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Carte sur table

Carte sur table

Siffler le chaud et le froid

Le débat sur la température de service d’un vin peut s’avérer houleux... Voici de quoi tempérer les discussions.

EN FÉVRIER 2018, la photo d’une romanéeconti 2007, numérotée 2896, surgit sur l’application de messagerie chinoise WeChat. Jusque-là, rien d’étonnant, l’empire du Milieu s’étant résolument ouvert à la dégustation de nos meilleures étiquettes. Sauf qu’en l’espèce, la bouteille sur le cliché est brisée en deux. Seul le cul, d’où émerge un glaçon semblable à un iceberg violine, est resté intact. On n’a jamais su si le nectar bourguignon était tombé dans un seau d’azote liquide ou s’il avait passé la nuit dehors par -20 °C, mais on a frôlé la crise cardiaque.

Le freezer, un faux ami à fuir

On aurait pu soupçonner la bourde d’un hôte accueillant mais surpris par l’irruption d’amis venus s’enjailler à l’improviste, un jour de fortes chaleurs. On n’a pas de bouteille au frais, misère ! On ouvre le congélateur en catastrophe ; on y case un flacon entre deux saucisses et un reste de brocoli, fier de son à-propos ; et… on l’oublie. Si cela avait été le cas, le coupable aurait ajouté la méconnaissance à l’étourderie, rafraîchir un tel nectar étant une hérésie.

Quoi qu’il en soit, le freezer n’est pas le meilleur ami du vin. Les amateurs éclairés savent pertinemment que, pour faire baisser la température, il est plutôt conseillé de déposer la bouteille dans un seau rempli tant pour tant d’eau et de glaçons, le tout assaisonné de deux cuillerées à soupe de gros sel. Une astuce de petit chimiste – le chlorure de sodium a le pouvoir de faire fondre les glaçons qui, pour se liquéfier, ont besoin de chaleur, une énergie qu’ils vont puiser dans l’eau. CQFD. Effet garanti : une baisse d’environ 10 °C en une poignée de minutes. Le choc thermique et les variations de température, ennemis intimes en cave, trouvent ici une forme de rédemption. Mais, attention, quand le vin est refroidi, il faut le boire !

Tout ça pour dire qu’en plus du tire-bouchon, le thermomètre peut s’avérer le meilleur ami du dégustateur. Or, si la température de conservation idéale se situe autour de 12 °C, quelle que soit la couleur, pour le service, c’est une autre paire de manches. Et chacun a son avis sur la question.

Du calice à la dilution impie

Il n’est pas rare de trouver, à la même table, un buveur pour juger que le vin est trop chaud et un autre pour se plaindre qu’il est affreusement glacé. Ce dernier poussera d’ailleurs souvent l’effronterie jusqu’à vous fixer droit dans les yeux tout en enserrant entre ses mains, en calice, la paraison et l’épaule de son verre, comme si c’était un poussin venant de naître. Manière de signifier qu’il y a un froid entre vous. Quant au fiévreux, on lui rétorquerait bien de jeter des cubes de glace dans son breuvage. Mais, si on le tolère pour certains rosés qualifiés de «piscine», on ne va pas cautionner cette dilution impie.

Consignes au premier degré

La technologie est heureusement venue à la rescousse avec des caves à vin dotées de compartiments séparés dont on peut régler la température de manière différenciée. Si l’espace « mise en service » peut être monté à 14-15 °C, il faudra néanmoins ajuster la température de service finale.

Pour une bulle, on tablera sur 9-10°C, autant pour un blanc sec et jeune, un peu plus pour un vin mature, selon la région et l’âge. L’amplitude sera plus grande pour les rouges, autour de 10-12°C pour les vins légers et fruités, jusqu’à 17-18 °C pour les bordeaux et les vins structurés, en passant par 13 à 14 °C si l’on aime le beaujolais, 15 à 16 °C si l’on ne jure que par le bourgogne ou les côtes-du-rhône. Comme un jour de météo capricieuse, entre la doudoune et le T-shirt, il faut choisir… STÉPHANE MÉJANÈS /

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