n째73 / avril
2012 / GRATUIT
nord & belgique Cultures et tendances urbaines
Sommaire Let’smotiv - avril 2012 - #73
06 News Guerilla crochet, Helmut Newton, Brussels Design Market, Les Belles sorties, Madame Bovary (c'est elle !), Rockerill…
10 Portfolio Dan Witz : Foule Contact 18 Liz Musique Les Paradis Artificiels, Drake, Little Barrie, Dark Dark Dark, Green, Soap&Skin, Lescop, Alabama Shakes, Les 10 ans du Culture Club ! 34 Cinéma Rencontre avec Olivia Rosenthal, Festival 2 Cinéma, Cinémondes, 2 Days in New York 42 événement Lille Art Fair épate les galeries
Paradis Artificiels, Baxter Dury © DR // Cinémondes, Riscado © Figas Films
50 Expositions Ford Madox Brown, Georges Vercheval, Markus Raetz, Le Grand Atelier, Jiem & Mathieu Connery, Déplacer, déplier, découvrir… Agenda
68 Art & Sport Festival de l’Entorse 70 Théâtre & Danse Synchronicity, This is the end, Les Turbulentes,
86
Untitled 4, Levée des Conflits… Agenda
Littérature Salon du livre d’Arras : Prose combat
88 Livres Haydée Sabéran, Chris Bachelder, Cyrille Pomès, Charles
90 Disques
Bukowski, Louis Skorecki
Tennis, Nite Jewel, Miike Snow, Motor, Beths Jean Houghton & The Hooves Of Destiny…
92 Agenda concerts
98 Le mot de la fin Janol Apin, métropolisson
Let’smotiv Nord & Belgique 114 rue Barthélémy Delespaul - F-59000 Lille Tél : +33 362 64 80 09 - Fax : +33 362 64 80 07 redaction.nord@letsmotiv.com redaction.bruxelles@letsmotiv.com
www.letsmotiv.com Let’smotiv Nord & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com Membre du réseau Let’smotiv Magazines L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours Directeur de l’édition : Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction : Thibaut Allemand Cédric Delvallez redaction.nord@letsmotiv.com GraphisME : Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com Publicité : pub.nord@letsmotiv.com administration : Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com
Let’smotiv est une publication d’Urban Press www.urban-press.com 18 rue des Couteliers - 31000 Toulouse Tél : +33 561 14 03 28 Fax : +33 561 14 25 22 Mail : info@urban-press.com
Ont collaboré à ce n° : Janol Apin, François Annycke, François-Xavier Béague, Madeleine Bourgois, Pascal Cebulski, Clémence Casses, Mathieu Dauchy, Florent Delval, Marine Durand, Grégory Escouflaire, Tiphaine Gagne, Carole Lafontan, Vincent Lançon, Raphaël Nieuwjaer, Judith Oliver, Antoine Pecquet, Bérengère Vito, Olivia Volpi, Dan Witz Couverture : Dan Witz, www.danwitz.com diffusion : C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)
Directeur de la Publication : Laurent Buoro Directeur du Développement : Loïc Blanc Rédacteur en chef : Nicolas Pattou Direction Artistique : Cécile Fauré, Christophe Gentillon Régie publicitaire : Proxirégie / salvatore@proxiregie.fr Impression : Imprimerie Ménard, 31682 Labège
L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. ı Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
Papier issu de forêts gérées durablement
© Yarn Bombing
En bref… Guerilla crochet Vous pensiez le tricot démodé ? Et bien voici de quoi retourner votre veste ! Né à New York, sous l'impulsion d'un groupe de filles (Knitta Please), le tricot urbain remet l'aiguille et la boule de laine au goût du jour. Statues, bicyclettes, lampadaires... Tous les supports sont bons pour ces fous du crochet qui subvertissent l'art de nos aïeux ! Tel cet arbre de huit mètres de haut dans son gant multicolore. Espérons simplement que ces couturiers d'un nouveau genre ne tombent pas dans les mailles de la police ! www.magdasayeg.com
X Ray © H. Newton, French Vogue, Paris 1994
Pomme d’amour Yves Saint Laurent aurait donné le pouvoir aux femmes ? Alors que penser d’Helmut Newton ? Tout au long de sa vie (1920-2004), ce photographe de mode et de charme a défendu, et répandu (Vogue, Playboy), l’image d’une femme dominante, indépendante et, définitivement sexy. Pour la première fois depuis sa mort, une grande rétrospective lui est consacrée en France. Plus de 200 images, soigneusement agencées par son épouse June, retrace son immense carrière. Une belle… mise à nu ! Jusqu'au 17.06, Paris, Grand Palais, Galerie sud-est, tlj sf mar, 10h>22h, 11/8€, +33 (0)1 44 13 17 17
Télex
Pour la 6e année consécutive, punk rock, folk, slam, classique, pop, sont convoqués dans les musées du Pays des Moulins. Plus de 25 concerts pour autant de lieux de culture ou d’histoire (en particulier des églises). 24.03>20.05, www.paysdesmoulinsdeflandre.com
news |
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La guerre des boutons
© Hubert Delouvroy
Madame Bovary (1857) de Gustave Flaubert © Brian Joseph Davis
On se souvient de ces hordes de gamins fuyant les centres commerciaux de Cardiff, afflolés par les hauts-parleurs diffusant du Beethoven. On trouvait ça plutôt drôle. Mais la mairie galloise va plus loin. Pour dissuader la jeunesse de traîner dans les rues la nuit venue, elle envisage d’installer des réverbères un peu spéciaux, dont la lumière ferait ressortir l’acné des adolescents ! De quoi relancer un conflit entre générations ou, au moins, quelques réactions épidermiques.
Brussels design market
À visage découvert
C’est un peu ZE brocante de l’année : venus de toute l’Europe, une centaine d’exposants déballent leur attirail : meubles, vêtements vintage, objets kitsch ou cultes, le tout dans un esprit bon enfant. Le samedi après-midi, c’est marchandage au cul du camion durant quatre heures (comptez toute de même 20€ l'entrée) et, dès le lendemain, on se balade gratuitement en famille ou entre amis à la recherche de la perle rare et, surtout, de la bonne affaire !
Non, cette femme n’est pas la sœur cachée de Ségolène Royal, mais bien… Emma Bovary. Ou presque : en se basant sur les descriptions physiques de célèbres personnages de la littérature, et grâce à un logiciel utilisé par la police américaine, l’écrivain B.J. Davis en dresse le portrait-robot. Ainsi, Humbert Humbert, le soupirant de Lolita de Nabokov, conserve un regard lubrique. Moins réussi, Sam Spade (Le Faucon de Malte de Dashiell Hammett) ressemble à un moniteur de ski autrichien ! Et L’homme sans visage, dans tout ça ?
21 & 22.04, Bruxelles, Tour & Taxis, sam, 20€, dim, entrée libre, + 32 (0)4 349 14 41, www.brusselsdesignmarket.be
brianjosephdavis.com
Ayé ! Dieu sait qu’on l’attendait, la réédition du best-seller Indignez-vous !, de Stéphane Hessel. Et bien figurez-vous que pour cette « édition revue et augmentée » d’une préface, ce pavé dans la mare comporte désormais… 32 pages ! De quoi s’indigner.
news |
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Plus belle la sortie Bien au chaud, les citadins se gargarisent de concerts et de pièces, mais d’aucuns reprochent encore l'éloignement de certaines salles : le métro à prendre, tout ça… Enfants gâtés ! Car certaines villes sont délaissées par l’offre culturelle. Enfin, étaient délaissées : depuis 2011, de nombreuses structures (le Prato, L’Aéronef, la Cie de l’Oiseau-Mouche…) proposent des évènements dans des lieux originaux de la métropole lilloise, à Mouvaux, Anstaing, ou Templemars – on y a ainsi applaudi Mathieu Boogaerts dans un estaminet en juin dernier !
© Sylvain Margaine
© Gaëlle Villedary, ph. D. Monjou
Les Belles Sorties, 17.04>19.06, liste des évènements et des villes sur www.lillemetropole.fr
Gazon béni
Tous à l’usine !
Au cœur de la vallée du Lignon, en Ardèche, le village de Jaujac propose, depuis 2002, des créations contemporaines installées à ciel ouvert. Le Land Art, qui prend la nature comme cadre et matériau premier, y est roi. Et plutôt que de dérouler les tapis rouges aux visiteurs de passage, la mairie a fait appel à Gaëlle Villedary. Avec 168 rouleaux de gazon, la plasticienne a créé une voie verte de 420 mètres, parcourant le bourg. En vert et pour tous !
Les Forges de la Providence, fleuron sidérurgique sis à Merchiennes-au-Pont (Charleroi) sont désaffectées, mais tournent encore à plein régime grâce à l’asbl Rockerill, qui propose concerts, expos, théâtre, cinéma, danse… Majesté industrielle, mélancolie métallique et ambiance steampunk, ces vastes salles accueillent, ce 14 avril, une soirée exceptionnelle convoquant, entre autres, Rude 66 et surtout Dopplereffekt !
www.jaujac.fr, www.gaellevilledary.net
Télex
14.04, 21h>6h, Merchiennes-au-Pont, Rockerill : Dopplereffekt, Rude 66, Sébastien Rien, J. Error…, 12/9€, www.rockerill.com
La sauvegarde de l'humanité pourrait tenir à la réussite de cette entreprise : la conception du premier sandwich à la viande... artificielle. Conçu à partir de cellules souches de vache, ce mets futuriste devrait être présenté d'ici l'automne prochain. Une bonne nouvelle pour les (défenseurs des) animaux !
Dan Witz
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Foule contact Street art, peinture // New York, États-Unis // www.danwitz.com
Figure historique du street art, chantre de l’hyperréalisme contemporain, l’Américain Dan Witz, 55 ans, débute à New York au début des années 80. Il recouvre alors la ville de stickers d’oiseaux minutieusement peints à l’acrylique (les Hummingbirds). Non content de réenchanter l’espace urbain, Witz pose sur les murs décatis de la Grosse Pomme des trompe-l’œil étonnants : personnages prisonniers derrière des grilles, ou surgissant des panneaux de circulation. Outre ce travail en lien direct avec la rue, l’artiste s’expose dans les galeries du monde entier. Entre la série Nightscapes restituant une banlieue vide, sans âme, et Figures and Portraits, qui transcende, dans le faisceau lumineux de téléphones portables, la représentation classique des madones en
texte ¬ Carole Lafontan
icônes du consumérisme moderne, nous voilà tombés sous le charme de la série Mosh Pit (baptisée d’après cette variante un brin brutale du pogo). Comment, en effet, ne pas être troublé face à ces œuvres dont la maîtrise technique irréprochable se situe dans la tradition des grands maîtres flamands ? Car, ne vous y trompez pas, toutes ces images ne sont pas des photographies mais bien des peintures à l’huile. À la manière de Rembrandt (pour le travail autour du clair-obscur) ou de Guillaume Bresson (pour sa dimension sociale et politique), Dan Witz compose une série vertigineuse où le sens du détail retranscrit avec génie l’inconfort des des corps, et la saturation du cadre pictural répond à une tension du mouvement et de l’expression. Vertigineux ! /
d et dossier réalisé par ¬ Thibaut Alleman Cédric Delvallez
Les
Paradis
ovation ! Jadis un poil trop dense, Voici un festival qui se pique d'inn rien perdre de sa générosité. cette 5e édition gagne en clarté sans e humaine (La Péniche, Le Grand L'équipe privilégie des lieux à taill tres peu habitués au tatapoum, Mix, L'Aéronef) et en explore d'au rmitage Gantois à Lille (Les Paral'He comme l'Eglise Saint-André ou e, le programme trouve son dis Sonores). Toujours aussi éclectiqu tes émergents. Avec un sens du équilibre entre valeurs sûres et artis le) et de belles fêtes en perspecdécalage évident (Puissance 4 batt Paradis ! aux tive (Cabaret Freaks), on ira tous
Baxter Dury
Jusqu'à récemment, Baxter Dury bénéficiait d'un succès critique. D'aucuns se réjouissaient à l'écoute d'albums vaguement psyché, très pop et, surtout, éminemment britanniques dans leur creuset d'influences. La postérité s'en satisfaisait, mais pas le propriétaire de son deux-pièces londonien. Et puis un jour, allez savoir pourquoi, son ironie mordante accrocha l'oreille du public. Le monde découvrit enfin l'Anglais dilettante qui entonne des ballades classieuses avec une élégance tranquille. Depuis l'été dernier, il enchaîne les tournées pour servir une « joyeuse soupe* », faussement naïve qui fait... Dury le plaisir. *Album : Happy Soup / EMI
Baxt er Dury + Rover + Rebecca Mayes 17.04, Tourcoing, le Grand Mix, 20h, 14/11€, www. agauchedelalune.com et le 17.05, 20h Bruxel les, L'Orangerie, 17/11€, +32 (0)2 226 12 11
Artificiels CABARET FREAKS Prétentieux, on présenterait les soirées Cabaret Freaks comme des moments situés entre virtualité et réalité, qui interrogent le rapport entre l'artiste et le public et perturbent la notion d'identité. Plus simplement, on dirait qu'en gros, c'est le carnaval de Dunkerque façon zombie. Le fin mot de l'histoire se situe un peu entre les deux, puisque le spectacle sera sur scène (DJ's, performers, etc.) et dans la salle – enfin, si chacun prend la peine de fêter Halloween en avril. Zombies et platines, MPC et revenants, c'est un peu ce qui vous attend ce soir. Pour l'occasion, trois générations électroniques se rencontrent. La dance Barbapapa de Slagsmålsklubben se fiche du bon et mauvais goût, et n'envisage la vie qu'en fluo – pas sûr que ça fasse bon ménage avec les morts-vivants, mais qu'importe. Derrière, Digitalism, qu'on souhaiterait ne pas présenter comme l'équivalent-allemand-deJustice-première-période, mais ce n'est pas si simple. Et enfin, pour tous les nostalgiques d'une Créat ures certaine techno anglaise, bien campée sur ses po- Cabaret Freaks Spécial de la Nuit sitions mais ouverte à tous les vents, le duo Orbital 24.04, Lille, L’Aéronef, 21h, 24€ fait un joli come-back... Certes, ce n'est pas la pre- Orbital aussi en concert le 12.04, Bruxelles, mière fois. Mais en mode Shaun Of The Dead, si. AB, 20h, 22€, 32 (0)2 548 24 24
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Dillon
MATTHEW DEAR En bon stakhanoviste électronique, le texan Matthew Dear balaie sans relâche une large palette hédoniste avec exigence. Depuis ses débuts en 2003, le cofondateur du label Ghostly International multiplie les pseudonymes (Audion, False, Jabberjaw, ou… Matthew Dear), aligne les DJ Sets, les compilations et les remixes pour d’autres artistes (The XX, Charlotte Gainsbourg, Hot Chip). Sans négliger son œuvre mêlant techno surpuissante, groove démoniaque, ambient inquiétante et fulgurance pop. Une belle occasion de découvrir (et de ressentir) Beams, sixième album très attendu !
