parlez-nous de Jeumont Electric et de son développement au niveau départemental, national ? Jeumont Electric existe depuis plus d’un siècle. Après divers développements dus à de multiples achats par différents investisseurs au cours de son histoire, la société fait partie du groupe Altawest depuis 2007. Aujourd’hui, elle est le seul constructeur de moteurs et de générateurs électriques de forte puissance en France, leader dans le domaine de la propulsion et de la génération d’énergie pour la marine militaire, qu’il s’agisse de sous-marins ou de bateaux de surface. Avec 200 employés à l’international et 400 à Jeumont, la compagnie est heureuse de contribuer à l’économie du département dans son ensemble.

Suite à la COP 21 qui s'est déroulée en France en décembre 2015, quels sont les efforts écologiques effectués par Jeumont Electric ? L’entreprise a toujours fait en sorte de travailler pour obtenir des solutions “plus vertes”. Jeumont Electric est fortement présente dans le domaine de l’hydroélectrique et se tourne de plus en plus vers les énergies produites par les éoliennes. Ce qui caractérise l’entreprise, c’est son innovation permanente et cet esprit pionnier, qui ne disparaitra jamais.

Vous disposez de nombreuses implantations à l’international et dans différents continents, quels sont vos rapports avec vos collaborateurs étrangers? Nos représentations commerciales sont réparties partout dans le monde, au Brésil, en Inde, dans les Emirats Arabes Unis et évidemment en Europe. Nous avons également une usine en Inde. Cette

Contact : Jeumont Electric 367, rue de l’Industrie - 59572 Jeumont Tél. : 03 61 99 96 00 - www.jeumontelectric.com

collaboration à l’international n’est qu’à son commencement, même si 68 % de notre chiffre d’affaire global est réalisé à l’étranger. Le groupe prospecte actuellement en Amérique du Nord ou encore dans les pays nordiques.

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FOCUS

ENTRETIEN : Fleuron de l’économie française au début du siècle dernier, l’industrie nordiste n’a pas su profiter des Trente Glorieuses et en subit encore aujourd’hui les conséquences. Philippe Vasseur, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Région Nord de France, considère l’avènement du digital et la refondation des structures comme les leviers d’un nouveau cycle prometteur.

© CCI Nord de France

une économie de transitions

portons des projets globaux à l’instar de la Troisième révolution industrielle afin de faire basculer l’ensemble de la région dans une économie “décarbonnée” et respectueuse de l’environnement tout en s’adaptant aux caractéristiques des tissus économiques locaux. Sur quels grands projets le réseau des CCI Nord de France travaille-t-il ?

La cci œuvre à décarboner l’économie tout en s’adaptant aux caractéristiques locales.

Quelle est la nature et l’étendue du réseau de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Région Nord de France ?

Une CCI a une fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics. Elle contribue au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement de son territoire ainsi qu’au soutien des entreprises. Les Chambres sont également des gestionnaires d’équipements : sur notre réseau, elles gèrent huit ports maritimes et intérieurs et deux aéroports. L’Artois, la Côte d’Opale, le Grand Hainaut, le Grand Lille… la CCI de Région Nord de France recouvre des territoires divers. Le dynamisme économique de ces espaces est-il pour autant si hétérogène ? Le dynamisme de l’activité n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire comme le prouvent les spécialisations sectorielles dans chacune des zones d’emploi. Si ces segmentations contribuent à la richesse économique régionale, elles sont aussi à l’origine de différences de développement. Ce déséquilibre est en grande partie lié aux séquelles de l’histoire économique, la région 48 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

ayant connu dès les années 1960 une crise précoce de ses trois secteurs phares (textile, charbon, sidérurgie). Pour autant, le tissu productif a su se régénérer dans son ensemble en se tournant notamment vers le tertiaire avec des capacités tout à fait remarquables de rattrapage et de compensation des pertes d’emplois industriels. Outre les secteurs traditionnels comme l’agroalimentaire, l’automobile ou encore la sidérurgie, les Hauts-de-France développent des vrais savoir-faire dans la logistique et le numérique.

La CCI de Région Nord de France entreprend-elle des actions ciblées pour répondre aux enjeux de chaque territoire ou défend-elle une approche plus globale ? Hauts-de-France est une région atypique en France de par sa forte urbanisation. La métropole lilloise est bien évidemment la locomotive de cette zone qu’on peut cependant qualifier de “métropolitaine”. La CCI de région Nord de France veille donc au bon équilibre entre les territoires pour que l’ensemble de la région bénéficie de la dynamique de Lille sans pour autant que celle-ci bride la croissance des autres espaces. Nous

Le réseau travaille actuellement sur de nombreux sujets. n Au premier rang desquels son évolution avec la création de la Chambre de commerce et d’industrie de région Hauts-deFrance (après fusion des Chambres de commerce et d’industrie de région Nord de France et Picardie) et la mise en place de CCI locales à l’échelle du territoire du Nord-Pas de Calais. n Parallèlement, nous avons engagé le plan “CCI digitale”. Il vise à engager une véritable transformation numérique de l’organisation consulaire en réinventant son offre, ses processus, son management et son organisation pour s’adapter pleinement au monde contemporain. n Nous avons ensuite mis en place, depuis deux ans, une dynamique régionale autour de la Troisième révolution industrielle. Nous avons réuni plus d’une centaine d’acteurs pour construire, en collaboration avec Jeremy Rifkin, un plan d’action engageant les Hauts-de-France vers une économie plus créative, plus responsable et plus collaborative n Propos recueillis par Nicolas Rinaldi


ENTRETIEN : Ancienne terre industrielle, le Nord entame désormais sa reconversion dans le numérique et la logistique. Mais sa position frontalière peut se révéler aussi un désavantage, en raison de la forte concurrence avec ses voisins.

© XAVIER MOUTON - STUDIO HORIZON

Lille ne doit pas être dans une centralisation à outrance Frédéric Motte

ratechnologies ou la Plaine Image sur la métropole de Lille ou la Serre numérique) deviennent de vrais clusters. Les pôles de compétitivité commencent également à faire émerger de réels écosystèmes innovants porteurs de développement.

