let'smotiv nord et belgique n°60

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n°60

/ février 2011 / GRATUIT

nord & belgique Cultures et tendances urbaines



Sommaire

Merzouki, boxe boxe © M. cavalca // Reportage © Steven Siewert / Oculi // Portrait, Yelle Papyrus With Sticks © Gregoire Alexandre.

Let’smotiv - Février 2011 - #60

06 News

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Rencontre Jérémie Assous contre L'île de l'exploitation Reportage Le rockabilly : la fureur de vivre

26 Portrait

Jean-Paul Lespagnard sous toutes les coutures

30 Portfolio Cathleen Naundorf

38 Musique Allo Darlin'+ Young Michelin, Cocoon, Anna Calvi, Gonzales,

Timber Timbre, PJ Harvey, Festival d'Hiver Rock, Sisters of Mercy, Suuns

50 Cinéma Black Swan, Le FIFA de Mons, les nanars, John Ford… 56 Exposition Zoonomia, Simone Lueck et Leonard Freed, Ceci n'est plus Beyrouth, Je rêve et je fais, Du Plancher au Podium… Agenda

68 Théâtre

Gaspard Proust, festival de Liège, Notre Terreur, Corps Furieux, Lady Camilla, Mourad Merzouki, Bruno Buffoli, CCN de Nantes… Agenda

86 Littérature Le Café Livres 88 Livres Safran Foer, Ellroy, Charles Portis, Eric Chauvier, Christian Garcin 90 Disques Discodeine, The Streets, James Blake, Voyage 2, Melismell

92 Agenda concerts

98 Le mot de la fin

Martin Vidberg a décidément la patate !


Let’smotiv Nord & Belgique 114 rue Barthélémy Delespaul - F-59000 Lille Tél : +33 362 64 80 09 - Fax : +33 362 64 80 07

redaction.nord@letsmotiv.com Let’smotiv Nord & Belgique est édité par la Sarl Tacteel Membre du réseau Let’smotiv Magazines Tacteel, Sarl au capital de 5 000 euros RCS Lille 501 663 769 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours Directeurs de l’édition : Loïc Blanc & Nicolas Pattou Rédaction : Judith Oliver - redaction.nord@letsmotiv.com GraphisME : Cécile Fauré - cecile.faure@urban-press.com Publicité: pub.nord@letsmotiv.com

Ont collaboré à ce n° :

Thibaut Allemand, Faustine Bigeast, Loîc Blanc, Audrey Chauveau, Olivier Clairouin, Mathieu Dauchy, Florent Delval, Grégory Escouflaire, Edlef Kowalyk, Marie-Lucile Kubacki, Alex Masson, Cathleen Naundorf, Raphaël Nieuwjaer, Marion Quillard, Steven Siewert, Noé Vercol, Martin Vidberg, Olivia Volpi

Couverture : Cathleen Naundorf, www.cathleennaundorf.com diffusion : C*RED

www.letsmotiv.com Let'smotiv Bordeaux

Let’smotiv Méditerranée

Let’smotiv Bruxelles

Let’smotiv Toulouse

31-33 rue Buhan - 33000 Bordeaux Tél : +33 556 52 09 95 - Fax : +33 556 52 12 98 redaction.bordeaux@letsmotiv.com Tél : +33 362 64 80 09 - Fax : +33 362 64 80 07 redaction.bruxelles@letsmotiv.com

Let'smotiv Lyon

BP 2172 - 34027 Montpellier Cedex 1 Tél : +33 499 61 51 12 - Fax : +33 467 92 26 43 redaction.med@letsmotiv.com 18 rue des Couteliers - 31000 Toulouse Tél : +33 561 14 03 28 - Fax : +33 561 14 25 22 redaction.tlse@letsmotiv.com

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Let’smotiv est une publication d’Urban Press, www.urban-press.com 18 rue des Couteliers - 31000 Toulouse Tél : +33 561 14 03 28 - Fax : +33 561 14 25 22 - info@urban-press.com Directeur de la Publication : Laurent Buoro Directeur du Développement : Loïc Blanc Rédacteur en chef : Nicolas Pattou Rédactrices en chef adjointes : Léa Daniel - Judith Oliver Secrétaire de rédaction : Carole Lafontan Direction Artistique : pao@letsmotiv.com Cécile Fauré, Christophe Gentillon

Publicité Nationale : Stéphanie Ganet, +33 561 14 78 37 pub@letsmotiv.com Régie publicitaire : Proxirégie : salvatore@proxiregie.fr Administration : adm@urban-press.com Impression : Imprimerie Ménard, 31682 Labège Papier issu de forêts gérées durablement

L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. ı Magazine gratuit - Membre de l’OJD, Bureau de la presse gratuite d’information. ı Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.



Museum Night Fever, hard to heart © DR

En bref… Museum Night Fever

Utiliser les mots « Museum » et « Fever » dans un même slogan relève clairement de l’oxymore : faire la fête dans un musée ? Et pourquoi pas clubber au milieu des Magritte, tant qu’on y est ? Brussels Museum se propose pourtant de ramener les jeunes en ces murs si souvent désertés par les moins de 50 ans. Au programme : des activités ludopédagogiques dans 19 musées bruxellois, suivi d’une grande afterparty dans le hall du Bozar, avec en vedette le groupe pop-wave New Young Pony Club. Nos coups de cœur ? Les concerts du label Debonair au Musée BELvue, et le bal Renaissance au Palais Coudenberg. ❥ 26.02, 19h>1h, Bruxelles, 19 musées, www.brusselsmuseums.be

© Michal Batory

Tête d'affiche

Télex

Oubliez Michal, Polonais maigrichon éliminé en finale de la Star Academy. Celui qui nous captive ici, Michal Batory, est rien moins que l'un des (voire le) meilleurs affichistes contemporains. Jusqu'au 22 mai, les Arts Décoratifs de Paris rendent hommage à son univers unique, empreint de surréalisme, qui a marqué les esprits ces vingt dernières années. Y sont présentées une centaine de réalisations grand format, dont les affiches photographiques réalisées pour des institutions culturelles (Théâtre de la Colline, Théâtre de Chaillot, Radio France...), où l'objet le plus banal devient prétexte à un jeu poétique. Un évènement. ❥ www.lesartsdecoratifs.fr L'ironie fait bien les choses : Mel Blanc, célébrissime doubleur de Bugs Bunny, était allergique aux carottes. Ça vous cloue le bec (de lièvre) ? // Le saviez-vous ? Charlie Chaplin s'est fait refouler à un concours de sosies de... lui-même à San Francisco. Un gag révélé par Joyce Milton (The Life of Charley Chaplin, 1996).


news |

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Vers l’infini et l’au-delà !

Après le Salon du Divorce, ses cours de cuisine en solo et de pensions alimentaires, voici... le Salon de la Mort ! Au Carrousel du Louvre (Paris), du 8 au 10 avril prochains, les agents de la Faucheuse nous rencardent sur leurs meilleurs services ante/postmortem. Lors de cette première mondiale – et oui ! -, l'on pourra ainsi gaiement choisir son suaire, sa couronne mortuaire, réajuster son assurance vie, prévoir une crémation écolo pour belle-maman ou encore réaliser sa propre vanité high-tech, via le concours d'un duo de designers... Mortel, hein ? ❥ www.salondelamort.com

Plan Social !

Le Medef en rêvait, ils l'ont fait ! Licencier la vermine syndicaliste et la racaille salariée tout en graissant la patte d'hommes politiques cupides, voilà qui est désormais possible ! Les règles de ce jeu de cartes, imaginé par des Rennais sont simples. à la manière du Uno, chaque actionnaire doit se débarrasser au plus vite des cartes « salariés » (aux illustrations franchement douteuses) pour gagner le droit de délocaliser tranquillement dans un pays totalitaire. Un jeu ludique et cynique, pour grincer des dents en famille... ❥ marwanny.biz

héros animé

comestible

Comment devenir un ninja gratuitement ?

Telle est l'une des centaines de questions absurdes compilées par l'excellent blog du même nom. Hautement divertissant, ce site recueille d'authentiques recherches sur Google. Classées par thème, ces perles nous délectent d'associations improbables (« plaque cuisson moyen âge »), autant qu'elles révèlent notre usage des moteurs de recherche, entre phrases toutes faites (« mon poisson clown est moins rouge que l’autre ») et questions naïves (« Est-ce que le soja accélère la repousse des poils ? »).

Siné au ciné, ou l'occasion rêvée de débattre de l'irrévérence du dessin de presse avec journalistes et illustrateurs. Mourir ? plutôt crever ! Au Cinéma l'Univers à Lille, le 24.02, 18h30 // 312 fois en 365 jours. Telle est la récurrence moyenne des disputes conjugales, d'après une récente étude anglaise. Avec un pic avéré (3000 sondés), le jeudi à 20h.


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Dub en stock C’est LA soirée à ne pas manquer, et pour cause : Moritz von Oswald (aka Maurizio), légende vivante du dub synthétique, moitié de Rhythm & Sound et du label Basic Channel, débarque à Bruxelles le temps d’une soirée « carte blanche ». Au programme, rien moins que son trio avec Vladislav Delay et Max Loderbauer. Et aussi de la Bass Music certifiée d’Outre-Manche : Peverelist, Mala de Digital Mystikz et le disquaire Mark Ainley. On en oublierait presque Tikiman alias Paul St. Hilaire, dont les riddims reggae devraient enfumer bon nombre de cortex. Exceptionnel, on vous dit ! ❥ 26.02, 20h, Bruxelles, Recyclart, 15/13€, www.recyclart.be

Si les divisions culturelles et linguistiques font la une des journaux, les Belges n'hésitent pas à s'unir sous une même bannière : l'humour. à côté de la grève du rasoir de Poelvoorde (unebelgiqueaupoil.be), deux sites éloquents traduisent avec force ironie le désarroi des citoyens. Le premier, Camping 16, propose de camper virtuellement au 16 rue de la Loi pour exiger un remboursement des impôts si un gouvernement n'est pas formé rapidement (un délai de 100 jours maximum). Le second, lerecorddumonde.be, compare en temps réel les records du monde de pays sans gouvernement. Attention ! Le compte à rebours est déjà bien entamé !

Charles Krafft © DR

L'humour a des limites

Attention fragile ! Ce skate aurait toute sa place au musée, aux côtés des objets impossibles de Wim Delvoye. Car dans la lignée ironique du Belge, auteur, entre autres, d'un goal en vitraux traditionnels ou d'une bétonneuse en céramique, Charles Krafft ne manque pas d'ironie. Ses dernières oeuvres en porcelaine peintes à la main en témoignent (grenade, Kalachnikov...). Reste que pour réaliser le moindre Kickflip ou Ollie avec une planche aussi fragile, il faudra commencer par toucher du bois. ❥ far4.net

Télex

Silly est la Première commune wallonne à adhérer au réseau des « villes lentes ». Elle applique donc scrupuleusement les principes de la slow food : potager dans les écoles, produits locaux en têtes de gondole, réduction de l'éclairage public et des pollutions sonores, comme ses 130 homologues dans 19 pays.






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Jérémie Assous L'île de l'exploitation Propos recueillis par ¬ Thibaut Allemand Photos ¬ DR

Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur

« J’aurais jamais cru que Jessica me ferait ça ! » ou « Kevin m’a trahie, mais je l’ai trompé aussi, LOL ! ». Bienvenue dans L’île De La Tentation, ou une télé-réalité du genre. Et quoique vous pensiez de ces candidats, ils travaillent, comme l’explique Jérémie Assous. Cet avocat, également chargé de la scandaleuse affaire de Tarnac*, démontre que ces participants, corvéables à merci, méritent salaire. L’affaire prête à sourire. Mine de rien, elle interroge surtout les notions de profit, de travail ou de vérité. Faites entrer l'avocat. Comment vous êtes-vous retrouvé en charge de ce dossier ? Un participant avait cédé des photos de lui à un magazine. Or, son contrat à L’île de La Tentation 2003 stipulait qu’il cédait son image, son nom et sa signature pendant cinq ans, sans aucune contrepartie, au producteur. Cette clause m’est immédiatement apparue infondée.

Au vu de l’attitude de TF1 à son égard, des conditions de tournage et les prestations qu’on lui demandait, je considérais non seulement que cette cession était illicite mais surtout que le contrat conclu devait être requalifié en contrat de travail. Il était alors en droit de demander l’ensemble des indemnités qui découlaient de cette requalification. >

*On revient sur cette affaire aussi ubuesque que significative en compagnie de l’avocat sur le site www.letsmotiv.com


Un CDD lui avait-il été proposé ? Non, jamais. La particularité d’une émission de télé-réalité, c’est que les candidats doivent être à la disposition du producteur en permanence, 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Faire travailler quelqu’un dans ces conditions est totalement illégal et contraire aux règles élémentaires régissant le droit du travail. Aurait-il fallu légiférer dès Loft Story, en 2001 ? Non, pas besoin de nouvelle loi. La

législation sociale existante suffisait. Le CSA avait averti les producteurs en 2001, puis en 2005, qu’il s’agissait d’une relation salarié/ employeur. D'ailleurs, John Demol, fondateur de la télé-réalité, l’a toujours présentée comme une fiction réelle interactive. La magie, c’est d’avoir réussi à faire croire que les acteurs étaient libres de leurs mouvements, qu’ils n’étaient pas dirigés par le producteur, ce qui n’a jamais été le cas. Mais les candidats de la télé-réalité ne récitent pas un texte ? Détrompez-vous. On demande aux candidats de jouer le rôle pour lequel ils ont été embauchés : le séducteur, le jaloux, l’infidèle, la sentimentale… Tout est scénarisé, mis en scène et monté au quart d'heure près. Le budget d’un tournage de L'Île de La Tentation, c’est 4,5 millions d’euros. Les producteurs envoient 120 techniciens


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« La télé-réalité n’est que le dernier avatar du sitcom. » à 8 000 kilomètres de Paris, et doivent obtenir toutes les images nécessaires en seulement deux semaines. Aucun hasard, aucun retard n’est permis : chaque jour de tournage représente environ 200 000 euros. Quasiment les conditions d'une série télé... En effet, la télé-réalité n’est que le dernier avatar du sitcom : une succession de situations préétablies. On choisit trente personnes parmi dix mille. Les candidats répondent à une centaine de questions sur leur vie privée, leurs émotions, leurs goûts alimentaires, sexuels, etc. Grâce au profil psychologique obtenu, la production sait très exactement comment les candidats réagiront à des situations données. Il suffit alors de les créer. C’est une œuvre de fiction, dont les droits de licence appartiennent à la Fox. TF1 ne fait qu’acheter ces droits afin d’exploiter cette œuvre (avec les fiches casting, les tenues, le nombre de techniciens nécessaires). Tout est programmé. Il

suffit de suivre ce qui est prévu pour avoir une émission qui marche. Et ce, dans quinze pays.

