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PARLEMENT EUROPÉEN Des secteurs économiques et des savoir faire d’excellence L’Europe s’engage en Corse
Culture et patrimoine, les atouts de la Région
E ZIN GA MA AL GU LIN BI
LE MAGAZINE DES GRANDS ENJEUX
L’aménagement du territoire : la réforme territoriale et la structure des intercommunalités
La Corse,
dynamisme, innovation et traditions Corsica: dynamism, innovation and tradition
GRAND ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Elu Président du Conseil Exécutif de Corse le 17 décembre 2015, Gilles Simeoni fait le point sur les grandes orientations stratégiques visant à valoriser les nombreux atouts du territoire.
© JOS@CTC
“Construire une institution capable de relever les défis d’aujourd’hui et de demain”
Quels arguments pensez-vous avoir apporté face aux autres forces politiques ?
Gilles Simeoni Président du Conseil Exécutif de Corse
La victoire des nationalistes aux dernières élections constitue un tournant démocratique majeur pour la Corse : quelles sont les mesures phares de votre mandat ? Au-delà de la victoire électorale de la liste que j’avais l’honneur de conduire, l’accès aux responsabilités des nationalistes est en effet constitutif d’une véritable révolution démocratique. Les Corses attendent et espèrent un changement profond, à la fois dans le fonctionnement interne de la société corse, et dans les perspectives de développement et d’émancipation ouvertes à notre île. Or, la Corse est dans une situation difficile dans nombre de domaines. Une tâche immense est donc à accomplir, avec des moyens institutionnels et financiers somme toute limités. Et elle doit être initiée dans un laps de temps réduit. Le mandat qui nous est confié est en effet raccourci : deux ans au
lieu de six normalement. La Corse devra en effet disposer, d’ici le 1er janvier 2018, d’une collectivité unique, produit de la fusion entre l’actuelle Collectivité territoriale de Corse et les deux conseils départementaux. C’est une échéance capitale : l’enjeu est de construire une institution capable de relever les défis d’aujourd’hui et de demain. A ce chantier institutionnel, s’ajoutent d’autres dossiers tout aussi importants. En termes de méthode, nous voulons donc construire un nouveau modèle d’action publique, basé sur la transparence, la démocratie réelle, et l’interaction permanente avec les acteurs économiques, sociaux et culturels. Sur le fond, il s’agit de poser les jalons d’une stratégie globale visant à rompre avec la logique de dépendance pour nous inscrire irréversiblement dans une logique de développement et d’émancipation. Toutes les initiatives que nous prenons (maîtrise et efficacité accrue de nos transports maritimes et aériens, renforcement de la politique de formation et d’innovation, pacte pour la jeunesse et lutte contre la précarité, mise en œuvre d’une ambitieuse programmation pluriannuelle de l’énergie, assainissement de la situation financière de la collectivité territoriale, vigoureuse politique d’investissement public, négociations avec Paris et Bruxelles pour un véritable statut fiscal et un véritable pouvoir législatif, politique de coopération euro-méditerranéenne, pour ne citer que ces exemples) s’inscrivent dans cette trame d’ensemble.
Notre démarche participe d’une lutte qui s’est inscrite dans le temps long. Le peuple corse existe, et au cours des siècles, il a toujours défendu et revendiqué la reconnaissance de cette existence, ainsi que le respect des droits qui en découlent. Nous sommes les héritiers et les continuateurs de cette histoire. Et en même temps, notre offre politique est profondément et résolument moderne et ouverte, et puise au fonds commun des valeurs universelles : exigence de démocratie, de justice sociale, de solidarité, d’une société qui fasse sens. Enfin, un autre élément a rendu possible l’union électorale et politique entre les deux tendances principales du nationalisme, et permis à de nombreux Corses ne partageant pas toutes nos idées de nous faire confiance : l’annonce de l’arrêt définitif et irréversible de la lutte armée par le FLNC en 2014, qui est un acte politique fort et un facteur majeur d’apaisement.
“Cette émergence d’un pôle structuré en Méditerranée Occidentale sera profitable aux îles et territoires.” En posant la démocratie comme une condition essentielle de l’émancipation individuelle et collective, le mouvement national a convaincu, par la seule force des idées
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 1
© Pierre Bona
GRAND ENTRETIEN
“Tout le monde connait les atouts naturels exceptionnels de la Corse, ainsi que ceux offerts par son implantation géographique, à proximité immédiate de toutes les grandes capitales européennes.”
et de l’idéal, une majorité de Corses de la possibilité d’un autre chemin. Notre victoire nous confère aussi une immense responsabilité : celle d’être à la hauteur de la confiance ainsi manifestée. Elle nous impose également d’être au service de l’intérêt général et de tous les Corses, quel qu’ait été leur vote en décembre dernier.
“notre offre politique est profondément et résolument moderne et ouverte.” Dans votre précédent entretien avec Le Courrier du Parlement, vous avez affirmé que “les Corses ont fait le choix de réappropriation des outils essentiels pour assumer leur développement économique en tournant le dos à l’assistanat” : quelle sont les grandes orientations de votre politique économique ? L’économie constitue assurément un enjeu stratégique. Pour des raisons historiques et politiques, la Corse a connu un déclin économique marqué, fruit d’un “colonialisme intérieur” par exemple dénoncé par le re-
gretté Michel Rocard : objet d’une conquête militaire au XVIIIème siècle, de lois douanières coloniales au XIXème détruisant le tissu productif insulaire, la Corse est devenue progressivement une terre d’assistanat, de rente, de spéculation, sur fond d’absence de démocratie et de dérives multiples. Nonobstant certains épisodes de croissance sectorielle ou conjoncturelle, les difficultés structurelles de l’économie corse démontrent les limites du modèle sur lequel cette économie repose. D’où notre choix d’une stratégie de “riacquistu economicu”, de reconquête économique reposant sur nos atouts propres. Ainsi et par exemple, les mutations actuelles de l’économie, avec l’avènement du numérique et l’émergence d’une conscience écologique, ouvrent de nouvelles opportunités pour la Corse. D’où le choix, proposé à Paris et Bruxelles, de consacrer la Corse comme un territoire pionnier en matière d’éco-développement. Un choix acté dans une convention-cadre scellée avec la Ministre de l’écologie et du développement durable, Ségolène Royal, qui nous a fortement soutenus, et qui sera décliné dans de nombreux domaines : ENR, gestion de l’eau, transition énergétique, etc. Nous voulons aussi renforcer les ressorts de la production économique : éducation et formation, réappropriation de savoir-faire anciens, innovations technologiques, aides
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et fiscalité adaptées, valorisation de la culture entrepreneuriale, exigence qualitative… C’est un objectif ambitieux, qui nous enjoint aussi de mobiliser de manière volontariste et organisée une ressource première de la Corse : sa ressource humaine. Par exemple notre jeunesse, qui est au cœur de nos priorités ; ou encore la diaspora corse, longtemps négligée ou folklorisée, et qui représente un gisement considérable de compétences et d’expérience, et une plusvalue majeure pour notre projet collectif.
Plus largement, de quels atouts votre territoire bénéficie-t-il, notamment pour attirer les investisseurs ? Tout le monde connait les atouts naturels exceptionnels de la Corse, ainsi que ceux offerts par son implantation géographique, à proximité immédiate de toutes les grandes capitales européennes. Au plan sociétal, les vertus d’hospitalité, de convivialité, de courage, de solidarité ou d’intérêt pour la chose publique restent fortes dans l’île. Elles sont des atouts, y compris en termes de compétitivité économique ou de cohésion sociale. Par exemple pour amorcer le retour de Corses de l’extérieur, ou intégrer les personnes qui, non originaires de l’île, choisissent d’en épouser le destin. Enfin, et c’est un axe parfois méconnu, la Corse dis-
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pose aujourd’hui d’un capital humain et technologique de haut niveau. Son Université, pluridisciplinaire, a fait le choix stratégique d’une très forte spécialisation dans quelques domaines clés : les énergies renouvelables, la préservation et la valorisation de la biodiversité terrestre et marine, le numérique, l’économie du développement durable ou la promotion de la diversité culturelle et linguistique. Développements scientifiques, plateformes technologiques dédiées aux ENR (Aiacciu) ou à l’aquaculture et à la pêche (région bastiaise), transfert des connaissances vers les entreprises et les milieux professionnels : une économie du savoir est en train de se développer sur le territoire, en partenariat avec le CNRS, l’INRA ou l’INSERM, mais aussi de nombreuses universités européennes et internationales. Idem dans le secteur du numérique, où un petit nombre de TPE/PME très innovantes connaissent un succès international et contribuent à créer les nouveaux laboratoires de la production et de la créativité. Bref, les socles d’attractivité sont aujourd’hui beaucoup plus diversifiés qu’autrefois. À nous de rendre plus visibles et lisibles ces atouts.
quinquennal des enseignants pour généraliser l’enseignement bilingue, soutien à l’agriculture biologique et de qualité... dans tous les domaines, nous privilégions un développement durable, ouvert et créatif. Et accordons la priorité à l’éducation, à la formation et à la culture. En choisissant, malgré le contexte budgétaire tendu, d’amplifier les investissements en faveur des écoles, de l’Université, des centres de formation ou des milieux culturels, nous envoyons un signal fort : aux stratégies de recherche de rentes et de subventions, nous substituons des stratégies fondées sur la compétence, le talent et la créativité. Avec le souci permanent de ne laisser personne au bord de la route.
“L’économie constitue assurément un enjeu stratégique.”
Le Président Puigdemont, accompagné d’autres membres du Gouvernement catalan, m’a en effet fait l’honneur et l’amitié de me recevoir pour un échange politique approfondi. La Corse ne peut certes se comparer à la Catalogne en termes démographiques ou économiques. Mais nous participons à une même dynamique politique. Le peuple catalan, comme le peuple corse, vit son identité collective de façon naturelle, veut la décliner sous la forme d’un projet politique global, et souhaite articuler cette démarche avec des solidarités euro-méditerranéennes. Chacun va bien sûr à son rythme, et définit des réponses adaptées à la réalité des situations respectives. Mais nous avons des intérêts stratégiques communs, à promouvoir à travers une coopération bilatérale autour de l’économie, du numérique, des politiques linguistiques et culturelles...
Quelles actions avez-vous eu le temps de mettre en place depuis le début de votre mandat ? Elles sont nombreuses. Ainsi, le transport maritime a fait l’objet d’un changement radical de modèle. Remise en cause d’un système de monopole coûteux et inefficace, formalisation du cadre de création d’une nouvelle compagnie régionale, révision des principes directeurs de la future délégation de service public, le tout dans le respect des droits sociaux et de la réglementation européenne : c’est une révolution économique et sociale qui est en cours et qui a d’ores et déjà permis de dégager un excédent de 30 millions d’euros par an sur la dotation de continuité territoriale dont bénéficie la Corse. Création prochaine d’un campus des métiers permettant une synergie opérationnelle avec la PPE, rationalisation des dispositifs de soutien aux TPE/PME, reconnaissance d’un statut d’île montagne dans la loi-montagne, plan de formation
Vous vous êtes rendu à Barcelone pour rencontrer le gouvernement catalan et jeter les bases d’une coopération durable, à la fois politique, économique et culturelle, en vue de peser tant en Europe qu’en Méditerranée. Etes-vous satisfait de ce premier échange ? Sur quels sujets comptez-vous travailler ensemble ?
Pensez-vous étendre cette coopération à un axe multilatéral ? A quelles autres régions pensez-vous ? S’agit-il, à terme, de constituer un lobby européen ? Nous travaillons en effet de la même façon au renforcement des liens, bilatéraux ou multilatéraux, avec, par exemple, la Toscane, les Baléares, la Sicile, et bien sûr la Sardaigne, île-sœur avec laquelle nous avons renoué des liens dès notre accession
aux responsabilités. Le renforcement de cet axe méditerranéen est une opportunité majeure pour les territoires et les îles qui en sont parties prenantes. Il s’agit en effet de mieux exploiter nos atouts respectifs, et de défendre ensemble nos intérêts communs, vis-à-vis des États de rattachement comme des institutions européennes. A cet égard, l’insularité est une clé d’entrée importante, notamment dans la perspective des nouvelles politiques de cohésion de l’UE à partir de 2020. Invités à Strasbourg au mois d’octobre par le réseau “Régions de France” et son Président Philippe Richert, qui a réservé à la Corse et à ses représentants un accueil chaleureux dont nous les remercions, nous avons eu l’occasion de le dire directement aux représentants de la Commission européenne : il faut inventer un cadre d’aide spécifique pour les îles de Méditerranée, reposant notamment sur l’article 174 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne, à l’image du statut d’ultra-périphéricité reconnu à bon droit aux DOM-TOM, avec lesquels la Corse a vocation aussi à renforcer ses relations. C’est dans cet esprit que nous avons signé avec la Sardaigne un accord de coopération le 14 mars ainsi qu’un nouvel accord Corse-Sardaigne-Baléares le 21 novembre dernier à Palma di Mallorca.
“Le peuple catalan, comme le peuple corse, vit son identité collective de façon naturelle.” Cette émergence d’un pôle structuré en Méditerranée Occidentale sera profitable aux îles et territoires qui en seront partie prenante. Elle permettra aussi à l’Union Européenne d’être rééquilibrée vers le Sud, dynamique positive pour les États-membres qui y ont intérêt, dont la France. Et facilitera la stabilisation d’un espace qui est stratégique, a fortiori dans le contexte de tension et de terrorisme auquel il va falloir durablement faire face. La logique de lobby se transforme donc en logique du “gagnant-gagnant” : faire de la Méditerranée un espace de dialogue et d’échanges, y compris avec la rive Sud, plutôt que l’épicentre des risques et des tensions. C’est une ambition à la fois haute et nécessaire. La Corse, avec humilité mais détermination, souhaite contribuer à sa réalisation n Propos recueillis par Julien Dreyfuss
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INTERVIEW
“To construct an institution able to meet the challenges of today and tomorrow”
... with Gilles Simeoni, President of Corsica’s Executive Council
Elected President of Corsica’s Executive Council on 17 December 2015, Gilles Simeoni takes us through the main strategies aiming to showcase the many advantages the region has to offer.
The victory of the nationalists at the last elections was a watershed moment for democracy in Corsica. What will be the key policies of your term of office? Beyond the electoral victory of the list that I had the honour of leading, it is true to say that a genuine democratic revolution occurred when the nationalists came to power. Corsicans hope and expect to see profound change, both with regard to the internal workings of Corsican society and its prospects for development and emancipation. Yet Corsica finds itself in a difficult position in a number of areas. Therefore, we have a mammoth task to accomplish with institutional and financial resources which are essentially limited. And we need to make headway within a shorter space of time than usual, for our term of office has been shortened from six years to two. Indeed, by 1 January 2018, Corsica must have set up a unitary territorial authority by merging the current collectivité territoriale (regional authority) for Corsica and the two departmental councils*. This deadline is crucial, because we must succeed in building an institution capable of meeting today’s challenges, as well as those of tomorrow. And in addition, there is work to be done in other areas which are of equal importance. In terms of method, then, we want to construct a new model for public action based on transparency, genuine democracy, and continuous interaction with the economic, social and cultural actors of the island. And on the substance, we need to lay the foundations for an overarching strategy to break with the mindset of reliance and shift irreversibly to a different
way of thinking based on development and emancipation. All the initiatives we are taking fit into this fundamental perspective (greater control and efficiency in our air and sea transport systems, a stronger policy on training and innovation, a contract for our young people and measures to combat insecurity, the implementation of an ambitious, long-term programme for energy, drastic improvement of the authority’s finances, a vigorous policy of public investment, negotiations with Paris and Brussels towards achieving a concrete fiscal status and genuine legislative powers, and a policy for EuroMediterranean cooperation are just some examples).
“Our political action is part of a longstanding struggle.” What arguments do you think you made in response to the other political forces? Our political action is part of a longstanding struggle. There exists a Corsican people, and throughout the ages it has always defended and demanded recognition of this fact, as well as respect for the rights that stem from this existence. We are the inheritors of this history and we will take it forward. At the same time, what we offer politically is profoundly and unfailingly modern and open in nature, and draws on the
repository of universal values: the demand for democracy, social justice, solidarity, and a meaningful society. Finally though, something else made the political and electoral union between the two main nationalist forces possible, allowing many Corsicans who do not share all of our ideas to place their faith in us: the announcement in 2014 by the FLNC (National Corsica Liberation Front) of a definitive and irreversible end to the armed struggle. This was both a strong political act and a major factor in calming tensions. By making democracy an essential condition of individual and collective emancipation, the national movement was able to convince a majority that a different path was possible, using the strength of ideas and an ideal alone. Our victory also places a huge responsibility on our shoulders, as we must prove ourselves equal to the trust placed in us. And it also requires us to work for the general interests of all Corsicans, however they voted last December.
In your previous interview with Le Courrier du Parlement, you asserted that “Corsicans have chosen to reclaim the essential tools to bring about their own economic development, leaving behind a culture of dependency.” In the light of this, what are the main aspects of your economic policy? The economy is most certainly of strategic importance. For historical and political reasons, Corsica has experienced a profound economic decline, the product of an “internal colonialism” denounced by Michel
*A department (in French département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region.
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Rocard, for example. It was conquered militarily during the 18 th century, and the colonial customs laws of the 19 th century destroyed the fabric of the island’s production. Against a backdrop of an absence of democracy and widespread abuses, Corsica gradually became a land exploited for gain, subject to speculation and with a culture of reliance. Notwithstanding periods of growth associated with specific conditions or particular sectors, the structural difficulties of our economy demonstrate the limitations of the model on which it is based. This is why we have chosen a strategy of riacquistu eco-
nomicu, or using the advantages specific to us to take back our economy. For example, the current economic shifts caused by the arrival of digital technology and the emergence of an environmental awareness are creating new opportunities for Corsica, which is why Paris and Brussels have put forward Corsica as a pioneer region for eco-development. This choice was enacted in a framework convention concluded with Ségolène Royal, Secretary of State for the Environment and Sustainable Development, who has given us her strong support. The convention will cover fields such as renewable energies, water
management, and the energy transition. We also want to strengthen the drivers of our economic production: education and training, the reappropriation of traditional techniques, technological innovations, a system for tax and support that suits our needs, promotion of the entrepreneurial ethos, the expectation of quality, etc. This is an ambitious objective that requires us to be proactive and organised in mobilising one of our primary resources – our people. This means, for example, our young people, who are at the centre of our priorities, or the Corsican diaspora, long neglected or romanticised, but who represent a considerable source of skills and experience able to add much value to our collective undertaking. More widely, what advantages does Corsica offer, especially in order to attract inward investment?
“The economy is most certainly of strategic importance.”
Everybody is aware of the exceptional natural environment here in Corsica, as well as the advantages of its geographical location in close proximity to all the major European capitals. In terms of its society, the positive values of hospitality, friendship, courage, solidarity and interest in the common good remain strong. These are also advantages when it comes to economic competitiveness and social cohesion, for example to begin to attract Corsicans back to the island or to integrate those who though not born here, have elected to link its destiny with their own. Finally, and this aspect is sometimes overlooked, Corsica can now call on high-quality human and technological capital. Its multi-disciplinary university has made the strategic choice to become highly specialised in a few key fields, which are renewable energies, the protection and promotion of land and marine biodiversity, digital technology, the sustainable development economy and the promotion of linguistic and cultural diversity. Through scientific developments, technology platforms devoted to renewables (in Ajaccio) or to aquaculture and fisheries (Bastia region), and the transfer of knowledge to businesses and the professional sphere, a knowledge economy is developing here in partnership with the CNRS (national centre for scientific research), INRA (national institute for agricultural research) and INSERM (national institute for health and medical research), as well as many European and international universities. The same applies in the digital sector, where a few highly innovative medium,
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INTERVIEW
© Myrabella
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small and very small enterprises are achieving international success and helping create the new centres of production and creativity. In short, the foundations which make us attractive to the outside are now much more diverse than they once were. It is for us to make these advantages easier to see and to grasp.
In which areas have you already been able to take action since you arrived in office? We have acted in many ways. For example, there has been a radical overhaul of our sea transport, both in terms of the principles of its operation and its purpose. The costly and inefficient monopoly has been challenged, the framework for creating a new regional company has been laid out, and the guiding principles of the future public service contract have been revised: a social and economic revolution is under way which has already generated an annual surplus of 30 million euros on the territorial continuity** grant allocated to Corsica. Then, a campus for vocational study will shortly be created, allowing operational cooperation with the long-term energy programme, support measures for medium/ small/very small companies will be rethought and reworked, the status of island mountain will be recognised in the Mountain Law, a five-year teacher training programme will allow us to roll out bilingual schooling, and we are supporting high-quality organic farming... In all areas, we emphasise open, creative and sustainable development. And we prioritise education, training and culture. Despite the restricted financial context, we are choosing to increase investment in schools, the university, training centres and places of culture, and in doing so, we are sending a strong signal: that instead of a strategy of seeking grants and subsidies, we are implementing strategies based on skills, talent and creativity. And we will always ensure that nobody is left behind. You went to Barcelona to meet the Catalan government and form the basis for long-term political, economic and cultural cooperation, with a view to being more influential both in Europe and the Mediterranean. Are you satisfied with these initial discussions, and in which areas do you intend to work together? I did indeed meet President Puigdemont
“The reinforcement of the mediterranean axis is a major opportunity for the territories and islands with a stake in the process.”
and other members of the Catalan administration for detailed political discussions, and I was honoured by this gesture of friendship. While Corsica cannot be compared to Catalonia in terms of population or economy, we are part of the same political dynamic. The Catalan people, just like the Corsican people, experiences its collective identity naturally and wants it to take the form of a global political project which will be structured around community links across the European Mediterranean. Each side will clearly progress at its own pace, defining responses to suit our respective realities. But we share strategic interests that we wish to promote through bilateral cooperation on the economy, digital technology, as well as cultural and linguistic policies, etc.
Would you like to see this bilateral cooperation become multilateral in format? If so, which other regions could be involved? Could you eventually constitute a pressure group at European level? Well, we are indeed working in the same way to strengthen our ties – both bilateral and multilateral – with Tuscany, the Balearic Islands, Sicily, and of course our sister island Sardinia, with whom we renewed links as soon as we took office. The reinforcement of this mediterranean axis is a major opportunity for the territories and islands with a stake in the process. Because this is about better exploiting our respective advantages and defending our shared interests together, both in respect of the states to which we are attached and the EU institutions. In this regard, island status is an important entry condition, especially with the new EU
cohesion policies in prospect from 2020. We were invited to visit Strasbourg in October by the “Regions of France” network and its president, Philippe Richert, whom we wish to thank for the warm welcome extended to the representatives of Corsica. On this occasion, we were able to tell representatives of the European Commission directly that a specific framework to support the Mediterranean islands is needed, based in particular on article 174 of the Treaty on the Functioning of the European Union and in line with the “most remote” status [French: ultrapériphéricité] justly assigned to the French overseas departments and territories, with whom Corsica will naturally also strengthen its relations. It is in this spirit that we signed a cooperation agreement with Sardinia on 14 March this year and we will sign a new agreement for Corsica, Sardinia and the Balearics on 21 November in Palma de Mallorca. This emergence of a more defined axis in the western Mediterranean will benefit those islands and territories with a stake in the structure. It will also allow the EU to be rebalanced towards the South, marking a positive shift for member states with an interest in this, such as France. And it will enable this strategic region to become more stable, all the more important in a context of tension and terrorism which will continue to challenge us for years to come. Thus the “pressure group” logic is being replaced by a “win-win” perspective: we are making the Mediterranean into an arena for dialogue and discussion, including with its partners on the southern shores, rather than the epicentre of risks and tensions. This is ambitious, but it must be achieved. And Corsica, with humility but also determination, wishes to play its part n
** The principle of territorial continuity aims to create equity between residents of all age groups and geographical areas by strengthening various services.
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PRÉSENTATION
© ATC / Sylvain Alessandri
La Corse en bref Corsica in brief PRÉSENTATION Quatrième île de la Méditerranée par sa superficie, la Corse constitue une collectivité territoriale française à statut particulier administrée par une Assemblée et un conseil exécutif. Elle s’étend sur une superficie de 8722 km2 et regroupe deux départements, la Corse-du-Sud et la Haute-Corse, rassemblant une population de 320 208 habitants lors du recensement en janvier 2013.
OVERVIEW The fourth largest Mediterranean island in terms of surface area, Corsica is a French regional authority (collectivité territoriale) which enjoys a special status and is administered by an Assembly and executive council. The island’s territory of 8,722km 2 is divided into two departments – Corse-du-Sud and Haute-Corse* – and at the January 2013 census had a population of 320,208.
© Thibault
* A department (in French département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region
TRANSPORTS Si la Corse possède un réseau ferroviaire de deux lignes seulement (Bastia-Corte-Ajaccio et Ponte-Leccia-L’Île Rousse-Calvi), des liaisons maritimes sont assurées avec le continent européen toute l’année via les ports de Bastia, Ajaccio, Porto Vecchio, l’Île Rousse, Bonifacio, Calvi et Propriano. L’aérien se déploie quant à lui dans les quatre aéroports d’Ajaccio Napoléon Bonaparte, Bastia Poretta, Calvi-Sainte Catherine et Figari Sud Corse.
TRANSPORTS Though Corsica’s rail network comprises only two lines serving Bastia-Corte-Ajaccio and Ponte Leccia-L’Île Rousse-Calvi, sea crossings to the European mainland operate all year round from the ports of Bastia, Ajaccio, Porto Vecchio, l’Île Rousse, Bonifacio, Calvi and Propriano. There are also four airports on the island: Ajaccio Napoléon Bonaparte, Bastia Poretta, Calvi-Sainte Catherine and Figari-Sud Corse.
ECONOMIE Bénéficiant des effets favorables du tourisme et de la forte expansion de la construction, la Corse offre de multiples opportunités aux porteurs de projets. Néanmoins, l’insularité du territoire limite son marché : le programme CorsExport sert donc à accompagner l’exportation en permettant l’accroissement du nombre d’entreprises. La dynamique entrepreneuriale reste un point fort de l’économie locale malgré un taux de chômage assez conséquent. L’agriculture constitue elle aussi un secteur productif important avec la castanéiculture, l’oéliculture, la viticulture mais aussi les productions fermières de fromages et charcuteries.
ECONOMY With the advantages of tourism and a construction industry experiencing strong growth, Corsica offers a wealth of opportunities for project developers. Being an island somewhat restricts its market, however, and so the CorsExport programme serves to support exports by allowing the number of businesses to grow. A dynamic of entrepreneurialism remains a strength of the local economy despite quite significant levels of unemployment. Agriculture is also an important sector of production, and includes the cultivation of chestnuts and olives, as well as viticulture, but also farm produce such as cheeses and meats.