Comment le Nord a-t-il surmonté la désindustrialisation des années 1970/80 pour redevenir une région économiquement attractive ? Autour d’une base industrielle historique forte (agro-alimentaire, sidérurgie, automobile…), les entreprises du département avaient déjà pris le virage du service (distribution, VPC, banques, assurances…). Depuis quelques années, et notamment grâce à notre positionnement géographique au cœur du Carrefour Londres – Europe du Nord – Ports de la Mer du Nord – Bassin Parisien, les entreprises en lien avec les élus en charge de l’aménagement ont su apporter une réponse sur les attentes en termes de logistique (explosion du ecommerce, importations nécessitant conditionnement, finitions…). Aujourd’hui, des pôles autour de l’économie numérique (Eu-

“L’enjeu de la formation doit retenir toute notre attention.” Cette mutation peut s’appuyer sur un réseau dense de formation supérieure et tout au long de la vie : universités, écoles de commerce, de gestion ou d’ingénieurs… L’enjeu de la formation doit retenir toute notre attention. Le département est encore pénalisé par des lacunes dans la formation initiale et supérieure, mais également par une culture du salariat cependant en réelle évolution. Comment le Nord résiste ou s’adapte-t-il à la concurrence de ses voisins belges, hollandais, luxembourgeois et allemands ? Nos territoires français sont plus en résistance. Il suffit de regarder le long de la

frontière nationale : on constate que les régions françaises limitrophes se développent moins vite que celles de l’autre côté de la frontière, montrant bien le déficit de compétitivité de notre pays. Le cas est encore plus flagrant dans le Nord. Ce déficit de compétitivité se concrétise hélas dans les indicateurs du chômage. La comparaison est flagrante nous concernant : avec un taux moyen supérieur à 13 % contre le plein emploi en Flandres (moins de 4 %). La Belgique attire de ce fait plus de 28 000 nordistes quotidiennement. Plus inquiétant est de voir partir, par exemple, nos productions agricoles pour être transformées en Belgique : c’est toute la valeur ajoutée qui ainsi nous échappe !

Quels sont les atouts économiques du Nord ? Notre tissu d’entreprises est dense et diversifié, permettant ainsi d’amortir les chocs de mutations qui peuvent ponctuellement concerner l’une ou l’autre des entreprises. Constitué de grands groupes leaders nationaux voie internationaux, mais également d’un tissu d’ETI souvent patrimoniales, bien ancrées dans les territoires, on voit éclore de nombreuses PME et start-up révélatrices de l’accroissement de l’entrepreneuriat dans notre région. Souvent en lien avec les écoles et universités, cette créativité est également le fruit des pôles de compétitivité, d’excellence et des clusters (technologiques, santé, nouveaux maté-

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FOCUS

Président du MEDEF Nord-Pas-de-Calais


© Université d’été MEDEF Nord Pas de Calais juillet 2015

FOCUS pour frédéric Motte, “les vainqueurs de demain seront les entreprises et les territoires agiles”, et non plus les plus importants.

riaux...). Autant d’initiatives, autant de mutualisations qui créent des écosystèmes favorables à l’éclosion, à la transformation, au développement de nos entreprises. Il convient de soutenir ce mouvement car de nombreux défis de mutations sont encore à venir.

“Il faut recréer le terreau favorable pour que nos entreprises puissent retrouver la place qu’elles avaient.” Quels sont les grands projets en cours, les pistes de développement économique pour le département ? Trois points sont à prendre en compte : n nos territoires sont désormais en ‘’compétition’’ les uns avec les autres ; 50 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

n les vainqueurs de demain seront les entreprises et les territoires agiles (et non plus les plus importants) ; n l’économie de la mobilité (des biens, des capitaux, des hommes) s’impose. Le Nord bénéficie d’un positionnement géographique, d’une population jeune, d’une densité urbaine forte et d’un important tissu d’entreprises. Il faut profiter de ce positionnement, former cette jeunesse, relier les territoires pour tous les associer aux opportunités à saisir, enfin favoriser l’éclosion et la mutation des entreprises. Ces défis relèvent de niveaux de compétences territoriales différents. Les élus départementaux doivent, entre autres, tout mettre en œuvre pour favoriser les échanges et l’accessibilité. L’enjeu des infrastructures est donc crucial. Je pense bien évidemment au Canal Seine-Nord, à l’accessibilité de Lille, aux liaisons entre notre réseau de villes autour de la métropole (Dunkerque – Valenciennes – Maubeuge). L’aménagement foncier en lien avec ces axes est à planifier simultanément (devenir de la base aérienne de Cambrai, zone le long de Seine-Nord, l’interland autour de Dunkerque…)

Quels sont les difficultés, les obstacles qu’il reste encore à surmonter et quelles sont les pistes de réflexion à explorer ? Dans cette compétition des territoires, trois défis : tout d’abord celui de la formation de notre jeunesse, mais également tout au long de la vie, ainsi que celle de nos chefs d’entreprises pour accompagner les mutations et profiter des opportunités de la mondialisation et des révolutions technologiques. Ensuite celui de l’aménagement homogène du territoire. Enfin le défi de la compétitivité. Il faut absolument recréer le terreau favorable (fiscal, social, réglementaire…) pour que nos entreprises puissent retrouver la place qu’elles avaient et se battent à armes égales avec nos compétiteurs étrangers. Pour partager les diagnostics afin d’échafauder les politiques publiques adéquates, il faut multiplier les passerelles, les échanges entre des univers qui ne se connaissent que trop peu : c’est tous ensemble que nous gagnerons n Propos recueillis par Julien Vallet


ÉCONOMIE : Avec ses nombreux atouts économiques, l’Agglomération accompagne les entreprises dans leur développement. Héritage industriel, investissements locaux et position géographique idéale : le territoire possède toutes les cartes pour attirer de nouvelles sociétés.

un tissu éconoMique de quaLité

PME et TPE au centre des attentions L’économie sociale et solidaire (ESS) Sambre Avesnois rassemble plus de 300 structures ayant moins de 10 salariés, et 8 de plus de 100 salariés. Sous l’impulsion de la Région Hauts-de-France, de la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre et des acteurs professionnels euxmêmes unis au sein d’un comité local, le territoire a engagé une démarche de construction d’une stratégie de développement de l’ESS. Le plan d’action s’inscrit

n donner une plus grande visibilité et promouvoir l’économie sociale et solidaire, notamment en structurant un réseau territorial d’acteurs; n développer l’initiative de l’ESS (créer, innover, appuyer les structures, repérer les opportunités et les besoins); n animer, suivre et évaluer le plan d’actions. Le Conseil régional et l’Agglomération ont identifié l’ESS comme un réel secteur porteur d’innovation et de “gisement d’emplois” pour le territoire de Maubeuge-Val de Sambre. Ils se sont engagés dans une démarche d’appui à l’économie sociale et solidaire à travers la réalisation d’un diagnostic territorial et, aujourd’hui, la formalisation et l’adoption d’un plan d’actions pour les années 2012-2014. Ce plan d’action doit permettre à l’ESS d’améliorer son efficacité pour rendre le territoire plus attractif, plus solidaire et plus durable.