Justement, quelle est la situation juridique dans le reste du monde ? Aux USA, le droit du travail est moins protecteur qu’en France, mais lorsqu’on est condamné, on s’expose à des « dommages et intérêts exemplaires ». Les participants de L'Île de La Tentation ont le statut d’acteurs. Des pays comme la Suisse ont respecté directement la loi. Endemol a produit des contrats de travail dès 2003. Mais jusqu'à quel point ces candidats travaillent-ils ? Le travail, c’est la convention selon laquelle une personne se met sous la subordination d’une autre personne, physique ou morale, pour exécuter une prestation en contrepartie d’une rémunération. Ce n’est pas incompatible avec le plaisir. Nicolas Hulot a voyagé autour du monde, sauté en parachute... C’était passionnant pour lui, et personne n’a nié le fait qu’il travaillait. Mieux : la notion de travail n’est pas incompatible avec la notion de ne rien faire. Le chauffeur d’un grand patron qui attend son employeur durant >


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deux heures devant un restaurant peut dormir, appeler ses amis, regarder la télé... Ou ne rien faire du tout. Et pourtant, il travaille, car il reste à la disposition de l’employeur. En fait l’important, dans le travail, n’est pas ce que vous faites, mais pour qui vous le faites. Manger, en soi, n’est pas un travail. Mais si c’est pour un guide gastronomique, cela le devient. Ce litige apparemment anecdotique engage de vraies questions sociales... Tout à fait. La requalification de ces participations en contrat de travail est devenue un cas d’école. Ça passionne les juristes, les plus prestigieuses revues de droit à travers le monde ont commenté cette affaire. Car la question la plus importante, c’est « Qu’est-ce

que le travail ? ». Cela a des incidences extrêmement positives, notamment pour les intermittents du spectacle ou les personnels du secteur audiovisuel ou radiophonique qui multipliaient les CDD d’usage. N’empêche, en devenant avocat, ne rêviez-vous pas de défendre des causes plus nobles que celle d’une douzaine de gugusses à la plage ? Je suis avocat, je défends des personnes qui me le demandent. Ce serait très prétentieux et idiot de dire qu’il y a une cause plus noble qu'une autre. Quelle que soit l’affaire, elle est très importante pour la personne qui vient vous voir. De plus, en l’espèce, la définition du travail est une cause des plus nobles. /



Rockabilly

La Fureur de vivre texte ¬ Judith Oliver photos ¬ Steven Siewert , Agence VU', Oculi


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Témoin au mariage de Matt et Kat, Jonno s'offre une pause bien méritée dans les bras de son Américaine ( Sydney, mars 2005).


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La tendance n'a pas dû vous échapper. Depuis quelques mois, difficile de feuilleter un magazine sans tomber sur des litres d'eye-liner, des lunettes papillons et des chignons crêpés. La brèche ouverte par Dita Von Teese et Amy Winehouse n'est pas prête de se refermer. Sur les podiums* comme sur le papier, les robes de pin-up fleurissent entre autres blousons noirs, foulards noués et talons compensés. à en croire les experts (de la mode), l'année 2011 marquerait « le grand retour du rockabilly ». Sur les platines et dans les placards. Les spécialistes du mouvement, eux, s'amusent beaucoup de cette prophétie. à commencer par le photographe australien Steven Stiewert : « Are you kiddin' me ? Rockab' never died ! ».

P

hoto-journaliste reconnu, Steven Stiewert est un passionné. Depuis des années, il suit les évènements-clés du calendrier rockabilly australien pour immortaliser bananes gominées et vieilles Américaines. Dans les bars de Sydney, à la Foire Fifties de Seider House ou à l’annuelle Greazefest Kustom Kulture Festival de Brisbane, Steven croise essentiellement des puristes. « Des collectionneurs avérés, qui vivent comme dans les années 50. Ils ne se contentent pas de quelques fringues vintage : ils meublent leurs maisons de pièces rares et de tableaux d'époque et ne jurent que par les voitures anciennes ! Certains regardent même la TV en noir et blanc et poussent jusqu'à une certaine galanterie vieille

école ». Sur l'antique électrophone, des pressages originaux d'Elvis, de Carl Perkins, de Johnny Cash, Charlie Rich ou Roy Orbison. Mais aussi des 45T des Cramps, des Stray Cats ou des Meteors. Dites, Steven, a-t-on affaire à une bande de nostalgiques prêts à tout pour arrêter le temps ?

Happy Fifties « Rien à voir avec la nostalgie ! Ces adeptes-là n'étaient même pas nés dans les années 1950 ! ». Alors de quoi s'agit-il ? « On touche à une forme de rejet de la consommation et de la production de masse. Ce ne sont pas simplement des petits jeunes qui redécouvrent Elvis ! Il y a aussi un amour sincère de la mode, de la verve et des couleurs de cette >


Pia et Astred posent devant une caravane d'époque à la Foire Fifties (Sydney, août 2006). Activité Hula Hoop au Parc du Centenaire (Sydney, juillet 2006).



Sieste au soleil pour Robyn et Pia après le rassemblement rockab' du Centenaire (Sydney, juillet 2006). Pique-nique à l'ombre d'une authentique poussette fifties (Sydney, août 2004). Portrait d'une femme dans sa Ford Falcon XP (Brisbane, 2005, GreazeFest Hot Rod Show).


« Le rockab' a gardé intacte sa fougue contestataire » époque, qui rompaient avec le rationnement et le tout fonctionnel ». On a tendance à l'oublier, mais le rockabilly est considéré comme le premier courant « rebelle » du rock'n'roll. Inscrit de plain pied dans cette décennie exubérante, ce mélange de rock et de hillbilly (textuellement, « musique de ploucs »**) accompagne de nombreux changements sociaux. La revendication d'une certaine insouciance, le refus de l'éducation austère des années 40 et l'affirmation d'une nouvelle catégorie entre l'enfance et l'âge adulte, les « teenagers ». Dans les textes, il est d'ailleurs question

de fêtes, de voitures, de vie à cent à l'heure, de relations fille-garçons (ou parents-enfants) et de frustrations adolescentes. Mais attention... si les thèmes font voler les jupes, le mouvement, lui, n'a rien de superficiel. Porté par les mythiques That's all right (Elvis Presley, 1954) et Blue Suede Shoes (Carl Perkins, 1956), le rockab' a le don d'horrifier les conservateurs et ségrégationnistes sudistes. à leurs yeux, ces jeunes-là ne sont qu'une bande de mal élevés. Quelle idée de puiser ainsi dans les musiques noires une diction hoquetante, des slaps nerveux et cette fichue rythmique enlevée ?


L'attention portée à la banane peut atteindre des sommets, surtout chez les adeptes de psychobilly. La Rose Seidler House de Wahroonga est l'occasion rêvée de défiler en tenues d'époque (Sydney, 2003).

Phénix Encore aujourd'hui, le rockab' a gardé intacte sa fougue contestataire. Au Japon, Steven Stiewert a suivi un groupe de Harajuku (blousons noirs, bananes et creepers) qui brandit cette culture comme un emblème. « C'est une forme d'exhibitionnisme rebelle contre le rigorisme de la société nippone », explique Steven. Et de poursuivre « C'est ça qui est fascinant avec le rockab': il a toujours existé, sous une forme ou sous une autre. Depuis les années 1950, il ne cesse de revenir, porté par des souscultures et des courants musicaux. Il y a par exemple eu un retour en force du rockab dans l'Angleterre des Ted-

dy Boys, puis à travers une multitude de groupes dans les années 1980, comme les Smiths (et plus encore Morrissey) influencés par les sonorités rockab'. » Le rockabilly serait-il tel le Phénix, renaissant mille fois de ses cendres ? « Cette culture a influencé notre vie quotidienne bien plus qu'on ne veut l'admettre. à Sydney, ses adeptes combinent l'héritage avec le meilleur de la vie moderne. L'égalité homme-femme, la répartition égale des tâches, les droits des minorités... personne ne voudrait revenir là-dessus ». Et de conclure : « The interesting thing about rockabilly, is that it's ever evolving ». Dans la langue du King, s'il vous plaît. /

* Gucci, les frères Bitton, Christopher Kane... ** « Hillbilly », désigne avec mépris les montagnards sudistes, qui, en plus de la country, appréciaient le rhythm'n'blues et le blues, en vogue dans ces régions.



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Jean-Paul Lespagnard Sous toutes les coutures texte ¬ Florent Delval photo ¬ Jean-Paul Lespagnard, DR

S’il refuse l’étiquette d’iconoclaste, le jeune couturier Jean-Paul Lespagnard possède toutefois ce sens de la dérision éminemment belge. Instinctif, ce touche-à-tout évite de se poser trop de questions, même à un tournant de sa carrière. Après la fameuse collection « frites » qui lui a permis de gagner le prix du festival de Hyères (en 2008), il prépare sereinement sa première participation à la fashion week de Paris.

« J

ean-Paul vient juste de sortir, on ne sait pas où il est ! ». L'assistant revient cinq minutes plus tard les bras chargés de vêtements, mais la question reste : « Où est JeanPaul ? ». Le rendez-vous se déroule dans le foyer d’un théâtre, et bien qu’on n’imagine pas de lieu moins propice, c’est là que le créateur belge a élu domicile. La porte vitrée protège à peine l’atelier des allers et venues… Jean-Paul Lespagnard a besoin de ce mouvement permanent même

s'il doit rester concentré : c’est bientôt la Fashion Week. Certes, il ne peut être qu'à un seul endroit à la fois, mais, ça ne l'empêche pas de réfléchir aux costumes de scène de Meg Stuart avec laquelle il collabore depuis plus de quatre ans. La rencontre a eu lieu à la fin d’un spectacle. Meg se souvient encore des sabots qu’il portait. Avec elle, il a découvert qu’il pouvait aller partout. « Ce que je fais en mode nourrit le projet de Meg, mais l’inverse est encore plus vrai ». >


Exercices de style S’il se réjouit d’avoir croisé Cathypill1 et apprécie le travail de Sandrina Fasoli, il avance en solitaire, ne recherche pas les collaborations avec ses pairs. Rien ne l’ennuie plus que « la mode qui s’inspire de la mode ». On ne le retrouve donc jamais où l’on pense. Souvent, placé dans le sillage de Walter de Beirendonck2 ou de Bernhard Willhelm, il ne se reconnaît pas dans la figure de l’iconoclaste de service. « Je n’ai pas envie d’être le jeune créateur qui arrive, qui fout une bombe et qui s’en va. (…) Je ne sais pas si tu es déjà allé à Salzburg… Imagine des vêtements très classiques pour des dames qui vont à l’opéra. (…) Ça me plaît d’être à la fois très respectueux des traditions, et de pouvoir les tourner en dérision ».

Frites et cowboys Il avouera aussitôt que sa notion de la tradition est un fantasme, constitué de toutes pièces, une idée tirée de l’enfance. « Quand j’ai dit que je voulais faire de la couture, mes tantes m'ont présenté les robes qu’elles gardaient précieusement, Balenciaga etc. Elles m’ont appris l’amour des vieux vêtements bien faits, avec des biais. Quand tu regardes mes vêtements, tu vois que je suis obsédé par les biais. J’essaie de limiter les doublures et de préserver les traces de construction des vêtements ». En se penchant sur son berceau pour lui transmettre le don de la couture, ses tantes (qu’on imagine un peu fées) lui ont aussi inoculé le goût du conte. Aussi, Jean-Paul Lespagnard s’invente des histoires, pour lesquelles il crée des costumes. « Avec des références surtout claires pour moi... à Hyères, tout le monde me parlait d'une


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« Être à la fois très respectueux des traditions, et pouvoir les tourner en dérision. » collection « frites ». Mais, il s'agissait plutôt de l’envie de se barrer pour vivre son rêve. C’était l’histoire d’une fille qui travaillait dans un fritkot3 et qui rêvait de partir au Texas pour rencontrer un cowboy qui devenait clown de rodéo ». Comme il se les raconte à lui-même,

ses histoires renferment chacune une part autobiographique. C’est un secret, mais sa prochaine collection racontera justement un nouveau chapitre de la vie de ce jeune créateur très prometteur. Pour se la laisser conter rendez-vous à la Fashion Week. /

Cathy Pill, créatrice de mode belge réputée pour son habile utilisation des tissus imprimés et des formes géométriques. Walter Van Beirendonck, membre de la bande des six (Ann Demeuleumeester, Dries Van Noten...), connu pour ses collections futuristes, inspirées de la S.F, du monde des clowns, et son travail sur les matières plastiques. 3 baraque à frites. 1

2

à voir / Fashion Week, du 1er au 09.03, Paris à visiter /www.jeanpaullespagnard.com, www.myspace.com/jeanpaullespagnard


Cathleen Naundorf

portfolio |

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The golden age II, bijoux De Grisogono, modèle : Shan (Slides agency).


Philip's hand, philip treacy, atelier de l'artiste, modèle : Ira (Mademoiselle agency).


Le bal des masques, Philip Treacy, atelier de l'artiste, modèles : Ira (Mademoiselle agency), Yiqing (Angels & Demons agency), Maguy.


The Kew Gardens, Philip Treacy (Chapeau), Cadolle Kew Gardens Londres, modèle : Lyndsey (Premier agency).


La fille en plaĚ‚tre IV, Dior, Les Ateliers du style, Paris, modèle : Yulia Oleynik (Nathalie agency).