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Hors-série - Décembre 2016
© ATC-S.Alessandri
SOMMAIRE : La Corse
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“Construire une institution capable de relever les défis d’aujourd’hui et de demain”
1
Grand entretien avec Gilles Simeoni, Président du Conseil Exécutif de Corse
La Corse en bref “La collectivité unique, un enjeu démocratique”
7 14
Un entretien avec Jean-Guy Talamoni, Président de l’Assemblée de Corse
“Le rôle du Département est irremplaçable”
18
Un entretien avec Pierre-Jean Luciani, Président du Conseil départemental de la Corse-du-sud
“Construire une Corse apaisée, solidaire et ambitieuse”
20
Un entretien avec François Orlandi, Président du Conseil départemental de la Haute-Corse et Président du SDIS2B
“Construire une Corse qui produit plus qu’elle ne consomme”
25
Un entretien avec Henri Franceschi, Président du CESC
L’éveil culturel et linguistique de la Corse
30
Un entretien avec Jacques Thiers, Professeur d’Université, poète et écrivain
“Nous ne sommes artistes qu’à travers les autres”
34
Un entretien avec Guy-Paul Chauder, Peintre
“Chanter pour une société meilleure”
36
Un entretien avec Patrizia Gattaceca, Chanteuse, poétesse et comédienne
“Je parle corse donc j’existe”
38
Un entretien avec Guy Firroloni, Fondateur des Editions Albiana
Il était une fois Napoléon… mais pas seulement
40
Un entretien avec Jean-Marc Olivesi, Conservateur en Chef du Musée National de la Maison Bonaparte
“La Collectivité territoriale de Corse, une assemblée qui n’a pas le pouvoir d’adapter les lois” Un entretien avec André Fazi, Politologue, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Corse
8 | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | Les dossiers Territoires
42
Des secteurs économiques et des savoir-faire d’excellence L’économie corse entame sa double mutation
46
Un entretien avec Jean-Christophe Angelini, Conseiller exécutif de Corse, président de l’agence de développement économique de la Corse (ADEC), président de l’office foncier de la Corse
L’aménagement du territoire, le renouvellement urbain et les transports Une politique de transports ambitieuse
54
Un entretien avec Jean-Felix Acquaviva, Conseiller exécutif de Corse, Président de l’Office des Transports de la Corse, délégué aux infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et ferroviaires et Président du Comité de Massif, Maire de Lozzi
Environnement, développement durable et solidarités “La gestion des déchets est notre plus grande priorité”
64
Un entretien avec Agnès Simonpietri, Conseillère exécutive de Corse, présidente de l’office de l’environnement de la Corse, déléguée à l’Agenda 21 territorial / Corsica 21, au plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux et autres plans déchets
Pour une Corse durable
66
Un entretien avec Fabienne Giovannini, Conseillère exécutive de Corse, Présidente de l’agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse
Eau : faire face à l’afflux estival, à l’agriculture et au réchauffement climatique
71
Un entretien avec Xavier Luciani, Conseiller exécutif de Corse, Président de l’office d’équipement hydraulique de Corse
La recherche et l’innovation, l’enseignement supérieur et le formation : des clefs essentielles pour accompagner la compétitivité régionale et la création d’emplois “La langue est le fil conducteur de notre action”
82
Un entretien avec Josepha Giacometti, Conseillère exécutive en charge de la formation, de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la carte scolaire, de la culture et du patrimoine
Université de Corse Pasquale Paoli : un suivi quasi-personnalisé des étudiants
96
Un entretien avec Paul-Marie Romani, Président de l’Université de Corse Pasquale Paoli
“La Corse offre aux entreprises un cadre de travail exceptionnel”
99
Un entretien avec Antoine Mondoloni, Président de la Chambre de commerce et d’industrie régionale (CCIR) de Corse
Une grande région au cœur de l’Europe
Ce qui rattache la Corse à l’identité européenne, c’est avant tout la volonté d’un peuple
104
Un entretien avec Marie-Antoinette Maupertuis, Conseillère Exécutive de Corse, Présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse, déléguée à la présidence du COREPA, au Comité de suivi des programmes européens à la stratégie de spécialisation intelligente et d’innovation et déléguée aux Affaires Européennes et Internationales
Tourisme, sport et culture
Une crique, un village perché : à chaque tournant de la route, c’est une découverte
110
Un entretien avec Marie-Antoinette Maupertuis, Conseillère Exécutive de Corse, Présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse, déléguée à la présidence du COREPA, au Comité de suivi des programmes européens à la stratégie de spécialisation intelligente et d’innovation et déléguée aux Affaires Européennes et Internationales
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Hors-série - December 2016
TABLE OF CONTENT: Corsica
“To construct an institution able to meet the challenges of today and tomorrow”
4
An interview with Gilles Simeoni, President of Corsica’s Executive Council
Corsica in brief “The single authority: an important challenge for democracy”
7 16
An interview with Jean-Guy Talamoni, President of the Corsican Assembly
“The department has an irreplaceable role”
19
An interview with Pierre-Jean Luciani, President of the Departmental Council of Corse-du-Sud
“Building a peaceful, caring and ambitious Corsica”
23
An interview with François Orlandi, Chairman of the Departmental Council of Haute-Corse
“Building a Corsica where production exceeds consumption”
27
An interview with Henri Franceschi, President of the ESCC
Corsica’s linguistic and cultural awakening
33
An interview with Jacques Thiers, University professor, writer and poet
“We are only artists insofar as we interact with others”
35
An interview with Guy-Paul Chauder, Painter
The role of song in building a better society
37
An interview with Patrizia Gattaceca, Singer, poet and actress
“I speak Corsican, therefore I am”
39
An interview with Guy Firroloni, Founder of Editions Albiana
Once upon a time there was Napoleon... but there were others too
41
An interview with Jean-Marc Olivesi, Head curator of the Musée National de la Maison Bonaparte
“The Corsican regional authority is an assembly with no powers to adapt legislation” An interview with André Fazi, Political analyst and senior lecturer in political science at the University of Corsica
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44
Economic actors and know-how of the highest quality
Corsica’s economy to undergo a double-edged transformation
52
An interview with Jean-Christophe Angelini, Member of Corsica’s executive council, chairman of the Corsica Economic Development Agency (ADEC) and the Corsica land and property office
Territorial planning, urban renewal and transport An ambitious transport policy
58
An interview with Jean-Felix Acquaviva, Member of Corsica’s Executive Council, President of the Corsica Office for Transport, elected member for airport, road, rail and port infrastructure, President of the Mountain Commission and Mayor of Lozzi
The environment, sustainable development, and solidarity “Waste management is our number one priority”
65
An interview with Agnès Simonpietri, Member of Corsica’s Executive Council, Director of the Corsica Office for the Environment, member for Agenda 21/Corsica 21 and for waste management plans, including the prevention and management of non-hazardous waste
Towards a sustainable Corsica
70
An interview with Fabienne Giovannini, Member of Corsica’s executive council of Corsica, Chairwoman of the Planning Agency for Sustainable Development, and Energy of Corsica
Water: facing the challenges of the summer population influx, agriculture and global warming
73
An interview with Xavier Luciani, Member of Corsica’s Executive Council, Chairman of the Office of Hydraulic Equipment of Corsica
Research and innovation, higher education and training: fundamental tools to boost regional competitiveness and create jobs “Language is the common thread of our activity”
84
An interview with Josepha Giacometti, Member of Corsica’s executive council in charge of training, higher education, research, school mapping plan, culture and heritage
University of Corsica Pasquale Paoli: student support practically tailored to the individual
98
An interview with Paul-Marie Romani, Vice-Chancellor of the University of Corsica Pasquale Paoli
“La Corse offre aux entreprises un cadre de travail exceptionnel”
102
An interview with Antoine Mondoloni, Director of the Chamber of Commerce and Industry for Corsica (CCI)
A major region at the heart of Europe
What binds Corsica to the European identity is above all the will of a people
107
An interview with Marie-Antoinette Maupertuis, Member of Corsica’s Executive Council; Director of the Corsica Tourism Agency; member appointed chair of CORE-PA (regional committee for the administration of Corsica aid budgets) and to the monitoring committee for European programmes on Innovation Strategies for Smart Specialisation; member for European and international affairs
Tourism, sport and culture
A cove, then a hilltop village... every twist and turn in the road brings a new discovery
113
An interview with Marie-Antoinette Maupertuis, Member of Corsica’s Executive Council; Director of the Corsica Tourism Agency; member appointed chair of CORE-PA (regional committee for the administration of Corsica aid budgets) and to the monitoring committee for European programmes on Innovation Strategies for Smart Specialisation; member for European and international affairs LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN - Édité par Monde Edition S.A.S. - Siège : 3, rue Mornay, 75004 Paris - Téléphone : 01 44 54 05 50 - Fax : 01 44 54 05 55 E-mail : redaction@lcp-europeen.eu - www.lecourrierduparlement.fr n Directeur de la publication - Rémy Lazimi n Secrétaire de rédaction - Sharon Lazimi n Journalistes - Lucas Chedeville , Julien Da Sois, Valentine De Brye, Julien Dreyfuss, Pauline Pouzankov, Olivier Sourd, Louis Watrelot n Infographiste - Isabel Viana n Directrice de la communication - Danielle Decaris n Relations presse - Laurent Vigée n Remerciements - Carine Acquaviva - Clothilde.Bujoli-Biancardini - Stella Acquaviva n N° 23 n Numéro ISSN - 2418-1056 n Imprimé en France n Dépôt légal à parution n Photo de couverture - Fotolia_-® joningall1_ponte vecchiu_Fango Toute reproduction, même partielle, des articles publiés dans ce numéro, nécessite explicitement le consentement écrit de l’éditeur.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 11
ENTRETIEN Après avoir lancé de nombreuses initiatives dès son accession aux responsabilités, le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a fait de l’éducation, de l’économie et de la gestion de la diversité culturelle le triptyque de son action. Gardant en tête l’enjeu de la collectivité unique à l’horizon 2018.
© Collectivité Territoriale de Corse
“La collectivité unique, un enjeu démocratique” Jean-Guy Talamoni Président de l’Assemblée de Corse
tions nécessitent une révision constitutionnelle et sont donc difficile à mettre en œuvre actuellement.
Quelques mois après votre victoire, quel état feriez-vous du dialogue entre la Corse et Paris ? Les demandes de l’Assemblée de Corse ont-elles été entendues, d’après vous ? Le tableau était plutôt sombre jusqu’à la visite de Ségolène Royal au mois de juin, qui a été le premier contact ministériel ayant débouché sur quelque chose de positif en matière d’environnement. Car si l’on ne peut pas affirmer que le gouvernement se désintéresse de la Corse, bien souvent nos rencontres avec les ministres se concluent sur des bilans en demi-teinte. Je pense notamment à la co-officialité de la langue corse et au statut de résidant, tous deux demandés par l’Assemblée de Corse, qui ont reçu un “non” catégorique. Cette réponse s’explique néanmoins par le fait que ces ques-
En revanche, la demande d’amnistie des prisonniers politiques indépendantistes, ne nécessitant qu’une loi simple, s’est elle aussi soldée par un refus de principe alors que notre Assemblée l’a votée à 47 voix sur 51, soit presque à l’unanimité. Aujourd’hui, les Corses veulent tourner cette page de leur histoire mais la position actuelle de Paris ne permet pas d’acter ce changement. Nous souhaiterions par ailleurs que ces prisonniers soient ramenés sur notre île, selon un engagement solennel pris par plusieurs ministres il y a une quinzaine d’années et qui n’a toujours pas été honoré. Sans doute la situation politique et électorale française n’est pas étrangère à cette décision. Autre enjeu démocratique majeur, la collectivité unique : décidée pour 2018, elle rencontre toutefois une certaine résistance de la part des élus départementaux, qui demandent plus de temps pour opérer la fusion. Je suis très attaché à ce que la date initiale soit respectée : c’est pourquoi nous devons lancer la démarche immédiatement pour que son sort ne dépende pas du résultat des urnes lors des prochaines élections présidentielles. Ce changement majeur permettra de travailler dans de meilleures conditions, de rationaliser la décision politique et d’instaurer
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la transparence en simplifiant l’administration : autant de choses difficiles à réaliser au sein du système actuel. En tant que président de l’Assemblée de Corse, quelles sont aujourd’hui les priorités de votre action ? Dès mon accession aux responsabilités, j’ai décidé de créer trois conférences permanentes portant sur les sujets suivants : n l’éducation et la formation au centre du projet de développement, qui est la priorité de notre majorité aujourd’hui. Il faut miser sur l’enseignement supérieur pour préparer la société de demain, l’éducation étant une condition essentielle du bien-être social et à d’une démocratie éclairée.
“L’éducation et la formation sont au centre de notre projet de développement.” n la gestion de la diversité culturelle, abordée en Corse sous le prisme de l’interculturalisme, conformément aux orientations du Conseil de l’Europe. Autrement dit, plutôt qu’une juxtaposition de cultures, nous préférons un système qui organise la société autour du peuple d’accueil et de ses valeurs, tout en respectant l’ensemble des cultures. Une approche incitant, somme toute, à participer à un destin commun.
n le volet économique et social, comportant notamment l’initiative fiscalité du patrimoine, l’élaboration d’une charte pour l’emploi local, ainsi qu’un projet de statut fiscal et social pour la Corse, actuellement en cours. Ce dernier vise à prendre en compte la situation particulière de notre île, afin de mettre les entreprises corses sur un pied d’égalité avec leurs homologues continentales. Dans votre discours du 28 avril, vous avez qualifié la victoire des nationalistes en décembre dernier comme un “new deal” pour la Corse et la Sardaigne. Comment comptez-vous “resserrer les liens” entre les deux îles ? Quels seront vos principaux champs d’action ?
“L’insularité fait partie des points communs que la Corse partage avec la Sardaigne.”
lors des précédentes mandatures. En plus d’une amitié historique entre les deux peuples, nos territoires possèdent des intérêts communs qu’il convient d’exploiter, notamment en termes de transports, de tourisme, d’énergie mais aussi de culture. Vous souhaitez défendre ensemble un statut des îles de la Méditerranée, notamment à Bruxelles. Quelles sont vos re-
vendications ? L’insularité fait partie des points communs que la Corse partage avec la Sardaigne, c’est pourquoi nous comptons nous rendre à Bruxelles pour plaider des mesures de fiscalité, entre autres, qui pourraient pallier les contraintes liées à notre spécificité géographique n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
© www.fotolia.com
Cet aspect de notre politique a été largement commenté mais je tiens à préciser que les relations extérieures de la Corse ne peuvent pas être réduites à la Sardaigne, même s’il s’agit d’une “ île soeur” avec laquelle nous avons entretenu des liens étroits pendant des siècles. C’est cette volonté de coopération que l’on a souhaité renouveler, car elle n’a pas été suffisamment soulignée
© Pierre Bona
Décembre 2016 | La Corse
“Il faut miser sur l’enseignement supérieur pour préparer la société de demain.”
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 15
INTERVIEW WITH...
“The single authority: an important challenge for democracy”
... Jean-Guy Talamoni, President of the Corsican Assembly
© Collectivité Territoriale de Corse
Following the large number of initiatives launched when he assumed office, JeanGuy Talamoni, President of the Corsican Assembly, made education, the economy and the management of cultural diversity the three central priorities of his term – while keeping sight of the challenge of forming one unitary authority by 2018.
situation in France has played a role in this decision. The unitary authority represents another major democratic challenge. The date is set for 2018, but it is nevertheless encountering a certain amount of resistance from the departmental elected representatives, who are asking for more time to carry out the merger. I strongly believe that the initial deadline should be respected, which is why we must get things under way immediately so that the fate of the new authority does not depend on the outcome of the next presidential elections.
A few months on from your election victory, how would you assess the state of dialogue between Corsica and Paris? Do you feel the requests of the Corsican Assembly have been heard? The picture was fairly bleak up until the visit by Ségolène Royal in June. This was the first time that contact with a minister had led to something positive for the environment. For while it can’t be said that the government is losing interest in Corsica, our meetings with ministers very often produce mixed results. Particular examples include the question of a joint official status [French: co-officialité] for the Corsican language and a resident status*. These were both requests from the Corsican Assembly which were met with a point-blank refusal.
However, this response can be explained by the fact that both issues would require changes to the constitution, and so are difficult to implement at the present time. On the other hand, the request to grant an amnesty to nationalist political prisoners, which requires one simple law, was also turned down in principle even though our Assembly approved it almost unanimously by 47 votes to 4. Today, Corsicans wish to close that chapter of their history, but the current stance of Paris makes it impossible to do so in practice. We would also like these prisoners to be returned to our island in accordance with a solemn pledge made by several ministers around 15 years ago which has still not been honoured to this day. No doubt the political and electoral
“Education is a prerequisite for wellbeing in society and informed democracy.” This is a significant change which will allow us to work in better conditions, to provide a rationale for political decisions and to instil transparency by simplifying governance – all things which are difficult to achieve within the current system. As president of the Corsican Assembly, what are the priorities for the work you
*Translator’s note: the resident status requested by Corsica concerns a “residence test”: any person buying property in Corsica would need to be a resident of the island for at least 5 years, in a measure designed to slow rising property prices on the island
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December 2016 | Corsica
intend to do? As soon as I took office, I decided to create three standing conferences on the following areas of policy: n education and training at the centre of our development plan, which is the priority for our majority today. We must invest in our higher education in order to prepare the society of tomorrow, since education is a prerequisite for wellbeing in society and an informed democracy.
“We must invest in our higher education.”
n the economy and the workforce, including in particular the asset-based taxation initiative, a charter for local jobs, as well as the planned corporate and fiscal status for Corsica, currently in progress. This status aims to take into account the particular position of our island, so that Corsican firms are placed on an equal footing with those situated in mainland France.
In the speech you made on 28 April, you described last December’s victory for the nationalists as a “new deal” for Corsica and Sardinia. How do you intend to strengthen ties again between the two islands? What will be your principal spheres of action? This aspect of our politics has been widely discussed, but I wish to make clear that Corsica’s foreign relations cannot be reduced to Sardinia alone, even if it is indeed a “sister island” with which we have had close
links for centuries. It is this desire for cooperation that we wanted to renew, as previous administrations did not underline it enough. As well as the friendship shared by our peoples through history, our territories have common interests that should be exploited, especially in the fields of transport, tourism, and energy, but also culture.
“Corsica’s foreign relations cannot be reduced to Sardinia alone.” Together, you want to stake your claim for a Mediterranean island status, particularly to Brussels. What are you asking for, specifically? Corsica and Sardinia are both islands; this is among the aspects we have in common. And this is why we intend to visit Brussels to make the case for measures, including on taxation, that could help mitigate the constraints associated with our particular geography n © www.fotolia.com
n the management of cultural diversity, which in Corsica is approached through the prism of interculturalism, in accordance with direction from the Council of Europe. In other words, rather than a juxtaposition of cultures, we prefer a society organised around the host people and its values, in a manner
which respects all cultures. This approach ultimately encourages everyone to be part of a shared destiny.
“Education and training are at the center of our development plan, which is the priority for our majority today.”
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ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Alors que la Corse s’apprête à devenir une collectivité unique en 2018, le président du Conseil départemental de Corse-du-sud, Pierre-Jean Luciani, insiste sur le rôle fondamental que son institution a joué depuis sa création.
© DR
“Le rôle du Département est irremplaçable” Pierre-Jean Luciani Président du Conseil départemental de la Corse-du-sud
Justement, la loi NOTRe acte, en Corse, la suppression des deux départements à l’horizon 2018. Quels sont vos espoirs et vos craintes ?
Et concernant les infrastructures ?
La Corse dispose d’un statut particulier qui a, notamment, pour conséquence de réduire le champ d’action départementale. Pour autant, dans vos domaines de compétences, quelles sont vos priorités ? Notre Conseil départemental est traditionnellement connu et reconnu à travers son action sociale dont c’est le principal budget. Les solidarités s’expriment par la gestion et le versement de nombreuses allocations comme l’APA ou le RSA... Mais c’est dans les domaines de la santé, de la protection de l’enfance et de la jeunesse que notre action s’est intensifiée. Ce sont des enjeux majeurs où la demande s’est accrue en raison des inégalités sociales. Quelques exemples de politiques comme l’accès à la contraception ou à l’IVG, la prévention sanitaire ou encore les réponses à l’enfance en danger ont bénéficié de moyens humains et financiers supplémentaires au nom de la solidarité.
Notre collectivité possède un patrimoine routier d’environ 2000 km. Nous y réalisons de manière régulière des investissements relatifs à son entretien et à sa rénovation. En l’espèce, l’objectif est double. D’un côté le désenclavement de certains territoires, ruraux et urbains. De l’autre, la sécurité des usagers qui nécessite une mise à niveau des équipements ainsi que des revêtements. Grâce au Département, malgré les difficultés liées au relief, nos routes gagnent aussi en confort. Vous intervenez, dans le cadre de l’aide aux communes, comme un véritable aménageur du territoire. Selon quels critères et en fonction de quels objectifs ? Je voudrais d’abord souligner que le Département vote des enveloppes financières en faveur des communes en augmentation chaque année. C’est à la fois normal et nécessaire. Depuis toujours, le Département est l’interlocuteur et le partenaire privilégié des communes. Nous accompagnons les petits comme les gros projets qui contribuent au développement du territoire et surtout ceux qui tendent à réduire la fracture territoriale, les inégalités numériques et culturelles également. Il faut relever le niveau d’équipement et c’est dans ce cadre que nous intervenons dans le domaine de l’eau, l’assainissement, la voirie, l’habitat… Notre rôle est irremplaçable.
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Mon grand espoir est que l’ensemble de nos politiques publiques, qui bénéficient sans distinction à tous les habitants et à tous les territoires de la Corse-du-Sud, puissent être poursuivies et pourquoi pas amplifiées. Ce serait un recul significatif si la fusion des trois principales collectivités avait pour effet de réduire le champ et la qualité de l’intervention publique. Ma crainte prend plutôt les allures d’un regret. Les Départements ont fait preuve d’efficacité depuis leur création, c’est un avis unanime. Les voir se fondre dans une superstructure administrative dont la notion de proximité va totalement disparaître m’attriste quelque peu pour mes concitoyens. Estce le prix de la modernité ? Je demande à voir. Enfin, l’un des projets qui vous tient à cœur est la “renaissance” du Château de la Punta, pourriez-vous nous en dire un mot ? Les Corses sont attachés à leur terre et par conséquent à leur patrimoine. Le Département est propriétaire d’un vrai joyau, situé sur les hauteurs d’Ajaccio qui était abandonné jusqu’à maintenant. Avec nos partenaires, l’Etat en tête, nous nous sommes décidés à travailler sur un projet global dont la finalité est de rendre possible, aux Corses et bien sûr aux visiteurs, l’accès à ce château. J’espère, avec l’ensemble de mes collègues, que ce sera chose faite à moyen terme et que des animations pourront progressivement y être envisagées n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“The department has an irreplaceable role”
... Pierre-Jean Luciani, President of the Departmental Council of Corse-du-Sud
As Corsica prepares to become one unitary authority in 2018, the president of the departmental council* of Corse-du-Sud, Pierre-Jean Luciani, emphasises the fundamental role that his institution has played since it was created.
The island of Corsica has a particular status, and one consequence of this is to reduce the political remit of the departments. What are your priorities for the areas in which you exercise responsibility? Our departmental council is traditionally known and recognised for its social action, an area in which its holds the principal budget. We administer and make many types of welfare payments to assist our population, including the aide personnalisée d’autonomie (personal autonomy payments) and the revenus de solidarité active (in-work benefit). But it is in the areas of health and the protection of children and young people that we have intensified our work. These services present major challenges, as social inequality has led to increased demand. We have provided additional financial and human resources for certain policies as part of our welfare responsibilities, including for access to contraception and abortion services, for health prevention and child protection services.
“Corsicans feel an attachment to their land.” What about infrastructure? Our authority area has a road network of approximately 2,000km, and we make regular investments in order to renovate and maintain the roads. We have two priorities in this particular area: firstly, we want to im-
prove links to certain rural and urban locations, and secondly, we will focus on the safety of road users, which requires the updating of our infrastructure and road surfaces. In spite of the difficulties posed by our mountainous territory, the department is improving conditions for drivers. By virtue of the support you provide to the communes, the department is able to act as a real driver for territorial development. What objectives and criteria exist in this area? First of all, I would like to emphasise that the department approves budgets for our municipalities which rise every year, and this is both necessary and normal. The department has always been the first partner and contact point of the communes. We support projects both large and small that contribute to the development of the area we serve, especially those liable to reduce territorial divides and digital or cultural inequalities. The level of our infrastructure needs to be raised, and this is the context in which we take action regarding water, sanitation, the highways, housing, and so on. Our role is irreplaceable. That’s precisely the issue: the NOTRe law [territorial reorganisation law] ratifies the removal of the two Corsican departments by the start of 2018. What do you hope this move will achieve, and what are your fears? My great hope is that all of our public policies, which benefit all residents and areas of Corse-du-Sud equally, can be pursued or perhaps even strengthened. It would be a
significant step backwards if the merger of the three main authorities had the effect of reducing the scope and quality of work delivered for the public. My fear rather resembles a regret: the departments have demonstrated their effectiveness since they were created –everybody agrees on that. Seeing them subsumed into an administrative superstructure which will completely lose the notion of proximity makes me feel somewhat sad for my fellow citizens. Is this the price of moving with the times? I would like to find out.
“The department has always been the first partner and contact point of the communes.” Finally, a project close to your heart is the “renaissance” of the Château de la Punta. Could you say a few words about this? Corsicans feel an attachment to their land, and therefore their heritage is important to them. The department owns a true heritage gem situated in the heights above Ajaccio which was left abandoned until now. With our partners, led by the national government, we resolved to work on a project which will eventually allow access to this château for Corsicans, and of course visitors too. All of my colleagues and I hope this will be achieved in the medium term and that additional facilities can then gradually be envisaged n
* Translator’s note: A department (in French département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 19
ENTRETIEN Agenda 21, Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate, développement du thermalisme et mise à niveau des réseaux routiers : autant de projets que le Conseil départemental de Haute-Corse continue de mener à bien malgré l’évolution prévoyant la disparition de son institution.
© Photographie Rita Scaglia
“Construire une Corse apaisée, solidaire et ambitieuse” François Orlandi Président du Conseil départemental de la Haute-Corse et Président du SDIS2B
renforcer la cohérence de la politique départementale mais aussi son efficacité en s’appuyant sur une feuille de route commune à l’ensemble des politiques médicosociales pour les cinq années à venir.
Le Département s’est doté d’un Schéma Départemental unique d’organisation sociale et médico-sociale qui définit sa politique sociale jusqu’en 2018. Quels en sont les objectifs ? Le Département, chef de file de l’action sociale, est désormais le huitième département doté d’un Schéma Départemental Unique d’Organisation Sociale et MédicoSociale.
Ce travail, mené en constante coopération entre ses services, mais aussi en étroite collaboration avec ses partenaires institutionnels ou associatifs, démontre de la part du Département un changement de cap et de méthode : l’abandon des politiques sectorielles au profit d’une approche globale des besoins et une réorientation autour de la personne de l’ensemble des dispositifs et services existants.
constante des dotations produisent des effets dévastateurs sur la commande publique, qui représente une part essentielle de l’activité économique. Outre ce dernier levier, le monde de l’entreprise bénéficie de notre implication indirecte en faveur du commerce et de l’artisanat, par un soutien aux manifestations organisées par les différentes interprofessions.
“L’économie locale reste structurellement très dépendante de la conjoncture.”
Comment l’économie de Haute-Corse se porte-t-elle ? Comment soutenez-vous les entrepreneurs locaux ?
Il s’agit d’un document élaboré avec les acteurs concernés, qui regroupe sur un support unique, les six volets d’intervention sociale du Département : handicap, vieillissement, petite enfance, protection de l’enfance, insertion et logement.
L’économie locale reste structurellement très dépendante de la conjoncture en raison d’une industrie quasi absente et du poids prépondérant du tourisme. La situation sociale fortement impactée est marquée par une importante précarité. L’action que le Département conduit en ce domaine s’inscrit dans de nombreuses démarches de soutien à travers notamment l’économie sociale et solidaire.
Cette nouvelle approche vise à engager de manière simultanée une réflexion sur l’ensemble des politiques relevant des compétences du Département. Il s’agit donc de
Par ailleurs, l’économie reste de manière globale fortement dépendante du secteur public. A cet égard, les contraintes financières actuelles avec notamment la baisse
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Comment les préoccupations environnementales s’illustrent-elles dans l’action départementale ? Je préside une institution dont l’implication en faveur de l’environnement et du développement durable est ancienne, profondément ancrée et reconnue par ses partenaires. Cette implication s’illustre dans la gestion de milieux sensibles et/ou remarquables : 8 200 hectares d’espaces littoraux protégés par convention avec le Conservatoire du Littoral, mais aussi une réserve naturelle de premier plan concernant l’avi-
Décembre 2016 | La Corse
faune, qui présente l’originalité d’être implantée en milieu urbain (réserve naturelle de l’étang de Biguglia-Site Ramsar). Outre la problématique purement naturaliste qui s’attache à la gestion de ces sites, nous sommes donc fortement préoccupés par la conciliation des usages, en raison de leur situation géographique, entre différents types d’acteurs : professionnels, touristes, institutions, riverains. La maîtrise de l’incidence anthropique est fondamentale. Dès lors, nous avons développé une politique forte de concertation centrée sur chacun des espaces par la mise en place de chartes, de moyens d’information et d’échanges adaptés (internet notamment) ainsi que par l’activation d’un réseau de terrain composé d’associations, agriculteurs, communes ou simples citoyens qui dépassent leur rôle d’auxiliaire de gestion.
Mes fonctions actuelles sont liées à l’évolution institutionnelle qui prévoit la disparition des conseils départementaux de Corse et limite forcément les projets inhérents à ces collectivités.