Avec sa voix fragile et sa moue triste, Dominique Dillon s'avance discrètement. Et pourtant... Cette jeune Allemande, découverte sur la Toile par DJ Koze, a rejoint depuis peu la grande famille BPitch Control (Ellen Alien, Paul Kalkbrenner...). Sur The Silence Kills (2011), premier LP très éloigné des productions habituelles du label berlinois, un habillage électronique subtil soutient un piano-voix dépouillé et gravement mélancolique. Un premier essai que la musicienne transforme sur scène avec élégance. 23,04, Lille, La Péniche, 20h, 9€
, 25.04, Tourcoing, le Grand Mix, 20h, 20/17€ www.agauchedelalune.com
Du 16 au 25.04, Métropole lilloise, L'Aéronef, Le Grand Mix, La Péniche, le Splendid, Théâtre Sébastopol, Eglise Saint-André, l'Hermitage Gantois, www.lesparadisartificiels.fr à voir aussi / Puppetmastaz / Thomas Dutronc (16.04) // Elephant (18.04) // Peter von Poehl (19.04) // Chinese Man + Ky Mani Marley + le Peuple De L'Herbe + Method Man + Nneka / Mathieu Boogaerts (complet !) / Da Silva (20.04) // Pony Pony Run Run + Simple Plan + Stuck In The Sound (21.04) // Scott Kelly, documentaire Blood, Sweat And Vinyl (22.04) // Black Box Revelation + The Minutes + The Citizens ! / Roots Manuva + Ben Sharpa (23.04) // Daniel Darc + Greenshape / Botibol + Pharaohs (24.04) // 1995 + Beat Assailant / Russian Red / King Charles (25.04)...
texte ¬ Grégory Escouflaire photo ¬ DR
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Merci pour le R’n’B C’est une star en Amérique, un vrai poids lourd FM, cador d’un genre qu’il est de bon ton de conspuer (le R’n’B) : à 25 ans, Aubrey « Drake » Graham incarne le présent, et sans doute le futur, d’une certaine idée de la musique urbaine. Portrait en creux d’une génération Y ultramélancolique et narcissique, son dernier disque, Take Care, sonne comme un classique contemporain. à voir et écouter sur scène, enfin. Après son passage début 2011 dans un Forest National déjà chaud comme la braise, le Canadien revient gonflé à bloc, un épatant second LP (Take Care, 2011) dans la poche. On tient bien là un petit chef d’œuvre de poésie 2.0, magnifié par une prod’ qui claque et des featuring (Rihanna, The Weeknd, Stevie Wonder, Nicki Minaj, etc.) qui font même pas bling bling. De plus, Drake a eu la bonne idée, pour cette tournée intitulée Club Paradise, d’inviter ses potes Kendrick Lamar et A$AP Rocky – soit ce que le hip-hop a pondu de mieux depuis l’artillerie Neptunes/Timbaland. Si l’egotrip est toujours d’actu, il a maintenant l’allure d’un geek baggy qui se joue des clichés (la beuh, les filles, l’argent) et malaxe les styles (soul, ambient, psyché, shoegazing, dance) avec une arrogante facilité. Alors n’écoutez pas les tristes sires qui pensent encore que R’n’B ne rime qu’avec Whitney/Carey : le rythme, le blues, la soul et l’âme, le hip et la hype, c’est Drake et ses amis qui les conjuguent le mieux, et au présent de l’indicatif ! Paru en 2010, son premier Lp se nommait Thank Me Later : pourquoi attendre ? / Drake 7.04, Bruxelles, Forest National, 20h, 38,5€, +32 (0)900 69 500
Red Bull France SASU RCS Paris 502 914 658
texte ¬ Cédric Delvallez photo ¬ DR
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Little Big Man Edwyn Collins l’a nommé meilleur guitariste de sa génération. Il a bossé pour Paul Weller, Spiritualized ou Morrissey ! Entretemps il a fondé un power trio à succès… Pourtant le nom de Barrie Cadogan n’avait jamais figuré dans ces pages. Inacceptable ! Actif depuis une grosse décennie, l’animal n’a pas chômé. La liste exhaustive de ses activités étant bien trop longue à dresser ici, citons son travail avec Primal Scream, en live et en studio (Beautiful Future, 2008). Ou, dans un tout autre genre, sa proximité avec la chanteuse-mannequin Mareva Galanter (Happy Fiu, 2008). Des projets instructifs (ou bons pour le portefeuille) mais qui devaient entraver la productivité de son propre groupe – trois albums seulement depuis 2005 et le simplement nommé We Are Little Barrie. Des disques évoquant à la fois le Swinging London (Small Faces), le rhythm and blues anglais (The Animals) et le garage rock américain (The Sonics, MC5). Le son est vintage à souhait – et donc parfaitement reproductible sur scène. Caché derrière sa tignasse mal peignée à la Keith Richards, le petit Barrie aligne ses motifs alambiqués sans sourciller. Les entrecoupant de (trop) rares soli et laissant malheureusement sa voix, qui rappelle Liam Gallagher ou Tom Meighan, au second plan. L’arrivée derrière les fûts de Virgil Howe (le fils de Steve, du groupe Yes) n’entraine pas le groupe vers une musique plus progressive – désolé papa. Il s’agit toujours de ramener le rock à ses racines. Et ça ne fait jamais de mal. / Little Barrie 8.04, Tourcoing, le Grand Mix, 18h, 11/8€, +33 (0)3 20 70 10 00
texte ¬ Vincent Lançon - photo ¬ DR
texte ¬ Bérengère Vito - photo ¬ DR
musique |
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Dark Dark Dark
Liz Green
On n’avait pas entendu patronyme aussi sombre depuis I Love You But I’ve Chosen Darkness. Mais, si Dark Dark Dark a choisi l’obscurité, c’est pour mieux nous entraîner dans ses rêveries. D'ailleurs, on goûte avec plaisir la pop de chambre de ce sextet. Réchauffés par la voix de Nona Marie Invie (Cat Power en puissance), leurs titres restent suspendus à quelques notes de piano, comme en apesanteur. Entre douce mélancolie et envolées lyriques, Nona chante ses espoirs perdus, soutenue par une orchestration et des chœurs évoquant Arcade Fire, Fleet Foxes ou Beirut. Une musique nomade pour voyager depuis son salon. Sur scène, le groupe restitue parfaitement cette ambiance intimiste et sans artifice. C'est l'occasion rêvée de prolonger la balade, guidé par ce petit orchestre à géométrie variable. /
On ne peut pas dire que Karen Dalton (1937 – 1992) eut le succès qu’elle méritait. Compagne de route de Tim Hardin, Fred Neil et autres Dylan, effrayée par les studios et accusant un goût certain pour l’alcool et les drogues, elle disparut presqu’oubliée de tous. Aujourd’hui, on redécouvre son œuvre – et son héritage. Un héritage joliment incarné par Liz Green, Mancunienne, la vingtaine à peine et des chansons amènes. De Karen, on retrouve ce timbre voilé, travaillé au tabac. Et une guitare jouée sans esbroufe pour conter des histoires – l’essence du folk, en fait. Liz Green avait été remarquée dès 2008, puis disparut, effrayée par les studios… Plus drôle : la jeune Anglaise ne jure que par le punk – son urgence, son immédiateté. Et à la voir sur scène chanter chaque chanson comme si c’était la dernière, on jure que son futur s’annonce radieux. /
3.04, Gand, Vooruit, 20h, 15/11€, +32 (0)9 267 28 20 // 20.04, Tourcoing, Grand Mix, 20h, 11/8€, +33 (0)3 20 70 10 00 // 21.04, Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 12€, +32 (0)2 548 24 24
12.04, Arras, Théâtre, 21h, 6€, +33 (0)3 21 71 76 30 // 14.04, Amiens, Lune des Pirates, 20h, 11/8€, +33 (0)3 22 97 88 01 // 27.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 11/8€, +33 (0)3 20 70 10 00
texte ¬ Vincent Lançon - photo ¬ DR
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texte ¬ Thibaut Allemand - photo ¬ Marco Prenninger
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Soap&Skin
Lescop
Tiens, encore en vie celle-ci ? A l'écoute de Lovetune For Vacuum (2008), on ne pensait pas qu'Anja Plaschg passe encore plusieurs hivers. Ce premier essai débordait de comptines guillerettes aux intitulés festifs (Marche Funèbre, Thanatos...) jouées au piano et soutenues par un Mac. Succès garanti chez les amateurs de suicide par procuration, mais aussi chez certains électroniciens sensibles (Apparat l'a invitée sur son dernier LP). Entre samples orchestraux et rythmiques angoissantes, le nouveau cru de la ténébreuse Autrichienne évoque Nico, comme d'habitude, mais aussi une certaine école neo-folk portée sur l'occulte (Sol Invictus, par exemple). Sur scène, Soap&Skin s'entoure désormais d'un orchestre et incarne parfois les prêtresses gothiques. On la trouvait trop impudique ? La voici théâtrale et, finalement, ça nous convient ainsi. /
Vous souvenez-vous d'Asyl ? Son rock nerveux et francophone ne convainquait guère, mais touchait par sa geste. Aujourd'hui, Asyl est au repos, mais son chanteur Mathieu Lescop n'a pas rendu les armes. Entouré de fines lames souterraines (le guitariste Johnny Hostile, de John & Jehn, et Gaël Étienne, alias A Part Time Punk), le chanteur anguleux se réinvente en crooner glacial et lunaire, dans la lignée de Taxi Girl, Jacno ou Marquis De Sade – tous convoqués à Tokyo La Nuit. Ceci ne pourrait être que pastiche si l'on ne sentait poindre un talent dans l'écriture, dans la voix (grave et suave) ou les mélodies – imparables. En attendant l'album, Lescop défend son unique Ep (vinyle) sur scène. En formule triangulaire, donc : idéal pour cette pop géométrique aux lignes acérées et à la gestuelle épileptique, qui évoque forcément un certain Ian Curtis. /
18.04, Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 16€, +32 (0)2 548 24 84
26.04, Lille, La Péniche, 20h, 8€, +33 (0)3 20 57 14 40
texte ¬ Mathieu Dauchy photo ¬ DSmithImages
musique |
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On dirait le sud Si l’histoire de la musique n’est qu’un éternel recommencement, que dire de la presse musicale ? Il y a néanmoins du vrai dans tout ça, et ce mois-ci, c’est Alabama Shakes qui nous emmène d’autorité sur les tombes des gloires passées pour le vérifier. En 2011 (il y a une éternité, donc), Alabama Shakes s’appelait The Shakes, et ses quatre membres posaient leurs congés en prévision d’une chouette tournée dans les états sudistes avec le groupe Drive-By Truckers. Quelques RTT plus tard, The Shakes accolent le nom de leur état d’origine, afin de sonner couleur locale. Leur zone d’influence s’est en effet soudainement élargie - merci le Web et, surtout, le sublime Hold On, qui annonce l’arrivée des Sudistes en Europe. Un titre qui fait tout de suite penser à Janis Joplin, mais qui ne dit pas tout de l’aventure qui attend l’auditeur qui pénètre dans Boys & Girls*. C’est d’abord la rencontre avec Brittany Howard, chanteuse miraculeuse, qui subjugue. Cette Sharon Jones agile a croisé les Black Keys et a accroché leurs instruments à ses cordes vocales pour marcher sur les plates-bandes d’Aretha Franklin et de ses glorieux ancêtres de la musique noire américaine. On évoque dans la presse britannique, qui a déjà eu la chance de les accueillir, Beth Ditto chantant pour Led Zeppelin ou les White Stripes accompagnés par Cee Lo Green. Si ça ne vous suffit pas, c’est que vous êtes drôlement difficiles. / * Boys & Girls (Rough Trade), sortie le 9.04
Alabama Shakes 30.04, Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 12€, +32 (0)2 548 24 84
photo ¬ Moonlight Matters © DR / Laidback Luke Love © DR / © Jules 14 Mr
texte ¬ Olivia Volpi
musique |
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Birthday is nighlife !
Culture Club ! à Gand et ailleurs, ce nom n’évoque pas immédiatement Boy George et sa bande, mais plutôt un night-club d’exception, qui a donné des lettres de noblesse à un certain sens de la fête, et mis en lumière des talents émergents. Confettis et cotillons, cela fait 10 ans ce mois-ci : petite rétrospective en compagnie de Tom Mertens, un des managers. « Nightlife is lifestyle is nightlife » : c’est la devise défendue par Rudy Ackaert et Dirk De Ruyck, à l'ouverture des portes du Culture Club en 2002. Leur lifestyle ? Ils incarnent une hype musicale en pleine effervescence : ni élitiste ni commerciale, ou peut-être un peu des deux. Où les « hits à papa » côtoient sans se friter le hip-hop et l’électro. La nightlife, c’est la fête, la danse, la mixité et le style. Tellement de style qu’en 2006, le Culture Club est sacré plus bel établissement européen*. Aux platines : les frères Dewaele, tout juste devenus 2 Many Djs, Tiga, DFA, Ivan Smagghe, Metro Area, les Glimmers, Lindstrom ou encore Prins Thomas… Le Culture Club fédère aussi l’éphémère scène électro-clash, musicalement hétérogène, qui prospère sur MySpace. Tour de piste Mais les temps changent, et le Culture Club en pâtit (faillite en 2007, changement de direction…). Jusqu’à sa reprise en 2009 : « Rudy et Dirk ont fait du très bon travail, mais il est difficile d’être aussi alternatifs aujourd’hui » explique Tom Mertens. « Sans tomber dans le mainstream, nos résidents livrent des mixes thématiques dans la grande salle (la petite reste R’n B et house), et on programme une fois par mois un grand nom, comme Booka Shade ou The Magician ». Désormais, on vient au club comme on allait au café : « pour retrouver des gens qu’on connaît et faire des rencontres », sous les néons roses en hiver, au bord de la « plage » en été. Bon, on se le coupe, ce gâteau ? / * Night fever, interior design for bars and clubs, Frame Birkhäuser (in Let's Motiv n° 04, janvier 2006, wouhou).
10 years Culture Club - avec A-Trak, Martin Solveig, Crookers, Don Diablo, Ghent Bangers, Sub Focus & MC LD, DJ Fresh, Murdock, TLP, Black Frank… 30.04, Gand, Culture Club, 21h, 30€, +32 (0)9 233 09 46
Propos reccueillis par ¬ Madeleine Bourgois photo ¬ Alph. B. Seny
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Olivia Rosenthal
Se souvenir des belles choses
Dans le précédent ouvrage d'Olivia Rosenthal (Que font les rennes après Noël ?, 2010), un personnage découvrait le monde à travers des films, entre autres. Afin d’approfondir cette relation entre littérature et cinéma, l’auteure a passé une année en résidence à l'Espace 1789 de Saint-Ouen. Fondé sur la rencontre avec les habitants, son travail s'articule sur une question : « Quel film a changé votre vie ? ». Seize personnes se sont ainsi prêtées au jeu, décrivant leur relation à une œuvre. Olivia Rosenthal s'est fait le porte-voix de ces relations d'exception, écrivant un court texte à partir de chaque témoignage, tous réunis au sein de Ils ne sont pour rien dans mes larmes. Un film peut-il littéralement changer une vie ? Oui, dans la mesure où nous captons quelque chose en lui qui nous transforme. C'est une relation active. Notre réinterprétation révèle quelque chose qui était jusque là cachée en nous. Au regard de leurs anecdotes les participants avaient tous pris du recul vis-à-vis
de l'œuvre en question et de son impact sur leur vie. Sans cette distance, il est difficile de parler du bouleversement vécu. Voir un film, ça s'apprend, l'œil s'éduque ? On peut analyser, critiquer selon des grilles, mais je n'ai pas écrit un livre
donnant la parole aux cinéphiles. On peut être affecté par un film sans être un expert du cinéma, qui reste un art populaire, comparé à la littérature ou au théâtre. Le cas ne s'est pas présenté, mais j'aurais pu écrire sur un long-métrage de « seconde zone ». Ce ne sont pas forcément les images les plus fortes qui nous changent. L'homme qui parle d'Il était une fois la Révolution évoque aussi Massacre à la tronçonneuse ; il aurait pu développer sur ce film, mais il a privilégié Sergio Leone... En revanche, la dame qui parle de Rouge, de Kieslowski, m'a dit avoir été déçue en le revoyant plus tard... Le livre se clôt sur un texte personnel évoquant Les Parapluies de Cherbourg, de Jacques Demy. Comment s'est-il
imposé comme un « film de votre vie » ? Je ne m'en suis pas rendue compte la première fois que je l'ai vu. Puis mes « larmes répétées » m'ont fait comprendre que Les Parapluies… me mettaient dans un état particulier audelà de ce que je voyais à l'écran. Pour autant, je n'ai pas dressé mon palmarès de cinéma. J'aime beaucoup Demy et certains Hitchcock, mais je connais mieux Cassavetes, Pasolini, Bergman... Appréciez-vous tous les longs-métrages sur lesquels vous avez écrit ? Si mon interlocuteur est enthousiaste, le film n'a plus d'importance. En revanche, il est moins évident d'écrire à partir d'un témoignage où l'on se sent moins concerné, ou en cas de profond désaccord. Dans ce cas, difficile de ne pas adopter un regard critique.