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L'amour passionnel, Boucheron, modèle : Vivianne G.V (Angels & Demons agency).

Le pont des arts Photographie // Paris // www.cathleennaundorf.com

« Cathleen Naundorf mêle avec une précision extrême les subtilités de l'Art et les codes de la mode ». Frédéric Fontan, directeur de la Reflexgallery, ne cache pas son admiration. Avant lui, les maisons Gaultier, Chanel, Dior ou Valentino sont tombées sous le charme de cette photographe allemande. Et, devant la beauté de ses polaroïds grand format, lui ont ouvert les portes de leurs collections. Pétrie de références picturales, qu'elle doit à ses études d'art et à son éducation familiale, Cathleen Naundorf compose dans le plus grand soin ses « tableaux ». Affinant la pose et sculptant la lumière comme son mentor Horst P. Horst, elle déniche avec son équipe des cadres insolites. Antiquaires, ateliers d'artistes et d'artisans, sites patrimoniaux... qu'importe, tant que l'âme du lieu révèle celle du bijou, du chapeau ou du vêtement. Pour sublimer ces joyaux de


Sweet Sleep, Elie Saab, Door Studio, Paris, modèle Bianca (wm agency).

texte ¬ Judith Oliver

haute couture, Cathleen Naundorf puise bien sûr dans le cinéma, la sculpture et la peinture. Mais elle emprunte aussi beaucoup aux cultures découvertes lors de ses nombreux voyages. Sa dernière série, A Diamond Supper, tient ainsi dans un sublime équilibre, citations de la Cène, clins d'œil à la Renaissance, aux primitifs flamands ou aux surréalistes... et touches exotiques. Les couleurs passées, si particulières au polaroïd, servent cet habile mélange des époques et des arts. Et les effets de matière ne font qu'ajouter à leur caractère atemporel... Belle introduction à la Fashion Week de Paris ! / ❥ The Diamond Supper, jusqu'au 24.02, Paris, Reflexgallery (1er arr.), lun>ven 14h>19h, matins et samedis sur rdv, +33 1 55 34 78 18



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texte ¬ Thibaut Allemand photo ¬ Young Michelin © Nathalie Genot

Ligne claire Casse-tête classique pour les programmateurs : « On a la tête d’affiche, faut désormais trouver une première partie... ». En vain, parfois. D’où ces concerts où l’on se pointe en retard avant de filer au bar, en attendant le grand nom. Disons-le tout net : il est rare qu’une soirée forme à ce point un ensemble cohérent. Il existe une véritable communauté d’esprit entre les Anglais d’Allo Darlin’ et les Français de Young Michelin. Pas sûr qu’elles se connaissent, mais les deux formations ont débuté de la même façon : modestement. L’Australienne Elisabeth Morris courait les open mics londoniens armée d’un ukulélé (misère...) avant de s’entourer d’une bande de musiciens qui ont offert du coffre à ses chansons. De son côté, en vacances de son groupe Dondolo, Romain Guerret bricolait, seul avec sa guitare et sa groovebox, et rappela ses Copains lorsque vint le temps des concerts. Revival ? Et chacun, dans sa langue natale, de conter des souvenirs liés à l’enfance, au retrait du monde... Une petite grammaire des âmes sensibles, conjuguée à des mélodies à la simplicité désarmante. Bien qu’ils s’en défendent, Allo Darlin’ et Young Michelin font partie d’un revival twee pop encore flou. Une génération qui a redécouvert la C-86 et un certain sens de la pop indépendante, façon Pastels et Sarah Records. Si Allo Darlin’ renvoie aux Magnetic Fields, à Belle & Sebastian ou Camera Obscura, Young Michelin évoque tour à tour The Field Mice ou les premiers Cure. Des influences dont Romain Guerret se méfie : « J’adore ces groupes, mais derrière, faut être à la hauteur ! » Pas de problème de ce côté-là. / ❥

ALLO DARLIN’ + YOUNG MICHELIN 26.02, 20h, L'Aéronef, 8/4€, +33 320 13 50 00


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texte ¬ Audrey Chauveau photo ¬ Bottalico

L’histoire sans fin Il était une fois un petit garçon qui rencontrait Yum Yum, une baleine volante qui avale les cauchemars pour donner du bonheur. Ce conte aux allures de parcours initiatique illumine le deuxième album (Where the oceans end) de Cocoon. Retour sur la chevauchée fantastique du duo pop-folk clermontois. Mark Daumail (chant, guitare) et Morgane Imbeaud (voix, claviers) n’avaient pas 20 ans quand ils ont créé Cocoon. Pourtant, leur premier album My Friends All Died in a Plane Crash, pétri de fraîcheur et de spontanéité, a immédiatement séduit le public et la critique. L'entêtant On my way et les « Hellos » susurrés de Chupee, ont d’ailleurs été repris à l'envi par le cinéma et les publicitaires. Un succès international et une tournée triomphale ont ensuite transformés les folk singers du pays des volcans en étoiles filant vers un destin mondial. Le conte se poursuit aujourd’hui au fil de Where the Oceans end enregistré avec Ian Caple. La simplicité est toujours de mise, l’hommage à un folk dépouillé et sensible ne se dément pas. Cocoon écarte toute mièvrerie et rend ses lettres de noblesse à la ballade. On dodeline alors gaiement de la tête sur Comets, puis l'on s'attarde sur les textes plus graves du nostalgique Baby Seal ou sur le paradoxalement aérien In my boat, composé par Morgane. Sur scène l’ambiance est à l’image du son, délicate et intimiste. Deux voix harmonieuses, un clavier, une guitare, des sourires et une musique qui percent nos cœurs d’enfant rêveurs. / ❥

COCOON 9.02, 20h30, Lille, L'Aéronef, 25,50e, www.agauchedelalune.com 13.05, 20, Bruxelles, Cirque Royal, 25e, +32 2 218 20 15



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texte ¬ Marion Quillard - photo ¬ Emma Nathan

texte ¬ Olivier Clairouin - photo ¬ Alexandre Isard

Anna Calvi

Gonzales

Les Inrocks ne parlent plus que d’elle et rien que pour ça, on devrait la détester. Vu sa plastique impeccable (qu’elle soit blonde, brune ou rousse, d’ailleurs), on devrait même avoir la jalousie facile. Mais c'est sans compter sur cette guitare impénétrable qui fait frissonner d’angoisse et de sensualité. Et ces morceaux bruts, suspendus à la voix fascinante de la jeune Anglaise. Sur scène, Anna Calvi n’est accompagnée que d’un batteur et d’une multi-instrumentiste. Et ce rien l’habille. Tous ceux qui ont suivi ses premiers pas, sans exception, racontent l’intensité de ses orages scéniques. L’album, lui, est sorti le 17 janvier. Certains la comparent déjà à PJ Harvey ou à Patti Smith. Pas tant, finalement, pour la filiation musicale que pour le plaisir d'assister à l'émergence d'un futur grand classique. /

à quatre ans, le petit Jason Beck se force à jouer du classique alors qu'il n'en pince que pour le jazz. Depuis « Gonzo » fait le clown, trace des lignes droites entre les genres musicaux, du hip-hop (Gonzales über alles) au classique (Solo Piano) en passant par l'électro (Ivory Tower, son dernier album). Quitte à choquer les puristes, il travaille aussi bien avec la coqueluche électro Boys Noize qu'avec Christophe Willem ou Feist. De ses débuts dans le rap, il a gardé un sens du défi manifeste et une certaine mégalomanie. Sur scène, le Canadien mélange ses tubes à des rengaines populaires. Avec un dédain tout dada, charentaises aux pieds, il apostrophe son public et dégaine parfois son iPad pour exécuter un morceau, son tube Never Stop étant justement utilisé pour la pub du joujou d'Apple. Gonzales n'en fait peut-être qu'à sa tête, mais il ne perd pas le nord. /

9.02, 20h, Bruxelles, Botanique, 15/12€, www.botanique.be

3.02, 20h30, Bruxelles, Stuk, 12/16€, +32 16 320 300 // 4.02, 19h30, Gent, Vooruit, 15,5/17€ +32 9 267 28 28



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texte ¬ Mathieu Dauchy photo ¬ Yuula Benivolski

Surprise Surprise Un groupe de folk canadien en concert au Grand Mix (Tourcoing), ce n'est pas un événement exceptionnel. Mais un concert de Timber Timbre, si on se réfère à celui qu'on a savouré à la Péniche à Lille en septembre dernier... promet un moment d'une intensité rare. Timber Timbre, c'est au premier abord une voix. Le Canadien Taylor Kirk ne chante pas, il susurre. Et la tanière où il envoie mourir ses vibratos sensibles donne toute sa noirceur aux ballades. Mais c'est d'un noir éclatant que se parent ces magnifiques comptines folk, toutes émoustillées qu'elles sont (et nous avec) d'être accompagnées d'ornements si justes : sur scène, rien de plus qu'un violon et un lap steel. Cela suffit à saisir l'audience - comme ils disent au Canada – et à l'envoûter pour de bon. Le troisième album de Timber Timbre est le premier qui ait réellement traversé l'Atlantique. Il a embarqué son auteur avec lui, surpris d'avoir disséminé sa musique jusque sur le Vieux Continent. Mais surtout d'avoir fait rougir les critiques les plus hypes, confessant avec honte et plaisir qu'elles n'avaient pas vu arriver ce prodige. C'est ainsi que Timber Timbre se retrouve fort légitimement parachuté dans les classements des meilleurs albums de l'année 2010. On peut appeler cela le « syndrome Bon Iver », du nom de ce songwriter américain qui avait été la surprise de 2008 (et qui avait ensuite abasourdi les spectateurs du Grand Mix). A croire que les Canadiens vivent vraiment reclus dans des cabanes isolées du Yukon. Tous penchés sur des consoles d'enregistrement. / ❥

Timber Timbre 22.02, Tourcoing, Grand Mix, 10/7€, +33 320 70 10 00



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texte ¬ Olivia Volpi - photo ¬ label 3

texte ¬ Edlef Kowalyk - photo ¬ Showstar © DR

PJ Harvey

D'hiver Rock

Polly Jean Harvey, c’est une artiste solo ou un trio, selon les époques. Eh bien, ces deux soirs, elle a décidé de s'afficher sous la forme d'un quatuor. Depuis ses débuts en 1992, cette icône de la scène rock anglaise ne fait jamais deux fois la même chose. Musique, coiffure, style, tout change d’un album à l’autre. Enfin, tout : reste une voix reconnaissable entre mille et un talent incontestable pour la composition. Apparemment son dernier album, Let England Shake sorti ce mois-ci, marque pour elle un retour aux sources. Élevée par des parents fans de blues, elle s’accompagne ici d’une autoharpe bluegrass de derrière les fagots, qu’elle mélange parfois avec des samples 50s tout à fait inattendus*. Let England Shake, donc, et nous avec. /

Ghinzu, Hollywood Porn Stars, My Little Cheap Dictaphone... le cru 2010 de ce festival avait ravi les oreilles de 2000 participants. Une affiche haute en décibels, qui, malgré les prises de risque, a fait sa réputation depuis sa création en 2002. Le défrichage, Jonathan Blondel y tient comme aux carreaux de sa chemise. Aux commandes du programme depuis la 3e édition, il sillonne les festivals pour dénicher de petits trésors. Et il n'a pas chômé : 27 groupes répartis sur trois salles, des cuistots déjantés de Hourra Torpedo aux expérimentations du Chapelier fou, du rockab' de The Irradiates au rock morbide de Dead Elvis, en passant par Monotonix ou le funk flamboyant d'Inspector Cluzo. la température risque de grimper à Tournai. /

* Istanbul (not Constantinople), des Four Lads

18 et 19.02, 20h, Bruxelles, Botanique (Cirque Royal), 43/39€, +32 2 218 20 15

Prog : (18.02) Red Soul, Lucie Carton, Bang Bang Bazooka, Peterpan Speedrock, Dead Elvis... / (19.02) Hourra Torpedo, Monotonix, Black Sheep, Chapelier Fou, Chevreuil, Inspector Cluzo, Willis Drummond, Tagada Jones, DAAU 18&19.01, Tournai, Maison de la Culture, 15/13€, pass 2j : 25/20€, www.maisonculturetournai.com



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texte ¬ Olivia Volpi - photo ¬ DR

texte ¬ Gregory Escouflaire - photo ¬ DR

Suuns

Sisters of Mercy Trente ans de carrière, c’est une sacrée performance, surtout quand elle est fondée sur trois albums studio à peine (dont le dernier remonte à 1990). Les Sisters of Mercy n’auront pas eu besoin d’en faire plus pour incarner la scène gothique : textes obscurs portés par la voix grave d’Andrew Eldritch, boîte à rythme* en guise de batterie et claviers atmosphériques. Gothiques à leur corps défendant, puisqu’ils estiment, eux, faire simplement du rock. Une identité torturée (très gothique, non ?) également illustrée par les nombreux changements depuis 1980 : ne restent désormais plus des fondateurs qu’Eldritch et Doktor Avalanche. Certains disent que leurs derniers concerts à l’AB (2009), c’était trop de fumigènes et pas assez de voix : gothique, donc. / *baptisée Doktor Avalanche et considérée comme membre du groupe

21 et 22.02, Ancienne Belgique, Bruxelles, 20h, 36/39€, +32 2 548 24 24

Ils auraient pu se trouver dans les tops de 2010, mais leur disque est sorti un peu tard. Par contre, cette année sera la leur : on ne se lasse pas de ce Zeroes QC… Post-pop tribale, psyché-rave, diskrautrock : peu importe l’étiquette, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Et comme le bon vin, voilà un groupe qu’on espère voir mûrir et devenir grand, très grand. Originaire du Canada, ce jeune et fringuant quatuor (la vingtaine) parvient sans cesse à nous surprendre, en sabotant ses mélodies sans les rendre caduques. Difficile de savoir : doit-on danser, bouger la tête ou jouer de l’air guitar ? Avec ses tubes en trompe-l’œil (Up Past The Nursery, PVC, Gaze), Suuns réussit la gageure d’être accessible et inventif. Vivement les coups de Sooleil ! /