s’appuyant sur leurs points forts (aéroport de Charleroi, savoir-faire industriel, centre de recherches, universités). Cette collaboration se maintient sur une véritable stratégie de territoire avec des projets structurants, comme la liaison routière entre la RN2 et la RN54 vers Charleroi, la réouverture à la navigation de la Sambre et le potentiel de développement de la logistique liée à ces infrastructures. Elle s’est concrétisée en 2011 par la signature d’une convention entre la CAMVS et le CDS Charleroi-Sud Hainaut en vue de la mise en place d’une plateforme de coopération transfrontalière et la création du Groupement Européen de Coopération Transfrontalière (GECT). A terme, ce GECT permettra aux deux territoires de renforcer leurs partenariats et de développer des actions en vue d’obtenir des financements auprès des partenaires européens n louis Watrelot

Une situation géographique aux portes de l’Europe La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre est idéalement placée. Sa position géographique, au cœur de l’Europe du Nord, permet au territoire de se connecter rapidement aux grandes entités urbaines et à leurs infrastructures. Dans un contexte de compétitivité internationale, le pays de Charleroi et l’Agglomération développent des partenariats en

La stratégie de territoire s’appuie sur des projets structurants, comme la liaison routière entre la rn2 et la rn54 vers charleroi.

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FOCUS

L’artisanat constitue aussi un fort secteur d’activité. En effet, la Communauté d’agglomération regroupe près de 2 500 entreprises, soit 9 % du total du Département du Nord, œuvrant dans les domaines du service et du bâtiment. Un domaine d’activité qui offre un réel potentiel d’emplois via, notamment, la constitution d’une filière locale autour de l’éco construction, identifiée dans le Plan local de développement économique (PLDE). Ce secteur porteur emploie 5 300 salariés. Le nombre d’entreprises artisanales est en forte augmentation sur le territoire, nettement supérieur à la tendance départementale.

dans le cadre du PLDE Sambre-Avesnois et répond à trois orientations majeures :

© Benoît Dorchies

L

a Communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre est fortement marquée économiquement par son industrie : 40 % des emplois en sont issus. Métallurgie, automobile ou encore agroalimentaire, les entreprises bénéficient d’une main d’œuvre de qualité. Près de 8 200 structures composent le territoire ; les grandes sociétés du secteur emploient quant à elles plus de 10 000 salariés.


FOCUS

TOURISME : La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre veut diversifier et développer ses offres d’accueils aux touristes. Ces initiatives ont pour but d’attirer les curieux et les fidéliser.

© Benoît Dorchies

une aGGLo Haute en couLeurs

La Gare numérique de la caMvs est un espace dédié à l’expérimentation digitale.

L

e territoire a renforcé ses compétences dans les domaines touristiques, du sport, des loisirs mais aussi de la culture. En effet, de nombreux sites sont connus et reconnus dans toute la France et peuvent être visités à cheval, à pied ou en vélo. Ces activités qui allient efforts sportifs et amusement permettent aux visiteurs de profiter des cadres naturels, hélas trop souvent méconnus, de l’agglomération. Les remparts de Vauban, le fort de Leveau à Feignies ou encore le moulin de la Parapette à Marpent et le zoo de Maubeuge sont de véritables odes à la promenade pour petits et grands. La vallée de la Sambre et le lac de Watissart invitent à traverser les paysages champêtres de l’Avesnois grâce à la location de bateaux, les étangs de Monier proposent eux des moments de détente pour les mordus de pêche. La CAMVS est aussi réputée pour être une terre de culture et d’apprentissage. Avec

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la présence du musée de la poterie, celui du corps de garde, de la maison de pays, de la mémoire Verrière et de la machine parlante, la commune dénombre pas moins de cinq musées. Pour les habitants, le sport semble être un outil de rassemblement et de cohésion. L’excellence sportive est de mise du point de vue régional mais aussi national. Les associations sportives, aidées par des financements provenant de l’agglomération, sont au nombre de six. Ces structures, sont composées de l’équipe de basket féminine et handisport de l’AS Aulnoye et du club de handball de Sambre-Avesnois. Si Maubeuge a été élue capitale régionale de la culture en 2015, la CAMVS ne s’est pas reposée sur ses lauriers, au contraire, elle s’est développée dans ce domaine. En effet, les rassemblements festifs et les initiatives culturelles se sont dé-

multipliés. Si les habituels festivals des folies et Nuits Secrètes sont toujours au rendezvous, le stage “Danse de la Rue” permet aux participants de prendre part à une aventure artistique unique, transformant le bitume des trottoirs en scène. Enfin, avenir et technologie sont devenus des maîtres-mots pour la CAMVS. Avec 4 000 m2 d’espaces dédiés à l’expérimentation digitale, la Gare Numérique est un espace où les nouvelles technologies sont mises en valeur. Imprimante 3D, drones et tablettes, le lieu regorge d’appareils futuristes qui en émerveilleront plus d’un. La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre est un concentré d’activités sportives, de loisirs, de culture, de fête, d’histoire ou encore de découverte de lieux hors du commun n Jonathan Bensadoun


ENVIRONNEMENT : La Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre pense à son avenir et développe une politique de protection environnementale et écologique.

MauBeuGe-vaL de saMBre se Met au vert

S

oucieuse de la préservation de l’environnement et de sa qualité de vie, l’agglomération maubeugeoise ne manque pas d’idées. En effet, suite à un premier appel à candidatures réalisé en 2014, la toute première formation des goûteurs d’eau a vu le jour en 2016. Son but, permettre à ces nouveaux représentants d’identifier les zones d’eau potable et la tester, constatant si celle-ci possède un goût trop prononcé ou non. Un site internet a même été créé en cette occasion, pour que les participants puissent y partager leur expérience (www.goutdeleau.com).