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Avez-vous écrit des scénarios ou envie de réaliser ? J'ai écrit le scénario des Larmes à partir de mon texte sur les Parapluies de Cherbourg, que Laurent Larivière a réalisé. En revanche, je n'ai pas du tout envie de réaliser ! C'est un travail qui demande d'autres qualités, un travail de groupe. Récemment, y a-t-il des films qui ont changé votre vie ? Il faut du temps pour que la transformation opère... Les témoignages recueillis révèlent que les œuvres choisies ont été vues à l'adolescence, une période charnière où l'on reste ouvert à tous les possibles. Ces propos d'adultes montrent qu'il faut peut-être une dizaine d'années pour s'apercevoir du changement provoqué et pour que la relation avec un film s'ancre dans la du-
rée. Il serait intéressant de renouveler ce travail dans dix ans, afin d’observer évolutions du panel. Plus simplement, quel film vous a plu récemment ? Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan. C’est un réalisateur inventif et surprenant. Comme en littérature, j'aime l'effet de surprise. Je pourrais également citer l'œuvre d'Abdellatif Kechiche, pour son rapport au temps, en particulier dans L'Esquive. Il y a un effet hypnotique dans son cinéma.
A lire : Ils ne sont pour rien dans mes larmes (Ed. Verticales, 115p., 11,50€)
texte ¬ Cédric Delvallez photo ¬ La Nuit Nomade © Zed / Arte
Au-delà de l'écran
Comme une impression de déjà-vu, non ? En fait, la première édition de ce festival eut lieu en… octobre dernier, sur les cendres du Festival du Film d’Aventures de Valenciennes. Changement d’équipe, d’association, évolution de la ligne artistique… La nouvelle formule, plus engagée, éclectique et populaire, prend définitivement ses quartiers au printemps. Etalé sur une semaine, l’événement s’articule autour de deux compétitions – la première consacrée au documentaire et la seconde, à la fiction. Une quinzaine de réalisations, dont La Nuit nomade de la française Marianne Chaud, sont ainsi dévoilées en avant-première. Toutes sont accessibles et grand public : « On n’est pas là pour montrer des films intellos et ennuyeux », confie le nouveau directeur Jean-Marc Delcambre. Certains thèmes n’en demeurent pas moins graves (Les
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Femmes du bus 678 de Mohamed Diab, sur le harcèlement des égyptiennes dans les transports en commun). « On veut montrer que le cinéma d’auteur, parfois trop conceptuel et hermétique, peut aussi être populaire », conclut l’intéressé. Hors concours Outre ces compétitions, qui constituent l’épine dorsale du festival, sont prévues une rétrospective autour des faits divers (Erin Brockovich, Bowling For Columbine), une journée numérique dédiée à la motion capture, ou la présentation de légendes des coulisses (le compositeur Michel Legrand ou, pour les amateurs de sensations fortes, le coordinateur de cascades Jean-Claude Laniez). L’ensemble est agrémenté de nombreux hommages, de remises de prix et de conférences. Evidemment, tout ceci conserve un faux-air du festival d’octobre dernier. Mais on ne change plus une équipe qui gagne ! / Festival 2 cinéma 2>8.04, Valenciennes, cinéma Gaumont et divers lieux, 3/1,5€ (pass 15€),
texte ¬ Raphaël Nieuwjaer - photo ¬ DR
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texte ¬ T. Allemand - photo ¬ Otelo Burning © Cinga Production
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Cinémondes
2 Days In New York
Le cirque pour thème majeur, un hommage à Michel Piccoli, une rétrospective consacrée au Japonais Buichi Saito, une autre à la Guerre d'Algérie sur grand écran, quelques courts ou le tout premier film de Maurice Pialat… Et encore, on est loin du compte ! Cinémondes présente une soixantaine de longs-métrages indépendants, tous genres et continents confondus. Avec une sélection officielle qui focalise sur la petite histoire pour témoigner de la grande. Un choix inconscient des programmateurs, qui ont la tâche difficile (mais plaisante) de choisir parmi plus de 250 pellicules venus de tout le globe. Un regret, cependant : ces films demeurent souvent introuvables le reste de l'année, dépendant du bonvouloir des distributeurs. L'équipe du festival songe alors à monter sa propre boîte de distribution… à suivre ! /
Avec 2 Days In..., Julie Delpy s’offre une franchise déclinable à l'infini. Après Paris, c'est donc New York, avec un nouveau petit ami, Mingus (Chris Rock). Le couple accueille la famille de Marion (Delpy) pour quelques jours. Les ressorts ne sont pas neufs dans cette confrontation « culturelle » entre Français et Américains : paillardise vs pudeur. La situation de promiscuité et les gags qui en découlent apparaissent néanmoins comme une figuration plus profonde de la vie de famille : des corps proches, toujours trop proches, jusqu'à l'horreur. Montage énergique, dialogues vifs, Delpy réussit sa première heure de pure comédie. Hélas, le deuil de la mère (morte entre les deux films) donne lieu à un final mystico-naïf peu convaincant. Delpy a cependant créé une chose rare : une figure de comédie féminine et positive. /
14>21.04, Lille, Gare Saint-Sauveur, L’Univers, L’Hybride, maison Folie de Wazemmes, Kino-Ciné, 3/2€ (sf ouverture et clôture, 5€, et nuit du cinéma bis et Z, 4€), www.fifilille.fr
De Julie Delpy. Avec Julie Delpy, Chris Rock, Albert Delpy, Alexia Landeau… Sortie le 28 mars
Autoportrait 1421 Š Laurent Dauptain - Galerie Claudine Legrand
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Dossier réalisé par ¬ Judith Oliver Thibaut Allemand et Cédric Delvallez
Lille Art Fair Chaque année, la foire d'art contemporain de Lille enregistre une indéniable montée en gamme et s'affirme comme un événement eurorégional de premier plan. Cette 5e édition qui prolonge cet irrésistible élan favorise l'émergence d'une nouvelle génération de collectionneurs. Plus de 100 exposants, 60% de nouvelles galeries et éditeurs… les orga-
nisateurs ont effectué un travail de titan. Fort des excellents résultats de l’édition 2011 (hausse des ventes de 50%, plus de 15 000 visiteurs...), le directeur artistique Didier Vesse et son équipe réussissent un nouveau coup de maître : attirer de prestigieuses enseignes parisiennes et belges (Pieters, Smagghe...), et conforter la foire sur la scène internationale (une quinzaine de galeries étrangères). Pour autant, l’événement ne délaisse pas la capitale des Flandres. Avec une quinzaine de galeristes historiques et récents, Lille Art Fair reflète le renouveau de la scène lilloise. Dans leur sillage, plus de 400 créateurs présentent leur travail à un large public. Ce dernier trouve ici de quoi assouvir son amour de l'art. Quelle que soit sa sensibilité, ses goûts ou ses envies, chacun peut ici s'étonner, se recueillir ou rêver devant une myriade d’œuvres – voire de chefs d’œuvre. Aux côtés des illustres CharlElie Couture, Jacques Villeglé (invité d'honneur qui succède à Peter Klasen), Combas, Jef Aérosol ou encore Niki de Saint Phalle, la foire regorge de jeunes talents dont la côte ne s'est pas encore envolée. Cette manifestation ne se résume d'ailleurs pas à sa dimension marchande. Chacun peut échanger un mot avec les galeristes, découvrir des démarches rares comme celles de Chayan Khoi et ses carnets de voyage, de profiter des nombreux espaces dédiés à la sculpture ou des multiples animations de la Nuit de l'art. Et encore : ceci n'est qu'un hors d'œuvre !
Rue Poissonnière © J. Villeglé, A. Buyse
Jacques Villeglé Imper beige, chapeau feutre, regard farceur, Jacques Villeglé
a sillonné les rues pour y prélever plus de 3500 affiches déchiquetées par « le lacérateur anonyme ». Sous ses airs modestes, cet artiste majeur fut l'un des fers de lance de l'avant-garde des Nouveaux Réalistes et bénéficie depuis lors d'une reconnaissance internationale (plus de 300 expositions dans le monde entier). Depuis, l'artiste renouvelle son œuvre en la diversifiant. « Je me suis mis à la sculpture. Désormais, je pars du dessin pour créer une œuvre et renoue avec ma formation d'architecte... ». Invité d'honneur de la 5e foire d'art contemporain de Lille, ce Breton présente du 12 au 15 Avril des originaux historiques et récents, sculptures en métal ou en verre ainsi que quelques sérigraphies et estampes. Présent pour le vernissage de l'évènement, l'artiste ménage quelques surprises : « Je ne prépare jamais les interventions. Je préfère compter sur la spontanéité ». ➧ Retrouvez J. Villeglé sur les stands des éditions Pasnic / Galerie Herzog, Galerie Guy Pieters, Galerie Véronique Smagghe et des Ateliers d’éditions Populaires d'Alain Buyse.
Carnets de voyage, Kyoto (Japon), Angor (Cambodge) © Chayan Khoi
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Chayan Khoi Depuis sa première traversée de l’Iran en 1979, Chayan Khoi n’a cessé de voyager. Artiste insaisissable, il affûte son œil de photographe en se nourrissant des cultures du monde. À mille lieues des montages « cyberréalistes » léchés qui ont fait sa réputation, l’artiste iranien présente à Lille une sélection inédite de ses carnets de route personnels. Des « assemblages rudimentaires » d’impressions et de matières difficilement contenus par des ficelles et lacets de cuir. Billets de banque, pièces de monnaie, fourrure, tissus, papiers récupérés, timbres, empreintes, photos, objets rituels et usuels... Chayan Khoi prélève des concentrés symboliques de chaque pays traversé. De l’Indonésie à l’Éthiopie, de Las Vegas à Lhasa, il recueille, coud, colle pour nous « donner à voir, à toucher, à sentir » l’âme de ces contrées. Présentées exceptionnellement ici, ces réalisations poétiques sont à manipuler et à feuilleter… Délicatement.
© Thierry Barré
(Gallery 138)
Cet autodidacte passe allègrement des pinceaux au chalumeau et mêle sculpture, peinture, photographie... Tel un savant fou et armé de techniques inédites, il est expert dans la manipulation génétique plastique. Un exemple ? son fameux « Poisson-Poulet », constitué d’un corps de poulet affublé d’une tête et d’une queue de poisson… mais qui ressemble à un dinosaure ! Le bien-nommé Barré revisite également de grandes œuvres du passé, en essayant d'en garder l'essentiel : la beauté.
CharlElie Couture Smoke on 60 th © C. Couture
Thierry Barré
(Galerie Monade Nomade)
On connaît le musicien, mais l’homme est également plasticien et construit, depuis plus de 30 ans, une œuvre où s’entremêlent sculpture, peinture, photographie... Ne manquez pas ses photo-grafs : de gigantesques photographies de New York, imprimées sur de grandes bâches. L'artiste y ajoute de la couleur et marque de son empreinte ces souvenirs nocturnes et effervescents.
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Hors-d'œuvr
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Judas en paradis © Dante Kopin
Autoportrait, 2011 © Samuel
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Galerie Lazarew (Paris - France)
Citant aussi bien Arman, Combas ou Télémaque, Alexander Lazarew privilégie les coups de cœur. Depuis deux ans, au cœur du Marais, il dévoile le travail d'Olivier Catté, des Graphiquants et de Samuel. Le premier utilise exclusivement du carton d’emballage, qu'il creuse et lacère pour révéler des formes architecturales pures. Les suivants travaillent sur les volumes et les ombres d’un papier plié ou froissé, qu'ils déclinent sur différents supports. Enfin, Samuel, jeune créateur dunkerquois, utilise une technique picturale inédite pour créer des images en relief.
Galerie Naclil (Lille - France)
Créée en 2008, la galerie NACLIL défend surtout la figuration narrative libre et l’expressionnisme. Se présentant comme « gardienne des sens », elle accompagne son public dans l’appréciation de la création contemporaine. Elle réserve ici une place de choix au sculpteur Marc Petit et aux plasticiens Dante Kopin et StepK.
Xavier Ronse Gallery Tribute to Darwin © Alexandre Nicolas
(Mouscron - Belgique)
Coiffeur de profession, Xavier Ronse a d'abord exposé sa collection dans son salon, avant de créer, entre deux coups de ciseaux, sa propre galerie. Ce passionné représente des photographes, plasticiens et peintres du monde entier. En 2007, il découvre une œuvre d'Alexandre Nicolas chez un concurrent. Commence alors une longue et fructueuse collaboration. Personne n'a oublié les héros de BD inclus dans du cristal de synthèse présentés l'an dernier ici-même. L'artiste revient avec une surprise, et prouve que l'art contemporain n'a rien de... rasoir !
Guerre Milka © 2nyss
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CastanGalerie (Perpignan - France)
« Art contemporain est un terme obsolète, explique Roger Castang. Il correspond à l’après-guerre. Je considère que les nouvelles formes esthétiques apparues dans les années 2000 relèvent de l’Art Actuel ». Amoureux des œuvres non-conformistes des pays de l’Est et de la photographie avant-gardiste, Roger Castang est surtout un passionné des formes émergentes – vidéo, photo... - et des
relectures comme celles de 2Nyss revisitant les classiques de Delacroix ou Géricault. En outre, Castang présente ici les Pritchard’s. Monsieur sculpte, madame peint, et le couple offre des tranches de vie à travers des personnages surdimensionnés. Enfin, Thierry Evrard travaille la matière au point de provoquer la confusion : photo ou peinture ? Allez savoir ! Allez voir, surtout.