24.02, 20h, Bruxelles, Botanique, 10/7€, +32 2 218 37 32 26.02, 20h, Courtrai, De Kreun, 12/10/7€, +32 56 370 644




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texte ¬ Alex Masson photo ¬ Twentieth Century Fox

Black Swan Fondu au noir

Sur le papier, le gracieux ballet de Black Swan n’a rien à voir avec le cauchemar narcotique de Requiem for a dream ou la tranche d’Americana de The wrestler. Pourtant, ce long métrage conforte la cohérence de l'œuvre de Darren Aronofsky. Et offre à Natalie Portman l'opportunité de muer en une immense actrice. Mais qu’arrive-t-il à Natalie Portman ? La jeune Américaine multiplie les films qui la débarrassent enfin de son étiquette de femme-enfant (merci Léon). Rien que ce mois-ci, on la retrouve dans Sex friends, sympathoche comédie romantique, où elle assume une libido dépourvue de sentiments, mais surtout dans Black Swan. Dans ce nouvel Aronofsky, elle incarne une ballerine accédant au graal : le rôle principal du Lac des cygnes. Une prestation qui ravive bien des névroses... Cette plongée dans la démence schizophrène de la danseuse étoile ronge jusqu’à l’os les thèmes d’Aronofsky : profond mal-être, manque d’estime de soi, pression sociale croissante jusqu'au point de rupture et de non-retour. Les choix très audacieux de mise en scène emmènent le film sur un terrain très personnel, notamment pendant la fascinante dernière demi-heure. Réel ballet d’images où virevolte une exceptionnelle Natalie Portman, prise entre les feux de l’ambition de ses proches et sa propre quête d’absolu. En explorant ainsi les limites du sacrifice Black Swan devient un film profondément émouvant. /

De Darren Aronofsky. Avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel... Sortie le 9.02


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texte ¬ Thibaut Allemand photo ¬ DR

texte ¬ Thibaut Allemand photo ¬ DR

Soiree « Free Party »

La Nuit du Nanar #02

En trois mois, les free parties sont devenues LE marronnier de Let’s Motiv. Mais que voulez-vous, c’est une question d’actualité : après avoir évoqué We Had A Dream, émouvant documentaire de Damien Raclot-Dauliac au sujet des Heretik, le sound system qui a cramé la capitale, puis signalé la parution de l’ouvrage passionnant de Guillaume Kosmicki (Free Party : Une Histoire, des Histoires), on ne peut passer sous silence la soirée organisée à l’Hybride le 18 février. Entre deux mixes assurés par Dfazé (LE sound system nordiste évoqué dans le bouquin), les auteurs présentent leurs œuvres et répondent à vos questions. Nous, on en déjà deux sous le coude : pourquoi Kosmicki at-il passé sous silence la scène breakcore et un crew comme Peace Off ? Et plus prosaïquement : c’est où l’after ? /

L’Univers, chouette salle à la prog’ éclectique, consacre une nuit entière aux films navrants, tellement ridicules qu’ils en sont drôles, bref, aux nanars. Question : c’est RTL9 sur écran géant ? Non, malheureux ! Le charme du nanar réside aussi dans son absurdité et sa rareté. Si d'aucuns se sont ennuyés devant L’Attaque de la Moussaka Géante (1999), les (trop) longs-métrages proposés ce soir sont quasiment introuvables, sinon sous forme d’obscures VHS crapoteuses. N'empêche, Eaux Sauvages (1978), Jaguar Force (1983) et Ultime Combat (1988), visionnés par une poignée d'élus, sont considérés comme le summum de la médiocrité. « Mais d’où parlez-vous ? » demanderait Bourdieu. Une soirée assurément post-moderne, où l’on s’amusera de la nullité des autres entre gens de bon goût. /

18.02, 19h : warm up Dfaze, 20h30 : We Had A Dream, 21h30 : table rondre avec G. Kosmicki, Dyna, D. Raclot-Dauliac, 22h30: DJ set), Lille, L’Hybride, 4€, +33 320 88 24 66

12.02, 20h30, Lille, Cinéma L’Univers, 16 rue Georges Danton, 3€, +33 320 52 73 48



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texte ¬ Raphaël Nieuwjaer photo ¬ La conquête de l'Ouest © DR

texte ¬ Raphaël Nieuwjaer photo ¬ DR

John Ford

Festival International

La Naissance de l'Amérique Si un cinéaste doit avoir son portrait sur le Mont Rushmore, c'est bien John Ford. En cinq décennies (de 1917 à 1966), il a fait de son œuvre une immense variation sur un thème : la naissance de l'Amérique comme nation. D'une manière qui semble parfois caricaturale, mais compréhensible vu les circonstances (le patriotisme indéfectible de la Seconde Guerre Mondiale déteint Sur la piste des Mohawks), mais toujours humaniste et utopiste. Car, Ford filme autant le pays traversé par l'Histoire qu'il capte la naissance du concept d'« Amérique ». Une terre où la liberté se concrétise dans une communauté plurielle. À ne pas rater, le sublime My Darling Clementine, et la conférence d'une spécialiste du genre, Suzanne Liandrat-Guigues, sur Ford et le western (le 14.02). / ❥ jusqu'au 27.02, Bruxelles, Cinematek, +32 2 551 19 19 // prog : Sur la piste des Mohawks, Le Convoi des braves, La conquête de l'Ouest, Fort Apache, Rio Grande…

du Film d'Amour de Mons Selon Hitchcock, tout bon scénario tient en trois mots : « boy meets girl ». C'est aussi le credo de ce festival dédié aux idylles cinématographiques depuis 27 éditions. Amour toujours, soit. Mais sans niaiserie : le FIFA a le bon goût d'avoir pour marraine Anna Karina (présente pour une projection de Vivre sa vie). Parmi les nombreux invités, notons la présence de Maria de Medeiros (notamment pour un « OVNI » belge attendu, Hitler à Hollywood), Manuel Pradal, ou le grand compositeur italien (attitré de Bellochio), Carlo Crivelli. Sans oublier Pierre Etaix, dont une exposition nous présente dessins et autres documents inédits. Pour les allergiques au rouge, une touche de vert, avec un focus sur un pays de cinéma peu visité, l'Irlande. Ici, tout le monde dit : « I love you ! ». / ❥

18>25.02, Mons (Plaza Art, Imagix, Théâtre Royal), 7€/ pass 6 seances 20€, www.fifa-mons.be




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Fables modernes texte ¬ Noé Vercol photo ¬ Great Stuffed Rabbit, 2006, Lapin géant empaillé réalisé avec 650 vraies peaux de lapins © Christian Gonzenbach

Squelettes impossibles, renardeaux taxidermisés à l'envers, ossature de baleine en bois, gommes usées en forme de silex... Mon dieu, mais où sommes-nous ? à la Condition Publique : le Suisse Christian Gonzenbach a transformé l'ancien entrepôt de laine en pastiches de zoo et de musée d'histoire naturelle. Voyons, ce qu'en dit l'animal. « Choquer ne m'intéresse pas » lâche le plasticien et vidéaste helvète au beau milieu de son chantier. Il apporte les dernières retouches à son lapin empaillé géant (650 vraies fourrures, tout de même), avant de nous mettre en garde : « Je ne suis pas végétarien et je porte des chaussures en cuir. Ce n'est pas une exposition polémique ni militante » Soit... Mais on est quand même loin de la galerie de peluches façon 30 millions d'amis ! Et si certaines pièces font franchement rire, comme ces bottes de cuir (d'autruche) en forme de pattes ou cette vidéo mettant en scène des cornichons, l'ensemble est plutôt grinçant. Prenez le simulacre de zoo installé sous la verrière. Cette création in situ baptisée sans ambiguïté Le Sursis, met en scène, sur une île lugubre, trois moutons réchappés de l'abattoir... pour un temps : dès la fin de l'exposition, ceux-ci seront renvoyés au destin de la chaîne alimentaire. De natura rerum Mais alors, quel miroir cherche à nous tendre Christian Gonzenbach ? L'artiste sous-titre son exposition « de la nature humaine ». Serions-nous le véritable sujet de cette incroyable ménagerie ? « Oui: on a tendance à concevoir la nature en s'en excluant, or l'homme fait partie du règne animal. L'animal est pour moi un outil de réflexion sur nous-mêmes, sur notre propre nature et notre relation aux animaux, dont nous nous sommes, au 21e siècle totalement déconnectés ». Pour sûr, Christian cherche la petite bête. /

Zoonomia, de la nature humaine jusqu'au 27.03, Roubaix, Condition Publique, mar>sam, 14h>18h,entrée libre, + 33 328 33 48 33


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texte ¬ Judith Oliver photo ¬ Fabie in the livingroom © Simone Lueck

U.S.A Confidential Après avoir confronté la vie des derniers Turkanas aux clichés de William Ropp et aux jardins soignés d'Arcadie, le musée de la photographie de Charleroi ose un nouveau grand écart. Il réunit sous une même chapelle les starlettes vieillissantes de Simone Lueck, les mythiques reportages de Leonard Freed et le pionnier belge Fernand Dumenier. Décryptage. « Notre spécificité, c'est de ne pas en avoir. Il n'y a rien que je tiens plus en horreur que les ayatollahs de la photographie qui défendent un courant contre tous les autres ! » Les réponses franches et l'air débonnaire, Xavier Cannone revendique ses choix. « On est un service public, on se doit de témoigner des esthétiques et pratiques qui traversent la photographie ». Rapprocher jeunes et moins jeunes, vivants et morts, stars et prétendants peut paraître osé. Mais c'est précisément là que réside tout l'intérêt. Le célébrissime Leonard Freed (Magnum) ne manquera pas d'attirer les foules avec ses reportages « façon Taxi Driver » sur la police américaine et ses clichés de New York. Mais au détour de ses splendides contrastes N&B, l'on découvrira le travail de la Californienne Simone Lueck, exposée pour la première fois en Europe. Dès qu'il l'a rencontrée, Xavier Cannone a été bluffé par la délicatesse et la justesse de sa série. Avec la complicité de ses modèles, Simone Lueck immortalise des personnes âgées dans des poses de pin-up. « De vieilles poupées Barbie » qui constituent un sujet tout sauf facile : « on tombe facilement dans la grimace et le ricanement ». Rien de cela ici. Ce serait trop cliché. / ❥

Leonard Freed, Simone Lueck, Fernand Dumenier jusqu'au 15.05, Charleroi, Musée de la photographie, mar>dim, 10h>18h, 6/4/3€, +32 71 43 58 10



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texte ¬ Judith Oliver photo ¬ fouad elkoury

Amnésie, amnistie Beyrouth la fière. « La ville qui refuse de disparaître ». Telle est la nouvelle destination proposée par les Halles de Schaerbeek pour révéler l'effervescence artistique de la scène moyen-orientale. Une capitale cent fois relevée de ses cendres, où la culture se fait tour à tour emblème de liberté et levier de résistance. Photo-journaliste reconnu, baroudeur invétéré, Fouad Elkoury incarne bien le dynamisme des arts visuels libanais. Au sein de la FAI (Fondation Arabe pour l'Image) qu'il co-dirige depuis sa création à Beyrouth en 1996, il milite pour la reconnaissance d'une culture photographique moyen-orientale et soutient activement les jeunes générations. On pouvait donc s'attendre à trouver associés à son nom multi-primé une sélection de clichés récents ou de photographes émergents. Bref, des séries immortalisant la restauration et la vie quotidienne beyrouthines depuis les dernières attaques israéliennes (2006). Paradoxalement, « Beyrouth, plus belle qu'elle n'était », saison initiée par les Halles de Schaerbeek, commence par une plongée dans les stigmates de la guerre civile. En dehors des quelques clichés de 2009, l'exposition accueillie à l'ISELP se vit comme un voyage dans le temps, du siège de 1982 jusqu'aux ruines de 1990. Une déambulation dans les vestiges d'une ville aujourd'hui disparue sous les plâtres d'une énième reconstruction. Passeport contre l'amnésie, Ceci n'est plus Beyrouth semble nous inviter au devoir de mémoire. / ❥

Ceci n'est plus Beyrouth Jusqu'au 26.03, Bruxelles, ISELP, lun>sam, 11h>17h30, entrée libre, +32 2 504 80 70 « Beyrouth, plus belle qu'elle n'était », les Halles hors les murs (Iselp, Cinematek, Arenberg...), jusqu'au 12.04



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texte ¬ Judith Oliver photo ¬ Défilé Chanel © DR

texte ¬ Edlef Kowalyk photo ¬ Magicnsmooth & Hotclan © Homardpayette

Du Plancher au Podium

Je rêve et je fais

Entre le port d'où arrivent la soie, le lin ou le coton bruts et la lingerie fine des tapis rouges, il y a qu'un fil. Une fibre que le photographe Philippe Schienger a minutieusement remontée, immortalisant les dizaines de métiers dans l'ombre de la dentelle de Calais. à travers quelque 400 clichés, juxtaposés sur les murs comme dans un atelier, il suit la métamorphose de la chrysalide, de l'ambiance matinale des quais aux mains noircies par les machines Leavers. Du dégraphitage aux lumières feutrées des cabinets de stylistes. Des coulisses aux crépitements des podiums. Avec un sens du symbole et de la composition, Philippe Schlienger devient le « reporter de l'infiniment singulier » sublimant les détails et pièces emblématiques que l'on retrouve aussi dans les vitrines et sur les mannequins. La boucle est bouclée. /

Jeune photographe lillois, Homardpayette (aka Dominique Shine) est devenu en quelques années un artiste reconnu doublé d'une référence dans le monde de la danse hip-hop. Il n'y a pourtant pas si longtemps, il souffrait de phobie sociale. Le déclic, c'est le déclencheur. Appareil photo en bandoulière, il immortalise les breakers sur la place de la République à Lille. « La photographie m'a permis de guérir, de me soigner. Cette culture a agi comme un pansement ». Première mouture d'un futur livre dédié aux danses hiphop et à leur esprit d'ouverture, cette exposition réunit 75 clichés de l'artiste. Enfin... pas que : un système interactif complète les photos sous forme de performances, d'interviews et de reportages restituant le parcours de l'artiste. Le tout, au milieu des bancs, des graffs et des cartons. / ❥

jusqu'au 30.04, Calais, Cité internationale de la dentelle et de la mode, tlj sf mar, 10h> 17h, de 2,5 à 8€, +33 321 00 42 30

du 12.02 au 20.03, Lille, MFW, mer>sam 14h>19h, dim 10>19h, entrée libre. Vernissage & démonstrations de Hip-Hop le 11.02 à 18h30. Itw à retrouver sur www.letsmotiv.com



agenda Mourir au moyen âge © DR

Quand je serai petite, Le String © Muriel Rodolosse

Dialogues de fauves

Quand je serai petite

Début xx , de jeunes peintres hongrois quittent leur pays pour se rendre chaque hiver en Europe. Ils y fréquentent musées, galeries et salons, mais aussi des artistes comme Matisse. Czobel, PerlrottCsaba et leurs amis s'approprient alors la vivacité des couleurs du fauvisme. Et provoquent, à leur retour, une véritable révolution dans les pratiques picturales hongroises. Loin d'être un plagiat en règle, ces 50 œuvres affichent une rudesse et une expressivité rares.