Côté sensibilisation, la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre a partagé avec ses habitants un certain nombre d’astuces pour économiser l’eau, trier les déchets mais aussi désherber les jardins. Ces gestes étant possibles à effectuer dans les domiciles, au travail, à l’école ou bien en faisant son jardinage. La commune de Colleret, notamment, a investi dans l’acquisition d’un broyeur de végétaux en réponse aux exigences législatives et environnementales. Cet achat s’inscrit dans deux contextes, celui de la mise en place de la loi LABBE, qui interdira l’utilisation de produit phytosanitaires, et de l’Opération de Reconquête de la Qualité de l’Eau, qui viserait à réduire l’utilisation de ces produits pour préserver les ressources en eau. La CAMVS travaille aussi en collaboration di-

recte avec d’autres Communautés de Communes, celle du Pays Mormal (CCPM) et du cœur de l’Avesnois (CCCA), dans la démarche “Territoire à énergie positive pour la croissance verte”, projet porté par le ministère de l’Écologie par le biais d’un appel à initiatives. Une enveloppe, à se partager, à hauteur de 500 000 euros leur a donc été attribuée. Un apport financier non négligeable pour les accompagner dans la transition énergétique. Enfin, dans un souci de préservation de la biodiversité régionale et des espaces verts, l’agglomération a décidé de remettre au goût du jour l’opération “Plantons le décor”. Celle-ci propose aux habitants de planter des espèces locales dans leur jardin, dans un but de bénéficier de plantes de qualité d’origine régionale. Pour un “vert” aux couleurs locales n Jonathan Bensadoun

FOCUS

© Benoît Dorchies

Autre mesure mise en place par la CAMVS, celle du compostage individuel, consistant à réduire le nombre de déchets ménagers. Ces derniers sont transformés en compost utile au jardinage, diminuant ainsi la quantité d’ordures dans les foyers et, par conséquent, celle prise en charge par

l’Agglomération. Un bénéfice à la fois écologique et économique.

La caMvs travaille en collaboration avec d'autres communautés de communes dans la démarche “territoire à énergie positive pour la croissance verte”, projet porté par le ministère de l’écologie par le biais d’un appel à initiatives.

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FOCUS

ENTRETIEN : Pierre angulaire de l’économie du département, l’agriculture nordiste s’inscrit dans une longue histoire partagée avec celle du Pas-de-Calais. Au sein d’une région hyper-productive, le Nord s’affirme par la diversité de ses élevages et cultures. Une réussite à laquelle s’associe la Chambre d’Agriculture de la région Nord-Pas-de-Calais.

© Chambre d'Agriculture région NPC

“des épinards oui, du pinard non !” Jean Bernard Bayard Président de la Chambre d’Agriculture de région Nord-Pas-de-Calais

professionnels (en comptant les productions et les filières). L’agriculture et ses filières dans les Hauts-de-France correspondent en termes de volume d’activité à la production de 480 TGV ou 57 A330 par an. Notre dynamisme économique repose en grande partie sur le travail des cultivateurs et éleveurs du territoire. Le département du Nord est-il le moteur du dynamisme agricole en Hauts-deFrance ?

“Un maillage agricole divers et riche.”

Quelle place occupent l’agriculture et ses filières dans l’activité économique de la région ? Au niveau de notre économie régionale, le secteur représente un poids important, si ce n’est décisif : c’est le premier exportateur et le premier employeur avec près de 86 000 54 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

Pour le dynamisme du secteur, le Nord occupe une place importante et présente certaines particularités. Le département est physiquement très allongé et, au centre, la métropole lilloise est dynamique en matière agricole. Au nord, sont surtout cultivés les betteraves, pommes de terre, céréales et autres légumes de conserve. Après Valenciennes, l’élevage est prééminent, bénéficiant des zones herbagères de l’Avesnois. Sur le secteur des Flandres et près de Lille, il existe une production hors sol de porcins et de volailles. Sans oublier la production de houblon et les vergers. Globalement, il se fait ici de tout sauf du vin. Je dis habituellement : “Des épinards oui, du pinard non !”. Il y a des spécificités dans les départements des Hauts-de-France. Si les chiffres démontrent une activité légèrement plus

productive pour le Pas-de-Calais, ce sont néanmoins deux espaces agricoles similaires au regard de leurs structures et performances. Historiquement, de grandes familles de l’agro-alimentaire étaient installées dans le département du Nord. Pour la Chambre d’Agriculture de région Hauts-deFrance, c’est une chance exceptionnelle de pouvoir profiter de l’exemple de ces entreprises – Bonduelle ou Lesaffre par exemple – qui ont donné des idées aux autres agriculteurs. Aujourd’hui, nous comptons de très grands groupes ainsi que des petites PME qui forment un maillage agricole divers et riche.

Des actions sont-elles menées en faveur d’une filière davantage implantée dans le département du Nord ? La Chambre d’Agriculture de région Hauts-de-France résonne toujours de manière globale et ne privilégie pas un espace géographique par rapport à un ou plusieurs autres. Une seule entorse s’applique à cette règle : nous procédons nécessairement à une démarche spécifique sur Lille et sa métropole. Elle consiste à réguler les problèmes liés au foncier, à l’activité agricole et à des réflexions agroalimentaires qui sont propres à ce territoire. Des conventions sont néanmoins entretenues avec les conseils départementaux qui ont toute latitude pour mettre en avant leurs atouts n Propos recueillis par Nicolas Rinaldi


Jusqu’où peut aLLer La dipLoMatie vaticane ?

PROSPECTIVE

illuStrée De FaçON SPectaculaire Par la réVélatiON De SON rôle De MéDiateur Secret eNtre leS etatS-uNiS et cuBa, le PaPe FraNçOiS aura MONtré eN Peu De teMPS qu’il FauDra cOMPter, DaNS leS aNNéeS à VeNir, aVec la Stratégie NOuVelle De la PuiSSaNce SPirituelle qu’il rePréSeNte.

L

a mise en ordre de bataille des hommes actionnant les grands leviers d’influence que sont les ordres, congrégations et organismes caritatifs dépendant de l’Église catholique à travers le monde est impressionnante. Cette volonté politique sans étalage de force, alternant clandestinité et gestes symboliques, s’inscrit dans une logique fort différente de celle des États ou des organisations gouvernementales telles que l’ONU. Elle correspond aussi à une réalité assez inquiétante, car elle constitue aussi le signe de l’accélération actuelle de l’histoire des relations internationales dans un sens de plus en plus violent et chaotique.