“L’implication du département dans le développement durable est ancienne.” Aussi, l’action du Département se déclinera en premier lieu dans la continuité des actions courantes dans ses domaines de compétences propres comme le social et l’environnement. Ces actions nécessitent toutefois une réelle projection prenant en compte, tant les évolutions sociétales que les contraintes financières. D’autres types de projets concerneront des engagements plus ciblés avec des objectifs précis. Ainsi est-il impératif de mettre à
un niveau conforme aux besoins un réseau routier lourdement endommagé par une série d’intempéries aux effets particulièrement destructeurs dans les zones rurales. Nous sommes par ailleurs engagés une démarche de développement dans le domaine du thermalisme. Le Conseil Départemental de la Haute-Corse, propriétaire de sites particulièrement reconnus, comme Pietrapola et d’autres sources thermales non exploitées, entend favoriser une dynamique régionale avec l’ambition de créer une chaine thermale de Corse. Il conviendra aussi d’achever la démarche “Agenda 21” initiée depuis de nombreuses années. Toujours dans le cadre de la protection de notre environnement, le Département de la Haute-Corse a été largement impliqué dans la phase de préfiguration de création du Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate. Sous l’impulsion de l’Agence des Aires Marines Protégées, présidée par Paul Giacobbi, l’Etat a souhaité partager avec la Collectivité Territoriale de Corse via son Office de l’Environnement, la co-construction de ce projet. En qualité d’élu du territoire, j’ai eu l’honneur d’être très étroitement associé à cette ambition dont
© service de communication du CD2B
Nous nous préoccupons aussi du futur de ces espaces, en menant à bien une politique de sensibilisation des plus jeunes au développement durable, en partenariat avec l’éducation nationale, au travers des visites guidées de ces sites mais également de diverses manifestations telles que concours, ateliers, rencontres.
Quels autres projets marqueront votre actualité ces prochaines années ?
Session de l'assemblée départementale dans la salle des délibérations Jean Leccia.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 21
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
d’ouverture et d’échanges, le PNMCCA doit devenir un outil de développement au service des femmes et des hommes qui sauront se l’approprier.
“Nous nous préoccupons du futur de nos espaces.”
Le président de la Haute-Corse françois Orlandi en compagnie des sapeurs-forestiers du Département, présents en renfort du SDIS 2b sur un important incendie.
la concrétisation s’est traduite par un arrêté interministériel en date du 15 juillet 2016, portant création du PNMCCA (Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate). Ce parc constitue une nouvelle opportunité pour notre l’île, déjà pionnière et exemplaire en matière de protection de ses espaces
naturels terrestres et marins. Ce huitième parc naturel marin français (le plus vaste de métropole -6 830 km2), structure indispensable, sera l’atout majeur d’un développement harmonieux et respectueux de l’esprit d’un espace dont la vocation maritime s’est révélée depuis des siècles. Baignant une terre
Le Conseil départemental de la Haute-Corse.
22 | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | Les dossiers Territoires
Enfin, nous devrons réaliser, avec la Collectivité Territoriale de Corse et le Conseil Départemental de Corse du Sud, la coconstruction de la Collectivité Unique dans le cadre de la loi NOTRe, évolution institutionnelle essentielle pour la région Corse. A titre personnel, je serai bien évidement engagé de manière directe ou indirecte dans les prochaines échéances avec pour seule ambition : participer à la construction d’une Corse apaisée, solidaire et ambitieuse n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“Building a peaceful, caring and ambitious Corsica”
... François Orlandi, Chairman of the Departmental Council of Haute-Corse
Agenda 21, the Cape of Corsica and Agriate natural marine park, development of the spa industry and upgrades to the road networks: these are projects that the Departmental Council of Haute-Corse continues to lead despite changes that mean the disappearance of this institution.
The Department has a unique Departmental Plan for social and medicosocial organisation that sets out its social policy up until 2018. What are the objectives? The Haute-Corse Department*, which leads social action, is now the eighth Department with a Unique Departmental Plan for social and medico-social organisation. This is a document developed along with stakeholders, which assembles in one place the six components of the Department's social intervention: disability, ageing, childhood, child protection, integration and housing.
“Human impact is fundamental.”
This new approach aims to engage a reflection simultaneously on all the policies within the remit of the Department. Therefore, it is about enhancing the consistency of departmental policy, but also its effectiveness, by relying on a common road map for all the medical and social policies for the next five years. This work, carried out in constant cooperation between its services, but also in close collaboration with its institutional and organisational partners, demonstrates a change of course and method on behalf of
the Department: the abandonment of sectoral policies in favour of a comprehensive approach to needs, and a shift of all the facilities and existing services to fit around the person. How is the Haute-Corse economy? How do you support local entrepreneurs?
ment of sensitive and/or remarkable environments: 20,200 acres of coastline protected by agreement with the Conservatoire du Littoral, but also a first rate natural reserve for avifauna, which has the unusual characteristic of being located in urban areas (natural reserve of the Biguglia-Site Ramsar pond).
The local economy remains structurally very dependent on the economic situation due to a virtually absent industry and the heavy weighting of tourism. The strongly impacted social situation is marked by significant precariousness. The action that the Department is taking in this area is part of many steps to offer support, in particular through a social and mutual economy.
“The strongly impacted social situation is marked by significant precariousness.”
Moreover, the economy remains heavily dependent on the public sector overall. In this respect, the current financial constraints, including in particular the steady decline in endowments, are having devastating effects on public procurement, which represents an essential part of economic activity. In addition to this last mechanism, the corporate world benefits from our indirect involvement in favour of trade and crafts, through support for events organised by the various unions.
How are environmental concerns illustrated within the departmental activity?
In addition to the purely naturalist issues that come with the management of these sites, we are strongly concerned about joining up uses, due to their geographical location, between different types of players: tourists, professionals, institutions, local residents. Human impact is fundamental. Therefore, we have developed a strong policy of dialogue centred around each space by creating charters, information media and appropriate exchanges (including internet), as well as activating a network on the ground consisting of organisations, farmers, communities, or individual citizens who go beyond their role as management auxiliaries.
I chair an institution whose involvement in favour of the environment and sustainable development is longstanding, deeplyrooted and recognised by its partners. This involvement can be seen in the manage-
We also care about the future of these spaces, with a policy of raising youth awareness of sustainable development, in partnership with national education, through guided tours of these sites, as well as various
*Translator’s note: A department (in French département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region
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INTERVIEW WITH... © service de communication du CD2B
December 2016 | Corsica
“We must achieve the co-construction of a single community under NOTRe law, an essential institutional evolution for the region of Corsica.”
events, such as competitions, workshops and meetings. What other projects will mark your news over the coming years? My current duties are related to institutional development which provides for the disappearance of the Councils of Corsica and necessarily limits projects underway in these communities. Therefore the activity of the Department starts with the continuity of current activities within the remit of our community such as the social and environmental. These activities however, require a real plan taking into account as much societal developments as financial constraints. Other types of projects will involve more targeted commitments with specific objectives. Hence, in rural areas, is it imperative to bring a road network badly damaged by a series of particularly destructive weather events to a level consistent with needs. We are also committed to a development process in the field of thermal spas. The Departmental Council of Haute-Corse,
owner of the best known sites, such as Pietrapola and other untapped thermal springs, intends to promote a regional policy with the ambition to create a chain of Corsican thermal spas.
“Create a chain of Corsican thermal spas.” The “Agenda 21” process, started many years ago, must also be completed. Still in the context of the protection of our environment, the Department of Haute-Corse was extensively involved in the foreshadowing phase of the creation of the Cape of Corsica and Agriate natural marine park. Under the leadership of the Agency for protected marine areas, chaired by Paul Giacobbi, the State wished to share the construction of this project with the territorial community of Corsica, via its Office for the environment. As an elected representative of the territory, I had the honour of being very closely associated with this ambition, whose implementation came into
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effect by interdepartmental order on July 15, 2016, establishing the PNMCCA (Cape of Corsica and Agriate Natural Marine Park). This park constitutes a new opportunity for our island, already pioneering and exemplary in its protection of its natural terrestrial and marine areas. This eighth French natural marine park (the largest in mainland France - 6,830 km 2), an indispensable structure, will be a major asset in the harmonious and respectful development of the spirit of a space whose marine vocation has been known for centuries. Bathing a land of openness and exchange, the PNMCCA must become a tool for development at the service of the women and men who will take it on. Finally, we must achieve, with the Territorial Community of Corsica and the District Council of Corsica South, the coconstruction of a single community under the NOTRe law, an essential institutional evolution for the region of Corsica. Personally, I will obviously be involved, directly or indirectly, in the forthcoming events, with a single ambition: to participate in the construction of a peaceful, united and ambitious Corsica n
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Confirmée par Manuel Valls le 4 juillet dernier, la création de la collectivité unique au 1er janvier 2018 amènera de nombreuses mutations institutionnelles, notamment pour le Conseil économique et social de Corse.
© S.Corallini/CTC
“Construire une Corse qui produit plus qu’elle ne consomme”
sont autant d’enjeux auxquels nous devrons répondre d’ici les prochaines années.
Henri Franceschi Président du CESC
Qu’est-ce qui fait la spécificité du CESC de Corse ? Quelles sont ses missions ? Le statut particulier de la Corse fait que notre institution fonctionne d’une manière différente que les CESER sur le territoire continental de la France. En effet, le conseil économique et social et le conseil de la culture de l’éducation et du cadre de vie ont fusionné en 1992 à l’occasion de la création de la collectivité territoriale de Corse, collectivité à statut particulier, ne formant plus qu’un seul et unique organe consultatif. Son rôle : Il est consulté pour avis obligatoirement par le Président du conseil exécutif sur un certain nombre de sujets, comme les documents budgétaires, les plans et les schémas régionaux ou encore les rapports relatifs à la culture et à la langue corse. Dans ce cas, la société civile organisée par ses
avis indique si les politiques publiques régionales sont en adéquation avec ses attentes et ses besoins. Nous rendons en moyenne une trentaine d’avis par an. Le CESC réalise également des rapports sur autosaisine en lien avec des problématiques d’intérêt régional pour orienter l’action des décideurs politiques, parfois sur des sujets qu’ils méconnaissent. A l’occasion de la création de la collectivité unique au 1er janvier 2018, qui naîtra de la fusion de la CTC et des deux conseils départementaux, le CESC de Corse va être réformé. Son rôle et ses missions seront renforcés, son fonctionnement et son organisation évolueront. L’organe consultatif de cette nouvelle collectivité, le Conseil économique, social, environnemental et culturel de corse sera composé de trois sections : une section économique, sociale et de la prospective ; une section de la culture et de l’éducation ; une section de l’environnement et du cadre de vie. Le nombre de ses membres devrait passer de 51 à 63. A quelles problématiques économiques, sociales et culturelles la Corse doit-elle faire face aujourd'hui ? Le taux de chômage est l’une des principales préoccupations (10,7 % au premier trimestre 2016) avec la précarité, sachant que 19 % de notre population vit en dessous du seuil de pauvreté. La formation, le logement, le développement économique, les transports et les équipements structurants
Notre stratégie de développement est traduite dans le Plan d’Aménagement et de Développement durable, le PADDUC. Nous sommes la première région française à avoir élaboré ce plan qui précise : n les activités à développer ; n les types d’emplois à créer ; n les endroits où il est possible de développer l’urbanisation ; n les équipements dont le territoire a besoin ; n la valorisation et la gestion des ressources naturelles. Cette stratégie entend également réduire le déséquilibre territorial que nous connaissons, à savoir une zone littorale fortement urbanisée et une zone rurale désertée, rééquilibrer l’occupation de l’espace, je rajouterai se réapproprier les zones rurales, réintroduire les activités économiques, les services afin d’y fixer les populations. Tout cela suggère d’améliorer les réseaux routiers, de développer le numérique… Dans quelle mesure la Corse subit-elle aujourd’hui les conséquences du réchauffement climatique ? Le CESC de Corse s’est préoccupé de cette problématique et s’est emparé d’une réflexion en 2014. Les représentants des
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ENTRETIEN associations de l’environnement, le représentant des professionnels du tourisme – membres du CESC– ont attiré l’attention sur la problématique du réchauffement climatique, et au regard des phénomènes rencontrés de la nécessité de nous auto saisir de ce sujet. L’état des lieux que nous avons dressé révèle que le réchauffement climatique connait une réalité locale et présente les caractéristiques suivantes : n hausse de la température, diminution de la couverture neigeuse et des neiges permanentes avec modification du régime hydrologique des cours d’eau, augmentation des phénomènes climatiques exceptionnels.
“Le taux de chômage est l’une des principales préoccupations avec la précarité.”
secteurs suivants : n la montagne par une modification de la faune et de la flore et les effets sur l’environnement montagnard, le risque incendie ; n la ressource hydrique et la recharge des nappes souterraines, l’approvisionnement en eau potable et l’eau agricole ; n les activités économiques qui pourraient être obligées de se relocaliser, les agriculteurs modifiant leurs techniques agricoles et d’arrosage, l’industrie touristique estivale et hivernale en mutation ; n la santé publique avec le risque d’apparition de maladies présentes aujourd’hui en Afrique du nord et véhiculées par des insectes. Ce travail a donc consisté à attirer l’attention des élus territoriaux au moment de l’élaboration du PADDUC et de la nécessité d’intégrer et de prendre en compte la question du réchauffement climatique pour élaborer notre stratégie de développement dans un certain nombre de domaines : l’aména-
gement du territoire, le tourisme, l’agriculture, l’aquaculture, les équipements hydrauliques, les activités de pleine nature… Quelles mutations l’agriculture insulaire risque-t-elle de rencontrer dans un futur proche ? Les effets du réchauffement climatique se font déjà ressentir : diminution du manteau neigeux, augmentation des phénomènes climatiques exceptionnels, hausse des températures. Ces effets touchent beaucoup de secteurs. L’agriculture est très sensible aux aléas climatiques et les conséquences ne sont pas sans incidences sur les investissements réalisés, les types de production, les modalités de production, l’élevage… elle doit surmonter l’émergence de maladies qui affectent les productions et menacent les filières. Le secteur agricole doit donc être en mesure de pouvoir s’adapter, tout en continuant à préserver ses productions identitaires n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
© Pierre Bona
Nous avons mis en évidence les conséquences du réchauffement climatique sur les
Décembre 2016 | La Corse
Pour le président du CESC Henri franceschi, “le secteur agricole doit être en mesure de pouvoir s’adapter, tout en continuant à préserver ses productions identitaires.”
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INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“Building a Corsica where production exceeds consumption”
... Henri Franceschi, President of the ESCC
The move confirmed by Manuel Valls on 4 July this year to create a unitary authority in Corsica on 1 January 2018 will signal numerous changes to the island’s institutions, including the Economic, Social and Cultural Council of Corsica (ESCC).
What are the specific features of the Corsican ESCC, and where do its responsibilities lie? The particular status of Corsica means that our institution functions differently to the Regional Economic, Social and Environmental Councils found in mainland France. In 1992, the Corsican collectivité territoriale (regional authority) was created from a merger of our economic and social council and the council for education, culture and the local environment. This authority had a particular status, now forming only one single consultative body. The council’s role is as follows: the president of the executive council must consult it for a formal opinion on a certain number of subjects, which include budget documents, regional plans and blueprints, or reports relating to Corsican language and culture. In these cases, civil society, which is structured by such opinions, indicates whether regional public policies adequately meet its needs and expectations. We hand down an average of around 30 such opinions every year. The ESCC also initiates and produces its own reports on issues of interest to the region with a view to guiding the work of the political decision makers, sometimes on subjects they do not fully understand. On 1 January 2018, when the Corsica unitary authority is created from the merger of the island’s regional authority and
two departmental councils*, the ESCC will also be reformed. Its role and responsibilities will be beefed up, and its operation and organisation updated. The new authority’s consultative body – the economic, social, environmental and cultural council of Corsica – will be composed of three sections focused on the following: the economy, society and future action; culture and education; the environment, including local living. The number of its members will also rise from 51 to 63.
What are the economic, social and cultural problems that Corsica must tackle today? The rate of unemployment is one of our primary concerns (10.7% for the first quarter of 2016), along with insecurity, bearing in mind that 19% of our population lives below the poverty line. Education and training, housing, economic development, transport and key amenities are all important challenges that we need to tackle in the coming years. Our development strategy has been published in the Territorial and Sustainable Development Plan, making us the first French region to produce such a plan. It specifies: n economic activity to be developed; n types of employment to be created;
n locations which could become more urbanised; n amenities/infrastructure needed on the island; n methods for promoting and managing our natural resources.
“The rate of unemployment is one of our primary concerns.”
This strategy also aims to reduce the imbalance between the heavily urbanised coastal areas and areas of deserted countryside, redressing the territorial balance, and I add, reclaiming rural areas; it will also reintroduce economic activity and services to these areas in order to create stable populations. All of this implies improvements to the road networks, and developing digital technology, among other things. To what extent is Corsica affected by the consequences of global warming today? The ESCC for Corsica has expressed concern about this issue and launched a process of reflection in 2014. Representatives
*Translator’s note: A department (French: département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region.
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INTERVIEW WITH... © S.Corallini/CTC
December 2016 | Corsica
“Our development strategy has been published in the Territorial and Sustainable Development Plan, making us the first french region to produce such a plan.”
of environmental groups and the representative of tourism workers, who are members of the ESCC, drew attention to the question of climate change and the importance of taking control of the matter ourselves, given the effects we are experiencing. The picture we have established reveals that climate change is a reality on the ground in the following forms: n a rise in temperatures, loss of snow cover and permanent snow with changes to the hydrologic system of the waterways, and an increase in exceptional weather events. We have demonstrated the consequences of global warming in the following areas; n the mountains, where changes to the flora and fauna are occurring and there are effects on the mountain environment, as well as the risk of fires; n water resources and the ground water recharge, as well as the drinking water supply and water for farming;
n economic activity that might be forced to relocate, changes to farming and irrigation techniques in the agricultural sector, and shifts in the winter and summer tourism industries; n public health, with the risk that diseases currently present in North Africa could be brought to our shores by insects. In this regard, we worked to draw the attention of our regional elected politicians to these issues when the Territorial and Sustainable Development Plan was produced, and to the importance of integrating climate change considerations into our development strategy for certain areas, such as territorial planning, tourism, agriculture, aquaculture, hydraulic infrastructure, outdoor pursuits, and so on.
In the near future, which changes do you think agriculture on the island may undergo? As I mentioned earlier, the first effects of global warming are being felt in the form
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of lower annual rainfall levels, reduced snow coverage, an increase in extreme weather events, and higher temperatures. These effects are felt in a number of sectors. Agriculture is very sensitive to sudden climatic shifts, and the consequences also have an impact on investment, production types and methods, livestock farming, and so on.
“Agriculture is very sensitive to sudden climatic shifts.”
The sector must overcome the emergence of diseases which affect production and threaten whole branches of farming. And so agriculture must ensure it can adapt while safeguarding the forms of production characteristic of the Corsican identity n
© Titidu11
Résultats du deuxième tour des élections régionales en Corse par commune
Results (by municipality) of the second ballot in the regional elections in Corsica
Paul Giacobbi
Gilles Simeoni
José Rossi
Christophe Canioni
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 29
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Depuis 25 ans, on assiste à une renaissance de la langue et de la culture corses. Autrefois purement formelle, la question linguistique, notamment, tend aujourd’hui à s’institutionnaliser.
© Université de Corse
L’éveil culturel et linguistique de la Corse Jacques Thiers Professeur d’Université, poète et écrivain
polar corse et méditerranéen (Association Corsica Polar), Fistivalu di u Valincu. L’écriture en langue corse vaut surtout par sa force symbolique dans le paysage culturel et littéraire de l’île. Le véritable lectorat, lui,
Quelle est l’ampleur actuelle du phénomène littéraire corse ? Une centaine d’ouvrages paraît chaque année. La Collectivité Territoriale de Corse apporte une aide indispensable à une partie d’entre eux, retenus sur des critères de qualité. Salons insulaires, nationaux et internationaux sont là pour promouvoir et soutenir les auteurs, comme le stand au Salon du Livre de Paris jusqu’en 2014. Des prix littéraires sont aussi attribués : “Prix de la Collectivité Territoriale de Corse”, “Prix des lecteurs de Corse”, “Prix Don José Morellini”. Le soutien aux librairies indépendantes (La Marge à Ajaccio, Les Deux Mondes à Bastia) encourage un réseau performant de diffusion. De même l’aide aux bibliothèques médiathèques auprès des communes : Médiathèque Mare è Monti et Centre culturel l’Alb’oru à Biguglia. Il en va de même d’événements culturels et littéraires : festivals de la BD - CADC Una volta (Bastia), de la BD d’Aiaccio (Association Case et bulle), du 30 | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | Les dossiers Territoires
demeure confidentiel. Et la critique littéraire des œuvres demeure inexistante. L’écriture bilingue existe au quotidien dans l’île sans qu’elle relève du militantisme nationaliste. Beaucoup y trouve de quoi exprimer ce qu’ils ne pourraient pas faire en français. La production littéraire d’ouvrages a triplé en 20 ans et celle de la prose décuplé. La vie littéraire de la Corse se fait dans les deux
ENTRETIEN
Quelle a été l’évolution de la langue et de la culture depuis 25 ans ?
L’Université de Corse a depuis 1981 promu l’autonomie linguistique du corse. Elle a développé les équipements linguistiques pour son enseignement (méthodes d’apprentissage).
© Jean-Pol GRANDMONT
Après le rattachement au prestige culturel du toscan, l’île ne s’est véritablement francisée qu’à partir de la fin du XIXe siècle. Mais les traditions, les moeurs et même la langue autochtone des Corses n’ont jamais été entièrement assimilés. De 1945 aux années 1960, on pouvait craindre à terme l’extinction totale de l’identité corse réduite au rang de simple folklore. Les années 70 ont ressuscité et promu l’identité corse. La langue corse a tiré parti de la loi Deixonne de 1951 sur les langues régionales, mise en application en 1974 et qui régit les langues de France. Mais elle va même au-delà avec des compétences régionales en matière audiovisuelle et culturelle.
La pratique bilingue – diglossie – s’est répandue. Elle est appuyée par son enseignement scolaire et universitaire. Créé en 1991, le concours d’enseignants du CAPES de langue corse a recruté 100 enseignants. La langue corse a également progressé dans la vie publique : administration, audiovisuel, FESTA DI A LINGUA et même serment officiel de l’Assemblée de Corse en 2015. La co-officialité, enfin, débattue depuis les années 80, a été votée à l’Assemblée de Corse le 17 mai 2013. L’Etat par l’intermédiaire du Préfet a toutefois rappelé qu’elle n’est pas acceptable constitutionnellement. Ainsi, la langue corse s’est officialisée. Elle ne se cantonne plus au rôle d’une langue des relations non formelles et familiales. Et elle conteste désormais au français son officialité. En Corse, le corse est en effet bel et bien devenu la langue du citoyen.
Un cadran solaire avec une devise en langue corse signifiant : “Donne-moi le soleil, je te donnerai l’heure.”
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Elle a développé des filières de formation ainsi que des événements. Un poste de vice-président de l’Université a été créé ainsi que des programmes culturels en langue corse. Tous les cursus comprennent obligatoirement une heure à une heure et demie d’enseignement en langue corse n Propos recueillis par Olivier Sourd ©
langues et désormais sans confrontation corsefrançais. Mais pour atteindre davantage de lecteurs, certains auteurs préfèrent l’expression francophone : Jérôme Ferrari, consacré par le Goncourt ou encore toute une “écurie” d’auteurs corses publiés chez Actes Sud : Marco Biancarelli, Jean-Baptiste Predali.
Décembre 2016 | La Corse
L’auteur corse Jérôme Ferrari.
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
Corsica’s linguistic and cultural awakening
... Jacques Thiers, University professor, writer and poet
Corsican language and culture has seen a renaissance during the last 25 years. No longer purely a technical question, the Corsican language in particular now has increasing relevance for the island’s institutions.
How widespread is the presence of Corsican literature at the present time? Around 100 works are published every year. The Collectivité Territoriale de Corse (Corsican regional authority) contributes vital support to some of the works, which are selected on the basis of quality criteria. Corsican, national and international fairs take place to provide backing and promotion to writers; the stand at the Paris Book Fair until 2014 is one such example. Literary prizes are also awarded: there is the “Prix de la Collectivité Territoriale de Corse”, the “Prix des lecteurs de Corse” (readers’ prize) and the “Prix Don José Morellini”. Support for independent bookstores (e.g. La Marge in Ajaccio and Les Deux Mondes in Bastia) fosters an excellent distribution network, and in the same way, media libraries in the municipalities (Médiathèque Mare è Monti and the cultural centre l’Alb’oru in Biguglia) also receive assistance. There are also cultural and literary events for the same purpose, such as the illustration/comic book festivals of Una volta in Bastia and by the association Case et bulle in Ajaccio, and the festival of Mediterranean and Corsican crime literature called Fistivalu di Valincu (by the group Corse Polar). The value of writing in the Corsican language is derived especially from its symbolic force as part of the literary and cultural landscape of the island. As for its true readership, well, that remains unknown. And literary criticism of these works is also yet to appear. Bilingual writing exists in daily life on the island without any connection to militant nationalism, and many people find in it a means to express ideas that they could not convey in French alone. The production of literary works has tripled in 20 years, and general writing has increased around tenfold. Literary life in Corsica now happens in both
languages without any confrontation between the two. However, some authors prefer to write in French in order to reach more readers. These include Jérôme Ferrari, winner of the Prix Goncourt, as well as an entire stable of Corsican writers published by Actes Sud, including Marco Biancarelli and Jean-Baptiste Predali.
“In Corsica, Corsican has very much become the language of the citizens.”
How has Corsican language and culture evolved over the last 25 years? It was only from the end of the 19th century that French culture really began to take hold on Corsica, replacing the island’s links with the prestige of the Tuscan language. But the traditions, way of life and even the native language of the Corsicans were never entirely assimilated. From 1945 to the 1960s, there were fears the Corsican identity could eventually be extinguished completely, and be reduced to the status of simple folklore. But then in the 1970s, it was resurrected and promoted. The island’s language gained from the Deixonne law of 1951 on regional languages which applied to Corsican from 1974, and which governs languages in France. But it went further too, into regional domains of use in audiovisual material and culture.
Bilingualism – diglossia – has been gaining ground, supported by the teaching of both languages in schools and universities. The competitive exam for teachers of the Corsican language was established in 1991 and has recruited 100 teachers. Corsican has also become more present in public life, in audiovisual material, the administration, the Festa di a lingua (festival of the Corsican language) – even the oaths of office at the Corsican Assembly in 2015 were taken in Corsican. Finally, an official status for the Corsican language [Fr: co-officialité], the subject of debate since the 1980s, was approved in the Corsican Assembly on 17 May 2013. But the national government issued a reminder via the prefect of the island that this is constitutionally impossible. The language has now spread into official domains and is no longer restricted to the role of a “friends and family” language: it is now vying for official status alongside French. In Corsica, Corsican has very much become the language of the citizens.
“Around 100 works are published every year.” The University of Corsica has promoted the linguistic autonomy of the Corsican language since 1981. It has developed facilities to teach the language (study methods), developed events, and established teaching programmes. It created a vice-chancellor position, as well as cultural programmes in the Corsican language. All courses include compulsory teaching in Corsican of one to one and a half hours n
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 33
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
La peinture corse est un ensemble de cultures et d’influences à l’image de l’île. Son développement passera par des initiatives partagées avec les pays du bassin méditerranéen.
© JM Olmeta
“nous ne sommes artistes qu’à travers les autres” Guy-Paul Chauder Peintre
fessionnels d’ici. C’est certainement une des choses à développer, et pour cela, il faut créer de grands projets culturels comme un Fond d’Art Actuel Méditerranéen, par exemple.