Pour articuler création contemporaine et collection permanente, l'œuvre de Lewis Carroll offre une porte d'entrée moins étroite qu'elle n'y paraît. Cette nouvelle exposition est une traversée du miroir jalonnée d'images ambiguës et interlopes, jouant sur l'échelle, la figure de l'enfance, la démultiplication. Sur les deux étages on goûte 70 œuvres et créations d'Anthony Freestone, Laura Henno, Marie Hendriks, Françoise Pétrovitch et Muriel Rodolosse.

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❥ Bruxelles, jusqu'au 20.03, Hôtel de Ville, mar>dim, 10h30>18h, +32 2 279 64 31

Entre Paradis et Enfer, Mourir au Moyen Âge

❥Calais, jusqu'au 27.02, musée des beaux arts, mar>sam, 10h>12h, 14h>17h, +33 321 46 48 40.

La Dérivée mexicaine Y Trémorin

Au grand dam des passionnés, rares sont les expositions consacrées au Moyen-Âge et à ses œuvres délicates. Le musée du Cinquantenaire relève le défi en réunissant 250 pièces d'époque pour ausculter le rapport à la mort dans la période médiévale. Des pratiques païennes héritées de l'Antiquité (vie) à l'art moralisateur du xvie, l'exposition mêle pédagogie et rigueur scientifique. Histoire, archéologie, religion, anthropologie... une immersion complète !

Un vaste patchwork pour cerner l'identité mexicaine. La gageure étant de ne jamais prendre pour sujet le pays ou son ambiance: on ne voit ici que visages, animaux et objets en plans serrés. à travers cette série photographique réalisée en résidence, Yves Trémorin cherche à capter des symboles, des « fragments de quotidien » qu'il érige en emblèmes.

❥ Bruxelles, jusqu'au 24.04, musée du Cinquantenaire, mar>dim, 10h>17h, +32 274 172 11

❥ Douchy-les-Mines, jusqu'au 23.03, CRP, lun>ven, 13h>17h, +33 327 22 57 33


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La Dérivée mexicaine, Déesse © Yves Tremorin

James Ensor, Death and the Masks, détail © MAMAC

Hareng saur : Ensor et l’art contemporain Pour souligner l'influence d'Ensor, le MSK et le SMAK confrontent ses toiles à des artistes qui se placent, directement ou non, dans son sillage. Ainsi, L’Entrée du Christ de Jérusalem rencontre The Modern Procession de Francis Alÿs, pendant que La vieille dame aux masques sourit à la French Maid de George Condo. Les univers d’Ugo Rondinone ou encore Eija-Liisa Ahtila croisent ainsi scènes carnavalesques et autres squelettes ensoriens.

Tiennale de l'affiche politique © DR

Crème brûlée © Ch. Wlaeminck

Triennale de l'affiche politique Un vaste concours, à l'échelle de la planète : demander aux graphistes d'exprimer leur point de vue sur une thématique de société à travers une affiche. Sélectionner ensuite parmi les centaines de propositions du monde entier les 150 plus pertinentes. Vous obtenez ainsi une triennale qui comble le public d'une exposition de grande qualité et auréole les artistes de dizaine de prix. Scotchant, non ? ❥ Mons, jusqu'au 30.04, Mundaneum, mar>dim, 13h>17h, sf dim, 18h, 065 39 54 87

❥ Gand, jusqu’au 27.02, MSK et SMAK, mar>dim, 10h>18h, +32 9 240 76 01

L'œil écoute Après son exposition sur les doubles, la maison Folie de Moulins achève de brouiller nos repères. Elle s'attaque désormais à nos sens, qu'elle passe sans complexe au shaker. Ici, on écoute des photos (Philippe Lenglet), on dessine sur des sons (Bobik, Sacha), on se promène les yeux fermés dans un paysage sonore. Conçu comme un parcours interactif, « L'œil écoute » repose sur une série d'ateliers animés par des artistes et conteurs. Bien vu. ❥ Lille, jusqu'au 27.03, maison Folie de Moulins, mer>dim, 14h>19h, +33 320 95 08 82

Même pas mal – Ch. Wlaeminck Pour sûr, les photographies, installations et autres dessins de Christophe Wlaeminck ne manquent pas d'humour (noir). On le mesure dès la vitrine, où l'on aperçoit, disposés comme des gâteaux, des seins factices moulés d'après nature. Ou quand il nous faut contourner, jonchant le sol de la galerie, des crânes assemblés en jolies pièces montées. Les œuvres de ce Lillois ruissellent pourtant de sombres préoccupations, liées à la mort, à la maladie, aux mutations des corps. En attestent ses vanités réalisées à la mine de plomb. ❥ Roubaix, du 5 au 26.02, B.A.R., jeu>sam, 14h30>18h30, +33 362 28 13 86


exposition |

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agenda karen Lamonte, Vanitas Oval mirror, 2004 © Gabriel Urbanek

© Mezzo

Réflexions féminines - Karen Lamonte

Mezzo

Aux murs, nimbés de lumière, de fragiles miroirs nous renvoient l’expression pensive d’un inconnu. Le visage que Karen Lamonte a emprisonné dans le verre est saisissant de réalisme. Plus loin, l'artiste verrière américaine a campé de majestueuses et fragiles robes drapées. Là encore, les détails sont troublants : un nombril, l’ombre d’une fesse, la subtile empreinte d’une colonne vertébrale… le modèle n’est plus là, mais l’étoffe transparente semble encore habitée. Grandiose !

Emblématique pour toute une génération du 9e art et des cultures alternatives, l'œuvre de Pascal Mesenburg alias Mezzo marque par sa noirceur, sa teinte rock et ses accents expressionnistes. De sa collaboration avec Pirus jusqu’au collectif Wild Ink (2009), cet illustrateur talentueux donne à voir des paysages hallucinés, marqués à l’encre noire et au fer rouge. Imagerie jazz rétro, délires psychédéliques, couleurs franches... à retrouver dans le cadre du festival D’hiver rock.

❥ Sars Poteries , jusqu’au 13.03, Musée atelier du verre, tlj (sf mar), 10h>12h30, 13h30>14h, +33 327 61 61 44

❥Tournai, jusqu'au 20.02, Maison de la Culture, mar>ven, 10h30>18h, sam, 9h>18h et dim, 14h>18h, +32 69 25 30 80

Solo Snow

Tenir, debout

Peintre, sculpteur, photographe, plasticien, pianiste... en plus d'être un artiste complet, Michael Snow compte parmi les pionniers des arts visuels. Ses expérimentations esthétiques (travail sur la durée, la fixité, le cadrage...) et techniques ont marqué de nombreux cinéastes et plasticiens. Le Fresnoy lui consacre une rétrospective, qui, d'œuvres majeures en créations contemporaines, met en évidence les leitmotiv du Canadien.

Imaginée comme « un parcours initiatique », Tenir, debout déroule son propos en une série de verbes d'action. « (Se) tenir », « tenir bon » ou « faire bloc » nous mettent ainsi, à travers une sélection de photos, de toiles ou de vidéos, devant notre propre posture. Partage-t-on l'ironie de Wegman qui se met en scène sous les traits d'un chien? Ou l'humilité de ces femmes indiennes immortalisées par Bhadra ? ❥ Valenciennes, jusqu'au 6.11, Musée des

❥Tourcoing, du 10.02 au 24.04, Fresnoy, mer, jeu, dim 14h>19h, ven & sam, 14h>21h, +33 320 28 38 00

beaux-arts, tlj (sf mar), 10h>18h (sf jeu, 20h), +33 327 22 57 20



Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur


portrait |

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Gaspard Proust Succès insolent

Propos recueillis par ¬ Mathieu Dauchy photos ¬ Fabienne Rappeneau, Claude Dussex

En moins de temps qu'il n'en faut pour faire un krach boursier, Gaspard Proust est passé du métier de gestionnaire de fortunes dans une grande banque suisse aux planches des grands festivals d'humour. Depuis, on le compare sans cesse à Desproges, avec qui il partage un ton grinçant et des thèmes borderline : « le nazisme, c'est comme un meeting de Ségolène, mais avec des idées ». Alors, un spectacle de Gaspard Proust ça ressemble à quoi ? Comment se présente votre tournée ? Très bien, content de quitter l'air pollué de Paris, contrairement à ce que j'ai pu dire, j'aime la province, son air pur, et puis je suis agoraphobe alors cela me va bien. J'aime bien ce côté Dalton, arriver dans une ville, faire son braquage et puis partir. A quoi peut-on s'attendre avec ce spectacle ? Est-ce un « One Man Show » ? Dans « one man show » il y a un côté lumières, quelque chose d'impressionnant... Ce que je fais est à ce point minimaliste que je ne sais même pas si on peut appeler ça un « spectacle ».

Votre humour pince-sans-rire est-il à imputer à vos origines slovènes, votre nationalité suisse ou votre passé de banquier ? Aucun des trois, je crois que c'est juste ma personnalité. Je ne suis jamais exubérant, sauf quand je suis ivre, mais cela ne m'arrive que rarement. Je n'ai pas voulu créer de personnage, le cursus dans un processus créatif est secondaire, d'ailleurs je n'en parle pas du tout dans mon spectacle. Qu'est ce qui vous a poussé à monter sur scène? Etiez-vous le gamin qui fait rire ses camarades à la récré ? >


portrait |

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J'étais plutôt le gamin qui faisait rire parce qu'il faisait chier. Le fait de monter sur scène procède forcément d'une forme d'égocentrisme : « écoutez, c'est moi qui ai écrit ça ». Vous savez, l'homme est pitoyable, mais Gaspard Proust est pire. Mais finalement, qui est le plus impudique, l'humoriste qui monte sur scène pour dire ses textes, ou le public qui vient afficher ses goûts ? Vous n'en avez pas marre d'être constamment comparé à Desproges ? Le fait d'être comparé à un mort ne me dérange pas plus que ça, mais à choisir j'aurais préféré Wagner ! Je n'ai aucune idole, ou en tout cas aucune idole française. Avez-vous déjà eu des ennuis avec certains sketches ? Aucun. Je pense que les gens qui viennent me voir sont préparés à ce qu'il vont entendre. Et puis je tape tous azi-

muts, on ne peut pas me reprocher de m'acharner sur tel ou tel sujet. Considérez-vous vos apparitions dans les médias et sur scène sur le même plan ? Je préfère de loin la scène, où j'ai un rapport direct avec le public et une grande liberté. Je ne suis pas très médias en général. Je ne regarde pas la télé, j'écoute peu la radio et déteste Internet. J'ai quand même une page Facebook, allez comprendre... à Europe 1 a t-on une grande liberté de ton ou l'ombre de Stéphane Guillon plane t-elle au-dessus de la rédaction ? Je n'ai jamais ressenti de pression, et pourtant il y a des émissions où nous sommes allés loin. Mais le format du billet polémique comme le pratiquait Stéphane est différent de ce que nous faisons, qui est plus une discussion autour d'une table. Quand on va trop loin, aussitôt après on peut se rattraper. Y'a t-il des humoristes actuels qui vous font rire ? Oui, mais je ne les citerai pas, ils se reconnaîtront. Ceci dit, il y a quand même une compétition dans le boulot ! D'une façon générale c'est très douloureux de regarder les autres humoristes. Soit on trouve ça pas drôle et pathétique, soit on est désolé de ne pas avoir pensé à cette blague. Dans tous les cas on est effondré. / ❥

2.02, Lille, Splendid // 12.02, Seraing, Centre Culturel // 4.03, Anzin, Théâtre Municipal // 12.03, Bully les mines, Espace F. Mitterand //18.03, Louvroil, Espace Casadesus // 23.03, Saint Quentin, Théâtre Jean Vilar // 24.03, Bruxelles, C.C. Woluwe // 25.03, Mouscron, Centre Marius Staquet // 26.03, Dunkerque, Casino // et le 28.03.2012, Lille, Sébastopol, 25€



théâtre & danse |

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texte ¬ Edlef Kowalyk photo ¬ Un Homme Debout © Luciana Poletto

Petits arrangements avec le monde Si Mnouchkine et Chéreau y ont fait leurs premiers pas dans les années 1960, le festival de Liège n'a pas perdu de sa verve. Avec pour ambassadeurs Emma Dante, Falk Richter et Joël Pommerat, ce rendez-vous biennal défend haut et fort l'insolite et l'insolence. Pauvreté, vieillesse, maladie (La Trilogia degli Occhiali), prostitution (Les combats d'une reine), délinquance juvénile (Un homme debout), télé-réalité (Play Loud)... pour sûr, le crû 2011 a les pieds bien plantés dans la réalité contemporaine. On reconnaît là la patte du directeur artistique, Jean-Louis Colinet. à son arrivée en 1999, il insuffle au festival un nouvel élan, en privilégiant les questions politiques, sociales, citoyennes. Pour autant, pas de théâtre engagé façon Brecht. « Quand Eschyle écrit Les Perses, il parle de la guerre, de son époque. Shakespeare décrit les luttes de pouvoir tout comme Molière saisit les mutations de la bourgeoisie. Mais personne ne parle d'œuvres militantes » précise le Liégois. Cette identité affirmée a littéralement dopé la fréquentation. Il faut dire que Jean-Louis partage ses « éblouissements » avec enthousiasme : « C'est incroyable de rencontrer des jeunes comme la compagnie D'ores et Déjà (voir p. 74), qui ont une telle acuité sur le monde. On sent chez eux la nécessité de s'exprimer et non un besoin d'étaler leur savoir faire ». / ❥