Le Prix Charlemagne, décerné chaque année depuis 1949 par la ville d’Aix-la-Chapelle, représente une sorte de brevet de militantisme européen sincère. On notera que Valéry Giscard d’Estaing ne l’a reçu qu’en 2003, bien après François Mitterrand et Helmut Kohl, Jacques Delors ou Simone Veil. Distingué en 2016, le pape François a profité de la remise de sa récompense, le 6 mai à Rome, pour plaider en faveur d’un nouvel humanisme. Beaucoup s’attendaient à ce qu’il évoque les “racines chrétiennes” de l’Europe, ce qui n’aurait pas manqué d’agacer tous ceux qui veulent éviter de mélanger construction européenne et références religieuses. Habile, le chef spirituel l’a fait sans le dire, dans un propos à la Martin Luther King, basé sur ses propres espérances. “Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté et la culture d’une vie simple, non polluées par les soins infinis du consumérisme (…) Je rêve d’une Europe ou être migrant ne soit pas un délit mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier… Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les soirs de chacun, sans oublier les devoirs envers tous.” Il y avait, dans la parole papale, une bonne douzaine de “je rêve”. Au total, cet exposé d’une vision fondée sur une “identité multiculturelle”, une “économie sociale de marché capable de donner du travail aux jeunes ” et une “éducation au dialogue” a plutôt agréablement surpris, même du côté des non-croyants ou des membres d’autres communautés spirituelles, souvent froissés par la place accordée dans les médias aux faits et agissements du chef de l’Église catholique. Beaucoup d’observateurs ont alors fait le rapprochement avec l’étonnant plaidoyer pour l’Europe entendu 58 | LE COURRIER DU PARLEMENT | N° 862

moins de dix jours plus tôt à Hanovre dans la bouche de Barack Obama.

Un peu abasourdis, les Européens ont donc découvert en peu de temps qu’ils comptaient deux défenseurs qui, paradoxalement, ne font pas partie de l’Europe institutionnelle, celle des chefs d’Etat et de gouvernement, des parlementaires de Strasbourg et des hauts fonctionnaires de Bruxelles. Et de se demander, à juste titre, quel dirigeant d’un pays membre de l’UE serait aujourd’hui capable d’entonner en faveur de l’Europe des accents aussi émouvants que ceux trouvés par ces deux américains, le président Obama et le pape François… Cette convergence résulte sans doute plus d’un constat partagé sur l’état de dangerosité extrême dans lequel se trouve le monde que d’une concertation. Encore que la Maison-Blanche et la cité du Vatican aient su, dans un passé très récent, travailler ensemble et en secret, de façon fort étroite, au rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis… Annoncé en décembre 2014, celui-ci s’est concrétisé de façon symbolique et éclatante lors de la visite de Barack Obama à La Havane le 22 mars dernier.

Les thèses complotistes sur le noyautage de la curie romaine par la CIA n’ont plus, cependant, le succès qu’elles connurent au temps de Jean-Paul II. Les temps ont changé et rien ne peut plus s’expliquer de façon simpliste. Aujourd’hui, s’agissant de la stratégie vaticane à propos ce qu’il faut quand même toujours appeler “les relations Est-Ouest”, c’est la très subtile relation entre François et les patriarches orthodoxes — notamment Cyrille qui, à Moscou, partage avec son ami Poutine le rêve d’une “Sainte Russie” puissante et crainte — qu’il faut décortiquer dans le détail. Et, à ce sujet, bienvenue dans la complexité. Car il y a, s’agissant de l’Ukraine notamment, plusieurs maisons dans la maison du père, entre orthodoxes proches de Moscou, orthodoxes indépendants et “Uniates”, c’est-àdire “en union avec Rome”. On lira avec bonheur, à ce sujet, l’excellente enquête de la journaliste Constance Colonna-Cesari, “Dans les secrets de la diplomatie vaticane” (Seuil), qui nous guide avec art dans le très complexe écheveau des liens du Vatican avec tous les détenteurs de pouvoir partout à la surface du globe, même dans les endroits où les enfants de chœur ne défilent pas en procession.


Le pape François, premier souverain pontife de l’histoire du catholicisme à être issu de l’ordre des jésuites, s’efforce de ne pas trop afficher cette appartenance première. Le nom qu’il s’est choisi fait ouvertement référence à François d’Assise, en signe de pauvreté et de soumission à Dieu. Sans faire oublier, pour autant, FrançoisXavier, co-fondateur des jésuites, missionnaire au Japon et en Chine. Au plan politique, celui qui n’était que Jorge Bergoglio, prêtre argentin d’origine italienne devenu archevêque de Buenos Aires, s’est toujours tenu à l’écart des “théologiens de la libération”, ces religieux attirés par le marxisme qui pullulèrent en Amérique latine au temps de Che Guevara. On lui a prêté, avant que des témoins de l’époque ne fassent litière de ces accusations, des complaisances avec la dictature militaire. Bien que cela ne signifie plus grand-chose tant il y eut de variantes droitières ou gauchisantes du mouvement fondé à l’origine par le général Peron, Bergoglio fut souvent qualifié de “péroniste”. En réalité, il a encouragé tous les mouvements susceptibles de correspondre à la “doctrine sociale de l’Eglise” définie en 1891 par le pape Léon XIII. Mais ce n’est pas en tant qu’idéologue qu’il fut surtout remarqué. Pragmatique et passionné de football, il a toujours été aussi fasciné par la tactique que la stratégie. Même si, aujourd’hui, les très efficaces diplomates qui l’entourent – les meilleurs du monde, dit-on, par la richesse de leurs archives et leurs réseaux tentaculaires – réfléchissent avec lui à des opérations compliquées dont le résultat ne se dévoilera que dans plusieurs années. Une chose est sûre, cependant. A l’inverse de Benoît XVI, son prédécesseur immédiat, les grandes querelles théologiques et les exé-

gèses de la parole divine intéressent assez peu le pape François. Sa passion à lui, c’est la géopolitique et l’état du monde qu’il veut améliorer à l’aide “d’hommes de bonne volonté”. Après un ménage discret, mais vigoureux, dans les organes financiers liés à son ministère dès son élection en mars 2013, il a incité toute la hiérarchie à l’humilité sinon à la pauvreté, réussissant, semble-t-il, un autre tour de force : reprendre en main les congrégations, ordres et communautés qui, de l’Opus dei à Sant’Egidio, travaillaient en ordre dispersé. Tout le monde a sa place dans le dispositif mais aucun lobby ne doit empêcher que la route soit éclairée. L’objectif est clair : se mêler absolument de tout ce qui agite ou fait souffrir l’Humanité, en fonction du message universaliste de l’Eglise catholique. Jamais agressive mais toujours omniprésente, rendant service à ceux qui ont besoin d’elle même s’ils ne sont pas catholiques, la diplomatie vaticane n’est appuyée par aucune autre force militaire que celle des gardes suisses gardant le Saint-siège. Mais elle dispose d’autres atouts : le nombre et la diversité des implantations, la durée, la mémoire, le savoir-faire, la finesse et la qualité du renseignement. En Afrique comme en Chine, où une partie très difficile est engagée avec le gouvernement communiste, elle avance ses pions. Le nombre de fidèles, s’il a nettement diminué en Europe occidentale, a augmenté ailleurs au point qu’il y a aujourd’hui 1 228 621 000 catholiques sur notre planète. Leur “pape diplomate” contribuera-t-il au retour à la raison des djihadistes, à la paix au Proche-Orient et à la limitation des conflits qui ravagent une bonne partie du continent africain ? Beaucoup en rêvent n Jean-François Bège © European Union 2016 - Source : EP

un message universaliste

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patricK Kanner face au défi sportif