Galerie Capazza Ume 11 © Georges Jeanclos
(Nançay - France)
à voir
aussi
En rénovant, voici 37 ans, une vieille bâtisse du xviiie siècle perdue en Sologne les Capazza ont soigné l’écrin autant que les œuvres de 130 artistes de notoriété internationale. Peinture, photographie, orfèvrerie, céramique.. Sont présentées ici les sculptures majeures de Georges Jeanclos (auteur du portail principal de N-D de la Treille, à Lille), le « travail plastique et psychologique » de Jean-Louis Kolb et les peintures de Michel Madore. En outre, cet accrochage s’accompagne de nombreux évènements : lectures, projections de films, rencontre avec Tzvetan Todorov, concerts…
Galerie du Cardo (Reims - France) / Galerie Emeraude (Le Touquet - France) / Radial Art Contemporain (Strasbourg - France) / Galerie Claudine Legrand (Paris - France) / New Square Gallery (Lille - France) / Ze Art Galerie (Paris - France) /Dock Sud (Sète France) / Galerie Clavreul (Paris - France) /Polysemie (Marseille - France)…
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Guy & Linda
L’esclave mourant d’après Michel-Ange, Yves Klein © Dr
Pieters
à la tête d'une prestigieuse enseigne à Latem Saint-Martin et à Knokke-LeZout, ce galeriste débonnaire représente des artistes aussi renommés que Christo, Robert Combas ou encore JeanMichel Folon. Sa carrière a commencé il y a plus de 30 ans aux côtés des figures de proue du mouvement des Nouveaux Réalistes, dont il devenu un ami proche et un collectionneur invétéré. Sur leur stand, Guy Pieters et son épouse Linda leur rendent hommage, en montrant quelques pièces majeures issues de leur collection privée. Pourriez-vous revenir sur votre parcours ? J'ai eu la chance de naître à Latem St-Martin, berceau de l'art post-impressionniste et expressionniste flamand. Tenant une librairie dans ce village dès mes 18 ans, j'ai pu côtoyer de nombreux artistes. C'est là qu'en 1979, j'ai fait une rencontre déterminante avec un créateur génial : Arman. Il m'a ouvert ses portes et présenté à César, Tinguely, Villeglé, Saint Phalle, Christo et bien d'autres. Cela m'a donné des ailes pour lancer une galerie d'envergure internationale. Depuis lors, je prolonge mon travail en représentant des artistes flamands comme Arne Quinze, Jan Fabre, Wim Delvoye …
Comment êtes vous devenu collectionneur ? Je crois que c'est vraiment dans les veines des Belges que de collectionner l'art de leur temps. Mon épouse et moi-même avons donc grandi avec cette envie. Linda, avec qui j'ai toujours tenu ma galerie, m'a ouvert à l'art contemporain, alors que j'étais surtout sensible aux peintres paysagistes. Quels ont été les grands axes de votre collection ? Grâce à Arman, j'ai eu un coup de foudre pour les Nouveaux Réalistes. Cela a commencé avec des œuvres reçues en cadeau pendant nos années de complicité avec ces artistes. Notre collection compte désormais 400 œuvres, que l'on prête parfois à des musées. à Lille Art Fair, nous présenterons une trentaine d’œuvres. L'accent est mis sur Marcel Duchamp, dont je suis un fervent admirateur : il m'a permis de comprendre
Autoportrait © Combas
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l'évolution de l'art au xxe siècle, notamment l'utilisation de l'objet manufacturé comme matériau en soi. C'est autour de l'une de ses fameuses boîtes en valise que nous articulerons les œuvres des Nouveaux Réalistes. Qu'attendez-vous de la foire ? C'est une première ! Nous n'avons jamais peur de soutenir des foires qui talonnent la FIAC, Bâle ou Cologne. Je suis convaincu qu'elles favorisent le développement de collectionneurs locaux. Il n'y a pas encore assez d'échanges entre les Flandres française et flamande. Mais la foire y contribuera certainement !
Informations p Lille Art Fair
du 12 au 15 avril 2012 Lille Grand Palais 1 bd des cités unies 59777 Euralille www.lilleartfair.com Horaires / Jeudi 12 et Vendredi 13 avril 2012 : de 11h à 23h Samedi 14 avril 2012 :
ratiques
de 11h à 20h Dimanche 15 avril 2012 : de 11h à 19h Tarifs / Entrée foire et nuit de l’art* : 8 € – Revisite Gratuite Tarif réduit : 5 € Catalogue : 10 € Offre spéciale : Catalogue + 1 entrée : 15 € Entrée privilège : Catalogue
+ 1 entrée + 1 coupe de champagne Perrier Jouët : 18 € Happy Hours : Entrée tarif réduit (5 €) le jeudi 12 et le vendredi 13 avril de 12h à 14h Entrée gratuite : enfants -10 ans
* Revisite gratuite sur présentation du coupon d’entrée payant (hors invitation).
texte ¬ Antoine Pecquet photo ¬ The English Boy © Ford Madox Brown, Manchester City Galleries
Les couleurs du temps Le plus international des peintres anglais, Ford Madox Brown (1821 – 1893), n’avait pas fait l’objet d’une exposition importante depuis près d’un demi-siècle. Présentée à Gand après Manchester, une sélection de 85 œuvres rend hommage à cet artiste virtuose et engagé. « Parrain » des Préraphaélites - un groupe d’artistes déterminés à renouveler l’art britannique vers 1850 -, ce peintre anglais né à Calais et formé à Paris, Anvers et Rome, n’en a jamais fait officiellement partie. Par souci d’indépendance, mais aussi parce que son « européanisme » revendiqué n’était pas du goût de certains membres de la confrérie, viscéralement chauvins. La cause du peuple De fait, la puissance des toiles de Madox Brown tient à la synthèse unique qu’il a su opérer entre différentes écoles : le sens de la ligne italien, l’art flamand de la couleur et le réalisme français. Ajoutez-y le romanesque britannique, et vous obtenez une série de merveilles : The Pretty Baa-Lambs, scène de campagne lumineuse et tendre, nimbée d’une étrangeté qui inquiéta les tenants de l’académisme victorien ; The Last Of England, hommage aux émigrants en quête d’une vie meilleure et pur chef-d’œuvre de chromatisme et de dessin ; et surtout Work, coupe transversale de la société britannique captée dans une scène de rue avec une rare maîtrise technique. La sympathie de Madox Brown pour le peuple y apparaît clairement, ainsi que son regard critique sur le système de classes. L’artiste, admiré pour l'utilisation de ses couleurs, affichait ses opinions en usant généreusement du rouge magenta. Allusion directe à la victoire des indépendantistes italiens à Magenta*, cette teinte résonnait à l’époque comme un slogan. / * En 1859, les troupes franco-sardes écrasèrent les Autrichiens, ouvrant ainsi la voie à l’indépendance de l’Italie. Pour Brown, francophile et admirateur des idéaux de 1789, il s’agissait d’un pas décisif vers la libération des peuples.
Ford Madox Brown, Pionnier des Préraphaélites Jusqu’au 3.06, Gand, MSK, mar>dim, 10h>18h, 5/3,75/1e/entrée libre, + 32 (0)9 240 07 00
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texte ¬ Antoine Pecquet photo ¬ Saintes, 1983 © Georges Vercheval
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Le facteur Vercheval Le nom de Georges Vercheval, natif de Charleroi, est attaché au Musée de la Photographie qu’il a créé dans cette ville, et longtemps dirigé. Mais Vercheval est aussi, et avant tout, un photographe singulier. « Son » musée lui rend hommage avec une rétrospective en noir et blanc. S’il n’avait fondé en 1987 le beau musée de Charleroi, quel rang Georges Vercheval tiendrait-il dans l’histoire de la photographie ? Au vu de cette rétrospective qui court des années 50 à 1988, date à laquelle il a cessé de photographier professionnellement pour se consacrer à la direction du lieu, la question reste posée. Non pour des raisons de mérite – Vercheval est incontestablement talentueux - mais plutôt de positionnement artistique. Car son domaine esthétique se révèle rétif au classement, comme une « zone grise » à la croisée de la recherche artistique, du documentaire, du carnet de bord et de l’exercice technique. Surtout, Vercheval est de ces photographes rares dont l’ego semble s’effacer devant le sujet : une porte de frigo, un terrain vague, un bloc de polyuréthane sont vus d’un regard épuré, dépourvu « d’effet » fut-il même minimaliste. L’éthique de l’image, le respect du sujet et la justesse du cadrage prévalent. En tirages d’époque étonnants de fraicheur, les photos exposées ici captent l’ordinaire avec une distinction naturelle. Elles ont pris, avec le temps, valeur de méditation sur le monde tel qu’il est. Transitoire, banal et mystérieux. / Georges Vercheval, l’ordre des choses Jusqu’au 20.05, Charleroi, Musée de la Photographie, mar>dim, 10h>18h, 6/4/3€, +32 (0)71 43 58 10
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texte ¬ Judith Oliver photo ¬ Flourish © ADAGP, 2011
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L'illusionniste
Il crée des pipes qu'un changement de perspective transforme en fumée. Des mots qui révèlent leur contraire dans le reflet d'un miroir. Espiègle virtuose, Markus Raetz met le spectateur en mouvement, et l'oblige à douter du réel. La preuve avec la rétrospective du MUba consacrée à son œuvre gravé. Oblique. Voilà le regard qu'il faut porter sur le travail de Markus Raetz. En ont fait l'expérience tous ceux qui se sont déjà attardés au musée de Tourcoing. L'esprit buriné par les coups de spatules d'Eugène Leroy, le visiteur fourbu achève traditionnellement son parcours au MUba par une salle dédiée au maître suisse de l'anamorphose. Là, depuis 1994, les sculptures de Raetz lui rappellent, dans le sillage de Duchamp, l'importance du spectateur dans l'existence de l’œuvre... en mettant en scène l'ambivalence de sa vision. Il faut trouver le bon angle pour que trois bouts de bois accrochés au mur se muent en traits d'un visage. Et faire le tour de cette tête pour voir son profil s'inverser. L'œuvre en perspective « Jeux de mots qui prennent corps, relations entre le mot et la forme... Markus Raetz a pour territoire de prédilection la perception, le langage, la scène mentale », explique Evelyne Dorothée Allemand, conservatrice en chef du MUba. Fervente admiratrice de cet « artiste qui réveille les classiques de l'histoire de l'art et de la philosophie », elle a travaillé deux ans à l'élaboration de cette exposition inédite, présentée en janvier à la BNF. Construite autour d'un segment méconnu de son œuvre (estampes, eaux-fortes, héliogravures et aquatintes), la rétrospective donne à voir, en deux cents pièces, la grande cohérence du Suisse, sa fascination pour le mouvement et la récurrence de thèmes comme le visage, le paysage, le reflet et la déformation. / Markus Raetz : estampes, sculptures Jusqu'au 11.06, Tourcoing, MUba, mer>lun 13h>18h, 5/3€, +33 (0)3 20 28 91 60, www.muba-tourcoing.fr
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texte ¬ Florent Delval photo ¬ Crane Girl, Red Swinsuit-Barmaid © Orla Barry
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La cour de création à la veille de son 10e anniversaire, le MAC’s se tourne spécifiquement vers les enfants. En misant sur la force d'évocation des images, son Grand Atelier évite pourtant les pièges de l’exposition jeune public. Pari réussi. D’aucuns pourraient redouter la confrontation de l’art contemporain avec l’enfant. Elle se fait pourtant naturellement. Contrairement aux idées reçues, l’art contemporain est beaucoup moins codé qu’un tableau de la Renaissance. Il est plus accessible lorsqu'on l'aborde sans préjugé. Dans ces conditions, « comment conçoit-on une exposition destinée aux enfants ? », s’interroge-t-on au MAC’s. Si la question n’est pas définitivement tranchée, force est de reconnaître l’exigence du commissaire Laurent Busine. Bien sûr, on retrouve Magritte dont la fantaisie recoupe assez bien l’onirisme des poulbots. Les habitants du Musée d’Histoire Naturelle forment aussi un bestiaire qui guide le petit visiteur. Cependant, il ne s’agit pas de montrer des œuvres destinées aux bambins, ou des installations éblouissantes et interactives (on pense à Olafur Eliasson par exemple). La collection de squelettes rappelle que rien n’a été édulcoré. Ici, on croit en la maturité de l’enfance. La plupart des noms évoquent plutôt la retenue et la contemplation : Oppenheim, Burkhard, Claerbout, Dijkstra... Une admirable preuve de confiance en l’art et l'intelligence du public. Le spectateur adulte retrouvera quant à lui ce regard particulier qu’il a depuis longtemps perdu. / Le Grand Atelier Jusqu’au 3.06, Grand-Hornu, MAC’S, mar>dim, 10h>18h, 6/4€, +32 (0)6 565 21 21
texte ¬ Cédric Delvallez- photo ¬ Hantaï N°508 © Adagp Paris 2012
texte ¬ Thibaut Allemand - photo ¬ DR Jiem
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Jiem et Mathieu Connery
Déplacer, déplier, découvrir
Attention, un train peut en cacher... plein d'autres ! Parti aux USA à la recherche des traces laissées par les hobos (ces voyageurs qui passent de train de marchandises en train de marchandises, façon Kerouac), le Nantais Jiem, dont le trait enfantin déboussole, traque leurs monikers, c'est-à-dire ces signatures laissées par lesdits hobos sur le flanc des wagons. À Montreal, sa route croise celle du street-artist Mathieu Connery. Ensemble, les deux investissent LaSécu pour une exposition impressionnante de clarté et de luminosité. Mêlant petits et grands formats, ces vidéos, photos, peintures dessins ou gravures forment un ensemble étonnamment cohérent. Les dessins volontiers naïfs de Jiem se juxtaposent aux étrangetés de Connery avec, toujours en arrière-plan, ces trains, comme un hommage au moyen de communication sans qui, peut-être, rien ne serait arrivé. /
Au départ, on se demandait pourquoi regrouper Martin Barré, Jean Degottex, Marc Devade, Simon Hantaï et Michel Parmentier au sein d’une même exposition. C’est pourtant simple : ils sont tous d’une extrême radicalité. Toujours en marge de leur époque, ces cinq artistes ont « déplacé leur regard sur la peinture, déplié le tableau pour la laisser agir, afin de la découvrir autrement », explique Marc Donnadieu, commissaire d’exposition. Chacun bénéficie d'une salle spécifique, introduite par un portrait et une présentation de la série exposée. Une manière de mieux comprendre la création actuelle : les Bombes aérosols de Barré annoncent notamment l’acceptation du graffiti dans l’art contemporain. L’occasion, surtout, de (re)découvrir ces artistes majeurs qui, plutôt que de coller aux grands courants de l’abstraction moderne, ont tracé, à l’écart, leur propre voie. /
Jusqu'au 28.04, Lille, Galerie LaSécu, ven & sam, 14h>19h, +33 (0)3 20 47 05 38
Jusqu’au 27.05, Villeneuve d’Ascq, LaM, mar>dim, 10h>18h, 10/7€, +33 (0)3 20 19 68 68
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agenda Détail, La Ferme, matin © Henri-Edmond Cross
H.-E. Cross et le néo-impressionnisme : De Seurat à Matisse Disciple de G. Seurat, H.-E. Cross mit ses théories en pratique. Et enseigna quelques-unes de ses techniques (notamment le rendu de la lumière) au jeune Matisse. Réunissant une centaine de toiles et d'aquarelles parfois inédites, issues de collections particulières et de musées internationaux (Europe, Japon, États-Unis….), cet accrochage permet de (re)découvrir le cheminement intellectuel de H.-E. Cross et Matisse. Le Cateau-Cambrésis, Musée Matisse, jusqu'au 10.06, tlj sf mar, 10h>18h, +33(0)3 59 73 38 00
Le baroque en Flandre Rubens, Van Dyck ou Jordaens sont quelques-uns des grands noms mis à l'honneur ici. Issues des fonds de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, les 31 œuvres exposées témoignent du renouveau iconographique baroque et des techniques caractérisant le dessin (la sanguine, les trois crayons...). Une façon de replonger dans le contexte de la Contre-Réforme, où la défense des convictions religieuses passait déjà par l'expression artistique. Douai, Musée de la Chartreuse, jusqu'au 28.05, tlj, 10h>12h, 14h>18h, fermé le mardi, +33 (0)3 27 71 38 80
Bambi Toystory 2008 © Oleg Dou, Courtesy Flatland Gallery
Dangereusement jeune Fort d'une scénographie oppressante et d'un casting pléthorique (Paul Klee, Banksy, Diane Arbus et une centaine d’autres), Dangereusement jeune multiplie l'image de l'enfance en souffrance. Celle-ci traverse des esthétiques diverses telles que le réalisme social, les arts premiers ou des pièces très contemporaines. Loin des « verts paradis », l’enfant s’y dessine comme l’être le plus vulnérable à la démence du monde. Gand, Musée du Dr Guislain, jusqu'au 20.06, mar>ven, 9h>17h, sam & dim, 13h>17h, +32 (0)9 216 35 95
Migrants flamands en Wallonie Où l'on relate un temps pas si lointain où les Flamands, en quête de travail, devaient émigrer – partout dans le monde et en Wallonie, aussi. Vivant de travaux pénibles, industriels ou agricoles, souvent moqués par les Wallons, ils s'intégraient peu à peu, favorisant l'éclosion de quartiers flamands à La Louvière ou Charleroi. à l'aide de matériel iconographique ancien (photographies, revues flamandes, tracts, etc.) et de témoignages actuels rassemblés par le journaliste Guido Fonteyn, cet accrochage bouscule les idées reçues. Grand-Hornu, GHI, jusqu'au 27.05, mar>dim, 10h>18h, +32 (0)65 65 21 21
exposition |
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agenda BIP, Détail, Komm mein Madchen © Andrea Stultiens
Détail, Peep Show © Eric Adam
Papier libre
Post-Graffiti
Depuis le Paper art, courant né dans les années 1970 aux États-Unis, le papier a inspiré nombre d'artistes. Transformé, roulé, plié, froissé, découpé, collé... Ainsi, Jacques Declercq fabrique luimême son papier, ou Claudine Latron transforme diverses textures végétales en livres-fibres, tandis que Raymond Coronel privilégie la récupération du précieux matériau. Autant dire que Papier Libre est largement susceptible de faire un... carton.