Comment qualifiez-vous la vie culturelle en Corse ? Depuis 1979 que je côtoie cette culture, je vois une Corse qui cherche à s’ouvrir, à aller vers l’extérieur, tout en gardant sa propre identité. Dans cette mouvance, j’ai fondé Perspectives Méditerranéennes qui œuvre à une ouverture au dialogue avec le bassin méditerranéen à travers la picturalité. L’association rassemble différents artistes sans nécessairement passer par des thèmes politiques ou religieux. Cela permet d’accéder à une vision culturelle plus large, une lecture d’ensemble du bassin. Selon vous, à quelles problématiques culturelles la Corse doit-elle faire face aujourd’hui ? Concernant la peinture, il y a trop peu de galeries et d’espaces de présentation des œuvres. Il est difficile de connaître les pro-
Je pense que cela est dû au fait que les politiques ont d’autres priorités. Pour l’instant, les efforts sont plus concentrés sur la langue corse. En effet, il n’y a pas réellement d’éléments picturaux typiques sur l’île. Au premier regard, on ne fait pas la différence avec une peinture d’ailleurs, car l’identité corse ne se manifeste pas distinctement par l’acte pictural. C’est pourquoi notre domaine n’est pas prioritaire. Travailler conjointement avec les pays méditerranéens serait une solution ?
ne nous connaissons pas. Beaucoup ont essayé de travailler sur les deux rives, ce qui est extrêmement difficile. Je crois en l’exemplarité de certaines initiatives de dialogues dans le monde pictural. Malheureusement, ces tentatives sont souvent bloquées car les priorités du monde culturel ne sont pas les mêmes que celles de la politique ou de l’économie. Dans les arts plastiques, la dimension commerciale au premier degré est mince. Nos projets ne rapportent pas d’argent sur le court terme. Pourtant, la culture a toujours été un des grands pôles financiers de la France. J’espère, à une dimension moindre, que cela sera le cas en Corse. Je pense qu’en créant des initiatives fortes, le tourisme culturel pourrait se développer sur l’île et amener les visiteurs à s’arrêter pour autre chose que nos plages et nos belles montagnes. Est-ce que la peinture corse s’exporte ?
Oui, cette exemplarité pourrait pousser au développement de mouvements dans ce monde culturel placide, puis engendrer quelque chose au niveau national. La peinture corse ne peut se développer qu’à travers de grandes initiatives méditerranéennes. Les grands espaces permettent les découvertes et les rencontres. Il faut asseoir quelque chose de plus conséquent et surtout de plus ardent dans le futur. Cela ne se fait, à mon avis, qu’à travers un positionnement plus permanent que ceux actuels. Je pense également qu’il faut avoir une orientation plus fondamentale, notamment à travers la recherche d’une connaissance des grands artistes de la méditerranée. En fin de compte, malgré notre proximité, nous
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Oui, bien-sûr, les Corses travaillent au niveau international. Pour exporter notre art, il faut se donner les moyens de se mettre en avant. Les peintres doivent, de plus, être présents sur le terrain pour donner un élan à la jeunesse. Nous ne sommes artistes qu’à travers les autres. Rester autocentrés ne fait pas avancer. Il faut donc s’ouvrir à l’extérieur et participer à l’intéressement du monde à l’art. La croyance populaire selon laquelle la peinture est un acte simpliste et solitaire, est incorrecte. C’est un travail de partage. Il est donc nécessaire de créer les rencontres en exportant nos oeuvres n Propos recueillis par Sarah Bouchaïb
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“We are only artists insofar as we interact with others”
... Guy-Paul Chauder, Painter
Corsican painting is a collection of cultures and influences that reflect the island itself. In order to develop, shared initiatives will need to be undertaken with the countries of the Mediterranean Basin.
How would you describe cultural life in Corsica?
© Guy Paul Chauder – Tous droits réservés
Since I began to work amidst this culture in 1979, I have seen a Corsica which is trying to become more open to the outside world while retaining its own identity. As part of this shift, I founded Perspectives Meditérranéennes, which strives to open up a dialogue with the Mediterranean Basin through the visual arts. This association brings together various artists, without necessarily exploring any religious or political themes. This allows it to achieve a broader cultural view, an interpretation of the entire region.
Would working together with the other countries of the Mediterranean be a solution? Yes, setting the example in this manner could provide an impetus for movements to develop within this placid artistic landscape, subsequently generating progress at national level. Corsican painting can only develop through major initiatives in the Mediterranean. Large horizons enable encounters and discoveries to take place. In the future, we must establish something which is more substantial, and above all, more passionate. In my view, this can only be achie-
ved by adopting a longer-term position than what we have at present. I also believe that we need a more fundamental direction, especially by seeking to understand more about the great artists of the Mediterranean. For ultimately, despite our physical proximity, we do not know each other. Many have tried to work from the northern and southern shores of the Mediterranean Sea, which is extremely difficult. I believe that certain initiatives for dialogue can serve as an example in the world of pictorial art. Unfortunately, these efforts are often thwarted, because the priorities of the cultural world are not the same as those of politics or economics. In visual art, the commercial dimension, strictly speaking, is negligible. Our projects do not generate revenue on a short-term basis. Yet culture has always been a major pillar of France’s economy. I hope that this will become the case in Corsica, albeit on a smaller scale. I think that if we create strong initiatives, cultural tourism could develop on Corsica and draw visitors here for reasons other than our beaches and our striking mountains. Does Corsican painting have a presence beyond the island?
L’infini des mondes intérieurs - 100x100 - 2015
Yes of course, there are Corsican artists working internationally. To export our art, we have to give ourselves the means to gain exposure. But painters must also be present on the ground to drive our young talent forward. We are only artists insofar as we interact with others. No progress is achieved by remaining focused on ourselves. Therefore, we must be open to the outside and be part of the world’s awakening to art. The popular view of painting as a simplistic and solitary activity is incorrect. Painting is a shared endeavour. This is why it is necessary to bring about meetings with others by exporting what we do n Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 35
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Qu’il soit traditionnel ou contemporain, le chant corse se fait l’écho de la société insulaire qui aspire à un vrai développement culturel.
© Rita Scalia
“Chanter pour une société meilleure” Patrizia Gattaceca
Est-ce que le chant traditionnel corse perdure toujours ?
Chanteuse, poétesse et comédienne
La chanson voyage à nouveau. Dans les années 1990, avec l’avènement de la “World Music”, les chanteurs de polyphonie se voient sollicités par des Majors, I Muvrini ou encore les Nouvelles Polyphonies Corses obtiennent consécutivement les Victoires de la Musique pour le meilleur album de musique traditionnelle. L’occasion sera donnée aux Nouvelles Polyphonies Corses de se produire en 1992 lors de l’ouverture des JO d’Albertville. Ces différentes opportunités permettront de mieux faire connaître le chant corse, non seulement dans tout l’Hexagone, mais aussi à travers le monde. Le chant corse a-t-il une place importante dans le marché culturel français ? Oui, le chant corse occupe une place honorable dans le marché français et ce depuis l’après-guerre. Parmi les Corses qui quittent l’île pour le continent au début des années 1950, pour des raisons économiques, sont présents de nombreux artistes. Ces derniers entament souvent une carrière dans les cabarets de la capitale ou de grandes villes comme Marseille ou Toulon. Certains d’entre eux sont promus par des maisons de disques connues à l’époque comme Vega, Président, Barclay ou Festival. Plus tard dans les années 1970, le chant se fait l’écho des luttes de la communauté, c’est alors que naît la chanson militante. Cette époque est nommée U Riacquistu : “la réappropriation”. Une ouverture s’opère vers d’autres minorités qui revendiquent également la reconnaissance de leurs droits : Bretagne, Pays Basque, Occitanie, Catalogne…
Vous parlez de “luttes”, associez-vous le chant corse à un combat politique ? Dans la chanson, qui prend sa source au cœur du mouvement de réappropriation, le message est fort. Il s’inspire souvent des évènements parfois douloureux de l’histoire contemporaine. Mais au fil des ans le propos évolue. Avec les changements sociétaux, d’autres revendications se font jour, elles peuvent être sociales ou écologiques. Le message politique reste quant à lui très présent mais a changé, on ne chante plus la lutte clandestine mais on soutient le combat démocratique porté par les nationalistes élus à l’Assemblée territoriale en décembre 2015. La chanson n’est cependant pas confinée à un discours ancré dans l’île, elle dit tout, s’inspirant de thèmes universels et de préoccupations qui touchent à l’humain en général. Pour moi qui suis chanteuse, je conçois ma chanson comme un engagement pour une société meilleure.
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Bien sûr, son noyau, la polyphonie (paghjella) classée patrimoine de l’UNESCO, ou encore le Chjama è rispondi, sont des formes classiques encore chantés à la manière traditionnelle, dans les “règles de l’art”. Cependant, ces chanteurs apportent nécessairement autre chose à ces chants : leur propre histoire, leur vécu. Dans les années 1970, les intellectuels réunis autour de la revue littéraire emblématique Rigiru ont bien défini ce qu’était le Riacquistu : se servir de la tradition pour aller vers la création. Nous ne voulons pas figer la tradition mais la faire vivre afin qu’elle évolue de façon naturelle. La tradition est un fil qui nous relie à nos anciens et à notre mémoire mais qui est aussi en mouvement. La Corse fait-elle actuellement face à des problématiques culturelles particulières ? Oui, nous n’avons pas assez de moyens pour produire notre culture, ceci est en partie lié au sous-développement économique que connaît la Corse malgré des avancées. La question de l’officialité de la langue corse est au cœur des préoccupations de la communauté. Notre langue est en lien avec son territoire, elle permet d’appréhender l’espace et de concevoir le monde. L’officialité de la langue corse correspond à un besoin, elle pourrait permettre à tous de bénéficier de la richesse qu’offre une société bilingue. Cela nous conduirait vers plus d’équité, de tolérance, d’ouverture à l’autre et vers un meilleur vivre ensemble n Propos recueillis par Sarah Bouchaïb
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
The role of song in building a better society
... Patrizia Gattaceca, Singer, poet and actress
Whether traditional or contemporary, singing in Corsica is an echo reflecting the island’s society, which aspires to achieve real cultural development.
Does Corsican song have an important place within the French cultural market? Yes, Corsican song has occupied a very respectable place in the French cultural marketplace since the post-war period. Among those Corsicans who left the island for mainland France for economic reasons at the start of the 1950s, there were a large number of artists. They often launched careers in the cabarets of Paris or other cities such as Marseille or Toulon. Some singers were promoted by well-known record labels from the time such as Vega, Président, Barclay and Festival. Later, during the 1970s, Corsican song echoed the struggles of the community, and the militant song was born. This era is known as U Riacquistu [English: reappropriation or reclamation]. A channel was opened to other minorities also demanding recognition of their rights, e.g. Brittany, the Basque Country, Occitania, Catalonia, etc. Song was once again on the move. During the 1990s, the “world music” scene came along and choruses of voices were sought after by the major studios: I Muvrini and the Nouvelles Polyphonies Corses were awarded best traditional music album consecutively at the Victoires de la Musique (French annual music awards), and the latter performed at the opening ceremony of the Albertville Winter Olympics in 1992. All of these platforms allowed Corsican song to be discovered, not only across France, but around the world.
You refer to “struggles”, so do you associate Corsican song with a political battle? Corsican song originated from the heart of the reappropriation movement, and its message is a strong one. It is often inspired by events of contemporary history,
which can be painful. But the discourse has evolved over the years, and as society moves on, other claims emerge, which might be social or environmental. The political message remains prominent today but it has altered, and we sing in support of the democratic battle carried forward by the nationalists elected to the Regional Assembly in December 2015, rather than of the underground struggle of before. However, song can reach beyond subjects rooted on the island of Corsica. It covers everything, drawing on universal themes and on preoccupations that affect the human condition in general. For me as a singer, I view my songs as a commitment to a better society.
“Our langage is linked to its territory.”
matic literary review “Rigiru” defined the concept of Riacquistu very well: making use of tradition in order to create anew. We do not want tradition to stand still, but we want it to be alive so that it evolves naturally. Tradition is the thread connecting us to our ancestors and our memory, while at the same time moving forward.
“Corsican song originated from the heart of the reappropriation movement.”
Are there particular cultural difficulties facing Corsica at the present time?
Is traditional Corsican song still alive today? Yes, of course. The multi-part singing (paghjella) which represents its core is included on UNESCO’s list of intangible heritage. And there is also the Chjama è rispondi... both are classic forms of song still sung today as they ought to be, according to tradition. Yet singers will inevitably bring something else to these songs, infusing them with their own life experiences. During the 1970s, intellectuals linked to the emble-
Yes, we do not have sufficient means to produce our culture, a problem that stems in part from the underdevelopment of the Corsican economy, despite progress made. The question of gaining official status for the Corsican language is of prime concern to our community. Our language is linked to its territory, it enables an awareness of place and an understanding of the world. Official status for the Corsican language is needed, and it could allow everyone to benefit from the enrichment that a bilingual society can offer. That would move us towards greater fairness, tolerance, openness to others and a more cohesive society n
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 37
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Promoteurs majeurs de la culture insulaire, les Editions Albiana encouragent son développement et sa transmission, notamment au travers de la langue.
© Valérie Biancarelli
“Je parle corse donc j’existe” Guy Firroloni
corse. En quoi la défense de cette langue est-elle pour vous importante ?
Fondateur des Editions Albiana
Depuis, Albiana privilégie la relation avec le travail scientifique et universitaire, tout en demeurant une édition généraliste. Près de 850 ouvrages variés ont été édités : romans, essais, thèses, livres pour enfants ou recueils d’œuvres, dont la majorité concerne la Corse. Quel regard a la nouvelle génération sur la culture corse et sur la langue en particulier ?
Comment sont nées les Editions Albiana ? Les Editions ont été créées il y a 33 ans. Elles ont accompagné le mouvement de réappropriation culturelle et l’ont conduit à partir des années 1970 en Corse. Depuis cette époque, en relation avec le mouvement identitaire et la mise en place des outils du savoir (l’université), les publications se sont multipliées. Des écrivains, notamment de langue corse, des chercheurs, porteurs d’une expression nouvelle ayant le souci de faire vivre et partager une culture longtemps niée et réduite à un “traitement” nostalgique ne disposant jusqu’alors d’aucun espace digne de ce nom, ont fait naître un “besoin” et ont ainsi favorisé la création de structures éditoriales, indispensables relais de la production intellectuelle. En 1981 la création de l’Université de Corse a donné de l’épaisseur au savoir local tournant le dos à la période de “folklorisation” née avec le romantisme du 19ème siècle sous la plume des “écrivains voyageurs”, notamment celle de Prosper Mérimée.
Le grand combat autour de la création de l’Université de Corse au début des années 1980, qui a mis en avant la défense de notre langue, n’est plus aujourd’hui aussi intense. Les jeunes ne sont donc plus dans un schéma de lutte exacerbée. Ils vivent la culture insulaire de manière très apaisée et naturelle, presque trop banale parfois. Du chemin a été fait et la jeunesse l’a parfaitement intégré. Plus personne ne s’interroge aujourd’hui sur la pertinence de l’expression culturelle insulaire, que ce soit dans le domaine de la littérature, du chant, du théâtre ou encore des arts plastiques. La question de la transmission de la langue n’est pas résolue car l’Etat refuse en France un statut aux langues minorées. Les éditions ont-elles aidé au développement de la culture ? Le rôle de l’édition dans toute société est de renforcer une œuvre que l’on transmet en la diffusant. Ce souci du partage, à cette place, conduit notre action et continuera demain à nous animer. Il n’y a pas de liberté et de sérénité sans savoir. Vous éditez des ouvrages en langue
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Notre langue a violemment été attaquée pendant des décennies. Sa défense et sa promotion sont nécessaires car elle dit aussi qui et ce que nous sommes, elle est ce merveilleux outil qui permet à chacun né ici ou ailleurs de s’emparer d’une histoire, d’une culture et de partager avec tous sa propre richesse. Dans le vivre ensemble la fonction de la langue est déterminante.
“Il n’y a pas de liberté et de sérénité sans savoir.”
Peut-on affirmer que la question de la défense de la langue corse est une question politique ? Oui, bien sûr, notamment lorsque l’on crée les conditions objectives de sa disparition, en refusant la co-officialité l’Etat joue la montre car il sait bien qu’une langue minorée du fait de l’histoire ne peut survivre à terme sans véritable statut. A dessein ce combat est souvent associé à l’indépendantisme corse, on est là dans l’utilisation de l’argument censé faire peur aux populations. Dire “je parle corse donc j’existe”, Albiana l’affirme depuis toutes ces années et les 250 titres publiés en langue corse attestent de cet engagement n Propos recueillis par Sarah Bouchaib
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“I speak Corsican, therefore I am”
... Guy Firroloni, Founder of Editions Albiana
As a major promotor of Corsican culture, the publishing house Editions Albiana are encouraging its development and transmission, especially through the Corsican language.
The publishing company was created 33 years ago. It has accompanied the movement to reclaim the culture of Corsica and led this movement on the island from the 1970s. Since this time our publications have grown in number, in a trend associated with the nationalist movement and the creation of the tools for knowledge (the university). There were writers – especially those using Corsican – and researchers, who were the vectors of a new expression and wished to share and bring to life a culture long since denied and belittled by a nostalgic “treatment”, and which until that point had no real outlet. They generated a “need” and so made possible the creation of publishing organisations, an indispensable channel for intellectual output. The University of Corsica was founded in 1981, fortifying local knowledge and leaving behind the “folkloric” period whose inception came with 19 th century Romanticism and the “travel writers”, notably Prosper Mérimée. Since then, Editions Albiana has prioritised its relationship with science and the work of the university, while remaining a non-specialist publisher. Almost 850 works of varied genres have been published: novels, essays, academic papers, children’s books or collections of works, the majority of which concern Corsica.
How does the younger generation view Corsican culture and in particular its language? The great battle surrounding the creation of the University of Corsica at the start of the 1980s, which highlighted the issue of protecting our language, is now less intense
than it was. This means our young people no longer live in a context of heightened struggle. They live the island’s culture in a very calm and natural way, too ordinarily almost. Progress has been made and our young people have completely taken everything on board. Today, nobody questions the pertinence of cultural forms of expression on the island, whether in the field of literature, song, theatre or the visual arts. However, the language transmission issue remains unresolved because the French government refuses to grant any status to minority languages.
who and what we are; it is this wonderful instrument that allows all people born in Corsica or elsewhere to take hold of a history, a culture, and to communicate with everyone else the value of who they are. Language has a decisive function in enabling the existence of a community. Is it true to say that the issue of protecting the Corsican language is also political? Yes of course, especially when the objective conditions for its disappearance are created: by refusing the status of “coofficialité” (joint official language), the state is running the clock down because it knows full well from history that a minority language cannot survive in the long run without an official status. This struggle is often deliberately associated with the Corsican independence movement, in an argument designed to make people afraid. “I speak Corsican, therefore I am” is a sentiment asserted by Albiana for all these years, and the 250 publications in the Corsican language are testament to that commitment n
“Our language has been violently attacked for decades.” Has the publisher played a role in cultural development? The role of publishing in any society is to strengthen literary work that we pass on to future generations by our distribution of that work. What we do is guided by this desire to share and will continue to be our overriding principle into the future. There is no liberty or peace of mind without knowledge.
© ActuaLitté
How did Editions Albiana begin?
You publish works written in the Corsican language. Can you tell us why protecting this language is important to you? Our language has been violently attacked for decades. We must protect and promote it because this language also expresses
La Corse au Salon du livre de Paris en 2015.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 39
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Premier musée de Corse, la Maison Bonaparte a pour ambition d’introduire ses visiteurs à l’ensemble des richesses historiques du territoire.
Il était une fois napoléon… mais pas seulement Jean-Marc Olivesi Conservateur en Chef du Musée National de la Maison Bonaparte
Avec ses 70 000 visiteurs annuels, ce musée constitue le plus important de Corse en termes de fréquentation. Comment expliquez-vous ce succès ? C’est assez facile. Pour le monde entier, Ajaccio est le lieu de naissance de Napoléon. Quand un touriste vient à Ajaccio, la première chose qu’il va souhaiter voir, c’est la maison de Napoléon.
Quelle est l’histoire du Musée national de la Maison Bonaparte ? Au départ, il s’agit d’un bien privé de la famille impériale. Napoléon Bonaparte naît dans cette demeure le 15 août 1769. Héritier de l’impératrice Eugénie, le prince Victor Napoléon en fait don à l’Etat français en 1923, qui l’accepte en 1924. A ce moment, la maison est gérée par les Monuments historiques, et va devenir un musée national en 1967 au moment où l’on entreprend de célébrer le bicentenaire de la naissance de Napoléon Bonaparte. En 2004, la direction des Musées de France investit et achète le bâtiment derrière la maison historique pour créer des salles d’expositions et des locaux techniques supplémentaires. A l’heure actuelle, la Maison Bonaparte est le seul musée national de Corse et le plus visité de l’île. L’an passé, nous avons reçu 72 000 visiteurs, et en comptons, à l’heure actuelle, 3 800 de plus que l’année dernière à la même période.
Le souci, c’est le manque de place ; c’est pour cela qu’il n’y aura pas plus d’expositions au coeur de l’été, où il y a déjà trop de monde. Elles commencent donc début avril et finissent fin juin pour faire venir les Ajacciens qui ne viennent plus l’été car ils sont effrayés par les files d’attente. L’exposition annuelle la plus importante cette année est consacrée au tournage du film Napoléon par Abel Gance ; c’est le seul long-métrage où il y a une très longue séquence avec la maison Bonaparte. Quels sont les enjeux auxquels devra faire face le musée à l’avenir ? Répondre au flux grandissant des touristes qui viennent à la maison. Actuellement, je n’ai pas de réponses claires et précises à cette problématique. II faudrait, à mon avis, une sorte d’espace d’accueil, de table d’orientation et de centre d’interprétation pour présenter cette histoire longue, c’està-dire depuis 1729 ; la révolte des Corses contre Gêne, en passant par l’Etat démocratique d’Europe en 1755, la bataille de Ponte
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Novu et la victoire des Français, la naissance de Napoléon Bonaparte jusqu’à la fin du second empire. Les visiteurs viennent pour Napoléon, mais ne connaissent pas l’histoire de la famille Bonaparte, et encore moins celle de la Corse. Il faut mettre en place ce story-telling, leur raconter cette histoire, et donc trouver une réponse en concertation avec la Ville et la Collectivité territoriale de Corse pour l’aménagement de cet espace dédié.
“Découvrir nos autres richesses culturelles à l’intérieur du territoire.” Nous souhaitons également que la Maison Bonaparte se positionne comme le point de départ donnant envie aux visiteurs de découvrir nos autres richesses culturelles à l’intérieur du territoire. Ces derniers temps, en partenariat avec le Département de la Haute-Corse, propriétaire du musée Pascal Paoli, la CTC a fait plusieurs expositions sur les grandes figures de l’Ile de Beauté : Pascal Paoli, la Corse au cœur de l’Europe ainsi que Napoléon et la Corse. Avant les idéaux de ces deux protagonistes étaient mis en opposition : l’un a défendu les insulaires, l’autre a tourné le dos à ses compatriotes. Aujourd’hui, cela est perçu différemment : le XVIIIème siècle est considéré comme notre siècle d’or. Entre l’état démocratique instauré par Paoli et le destin extraordinaire de Napoléon, la Corse entre avec fracas dans l’histoire européenne. C’est cet aspect qu’il faut mettre en valeur n Propos recueillis par Louis Watrelot
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
Once upon a time there was Napoleon... but there were others too
... Jean-Marc Olivesi, Head curator of the Musée National de la Maison Bonaparte
So with annual visitor numbers of around 70,000, this museum is the most popular in Corsica. How do you explain its success?
Death mask of Napoleon Bonaparte.
Could you tell us about the history of this national museum? In the beginning, it was a private property belonging to the imperial family. Napoleon Bonaparte was born in this residence on 15 August 1769. Heir to Empress Eugénie, Prince Victor Napoleon gifted it to the French state in 1923, which accepted it in 1924. At that time, the house was managed by the Monuments historiques, later becoming a national museum in 1967, just when events were being put into place to mark the bicentenary of the birth of Napoleon Bonaparte. The directors of the Musées de France then acquired the building behind the historic house in 2004 with the aim of creating exhibition rooms and additional technical premises. Today, the Maison Bonaparte is the only national museum in Corsica and is the most visited museum on the island. Last year, 72,000 people came through its doors, and we have seen 3,800 more people this year compared to the same period last year (May-June 2016).
This is easily explained. Ajaccio is for the whole world the birthplace of Napoleon. And the first thing that any visitor to Ajaccio wishes to see is Napoleon’s home. The problem we have is a lack of space, and this is why there will be no more exhibitions held during the height of summer, when there are already too many visitors. They will instead begin at the start of April and finish at the end of June, so as to attract residents of the city who no longer come in the summer because they are put off by the queues. The most important annual exhibition this year is devoted to showing the film Napoleon by Abel Gance – the only full-length film where the museum features substantially. What challenges lie ahead for the museum? It needs to find a way to manage the increasing numbers of tourists who visit. At the moment, I have no clear, specific solutions to this problem. In my view though, we need to create a kind of reception area, a table providing orientation and a centre devoted to presenting a long story which began in 1729 and covers the Corsican revolt against Genoese rule, the democratic state in Europe in 1755, the battle at Ponte Novu and the victory of the French, and the birth of Napoleon Bonaparte, right up until the end of the second empire. The
visitors come for Napoleon, but they know little about the history of the Bonaparte family and even less about the history of Corsica. We need to be the narrators of this story, and find a way to tell it by working with the city authorities and the Corsican regional authority to develop a special space to do so. We would also like the Maison Bonaparte to be the centrepiece that makes visitors want to discover our other cultural gems inland. Recently, in partnership with the department* of Haute-Corse which owns the Pasquale Paoli museum, the Corsican regional authority ran several exhibitions dedicated to the great figures of the island: Pasquale Paoli, Corsica at the heart of Europe, and Napoleon and Corsica. In the past, the ideals of these two protagonists were in contradiction: one defended the islanders, whereas the other turned his back on his compatriots. Yet things are perceived differently today, and the 18 th century is considered our golden age. Between the democratic state established by Paoli and the extraordinary destiny of Napoleon, Corsica burst into the European history books with huge impact. And this is what we must highlight n © Michal Osmenda
© Michal Osmenda
While it may be the most important museum in Corsica, the goal of the “Maison Bonaparte” (Home of Napoleon Bonaparte) is to introduce its visitors to the entirety of the island’s rich history.
“Today, the Maison Bonaparte is the only national museum in Corsica.”
*Translator’s note: A department (French: département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 41
ENTRETIEN La Corse occupe une place intermédiaire parmi les régions européennes. Collectivité territoriale de droit spécifique, elle ne possède cependant pas autant d’autonomie que d’autres régions insulaires en Europe.
© Université de Corse
“La Collectivité territoriale de Corse, une assemblée qui n’a pas le pouvoir d’adapter les lois” André Fazi
ne peut théoriquement rien imposer aux autres collectivités.
Politologue, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Corse
lectivité sui generis, avec des compétences légèrement accrues, et une organisation très différente de celles des régions continentales, puisqu’est créé un conseil exécutif responsable devant l’organe délibérant. Enfin, la loi du 22 janvier 2002 a encore développé les compétences territoriales. Pouvez-vous dresser un portrait du pouvoir régional actuel en Corse ?
Pouvez-vous retracer l’évolution institutionnelle de la Corse depuis 1945 ? L’identité régionale de la Corse a été reconnue à travers la création des établissements publics régionaux (EPR), en 1972 ; auparavant, la Corse était associée à l’ensemble Provence-Alpes-Côte-D’azur. Toutefois, ces EPR n’étaient pas des collectivités locales directement élues. En 1982, dans le cadre général de la régionalisation socialiste, la Corse fut dotée d’un statut particulier, se traduisant notamment par quelques compétences supplémentaires, et par la création d’offices et agences en charge des principales politiques régionales. En 1991, la Corse est devenue une col-
Malgré ses particularismes, la Collectivité territoriale de Corse (CTC) ne contrevient pas aux principes unitaires de l’État français. Elle n’a aucunement le pouvoir d’adapter les lois et les règlements nationaux à la situation de l’île. Elle peut proposer des adaptations législatives, ou demander une habilitation à adapter un règlement, mais ces dispositifs ont toujours été parfaitement inefficaces. Quelles particularités représente-t-il par rapport à d’autres régions semi-autonomes en Europe ? Non seulement la CTC n’a pas de réel pouvoir normatif, mais le principe constitutionnel d’égalité des collectivités l’empêche de développer une véritable politique régionale, c’est-à-dire d’être un véritable gouvernement intermédiaire, étant donné qu’il
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“Collectivité sui generis depuis 1991 avec des compétences étendues en 2002.” Quelle est l’ampleur du mouvement régionaliste et indépendantiste en Corse ? Dans les années 1970, c’était un mouvement contestataire, refusant de concourir aux élections, et dont une partie utilisait et légitimait des moyens violents. Depuis, on constate un processus un peu haché mais non moins profond d’institutionnalisation – qui reflète d’ailleurs la pénétration des idées nationalistes dans la société –, et les actions violentes ont récemment cessé. Lors des premières élections régionales en 1982, les nationalistes recueillirent moins de 13 % des voix ; en 1992 près de 25 %, et en 2010 plus de 35 %. En 2015, ils n’ont pas amélioré ce résultat mais l’ont atteint unis, ce qui leur a permis pour la première fois de conquérir le pouvoir territorial. Quelle a été l’évolution du comportement politique et électoral des Corses depuis 25 ans ? Les affects personnels conservent un poids énorme, et l’échange clientéliste demeure très recherché. Pour autant, ce com-
Décembre 2016 | La Corse Gilles Simeoni lors des élections municipales à bastia en 2008.