Festival de Liège - jusqu'au 19.02, Liège, divers lieux, 15/13€, avec, entre autres : La Trilogia degli Occhiali ( E. Dante, 11&12.02, 20h15, Manège et Salle B9 St Luc); Un homme debout (JM Mahy, JM Van den Eeyden, 20h15, Salle B9, St Luc), Play loud, (F. Richter 11>13.02, 20h15, Théâtre de la Place), Dieu est un dj (F. Richter, voir p.83), prog www.festivaldeliege.be



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texte ¬ Marie-Lucile Kubaki photo ¬ M. Fromanger

L’enfant terrible Avec sa dernière création, Notre Terreur, la compagnie D’Ores et déjà met un bonnet rouge au théâtre. Elle propose une représentation politiquement mordante et scéniquement décoiffante des derniers mois de «l’Incorruptible» Robespierre. « Notre terreur ne souhaite pas soigner un ulcère, mais l’ouvrir ». Et comme pour le Père Tralalère, leur pièce précédente, les ulcères, ça se cultive autour d’une table. Au menu : café-clope, politique, engueulades, et République dans le QG du deuxième Comité de Salut public dirigé par Robespierre. Danton n’est plus, la Révolution est l’ombre d’ellemême, la France est en crise. « Nous sommes nés avec la chute du mur de Berlin. Où des historiens analysèrent la chute du mur comme la victoire du capitalisme sur le socialisme... ». Sylvain Creuzevault, metteur en scène d'une génération désenchantée, nous tend le miroir de 1793 pour « nous regarder dans nos parfois envies de guerre civile » alors que le modèle capitaliste libéral se fissure. Montrer l’homme Robespierre dans toute sa complexité, « parfois démocrate qui se laisse aller vers le couteau, parfois tyran ». L’enfant-Terreur s’invite parmi les 9 acteurs, à un banquet politique et philosophique plein de vie où l’on rit autant que l’on débat. La table est placée au milieu du public. Entre improvisation et textes historiques, les acteurs jouent aux funambules, « dans le temps du jeu qui est toujours révolté ». D’Ores et déjà, collectif jeune, fait la Révolution à tous les étages. Les acteurs ont co-écrit la pièce. Liberté, égalité. / ❥

Notre Terreur - cie D'ores et Déjà 2&3.02, 20h15, Liège, Manège, 15/13€, www.festivaldeliege.be //7&8.02, 20h, Maubeuge, la Luna, 11/8€, +33 327 65 65 40 // 10>18.02, 20h30 (sf dim, 16h), Tourcoing, Th. de l'Idéal, 8>14€, +33 320 14 24 24



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texte ¬ Marion Quillard - photo ¬ A. Poupeney

texte ¬ Edlef Kowalyk - photo ¬ DR

Corps furieux

Lady Camilla

Un théâtre d’objets à l’intimité burlesque. Des films sur le travestissement. Une pièce dérangeante à l’érotisme noir. Un hip-hop rageur qui fracasse les os. Le striptease d’une comédienne. Un corps qui danse en suspension. Des pièces pour tous, pour adultes seulement, ou même « pour adultes et adolescents accompagnés ». Le corps furieux, festival du Bateau Feu de Dunkerque, donne à voir le corps dans tous ses états. Souvent érotisé, parfois engagé, toujours audacieux, le corps y est décortiqué : pour mieux comprendre les instincts, interpréter les interdits, questionner les limites, ou s’émerveiller encore d’une jolie pudeur. Le spectateur-voyeur est invité à s’immiscer dans les plis de la peau et les creux des corps mis en lumière. Expiatoire. /

Regarder le drame conjugal le plus croustillant d'Angleterre par le trou de la serrure, voici l'expérience faussement voyeuriste imaginée par Fabrice Gardin et Pascal Vrebos. Une intrusion en catimini dans l'antichambre d'un mythe moderne, qui a déchaîné passions et presse people. Guidés par un majordome trouble, l'on découvre, dans la lumière tamisée, les déboires de Lady Di, du Prince Charles et de Lady Camilla. Incarnée par Stéphanie Van Vyve, l'angélique princesse s'avère complètement névrosée et entache son charme hollywoodien d'une grossièreté sans nom. Que dire du prince Charles, coureur de jupons invétéré...? Bref on rit franchement dans ce qui pourrait passer pour un vaudeville léger, s'il n'épinglait notre curiosité malsaine et le fonctionnement de la presse. Encore une fois, les Galeries rendent au divertissement toutes ses lettres de noblesse. /

prog : Les Origines d'un monde, une île (M.Laubu), Stirptiz (M. Laubu), Boxe Boxe (M.Merzouki), Les larmes d'Eros (DuiratElia / Marquilly), Striptease (C. Orain). 1>18.02, Dunkerque (Studio 43, Bateau Feu) & Roubaix (la Piscine), www.lebateaufeu.com

du 1.02 au 19.02, 20h15 (sf dim 15h), Bruxelles, Théâtre des Galeries, de 9 à 23€, +32 2 512 04 07, www.trg.be



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texte ¬ Marion Quillard photo ¬ Agwa © M. Cavalca

Pieds et poings levés Mourad Merzouki, directeur du Centre chorégraphique national de Créteil, rapproche le hip-hop de la danse contemporaine. Un engagement qui a pris racine au creux des pavés de Saint-Priest, en banlieue lyonnaise. « Parfois, Lyon me manque… ». En récupérant, en septembre 2009, la direction du CCN de Créteil, Mourad Merzouki a tout laissé tomber : les quais du Rhône, Bron, Saint-Priest, les barres de rire et de béton. à Créteil, il apprend à remplir un cahier des charges et enchaîne les réunions. Et ça lui pèse un peu sur le cœur. « À Lyon, si je ne faisais pas tourner ma compagnie, elle s’effondrait. Mais au moins, j’étais libre. » Libre de tricoter, avec trois bouts de ficelles, une histoire contemporaine de la danse hip-hop. Au milieu des années 1980, le hip-hop fait irruption à Beauséjour, la cité de Mourad. L’adolescent écume les parterres de Saint-Priest. Et ne cherchez là aucune revendication identitaire, ça l’agace : « Je ne fais pas de hip-hop parce que je m’appelle Mourad et que je viens de la banlieue, mais parce que c’est le moyen que j’ai choisi pour créer des spectacles ! » Il fonde Accrorap en 1989 avec son complice, Kader Attou. Puis sa propre compagnie, Käfig (« cage » en arabe et en allemand). Et en 2009, il inaugure Pôle Pik, un centre chorégraphique consacré au hip-hop, à Bron. Il s’est démené pour que ce lieu puisse sortir de terre. Alors quand les pouvoirs publics ont revu ses ambitions à la baisse, la déception fut immense. Mourad Merzouki a filé plus au nord, trompant Bron avec Créteil. Une chance (pour nous) ! / ❥ ❥

Boxe Boxe Le 15.02, 20h30, Le Bateau Feu, Dunkerque, 13/19€, www.lebateaufeu.com Corriere et Agwa Le 18.02, 20h30 et 19.02, 19h30, Channel, Calais, 6€, www.lechannel.fr



théâtre & danse |

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texte ¬ Edlef Kowalyk - photo ¬ DR

texte ¬ Judith Oliver - photo ¬ Laurent Philippe

Comédie

L'extraordinaire

sur un quai de gare

histoire d'Argan le visionnaire

On se souvient encore de l'excellent Solo Para Paquita d’Ernesto Caballero monté par Bruno Buffoli et la compagnie Anyone Else But You. Cette fois-ci c'est Samuel Benchetrit qui est à l'honneur, un auteur cher à Bruno Buffoli : « C’est un des rares auteurs français qui parvient, avec une situation banale et l’utilisation d’un langage quotidien, à aborder un sujet universel avec profondeur et pudeur ». Cette pièce sur l'amour, la filiation mais surtout la solitude existentielle a fait l'objet d'un traitement scénographique volontairement léger pour coller aux impératifs d'une tournée itinérante. L'univers sonore, lui, est particulièrement soigné. En quelques bruits, l'ambiance du quai de gare est restituée. Simone, speakerine plus vraie que nature, ponctue avec humour ce huis clos loufoque... Ceux qui aiment prendront le train. /

Virevoltante et survoltée, cette heure et demie file comme l'éclair. Les panneaux coulissent, les duos toupillent, les costumes et musiques se bousculent dans un joyeux mélange des genres. Une improbable galerie de personnages, qui ne s'interdit rien. Les perruques poudrées côtoient les masques de la Commedia Dell'Arte, l'habit d'apparat se frotte à la toile nue contemporaine. Quant à Vivaldi, Lully ou Purcell... ils jouent des coudes entre Philip Glass et la musique indienne. L'on passe du coq à l'âne, mais c'est le principe de cet hommage du tandem Brumachon-Lamarche (CCN Nantes) à Molière. Destiné à un public familial, ce spectacle baroque fonctionne comme une succession de visions (tout est dans le titre). Entre deux foisonnements, la scène se vide, revenant toujours à « un espace nu comme une page blanche ». /

1.02 Avrechy / 2.02 Le-Plessier-sur-SaintJust / 3.02 Tricot / 4.02 Ribemont / 5.02 Montdidier / 8.02 Sacy-le-Grand / 10 & 11.02 Hénin-Beaumont / 12.02 Drocourt - 18.02 Aillysur-Noye / 11.03 Courrières / 12.03 Carvin

15.02, 20h30, Béthune, Théâtre municipal, 12/10€, +33 321 64 37 37



agenda Fenêtres éclairées © Turak Théâtre

Fenêtres éclairées 1>5.02

Le soir des monstres M. Laubu

Depuis sa tendre enfance, Michel Laubu insuffle une seconde vie à toutes sortes de résidus. Fenêtres éclairées révèle plus que jamais la poésie de son théâtre d'objets. Un personnage isolé dans son phare, craignant que la montée des eaux n'emporte ses seuls amis : des chaises, des bouteilles de gaz et le mystérieux petit peuple qui s'y cache. Avec un sens incroyable de la composition, Laubu nous embarque dans ce joyeux fatras où les plumes jouent de la guitare et où le pédalier d'un vélo active un accordéon... ❥ 20h30, (sf mer & jeu 19h), Dunkerque, Bateau Feu, 13 à 19 e, + 33 328 51 40 40

Les poissons rouges 1>12.02

Le soir des monstres © johann fournier

V. Strub / Kirsh Compagnie

Les scientifiques ont prouvé qu'un poisson rouge possède en moyenne deux secondes de mémoire. L'homme quant à lui dispose d'une mémoire collective de 50 ans. Partant de ce constat, Valérie Strub nous propose d'observer un petit groupe d'individus lancés en plein road trip. S'inspirant des textes de Martin Crimp et Peter Handke le résultat est cruel, cynique et tellement hilarant ! ❥ 20h30 (sf mer 19h30), Bruxelles, Théâtre Océan Nord, 7,5 à 10e, +32 2 216 75 55

8.02

E. Saglio

Jeune jongleur, manipulateur et magicien, Etienne Saglio compose avec des objets de récup une partition digne des meilleurs Tim Burton. Ses balles de jonglage prennent vie. Papillons, serpents et autres créatures fantastiques naissent des décombres et échappent au contrôle de leur créateur. Une maîtrise chirurgicale des lumières et une bande son envoutante parachèvent ce moment de pur émerveillement. ❥ 20h30, Roubaix, Colisée, 22 à 25 e, +33 320 24 07 07

L'opéra du dragon 9>10.02

H. Müller / J. Bert

Le spécialiste des marionnettes Johanny Bert s'attaque avec inventivité au conte mythologique d'Heiner Müller, exacerbant sa portée politique. Contrôle des médias, vidéo-surveillance et obstruction de la justice sont la nouvelle panoplie d'un méchant dragon qui tente par tous les moyens d'asservir un village de marionnettes. La présence d'une narratrice unique pour tous les protagonistes donne lieu à de véritables prouesses visuelles et vocales. ❥ 20h, Théâtre d'Arras, 18 à 8 e, +33 321 71 66 16


théâtre & danse |

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Dieu est un Dj © Luciana Poletto

Nour © Arno Loth

Le Roi penché © F. iovino

Passé - je ne sais où... © Hélène Bozzi

Dieu est un dj

Le Roi penché

jusqu'au 11.02, puis 14>16.02 F. Richter / F. Murgia

15>17.02 M. Desplechin, chor. C. Carlson

Qu'advient-il lorsque l'on vit en permanence sous l'oeil des caméras ? Éléments de réponse avec cette pièce explosive sur la folie médiatique, qui passe au crible le désespoir et les rêves de la jeunesse occidentale. Elle et Lui, couple de jeunes paumés, vivent reclus dans leur « plateau-appartement». Croyant être libérés des normes, ils sont vite rattrapés par la nécessité de produire un show... grinçant ! ❥ 20h30 (sf mer 19h30, dim 15h), Bruxelles, Th. National, +32 2 203 53 03 ❥ 14>16.02, 20h15 (sf 16.02, 16h), Liège, Salle B9, St Luc, +32 4 221 10 00

Pour sa seconde création destinée au jeune public, Carolyn Carlson a sollicité l'imagination de Marie Desplechin, auteur de nombreux livres pour enfants. À cette occasion, elle a écrit un conte, interprété et illustré par les danseurs. Soutenue par la musique éthérée de René Aubry et les vidéos de Stéphane Vérité, cette chorégraphie poétique et narrative devrait susciter la même adhésion émerveillée que Les Rêves de Karabine Klaxon en 2006. ❥ 14h30, Colisée, Roubaix, 18/15e, +33 320 24 07 07