Certains graffeurs ont investi les galeries depuis très longtemps. En trois axes (les supports, la lettre et le graphisme, l’illustration et l’abstraction), ce parcours envisage le Post-graffiti, terme apparu à la fin des années 90. Aux murs ? Des œuvres de sommités telles que Alëxone, Jonone ou L’Atlas, entre autres. Sans oublier des interviews, une conférence avec l’historienne Samantha Lonhi ou une performance de CT et Graphic Surgery.
Lambersart, Le Colysée, jusqu'au 20.05, mar>sam, 13h30>18h30, dim, 13h>19h, + 33 (0)3 20 00 60 06
Lille, maison Folie de Moulins, 14.04>10.06, mer & dim, 15h>19h, jeu & ven, 17h>21h, sam, 15h>21h, +33 (0)3 20 95 08 82
Biennale Internationale de la Photographie de Liège #8
Eric Adam et Rémi Tamburini
La BIP se penche sur la difficulté à représenter l'amour. Outre un slideshow majeur de Nan Goldin, la série Grief d'Erwin Olaf et les clichés poétiques de JH Engström, le directeur du Fotomuseum de Rotterdam bénéficie d'une carte blanche pour traiter de l'intimité, du machisme ou de l'idylle. Loin du traitement trash ou convenu, cette édition décoche des flèches plus ensorcelantes que celles de Cupidon.
Réunir le peintre Eric Adam et le sculpteur Rémi Tamburini est une brillante idée. Cette douzaine de grands formats signés Adam accumule les clins d'œil à la pub, à la peinture classique ou à la B.D. Et se joue de la posture de l'amateur d'art par le biais de savantes mises en abyme. Et les deux pièces futuristes de Tamburini extrapolent à partir du Voyageur au-dessus de la mer de nuages, de G. Friedrich. Tout un programme !
Liège, Mamac, Hangar B9, Madmusée, Brasseurs/L'Annexe,... jusqu'au 6.05, mer>ven 13h>18h, we 10h>18h, www.bip-liege.org
La Louvière, Château Gilson, jusqu'au 6.05 , mar>ven, 14h>17h, sam>dim, 14h>18h, fermé le 1er mai, +32 (0)6 426 15 00
exposition |
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agenda Détail, Pablo Picasso dansant devant les Baigneurs sur la plage de la Garoupe © David Douglas Duncan
Là où je suis, le présent éternellement On se souvient des autoportraits de Jean-Pierre Scouflaire : des structures en acier galvanisé et des morceaux de bois disposés sur les murs. Après avoir exploré au pinceau ou au ciseau, les possibilités offertes par un quadrilatère, le plasticien belge offre une fausse rétrospective de son œuvre. En présentant un ensemble de dessins, estampes, peintures, volumes ou reliefs, il rend compte de ses recherches sur le carré. Mons, BAM, jusqu'au 24.06, mar>dim, 10h>18h,+32 (0)6 540 53 30
Détail © Benjamin Monti
Benjamin Monti Collectionneur de vieux manuscrits, de carnets usagés et autres curiosités imprimées, ce jeune liégeois n'observe pas tristement ses acquis. Il se les réapproprie, les triture et les assemble sur un support quadrillé proche du cahier d’écolier – le papier « perspecta ». En résulte des compositions en perspectives totalement déroutantes, entre bande dessinée et art contemporain. Tournai, jusqu'au 22,04, Espace Bis, mar>ven, 10h30>18h, sam, 10h>18h, dim, 14h>18h, +32 (0)6 925 30 70
Michel-Ange au siècle de Carpeaux Picasso à l’œuvre dans l’objectif de David Douglas Duncan 150 clichés démontrant la frénésie créative du maître, saisi à l’œuvre et parmi ses œuvres. Voici le legs du photographe Douglas Duncan, admis à partager l’intimité de Picasso, durant sa villégiature provençale (1956-1973). La scénographie renforce ce témoignage : en regard des tirages, certaines des œuvres qui en remplissent le cadre recréent l’atmosphère de l’atelier et analysent le processus créatif.
Michel-Ange (1475-1564) fut « oublié » après sa mort. Son œuvre, jugée trop licencieuse, gênait un peu. Et il fallut attendre le Romantisme naissant pour que son travail soit redécouvert. Le sculpteur Carpeaux a étudié à Rome et, avec quelques autres (Rodin, Chasseriau, Albérola...) s'approprie l'héritage d'un maître incontesté. Juxtaposant peintures, aquarelles, sanguines, bronzes et huiles, cet accrochage révèle le subtil jeu des influences à travers les siècles.
Roubaix, La Piscine, jusqu'au 20.05, mar>jeu, 11h>18h, ven, 11h>20h, sam, 13h>18h, +33 (0)3 20 69 23 60
Valenciennes, Musée des Beaux-arts, jusqu'au 1.07, mar>dim, 10h>18h, sf jeu, 10h>20h, +33 (0)3 27 22 57 20
2012
année olympique
S’il y avait une occasion que ne pouvait manquer la Quinzaine de l’Entorse, c’était bien celle-là ! œuvrant à rapprocher des mondes qui s’ignorent (le sport d’un côté, la culture avec un grand C de l’autre), le festival s’empare des Jeux Olympiques. Evènement ouvert à toutes les disciplines, donc propice à tous les maillages, ces Jeux londoniens sont l’occasion pour L’Entorse de déployer son art bien au-delà des seules frontières métropolitaines. Nous sommes d’accord : entraînement ou répétitions, trac, applaudissement, dépassement de soi et accomplissements… les passerelles entre arts et sport ne sont plus à démontrer. Mais L’Entorse insiste joyeusement, en proposant plus de 150 manifestations où s’entrechoquent théâtre (Boxe Boxe, de Mourad Merzouki, ou Break Your Leg, voir p. 78), cinéma, débats (un forum social du sport), questions de genres (Rouge à lèvres et protège-dents, soirée roller-derby) ou performances (le comédien François Lawyllie fait redécouvrir le lancer de tronc). Plus vite, plus haut, plus fort De notre côté, on plébiscite déjà l’exposition Les Jeux s’affichent, rétrospective consacrée aux affiches olympiques. Car le sport, comme l’art, véhicule des valeurs et des idéologies – les JO de Munich 1972, aussi sanglants furent-ils, en sont un bon exemple. Enfin, La Quinzaine de L’Entorse n’oublie jamais l’aspect ludique de l’affaire et pour bien en profiter, il faut également mouiller le maillot ! Un exemple ? Les sculptures à escalader ou le ping-pong cylindrique de Sports Factory à la Gare St Sauveur. Ou même un mikado géant pour perches de saut. D’Armentières à Wambrechies, en passant par Courtrai, Valenciennes, ou Dunkerque (tout près de Londres, donc) on reviendra évidemment sur cette Quinzaine qui dure… trois mois ! / La Quinzaine de L’Entorse, 6.04>24.06, Lille, Courtrai, Bruay-la-Buissière, Dunkerque, Valenciennois, www.entorse.org, + 33 (0)3 20 14 47 75
art & sport |
texte ¬Thibaut Allemand photo ¬ Munich 72 © Peter Philips
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théâtre & danse |
texte ¬ Marine Durand photo ¬ Olivier Madar, Vecteur M
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Pure coïncidence La dernière création de Carolyn Carlson est une danse de l’accident. De ces hasards qui, mis bout à bout, façonnent le cours d’une vie. Mêlant la grâce des corps à la force de l’image, la chorégraphe américaine propose une nouvelle fois, avec Synchronicity, une œuvre totale et habitée. Sur le plateau, les corps frémissent, s’élancent, s’essoufflent. Sur l’écran, des séquences au ralenti leur répondent, évoquant tour à tour le départ, l’amour ou la folie. Animée de philosophie bouddhiste, Carolyn Carlson s'intéresse cette fois à la psychologie analytique de Carl Jung. La synchronicité est le nom donné par le psychiatre suisse à « deux évènements simultanés dont la coïncidence peut bouleverser l’existence de celui qui les perçoit » : une horloge qui s’arrête le jour du décès d’un proche, une rencontre décisive qui peut infléchir le cours d’une carrière... Pour la chorégraphe, ce fut celle avec son mentor Alwin Nikolais, qui la dirigea sept ans au sein de sa compagnie. Pour servir sa nouvelle poésie visuelle - ainsi désigne-telle ses pièces - l’ancienne étoile a fait appel à une équipe de confiance. Ses neuf danseurs, d’abord, à qui elle a laissé entière liberté de s’exprimer selon leur sensibilité, leurs expériences. Son scénographe ensuite, John Davis, complice de longue date avec qui elle collabora sur Density 21,5, l’une de ses œuvres fondatrices. On ne peut que souhaiter à Synchronicity le même destin. / Synchronicity 4.04>6.04, Roubaix, Le Colisée, 20h30, 25/22/17/15/8e, +33 (0)3 20 24 66 66
théâtre & danse |
texte ¬ Judith Oliver photo ¬ Philippe Cibille pour le Cnac
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Fin de cycle
C'est un exercice de style dont il s'est emparé avec brio : réaliser le spectacle de fin d'études de la 23e promotion du Centre National des Arts du Cirque (CNAC). Loin de la démonstration convenue des savoirfaire de l'école, David Bobée lève une tempête sous le chapiteau. Et fait de la piste l'épicentre de la fin du monde. « J'étais chez moi quand c'est arrivé. La fin du monde, de ce monde », entame Clément, jongleur, l'un des rares Français du plateau. Comme ses onze collègues brésilien, palestinien, cambodgien ou islandais, il évolue sur une scène circulaire jonchée de meubles : une télé allumée, un lit, une table, quelques chaises et une baignoire plongés dans une atmosphère crépusculaire. Délaissant ses balles, il poursuit son monologue : « Qu'est-ce qu'on a foiré ? Qu'est-ce qu'on n'a pas fait ? Allez, on reprend ». Et le plateau de tourner sur lui même, comme pour rembobiner l'apocalypse jusqu'à son point d'origine. à l'enchaînement linéaire de numéros, David Bobée préfère une dramaturgie en spirale. « Un spectacle qui jouerait avec le temps comme un monteur sur son banc de montage*». Brouiller la piste Arrivé au théâtre par des études de cinéma, le jeune artiste associé à l'Hippodrome de Douai confirme avec This Is The End son talent pour les images fortes. Alternant tableaux sombres et scènes aériennes d'une grande poésie, il dresse le portrait d'une « jeunesse belle et bordélique* » qui puise dans la richesse des disciplines enseignées au CNAC. Portés acrobatiques, mât chinois, tissus, corde lisse, bascule, fil de fer ou monocyle s'articulent sans exubérance ni emphase, campant un monde en perpétuel mouvement, rythmé de prises de parole, d'improvisations et de passages dansés. Un spectacle d'une rare intensité. / *entretien avec G. David, directrice adjointe du CNAC
THIS IS THE END – D. Bobée 12>14.04, 20h, Douai, L'Hippodrome, Scène nationale, 23/17€,+33 (0)3 27 99 66 66
théâtre & danse |
texte ¬ Cédric Delvallez photo ¬ Le Blues de la Mancha © Cirque Hirsute
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En première ligne Comme chaque printemps, le Boulon prend d’assaut Vieux-Condé, déployant une trentaine de compagnies théâtrales dans le centreville. Fraichement rénové, l’endroit ouvre également ses portes à un petit bataillon d’artistes. Vous l’avez compris : les Turbulentes reprennent du service. Créé en 1999, ce festival des arts de la rue s’impose comme l’un des plus précurseurs. Accordant une place de choix à la création, et ne sous-estimant aucune forme du théâtre de rue, il affiche une dizaine d’avant-premières par édition, dans des pratiques aussi diverses que la danse, le cirque ou la marionnette. Cette année, la Cie Adhok présente Echappées belles, une fresque chorégraphique sur la vieillesse. Ailleurs, le Cirque Hirsute joue Le Blues de la Mancha, un quatuor pour trois acrobates et une chanteuse inspiré d’un livre de Miguel de Cervantes, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Paradoxalement, seul Histoires de cœurs, de la Cie Songes, rejoint la thématique retenue pour décorer les rues de la commune, à savoir l’amour. La scénographie est d’abord un moyen d’impliquer les écoles et les associations locales, et de plonger les quelque 30 000 festivaliers dans l’ambiance des grands soirs. Le paroxysme est atteint lors de la « célébration pyromaniaque » du samedi, avec le grandiose Tambours de la Muerte de Transe Express. Clou d’un festival sans égal dans le Nord-Pas-de-Calais, et parmi les plus importants de France. Ce n’est pas un hasard si le Boulon a récemment été labélisé Centre National des Arts de la Rue. Une bien jolie médaille, mais pas de quoi s’assagir ! / les turbulentes 27>29.04, Vieux Condé, entrée libre, +33 (0)3 27 20 35 40
texte ¬ Pascal Cebulski - photo ¬ Caroline Ablain
texte ¬ Pascal Cebulski - photo ¬ DR
théâtre & danse |
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Untitled 4
Levée
des conflits
Le titre donne le ton : on peine à définir la dernière création de Christine De Smedt. La chorégraphe des Ballets C de la B a interviewé quatre de ses confrères (Alain Platel, Eszter Salamon, Xavier Le Roy et Jonathan Burrows) sur le lien entre la vie et leur œuvre. Seule sur scène, elle reprend les entretiens vidéo, s’appropriant les discours de ses confrères pour examiner comment son esprit et son corps « véhiculent d’autres voix ». Long, parfois confus (3h40 en anglais, prière de s’accrocher), Untitled 4 offre néanmoins la possibilité de pénétrer le processus de création de cinq chorégraphes contemporains. Et prouve une nouvelle fois, en quatre portraits et un autoportrait astucieusement dessinés par De Smedt, combien chaque histoire individuelle est pétrie d'emprunts aux autres. /
Roland Barthes désignait le neutre comme le « désir de la levée des conflits ». La dernière création de Boris Charmatz interroge ce concept à travers un jeu collectif. Sur un plateau sans décor, 24 danseurs aux styles différents interprètent en canon 25 mouvements identiques. Reste un vide, le 25e geste d’un danseur absent, qui décale tout. Le message politique est clair : s’échangeant les soli, à la fois seuls et ensemble, les êtres previennent à communiquer. Le principe ne ménage aucun suspense mais invite à voir en une seconde l’ensemble de la chorégraphie, telle une sculpture collective. Entre installation chorégraphique et performance, Levée des conflits reflète l’ambition de Charmatz : faire du Centre Chorégraphique National de Rennes, dont il est le directeur, un Musée de la danse à la croisée des disciplines et sans cesse en mouvement. /
17 & 18.04, 19h30, Bruxelles, Kaaistudio, 16/12€, +32 (0)2 201 59 59
21.04, 20h30, Charleroi, Charleroi/Danses, Les Écuries, 15/10€, +32 (0)71 31 12 12
théâtre & danse |
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agenda La variété française © Matthieu Rousseau
La variété française est un monstre gluant 4&5.04
M. Remy / Cie La Brèche
Hymen, Krizz © Compagnie Pal Frenak
Hymen 10.04
P. Frenák / Cie Pál Frenák
Sous la forme d'une « conférence dansée », Mathieu Remy explore le caractère fascinant, incontournable (et parfois déplorable) de la chanson française. Mettant en scène un orateur et une danseuse, l'auteur décortique la rhétorique démagogique, ou diablement philosophique, du monstre gluant. Sans jamais tomber dans la facilité, la pièce pose une réelle réflexion sur notre façon de consommer la variété.