© Murati/JBV NEWS
portement est devenu bien plus complexe, plus individualiste et plus volatile. De même, les partis traditionnellement dominants ont conservé leur suprématie au niveau des élections législatives et départementales, où les modes de scrutin leur sont très favorables. Toutefois, notamment du fait de l’utilisation du scrutin proportionnel au niveau régional, le système politique est aujourd’hui beaucoup plus ouvert.
“Le vote nationaliste est passé de 13% à 35% en près de 30 ans.”
Une place concrètement imperceptible. D’abord, on ne connaît pas de région de 300 000 habitants qui fasse l’objet d’une attention très spécifique et significative. En-
suite, bien que l’insularité soit reconnue comme handicap structurel permanent par les traités, les mesures particulières qui en résultent sont presque toujours insignifiantes. Enfin, l’État français ne garantit pas une représentation à la Corse au sein du Parlement européen, et n’est guère enclin à défi-
nir ses positions de façon concertée avec des collectivités locales. Ceci étant dit, il revient aussi aux Corses d’investir bien plus fortement le champ de la politique européenne n Propos recueillis par Olivier Sourd © Murati/JBV NEWS
Quelle place occupe actuellement le fait régional et insulaire corse dans l’Union Européenne ?
Meeting nationaliste pour l’indépendance de la Corse à Corte en 2007.
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INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“The Corsican regional authority is an assembly with no powers to adapt legislation”
... André Fazi, Political analyst and senior lecturer in political science at the University of Corsica.
Corsica is classed as an “intermediate region” among the regions of the European Union. Though a collectivité territoriale (regional authority) with a specific legal status, the island nevertheless enjoys a lesser degree of autonomy than other island regions in Europe.
Could you take us through how political institutions have evolved in Corsica since 1945? Corsican regional identity was recognised through the creation of the EPRs (établissements public régionaux – regional public bodies) in 1972. Before this date, Corsica was attached to the Provence-AlpesCôte-d’Azur region of France. These bodies were not, however, directly elected local authorities. In 1982, as part of a general socialist trend towards regionalisation, Corsica was given special status. In practice, this essentially meant the addition of a number of responsibilities, as well as the creation of various offices and agencies in charge of the main regional policies. Then in 1991, Corsica became a region sui generis, with a small increase in responsibilities. Its organisation was rather at odds with other regions of mainland France, since an executive council was established with accountability before the deliberative body. Finally, the law passed on 22 January 2002 further developed the responsibilities of the region. Can you give our readers an insight into how regional power is exercised in Corsica today? Despite its particularisms, the CTC (Collectivité territoriale de Corse – Corsican regional authority) does not contravene the unitary principles of the French state. It has no power whatsoever to adapt national laws or regulations to the situation on the
island. It may propose legislative changes, or request powers to adapt a regulation, but these mechanisms have always proved utterly ineffective. What are the particular characteristics of the island’s authority compared to other semi-autonomous regions in Europe? Not only does the CTC lack any real prescriptive power, but the constitutional principle of equality between French territorial communities prevents it from developing a genuine regional policy, i.e. from being a true intermediate government, given that in theory it has no powers to impose any policy on the other local authorities or communities.
How has political and electoral behaviour changed in Corsica over the last 25 years? Personal sentiment still holds enormous influence, and people still tend to revolve around “old friends”, shall we say. Nevertheless, behaviour has become much more complex, more individualist and subject to change. Likewise, the parties that traditionally dominate have retained their supremacy at legislative and departmental elections, where electoral methods certainly work in their favour. This said, the political system is much more open today, in particular as a result of the use of proportional representation at regional level.
How strong is the separatist/regionalist movement in Corsica?
What kind of place does Corsica as a region and as an island occupy within the European Union as a whole?
During the 1970s, it was a protest movement that refused to take part in elections, with a wing that both used and legitimised violent means. Since then, we have seen a somewhat disjointed – but no less profound for that – move towards institutionalisation which also reflects the deeper reach of nationalist ideas in society, and violence has recently come to an end. At the first regional elections held in 1982, the nationalists polled less than 13% of the vote; in 1992 they obtained almost 25%, and in 2010 over 35%. There was no improvement on this result in 2015 but the nationalists achieved it as a united front, which enabled them to come to power in Corsica for the first time.
In practice, its place is basically imperceptible. First of all, there is no region of 300,000 inhabitants that receives any particularly specific or significant attention within the EU. Secondly, although island status is recognised as a permanent structural disadvantage by the treaties, specific measures resulting from this recognition are virtually always inconsequential. Finally, the French government does not guarantee Corsica any representation within the European Parliament, and it is not very prone to defining its positions in conjunction with its local authorities. Having said all of that, it is also up to Corsicans to make their presence in European politics much more widely felt n
44 | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | Les dossiers Territoires
CHAPITRE 1
© Thesupermat
DES SECTEURS ÉCONOMIQUES ET DES SAVOIR-FAIRE D’EXCELLENCE / ECONOMIC ACTORS AND KNOW-HOW OF THE HIGHEST QUALITY
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 45
ENTRETIEN Aujourd’hui dépendante du tourisme et de ses importations, la Corse souhaite passer à une économie de production en développant les infrastructures qui soutiendront son essor.
© DR
L’économie corse entame sa double mutation Jean-Christophe Angelini Conseiller exécutif de Corse, président de l’agence de développement économique de la Corse (ADEC), président de l’office foncier de la Corse
puyer sur un environnement infrastructurel, fiscal et économique qui le permette. Quelles sont les difficultés qui “freinent” aujourd’hui votre développement ?
Quel état feriez-vous de l’économie corse actuellement ? Quelles sont les filières les plus porteuses ? Notre économie est très contrastée: elle bénéficie à la fois d’un réel dynamisme, notamment avec un très fort taux de création d’entreprises et une capacité d’innovation importante, tout en connaissant des difficultés structurelles et historiques. Je pense notamment à l’offre de transports qui conditionne largement le développement économique d’une île, ou encore la fiscalité, aujourd’hui inadaptée à la singularité du territoire. Avec 23 000 chômeurs, des difficultés à exporter et une population vieillissante, la Corse doit entamer une double mutation : passer à une économie de production ancrée dans l’innovation. Je crois que tous les territoires insulaires en Méditerranée occidentale bénéficient de possibilités réelles en ce domaine, pour peu qu’ils puissent s’ap-
Les transports sont un frein partiellement résolu. Nous avons souvent connu – y compris en pleine période estivale alors qu’elle est déterminante pour l’économie – des grèves répétées de la SNCM ainsi que des problèmes de desserte internationale dans l’aviation. Plus de 80% de la clientèle corse est continentale et il faut aujourd’hui élargir nos horizons, d’autant plus en étant situé à une heure et demie de bon nombre de capitales européennes. L’Assemblée de Corse a récemment créé plusieurs outils juridiques pour appuyer ce développement et consolider le secteur aérien. Toutefois, il nous faudra encore quelques années de travail pour devenir une collectivité européenne innovante et économiquement viable.
“Les milieux insulaires sont des terreaux propices à l’audace.” Outre une fiscalité inadaptée, la Corse connait également un retard infrastructurel conséquent avec des réseaux routiers globalement vétustes et des dessertes de train très peu performantes. Tant que l’on mettra
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trois heures pour aller d’Ajaccio à Bastia, il sera compliqué de projeter un développement. Je travaille en ce sens quotidiennement avec le président de l’Office des transports et nous allons bientôt pouvoir estomper ces quelques freins. La Corse est considérée comme l’une des régions les plus créatrices d’entreprises : comment expliqueriez-vous cette forte dynamique entrepreneuriale ? D’un point de vue sociologique et culturel, je crois que les milieux insulaires sont des terreaux propices à l’audace, comme si leur isolement géographique permettait paradoxalement de libérer des énergies créatrices. En ce sens, nous avons mis en ligne un certain nombre d’outils ces dernières années pour contribuer à la recherche dans les universités et au transfert des technologies. Avec la présence de grands acteurs comme Oscaro, Corse Composite Aéronautique et bien d’autres dans l’agroalimentaire et les énergies renouvelables, il faut encourager cette dynamique entrepreunariale plus que jamais. Mon pari est d’inventer un nouveau dispositif d’accompagnement technique et financier à l’innovation et je compte présenter un rapport en ce sens devant l’Assemblée de Corse.
Vous avez mis en place plusieurs outils en faveur de l’exportation et de l’accompagnement de porteurs de projets : quels sont-ils ? Dans le domaine maritime, nous travaillons à l’intégration au cahier des charges des délégations des services publics une baisse des coûts (notamment du fret), ce
qui va incontestablement favoriser une dynamique à l’export. En même temps, la mise en œuvre du dispositif “Corse échange” a permis de diversifier notre activité à l’extérieur : en témoigne la présence des viticulteurs sur la scène américaine, qui a dopé l’attractivité de notre ile.
© Bribri2B
Décembre 2016 | La Corse
“Les transports sont un frein économique partiellement résolu.” Qu’en est-il de votre stratégie foncière ? Quelles en sont les grandes orientations ? L’acquisition de parcelles pour favoriser des projets de logements ou la création de zones d’activités est un axe stratégique, à la fois pour l’ADEC et l’Office foncier : car nous voulons connecter cette problématique à l’ensemble des sujets qui donneront un coup d’accélérateur à l’économie.
Située à une heure et demie de plusieurs capitales européennes, la Corse veut aujourd’hui diversifier sa clientèle dans l’aérien.
Autre chantier : d’ici la fin de l’année, toutes les Régions de l’Hexagone devront se munir d’un SRDEII, schéma régional du développement économique d’innovation et d’internationalisation. Il définit pour plu-
sieurs années la feuille de route en matière d’aides aux entreprises ainsi que les orientations relatives à l’attractivité territoriale n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
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INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
... Jean-Christophe Angelini, Member of Corsica’s executive council, chairman of the Corsica Economic Development Agency (ADEC) and the Corsica land and property office
Corsica’s economy to undergo a double-edged transformation Today, Corsica is reliant on tourism and imports, but the island wishes to move to an economy based on production by developing the infrastructure that will help it grow and thrive.
How would you assess Corsica’s economy today? Which industries or sectors are showing the most promise? Our economy is a hugely contrasting one: while it experiences some structural and historical difficulties, it also displays great dynamism, with a significant capacity for innovation and a very strong rate of company creation in particular. Among the important difficulties it faces are transport provision, which largely determines the economic development of an island, and its tax system, which is now inappropriate for the very particular situation of Corsica. With unemployment of 23,000, export problems and an ageing population, Corsica must embark upon a change which is twofold: to become an economy based on production, with innovation at its core. I believe all the island economies in the western Mediterranean could benefit from genuine possibilities in this area, providing they are supported by an infrastructure, economy and tax system that open the way. Which particular difficulties are holding back the development of the island, so to speak? The issue of transport has been partially resolved. We have often seen repeated strikes by the SNCM* – including during the high summer period so crucial for the economy – as well as problems concerning international air services. More than 80% of visitors to Corsica come from continental Europe, and we now need to broaden our horizons, especially given our position an hour and a half away from a good number of European capital cities. The Corsican Assembly
has recently established several legal mechanisms designed to support this development and consolidate the air transport sector. But it will take us a few more years of work to become an innovative European region and one which is economically viable. Aside from a tax system that doesn’t meet our needs, Corsica’s infrastructure needs considerable development, with generally rather dilapidated road networks and poorly-performing rail services. It is hard to plan the development of the island while it still takes three hours to travel from Ajaccio to Bastia... I am working on this every day alongside the head of the Office for Transport, and we will soon be in a position to lessen the impact of some of these problems. Corsica is regarded as a leading region for business creation. How do you explain this strong leaning towards entrepreneurship? From a sociological and cultural perspective, I believe that islands are environments conducive to bold projects, as if their geographical isolation paradoxically allowed the release of creative energies. With this in mind, over the last few years we have made a certain number of support tools available online to encourage university research and the transfer of technologies. With the presence of large players such as Oscaro, Corse Composite Aéronautique and many others in the food production and processing and renewable energy industries, we need to encourage this entrepreneurial drive more than ever. The challenge for me is to come forward with new measures to support the technical and financial aspects of innovation, and I expect to present a report
on this subject to the Corsican Assembly. You have introduced various initiatives designed to stimulate exports and assist those promoting new projects. Could you tell us about these? In the area of maritime transport, we are working towards including cost reductions (especially for freight) in the terms of reference of the public service provider contracts, and this will undoubtedly favour the export dynamic. At the same time, the introduction of the “Corse échange” initiative (Corsica exchange) has allowed us to diversify our international trade. The wine producers now operating in the US are an illustration of this, and their presence has boosted the attractiveness of our island. What about your land and property strategy? What are the main principles in this area? A strategic focus of this policy, both for ADEC and the land and property office, is the acquisition of plots of land to promote housing projects or the construction of business parks. For we want to connect this question to all other domains able to kickstart our economy. And finally, by the end of the year, all regions of France will need to have an SRDEII (schéma régional du développement économique d’innovation et d’internationalisation – regional plan for the economic development of innovation and internationalisation). This plan lays out a road map to be followed for several years with regard to assistance for businesses, as well as policy direction to boost the attractiveness of our regions n
*Translator’s note: Corsica ferry company which was sold following bankruptcy and renamed Maritima Ferries
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CHAPITRE 2
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, LE RENOUVELLEMENT URBAIN ET LES TRANSPORTS/ TERRITORIAL PLANNING, URBAN RENEWAL AND TRANSPORT
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ENTRETIEN Si les transports externes tant maritimes qu’aériens restent une priorité essentielle, la Collectivité territoriale de Corse souhaite également assurer une modernisation concrète des réseaux et des services de transports internes de l’île.
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Une politique de transports ambitieuse Jean-Felix Acquaviva Conseiller exécutif de Corse, Président de l’Office des Transports de la Corse, délégué aux infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et ferroviaires et Président du Comité de Massif, Maire de Lozzi
(PPI) clair et cohérent, qui intègre les questions routières et ferroviaires, mais aussi l’objectif central de désengorger les routes sur le plan notamment des marchandises, y compris des déchets, et la nécessité de mutualiser les financements au travers d’une stratégie pluri-fonds.
A quels enjeux de mobilité spécifiques la Corse doit-elle faire face aujourd’hui ? La Corse est une île-montagne en Méditerranée, faite de vallées cloisonnées avec des territoires où la pente et l’altitude cumulées créent une contrainte majeure pour la circulation des biens et des personnes à l’intérieur du pays. En outre, à notre arrivée aux responsabilités en décembre, force est de constater que le retard en termes d’infrastructures routières et ferroviaires, par exemple, reste patent, et ce, malgré les quelques améliorations apportées. En Corse, les parcours internes à réaliser restent donc longs et coûteux pour les citoyens et les entreprises. Un des enjeux consiste donc à donner de la visibilité en termes de modernisation concrète des réseaux et des services de transports internes, au travers d’un Schéma de Transports Terrestres Multimodal avec un Programme Pluriannuel d’Investissement
“ Un Groupement Européen de Coopération Transfrontalier sera officialisé.” En outre, la question des transports externes tant maritimes qu’aériens reste une question sensible pour une île comme la Corse, située au milieu de la Méditerranée. Cette question est pour nous une priorité essentielle. L’enjeu sur ce point consiste en priorité à sécuriser juridiquement, et à consolider en fréquence, tarifs et en capacité, une continuité territoriale efficiente entre l’île et les ports/aéroports continentaux français. Sur ce point, nous prônons un retour aux fondamentaux pour le service public de continuité territoriale, c’est à dire, contribuer de manière forte à l’atténuation des contraintes liées à l’insularité, notamment sur le plan des tarifs pour les résidents et entreprises insu-
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laires : des baisses conséquentes seront mises en œuvre dans des délais courts dans les prochains contrats de service public dans le maritime. Des évolutions ont déjà eu lieu dans l’aérien. Créer un effet levier pour les acteurs économiques du territoire insulaire est une de nos ambitions. De manière concomitante, nous œuvrons avec nos voisins toscans et sardes d’abord puis des Baléares, du Latium et de la Catalogne ensuite, à l’élaboration d’une continuité territoriale méditerranéenne aérienne et maritime pour permettre d’ouvrir radicalement, rapidement, et quotidiennement la Corse vers ses bassins de vie et pays voisins et/ou transfrontaliers. L’enjeu économique, social et culturel pour la Corse est crucial. Un Groupement Européen de Coopération Transfrontalier sera officialisé dans ce cadre dans l’année 2016 regroupant la Corse, la Sardaigne, la Toscane, la Ligurie, le Var, les Alpes-Maritimes. Ce GECT devra organiser concrètement cette continuité territoriale méditerranéenne.
En ce sens, quelles sont les priorités de votre politique des transports ? A la lumière des explications précédentes, notre politique des transports se décline donc autour des axes suivants : n sur le plan terrestre, élaboration d’un schéma de transports terrestres multimodal avec un PPI pour remettre à niveau les infrastructures en intégrant les possibilités permises par les ENR, puis d’un schéma d’or-
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Décembre 2016 | La Corse
Ce Comité de Massif doit élaborer un schéma d’aménagement et de développement de la montagne corse. On a noté une grande déficience sur la mise en oeuvre de cette politique depuis 2002, et même avant, lorsque la compétence était celle de l’Etat.
“Sur le plan aérien, l’ouverture vers la Méditerranée et l’Europe sera une priorité absolue.”
ganisation des services de transports internes afférent : l’objectif central est bien entendu de tendre à plus de fluidité, à diminuer les temps et coûts de parcours, à désenclaver les territoires intérieurs, à désengorger les routes, à développer des modes de transport alternatifs à la route plus économes en termes de rejets de CO2 et créateurs d’emplois. n sur le plan du transport maritime, dossier où malheureusement le contentieux a été la règle, il s’agit de consolider la continuité territoriale traditionnelle, de créer dans ce cadre des effets leviers pour l’économie insulaire en termes de services et de tarifs, et de faire émerger une continuité territoriale méditerranéenne pour ouvrir la Corse vers ses voisins immédiats. De plus, la réalisation d’une compagnie maritime régionale permettrait de mieux maîtriser le développement des transports de la Corse et de sortir des vieux démons de dépendances trop fortes subies par l’île et de ses acteurs dans ce secteur stratégique. n sur le plan aérien, l’ouverture vers la Méditerranée et l’Europe sera une priorité absolue, d’une part au travers de la réalisation d’une continuité territoriale méditerranéenne, et d’autre part, par une mise en cohérence des priorités en termes de soutien au développement de lignes vers des marchés et bassins de vie cibles en Europe, par un plan concerté et réalisé conjointement par l’Office des Transports, l’Agence du Tourisme de la Corse, et les Chambres consulaires de l’île. n Bien entendu, la recherche du meilleur service à un tarif plus attractif, reste une priorité majeure dans le domaine aérien.
Quels projets “phares” de construction et de modernisation prévoyez-vous dans les prochaines années ? Très clairement, la naissance d’un service public transfrontalier maritime et aérien; la mise en oeuvre dans le temps d’un “métro” aérien Ligurie-Toscane-Corse-Sardaigne pour ouvrir l’île vers ces bassins de vie de manière quotidienne et la connecter à d’autres hubs (Pise, Olbia, Cagliari...), complémentaires de ceux existants (Paris, Marseille, Nice notamment); la mise en oeuvre d’un Programme Pluriannuel d’Investissements multimodal routes-rail-ports-aéroports en interconnection avec la Sardaigne et la Toscane (recherche de financements dans le cadre du programme RTE-T); la naissance d’une compagnie maritime régionale... sont autant de projets cruciaux que nous entendons mener à leur terme.
“traduire une politique volontariste et concrète pour la Montagne corse qui représente près de 70 % du territoire.” En tant que Président du Comité de Massif, comment oeuvrez-vous à la défense et à la mise en valeur de la montagne corse ? La coordination et l’animation d’un Comité de Massif est de la compétence pleine et entière de la Collectivité territoriale de Corse depuis la Loi du 22 Janvier 2002.
Aujourd'hui, nous avons la ferme intention de traduire une politique volontariste et concrète pour la montagne corse qui représente près de 70 % du territoire insulaire en surface. Nous avons la ferme intention de lutter contre la désertification de l’intérieur d’une part, car le coeur de la Corse constitue l’essence même de notre identité collective puisqu’il a été le berceau de cette vieille civilisation agropastorale, riche en patrimoine matériel et immatériel, et d’autre part, car il recèle des potentialités économiques importantes pour l’île porteuses d’activités et d’emplois. Le schéma d’aménagement et de développement de la Montagne corse 20162020 a été réalisé cet automne. La recherche de mutualisation des fonds sera la aussi la règle (FEADER, FEDER, DETR, FSE...) au service d’un véritable plan qui fixera les priorités d’actions et le rythme de rattrapage sur le plan des infrastructures et services de base. Sur le plan législatif, l’acte 2 de la Loi Montagne ayant été acté par le Premier ministre et le Ministre de l’Aménagement du territoire, la Corse a demandé qu’elle figure clairement en tant qu’île-Montagne dans la Loi et que le législateur puisse reconnaître le cumul des contraintes issu de cette situation. Ce constat fondant dans la même Loi, des dispositifs de résorption des contraintes sur le plan fiscal (demande d’une zone franche rurale et de montagne), de la gouvernance territoriale (moratoire et adaptation des schémas intercommunaux), d’une meilleure affectation de l’enveloppe de continuité territoriale, de coefficients d’attribution de moyens plus adaptés concernant l’éducation et la santé. La sauvegarde et le développement de l’intérieur et de la montagne insulaire constitue une cause d’intérêt territorial pour l’actuelle majorité territoriale et le Conseil exécutif. Nous ne doutons pas que cet objectif soit partagé par l’ensemble des élus de la Corse n Propos recueillis par Julien Dreyfuss
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INTERVIEW WITH... ... Jean-Félix Acquaviva, Member of Corsica’s Executive Council, President of the Corsica Office for Transport, elected member for airport, road, rail and port infrastructure, President of the Mountain Commission and Mayor of Lozzi
An ambitious transport policy While external forms of transport such as air and sea remain a fundamental priority, Corsica’s collectivité territoriale (regional authority) also intends to carry out the practical mo-dernisation of the island’s internal networks and transport services.
What are the specific transport challenges facing Corsica at the present time? Corsica is a mountainous island in the Mediterranean with distinctly defined valleys and areas where the combination of high altitude and inclines creates a major barrier to the circulation of goods and people inland. Furthermore, when we took office in December, we noticed that the delay in developing our road and rail infrastructure, etc. remains clear to see, despite the small number of improvements made. This means internal routes in Corsica are still long and expensive to use for both citizens and businesses. Therefore, one of the major issues we face is to more visibly bring about the practical modernisation of our internal transport services and networks through a multimodal land transport plan which includes a clear and coherent long-term investment schedule. The plan would cover issues surrounding road and rail transport, but also the central objective of alleviating congestion on the roads, especially with regard to freight traffic and the transportation of waste; it would also cover the importance of bringing together funding streams via a multi-fund strategy. The question of external transport, both maritime and air, remains a delicate one for an island such as Corsica which is situated in the middle of the Mediterranean, and it is a fundamental priority for us. The priority task here is twofold: to secure an efficient, consistent service between the island and the ports/airports of mainland France on a legal footing, and to reinforce services in terms of frequency, cost and capacity.
On this point, we believe in returning to the fundamentals for territorial continuity* in public service, which means making a decisive contribution to mitigating the constraints associated with island status, especially as regards prices for residents and businesses in Corsica. Significant reductions will begin to apply within a short space of time as part of the next round of public service contracts for sea transport. Changes have already been implemented for air transport. One of our ambitions is to create leverage for the economic actors of the island.
In this context, a European Group for Cross-border Cooperation will be officially established during 2016, bringing together Corsica, Sardinia, Tuscany and Liguria in Italy, and Var and Alpes-Maritimes in France. This group will be tasked with the practical organisation of territorial continuity in the Mediterranean.
“The question of external transport remains a delicate one for an island such as Corsica.”
n the creation of a multimodal land transport plan with a long-term investment schedule which will bring our infrastructure up to standard and which also incorporates the possibilities offered by renewable energies; then, the creation of a plan to organise the relevant internal transport services: the central objective here is of course to generate greater fluidity, reduce costs and travel time, improve access to inland areas, alleviate road traffic, and to develop alternatives to road travel which would emit less carbon dioxide while creating employment.
Simultaneously, we are working with our neighbours in Tuscany and Sardinia in the first instance, and then in the Balearic Islands, Catalonia, and Latium in Italy, to produce territorial continuity of air and sea transport services across the Mediterranean which will allow us to dramatically improve connections between our island and the populations it serves – as well as with its neighbours and internationally – rapidly and on a daily basis. Economically, socially and culturally, this is crucial for Corsica.
And so what are the priority areas of your transport policy? In the light of the explanations just given, our transport policy contains the following strands:
n with regard to sea transport, an area where disputes have reigned supreme, we want to consolidate traditional territorial continuity, thereby creating leverage for the island’s economy in terms of services and costs, and we want to bring through greater regional continuity across the Mediterranean in order to open up Corsica to its immediate neighbours. We further intend to create a regional sea transport carrier to give us
*Translator’s note: The principle of territorial continuity aims to create equity between residents of all age groups and geographical areas by strengthening various services, notably here in the domain of transport.
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December 2016 | Corsica
greater control over transport development in Corsica and allow us to break with the demons of the past in such a strategic sector, and by that I mean the excessive transport dependency of both the island and those who live/work here.
produce a planning and development strategy for the mountains of the island. We have found great weaknesses in the way this policy has been implemented since 2002 and even before that time, when this responsibility fell to the state.
n with regard to air travel, improved access to the Mediterranean and the rest of Europe will be an absolute priority, firstly by bringing about territorial continuity in the Mediterranean, and secondly, by establishing a coherent set of priorities in terms of supporting the development of routes to our target markets and population areas in Europe. This will be done through a concerted plan jointly implemented by Corsica’s Office for Transport, the Corsica Tourism Agency, and the island’s Chambers of Commerce.
Today, our firm intention is to present a concrete, proactive policy for our mountains, which cover almost 70% of the island’s surface area. And we will decisively combat the desertification of our inland areas, firstly because the heart of Corsica is the very essence of our collective identity, the cradle of this ancient farming and food-producing civilisation with a rich tangible and intangible heritage; and secondly, because these heartlands possess important economic potential for the island which can deliver growth and jobs.
n of course, a major priority for us in the field of air transport remains the quest for improved services at more reasonable prices.
The 2016-2020 planning and development strategy for the Corsican mountains was produced last autumn. Efforts to mutualise financial contributions will also be the norm (EAFRD, ERDF, DETR, ESF, etc.) in order to produce a plan which will set the priorities for action as well as the pace of work to close the gap in terms of our infrastructure and basic services.
Well quite clearly, these are to set up a cross-border air and sea public transport service; timely implementation of a “shorthop” air network spanning Liguria-TuscanyCorsica-Sardinia which would open up the island to its population catchment areas on a daily basis and connect it to other hubs such as Pisa, Olbia, and Cagliari in addition to those to which it is already linked (Paris, Marseille and Nice, in particular); then, a priority is to implement the multimodal long-term investment programme covering road, rail, ports and airports in close connection with Sardinia and Tuscany (try to obtain funding as part of the TEN-T programme); and finally, the creation of a regional maritime transport company. These are all crucial projects that we will bring to fruition.
Such an acknowledgement would then lead to measures to ease the burden of certain tax constraints as a result of the same law (application for a free zone encompassing rural and mountain areas), regional governance measures (moratorium and amendments to inter-municipal plans), measures to better allocate money for territorial continuity, creating more appropriate coefficients for the attribution of money for education and health. Safeguarding and developing Corsica’s inland and mountain areas is a cause of interest in the territory for the current majority on the regional authority and executive council. We have no doubt that this objective is shared by all elected representatives in Corsica n
© Jos@ctc
Which flagship construction and modernisation projects do you envisage for the coming years?