RENDEZ-VOUS MÉDIAS

Décrivez-nous une journée type avec le ministre des Sports… Il n’y a pas de journée type pour un ministre. La seule certitude, c’est qu’elles sont longues ! Il y a certes des rendezvous récurrents : le conseil des ministres ou encore les questions au gouvernement, à l’Assemblée ou au Sénat. Pour le reste, je tiens à me déplacer un maximum et à rencontrer les acteurs des champs dont j’ai la responsabilité.

eN cette aNNée 2016, l’actualité SPOrtiVe hexagONale N'a JaMaiS été auSSi riche. l’été Sera chauD POur Patrick kaNNer, MiNiStre De la Ville, De la JeuNeSSe et DeS SPOrtS.

Côtoyez-vous de manière journalière le secrétaire d’État au Sport, Thierry Braillard ? Nous avons un rendezvous régulier chaque mercredi midi, avec Thierry Braillard et Hélène Geoffroy. J’y tiens car ce déjeuner me permet de les informer des principales orientations prises au Conseil des ministres le matin-même.

D’un point de vue personnel, comment jugez-vous votre bilan depuis votre prise de fonction au sein de ce ministère en août 2014 ?

Le Sport et la Jeunesse sont-ils des sujets abordés de manière régulière avec le Président de la République ?

Ce n’est pour moi pas l’heure du bilan mais de l’action. Une action de terrain, avant tout, avec de nombreux déplacements pour sillonner une bonne partie de la France et aller à la rencontre des habitants, leur parler et prendre leur pouls. Je dois montrer notamment à la jeunesse et aux habitants des quartiers que le gouvernement est là pour eux.

La jeunesse est la priorité de François Hollande. C’est un sujet constant de préoccupation et d’action pour le Président et donc un sujet d’échange entre nous. C’est aussi le cas du sport, notamment de l’Euro 2016 car cet événement pose des enjeux majeurs, en termes d’économie, de sécurité, de cohésion. Le Président suit ces dossiers avec beaucoup d’attention, comme la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. © Vernier/JBV NEWS

Quelles seront vos priorités de fin de quinquennat en tant que ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports ? Outre le projet de loi pour l’Égalité et la Citoyenneté, je dois animer “priorité jeunesse” fixée par le Président, renforcer l’intervention de l’Etat dans les quartiers prioritaires, préparer l’Euro 2016 et accompagner la candidature aux JO 2024... J’ai du grain à moudre !

“La France doit être à la hauteur, elle le sera.” A quelques semaines du début du championnat d’Europe des Nations de Football, comment se déroulent les derniers détails de l’organisation ?

“La france est une terre d'accueil de grands évènements sportifs.”

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La France est prête. L’Euro 2016 sera un événement hors norme, avec 51 matchs joués par 24 sélections, 2,5 millions de spectateurs cumulés… Les quelques semaines qui nous séparent


© Vernier/JBV NEWS

du coup d’envoi de la toute première rencontre seront des semaines utiles, où l’Etat, l’Euro SAS, la Fédération française de football et les villes hôtes seront pleinement mobilisés pour la réussite de cet événement. La France doit être à la hauteur, elle le sera.

“je rêve bien sûr d’une victoire des Bleus contre l’Allemagne en finale !”. D’un point de vue sécuritaire, avec le prolongement de l’état d’urgence, quels vont être les renforcements mis en place dans les stades et à l’extérieur ? Comment s’organiseront les “fans zones” ? Plus que jamais, rien ne doit être laissé au hasard en matière de sécurité. Le dispositif conçu sous l’égide du Ministère de l’Intérieur prévoit la systématisation des palpations de sécurité pour accéder aux stades et aux fans zones, des mesures de vidéosurveillance, la mise en place possible de systèmes de détection corporelle de métaux, la mise en œuvre de mesures de régulation des flux aux abords des entrées des fans zones afin d’éviter les regroupements devant les entrées et, enfin, l’interdiction d’entrer avec des sacs volumineux ou des bagages et la mise en place de services de consignes surveillées. La sécurité des fans zones est un enjeu majeur : elles accueilleront au total 7 à 8 millions de visiteurs. Ce dispositif a été conçu avec l’ensemble des parties prenantes (le club des sites, la SAS-Euro 2016, notamment), il est ajustable en fonction de la situation. Les différents événements sportifs de cet été organisés en France (Roland Garros, Tour de France, Euro de football) auront-ils aussi pour but de relancer le tourisme en France, secteur en baisse depuis les attentats du 13 novembre ? Plus largement, l’organisation de tels événements mondialement connus pourront-ils rendre la France à nouveau attractive ? Bien sûr, ces événements sont une vitrine pour la France. Aussi bien de son savoir-faire en matière d’organisation de grands événements sportifs internationaux que de la qualité de son tissu économique mais aussi sa culture, son patrimoine. Au-delà, nous avons saisi cette occasion pour structurer et développer les marchés de l’économie du sport. Nous avons lancé une filière sport à Bercy avec Emmanuel Macron et Mathias Fekl le 23 mars dernier. Je suis persuadé que le sport est un investissement d’avenir, pour le bien être des Français, bien sûr, mais également en termes de croissance et d’emplois. Après avoir accueilli les championnats d’Europe des Nations de Basket en 2015, la France organisera le championnat d’Europe des Nations de Football dans quelques semaines, les championnats du monde de Handball en 2017, la Ryder Cup (golf) en 2018 à Saint-Quentin en Yvelines, et est officielle-

“Le sport est un investissement d’avenir, pour le bien être des français, bien sûr, mais également en termes de croissance et d’emplois”.