Dans la lignée de InTimE (2008) et Sauvageries (2001), cette nouvelle création de Pál Frenák traite de liberté et d’enfermement. Cloîtrés dans un décor circulaire disposé au centre du Gymnase, les danseurs invitent le spectateur dans l'intimité d'une famille lors d'un mariage. Sont ainsi abordés les thèmes des origines, de l'évolution de l'être, de l'incertitude de l'avenir... Vieux comme le monde, certes, mais rarement mis en scène avec tant de sensibilité.
Arras, Théâtre d'Arras, 20h, 8 à 18e, +33 (0)3 21 71 76 30
Roubaix, Le Gymnase, 20h30, 14/7/5e, +33 (0)3 20 20 70 30
Gagarin Way 6.04
G. Burke / P. Foviau
Au fin fond de L’Écosse, deux ouvriers séquestrent leur patron. Or, les deux travailleurs s'aperçoivent qu'ils ne l'ont peut-être pas fait pour les mêmes raisons. Drôle et enlevé, ce huis-clos refuse le simplisme et propose une réflexion autour de l'engagement, du militantisme... et du monde du travail. On a coutume de dire que les britanniques sont experts en comédie sociale. Ce texte de Burke le prouve encore. Carvin, Salle des fêtes, 20h30, 7/4e, +33 (0)3 21 74 52 42 //18>20, Mouscron, 20h30, sf 19, 19h30, Centre Marius Staquet, 8 à 18e, +32 (0)56 860 164
Break your leg 11 & 12.04
Eric Lainé
Second volet d’un triptyque sur les grandes figures de la culture populaire américaine, Break Your Leg se penche sur Tonya Harding. Cette patineuse avait orchestré, en 1994, l'agression de sa rivale Nancy Kerrigan. Harding connut ensuite une déchéance spectaculaire. De ce fait divers aux rôles stéréotypés (la méchante blonde pauvre et boulotte contre la gentille brune riche et jolie), Eric Lainé tire une œuvre où la tragédie côtoie le burlesque. Valenciennes, Le Phénix, 20h, 22/20/17/9e, +33 (0)3 27 32 32 32
théâtre & danse |
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agenda In vitrine © Zvonock
à chaque Grincement… © Sylvain Liagre
à chaque grincement de ton cœur
Liberté (très) surveillée
10>13.04 Cie les Fées Railleuses/ Cie 3.6/3.4
14.04
Que peuvent avoir en commun une échassière et un acrobate en BMX ? Sur le papier, pas grand chose. Mais C. Valette et V. Warin prouvent le contraire, en explorant les possibilités de chaque discipline pour les marier. Les chutes furent nombreuses, mais les deux circassiens ont mis au point un système de cordes et d'accroches et déploient un monde poétique et (forcément) aérien.
S. Guillon
Si l'on ne connaît de lui que ses chroniques sur Canal+ ou France Inter on sera surpris. Se déploie ici un époustouflant talent d’auteur et de comédien. Angoissé, l’éternel insolent construit une vie, de la naissance à la mort. Avec un humour très noir et des angles d’attaque inattendus. Plus qu’un simple one-man-show, voici un spectacle drôle et féroce, dont on ressort sacrément retourné.
Lille, le Prato, 20h, sf ven, 19h, 16/14/10/7e, +33 (0)3 20 52 71 24
Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 44/40e, +33 (0)3 20 54 44 50 // 16.04, Boulogne-SurMer, Complet !, +33 (0)3 21 87 37 15
In Vitrine
Weekend Réel Virtuel
10>14.04
Coll. Rien de Spécial
14&15.04
M.Benoît et R. Cojo
Successeur de Complètement Là (2011), In Vitrine écorne nos sociétés du bonheur obligatoire. Le trio de comédiens organise un anniversaire-surprise où tout est anticipé… jusqu’au moindre sujet de conversation ! Le public fait (presque) partie de ce cercle d’amis et assiste, mi-acteur mi-voyeur, à cette joie factice. L’occasion de rire, certes, mais également de s’interroger sur des vies sous vide, comme préprogrammées. Drôle, et noir.
Avec la trilogie Trois Soli/étude, la chorégraphe et vidéaste Mylène Benoît s'interrogeait sur la danse. Quant à Renaud Cojo, on se souvient de son travail autour de Ziggy Stardust. Les deux artistes s'associent ici pour confronter réel, virtuel, réseaux sociaux et nouvelles technologies. Au vu de Plus Tard, J'ai Frémis (pièce hybride, entre caméras, ordinateurs et dédoublement de personnalité), ce weekend n'est à manquer sous aucun prétexte.
Lille, Le grand Bleu, 20h, sf jeu, 14h30 et ven, séance suppl. à 14h30, 12/10/8/6e
Armentières, Le Vivat, 11h>13h, 14h-17h, 37/32e, +33 (0)3 20 77 18 77
théâtre & danse |
82
agenda Le jeu de l'île © François Saint Remy
Le Sacre du printemps © Guy Delahaye
Fugueuses
Le sacre du printemps
Jusqu'au 15.04 P. Palmade & C. Duthuron/D. Michels
17,04 I. Stravinsky / J.-C. Gallota
D'abord interprétée par Murielle Robin et Line Renaud, Fugueuses (2007) met en scène deux autostoppeuses en quête d'idéal. L'une fuit son foyer et l'autre, sa maison de retraite. De cette rencontre naît une amitié sincère mais contrariée. Déjà à l'œuvre dans Si c'était à refaire (2005) de L. Ruquier, le tandem Louise Rocco et Marie-Hélène Remacle revient sur les chapeaux de roues !
Après M. Béjart, P. Bausch ou M. Graham, J-C Gallotta s'attaque à cette montagne du ballet russe. Sa version s'impose comme la suite de l'Homme à tête de chou (2009), l’une de ses précédentes pièces : « mêmes danseurs, même lumière sélénienne, mêmes énergies venues directement de la musique ». L'effort y est permanent pour les douze interprètes. Un vrai tour de force !
Bruxelles, Th. des Galeries, mar>ven 20h15, sam 15h & 20h15, dim 15h, 13 à 26e, + 32 (0)2 512 04 07
Le jeu de l'île 16>20.04
Marivaux / G. Tsaï
Sobriété de la mise en scène, des costumes et des lumières, Le Jeu de l'île lie trois pièces de Marivaux par leur dénominateur commun : la reconstruction d’une société par des exilés sur une terre inconnue. Au-delà des chassés-croisés amoureux, le renversement des rapports de domination (maîtres /esclaves, hommes/ femmes...) est un des thèmes chers à Marivaux. Mais in fine, ces moments de subversion cèdent la place au rétablissement des conventions. Béthune, Le Palace (Comédie Béthune), 20h, 18/15/14/12/8/7e, +33 (0)3 21 63 29 19
Douai, L'Hippodrome, 20h, 23/17/9e, +33 (0)3 27 99 66 66
La Estupidez 17>21.04 R. Spregelburd / Transquinquennal
Impossible de démêler les liens unissant ces vingt-cinq personnages pour seulement cinq comédiens. Loufoque, absurde, cette pièce démontre que si l’argent fait tourner le monde, la stupidité (la estupidez) prend toute sa part. On rit jaune ET aux éclats devant les aventures outrancières de ces antihéros flippés et flippants. Bruxelles, Th. Les Tanneurs, 20h30, 10/7,5/5e, +32 (0)2 512 17 84 // et du 24>28.04, Liège, Th. de la Place, 20h15, sf mer, 19h, 19/17/10e, +32 (0)4 342 00 00
théâtre & danse |
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agenda Le black, l'arabe et la femme blanche © DR
Le black, l'arabe et la femme blanche 17.04>6.05 D'après J. Genet/F.Dussenne
Cette année, J. Genet aurait eu cent ans, mais n'aurait eu que faire des honneurs officiels. F. Dussene, qui se définit comme le « bourgeois occidental cultivé » que Genet abhorrait tant, compose un portrait de l'écrivain en se saisissant d'extraits de pièces, de romans, de poèmes de l'éternel marginal. Cinq comédiens redonnent vie à cette langue stylisée à l'extrême mais contenant en elle les germes de la révolte. Bruxelles, Atelier 2010, tlj sf lun, 20h30, sf mer, 19h30, et dim 02.05, 15h, 18/15/10e, +32 (0)2 732 25 98
La Cantatrice Chauve 18.04>26.05 E. Ionesco / D. Scahaise
Nous sommes d'accord : plus besoin de présenter La Cantatrice Chauve, monument d'absurdité, signé Ionesco. Or, la difficulté réside justement dans l'appropriation d'une tel sommet par le metteur en scène et les acteurs. Mais on fait confiance à Daniel Scahaise, directeur du théâtre des martyrs et scénographe, pour diriger des acteurs de la trempe de Jean-Henri Compère, compagnon de route de Jan Bucquoy. Bruxelles, Th. Des Martyrs, mar, 19h, mer>sam, 20h15, dim 06 & 13.05, 16h, 16, 50 à 9e, 32(0)2 223 32 08
Biographies d'ombres © Michel Boermans
Biographies d'ombres 24.04>5.05
L. Norén / I. Pousseur
Repris dans le cadre des 30 ans du Théâtre Océan Nord, Biographies d'ombres (2010) est un exemple de minimalisme. L'économie de la parole et la sobriété du décor soulignent les mystères et non-dits qui règnent au sein de cette famille frappée d'un terrible secret. Contradictoires, pervers – humains finalement –, les quatre personnages renvoient sa propre image au spectateur. Insoutenable, donc remarquable ! Bruxelles, Th. Océan Nord, mar>sam, 20h30 (sf mer 19h30), 10/7,5/5e, +32 (0)2 216 75 55
Les yeux de Lira 19 & 20.04 E.Joly & J.Perrignon/ B. Mounier
L'objectif de ces soirées polar ? Défendre un genre littéraire un peu snobé, sinon maudit, devant un large public. Cette transposition rend hommage à Eva Joly (!) et Judith Perrignon, auteures en mai dernier d'un ouvrage consacré aux arcanes de la finance. Associant comédiens pros et amateurs, Brigitte Mounier livre une pièce dont l’écho résonne bien au-delà des murs de l’Atelier Culture… Dunkerque, Atelier Culture/La Piscine, 20h30, 2/1e, +33 (0)3 28 23 70 69 // et aussi le 21.04, Grande-Synthe, médiathèque Nelson Mandela, 18h, gratuit
texte ¬ Thibaut Allemand photo ¬ Francois Bodart
Prose combat « De salon, nous n'avons que le nom ! » sourit François Annycke, membre de l'association Colères du Présent, et cheville ouvrière du Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale. Ouf ! Un nom à rallonge, mais qui peine encore à résumer ce weekend. Ce salon tient de la foire - mais ça sonne trop commercial - ou du festival - mais ça paraît banal - ou encore de la conférence - mais c'est un peu pincefesse. Alors, va pour un « salon » qui parachève le travail mené par Colères
du Présent tout au long de l'année : œuvrer à la diffusion et à la promotion de la littérature pour des populations qui en sont plutôt éloignées ; en un mot, les classes défavorisées. Cette action passe entre autres par des ate-
littérature |
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liers d'écriture, ou des rencontres entre auteurs et lycéens. Mais là encore, parler de littérature au sens large, c'est rester dans le flou. Et passer à côté de l’essentiel. Pouvoir, corruption et mensonges Durant deux jours, on célèbre ici les Lettres qui s'emparent du monde du travail, du quotidien salarial, à ces romans qui proposent une pensée combattive et insurgée. Pas étonnant que Frédéric H. Fajardie fut longtemps le parrain du festival. D'autres, tels
Pouy, sont des invités réguliers. Mais fort heureusement, cette littérature du combat déborde le roman noir. Il suffit de prendre par exemple les derniers prix littéraires (S. Chalandon, R. Jenni) pour s'apercevoir que ces romans sociaux sont désormais reconnus par les « autorités » littéraires. Et la fiction n'ayant pas l'apanage de ces thèmes, on retrouve ici le juge Scarpinato pour le thème de l'année, « Pouvoir et Corruption ». Tout un programme… qui tient, une fois n'est pas coutume, toutes ses promesses ! /
salon du livre d'arras 30.04 & 01.05, Arras, Quai des Arts, Place de la Madeleine et du Théâtre, Hôtel de Guines, gratuit. Avec Roberto Sacrpinato, Jean-Bernard Pouy, Marin Ledun, Patrick Varetz…
livres |
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Ceux qui passent Haydée Sabéran | Éd.Carnets Nord Ils sont Afghans, Vietnamiens, Irakiens, Kosovars, Erythréens... Le même cauchemar à traverser, le même rêve en partage. Ils arrivent à Calais, espérant passer en Angleterre pour y refaire leur vie. En attendant, les voici coincés à la lisière de l'espace Schengen, après des mois de galères qui font vieillir prématurément. Correspondante régionale pour Libération, Haydée Sabeyran les a suivis pendant plus de dix ans. Ce ne sont jamais les mêmes personnes mais leur désillusion est comparable. Masse parquée à Sangatte avant la fermeture du centre de la Croix-Rouge en 2002, ils errent comme des fantômes à Calais, au Havre, à Paris, à Angres, à Airesur-la-Lys... Le style est sobre, simple ; pas d'apitoiement, pas de colère d'emprunt, mais une description subtile des lieux, et une large place réservée aux récits individuels de migrants ou de bénévoles. On les découvre gynécologue, propriétaire de café, de taxi, soldat, ouvrier, avocat, paysan, « un peuple sans manteau ni paroles » devenu les parias d’une Europe qui tente en notre nom de les repousser à coup de matraques et de gaz lacrymogène. Ce livre leur redonne un visage, une voix : une humanité. 304p., 20€. François Annycke
US ! Chris Bachelder | Éd. Sonatine Deux jeunes garçons apeurés fendent la nuit à bord d’une vieille berline. Sur la banquette arrière, un revenant, énumérant sur son corps les traces de balles. Toute ressemblance avec le thriller s’arrête ici. Car ce vieillard crachant des mottes de la tombe d’où on l’a extirpé, c’est Upton Sinclair : archétype de l’écrivain socialiste engagé, « Zola américain » mort en 1968 mais que l’auteur prend un malin plaisir à ressusciter au cœur de situations toujours plus absurdes. Sinclair posant nu, Sinclair célébré en haïku ou Sinclair en professeur tyrannique qui se fait inexorablement rattraper par les suppôts du Grand Capital. Imagination insolente et humour explosif servent les chapitres de Chris Bachelder, qui réussit l’exploit d’écrire un roman à la fois politique et réjouissant. 384 p., 18,30€. Marine Durand