Passé - je ne sais où qui revient 15>17.02

Nour

Lazare

Depuis sa création en 2007, la compagnie Gdra questionne les thèmes de la transmission familiale et du communautarisme. Nour ne déroge pas à la règle en confrontant une jeune fille pleine de rêves à la rigidité de ses parents immigrés. Sur un grand plateau en vinyle rouge, 5 acteurs-performeurs déroulent la vie de Nour à travers danse, musique, chant, acrobatie. Et entrent en résonance avec une projection de témoignages vidéos. ❥ 20h, Douai, Hippodrome, 15/12e,

Jeune auteur, interprète et metteur en scène, Lazare fouille dans cette pièce la mémoire collective et individuelle. Il revient sur le massacre tragique de Guelma (Algérie) en 1945. À partir de faits réels (l'assassinat de son grand-père) il met en scène une mère qui raconte le drame à son fils comédien. Le témoignage poignant de cette femme, livré dans un français approximatif, est soutenu par d'admirables jeux de lumières, qui fonctionnent comme autant de flashbacks (apparition de protagonistes et décors). ❥ 20h, Comédie de Béthune, 8 à 18e,

+33 327 99 66 66

+33 321 63 29 19

11.02

Cie GdRA


théâtre & danse |

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agenda L'héroïsme au temps de… © DR

L'héroïsme au temps de la grippe aviaire 16>18.02

T. Gunzig / MeS A. Drouet

Récompensé par le prix de la critique en 2008, le comédien Itsik Elbaz incarne un jeune chômeur en charge de sa mère malade. Pas de quoi se réjouir a priori. Mais un jour, piqué par une araignée mutante, il se transforme en Spiderman, mascotte dotée d’humour plus que de super pouvoirs. Avec ce texte drôle et amer, Thomas Gunzig dresse le portrait émouvant d’un anti-héros dans une Belgique désenchantée. ❥ 20h30 (sf jeu 19h30), Tourcoing, La Virgule, 18/14e, +33 320 27 13 63

Hey girl !

hey girl ! © di graz

Et puis j'ai demandé à Christian... 22>24.02 R. Cojo / Cie Ouvre le Chien

… de jouer l'intro de Ziggy Stardust. En déterrant le célèbre avatar Peace & Love de David Bowie, Renaud Cojo ausculte à coups de bottes roses le phénomène du fan hystérique. Sur scène, un joyeux foutoir : un stagiaire en fauteuil roulant, un guitariste fan de Bowie, une cabine téléphonique londonienne... le tout ponctué de projections videos. Comme cette caméra cachée hilarante où Cojo consulte le psy paré des atours de Ziggy. ❥ 20h30, Bruxelles, Théâtre 140, 8 à 15e, + 32 2 733 97 08 // les 29 & 30.03 à Loosen-Gohelle, www.culturecommune.fr

17>18.02 R.Castellucci / S.ocìetas R. Sanzio

Une maison de poupée

Dans cette pièce présentée au festival d'Avignon (2007), Romeo Castellucci poursuit son travail sur la performance et le théâtre visuel. Porté parfois sur l'usage d'images provocatrices (corps malades, blessés, souffrants ou difformes), le metteur en scène-plasticien sait bousculer les codes avec une terrible efficacité. Avec Hey Girl ! il persiste et signe. Sur la musique hypnotique de Scott Gibbon, on assiste à la renaissance d'une femme. D'une beauté à couper le souffle. ❥ 20h, Valenciennes, Phénix, 20 à 22e,

Si Audrey Tautou a triomphé avec Amélie Poulain, sa toute première apparition sur les planches n'a pas fait l'unanimité de la critique. La faute peut-être à la mise en scène trop classique de Michel Fau. Malgré tout, Audrey « poupée » Tautou est franchement sublime dans le rôle de Nora, la femme objet qui souhaite à tout prix s'émanciper de son mari et d'un monde bourgeois. Un bon point qui s'ajoute à un univers sombre et esthétique particulièrement soigné. ❥ 20h30, Roubaix, Colisée, 41 à 45e,

+33 327 32 32 32

+33 320 24 07 07

28>29.02 H. Ibsen / M. Fau



littérature |

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texte ¬ Marie-Lucile Kubacki photo ¬ Edlef Kowalyk

à boire et à feuilleter Un café de quartier où l’on pourrait acheter des livres, trinquer à la bière ou au jus de litchi, parler russe avec des inconnus ou faire une crêpes-party entre amis, c’était le rêve d’Agnès Boitelle. Il y a un an, elle laissait ses éprouvettes d’immunologiste pour le réaliser. « Je ne suis pas une passionnée de livres » prévient-elle. Lasse de cumuler les missions à durée déterminée, il y a un an, cette biologiste de formation – « science la plus littéraire » - décide de donner forme à son vieux rêve. Elle crée un lieu à son image. « Un café librairie où l’on peut acheter des livres d’occasion et manger. » Polymorphe. Polyglotte. Raffiné mais sans chichis. « J’ai toujours aimé les cafés, les babys-bières avec des potes. Je ne partais jamais sans un bouquin dans mon sac à dos. J’ai créé l’endroit que j’ai toujours cherché. » Les écrivains viennent lire leurs textes, les bibliophiles alourdir leurs étagères et les gourmands déguster quiches et tartes maison. Aujourd'hui, deux jeunes femmes discutent autour d’une bière, un homme, la quarantaine so british, s’enfouit dans un fauteuil crapaud, magazines et verre de blanc sec à la main. Plus loin, dans un petit salon tapissé de livres, façon Coup de foudre à Notting Hill, un garçon et une fille échangent bons mots et tendres moelleux au chocolat. Ce soir, on rira autour des crêpières. Autant d’ambiances que de lecteurs. Éclectisme aussi dans les rayons : les romans d’amour et d’humour côtoient Sartre et Malraux. Rue des Bouchers à Lille, Agnès Boitelle construit son Abbaye de Thélème. / ❥

Le Café Livres Lille, 35 Rue des Bouchers, tlj (sf lun) à partir de 14h, +33 320 78 17 56



chroniques True Grit Charles Portis | Éd. Le Serpent à plumes La couverture laisse croire à un énième produit dérivé du nouveau film des frères Coen, pourtant True Grit est un roman, un vrai. Écrit en 1968, il s'inscrit dans une tradition qui a eu peu d'échos en France, le « romanwestern » - d'où probablement ce retard de traduction. Il est question d'un Texas Ranger, un Marshall imbibé et une bande de truands idiots et sanguinaires qui se tirent dessus à-qui-mieux-mieux, mais c'est avant tout une gamine de 14 ans qui mène la mule. À coup de répliques cinglantes et de citations bibliques, elle met tout son petit monde en route pour venger la mort de son père, tué dans la rue. Il y a bien sûr le plaisir du picaresque, de l'anecdote authentique. L'idée brillante de Portis est de ne pas s'être contenté d'une narratrice têteà-claque, mais d'avoir conçu un dispositif de ventriloquie. Car Mattie raconte cette histoire une fois devenue vieille, depuis son xxe siècle et son Amérique « civilisée ». D'où le souffle, et la troublante mélancolie des ultimes pages, quand la conquête de l'Ouest n'est plus qu'un souvenir qui remplit les chapiteaux de cirque. 231 p., 20€. Raphaël Nieuwjaer

Des femmes disparaissent Christian Garcin | Éd. Verdier Le Zorro de Christian Garcin n’a ni cape ni sombrero. Il tient autant du renard que de Robert de Niro et s’appelle Zhu Wenguang, profession détective privé. La nuit, il enlève des jeunes femmes mariées de force dans les campagnes pauvres de la Chine pour leur rendre la liberté. Le jour, il trinque avec un dénommé Bec-de-Canard. Quand il flaire une nouvelle piste, il ignore que son enquête le mène vers les trois femmes de sa vie, qui lui tissent un destin en forme d’énigme. De New-York à Hokkaïdo, il sera aidé par un chien mafieux, une medium et une enfant perdue. Après Le Vol du pigeon voyageur, La Jubilation des hasards et La Piste mongole, Christian Garcin complète sa curieuse galerie de personnages dans un road-trip sombre et délicat. 184 p., 16€. Marie-Lucile Kubacki


CONTRE TÉLÉRAMA

FAUT-IL MANGER LES ANIMAUX ?

Eric Chauvier | Éd. Allia Télérama, sa citoyenneté et son bon goût officiel fatiguent. Alors, ce titre provoc’nous a attiré. Voici un an, le programme télé consacrait un dossier plutôt pas mal (avouons-le) aux zones péri-urbaines, intitulé Comment la France est devenue moche. Eric Chauvier, anthropologue résidant dans une de ces zones, y vit un méprisant jugement de classe. Son ouvrage court mais dense s’interroge sur l’esthétisme et les relations humaines dans ces zones rurbaines à travers quelques mots choisis. Chaque terme aborde une expérience vécue, une observation, et des problématiques plus larges. Malgré le refus (légitime) d’accepter le beau ou le laid comme science exacte, Contre Télérama réfute moins le propos du magazine qu’il ne l’illustre. Étonnant, non ? 64 p., 6,10€. Thibaut Allemand

Jonathan Safran Foer | Éd. de l’Olivier Enquête fouillée sur l’élevage industriel, Faut-il manger les animaux ? immerge le lecteur dans un univers dont il entrevoit bien des travers, à défaut de tous les connaître. L’interrogation qui constitue son titre français est une interrogation intime pour l’auteur. Décidant d’y répondre en connaissance de cause – et de nous aguerrir, par la même occasion –, celui-ci se réfère à de nombreuses études scientifiques. Sa conclusion, au terme d’un raisonnement parfois redondant et culpabilisant, est prévisible, sans appel, faussement personnelle. Mais, le plus dérangeant peutêtre, est que jamais il ne se demande quel serait l’impact écologique d’un végétarisme massif. 368 p., 22€. Faustine Bigeast

La Malédiction Hilliker J. Ellroy | Éd. Rivages Sans doute faut-il passer outre le côté « vieux con » qu'Ellroy se plait à surjouer. Tout comme les descriptions de coïts sismiques (ici, la terre tremble à chaque coup de pelvis). Reste alors une question : comment devient-on écrivain ? En traquant l'obsession, en s'y enfonçant jusqu'à la destruction. L'artiste est, définitivement, un pervers qui a réussi. L'œuvre et la vie d'Ellroy sont la tentative de sublimer le spectre de la mère assassinée quand il était enfant, et surtout le désir coupable de cette mort. Ce livre est l'analyse crue et rigoureuse de ce processus. Entre Saint Augustin, Roth et une réunion des Obsédés Anonymes, Ellroy trace son chemin du noir roman à la lumière de l'amour. Pour devenir un homme parmi les autres. 278 p., 20€. Raphaël Nieuwjaer

littérature |

89


chroniques Discodeine Discodeine | Dirty / Pschent Le disco : paillettes, col pelle à tarte et patte d’eph’ ? Peut-être. Mais pas seulement. Le disco, transpire aussi la crainte du lendemain et le rejet d'une réalité assez moche. Il peut donc être parfaitement raisonnable de s’étourdir sur des rythmes synthétiques enivrants, auréolé d’un jeu de lumières hypnotique, en attendant la fin du monde. C’est assez punk, le disco, finalement. Tellement no future qu’il tourne occasionnellement un œil torve vers la défonce, la cocaïne et le LSD, par exemple (rappelons cependant que la drogue, c’est mal, parce c’est un truc de hippie, et que les hippies, ça craint). Et pour redescendre, pourquoi pas un peu de codéine ? Voilà l’esprit qui imprègne Discodeine, premier album fort attendu du duo français éponyme. Soit Pentile et Pilooski, qui ont réussi à transmettre leur fièvre du samedi soir au très britpop Jarvis Cocker (sur Synchronize, dont le clip n’est vraiment pas col pelle à tarte et paillettes) ou l’electronique Matias Aguayo (tout particulièrement caliente sur Singular). Discodeine, c’est un trip planant porté par un disco sombre et sensuel : envoyez-vous donc ça dans les oreilles, et devenez accro. Sortie le 14.02. Olivia Volpi

The Streets Computers And Blues | 679 recordings/WEA Tandis que Kanye West survend son génie supposé (baillements), Mike Skinner, détendu, publie son ultime album. Le lad l’a annoncé urbi et orbi : The Streets, c’est fini. Computers And Blues met un point final à une carrière inégale. Le Londonien pose une bombe (See If They Salute, pas loin de Fit But You Know It) et quelques punchlines bien senties (« I see Alice in Wonderland, I see malice in Sunderland », ce genre) sur un groove bien rêche et des instrus massives. Oh, rien de nouveau sous la grisaille londonienne, et même un titre aux choeurs embarrassants (Lovelight of My Life) mais le flow cockney sauve le tout. The Streets reste définitivement le plus présentable des chavs - qui a vraiment envie de boire une pinte avec Lady Sovereign, hein ? La suite se déroulerait au cinéma. à suivre... Thibaut Allemand


disques |

91

Melissmell

JAMES BLAKE

Ecoute s'il pleut | Discograph

James Blake | Atlas / A&M

Ce qui accroche tout de suite, c'est bien sûr la voix. Ce souffle et ce timbre rocailleux qui n'est pas sans rappeler la puissance et la sensibilité de Bertrand Cantat. Les textes ensuite, sanguins, vivants et terriblement authentiques. Contraction de « mélisse », « mélisme » et « smell » (en hommage à Smell Like Teen Spirit de Nirvana), Mélanie Coulet est Melissmell, chanteuse féministe, tendre et engagée. Des écorchures de l'enfance (Je me souviens) à une révolte lucide (Aux Armes), Melissmell ne mâche pas ses mots/maux. Prometteur, ce premier album est cependant affadi par quelques arrangements convenus, à contre-courant du lâché prise et de la fougue de Sens ma fatigue. Loïc Blanc