As concerns legislation, and since section 2 of the Mountain Law has already been enacted by the prime minister and the minister for territorial development, Corsica will request that it is explicitly referred to as a “mountain island” in the Law, and that lawmakers acknowledge the combination of constraints stemming from this status.
As president of the island’s mountain commission, how are you working to protect and promote the mountains of Corsica? Since the law of 22 nd January 2002 came into effect, coordinating and directing such a mountain commission falls entirely under the responsibility of the Corsican regional authority. This commission must
“Our firm intention is to present a concrete, proactive policy for our mountains, which cover almost 70% of the island's surface area.”
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PARLEMENT EUROPÉEN
AGGLOMÉRATION D’AGEN
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PROVINCE DU LUXEMBOURG
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CHÂTEAUROUX MÉTROPOLE
LA RÉGION DE BRUXELLES
LA PROVINCE DE NAMUR
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LA DROME
LE BRABANT WALLON
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JE M’ABONNE Au Courrier du Parlement Européen pour un an (10 numéros) et je joins à ce bulletin un règlement de 190 € par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Monde Édition. Mme/ M./ - Prénom/ Nom : ……………………………………………………………………………….................................................... Organisme/ Société : ………………………………………………………………………………………….....................................…….……. Adresse : ……………………………………………………………………………………………………………..…......................................………... Tél. : ………………………………….............…………… E-mail : ………………………………………………………….........................………… À retourner à : Le Courrier du Parlement Européen / Monde Édition S.A.S. - 3, rue Mornay - 75004 Paris CONTACT : redaction@lcp-europeen.eu - Tél. : 01 44 54 05 50 - Fax : 01 44 54 05 55
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CHAPITRE 3
ENVIRONNEMENT, DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDARITÉS / THE ENVIRONMENT, SUSTAINABLE DEVELOPMENT, AND SOLIDARITY
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ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Anticiper le réchauffement climatique, mettre en place un plan efficace de gestion des déchets tout en créant de nouvelles réserves naturelles : autant de projets que met en oeuvre l’Office de l’environnement de la Corse pour garantir un avenir plus “vert” sur l’ile.
© Borromei - OEC
“La gestion des déchets est notre plus grande priorité” Agnès Simonpietri Conseillère exécutive de Corse, présidente de l’office de l’environnement de la Corse, déléguée à l’Agenda 21 territorial / Corsica 21, au plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux et autres plans déchets
ressources en eau, des milieux marins, gestion de la pêche, prévention contre les incendies; n lutte contre les pollutions et nuisances, notamment l’élimination des déchets et le traitement des eaux usées. n promotion de la qualité de vie;
Pourriez-vous présenter l’Office de l’environnement de Corse et ses principales missions ? Il s’agit de l’une des agences chargées de mettre en oeuvre la politique de l’environnement décidée par la Collectivité de Corse, qui s’est dotée d’un statut spécial depuis 2002. Nos missions visent à impulser et coordonner l’ensemble de la politique régionale en matière d’environnement et de développement durable dans les domaines suivants: n protection et gestion des espaces et équilibres naturels, sensibles, éléments essentiels de la politique de développement durable; n protection et gestion des espèces végétales et des espèces animales insulaires et endémiques; n préservation des milieux aquatiques et des
n information, communication, publications et sensibilisation de tous les publics et en particulier de la population scolaire aux problèmes de l’environnement et du développement durable. Quelles sont, à ce jour, les priorités de la politique environnementale en Corse ? La gestion des déchets est notre plus grande priorité à ce jour. Nous sommes arrivés à une impasse totale avec un taux de tri absolument exécrable (4 à 5% pour les ordures ménagères) par rapport aux investissements qui ont été faits. Le “tout-transports” et le “tout-enfouissement” sont eux aussi catastrophiques à tous points de vue, que ce soit financier, économique ou environnemental. Un plan d’action a donc été mis en place pour casser ce modèle, s’inspirant d’autres régions et notamment du nord de l’Italie pour viser le passage de la collecte au “porte à porte” et améliorer nos performances. L’urgence est d’autant plus grande
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qu’aujourd’hui 200 millions de tonnes de déchets sont en attente de rejoindre les centres d’enfouissement, dont la capacité est très inférieure à la quantité d’ordures produites. Gestionnaire des réserves naturelles, l’Office lutte activement avec l’Office de développement agricole et rural de la Corse contre la Xylella Fastidiosa, une bactérie “tueuse d’oliviers” qui fait des ravages dans le sud de l’Italie. C’est un souci majeur sur lequel nous attendons de l’Etat des mesures fortes en lien avec la politique européenne. Quel état feriez-vous de l’impact du réchauffement climatique sur votre territoire ? Des pistes de réflexion ont-elles été lancées pour remédier au problème ? Anticiper le dérèglement du climat est une priorité absolue qui engage tous les offices : car comme l’ensemble des territoires méditerranéens, la Corse risque d’être particulièrement touchée par ce phénomène d’ici les prochaines années. On en constate même déjà les conséquences. Il y a trois ans seulement, les zones à 800 mètres d’altitude étaient enneigées (60 cm à 1 mètre) tout l’hiver : il n’en est plus rien désormais. De même pour la pluie, plus rare mais bien plus forte et concentrée lorsqu’elle tombe. Sans oublier l’érosion des côtes, les inondations catastrophiques, les enjeux de la ressource pour l’agriculture, etc. Nous n’en sommes pour l’instant qu’au stade embryonnaire du projet mais comptons très rapidement prendre le problème à bras le corps, notamment sur la gestion des flux touristiques dans les sites les plus sensibles n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
... Agnès Simonpietri, Member of Corsica’s Executive Council, Director of the Corsica Office for the Environment, member for Agenda 21/Corsica 21* and for waste management plans, including the prevention and management of non-hazardous waste
“Waste management is our number one priority” Anticipating climate change and implementing an effective waste management plan while also creating new nature reserves: Corsica’s Office for the Environment is acting upon all of these plans in order to guarantee a greener future on the island.
It is one of the agencies responsible for implementing the environmental policy of the Corsican regional authority, which has had a special status since 2002. The work we do aims to coordinate and drive forward the entire breadth of regional environmental and sustainable development policy in the following fields: n the protection and management of natural and environmentally – sensitive areas and ecological balances – fundamental aspects of our sustainable development policy; n the protection and management of plant life and animal species endemic to the island; n the preservation of aquatic and marine environments and our water resources, managing fishing, and fire prevention; n action to tackle pollution and environmental damage, especially waste elimination and the treatment of waste water; n action to enhance quality of life; n information, communication, publications and awareness-raising surrounding problems linked to the environment and sustainable development, targeted towards the population in general but schoolchildren in particular.
What are the current priorities for environmental policy in Corsica?
issue? Anticipating the increasingly unpredictable climate is an absolute priority for all the offices of the island. Because Corsica, in the same way as all the other Mediterranean territories, is likely to be particularly affected by this issue in the coming years. The consequences can already be seen, in fact. Just three years ago, areas at an altitude of 800 metres were covered in 60cm to 1m of snow throughout the winter, but now it has all gone. Rain is also becoming less frequent, but it is much heavier and more concentrated when it falls. And then there is coastal erosion, the catastrophic flooding, the issue of resources for agriculture, and so on. Our plan is only in its infancy at the moment, but we intend to take control of the problem very swiftly, including insofar as it concerns managing tourist flows to the most affected sites n
Waste management is our number one priority at the present time. We seem to be getting nowhere with recycling rates for household waste at 4-5%, which is absolutely appalling considering the investment in this area. Our over-reliance on transportation and landfill is also disastrous in every respect: financially, economically and environmentally. Therefore, an action plan has been put into place to break out of this model and learn from other regions, especially the north of Italy, so that we can move to door-to-door collections and improve our performance. The situation is all the more urgent because today, 200 million tons of rubbish are waiting to enter the landfill sites, whose capacity is well below that needed to cope with the amount of waste produced. The Office for the Environment manages our nature reserves, and together with the Office for Rural and Agricultural Development is actively engaged to combat Xylella Fastidiosa, the “olive tree killer” bacteria which is wreaking havoc in the south of Italy. This is of major concern and we expect the government to take strong action in partnership with EU policy. How would you assess the impact of global warming on the island? Are any consultation or reflection exercises under way with a view to tackling the
© Sylvain Alessandri ATC
Could you tell us about the Corsica Office for the Environment? What are its main responsibilities?
“Anticipating the increasingly unpredictable climate is an absolute priority for all the offices of the island.”
*Translator’s note: Strategy to achieve long-term integration of sustainable development principles into public policy
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 65
ENTRETIEN Dans une île qui connaît de forts contrastes d’occupation de son espace, la Collectivité territoriale est là pour enrayer excès et déséquilibres. Les nombreuses sources d’énergies renouvelables sont en revanche un atout appréciable pour la gestion durable de la Corse.
© AADUC
Pour une Corse durable Fabienne Giovannini Conseillère exécutive de Corse, Présidente de l’agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse
La Corse doit être un territoire qui produit plus mais mieux : réduction des inégalités sociales et territoriales, notamment dans l’intérieur. L’urbanisme porte en lui des logements rénovés, une structuration des espaces urbanisés, la mobilité durable (ferroviaire, maritime), un cadre de vie amélioré (économie de foncier, lutte contre l’étalement urbain par la densification, protection des sites). Quelles sont les grandes lignes de la politique d’aménagement du territoire en Corse ? Le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC) plus qu’un document d’aménagement, est un véritable projet de société. Il porte en lui le Schéma de Mise en Valeur de la Mer (SMVM), le Schéma Régional des Infrastructures de Transports (SRIT), le Schéma de Développement d’Orientation Touristique (SDOT), le Schéma des infrastructures culturelles, le Plan Montagne, le Livret Littoral, la Charte de lutte contre la précarité. Mais aussi le Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE) ou encore le Schéma de Cohérence Ecologique (SRCE, en cours de réalisation). Il fixe un développement durable par et pour le peuple corse, communauté de destin. Le développement durable, c’est l’environnement mais aussi l’identité, la culture, la langue et l’équilibre social et territorial.
Il s’agit d’un rattrapage après des décennies de déficit en matière d’aménagement public où infrastructures, logements, se sont fait sans planification et sans cohérence.
“La Corse doit être un territoire qui produit plus mais mieux.”
Nous réclamons à l’Etat un fonds dédié à l’aménagement public pour la part qui ne serait pas finançable par les dispositifs existants. Plutôt qu’une contrainte, il faut voir dans le PADDUC ce qui doit bâtir le développement durable auquel nous aspirons.
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Une insularité insuffisamment prise en compte, la fragmentation en bassins de vie de cette “montagne dans la mer”, les 1 000 km de côtes exacerbent les problèmes d’aménagement du territoire.
“les 1 000 km de côtes exacerbent les problèmes d’aménagement du territoire.”
Qu’implique le tourisme en matière d’urbanisme ? Une population doublée en été entraîne une forte pression foncière, des conflits d’usage et un urbanisme débridé... L’urbanisation anarchique dégrade les sites. La puissance publique apporte des réponses pour la maîtrise foncière : le PADDUC, précisément, mais aussi l’Agence de l’Aménagement Durable, de l’Urbanisme et de l’Energie et l’Office Foncier de la Corse. Ainsi des espaces naturels sont protégés de toute construction et des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) réservent 105.000 ha à l’agriculture en vue d’une autonomie alimentaire à l’horizon 2040. La collectivité territoriale initie des Opérations d’Intérêt Territorial ou des Projets d’Intérêt Majeur pour rééquilibrer son territoire.
Décembre 2016 | La Corse
Quelle place la Corse occupe-t-elle au niveau national en matière d’énergies renouvelables ? La Corse est leader en bien des points. Elle est d’abord la seule Zone Non Interconnectée dotée d’une Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) : vers l’autonomie énergétique à l’horizon 2050 !
“vers l’autonomie énergétique à l’horizon 2050 !” Dès 2023, 22 % des énergies doivent être renouvelables, soit 40 % de la production d’électricité. Le Grenelle de l’environnement ne fixe l’objectif qu’en 2030.
Les investissements programmés représentent 3,112 milliards d’euros : thermique, électricité d’origine renouvelable (+148 % hors grande hydraulique) et électricité d’origine renouvelable intermittente (+38 %). D’un point de vue passif, l’efficacité énergétique doit progresser de 200% : rénovation énergétique des bâtiments, infrastructure d’approvisionnement en gaz (barge + canalisation Cyrénée) pour sécuriser l’approvisionnement de l’île. Avec 1619 kWh/habitant en 2015, la Corse est au sixième rang national, première en photovoltaïque par habitant (352 Wc/hab.) et troisième en hydraulique par habitant (655 W/hab.) L’électricité renouvelable représente en 2015 520 GWh, dont 68 % hydroélectriques. Et la chaleur renouvelable s’élève à 300 GWh, dont 70 % en bois énergie. En 2015, le photovoltaïque et l’hydroélectricité se répartissent à hauteur de 30
et 70 %. Le thermique renouvelable comprend 30 000 m2 de surface solaire (un tiers collectives et deux tiers individuelles) pour plus de 15 GWh/an.
“Dès 2023, 22 % des énergies doivent être renouvelables.” Le Bois énergie dépasse 210 GWh/an dont 180 individuels. Et l’aérothermique atteint 75 GWh/an. Les sites de production se répartissent en trois parcs éoliens, deux unités de biogaz et les barrages de Calaccucia, de Tolla, de Sampolu et du Rizzanese n Propos recueillis par Olivier Sourd © creative commons
Il n’y a en revanche pas encore sur l’île de SCoT ni de PLUi.
“Plus qu’un document d’aménagement, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC) est un véritable projet de société” d'après fabienne Giovannini.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 67
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
... Fabienne Giovannini, Member of Corsica’s executive council of Corsica, Chairwoman of the Planning Agency for Sustainable Development, and Energy of Corsica
Towards a sustainable Corsica On an island which has strong contrasts within the occupancy of its space, the local authority is there to curb excesses and imbalances. The many sources of renewable energy are a great asset for the sustainable management of Corsica.
What are the main lines of territorial planning in Corsica? The Plan for land use and sustainable development of Corsica (PADDUC) more than a development document is a real project for society. It carries with it the Plan for the Development of the Sea (SMVM), the Regional Plan for Transport Infrastructure (SRIT), the Development Plan for the Management of Tourism (SDOT), the Cultural Infrastructure Plan, the Mountain Plan, the Coastal Book, the Charter for the Fight against Poverty. But also the Regional Plan for Climate, Air and Energy (SRCAE) or even the Plan for Ecological Consistency (SRCE, currently underway). It is aiming for sustainable development by and for the Corsican people, a community of destiny. Sustainable development is about the environment but also about identity, culture, language, and social and territorial balance. Corsica must be a territory that produces more but better: reduction of social and territorial inequalities especially inland. Urbanisation brings renovated accommodation, a structuring of urban areas, sustainable mobility (rail, maritime), improved living environments (land economy, fight against urban sprawl through densification, protection of sites). It is playing catch-up after decades of public development deficit where infrastructure and housing have been carried out without planning or consistency. We are requesting a fund dedicated to public development from the State for the part that cannot be financed through existing mechanisms. Rather than a constraint, we must see in the PADDUC the means to build the sustainable development to which
we aspire. An insularity insufficiently taken into account, fragmentation in catchment areas of this “mountain in the sea”, the 1 000 km of coastlines exacerbate the problems of territorial planning. What does tourism planning mean? A population that doubles in the summer causes strong land pressure, conflicts of use and unbridled urban planning... Anarchic urbanisation degrades sites. The public authorities are bringing answers for land control: the PADDUC to be precise, but also the Agency for Sustainable Development, Urban Planning and Energy, and the Land Office of Corsica.
“Corsica must be a territory that produces more but better.” So natural areas are protected from any construction and agricultural strategic areas (ESA) reserve 259,460 acres for agriculture with the aim of achieving food autonomy by 2040. The local authority is initiating Operations of Territorial interest and Projects of Major Interest to rebalance its territory. There is however not yet on the island any Territorial Coherence Programme (SCoT) nor Intercommunal Urban Development Plan (PLUi). What is the role of Corsica at the national level for renewables? Corsica is a leader in many ways. First of all it is the only Non-Interconnected Zone to have a Pluriannual Energy Programme
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(PPE): working towards energy autonomy by the year 2050! From 2023, 22% of energy must be renewable, that is 40% of electricity production. The Grenelle environmental meeting is only looking to achieve that by 2030. The investments planned add up to €3,112 billion: thermal, renewable electricity (+148% large hydroelectric plants excluded) and intermittent renewable electricity (+38%). From a passive perspective, energy efficiency must progress 200%: energy renovation of buildings, infrastructure of gas supply (barge + Cyrénée pipes) to secure the supply for the island. With 1 619 kWh/cap. in 2015, Corsica ranks 6th nationally, number 1 for photovoltaic per capita (352 Wc/cap.) and 3rd in hydraulics per capita (655 W/cap.) There was 520 GWh of renewable power in 2015, of which 68% hydroelectric. And renewable heat amounts to 300 GWh, with 70% from wood energy. In 2015, photovoltaics and hydropower were distributed 30 and 70%. Renewable thermal energy includes 30,000m 2 of solar surface (1/3 communal and 2/3 individual) for more than 15 GWh/ year. Wood energy exceeds 210 GWh/year including 180 individual. And aerothermal is touching 75 GWh/year. The production sites are divided into three wind farms, two units of biogas and the Calaccucia, Tolla, Sampolu and Rizzanese dams n
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
Dans un climat sec, l’accès à l’eau potable est un combat quotidien. L’office d’Equipement Hydraulique de Corse (OEHC) représente le bras armé de la collectivité territoriale pour assurer une alimentation en eau aux habitants, aux visiteurs et aux activités agricoles.
© Stephane Corallini - Collectivité Territoriale de Corse
Eau : faire face à l’afflux estival, à l’agriculture et au réchauffement climatique Xavier Luciani Conseiller exécutif de Corse, Président de l’office d’équipement hydraulique de Corse
Quelles particularités le climat méditerranéen corse implique-t-il en matière d’approvisionnement en eau potable des populations et des activités ? De par son relief, la Corse bénéficie d’une pluviométrie abondante – 8 milliards de m3 –, dans un contexte méditerranéen caractérisé par l’irrégularité des précipitations, de fortes variations intersaisonnières et irrégulières dans l’espace. Un afflux estival très important, implique des besoins d’équipements surdimensionnés, au regard de sa population permanente. En outre, nous avons la nécessité de développer l’activité agricole, assurer une irrigation sur de grandes étendues, mais aussi veiller, suivant les régions, à garantir l’alimentation en eau brute ou en eau potable. La Corse a commencé à appréhender les effets du réchauffement cli-
matique : hausse des températures estivales, allongement de la durée des étiages des cours d’eau, chute des stocks de neige, risque accru de sécheresse prolongée. La réponse à cette question fait désormais partie des préoccupations de l’Exécutif territorial. Dans le cadre de l’actuel PEI, mais également dans toutes les étapes à venir, le défi environnemental impose un développement significatif des équipements structurants liés au stockage qui doit, à terme, passer de l’inter saisonnalité à un stockage interannuel, mais aussi celui des interconnexions microrégionales et de campagnes visant à l’amélioration de la ressource (chasse au gaspillage, rendements, sensibilisation du monde agricole et de l’industrie touristique.). Quelle est la part de la consommation liée à la population et aux activités agricoles ? Les besoins peuvent être évalués autour de 60 millions de m3 pour l’eau brute (essentiellement agricole, mais pas exclusivement) et 40 millions de m3 pour l’eau potable.
rieur, les ressources sont constituées par le sol (captages ou forages). Les eaux superficielles provenant des cours d’eau et stockées dans les ouvrages de l’OEHC ou d’EDF représentent également une ressource importante (près de 100 millions de m3).
Ces ressources sont-elles jugées suffisantes ou pas par la collectivité ? Face aux incertitudes du changement climatique, nos ressources apparaissent insuffisantes, notamment lors d’épisodes futurs et prévisibles de sécheresse marquée. Certains secteurs de l’île pourraient ne pas disposer à l’avenir de ressources permettant de faire face au développement agricole et touristique, dans un contexte où la topographie insulaire rend difficiles et coûteuses les nécessaires interconnexions entre réseaux pour sécuriser l’alimentation. Cette sécurisation passe également par la recherche de ressources alternatives comme par exemple pour le bassin de vie ajaccien dont le cours d’eau du Prunelli est à ce jour la seule et unique ressource répondant aux besoins agricoles et domestiques de près de 80 000 personnes !
Quelles sont les principales sources d’approvisionnement en eau potable sur l’île ?
Quelles sont les grandes lignes du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) ?
Les eaux souterraines constituent la ressource principale pour l’eau potable, avec, sur le littoral, des nappes alluviales. Dans l’inté-
Le SDAGE prône un objectif général de non dégradation des eaux, globalement de très bonne qualité en Corse. Il est articulé
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 71
autour de cinq orientations fondamentales : n assurer l’équilibre quantitatif de la ressource en eau en anticipant les conséquences des évolutions climatiques, les besoins d’équipement et de développement ;
Décembre 2016 | La Corse Les gorges du Prunelli.
n poursuivre la lutte contre la pollution, évaluer, prévenir et maitriser les risques pour la santé humaine ; n préserver et restaurer le fonctionnement des milieux aquatiques et littoraux, les écosystèmes marins et lagunaires, les zones humides, en intégrant la gestion des espèces faunistiques et floristiques dans la politique de gestion de l’eau ; n conforter la gouvernance pour assurer la cohérence entre aménagement du territoire et gestion concertée de l’eau, et enfin ; n réduire les risques d’inondation en s’appuyant sur le fonctionnement naturel des milieux n
© Pierre Bona
Propos recueillis par Olivier Sourd
Entre chute des stocks de neige et risque accru de sécheresse prolongée, “la Corse a commencé à appréhender les effets du réchauffement climatique” pour Xavier Luciani.
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© creative commons
ENTRETIEN
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
... Xavier Luciani, Member of Corsica’s Executive Council, Chairman of the Office of Hydraulic Equipment of Corsica
Water: facing the challenges of the summer population influx, agriculture and global warming
© Fotolia.com / Jean-Marie MAILLET
In a dry climate, access to drinking water is a daily struggle. The Office of Hydraulic Equipment of Corsica (OEHC) represents the armed wing of the local authority to ensure water supply for residents, visitors and agricultural activities.
temperatures, lengthening duration of low river water levels, falling snow stocks, increased risk of prolonged drought. Finding an answer to this question is now among the concerns of the Executive council. Under the current Exceptional Investment Programme (PEI), but also in all the steps to come, the environmental challenges dictate a significant development of infrastructure related to storage that must ultimately pass from inter-seasonal to inter-annual storage, but also to the micro-regional interconnections and campaigns aimed at improving resources.
“Corsica has begun to understand the effects of global warming.”
What features does the Corsican Mediterranean climate imply for drinking water supply? Because of its landscape, Corsica has abundant rainfall – 8 billion m 3 – in a Mediterranean context characterised by irregular precipitation, with strong inter-seasonal and spatial variation. A very significant summer population influx involves oversized equipment requirements, in relation to the needs of its permanent population. In addition, we need to develop agricultural activity, ensuring irrigation over large areas, as well as, depending on the region, guaranteed raw water and drinking water supply. Corsica has begun to understand the effects of global warming: rising summer
What are the main sources of drinking water? Groundwater is the main resource for drinking water, with, on the coast, alluvial groundwater. Inside the territory, the resources consist of the soil (catchments or wells). Surface water from waterways and stored in the OEHC or EDF works also represent an important resource (nearly 100 million m 3). Are these resources considered sufficient or not by the community? Facing the uncertainties of climate change, our resources appear insufficient, particularly during predictable future episodes of drought. Some areas of the island may not in future have the resources to face the development of agriculture and tourism, in a context where the island topography makes it difficult and costly to establish the necessary interconnections between net-
works to secure food. Securing this future also involves the search for alternative resources, for example in the Ajaccio area, alimented to date only by the Prunelli River for the purposes of agriculture and the domestic needs of close to 80,000 people!
What are the broad lines of the Plan for the Development and Management of Water (SDAGE)? The SDAGE advocates a general goal of no degradation of water, overall very good quality in Corsica. It is articulated around five points: n Ensuring the quantitative balance of water resources in anticipation of the consequences of climate change, equipment and development needs ; n Continuing the fight against pollution, assessing, preventing and controlling the risks to human health ; n Preserving and restoring the functioning of the aquatic and coastal environment, marine and lagoon ecosystems, and wetlands, by integrating the management of fauna and flora species into water management policy ; n Strengthening governance to ensure coherence between planning and coordinated water management ; n Reducing flood risk by relying on the natural functioning of the environment n
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CHAPITRE 4
LA RECHERCHE ET L’INNOVATION, L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LE FORMATION : DES CLEFS ESSENTIELLES POUR ACCOMPAGNER LA COMPÉTITIVITÉ RÉGIONALE ET LA CRÉATION D’EMPLOIS / RESEARCH AND INNOVATION, HIGHER EDUCATION AND TRAINING: FUNDAMENTAL TOOLS TO BOOST REGIONAL COMPETITIVENESS AND CREATE JOBS
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 81
ENTRETIEN Malgré les restrictions budgétaires auxquelles la Corse a du faire face, l’éducation est restée un domaine prioritaire de son action politique.
“La langue est le fil conducteur de notre action” Josepha Giacometti Conseillère exécutive en charge de la formation, de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la carte scolaire, de la culture et du patrimoine
innovante d’introduire la diversité linguistique au sein de nos formations, qui pourront ensuite s’ouvrir vers d’autres langues “passerelles” de la Méditerranée.
Quels sont les chantiers prévus pour l’enseignement initial et particulièrement le second degré ? Depuis plusieurs années, la Corse souffre de sous-dotations en termes de moyens comme de ressources, du fait de la non reconnaissance des spécificités géographique et démographique de son académie. En ce sens, nous allons lancer un plan dans les prochaines semaines pour créer un cadre normatif spécifique : cette mise aux normes permettra d’avoir une vision pluriannuelle sur l’émergence d’un projet éducatif partagé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La collectivité travaille également à la mise en place d’un contrat d’objectifs éducatifs partagés avec le rectorat de Corse : cette réflexion commune vise notamment à créer les conditions d’une co-officialité de la langue corse par la généralisation d’un enseignement bilingue, dont les vertus sont aujourd’hui bien connues. Une manière
Notre contrat d’objectif vise aussi l’introduction de l’école du numérique et d’un campus des métiers en lien avec la transition énergétique, dont le dossier est en cours d’examen. La Corse souhaite se positionner à l’avant-garde des questions écologiques au vu des objectifs à tenir d’ici 2050. Sa reconnaissance en tant qu’“île montagne” favorisera la spécialisation des collèges ruraux autour des métiers de l’environnement et du patrimoine notamment, leur donnant ainsi un souffle nouveau.
“Développer une réflexion innovante sur le décrochage scolaire.” Autre ambition : développer une réflexion innovante sur le décrochage scolaire, que l’on situe bien souvent aux alentours de 1416 ans. Une détection plus précoce rendrait l’intervention beaucoup plus efficace. La petite taille de notre académie doit en ce sens nous permettre de porter une action très affinée via des dispositifs adaptés, à partir de janvier 2017.
82 | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | Les dossiers Territoires
Comment poursuivez-vous l’équipement des établissements ? L’éducation a été l’un des rares domaines à ne pas avoir été impacté par les restrictions budgétaires auxquelles la collectivité a dû faire face. Malgré ces contraintes, nous avons voulu sanctuariser l’éducation en faisant même le choix d’augmenter le budget dédié aux établissements du secondaire ainsi qu’à leur équipement. C’est l’une de nos priorités politiques. Qu’en est-il du SESRI et du CPRDFOP (Contrat de plan régional de développement des formations et d’orientation professionnelles), qui doivent vous aider à identifier les priorités de votre intervention ? Nous avons souhaité aller au-delà du CPRDFOP en mettant en place des concertations avec les acteurs du monde socioprofessionnel et les établissements, pour mieux “coller” à leurs attentes. Présenté à notre Assemblée au printemps prochain, ce contrat servira de feuille de route à la mise en œuvre de projets en matière d’orientation professionnelle. Pour davantage d’efficacité, il faudra le doubler d’outils d’évaluation de nos plans de formation avec des retours de suivi : cette dynamique permettra ainsi de s’adapter au mieux aux besoins réels en développant la compétitivité régionale. Quant au SESRI, nous avons lancé un appel à contribution, notamment à l’université de Corse qui est un acteur essentiel de l’enseignement supérieur et de la recherche sur notre territoire. Elle est en phase de réflexion pour l’élaboration des nouvelles
Décembre 2016 | La Corse
cartes de formation. Cette période est donc propice à une réflexion commune sur de nouvelles perspectives en termes de formation, autour de domaines en adéquation avec nos grandes orientations stratégiques de développement du territoire.
