Pierre Jullien
LES MOTS FONT LE JOB Nouveau lexique du monde du travail
Je remercie Véronique Salles-Buisson pour son attentive relecture.
Couverture : PlayTime de Jacques Tati (1967) © Les Films de Mon Oncle – Specta Films C.E.P.E.C. ISBN 978-2-37344-046-1 © Lemieux Éditeur, 2016 11 rue Saint-Joseph – 75002 Paris www.lemieux-editeur.fr Tous droits réservés pour tous pays
Pierre Jullien
LES MOTS FONT LE JOB Nouveau lexique du monde du travail Préface de Jean-Pierre Colignon
Préface Les mots font le job… Comme d ’habitude, dirat-on, puisque, sans le trésor des mots, nous ne serions pas près d ’être tirés d ’affaire (voire d ’« affaires »). D’ailleurs, pour s’exprimer intelligemment et clairement, il faut trouver le mot qui fasse l’affaire, le mot précis, le mot exact. Si, de plus, ce mot bon, ce mot de bon aloi, permet de faire un bon mot, les lecteurs ou les auditeurs s ’en esbaudissent bien volontiers ! L’ami Pierre Jullien, érudit et spirituel, connaît manifestement un certain Montesquieu, puisqu’il use en ces pages… « de l’esprit d ’Éloi1 », un sage et saint conseiller royal, très au fait des finances, des affaires, auquel on a prêté faussement et a posteriori un propos tout de sincérité à l’égard d ’un Dagobert Ier mal c ulotté. Le travail q u’accomplit le futur Éloi alors q u’il n ’était que simple orfèvre fit l ’admiration de tous, et l’on c onsidère q u’il porta son art à un degré de perfection extraordinaire pour son époque. 1 L’auteur de De l ’esprit des lois nous pardonnera certainement ce badin jeu de mots.
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Pas encore canonisé, Pierre Jullien est lui aussi un ciseleur, mais de chroniques langagières, qui c onstituent le présent ouvrage. Pour parler, au sens général, du job, il s’est mis au travail, tel un bénédictin ou un Romain ! De « budget » à « intérim », de « bureau » à « pause-café », de « montage » à « raboter », de « remerciement » à « management », et jusqu’à l’étonnant « webinar », notre lexicographe n’est pas avare d ’explications rigoureuses, enrichies par de nombreuses citations et références multiples. Des bonus espiègles, produits d ’un cerveau où l’on décèle indubitablement un fond – voire un fonds, et même des fonds, au sens de « profondes ressources à exploiter » – de malice et de finesse, agrémentent très plaisamment ces textes pleins d ’informations, entre autres sur l’étymologie des mots et expressions. L’actualité est omniprésente tout au long du livre, puisque l’auteur se sert de faits d ’actualité comme prémisses, c ’est-à-dire comme bases de lancement de ses chroniques. Et, si ces dernières reposent à bon droit, et à bon escient, sur des mots, des locutions et des expressions bien précis liés au travail, Pierre Jullien comble d ’aise encore plus ses lecteurs en élargissant son propos par des à-côtés des plus intéressants. Les mots font le job… Eh oui, de la même manière que « la fonction crée l ’organe », les mots, selon l ’air du temps, selon l ’usage populaire, peuvent échapper
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au carcan forgé par les linguistes et imposer une modification de leur signification, voire une acception nouvelle, par exemple pour une fonction, une profession, un emploi… Mais ils « font le job », surtout, en bons et précieux serviteurs de la langue, permettant les échanges, la communication, la compréhension, la transmission des savoirs… En recueillant et en explicitant avec érudition et humour, sous toutes leurs facettes, dans tous leurs états, des mots et expressions liés ou apparentés à l’emploi, Pierre Jullien… a [très bien] fait le job ! Jean-Pierre Colignon
Avant-propos Pas de mois sans enquêtes sur l’emploi, sans c hiffres et sans statistiques sévères sur le nombre de créations et de disparitions d ’entreprises, et ses destructions de postes de travail. Pas de journées sans « histoires de bureau », autour de la machine à café… Les thématiques de l’emploi, de la vie en entreprise et du monde du travail – son étymologie renvoyant à tripalium, un instrument de torture – leurs « maux » c oncernent tout un chacun. Or ce monde change de visage à toute allure, et l ’emploi connaît plusieurs modes contractuels et expérimente bien des usages. Les mots, eux aussi, travaillent ! Des sens sont détruits, d ’autres c onnaissent le burn-out, ou bien la mise au chômage technique en attendant la retraite ou un réemploi, tandis que des c onceptions nouvelles émergent. Ainsi, le Larousse 2016 et Le Petit Robert viennent d ’accueillir toute une terminologie numérique telle que « big data », « open data » ou « community manager »… Des mots bien vilains qui donnent raison – s’il le fallait – à Paul
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Léautaud (1872-1956), qui soulignait combien « la littérature n’a rien à voir avec la richesse du vocabulaire, sinon le plus grand des chefs-d ’œuvre serait le dictionnaire » ! Cet ouvrage a été alimenté par des chroniques publiées pour l’essentiel sur la chaîne « Emploi » du monde.fr. Un abécédaire thématique tente d ’expliquer, l’origine de ces termes qui poussés par la force de l’actualité, font ou décrivent notre quotidien. Ces mots repérés ont des fondations étymologiques qui peuvent s ’avérer surprenantes. Ils induisent une réflexion sur le quotidien d ’un monde du travail en pleine mutation – et en plein inconnu. Dédramatiser autant faire se peut : il le faut bien lorsque le travail renvoie aussi à la souffrance, la réforme au licenciement, un remerciement à un coup de poignard, la retraite à une défaite et que du bureau au cilice, il n’y a qu’un pas. « Un mot peut avoir puissance aussi par la superstition […]. On dit bien qu’il y a une magie des mots, et des préférences de sentiment ou des aversions en chacun », écrit Alain (Système des Beaux-Arts, 1920). Ainsi en est-il du langage propre au monde du travail, de l’entreprise, aux vertus incantatoires… Saints webinar, intérim, pitch… Saintes ubérisation, gouvernance, priez – riez – pour nous !… Des « mots » – le mot est dérivé du latin mutio (« grommeler »,
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« marmotter », « marmonner ») – qui bénéficient parfois d’effets de mode. Mais on ne dira jamais assez que les mots font le job, et transmettent la mentalité d ’une époque.