ment candidate à l’organisation des Jeux Olympiques d’été en 2024 à Paris. Le pays serait-il en train de muter en une nation de sport et en a-t-il les moyens ? Et on peut ajouter la Coupe du monde féminine de football en 2019 ! Vous avez raison de le souligner : la France est une terre d’accueil de grands événements sportifs. Je m’en réjouis car, non seulement nous en avons les moyens, mais ces événements sont une formidable chance pour notre pays. Reprenons l’exemple de l’Euro 2016 : des milliers d’emplois seront créés dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, de la sécurité, de l’accueil. La construction et la modernisation d’un certain nombre d’enceintes sportives ont-elles permis à la France de rattraper son retard sur ses voisins allemand ou anglais, concernant leurs accessibilités ou encore leurs usages de nouvelles technologies? Oui, nous avons désormais des stades entièrement rénovés, pour certains neufs. L’Euro 2016 aura permis de préparer l’avenir. Ce travail aura généré l’équivalent de 20 000 emplois. Enfin, un pronostic pour l’équipe de France lors de cet Euro 2016 ? Je suis de nature optimiste : je rêve bien sûr d’une victoire des Bleus contre l’Allemagne en finale ! n Propos recueillis par Jonathan Bensadoun

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LIVRES

L’ART DE LA GUERRE DIGITALE – SURVIVRE ET DOMINER à L’èRE DU NUMÉRIQUE caroline Faillet editions Dunod 224 pages 23 €

sun tzu 2.0 L’Art de la guerre remis au goût du jour ! Ici, il n’est pas question de combat au sens propre du terme mais d’affrontement digital dans lequel les entreprises sont engagées. Selon Caroline Faillet, auteur du livre L’art de la guerre digitale – Survivre et dominer à l’ère du numérique et co-dirigeante du cabinet de conseil en stratégie digitale Bolero, cette lutte a deux versants, l’un économique et l’autre idéologique, les marques devant se battre à la fois contre l’ubérisation et le “bad buzz”. Dans ce contexte, les organisations doivent repenser leur stratégie numérique. Plutôt que de déployer des campagnes de communication agressives – comme le fait traditionnellement la publicité – il est préférable selon la “netnologue” d’user de modes d’action détournés, à l’image des “nouveaux barbares”, ces entreprises maîtrisant parfaitement les codes du web et ayant créé des business-models innovants. Le général chinois du VIème siècle avant Jésus-Christ Sun Tzu le préconisait déjà à l’époque : la ruse doit toujours être préférée à la force, même sur le web n Julien Da Sois LA FENêTRE DE DIEU cédric Blondelot editions theBookedition 349 pages 19 €

par le trou de la cuvette...

31 juillet 1979, rue de Tolbiac à Paris : un nouveau-né est abandonné dans un kiosque à journaux. Un couple le trouve et l’adopte : il s’appellera Tolbiac Juillet. Dans ce roman atypique, nous avons d’abord affaire à Mirabelle, une vache du Texas qui finira en Perfecto. Un Perfecto qui voyagera d’épaules en épaules, jusqu’à atterrir sur celles d’un certain Tolbiac Juillet en 1991 à Paris. 18 ans plus tard, ce dernier est devenu magicien et fait ses classes au cabaret La Fenêtre de Dieu. En plus d’être doué pour la prestidigitation, il est aussi un pickpocket de génie. Seulement, après avoir quitté sa fiancée, le héros se retrouve à devoir vivre dans une piscine. Un événement étrange va à ce moment -là bouleverser sa vie. Alors qu’il fume une cigarette dans les toilettes du centre nautique, il est aspiré par la cuvette. Il se retrouve dans un monde parallèle, où il découvre la vie qu’il aurait eue s’il n’avait pas été abandonné. Tolbiac Juillet comprendra au fil des rencontres quel lourd secret entoure son existence. Pour son premier roman, Cédric Blondelot signe un livre original et haut en couleur, où le surnaturel côtoie un phénomène universel : la recherche de ses racines n Julien Da Sois

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POUR EN FINIR AVEC LES MAFIAS – SExE, DROGUE, CLANDESTINS : ET SI ON LÉGALISAIT ? emmanuelle auriol editions armand colin 224 pages 16,90 €

La légalisation en question “Je souhaite que le Parti socialiste ouvre un débat sur la fin de la prohibition du cannabis.” Avec cette déclaration, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, a rouvert un débat de longue date sur la dépénalisation de cette substance. Dans son livre Pour en finir avec les mafias – Sexe, drogue, clandestins : et si on légalisait ?, l’économiste Emmanuelle Auriol va même plus loin : elle souhaite la légalisation des marchés de la drogue, de la prostitution et de l’immigration clandestine. Rien que ça. Selon l’auteur, professeur à l’Ecole d’Economie de Toulouse, la politique de prohibition et de répression a depuis longtemps montré ses limites puisque cette dernière, en plus d’être inefficace, alimente le crime organisé. Contrer les mafias en proposant des solutions innovantes : voilà ce que préconise Emmanuelle Auriol en combinant “des mesures répressives traditionnelles envers les trafiquants et leurs clients, avec une politique de légalisation basée sur une tarification au prix d’éviction, c’est-à-dire un prix de vente qui permet d’assécher la demande des mafias, de réduire donc considérablement les activités criminelles, tout en contenant la demande pour les produits et services auparavant interdits”. Malgré les limites de cette politique de légalisation – notamment en raison du risque de l’augmentation des consommations – ces mesures permettraient, à en croire l’auteur, d’affaiblir le crime organisé. A défaut de le faire disparaître complètement de nos sociétés n Julien Da Sois


UN MESSAGER POUR L’EUROPE - UN PLAIDOYER CONTRE LES NATIONALISMES robert Menasse éditions Buchet chastel 138 pages 16 €

un messager pour l’europe “Tous les présidents de la Commission européenne, depuis sa fondation, commencent leur prise de fonction par un voyage à Auschwitz”. Voilà qui est dit, et le décor planté. Dans son essai, Un messager pour l’Europe - Plaidoyer contre les nationalismes, Robert Menasse nous rappelle que même si les politiques d’austérité mettent aujourd’hui à mal l’Union européenne, le repli communautariste n’est pas la solution. Pour l’auteur, ardent défenseur de l’Europe, le problème, c’est qu’“un chef d’État ne peut espérer être réélu (en tout cas c’est ce qu’il croit) que s’il parvient à montrer à ses électeurs avec quelle ténacité il défend leurs intérêts envers et contre tous, comment il a su contrer les méchantes velléités de la Communauté et empêcher que son pays ne cède un peu plus sur sa souveraineté”. Alors, Robert Menasse prend la défense des fonctionnaires tant décriés. “Drôles ”, “peu nombreux ” et “bon marché ”. Eux qui pourtant, “dans la galerie des monstres, entre King Kong, le Basilic et Dracula, occupent une place de choix ”, s’amuse l’essayiste.