chroniques SORTIES DE ROUTE
Shakespeare n’a jamais fait ça
Cyrille Pomès | Éd. Scutella « Les gentils et les ordures, ça se cartonne pareil, l'accident c'est l'égalité par le hasard, la justice suprême ». Placés en quatrième de couverture, ces mots donnent le ton d’un one-shot graphique à dimension intimiste. Ce huis-clos à ciel ouvert nous plonge au cœur d'une routine. Celle de Lindsey, propriétaire d'une baraque à frites en bord de route. Une vie à la marge, suite à une rupture amoureuse, qui émeut, au fil des planches. Ainsi, Lindsey, toujours à distance des gens (par peur d'y laisser encore de son âme, de sa chair), se complaît à observer, silencieux, ses congénères. Jusqu'au jour où un automobiliste trouve la mort à quelques mètres de son camion... Une œuvre sensible au crayon gras et au point de vue quasi-cinématographique. 96p., 20€. Carole Lafontan
Charles Bukowski | Éd. 13e Note Cet inédit de Bukowski relate le voyage en Europe de l'écrivain et de sa tribu (épouse, photographe, éditeurs, tous compagnons de biture) en 1978. Un passage aviné sur le plateau de l'émission Apostrophes et une lecture publique à Hambourg permettent en particulier à l'Américain de mesurer l'ampleur de sa notoriété outre-Atlantique, à une époque où les Etats-Unis peinent encore à reconnaître son talent. Dans ce carnet de route, Bukowski manipule comme à son habitude les faits réels, son double littéraire, Chinaski, prenant de temps à autre le dessus. Les photos de Michael Montfort qui émaillent le texte ont mitraillé l’auteur, dévoilant un Bukowski inattendu, amoureux, souvent souriant ou rêveur. 254 p., 19,50€. Madeleine Bourgois
D’où viens-tu Dylan ? Louis Skorecki | Éd. Capprici « L’été 1962 exactement. Bob Dylan sortait son premier disque et quand j’ai vu sa gueule d’ange efféminé sur la pochette, je suis instantanément tombé amoureux de lui comme si c’était un jeune Bogart. » Ce recueil d’articles publiés par le critique dylanophile Louis Skorecki (Libération, Rolling Stone…) revient sur cinquante ans de passion. Le journaliste a suivi l’artiste à la trace, en studio – récit titre par titre de l’enregistrement de l’album Highway 61 Revisited – et sur scène, pour en conclure : « Dylan n’a jamais donné un seul bon concert de sa vie. » Tout aussi impitoyable avec l’écrivain Dylan, ce cinéphile averti salue en revanche son talent de… cinéaste. Amoureux oui, mais loin d’être aveugle. 109p., 7,95€. Madeleine Bourgois
disques |
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TENNIS Young & Old | Fat Possum Records / import Rien de nouveau sous le soleil du Colorado pour le couple Moore-Riley : ça joue en fond de court, mais ça assure. C’est d’ailleurs tellement simple, efficace et propret que ça pourrait être suédois (Björn Borg, les meubles en kit, les Cardigans, tout ça…). Le service est prestement honoré : dix titres vite pliés, instantanément assimilés, et qui vous laissent à peine le temps de réaliser à quel point le jeu s’est affûté depuis la dernière rencontre (Cape Dory, 2011) : produit par Patrick Carney, batteur des Black Keys, et conçu pour la scène, ce deuxième album illustre à merveille les vertus d’une approche à la fois humble et enthousiaste, une fois qu’on s’est fait à l’idée qu’on n’avait pas de balles neuves à envoyer. Monsieur s’est adjugé les services d’une guitare capable de muscler quand il le faut la pop la plus gracile (It All Feels The Same), et qui connaît bien ses Strokes (versant apaisé, sur Origins ou Dreaming : les coups de mediator à la croche, c’est maintenant). Quant au timbre de Madame, il promène avec aisance son voile sur toutes les nuances de la mélancolie. Ce disque ne vous suivra sans doute pas jusque sur l’île déserte - mais jusqu’à la plage, sans problème. F-X Béague
NITE JEWEL One Second Of Love | Secretly Canadian/Differ-Ant Nite Jewel, c’est avant tout Ramona Gonzales, une vidéaste reconnue à Los Angeles. Aidée de son mari Cole M. Greif-Neill (ex-Ariel Pink’s Haunted Graffiti) et de l’artiste multimédia Emily Jane, la diplômée de philosophie dévoile un deuxième essai sans pudeur, entre nostalgie italo-disco et compositions futuristes. La production léchée sublime une voix sensuelle, mêlée aux synthés trempés de réverb’ et aux boîtes à rythmes excitées. Bien plus qu’une seconde d’amour, c’est l’album entier de la Californienne qui se veut charnel et poignant avec des titres lorgnant vers Kate Bush. Dans un autre registre qu’Ariel Pink, mais avec autant de cœur, Nite Jewel livre ici une œuvre pop qui magnétise sans maniérisme, parfait croisement des années 80 avec l’underground du xxie siècle. Tiphaine Gagne
chroniques MIIKE SNOW
MOTOR
Happy To You | Columbia/Sony Music
Man Made Machine | CLRX/ la Baleine
Ahurissant de voir comme un groupe mainstream chez les Anglo-Saxons devient underground chez nous. Ébouriffant de maîtrise, le premier LP de ce trio suédois, paru en 2009, avait tout pour convaincre les radios et prouver qu’il existait bien une alternative à Mika au rayon dance pop. Ce deuxième album ne sera sans doute pas suffisant pour célébrer l’avènement tant attendu de Miike Snow dans nos contrées, mais Happy To You propose à qui le veut de nouveaux hymnes pétris d'électronique, aux claviers inspirés (Devil’s Work) et aux mélodies entêtantes (Paddling Out). L’ensemble, toujours servi par une production impeccable, est moins inventif qu’auparavant, mais la fraîcheur est intacte. Un bel antidote à la saison des Enfoirés et autres Hit Music Only. Mathieu Dauchy
Are « Friends » electric ? se demandait avec angoisse Gary Numan en 1979. En 2012, il doit se dire que les amis, flirtent plutôt avec l'électronique. Gary prête sa voix (et sa réputation) au nouvel album de Motor, Man Made Machine. Toujours angoissé, il déclame les plaisirs (louches) du Paradis (Pleasure In Heaven) sur une ligne de basse sourde et un peu sale. Martin L. Gore (Depeche Mode), lui, dégouline de lubricité en se repaissant de ces trucs pas très catholiques issus de sa Man Made Machine. Et Douglas McCarthy (Nitzer Ebb) se fait nerveux et menaçant, sur fond d’EBM et de Knife. Synthés, beats qui claquent et voix sulfureuses infusent alternativement décadence lascive ou tension rageuse, dans une ambiance industrielle fort efficace. Olivia Volpi
Beth Jeans Houghton & the Hooves of Destiny Yours truly, Cellophane nose | Mute/Naïve Prenons une voix haut perchée qui emprunte des détours mélodiques plutôt déconcertants et module au-delà du raisonnable (Liliputt). Ajoutons l’Afrique de l’ouest à portée d’arpèges : les guitares de Vampire Weekend (Atlas). Et enfin, un folk augmenté de grosses cavalcades romantiques, savamment déconstruites - juste avant qu’on ne songe aussi à citer Arcade Fire (Sweet tooth bird). Option 1 : ne boudons pas notre plaisir, ce premier album de l’Anglaise a tout pour plaire. Option 2 : ce collage baroque nous fait courir un sérieux risque d’indigestion. La recette est parfaitement maîtrisée, c’est sûr. Mais si l’un ou l’autre de ces ingrédients incommode, il y a fort à parier qu’on en trouvera vite la composition d’un goût aussi contestable que la pochette. En attendant, elle bluffe. Et on a les chansons. F-X Béague
agenda |
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agenda Dim 01.04
Mer 04.04
Eluveitie + Primordial Anvers, Trix, 17h, 27/25e
Méditations pour le Carême Lille, Opéra, 9h, 8/5e
Breton + T&K Roubaix, La Cave aux Poètes, 18h, 8/6e
Crash Course In Science Liège, La Zone, 19h, 10e
Jonathan Jeremiah Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 23/20e Wallis Bird + Aidan Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
Sizzla and Judgement Yard Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 26/24,5e Shearwater + Julie Doiron Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 10e/gratuit abonnés
La Cour des Miracles Lille, Le Biplan, 20h, 5e
Quatuor Diotima Lille, Opéra, 20h, 21/16/12/8/5e
Lun 02.04
OM Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
Primus Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 18h, Complet ! Inner Terrestrials Bruxelles, Magasin 4, 19h, 7e Lee Fields Anvers, Trix Club, 19h, 21/18e Asaf Avidan Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 19,80e Other Lives + Deer Tick Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, Complet ! The Stranglers Lille, Splendid, 20h, 29,50e
Mar 03.04 Los Campesinos ! Bruxelles, Le Botanique/ Rotonde, 20h, 16/13/10e Therapy? Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e
La Grande Sophie Lille, Splendid, 20h, 25e Busdriver + Loden Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/6e
Jeu 05.04 COOL SOUL FESTIVAL #2 : Bob & Lisa + Mama Rosin... Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 18/14e Nadeah + Dan Mangan Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 18,80e Marcel et son Orchestre Armentières, Le Vivat, 20h, 18/13/12/7/6e Ghostpoet Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 10e/gratuit The Flying Fish Jumps Lille, La Péniche, 20h, 14/8e
Claire Denamur + Nadeah Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h, 5e Miossec Lens, Colisée, 20h, 12/10e Dominique A Béthune, Théâtre de Béthune, 20h, 33/29/3e Vincent Delerm Amiens, Maison de la Culture d’Amiens, 20h, 35/14e My Small Garden Comines, Le Nautilys, 20h, 3/2e Salim Fergani Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 5e Dr Feelgood + Mister Mojo Liévin, Centre Culturel, 20h, 20/18/10e Eths + Kells Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 16/11e Amadou & Mariam Lille, Hôtel Casino Barrière, 20h30, 36/33/27€ NTFO + Joyce Muniz... Anvers,Café d’Anvers, 23h, 12e
Sam 07.04 DAF + The Neon Judgement + Sigue Sigue Sputnik + Crash Course In Science... Gand, Culturell Centrum Vooruit, 16h, 36,75e Les Sputkalut Maison de la Bataille Nord Peeneaamse , 18h, 5/3€/ gratuit The Wankin’ Noodles + Ace Out + Franky Fingers Tourcoing, Le Grand Mix, 19h, 5e
The Strange Boys Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
Summer Camp Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/6e
No One Is Innocent Auchel, L’Odéon, 20h, 8/5e
Ven 06.04
Pneu + Ed Wood Jr... Bruxelles, Beurskafee, 19h, gratuiit
Black Frank + TLP Gand, Decadance, 23h, nc
DJ Krush + Ghostpoet Lille, L’Aéronef, 16h, 16/11e
Rob Tognoni Lille, La Péniche, 20h, 15e
Retrouvez l’intégralité des concerts sur
Drake Bruxelles, Forest National, 20h, 38,5e Downlink + High’N’ Irie Sound System... Bruxelles, VK* Concerts, 20h, 13/10e The Coup Lille, L’Aéronef, 20h, 11e/ Gratuits abonnés Marcel et son Orchestre Divion, Complexe Sportif, 20h, 12/10e Black Bomb A Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 12/9e Pneu + Ed Wood Jr... Bruxelles, Beursschouwburg, 20h, gratuit Stromae Lille, Hôtel Casino Barrière, 20h30, 27/24€ Modern Disco Club Bruxelles, Madame Moustache, 22h, 5e
Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 15/12/10/7/5e Paul Heron + Pagano... Bruxelles, Fuse, 21h, 25e Gel Abril + Marco Faraone Anvers,Café d’Anvers, 23h, 12e
Lun 09.04 Topanga + Head Full of Flames... Diksmuide, Muziekclub 4AD, 15h, gratuit Absu + Impiety... Anvers, Trix Club, 19h, 18/15e Steve Aoki Gand, Culturell Centrum Vooruit, 20h, 23e Scorpions Lille, Zénith Arena, 20h, 78,5/59,8e Hype Williams + BRNS... Courtrai, De Kreun, 20h, 10/7e Mavado + Ochie Queen... Anvers, Petrol, 20h, 20e
The Samuel Jackson 5 Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 8/5/2,5e Jacques Trupin et V. Viala Lille, Opéra, 20h, 8/5e The Black Box Revelation Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e Dope D.O.D. + Iconaclass Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 14/11e Breton Bruxelles, Le Botanique/ Rotonde, 20h, 13/10/7e
Jeu 12.04 Tagada Jones + Les Slugs Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e Emilie Autumn Bruxelles, VK* Concerts, 19h, 18/15e Mars Red Sky Roubaix, La Condition Publique, 19h, 2e
Los Venturas + Gigolos in Retirement + Louis Katorz Anvers, Petrol, 22h, 15/10e
Mar 10.04
Daniel Johnston... Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 24/21,5e
Bartholomeo + SmoS... Anvers, Café d’Anvers, 23h, 7e
Child Abuse + Staer... Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e
‘t Hof van Commerce... Anvers, Trix Club, 19h, 15/12e
Peter Doherty Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 30/26,5e
Dionysos Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, Complet !
James Leg + Radio Moscow Lille, La Péniche, 20h, 15e
Orbital Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, Complet !