Table des matières Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 chapitre i Le management sans ménagement. . . . . . . . . . . . . . Faire « carrière », une course d ’obstacle ? . . . . . . . Il y a « collègue » et collègue . . . . . . . . . . . . . . . . « Compétence » et physique de l’emploi . . . . . . . « Coquin » sans scrupules . . . . . . . . . . . . . . . . . . Récente « gouvernance » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La « hiérarchie » ou la sacralisation du pouvoir . . . . . . . . . . . . . . . « Management », avec ou sans style . . . . . . . . . . . « Obéir » sur commande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . « Quotas » cotés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De la « sauvegarde » au naufrage . . . . . . . . . . . . . Y ’a plus de « tabou » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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chapitre ii Vivre en entreprise, pas toujours une vie. . . . . . . . . . « Démission » ou démissionné ? . . . . . . . . . . . . . . « Diplôme » certifié ou non . . . . . . . . . . . . . . . . . L’« échec », c ’est pas la mort . . . . . . . . . . . . . . . . Mettre en œuvre ? Vivre ensemble ? Qu’est-ce que l ’« entreprise » . . . . . . . . . . . . . . . . « Honte » à être sans honte . . . . . . . . . . . . . . . . . « Intérim », et pendant ce temps-là… . . . . . . . . . « Nationalisation » bleu-blanc-rouge . . . . . . . . . . « Pacte » : quel impact ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pas d ’embauche sans « pitch » . . . . . . . . . . . . . . . La « rentrée » est de sortie . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quand sénile précède « senior » . . . . . . . . . . . . . chapitre iii Des c onditions de travail sans condition . . . . . . . . . De 10 à 54 m2, le « bureau » n’a pas le même sens pour tout le monde . . . . . . . . . . . . « Accros » au travail et à la pause-café . . . . . . . . . Angoissant « chômage » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . « Conférence » : pour faire le tour de la question . . . . . . . . . . . . . Du « contrat » à la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . « Deadline » et autres anglicismes . . . . . . . . . . . . Pauvre comme « job » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Boulot de rêve cherche « postulant » . . . . . . . . « Réforme » : amélioration ou éviction ? . . . . . . La « réunion », du temps perdu ? . . . . . . . . . . . . Une « rupture » qui fait peur . . . . . . . . . . . . . . . Les « tablettes » font leur loi . . . . . . . . . . . . . . . L’« ubérisation » bouscule l ’économie . . . . . . . . Des « vacances » au cauchemar . . . . . . . . . . . . . « Webinar », le dernier mot-valise à la mode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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chapitre iv Le travail, c ’est la santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Respectueuse « agonie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Du burnous au « burn-out » . . . . . . . . . . . . . . . 107 De la « pression » à la dépression . . . . . . . . . . . . 111 Le « travail », quelle torture . . . . . . . . . . . . . . . . 113 chapitre v L’entreprise, toute une économie . . . . . . . . . . . . . . 117 Des « chiche ! » de poids . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 « Clichés » à répétition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Dévastatrice « convergence » . . . . . . . . . . . . . . . 121 Experts en « couacs » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 « Dépénalisation » : à connotation positive ou négative ? . . . . . . . . . 124 « Espionnage » licite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
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« Manquements » ou bricolages de fortune ? . . . . . . . . . . . . . . . . . Un remerciement sans « merci » . . . . . . . . . . . . « Millefeuille » : le règlement, c’est le règlement . . . . . . . . . . . . . Cher le « moment » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . « Montages » ou micmac ? . . . . . . . . . . . . . . . . . Des « sondages » sur tout et rien . . . . . . . . . . . . Les effets visibles de la « transparence » . . . . . . .
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chapitre vi Dis-moi combien tu gagnes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Des « bonus » loin d ’un cadeau Bonux . . . . . . . 143 « Budget » : l’affaire est dans le sac . . . . . . . . . . 145 Riches à « milliards » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Coupable « négligence » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Une « prime » déprimante . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 Rabault n’est pas « raboter » . . . . . . . . . . . . . . . 155 Une « rémunération » qui fâche . . . . . . . . . . . . . 156 Du « salaire » normal au salaire minimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Parce q u’il faut bien conclure d ’un mot . . . . . . . . . 163 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165