Non ! Pour l’auteur, le vrai problème du continent, c’est le Conseil : “Il a élevé le nationalisme et non la démocratie à un niveau encore jamais atteint ”. “Le Conseil européen doit disparaître ! ”, clame-t-il. Et d’ajouter qu’il faut accorder “davantage de poids au Parlement européen ”, ainsi qu’à la culture. Preuve en est cette anecdote : “quand, par exemple, lors d’une séance de la Commission, le commissaire à la Concurrence ou à l’Agriculture doit se rendre aux toilettes, on interrompt la séance jusqu’à son retour. Quand la commissaire en charge de la culture va aux toilettes, on continue la discussion. C’est triste”.

Un messager pour l’Europe a reçu le Prix du Livre Européen des mains de Martin Schulz en décembre dernier. Ce prix récompense chaque année un essai exprimant une vision positive de l’Europe n Laure Tosin

VERA Jean-Pierre Orban éditions Mercure de France 263 pages 20 €

fascisme ordinaire “En août 1933, j’avais onze ans. L’âge du régime, me rappelait souvent Nunzia : “Jamais tu ne le quitteras. Tu es née avec lui. Pourrais-tu vivre sans lui ? ” Londres, quartier italien, début de la Deuxième Guerre mondiale. Vera vit avec ses parents, Ada et Augusto. Elle tient une petite épicerie. Lui est docker. Très vite, la jeune fille est approchée par une organisation à la gloire du Duce. Voici le discours qu’elle y entend, et auquel elle adhère très vite : “quand l’Italie a connu de graves dangers, Dieu a envoyé un grand

homme pour la guider. Il s’appelle Benito Mussolini.” “Oui, j’ai aimé ces livres. Et c’est par eux, par l’image et la typographie que je suis tombée, comme dans un pot de miel, dans le fascisme”, avoue Vera. Cours du soir d’Italien, camps de vacances en Angleterre, puis dans son pays natal, la jeune militante est même choisie pour représenter les jeunes Italiens de la diaspora à Rome, devant le dictateur. Honneur suprême d’être devant cet homme, “lui-même une colonne, bâtie dans la roche, massive comme sa carrure

et son crâne.” “J’étais allée (…) au plus loin que je pouvais atteindre ”, se souvient la jeune fille. Mais la guerre éclate. “J’ai cessé de lire de l’italien. L’italien de mes manuels. Ils s’empilaient sur le sol de ma chambre, mais je ne réussissais plus à les ouvrir ”. Puis, d’autres dérives, pour Vera, qui construira néanmoins sa vie comme elle le pourra. Bouleversant, ce roman nous parle d’identité et de racines. Il a reçu le Prix du Livre Européen 2015 n Laure Tosin N° 862

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© Vernier/JBV NEWS

TRIBUNE

Le THINK TANK farM europe sert-iL réeLLeMent Les intérêts aGricoLes européens ? chriStiaN harBulOt, auteur De l’OuVrage LES FABRICANTS D’INTOX, LA GUERRE MONDIALISÉE DES PROPAGANDES, leMieux éDiteur, MarS 2016.

Cet organisme se présente comme “un think tank multi-culturel qui sée quelque peu troublante, l’ordre de présentation des membres vise à stimuler la réflexion sur les économies rurales. Dans une Union de l’équipe de FARM Europe change entre fin avril et juillet 2015 : le européenne à 28 Etats membres, nous somPortugais Joao Pacheco est rétrogradé du 1er rang au 3ème. En mars 2016, il a retrouvé la mes convaincus que la mise en réseau et la La crise agricole et les première place sur l’organigramme. Par ailconfrontation d’idées peut générer et offrir leurs, deux Français font partie de l’équipe de aux décideurs européens des solutions polinégociations sur le Traité direction du think tank : Yves Madre, fonctiontiques ambitieuses et innovantes”. […] FARM Transatlantique ont relancé naire en disponibilité qui appartient au corps Europe ne soulève pas aujourd’hui que des des Ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts interrogations dans ce qui pourrait être quale débat sur les stratégies et Luc Vernet qui est un ancien jourlifié d’alignement sur les positions très contesd’influence initiées à Bruxelles (INPEF) naliste d’Agra Presse (principale agence de tées de l’actuel commissaire à l’agriculture Phil par des intérêts étrangers non presse française sur l’agriculture). Tous deux Hogan. Deux des dirigeants du think tank, J. Joao Pacheco et Laars Hoelgaard, ont occueuropéens. Le positionnement étaient membres du cabinet du précédent commissaire à l’agriculture, Dacian Ciolos. Force pé le poste de Directeur général adjoint de la des structures de réflexion est de constater qu’ils sont très suivistes par DG AGRI. Or l’un comme l’autre s’étaient rapport à l’orientation actuelle de l’équipe et opposés à la conception “régulatrice” de la comme FARM Europe, ne cherchent pas à apporter une voix PAC de Dacian Ciolos. La personnalité de apparaît extrêmement ambigu qu’ils contradictoire. Joao Pacheco peut prêter à confusion. Cet voire contradictoire vis-à-vis ancien ambassadeur de l’Union européenne Ces différents éléments interpellent sur le au Brésil a quitté la Commission fin 2013 dans des intérêts européens. positionnement réel de ce think tank censé des conditions contestées puisqu’il est passé promouvoir l’agriculture européenne au directement d’une responsabilité à caractère public au sein de la Commission à un cabinet de lobbying américain, niveau mondial. Il apparaît donc difficile de croire que les “solutions Allen F. Johnson (AFJ). Celui-ci est notamment spécialisé dans la dé- politiques ambitieuses et innovantes” proposées par FARM Europe fense de l’agriculture américaine et des accords de libre-échange, aux décideurs européens défendent réellement les intérêts de l’Eurodont le TTIP en cours de discussion. Notons à ce propos que le fon- pe. L’Europe dispose de nombreux atouts pour se construire un bel dateur de ce cabinet de lobbying, l’ambassadeur Allen F. Johnson, a avenir et occuper une place de choix sur la scène internationale. été de 2001 à 2005, négociateur en chef pour l’Agriculture au sein Néanmoins, si des structures de réflexion censées promouvoir ces du Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce exté- atouts adoptent une posture hypocrite, c’est l’avenir de l’Union rieur (USTR). Après un début de polémique sur cette relation pas- européenne qui est remis en question. 64 | LE COURRIER DU PARLEMENT |

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