“L’éducation n’a pas été impactée par les restrictions budgétaires.”
Quelles sont les compétences de votre collectivité quant à la gestion du patrimoine ? De par la loi de 2002, nous avons des compétences très larges en matière de culture et de patrimoine, tant en inventaire qu’en valorisation ou conservation. Aujourd’hui, la collectivité travaille à la construction de parcours et à l’émergence de projets de territoires : plusieurs appels à projets sont prévus à ce titre en 2017. Le but : positionner les porteurs de projets autour de la valorisation des sites corses, avec la volonté de mettre en réseau les différents musées afin qu’ils gagnent en visibilité.
Dans quelle mesure la langue corse influence-t-elle votre action culturelle ? Nous souhaitons augmenter les activités de R&D ; notre territoire regroupe des plateformes spécialisées autour de différentes thématiques : ENR, ressources marines, agronomie, notamment, qu’il nous faut accompagner dans leurs projets de développement.
Au-delà d’un système de communication, la langue est le vecteur d’un univers, d’une vision du monde, d’un rapport au territoire : elle tient, de fait, une place fondamentale et est le transmetteur de notre identité. Elle est aussi une “langue passe-
relle” vers les autres langues romanes, vers une diversité linguistique qui est partie intégrante de notre modèle éducatif. C’est ainsi que nous travaillons également à tisser des liens avec nos voisins de Méditerranée. A travers notre langue, dans l’action culturelle, nous travaillons à réancrer la Corse dans son environnement naturel, afin de vivre pleinement notre identité, celle d’un peuple d’une île d’Europe, au cœur de la Méditerranée.
“Réancrer la Corse dans son environnement naturel.” La langue est le fil conducteur de l’action territoriale n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
Malgré les contraintes financières, l’exécutif a fait le choix d’augmenter le budget dédié aux établissements du secondaire ainsi qu’à leurs équipements.
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 83
INTERVIEW WITH... ... Josepha Giacometti, Member of Corsica’s executive council in charge of training, higher education, research, school mapping plan, culture and heritage
“Language is the common thread of our activity” Despite the budgetary restrictions that Corsica has faced, education has remained a priority area of its political activity.
introduction of digital training and a trades campus relating to energy transition, which file is currently under review. Corsica wishes to position itself at the forefront of environmental issues in the light of the objectives to be achieved by 2050. Its recognition as an “Island mountain” will promote the specialisation of rural secondary schools around the business of the environment and heritage, giving them new life. Another ambition is to develop innovative thinking about school dropout; this often happens around 14-16 years old. Earlier detection would make for much more effective intervention. The small size of our Académie should accordingly allow us to carry out a very refined response via appropriate facilities, from January 2017.
“We wanted to transform education by even choosing to increase the budget dedicated to secondary schools as well as their equipment.”
What are the plans for initial education and in particular secondary sites? For several years, Corsica has suffered from under-investment in terms of means and resources, because of the non-recognition of the geographic and demographic specificities of its Académie (local education authority). In light of this, we will launch a plan in the coming weeks to create a specific legal framework: this upgrade will have a multi-year vision for the emergence of a shared educational project, which is not the
case today. The community is also working on the implementation of a contract of educational objectives shared with the Rectorat (education authority ) of Corsica: this communal reflection aims in particular to create the conditions for co-official Corsican languages, through the widespread use of bilingual education, the virtues of which are today well known. An innovative way to introduce linguistic diversity within our training offer, which can then open up to other “gateways” languages of the Mediterranean. Our contract objective also envisions the
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“Education was one of the few areas to not have been affected by the budget cuts.”
In what way are you seeking institutional development? Education was one of the few areas to not have been affected by the budget cuts with which the community has had to deal. Despite these constraints, we wanted to
December 2016 | Corsica
transform education by even choosing to increase the budget dedicated to secondary schools as well as their equipment. It is one of our political priorities.
“Education is one of our political priorities.” What about SESRI and the CPRDFOP (contract for regional development, professional training and orientation plan), which should help you to identify the priorities for your intervention?
What are the skills of your community in terms of heritage management? According to the law of 2002, we have very wide powers in terms of culture and heritage, as much in terms of inventory as development and conservation. Today, the community is working on the construction of courses and the emergence of territorial
projects: several calls for projects are planned in 2017 in this vein. The goal: position the project leaders around the development of Corsican sites, with the will to network the various museums so that they may gain visibility. To what extent does the Corsican language influence your cultural activity? Beyond a communication system, language is the vehicle of a universe, a vision of the world, a relationship with the territory: it is, in fact, fundamental and is the transmitter of our identity. It is also a “bridge language” to the other Romance languages, towards a linguistic variety which is an integral part of our educational model. As we also work to build relationships with our Mediterranean neighbours. Through our language, in cultural activities, we are working to re-anchor Corsica in its natural environment, in order to fully live our identity, that of a people of an island in Europe, at the heart of the Mediterranean. Language is the common thread of territorial activity n
© www.fotolia.com
We wanted to go beyond the CPRDFOP by implementing consultations with the socio-occupational players and the institutions, to better “stick” to their expectations. Presented at our Meeting next spring, this contract will serve as a roadmap to the implementation of career guidance projects. For greater efficiency, the assessment tools of our training plans will need to be doubled along with follow-up plans: this dynamic will
help to adapt to the actual needs by developing regional competitiveness. As for the SESRI, we have appealed for contributions, namely from the University of Corsica, which is a key player in higher education and research in our territory. It is in a phase of reflection on the development of new training plans. This period is therefore conducive to a joint reflection on new opportunities in terms of training around areas in line with our major strategic directions of development for the territory. We want to increase R&D activities; our territory includes platforms specialised around different themes: ENR, marine resources, agronomy, in particular, that we need to support in their development projects.
2016/02740
“Language is the vehicle of a universe, a vision of the world, a relationship with the territory.”
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 85
ENTRETIEN Fondée en 1765 et rouverte en 1981, l’Université de Corse Pasquale Paoli est aujourd’hui une structure de formation et de recherche résolument ancrée dans son territoire.
Université de Corse Pasquale Paoli : un suivi quasipersonnalisé des étudiants Paul-Marie Romani Président de l’Université de Corse Pasquale Paoli
axé sur l’analyse des grandes problématiques d’intérêt universel, notamment environnementales, mais en portant un regard plus spécifique sur la manière dont elles se manifestent et sont vécues (ou subies) en milieu insulaire. Alliant recherche fondamentale et recherche appliquée, nos projets se sont construits avec comme perspective le développement de notre territoire et ont donné lieu à des réalisations concrètes à haute valeur ajoutée.
Quels sont ses points forts de votre université ? Tout d’abord et paradoxalement : sa taille (4600 étudiants, 600 personnels enseignants et administratifs) qui autorise, au quotidien, une perception affinée des problématiques universitaires et une gestion de proximité avec, en particulier sur le plan de la pédagogie, un suivi quasi-personnalisé des étudiants. Notre souci premier est de permettre la réussite et l’épanouissement personnel de notre jeunesse et, en particulier, de réduire sensiblement l’échec aux examens – toujours trop important et pénalisant lors des premières années d’études – et de faciliter l’insertion professionnelle de nos diplômés. Ensuite, la spécialisation volontariste de son programme de recherche scientifique
Quelles relations avez-vous tissé avec les acteurs locaux ? C’est un autre atout de notre université que d’avoir établi des liens de plus en plus
étroits avec les acteurs socio-économiques et culturels du territoire. Cela autorise une bonne visibilité et une réactivité face aux évolutions sociétales et facilite une adaptation progressive et efficace de nos filières d’enseignement et de nos axes de recherche scientifique aux besoins de développement de notre région. Ces relations prennent des formes diverses. Nos enseignements mobilisent un nombre très important (près de 600) d’intervenants professionnels extérieurs permettant aux étudiants de se familiariser avec la vie des entreprises. Notre fondation universitaire, à la création de laquelle les grandes entreprises présentes en région ont apporté leur concours spontané, joue dans ce cadre un rôle décisif de prospection et d’impulsion créative à travers diverses actions spécifiques tels que des bourses de mobilité professionnalisantes, des prix de l’entrepre-
“notre souci premier est de permettre la réussite et l’épanouissement personnel de notre jeunesse.”
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© Raphaal Poletti
Décembre 2016 | La Corse
“Alliant recherche fondamentale et recherche appliquée, nos projets se sont construits avec comme perspective le développement de notre territoire et ont donné lieu à des réalisations concrètes à haute valeur ajoutée.”
neuriat étudiant, des résidences d’artistes. Notre Institut d’Administration des Entreprises complète le dispositif à travers ses liens anciens avec le tissu industriel et enrichit sa palette de formations par des diplômes spécialisés tels que le DU “Manager entrepreneur” ouvert à l’occasion de la présente rentrée universitaire en partenariat avec une dizaine d’entreprises insulaires et qui vise à former des cadres de haut niveau. Quelles sont les orientations stratégiques de ce mandat ? Ce second mandat vise, outre la poursuite des actions engagées lors du précédent, trois objectifs à mes yeux essentiels. Tout d’abord, la lutte contre l’échec des étudiants, à travers une réorganisation du cursus de licence qui privilégie la maîtrise des “fondamentaux” (méthodologie, culture générale, langues, techniques mathématiques et statistiques,… etc) et introduit une spécialisation progressive, avec pour but de les préparer à affronter le master, niveau de diplomation de plus en plus recherché, dans les conditions les plus favorables. Une forte impulsion sera également donnée dans le domaine du numérique et plus par-
ticulièrement sur le développement de méthodes pédagogiques innovantes. Deuxième grand objectif, développer notre offre de formation continue et tout au long de la vie en élargissant notre spectre de diplômes en partenariat, notamment, avec le CNAM, auquel nous lie une convention ancienne que nous souhaitons renforcer.
qui visera à définir une politique coordonnée de la vie étudiante, élaboration un plan de déplacement inter-campus et inter-sites, questionnement sur les usages en matière de mobilité, développement des modes de déplacement doux, désengorgement automobile, etc n Propos recueillis par Pauline Pouzankov
“Développer notre offre de formation continue et tout au long de la vie.”
Troisième objectif, la vie étudiante : nos campus cortenais ont bénéficié au cours des dernières années d’une large extensionréhabilitation, offrant désormais aux étudiants des conditions d’études confortables et des outils pédagogiques avancés. Il nous reste à améliorer les lieux de vie et de détente : mise en œuvre du Schéma de la Vie Etudiante Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 97
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
University of Corsica Pasquale Paoli: student support practically tailored to the individual
... Paul-Marie Romani, Vice-Chancellor of the University of Corsica Pasquale Paoli
The University of Corsica Pasquale Paoli was initially founded in 1765 and then reopened in 1981. Today, this centre for education and research is firmly rooted in the region it serves.
What are the particular strengths of your university? Firstly, and paradoxically, its size (4,600 students and 600 teaching and administrative personnel). It means we have a precise and day-to-day view of difficulties that arise and that we can manage situations closely. Concerning teaching in particular, this allows a system of monitoring students which is close to personalised support. Our prime concern is to enable our young people to succeed and achieve their personal goals, and especially to bring about a significant fall in a rate of exam failure which is still too high and damaging to students in their first years of study. We also then aim to help our graduates enter the workplace. Another of our strengths is our scientific research programme. While proactively specialising in the analysis of major problems of universal interest, especially environmental issues, it conducts a more specific examination of how these problems manifest themselves and are experienced (or suffered) in an island context. Our projects ally fundamental and applied research and are developed from the standpoint of developing our region; they have also led to concrete results with a high degree of added value. What kinds of relationships have you forged with partners in the community? Another positive characteristic of our
university is that it has established ever closer ties with the socio-economic and cultural actors of the island. This makes us visible and responsive to changes in society; it also allows us to gradually and effectively adapt our teaching programmes and our areas of scientific research to the development needs here. These relationships take a range of forms. A very large number of outside professionals (almost 600) are involved in our teaching programmes, enabling students to become familiar with the reality of business. Our university foundation, which received spontaneous support from our largest firms at the point it was established, plays a decisive role in prospection and driving creativity through a wide range of specific initiatives such as work-oriented mobility grants, student entrepreneurship awards, and artists in residence. Finally, our Business Management Institute adds to our relationships through its longstanding links with our industrial base. It has widened provision to include specialist qualifications such as the “Manager entrepreneur” diploma, which opened to students this autumn in partnership with around 10 Corsican companies, and aims to train highlevel executives. What are the key strategies for your term of office? Besides continuing work commenced during the previous term, this second term will aim to achieve three objectives which
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are in my view paramount: First of all, we will act to improve student success rates by shaking up the undergraduate curriculum in a way that favours command of the “fundamentals” (methodology, general knowledge, languages, techniques in maths and statistics, etc.) and introduces specialisation gradually in order to prepare students for further study at master’s level – increasingly a requirement – in optimum conditions. Digital technology will also receive strong backing, more particularly in relation to the development of innovative teaching methods. The second major objective is to develop our continuous training and lifelong learning provision by offering a greater breadth of qualifications, in particular through our partnership with the National Conservatoire for Arts and Professions, to which we are linked by an old agreement which we would like to improve upon. The third objective concerns student life: our campuses in Corte have seen large-scale extension and renovation works in recent years, and now offer students comfortable conditions for study and advanced educational tools. We still need to improve living and relaxation areas, and to do so we will implement the Student Living Plan which will set out a coordinated policy for student life. Also in the pipeline is a plan for travel between the sites and campuses, an examination of transport habits, the development of non-motorised forms of transport and the alleviation of traffic congestion, etc n
ENTRETIEN
Décembre 2016 | La Corse
La recherche et l’innovation sont en plein cœur des missions de la Chambre de commerce et d'industrie régionale de Corse, chargée de coordonner l’action des deux CCI territoriales.
“La Corse offre aux entreprises un cadre de travail exceptionnel”
d’un guichet unique de la collectivité de Corse ayant une action de veille, d’identification et d’aide aux projets innovants, ainsi que leur transfert éventuel au monde économique avec un contrôle sérieux.
Antoine Mondoloni Président de la Chambre de commerce et d’industrie régionale (CCIR) de Corse
Comment se porte l’emploi en Corse actuellement ?
Comment la Chambre de commerce et d’industrie régionale (CCIR) de Corse coordonne-t-elle les activités des CCI territoriales (CCIT) de Bastia et HauteCorse et d’Ajaccio et Corse-du-Sud ? L’articulation entre la CCIR et les CCIT est fondée sur des schémas qui ont vocation à définir la stratégie des chambres en matière d’investissements. L’Etat, qui exerce sa tutelle sur les CCI, a mis en place des conventions d’objectifs et de moyens avec des indicateurs de performance. Dans les faits, il manque une synergie entre les actions des deux chambres. L’explication est double : les CCI territoriales ont une longue tradition d’autonomie financière et décisionnelle et nous sommes dans un monde méditerranéen quelque peu rétif aux évolutions. Mais le mouvement de regroupement des chambres est en marche et la Corse ne pourra s’y soustraire.
Les données traduisent une triste réalité : 22 000 chômeurs pour un total de 320 000 habitants et plus d’une disparition annuelle d’entreprise artisanale ou commerciale par commune de 2008 à 2009, soit plus de 2 000 sur cinq exercices. Il existe plus de 60 dispositifs d’aides que l’Etat ou les collectivités mettent en œuvre pour soutenir les chefs d’entreprise et favoriser la reprise d’activité. En Corse, la réalité oblige à dire que le nombre d’aides tue la fonction même de celles-ci. Pourtant des solutions existent au-delà de l’indispensable rationalisation et de la simplification du système d’aide. Le développement de l’innovation est-il une de vos missions principales ? Cette compétence relève de la collectivité de Corse au travers de son agence économique, mais les chambres consulaires sont associées à l’élaboration du schéma d’innovation régional qui devra être adopté d’ici la fin de l’année. En la matière, les forces de la Corse sont identifiées : un réseau de recherche bien établi et la présence de plusieurs acteurs d’innovation comme l’ADEC (Agence de Développement Economique de la Corse). Les faiblesses tiennent à notre sociologie : cloisonnement et manque de collaboration entre les acteurs économiques, culture de l’innovation limitée, manque d’implication du privé dans les dynamiques collectives, etc. Je milite pour la création
Quels sont les atouts que la Corse a à offrir aux entreprises ? La Corse offre aux entreprises un cadre de travail exceptionnel, loin des difficultés de transports que connaissent les grandes métropoles. Nous sommes la seule région à cumuler les avantages de la mer et de la montagne. Une fois les entreprises installées, le coût des transports diminue puisqu’il existe un tarif préférentiel pour rejoindre la métropole. Quels sont les chantiers prioritaires pour vous dans les prochains mois ? C’est celui de convaincre mes interlocuteurs qu’il convient de bâtir le développement de l’île sur deux piliers : un pilier économique (celui des chambres consulaires) et un pilier politique (celui de la future collectivité unique qui regroupera l’actuelle région de Corse et les deux départements). Je plaide donc pour que les deux CCI de Corse anticipent le mouvement avec une seule CCI régionale et des antennes locales. Les termes de mutualisation, de réorganisation et de regroupement heurtent la longue tradition d’autonomie des CCI de Corse et la pratique de nombreux élus consulaires. Mais on ne peut s’opposer au mouvement dessiné par les récentes lois n Propos recueillis par Julien Da Sois
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 99
INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
“Corsica offers businesses an exceptional working environment”
... Antoine Mondoloni, Director of the Chamber of Commerce and Industry for Corsica (CCI)
Research and innovation are at the very heart of the mission of the Corsican Chamber of Commerce and Industry, which is responsible for coordinating the work of the two regional CCIs on the island.
How does the CCI for Corsica coordinate the activity of the two chambers in the departments* of Haute-Corse (located in Bastia) and Corse-du-Sud (Ajaccio)? The relationship between the CCI for Corsica and the two departmental chambers of commerce and industry is based on plans designed to define their individual investment strategies. The French state, exercising its oversight of the chambers, has put into place agreements on objectives and resources with performance indicators. In practice, the work of the two departmental chambers lacks synergy, and the explanation for this is twofold: the two regional chambers have a long tradition of autonomy in terms of their finances and decision making, and we live in a Mediterranean which tends to resist changes to the status quo. But the move to reorganise the chambers is now in train and Corsica cannot avoid the inevitable. What is the current situation regarding employment on the island? The statistics tell a sad story. Of a population of 320,000, 22,000 are out of work, and for every commune in Corsica, more than one artisanal enterprise or commercial firm went under between 2008-09, equating to a loss of more than 2,000 in five financial years. There are more than 60 separate measures implemented by the national government and local authorities aimed at supporting business owners and encouraging economic recovery. But in
Corsica, the reality demonstrates that the sheer number of types of support defeats their very objective. Yet solutions exist beyond the essential process of rationalising the system of assistance for business or simplifying it.
“Of a population of 320,000, 22,000 are out of work.” Would you describe developing innovation as one of your principal tasks? This is the responsibility of the Corsican regional authority via its economic agency, however, the chambers of commerce are involved in producing the regional innovation plan which is due to be approved by the end of this year. Corsica’s strengths in this domain have already been pinpointed: we have a well-established research network, as well as several bodies working for innovation such as ADEC (the Corsican Economic Development Agency). Any weaknesses tend to be sociological: isolation and poor cooperation between economic actors, a limited culture of innovation, a lack of private sector involvement in collective dynamics, and so on. I am fighting for a one-stop service delivered by the Corsican authorities which would monitor, identify and assist
innovative projects, providing professional oversight to facilitate any potential transition to the world business.
What advantages can the island of Corsica offer businesses? Corsica offers companies an exceptional environment in which to work, a world away from the transport problems faced in large cities. We are the only French region that can boast access to both the sea and mountains. Once companies are installed here, their transport costs fall because discounted fares apply between the island and the mainland.
What are your priorities for the months ahead? To convince my partners that development of the island should be built on two pillars: an economic pillar (the chambers of commerce) and a political pillar (the future unitary authority which will merge the current Corsican regional authority and the two departmental authorities). I would therefore appeal to the two Corsican chambers of commerce and industry to anticipate the change by creating a single CCI for the island, together with local satellite bodies. Merging, reorganising and pooling resources are notions that clash with the CCIs’ long tradition of autonomy and the established practice of many of their elected representatives. However, we cannot swim against the tide brought about by recent legislation n
* Translator’s note: A department (in French département) is an administrative area which is akin to a county but smaller than a region.
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CHAPITRE 5
UNE GRANDE RÉGION AU CŒUR DE L’EUROPE / A MAJOR REGION AT THE HEART OF EUROPE
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 103
ENTRETIEN La Corse a une longue habitude de l’Europe. L’île est une des premières régions à avoir bénéficié des aides régionales, après l’élargissement de 1986. Elle bénéficie aujourd’hui du programme FEDERFSE, qui couvre la période 2014-2020 et qui comporte sept axes opérationnels.
© Mr Jos@ctc
Ce qui rattache la Corse à l’identité européenne, c’est avant tout la volonté d’un peuple Marie-Antoinette Maupertuis Conseillère Exécutive de Corse, Présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse, déléguée à la présidence du COREPA, au Comité de suivi des programmes européens à la stratégie de spécialisation intelligente et d'innovation et déléguée aux Affaires Européennes et Internationales
Ces programmes s’inscrivent dans le cadre de la stratégie 2020 qui s’articule pour la Corse autour de trois axes : n la recherche d’une croissance intelligente tournée vers l’innovation et ouverte vers l’internationalisation des activités productives ; n une croissance valorisant durablement les richesses du territoire insulaire ; Quels fonds européens ont été attribués à la Corse pour la période de contractualisation 2014 - 2020 ?
n une croissance inclusive réduisant les risques de fracture sociale sur le territoire.
La programmation européenne pour la période 2014-2020 s’articule autour de quatre fonds :
La Corse doit faire face à des problématiques multiples et contrastées dues principalement à son insularité et son relief. Le “programme opérationnel” FEDER-FSE intervient en cohérence avec les orientations du Plan d’aménagement, de développement durable et d’urbanisme de la Corse (PADDUC) voté par l’Assemblée de Corse en 2015 pour tenter de pallier ces contraintes et optimiser son potentiel de développement.
n le FEDER (Fonds européen de développement régional) ; n le FSE (Fonds social européen) ; n le FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche) ; n le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER).
Le programme couvre donc les principales thématiques qui constituent les enjeux économiques, sociaux et environnementaux
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prioritaires de la Corse, à savoir : la recherchedéveloppement et l’innovation, la compétitivité des PME et leur ouverture sur les marchés extérieurs, la transition numérique de la Corse vers le très haut débit, la transition énergétique et la lutte contre la précarité énergétique, la prévention des risques majeurs et la valorisation du patrimoine, la cohésion sociale avec la nouvelle politique de la ville et l’augmentation du niveau de qualification des demandeurs d’emplois. S’agissant du programme de développement rural Corse FEADER, son objectif est de financer des actions de développement permettant d’accompagner les évolutions structurelles du milieu agricole et rural. Les formes d’agriculture traditionnelles pratiquées en Corse contribuent pour une large part à l’originalité des paysages et à la biodiversité. Ce Programme comprend donc, des mesures agro-environnementales permettant de rémunérer les agriculteurs qui s’engagent volontairement dans la préservation de l’environnement et l’entretien de l’espace rural. Des indemnités compensatoires destinées à favoriser le maintien des agriculteurs sur les zones naturelles à contraintes spécifiques ont également été prévues. Le programme national FEAMP résulte d’une étroite collaboration et d’un échange approfondi avec tous les acteurs de la profession et avec la société civile. Ainsi, le FEAMP a pour objectif d’accroître la compétitivité des filières pêche et aquaculture en se basant sur la connaissance et l’inno-
Décembre 2016 | La Corse
vation, afin de promouvoir un développement économique tourné vers une gestion durable de la ressource. Il soutient la Politique Commune de la Pêche pour la conservation des ressources biologiques de la mer, la gestion des pêcheries et des flottes qui exploitent ces ressources, l’aquaculture, ainsi que la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture. Ce GECT devra organiser concrètement cette continuité territoriale méditerranéenne.
Comme bien évidemment, tous les projets qui prendront en compte la dimension environnementale (prévention et d’analyse des risques naturels, action en faveur de la résilience des territoires, travaux de protection et de restauration du littoral, risque inondation, réduction des émissions carbones, maîtrise de l’énergie …). Des projets visant à renforcer la cohésion sociale du territoire, notamment en améliorant les conditions socio-économiques et le cadre de vie des populations vulnérables, seront aussi fortement soutenus (installation d’équipements de loisirs de proximité — parcours sportifs, santé, terrains de sport, jardins d’enfants, lieux d’expression culturelle …) car le “vivre ensemble” est un axe essentiel de notre programme politique.
Quelle somme totale représentent-ils ? La Corse bénéficie de 275 millions d’euros, dont 260 millions seront gérés directement par la Collectivité territoriale de Corse en tant qu’autorité nationale, répartis comme suit : n FEDER-FSE 2014-2020 : 115 millions d’euros ;
Avec quelles collectivités en Europe la Corse est-elle engagée en matière de coopération européenne, internationale et décentralisée ?
n FEADER : 145 millions d’euros ; n FSE (programme opérationnel national FSE - volet régional Corse) : 7 millions d’euros ;
La Corse participe à trois types de coopération territoriale européenne :
n FEAMP (Volet Corse) : 5 millions euros.
n la coopération transnationale qui concerne l’espace méditerranéen septentrional ;
Quels principaux projets sont destinés à financer ?
n la coopération interrégionale (autorités régionales et locales des 27, plus la Suisse et la Norvège) ; n la coopération transfrontalière via le programme opérationnel Italie France MARITIME (Espaces concernés : Corse, Sardaigne,
Auxquels s’ajoutent : n la politique européenne de voisinage (PEV) développée en 2004, dans le but d’éviter l’émergence de nouvelles lignes de division entre l’UE élargie et ses voisins, afin de renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. Nous entendons nous y intégrer pleinement au travers des programmes dédiés comme le programme Voisinage ; n la coopération décentralisée dans laquelle nous sommes engagés à 50 % avec le Ministère des Affaires étrangères, qui nous permet de signer des accords bilatéraux dans des domaines très variés allant de la recherche scientifique sur les huiles essentielles à la formation des femmes manager, la lutte contre le SIDA en passant par des programmes d’échanges artistiques et culturels ou la protection de l’environnement. Les territoires concernés sont le Brésil, la République Dominicaine, le Mékong, le Viet Nam, l’île d’Okinawa, la Laos, le Maroc, la Tunisie... En marge de ces programmes, nous sommes également en train de consolider un axe fort de la coopération avec la Sardaigne et les Baléares. Ainsi, un premier accord CorseSardaigne a été signé le 14 mars dernier et le 17 novembre dernier, les trois Présidents se sont retrouvés aux îles Baléares lors d’un sommet, pour signer un second accord liant cette fois-ci les trois îles. Cet accord portera dans un premier temps sur les transports, le tourisme et la fiscalité
© Mr Jos@ctc
Les principaux projets que nous espérons pouvoir soutenir sont ceux qui permettront l’installation de centres de compétences et le développement de programmes de recherche collaborative avec les entreprises, en incluant le volet incubateur de projets avec la possibilité de création ou de requalification de zones d’activités, de pôles d’activités et ingénierie de projets associés (Hôtels d’entreprises, zones d’activités spécialisées, pépinières d’entreprises, tiers lieux d’entrepreneuriat, Fab-Lab, LivingLab…).
Toscane, Ligurie et PACA).
Seront également financées les actions relevant de l’e-éducation (déploiement des espaces numériques de travail et renforcement des plateformes mutualisées de service numérique) de l’e-administration et einclusion. Les projets développés autour de l’économie circulaire seront bien entendu, instruits avec le plus grand intérêt car répondant à une de nos préoccupations majeures.