G-Force + Joffsy + Carbon 14 + Titlight + Cyd Dokiro Liège, InsideOut, 23h, 7e Sasha + Phiphi... Gand, Culture Club, 23h, 15e
Dim 08.04 Sons du Château Kaastel Beauvoorde, Veurne, 14h30, 8/7€/gratuit Korpiklaani + Trollfest Lille, L’Aéronef, 18h, 16/11e Little Barrie Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 11/8e Pete Philly Anvers, Trix Club, 19h, 15/12e Isbells + Renée
The Black Box Revelation Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, Complet ! Imany Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
Blood Red Shoes + Wallace Vanborn Lille, L’Aéronef, 20h, nc, Osaka Monaurail... Courtrai, De Kreun, 20h, 10/7e
Mer 11.04
Natty Jean Lille, La Péniche, 20h, 9e
Puppetmastaz Bruxelles, VK* Concerts, 19h, 17/14e
Arthur H + Maya Barsony Noyelles-Godault, Centre Culturel Matisse, 20h, 12/10e
Michael Gira... Courtrai, De Kreun, 20h, 12/9e
Liz Green + Ladylike Lily Arras, Théâtre d’Arras, 21h, 6e
agenda |
94
agenda Ven 13.04 L’Oxymore Musée départemental de Flandres, Cassel, 18h30, 19h45, 21h, 7/4€/gratuit Chelsea Wolfe + Cercueil Bruxelles, Magasin 4, 19h, 10/8e La Traviata de Verdi Roubaix, Le Colisée, 20h, 57/52/47/45e Deportivo + OdyL... Arlon, Ancien Palais de Justice, 20h, 15/13e Curse of the Vampire... Lille, La Rumeur, 20h, 3e Callmekat... Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 8/5/2,5e Claire Denamur Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 7/5/4/3e Lisa Portelli + Julien Biget Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 7/5/4/3e Julien Biget & J.M. Veillon Hôtel de Ville, Hondschoote, 20h30, 5€/gratuit
Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 19/17,5e Revolver + John Grape Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17/14e Cozo + Nerval Muzik + Kanibal Crew + Les Rusés du Pavé + Saïtré + Akela + Katha Underground + Feini-X Crew... Lille, Maison Folie Moulins, 20h, gratuit Les Fumiers Lille, La Rumeur, 20h, 3e Beethoven & Schubert : La Chambe Philarmonique, dirigée par E. Krivine Valenciennes, Le Phénix, 20h, 22/20/17/9e Gazzomind + Daytona Courtrai, De Kreun, 20h, 10/7e Jali Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 20/17e Callmekat + Saso & The W Lille, La Péniche, 20h, 9e
Psyco Fonk + All In Shelters + Forps Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 5e Ceux qui Marchent Debout Oignies, 9/9 Bis, 20h, 8/5e Chelsea Wolfe + Embers Diksmuide, Muziekclub 4AD, 20h, 10/8/6e Dopplereffekt + Rude 66 + J. ERROR + Solar Skeletons + Sébastien Rien... Marchienne-au-Pont, Rockerill, 21h, 12/9e Lefties Soul Connection + Stax of Wax... Anvers, Petrol, 22h, 10/8e La Nocturne -Lille métropole Place François Mitterrand, 22h, gratuit JOAChim + Patrick Schmidt + Bartholomeo + 2winz Anvers, Café d’Anvers, 23h, 7e
Dim 15.04 Albert Hennebel Hop Museum, Poperinge, prix d’entrée du musée
Theo Parrish... Gand, Culturell Centrum Vooruit, 21h, 20/18,5e
Akela Battle Angel + Cozo + Feini-X Crew + Kanibal Krew... Lille, Maison Folie Moulins, 20h, nc,
Secret Cinema... Anvers,Café d’Anvers, 23h, 12e
Cascadeur + An Pierle Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h, 5e
Sam 14.04
William Schotte Musée Benoît de Puydt, Bailleul, 20h, 3,90/gratuit
Enzo Enzo Bruay-la-Buissière, Centre Culturel Grossemy, 18h, 14/8e
The Asteroids Galaxy Tour Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 16/13/10e
Chelsea Wolfe + A Winged Victory For The Sullen Lille, L’Aéronef, 18h, 13/7e
Lizz Wright Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ Flex, 20h, 26/23e
Alamo Race Track + Moss Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 11/8e
Sean Paul Lille, Zénith Arena, 20h, 39,5e
Parabellum + René Binamé Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e
Black Jaguar Club Bruxelles, Madame Moustache, 20h, 5e
Balthazar Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 21/18,5e
Goûter-Concert : Revolver Tourcoing, Le Grand Mix, 16h, 4/gratuit Mina Tindle + Liz Green Amiens, La Lune des Pirates, 18h, 10/7e Mark Stewart Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 16/14,5e ‘t Hof van Commerce + Kraantje Pappie + Safi & Spreej
Raoul & Marguerite (automates musicaux) Ferme des Orgues, Steenwerck, 15h30, 5/3€ Flip Grater + Mariee Sioux Lille, La Péniche, 18h, 11e
Retrouvez l’intégralité des concerts sur
Walls + Blanck Mass... Courtrai, De Kreun, 20h, 12/9e Rebecca Mayes... Diksmuide, Muziekclub 4AD, 20h, 10/8/6e
Lun 16.04 Puppetmastaz + Unno Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20/17e Thomas Dutronc + Barcella Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 48/41/35e Chick Corea + Gary Burton Amiens, Maison de la Culture d’Amiens, 20h, 35/14e Haydn/Weber/Schuman : ONL Roubaix, Le Colisée, 20h, 30/24/22/12/8e
Mar 17.04 Airnadette Lille, L’Aéronef, 20h, 16/11e Baxter Dury + Rover... Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 14/11e Xiu Xiu Bruxelles, Le Botanique/ Rotonde, 20h, 16/13/10e Les Blaireaux + Presque Oui Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 19,5/15,5e Les belles sorties : sur un air de Shakespeare Comines, Salle Louis Aragon, 20h, gratuit Rona Hartner... Rouvroy, Salle des Fêtes, 20h, 8/5e
Soap&Skin (with ensemble) Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ Flex, 20h, 19/16e Ravel, Chabrier, Satie, Massenet... : Camille Poul et Li Fan Su Lille, Opéra, 20h, 8/5e Elephant Lille, La Péniche, 20h, 9e Andrea Parkins + Glück Bruxelles, Beursschouwburg, 20h, 6e Maia Vidal + The Bony King Of Nowhere Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 10/8/6e
Jeu 19.04 Free’n’Ethic : Hassan K + La Menace Party Crew Lille, Maison Folie Moulins, 19h, 3e ‘t Hof van Commerce Leuven, Het Depot, 19h, 19/16/14e Paysages augmentés : Ars Nova Ensemble Douai, L’Hippodrome, 20h, 14/13/8/3e Peter Von Poehl Lille, L’Église Saint-André, 20h, 14e Pinkunoizu Lille, La Péniche, 20h, 9e Julien Doré Boulogne-sur-Mer, Espace Faiencerie, 20h, Complet ! Fink Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Box, 20h, 19/16e
Mer 18.04
Fishbone Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 16/11e
Willow Leuven, Het Depot, 19h, 12/10/9e
Stuck In The Sound... Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 14/11e
Pony Pony Run Run Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 22/19/16e
Dawoonder Bruxelles, Madame Moustache, 22h, gratuit
Mad-D & Vista + Dj Twelve Anvers, Le Café d’Anvers, 23h, gratuit
Ven 20.04 Chinese Man + Method Man + Nneka... Lille, Zénith Arena, 18h, 36,2e Mathieu Boogaerts Lille, La Péniche, 20h, Complet Ben Mazué Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h, 5e Woman... M ! Musée Marguerite Yourcenar, St-Jans-Cappel, 20h, 6/5€ Dark Dark Dark + Bobik ou Sacha Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 11/8e Da Silva + Alan Corbel Lille, Splendid, 20h, 25e Barn Owl + Idiot Saint... Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 10/7e Bertrand Belin... Liévin, Centre Culturel, 20h, 15/13/10e Mr Scruff Bruxelles, VK* Concerts, 20h, 18/15e Zebda + Délinquante Grenay, Salle Bigotte, 20h, 12/10e Elephanz + Apple Pie Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 7/5/4/3e K’ Festival : Guizmo + Le Pied de la Pompe + Zeitoun + Alee... Dunkerque, L’Entrepôt, 21h, 10/8e La Croisière s’Amuse Bruxelles, Madame Moustache, 22h, 5e Is Tropical + La Couleur... Lille, Etik Club, 23h, 5e
agenda |
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agenda Sam 21.04 T-Ros Musée Jeanne Devos, Wormhout, 15h, 2€ Simple Plan + Pony Pony Run Run Lille, Zénith Arena, 19h, 36,2e Manic Street Preachers Anvers, Trix, 19h, 31/28e
DJ Funky Bompa Bruxelles, Madame Moustache, 22h, 5e Till Von Sein + Koodoo... Gand, Decadance, 22h, nc, Hermanez + Massimo Girardi... Anvers, Le Café d’Anvers, 23h, 7e
Nits Gand, Culturell Centrum Vooruit, 20h, 21,75e
Star Warz vs Daily Dubstep : Andy C + Benga... Gand, Culturell Centrum Vooruit, 23h, 26/23e
Dark Dark Dark... Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
Dopefish + The G + Eurotrashman... Liège, InsideOut, 23h, 5e
Sea of Bees Bruxelles, Le Botanique/Witloof Bar, 20h, 14/11/8e
Dim 22.04
Drums Are For Parades Gent, Handelsbeurs, 20h, 19/17,5e Method Man Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 30/27e Of Montreal + Recorders Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 18/15/12e We the Kings Lille, La Péniche, 20h, 6e Toine Thys Trio Mouscron, Centre Culturel Marius Staquet, 20h, 12/10/8e The Gonads + Misogynes... Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 13/10e Les Payen chantent paillard Musée de la Vie Frontalière, Godewaersvelde, 20h30, 5/4€ Cabaret Freaks : Slagsmålsklubben + Digitalism + Orbital Lille, L’Aéronef, 21h, 24e K’ Festival : Son of Kick + ODG + Biga*Ranx Dunkerque, L’Entrepôt, 21h, 10/8e
Scott Kelly + Projection de «Blood, Sweat & Vinyl Lille, L’Aéronef, 17h, 13/7e Russian Circles + Deafheaven... Bruxelles, Magasin 4, 18h, 13e Sarah Ferri + Zinger Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 13/11,5e Apparat + Nosedrip Gand, Culturell Centrum Vooruit, 19h, 22/19,5e Madeleine Peyroux & Band Bruxelles, L’Ancienne Belgique, Flex, 20h, 28/25e
Lille, Splendid, 19h, 22e Roots Manuva + Ben Sharpa & 4 DLS Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17/14e Dillon Lille, La Péniche, 20h, 9e The Antlers + I Am Oak Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ Flex, 20h, 21/18e Boy & Bear Bruxelles, Le Botanique/ Rotonde, 20h, 16/13/10e
Mar 24.04 Botibol + Pharaos Lille, La Péniche, 20h, 10e Daniel Darc + Greenshape Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 22/17e Major Lazer Bruxelles, Le Botanique, Orangerie, 20h, 22/19/16e Scott Kelly + Oldseed Courtrai, De Kreun, 20h, 10/7e Alexander Tucker Leuven, Stuk, 20h, 9/7/5e Kakkmaddafakka + Alpha 2.1 Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/6/4e 80’s Kitch : Geno Side Bruxelles, Madame Moustache, 22h, gratuit
Drums Are For Parades Liège, La Caserne Fonck, 20h, 13,5e
Mer 25.04
Superlijm + JFJ Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 11/8/6/5e
Soul Jazz Records Sound System Bruxelles, VK* Concerts, 19h, 14/11e
Hayvanlar Alemi... Courtrai, De Kreun, 20h, 10/7e
Lun 23.04 Sleep Party People... Bruxelles, Magasin 4, 19h, 7e The Black Box Revelation + The Minutes + Citizens!
Russian Red Lille, L’Hermitage Gantois, 19h, 17e Radio Moscow Bruxelles, VK* Concerts, 19h, 14/11e Perry Rose Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 18/15/12e
Retrouvez l’intégralité des concerts sur
Groundation + Broussaï Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 24/21e King Charles Lille, La Péniche, 20h, 11e Matthew Dear + Balthazar Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20/17e From&Ziel Maison Folie Wazemmes, 20h30, 3€ 1995 + C2C + Beat Assailant Lille, L’Aéronef, 21h, 27,50e
Jeu 26.04 Jim Thirlwell Courtrai, De Kreun, 20h, 13/10e David Bartholomé La Louvière, Le Splendide (chapiteau) , 20h, 17e Lescop Lille, La Péniche, 20h, 8e Ben Howard Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17/14e La Otracina + In Zaïre... Marchienne-au-Pont, Rockerill, 20h, 5e Roberto Fonseca Bruxelles, L’Ancienne Belgique, AB Théâtre, 20h, 19/16e
Ven 27.04
Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 26/23e Sporto Kantès Lille, L’Aéronef, 20h, 16/11e Motorpsycho Courtrai, De Kreun, 20h, 20/17e Charles Bradley... Bruxelles, Le Botanique, Orangerie, 20h, 19/16/13e Cactus in Love Comines, Le Nautilys, 20h, 3/2e Wally + Serge Llado Mouscron, Centre Marius Staquet, 20h30, 30e Neonlight + Thrasher + Wasp + Speedwagon... Anvers, Petrol, 22h, 16/13e
DJ Sneak + Tomaz... Anvers,Café d’Anvers, 23h, 12e
Dim 29.04 The Lemonheads Anvers, Trix, 19h, 21/18e Jules & Jo Mouscron, Centre Marius Staquet, 19h, 12e Patrick Watson Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 20/17/14e Marcus Miller Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ Flex, 20h, 30/27e
Sam 28.04
Tinariwen Lille, L’Aéronef, 20h, 23/19e
Monsieur 13 Mouscron, Centre Marius Staquet, 19h, 12e
Lun 30.04
Lefties Soul Connection Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 11/8/6e
Peter Von Poehl.... Arlon, Ancien Palais de Justice, 19h, 18/15e
The Experimental Tropic Blues Band + Serious Kids.. Marchienne-au-Pont, Rockerill, 20h, nc,
Alabama Shakes Bruxelles, L’Ancienne Belgique/ AB Club, 20h, 12e
The Stranglers Leuven, Het Depot, 19h, 29e Daniel Hélin Mouscron, Centre Marius Staquet, 19h, 12e
The Cribs Bruxelles, Le Botanique/ Orangerie, 20h, 20/17/14e
Don Nino + Sam Nolin Lille, La Péniche, 20h, 8e
Royal Baths Lille, La Péniche, 20h, 9e
Liz Green + Monogrenade Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 11/8e
Motorpsycho Leuven, Stuk, 20h, 21/19/17e
The Dandy Warhols
Les Rossignols + Impro Swings Mouscron, Centre Marius Staquet, 20h30, 30e
Alexkid + Seuil... Anvers,Café d’Anvers, 23h, 12e
Dum Dum Boys + Dirty Primitives Lille, L’Aéronef, 20h, 8/4e
MOTORPSYCHO... Courtrai, De Kreun, 20h, 20/17e
20h, 10/8/6e
Daniel Darc Arlon, L’Eglise du Sacré-Coeur, 20h, 28/25e Wallace Vanborn... Diksmuide, Muziekclub 4AD,
Arbouretum Lille, La Péniche, 20h, 9e Admiral Freebee + Intergalactic Lovers... Gand, Culturell Centrum Vooruit, 20h, 20/17e Gérald Genty + Les Tistics Mouscron, Centre Marius Staquet, 20h30, 40e Ten Years Culture Club : A-Trak + Martin Solveig + Crookers + Don Diablo + Ghent Bangers + Sub Focus & MC LD + DJ Fresh + Murdock + One87 + TLP + Gus & Sense + Black Frank Gand, Culture Club, 23h, 35/27e
le mot de la fin |
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Photographe pour l'AFP le jour, Janol Apin ne rejoint pas son terrier le soir venu. Non ! Cet adepte du jeu de mots et de la mise en scène insolite court d'autres lièvres dans le métro parisien. L'animal bondit de station en station et signe des clichés poétiques et ludiques. À lire / Métropolisson (Éd. LaCarothe) - À visiter / www.janol-apin.com