“Au-delà du fait géographique, la Corse, et les Corses, ont participé à l’histoire des idées politiques européennes.”
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ENTRETIEN et sera par la suite, étendu à d’autres domaines comme la culture et l’environnement. Dans cet esprit, nous avons d’ores et déjà conjointement porté auprès de la Commission Interméditerranéenne de la CRPM, un amendement demandant qu’au titre de la politique de Cohésion post 2020, il soit envisagé en synergie avec les programmes existants, pour la Méditerranée, un programme opérationnel de coopération territoriale spécifique aux îles, comme celui qui existe déjà pour la période actuelle pour Madeira – les Açores – les îles Canaries. Des liens se tissent actuellement aussi, avec les démocraties nordiques comme l’Ecosse et la Suède, avec lesquels nous envisageons des partenariats plus intégrés dans le domaine de l’économie circulaire en particulier et le développement durable.
Et plus généralement, qu’est-ce qui rattache la Corse à l’identité européenne ?
une escale particulièrement convoitée d’autant qu’elle possédait des ressources naturelles exceptionnelles (eau, bois, gibier, miel …). Elle a été occupée par les Phocéens, les Etrusques, les Carthaginois, les Syracusains, les Romains, par les Goths et les Ostrogoths, par les Byzantins, les Sarrasins puis par les Pisans, les Aragonais, les Génois, les Français, les Anglais… L'histoire de la Corse est par conséquent, indissociable de celle de la Méditerranée et de l’Europe. Au-delà du fait géographique, la Corse, et les Corses, ont participé à l’histoire des idées politiques européennes. Sans revenir sur l’épopée, ô combien célèbre, napoléonienne, le siècle des Lumières en Europe a été marqué par l’épisode de l’indépendance corse menée par Pasquale Paoli de 1755 à 1769. Il fonda le premier État démocratique de l’Europe des Lumières et proclama une Constitution, la première avant celle de Jefferson, qui institue notamment le peuple souverain comme seule source légitime de pouvoir et l’égalité devant la loi. Paoli était reçu par les grands d’Europe et sera accueilli, à son exil, à Londres où son buste côtoie
ceux des pairs britanniques à l’Abbaye de Westminster. Aujourd’hui encore, la Corse s’inscrit dans la construction européenne qui est pour notre île une opportunité d’émancipation politique bien au-delà d’une seule opportunité économique. En effet, le Parlement européen encourage l’affirmation des régions et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est un moyen de protéger et de promouvoir la langue corse. La Corse s’intègre dans l’Europe des peuples et des régions solidaires et se reconnait dans la volonté des instances européennes de favoriser l’émergence de grands ensembles régionaux à l’échelle européenne, comme celui des îles de Méditerranée occidentale. Enfin, rappelons en suivant Fernand Braudel que “ce ne sont pas les espaces géographiques qui font l’histoire mais bien les hommes, maîtres ou inventeurs de ces espaces...”. Ce qui rattache la Corse à l’identité européenne c’est avant tout la volonté d’un peuple n Propos recueillis par Julien Dreyfuss
© Jean-Pol GRANDMONT
Du fait de sa position stratégique en Méditerranée, la Corse a été de tout temps
Décembre 2016 | La Corse
“Les formes d’agriculture traditionnelles pratiquées en Corse contribuent pour une large part à l’originalité des paysages et à la biodiversité.”
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INTERVIEW WITH...
December 2016 | Corsica
... Marie-Antoinette Maupertuis, Member of Corsica’s Executive Council; Director of the Corsica Tourism Agency; member appointed chair of CORE-PA (regional committee for the administration of Corsica aid budgets) and to the monitoring committee for European programmes on Innovation Strategies for Smart Specialisation; member for European and international affairs
What binds Corsica to the European identity is above all the will of a people Corsica has a long tradition at the heart of Europe. The island was one of the first regions to benefit from aid to the regions, following the enlargement of the EU in 1986. Today, it receives support from the European Regional Development Fund/ European Social Fund programme for the period 201420, which contains 7 operational areas.
Which European funds have been allocated to Corsica for the period 2014-20? The programming period 2014-20 is structured around four EU funds: n The European Regional Development Fund (ERDF) n The European Social Fund (ESF) n The European Maritime and Fisheries Fund (EMFF) n The European Agricultural Fund for Rural Development (EAFRD)
These programmes fit into the framework of the 2020 strategy, which for Corsica takes the form of three pillars: n the quest for smart growth which is focused on innovation as well as being open to the internationalisation of production activities; n growth highlighting the range of advantages of our island territory on a long-term basis; n inclusive growth, reducing the risk of social divisions.
Corsica must tackle multiple difficulties on contrasting fronts which are primarily a consequence of its geography as an island
and a mountainous territory. The ERDF-ESF operational programme acts coherently around the orientations of the Corsica plan for territorial and sustainable development and urbanism (PADDUC) approved by the Corsican Assembly in 2015 to attempt to mitigate these constraints and optimise the island’s development potential. The programme therefore covers the principal facets of the priority challenges for Corsica in relation to the economy, society and the environment, which are as follows: research, development and innovation, the competitiveness of SMEs and increasing their access to external markets, the island’s digital transition to superfast broadband, the energy transition and the fight against energy insecurity, the prevention of major risks, the promotion of our heritage, social cohesion with our new urban policy, and raising the educational attainment levels of jobseekers. The objective of the EAFRD Corsica rural development programme is to finance development activity that will support structural evolutions in rural and agricultural environments. Traditional forms of farming practised in Corsica make an important contribution to biodiversity and the originality of our countryside; therefore, this programme includes agricultural/environmental measures that remunerate farmers who voluntarily engage in protecting the environment and help preserve our countryside. Compensation payments designed to encourage
farmers to remain in natural areas where there are specific constraints have also been agreed. The national EMFF programme is the result of close co-operation and detailed discussions with all actors in the profession and with civil society. Thus, the EMFF aims to make fishing and aquaculture industries more competitive by using a basis of knowledge and innovation in order to promote economic development focused on the sustainable management of resources. This fund also supports the Common Fisheries Policy for the preservation of marine biological resources, the management of fisheries and the fleets that exploit these resources, as well as aquaculture and the transformation and sale of the products of these two industries. A crossborder agreement will be formalised during 2016 in this respect, bringing together Corsica, Sardinia, Tuscany, Liguria, Var, and AlpesMaritimes. This European Grouping of Territorial Co-operation (EGTC) will be tasked with the practical organisation of this Mediterranean territorial continuity.
What is the sum total of contributions from these funds? Corsica receives 275 million euros, of which 260 million euros will be managed directly by the Collectivité Territoriale de Corse (Corsica regional authority) in its
Les dossiers Territoires | LE COURRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN | 107
INTERVIEW WITH... capacity as national authority. The money is distributed as follows: n ERDF-ESF 2014-2020: 115 million euros n EAFRD: 145 million euros
n ESF (ESF national operational programme – regional programme for Corsica): 7 million euros n EMFF (Corsica programme): 5 million euros.
Can you tell us which main projects are set to receive this funding? The main projects that we hope to be able to support are those which will lead to the installation of skills centres and the development of collaborative research programmes with businesses, including project incubators and the possibility of creating or reclassifying business parks; business clusters and the associated project engineering (business service centres, specialised enterprise parks, business incubators, third party entrepreneurship zones, fablabs, living labs, and so on...). Work in the area of e-learning will also benefit from funding (roll-out of digital working spaces and the strengthening of shared digital service platforms), as will the areas of electronic administration and inclusion services. Projects developed around the circular economy will also benefit, and will receive the greatest of interest since they chime with one of our major preoccupations. The same obviously applies to all projects that take account of environmental concerns (prevention and analysis of natural risks, action to increase the resilience of our territories, work to protect and restore the coastline, on flood risks, the reduction of carbon emissions, management of energy use, etc.). Furthermore, projects aiming to strengthen social cohesion, especially by improving socio-economic conditions and living conditions for vulnerable groups, will receive strong support through the installation of local leisure facilities such as sports courses and health activities, playing fields, children’s gardens, places for cultural expression, etc. This is because living together as a community is a fundamental component of our political programme. Which European territories is Corsica engaged with for the purposes of European, international and also decentralised co-operation? Corsica participates in three types of European territorial co-operation, which are:
December 2016 | Corsica
n transnational co-operation in the northern Mediterranean; n inter-regional co-operation (local and regional authorities of the 27, plus Switzerland and Norway); n crossborder co-operation via the MARITIME operational programme for Italy and France (concerning Corsica, Sardinia, Tuscany, Liguria, and Provence-Alpes-Côte d’Azur).
In addition, it is involved in: n the European Neighbourhood Policy (ENP), developed in 2004, which aims to avoid the emergence of new divisions between the enlarged EU and its neighbours in order to strengthen prosperity, stability and security for all. We intend to become fully integrated participants through the dedicated programmes such as the Neighbourhood programme; n decentralised co-operation, in which we have a 50% involvement with the Foreign
Minister, allowing us to sign bilateral agreements in a wide variety of fields ranging from scientific research on essential oils, training for female managers and the fight against AIDS, to artistic and cultural exchange programmes and environmental protection. The countries and territories concerned here include Brazil, the Dominican Republic, the Mekong River, Vietnam, Okinawa Island, Laos, Morocco, Tunisia, and more. Alongside these programmes, we are also consolidating a strong axis for co-operation with Sardinia and the Balearic Islands. Thus a first agreement between Corsica and Sardinia was signed on 14 March this year, and on 17 November, all three presidents will meet in the Balearics for a summit during which a second agreement will be signed linking all our respective islands. This agreement will initially cover transport, tourism and taxation, and will subsequently be extended to incorporate other domains such as culture and the environment. In this spirit, we have already submitted to the InterMediterranean Commission of the Conference of Peripheral Maritime Regions of Europe (CPMR) a joint amendment requesting that as part of the cohesion policy for the post 2020 period, an operational programme for territorial co-operation specific to the Mediterranean islands be envisaged in synergy with existing programmes; this would be similar to that already in existence for the current period in relation to Madeira, the Azores and the Canary Islands. Links are also currently being established
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with democracies in northern Europe such as Scotland and Sweden, with whom we plan to build more integrated partnerships in relation to the circular economy in particular, as well as sustainable development.
And more generally, what is it that binds Corsica to the European identity? As a consequence of its strategic position in the Mediterranean Sea, Corsica has forever been a particularly desirable stopover point, all the more so in view of its exceptional natural resources (which include water, wood, game, and honey.) The island has been occupied by the Phocaeans, the Etruscans, the Carthaginians, the Syracusans, the Romans, the Goths and the Ostrogoths, the Byzantines, the Saracens and then the Pisans, the Aragonians, the Genoese, the French and the English... so we can see that the history of Corsica is inextricably linked to the history of the Mediterranean and Europe. Beyond its geography, Corsica and Corsicans have played a part in the history of European political ideas. Without retracing the epic and oft-recounted story of Napoleon, the European Enlightenment was notable for the period of Corsican independence led by Pasquale Paoli which lasted from 1755 to 1769. He founded the first democratic state in Enlightenment Europe and proclaimed a constitution, the first before that associated with Jefferson, which among other principles enshrined the sovereign people as the sole legitimate source of power, and equality before the law. Paoli was welcomed by the European greats and during his exile lived in London, where his bust is displayed in Westminster Abbey alongside his British peers. Still today, Corsica is part of the European construction which for our island represents an opportunity for political emancipation reaching far further than the purely economic. Indeed, the European Parliament encourages the affirmation of the regions, and the European Charter for Regional or Minority Languages is a means to protect and promote the Corsican language. Corsica takes its place in the European community of the peoples and regions, and sees itself reflected in the desire of the EU institutions to foster the emergence of large regional axes in Europe, such as that incorporating the islands of the western Mediterranean. Finally, let us follow the example of Fernand Braudel in remembering that “history is not made by geographical areas but in fact by men who are the masters or inventors of them...”. What binds Corsica to the European identity is above all the will of a people n
CHAPITRE 6
TOURISME, SPORT ET CULTURE / TOURISM, SPORT AND CULTURE
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ENTRETIEN La Corse est une île-continent à quelques encablures seulement de nos côtes. Elle représente tout un univers dépaysant et un monde à part qui recèlent 1 000 curiosités laissées là par l’Histoire. C’est enfin une montagne dans la mer, véritable paradis de la biodiversité, des paysages naturels et des trésors de la nature.
© Mr Jos@ctc
Une crique, un village perché : à chaque tournant de la route, c’est une découverte Marie-Antoinette Maupertuis
patrimoine immatériel, ses savoir-faire et en particulier ses chants polyphoniques qui l’ont fait connaitre dans le monde entier.
Conseillère Exécutive de Corse, Présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse, déléguée à la présidence du COREPA, au Comité de suivi des programmes européens à la stratégie de spécialisation intelligente et d'innovation et déléguée aux Affaires Européennes et Internationales
Pouvez-vous détailler les richesses naturelles, les espaces verts, la mer, les musées, les édifices religieux, le patrimoine… qui font l’attractivité touristique de la Corse ? La Corse, située à 170 km des Alpes maritimes et 85 km de la Toscane est une sorte de continent miniature ou coexistent des montagnes, forêts, lacs et rivières – 12 de ses sommets dépassent 2000 m – et des espaces littoraux et plages – 1000 km de côtes dont 20 % protégés par le Conservatoire du littoral – jalonnées de tours génoises en sentinelle. Le territoire compte un parc international marin dans les Bouches de Bonifaziu, un Parc Naturel Régional couvrant 43 % de la surface totale de l’île et
on y dénombre près de 300 espèces endémiques. L’attractivité de la destination est donc assise sur un capital environnemental d’une exceptionnelle beauté et d’une biodiversité assez unique. La Corse, terre habitée depuis la Préhistoire, c’est aussi un patrimoine historique et des traditions très présentes. Les quelques 360 villages possèdent avec un patrimoine religieux d’une grande richesse (églises baroques, romanes, pisane…). L’île compte une douzaine de musées. Certains sont dédiés à l’archéologie : Mariana, Aleria, Sartè, Alta Rocca ; d’autres dédiés à des personnages illustres de l’île, Pasquale Paoli à Morosaglia ou Bonaparte dont la maison natale est fort visitée à Ajaccio. D’autres enfin tels le Musée Fesch à Ajaccio qui possède une collection d’exception de primitifs italiens ou le Musée de Bastia installé dans le Palais des Gouverneurs génois et enfin le Musée de la Corse à Corte, musée régional d’anthropologie. De nombreux autres lieux d’interprétation, écomusées et mise en valeur de sites patrimoniaux comme les citadelles fortifiées (Bonifaziu, Calvi, Bastia,..) complètent l’offre culturelle de l’île. Il convient aussi de ne pas oublier son important
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“3,5 millions de séjours tout au long de l'année avec en pointe estivale 410 000 visiteurs.”
Quels sont les grands sites naturels ou historiques du tourisme en Corse ? La Corse compte un grand nombre de sites naturels ou historiques de grande notoriété tels que la cité de Bonifaziu et ses falaises de calcaire, les Calanques de Piana, le Cap Corse, la citadelle de Corte et la vallée de la Restonica, les aiguilles de Bavella, la réserve classée au patrimoine mondial de l’UNESCO de Scandola ou le Golfe de Girolata. Pour autant, l’île regorge de sites
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naturels, préhistoriques – la présence humaine sur l’île est datée de - 10.000 – et historiques de grand intérêt. L’île est chargée d’histoire, la Corse a été rattachée à la République de Pise puis à la République de Gênes avant de devenir française en 1768. Un grand nombre de témoignages de ces époques subsistent. Et au-delà des sites, ce sont les perspectives paysagères qui sont exceptionnelles. Une crique, un couchant, une vallée, un village perché… à chaque tournant de la route ou du sentier, c’est une découverte. La Corse, c’est un plein d’images, de lumière, de sons et de fragrances exceptionnelles… A combien évalue-t-on le nombre de visiteurs annuels en Corse ?
Quelle est leur origine ? Le socle de la fréquentation touristique provient de la métropole qui représente 70% de la fréquentation touristique des hébergements marchands. La Corse accueille également 900 000 séjours étrangers principalement d’Italie (40 %), seul pays relié toute l’année par bateau à l’île, d’Allemagne (20%) et de Suisse (15%). A ces pays de proximité s’ajoutent plus modestement la Belgique (en croissance significative) et la Grande
Bretagne clientèle historique de la Corse, présente dès le début du XXème siècle). Elle est ouverte également vers d’autres pays émetteurs qui représentent encore des faibles volumes mais en croissance intéressante, tels que la Hollande et la Tchéquie, la Hollande et les Pays scandinaves ou l’Espagne. Quels sont les atouts du tourisme en Corse ? Quels sont ses handicaps ? Selon les visiteurs, le premier atout de l’île est son cadre naturel exceptionnel, au premier rang duquel son littoral et ses plages mais aussi ses sites naturels de montagne et son patrimoine culturel. L’offre touristique de l’île est extrêmement variée et quasiment toutes les formes de tourisme peuvent s’y retrouver. Cette diversité à l’opposé des destinations standardisées, la taille humaine de ses équipements d’hébergement (la plupart du temps
© Fotolia.com / Lafoudre Castagniccia
L’île accueille de l’ordre de 3,5 millions de séjours tout au long de l’année avec en pointe estivale 410 000 visiteurs. 59 % de ces séjours s’effectuent en été, 25 % au printemps et 16 % en automne. Cette fréquentation est assez stable depuis quelques an-
nées en été et montre une plus grande variabilité sur les ailes de saison. Les croisières représentent environ 768 000 personnes en transit, dont plus des trois quarts sur Ajaccio. Avec 35 millions de nuitées dont 9,5 millions dans les hébergements marchands, les séjours touristiques correspondent, en lissant sur l’année, à un accroissement de population résidente de 31 %. La Corse est la première région française en termes de part du tourisme dans son économie.
“Selon les visiteurs, le premier atout de l’île est son cadre naturel exceptionnel.”
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ENTRETIEN © CTC
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“La Corse est parfaitement adaptée pour s’inscre dans les courants porteurs de la demande de séjours expérientiels et tournés vers la découverte active.”
de structure familiale et indépendante, 28 chambres moyens pour les hôtels) et l’identité affirmée et revendiquée de l’île font partie des actifs de la destination. La Corse est par ailleurs parfaitement adaptée pour s’inscrire dans les courants porteurs de la demande de séjours expérientiels et tournés vers la découverte active, le bien-être et le ressourcement. Ses handicaps viennent principalement de son insularité et des conditions de son accessibilité, aujourd’hui encore insuffisante au niveau international. Des gisements de progrès dans le développement de lignes aériennes pouvant rapprocher l’île de ses marchés tout au long de l’année. Forte de ses atouts naturels, l’île s’est insuffisamment extraite des seules visites à but contemplatif. Produire des contenus et services pourrait enraciner une véritable économie sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, la pression exercée sur certains sites majeurs peut mettre en péril la ressource si on ne se préoccupe pas d’en maitriser les effets. Enfin, le poids du secteur locatif saisonnier non marchand très élevé (70 %) au regard du secteur productif marchand, a pour effet au-
jourd’hui d’accentuer les écarts saisonniers et met en péril les offres homologuées.
Qu’apporte l’insularité corse par rapport aux autres destinations touristiques de la Méditerranée ? Au regard des autres îles de Méditerranée, la Corse, avec ses sommets qui culminent à plus de 2 500 m et un réseau de rivières qui irrigue toute l’île, est incontestablement l’île la plus verte de Méditerranée. Sa configuration particulière mer-montagne en immédiate proximité – l’île faisant dans sa plus grande largeur 80km – permet dans une même journée de pratiquer les deux types d’espace, ce qui enrichit la destination et lui procure un avantage concurrentiel déterminant. Les activités de pleine nature trouvent en Corse un cadre propice, avec une mention particulière pour la randonnée dont l’image est portée par le célèbre GR20 mais aussi une multitude de sentiers qui jalonnent les montagnes et le littoral de l’île. Sa très faible densité, 320 000 habitants sur un territoire de 8 800km2 ourlé par plus de 1000 km de côtes, lui confère une dimen-
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sion d’île-nature incroyablement préservée. Même si certains sites peuvent connaître une pression plus importante en été, l’île ne compte jamais plus de 740.000 personnes au même moment, ce qui la situe dans une logique différente du modèle “tourisme de masse” pratiqué dans d’autres îles. Quels sont les grands concurrents touristiques de la Corse ? La destination Corse est en concurrence sur le marché français avec les principales destinations touristiques côtières françaises de Méditerranée, le Languedoc-Roussillon, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur mais aussi dans une moindre mesure de la côte Aquitaine et la Bretagne. Pour la clientèle internationale, les compétiteurs sont bien évidement les autres îles de Méditerranée avec au premier rang, les Baléares, la Sardaigne ainsi que les destinations de l’arc méditerranéen. Mais encore une fois, elle exhibe au regard de ses concurrents, une combinaison unique de patrimoine naturel et culturel que l’on nous envie… n Propos recueillis par Olivier Sourd
INTERVIEW WITH...
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... Marie-Antoinette Maupertuis, Member of Corsica’s Executive Council; Director of the Corsica Tourism Agency; member appointed chair of CORE-PA (regional committee for the administration of Corsica aid budgets) and to the monitoring committee for European programmes on Innovation Strategies for Smart Specialisation; member for European and international affairs
A cove, then a hilltop village... every twist and turn in the road brings a new discovery Corsica is an island-continent lying just a short distance from our shores. It represents another world, a strange and beautiful universe where History deposited thousands of curiosities. It is a mountain in the sea and a haven of biodiversity and landscapes. Corsica is nature’s true treasure trove.
Situated 170km from the French region of Alpes-Maritimes and 85km from Tuscany, Corsica is a kind of miniature continent where mountains, lakes, forests and rivers co-exist with its coasts and beaches. Twelve of its peaks stand at over 2,000m, and its 1,000km of coastline, of which 20% is protected by the Coastal Protection Agency, is dotted with Genoese towers standing to attention. Corsica has an international marine park in the Strait of Bonifacio, a regional nature park covering 43% of the island’s total territory, and it is home to almost 300 endemic species. So the attractiveness of Corsica as a destination is based on its exceptionally beautiful and rich environment and rather unique biodiversity. The island, inhabited since prehistoric times, is also synonymous with a historic heritage and very prominent traditions, and its some 360 villages house a rich religious heritage (baroque, Norman, and Pisan churches, etc.) There are about a dozen museums here, with some dedicated to archeology: Mariana, Aleria, Sartè, Alta Rocca; others are devoted to distinguished Corsicans such as Pasquale Paoli at Morosaglia or Napoleon Bonaparte, whose
family home is a popular tourist destination in Ajaccio. Then there is the Musée Fesch in Ajaccio which has an exceptional collection of Italian primitive art, or the Musée de Bastia housed in the palace of the Genoese governors, and finally the Musée de la Corse in Corte, a regional museum of anthropology. Many other exhibition sites, eco-museums and enhanced heritage sites such as the fortified citadels in Bonifacio, Calvi and Bastia, complete the range of cultural attractions here. We should not overlook the significant intangible heritage of the island, its knowhow, and in particular its style of polyphonic song, which gained Corsica worldwide attention.
citadel at Corte and the Restonica valley, the jagged peaks of Bavella, the Scandola nature reserve listed as a UNESCO world heritage site, and the Gulf of Girolata. And the island boasts many natural, historical and prehistoric sites of great interest (human life on the island dates back to 10,000 BC). Corsica is brimming with history: once part of the Republic of Pisa, it was then attached to Genoa before becoming French in 1768. A great many accounts from these eras have survived to our day. And beyond these sites, the island’s landscapes are stunning. A © www.fotolia.com
Can you describe the wealth of nature that does so much to attract tourists to Corsica, for example its green spaces, the sea, museums, religious buildings, the island’s heritage, and so on.
“410,000 visitors at the height of the summer season.”
Which are the most important natural and historical tourist sites in Corsica? Corsica is home to a large number of renowned natural and historical sites, such as Bonifacio and its limestone cliffs, the rocky coves of Piana, the Cap Corse, the
“Corsica competes on the French tourism market alongside the main French coastal destinations.”
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© Michal Osmenda
INTERVIEW WITH...
“Corsica is home to a large number of renowed natural and historial sites.”
cove here, a sunset, a valley or hilltop village... every twist and turn in the road or path brings a new discovery. Corsica is a concentration of astonishing sounds and smells, images and light.
“There are approximately 3,5 million tourist stays in Corsica throughout the year.” How many people do you estimate visit Corsica annually? There are approximately 3.5 million tourist stays in Corsica throughout the year, with 410,000 visitors arriving at the height of the summer season. 59% of stays occur during the summer, 25% in spring and 16%
in the autumn. This pattern has been fairly stable for a few years in relation to the summer period, showing greater variability at the season ends. Around 768,000 people pass through on cruises, with over three quarters of these visitors stopping at Ajaccio. With 35 million nights spent on the island, including 9.5 million in commercial accommodation, tourists account for an increase in the resident population of 31% over a complete year. In Corsica, tourism represents the largest share of the economy of any French region. Which countries do tourists come from? Our main tourist base comes from the French mainland, whose visitors account for 70% of tourist stays in commercial accommodation. Corsica also welcomes 900,000 foreign visitors arriving mainly from Italy (40%), the only country linked to the island all year round by boat, then from Germany (20%), and Switzerland (15%). In addition to these close neighbours, there is Belgium (a more modest share of tourists but one which is growing significantly), and also Great Britain, longstanding patrons of the
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island since the start of the 20 th century. Other countries contribute smaller numbers of visitors for the moment but are showing interesting growth. These include the Netherlands, the Czech Republic, the Scandinavian countries, and Spain. What are the key assets of Corsica’s tourism sector, and what are its weaknesses? According to those who visit, the island’s number one advantage is its exceptional natural environment and first and foremost its coastline and beaches, but also its mountains and cultural heritage. There is a huge variety of options for tourists, and virtually all forms of tourism can be found here. This diversity (in stark contrast to the standardised tourist destinations on offer), the manageable size of its accommodation sites (most facilities are independently or family run, and the average hotel has 28 rooms), as well as the strongly asserted identity of the island, are among Corsica’s assets. It is also perfectly placed to fit into the trends favouring experience breaks, as well as activity, wellbeing and revitalisation stays. The fact that
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it is an island, plus conditions of access from abroad which remain inadequate, are the principal source of its obstacles. Progress is possible by developing air links that could bring Corsica closer to its markets all year round. The island also trades on the strength of its natural assets, but it has not sufficiently branched out from visits designed for passive contemplation. Establishing services and activities could lead to an authentic and permanent economy across the entire island. Furthermore, the pressure on certain key sites could jeopardise our resources if we do not take steps to control the effects. Finally, in the Corsican economy, the seasonal rental sector (representing 70%) dwarfs the commercial nontourism sector (e.g. businesses and stores, the building trades, etc.) creating economic distortions between the high and low seasons and threatening the existence of official recommended provision.
that reach over 2,500 metres and network of rivers covering the entire island. The particular configuration of Corsica, where the sea and mountains lie side by side (the island is 80km at its widest point), means both contexts can be enjoyed during the same day. This aspect adds to the island’s appeal, giving it a distinct competitive edge.
What does the island of Corsica offer in comparison with the other tourist destinations of the Mediterranean?
Outdoor pursuits find an ideal environment here. I should make special mention of walking, which has had its image boosted by the famous GR20 trail, but there is also a large number of hiking paths which intersect the island’s mountains and coastlines.
Which destinations are Corsica’s main competitors for tourism? Corsica competes on the French tourism market alongside the main French coastal destinations on the Mediterranean, the regions of Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, but also the Aquitaine coast and Brittany to a lesser degree. As far as tourists from abroad are concerned, our competitors are clearly the other Mediterranean islands, and chiefly the Balearics and Sardinia, as well as the destinations of the north western Mediterranean. But again, Corsica boasts a unique and enviable combination of natural and cultural heritage compared to its competitors n © CTC / Sylvain Alessandri
Corsica is without doubt the greenest of all the Mediterranean islands, with its peaks
“Outdoor pursuits find an ideal environment here.”
Corsica is sparsely populated, with 320,000 inhabitants for 8,800km 2 of land surrounded by over 1,000km of coastline, giving it the feel of an extremely well-preserved nature island. Though there is increased pressure on certain sites during the summer months, there are never more than 740,000 people on the island at any one time. This separates it from the “mass tourism” model found on other islands.
“Corsica is without doubt the greenest of all the Mediterranean islands.”
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