C’était un peu le Graal de la fin 2010, « le grand espoir 2011 », « à suivre » de près, sous peine de passer pour un con : James Blake, ce jeune Anglais qui cultive, comme ses aînés Burial ou Shackleton, l’envie de brouiller quelques pistes. Celles du dubstep, de l’electronica, du r’n’b, de l’ambient et de l’hauntology (big up à Derrida) – de la musique “spectrale” qui n’oublie pas ses basses, comme si le vague-à-l’âme se calculait en bpms. Après l’affolement général (3 excellents EP’s, dont 2 sortis sur le label bruxellois R&S) et une cover attachante du Limit To Your Love de Feist, on salivait. Désillusion ! Malgré des fulgurances (I Never Learn To Share) et une empreinte bien personnelle, ce disque donne l’impression d’avoir été écrit dans un caisson d’isolation. Ennuyeux, et maussade. Grégory Escouflaire

Voyage 2 Mort pour la France | Pan European Recording Même si le millénaire est à peine entamé, la French Touch ou la « nouvelle » chanson française sentent déjà le camembert. « M’enfin mais c’était hier ! », me direz-vous – sauf qu’en musique les jours comptent triple (2.0 oblige). Le revival de demain se joue ici et maintenant, en 2011 comme en 71. Gong, Heldon, Cheval Fou, Dashiell Hedayat, voire Jean-Michel Jarre : le psyché-prog (etc.) à la française était soi-disant mort, mais il vient de renaître. Merci qui ? Pan European Recording, un label parisien de « kosmiche musik » moderne. De Turzi aux cramés d’Aqua Nebula Oscillator, voici la crème du psychédélisme Made in France actuelle. C’est comme un nouveau monde, une étrange odyssée : appuie sur “Play” et laisse-toi embarquer, vers l’infini et l’au-delààààà. Grégory Escouflaire


concerts Mar 01.02

Jeu 03.02

Masters of Reality +The Cult Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 19h, 36/33e

Delbi +The 3 Fantastics + June and Lula Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 2e

Edmar Castaneda + Gabriele Mirabassi Maubeuge, Le Manège Scène Nationale, 20h, 11/8e An Pierle and White Velvet + Agnes Obel Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16/13e Les premiers Beethoven : Le Cercle de l’harmonie Lille, Opéra, 20h, 21/16e Disco Doom + Montgomery Lille, La Malterie, 20h, 7e Drums Are For Parades Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 22h, 12e

Mer 02.02 L’art du Bel Canto : Marina De Liso + Marco Ricarcielli Lille, Opéra, 18h, 8/5e The Airborne Toxic Event Anvers, Trix, 19h, 17/14e

The Vaselines Gand, Culturel Centrum Vooruit, 19h, 15/13,5e The Subs Courtrai, De Kreun, 20h, 12/10e Alain Chamfort Roubaix, Le Colisée, 20h, 39/27e Chilly Gonzales Leuven, Stuk, 20h, 16/14e The Missing Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 21h, grat Atmosoul + Mth + Czeski Lille, Kiosk, 22h, 4e Les Speculos Lille, Le Biplan, 22h, 8/6e Ralpheus + 2winz Anvers, Le Café d’Anvers, 22h, grat

Ven 04.02

Le Cercle de l’harmonie Lille, Opéra, 20h, 21/16e

Seth Gueko + 13Hor + SANZIO + LAKESTA Bruxelles, Magasin 4, 19h, 12e

The Script Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 24/21e

Chilly Gonzales Gand, Culturel Centrum Vooruit, 19h, 17/15,50e

Kris De Bruyne Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

Arbeid Adelt ! Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 19/16e

Godspeed You ! Black Emperor Diksmuide, Muziekclub 4AD, 20h, 24/20e

Radio Modern Louvain, Silo, 20h, 15/13e

JFJ Gand, Cafe Video, 21h, nc,

Siamang Band + Non Nova Lille, La Rumeur, 20h, 3e

Tribal Jâze Lille, Le Biplan, 22h, grat,

Rocksteady 7 + Campina Reggae Diksmuide, Muziekclub 4AD, 20h, nc

Netsky + Buscemi Anvers, Le Café d’Anvers, 22h, 5e

Arythmytique + Marc Drouard Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 7/5e

Projet Bière Bitch Lille, Le Modjo, 20h, grat, Lilly Wood and the Prick + You and You Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h, 5e Benjamin Paulin + Cactus in Love Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 8,8/6,8e Sheetah et les Weissmuller Bruxelles, Recyclart, 21h, grat, La Rumeur + Paranoyan Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 10/7e The Rover Gand, Cafe Video, 21h, nc, Les Mecs Eclectics + X Tof + Neon + Mystique Gand, Culture Club, 21h, nc, Blackfeet Revolution Lille, Le Biplan, 22h, 6/4e David Garcet + Fernando Wax Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat Kris Rebreak and Will Wee + Climaxx + Miss Noa Lille, Kiosk, 22h, 5e Secret Cinema + Egbert + Peter Horrevorts + Joachim Anvers, Le Café d’Anvers, 22h, 10e

Sam 05.02 Colour Haze + Hypnos 69 Leuven, Het Depot, 18h, 16/13e Kataklysm + Legion of the damned + Equilibrium Anvers, Trix, 18h, 26/24e Kylesa Bruxelles, VK* Concerts, 19h, 16/13e Airnadette + Les Salauds a Banane Lille, L’Aéronef, 20h, 8/4e Spanish Brass and Ensemble Epsilon Valenciennes, Le Phénix, 20h, 22/17e


Retrouvez l’intégralité des concerts sur

Duflan Duflan Liège, La Zone, 20h, nc, Clara clara Lille, La Péniche, 20h, 6e Jérémie Ternoy Trio Lille, La Malterie, 20h, 7/5e Abba Mania Roubaix, Le Colisée, 20h, 39/35e I Am Un Chien Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 9/6e Los Callejeros Bruxelles, VK* Concerts, 20h, grat Panico + Golden Ultra Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/6e Les Blaireaux + Pat Bol Béthune, Théâtre de Béthune, 20h, 12/10e Iphaze + Dub Orchestra Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 9/6e Bärlin + Spectrum Orchestrum Lille, La Rumeur, 21h, nc,

Dim 06.02 Brahms : Nicolas Stavy Arras, Théâtre d’Arras, 11h, 18/8e Bal Rockabilly : Rockin’ + Drinkin’ Guys Lille, Maison Folie Moulins, 14h, grat Les Blaireaux + Pat Bol Béthune, Théâtre de Béthune, 18h, 12/10e The Black Angels Anvers, Trix, 20h, 18/15e Kiss the Anus of a Black Cat Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e Folk Session Lille, Le Biplan, 20h, 5e

Lun 07.02 The Black Angels Lille, L’Aéronef, 20h, 15/10e Richard Thompson Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 28/25e

Anna Calvi Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e Nathaniel Rateliff Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e The Phantom Band + Mintzkov Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 10/7e White Noise Sound + Wyatt E Liège, La Zone, 20h, nc, Puggy Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, nc, Jean Baptiste Hadrot Trio Valenciennes, Le Phénix, 20h, 16/13e Jef Neve Trio Leuven, Het Depot, 20h, 20/17e Street Dogs +The Mahones Bruxelles, VK* Concerts, 20h, 16/13e Didier Super Lille, Th. Sébastopol, 20h, 19,80e Cocoon Lille, L’Aéronef, 20h, 25,50e

The Volvo Sluts Gand, Cafe Video, 21h, nc,

Knussen + Dvorak + Prokofiev : ONL Lille, Nouveau Siècle, 20h, 30/18e

Mick Hart Lille, Le Biplan, 22h, 5e

Cody Gand, Cafe Video, 21h, nc

Dolorean Gand, Culturel Centrum Vooruit, 22h, grat

Ivan Smagghe Bruxelles, Libertine Supersport, 22h, nc

Mar 08.02

Jeu 10.02

Maxidawa : Angela + Snooba Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat

A day to remember Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e

Family of the Year Lille, La Péniche, 20h, 10e

Czeski + Air techno Lille, Kiosk, 22h, 6e

El Biplano Latino Lille, Le Biplan, 21h, grat

Ben Klock + Nick Höppner + Evad + Mathias Tanzmann Bruxelles, Fuse, 23h, 12/7e

Little Trouble Kids Gand, Cafe Video, 21h, nc

Paul Chambers + Dope Fish + Mr Magnetik + Sigi Anvers, Petrol, 23h, 10/8e

Mer 09.02

Neon + Davidov +The Opposites Gand, Culture Club, 23h, nc,

Solistes d’Ictus Lille, Opéra, 18h, 8/5e Disappears + Köhn Bruxelles, Magasin 4, 19h, nc,

Gil Novelo Lille, Le Biplan, 22h, 4,5e

Ledoux + Reger + Lindberg + Strauss : ONL Lille, Nouveau Siècle, 20h, 30/18e Disappears + Ed Wood Jr Lille, L’Aéronef, 20h, 10e Freelance Whales Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e McFly Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e

agenda |

93


concerts Terez Montcalm Lille, Théâtre de l’Hotel Casino Barrière, 20h, 24/15e

Lille, Le Biplan, 22h, 7e

Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 5e

Fayce + Climaxx + missNoa Lille, Kiosk, 22h, 5e

Matieu + Mitch Tichon Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat

Ikonika + Terror Danjah Bruxelles, Recyclart, 22h, 10e

Hard Bass Dealer Lille, Kiosk, 22h, grat

CLUB CHEVAL VS MUSTANG Bruxelles, Libertine Supersport, 22h, nc,

Sam 12.02

Ven 11.02

Germanotta Youth + Kayo Dot + Zea Bruxelles, Magasin 4, 19h, nc,

Kanka + Weeding dub + Forward Fever Bruges, Cactus Muziekcentrum, 22h, 12/9e

Pierrick Pedron Dunkerque, Jazz Club, 20h, 10/7e

Havana Rocks Béthune, Oxford Café, 16h, nc, Esben and The Witch Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e BachibouSouk Lille, La Rumeur, 20h, 4e Goose Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e Wire Bruxelles, Le Botanique, 20h, 19/16e Mark Kozelek Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 15/12e DJ Grazzhoppa’s DJ Bigband + Nuff Said Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 13/10e Frédrika Stahl Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13/10e Vive la Fête Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 25/21,75e Bloodshot Bill + Jake La Botz Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 14,70/11e Rivulets + Library Tapes Lille, La Malterie, 20h, 7e Fergessen + Tetard Béthune, Théâtre Le Poche, 20h, 8,8/6,8e Eclectek + Jonaz + Spaceship Operator’s

J Funk + Restless Waves + Socrade Comines, Le Nautilys, 20h, 5e Nouvelle Vague Lille, L’Aéronef, 20h, 22/18e Sleigh Bells Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

Czeski + James Bacon Lille, Kiosk, 22h, 6e Space DJz + D.D.R. + Spiros Kaloumenos + Double U Jay Anvers, Petrol, 22h, 10e Bambounou + Fratelli Gand, Culture Club, 23h, nc, Digitaline + César Merveille Bruxelles, Fuse, 23h, 11/6e

Sun is Shining Sound System Liège, La Zone, 20h, nc,

Dim 13.02

Family of the Year Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e

Les Trois coups +Les Cafés Renversés Lille, Le Biplan, 15h, grat

Goose Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e

Tim Kasher Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e

22 Pistepirkko + You/Me Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e

Mishalle + Watts + Dramé Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 10/8e

Trois roues sous un parapluie Lille, La Rumeur, 20h, 3e

Motek + Horses Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 10/7e

Poney Express + Oh La La ! Amiens, La Lune des Pirates, 20h, 10/7e

Lun 14.02

Mademoiselle K + Molly’s Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 19,70/16,70e

Laura Veirs Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e

Véronique Sanson Lille, Théâtre de l’Hotel Casino Barrière, 20h, 42/33e

Citizen Cope Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

Jupiter + Concrete Knives Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/4e

Striving Vines Gand, Cafe Video, 21h, nc,

Boogers + Marvin Hood

Mar 15.02


Retrouvez l’intégralité des concerts sur

Lulu and The Lampshades Lille, La Péniche, 20h, sur invitation, All Time Low Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 24/21e Joan As Police Woman Bruxelles, Le Botanique, 20h, 19/16e Sérafina Steer + Mesparrow Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 2e

Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 2e Paganini + Liszt : ONL Lille, Nouveau Siècle, 20h, 30/18e The Dodoz + Joy Formidable + Divine Paiste Lille, L’Aéronef, 20h, 12/6e Funeral Party Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

The Antler King Gand, Cafe Video, 21h, nc

A Brand +The Tellers + Jamaica Louvain, Silo, 20h, 12/10e

Mer 16.02

Volt Voice + Romano Nervoso + Do or Die Bruxelles, Le Botanique, 20h, 7e

Julian Prégardien Lille, Opéra, 18h, 8/5e Knights of the Abyss + Martyr Defiled Anvers, Trix, 19h, 15/12e Twin Shadow Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

Oceane Rose Marie Lille, La Péniche, 20h, 12e Elliott Murphy Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 15/12e

Tournai, 18h, 17/13e Djivilé Courtrai, De Kreun, 18h, 7/5e Red Sniper + M3D + Solar Skeletons +Le Syndicat Bruxelles, Magasin 4, 18h, 12/8e Waldorf + Alpha 2.1 Bruxelles, Le Botanique, 20h, 7e Alexandros Markeas + Philippe Nahon Douai, L’Hippodrome, 20h, 22/9e Pj Harvey Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 43/39e Tagada Jones +The Crazy Motherfuckers in Hell Liège, La Zone, 20h, nc, Pigalle + Sur les docks Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h, 5e

Cold War Kids Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 19/16e

Subtitle +The Qemists Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h, 14,70/11e

Dj Caroll Arras, Théâtre d’Arras, 21h, 6e

Duo Ganoote Platey Lille, La Malterie, 20h, 7/5e

Gold Panda + Eleven Tigers Courtrai, De Kreun, 20h, 12/10e

Heminway Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, grat

Iron and Wine Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e

Gold Panda + Eleven Tigers Leuven, Stuk, 21h, grat,

Oh! Tiger Mountain + Healthy Boy + Benoit Pioulard Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/4e

All Time Low Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 25/22e

69 + Château Brutal Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 6e Les Blaireaux Lille, Th. Sébastopol, 20h, 19e Thomas Fersen Boulogne-sur-Mer, Espace Faiencerie, 21h, 12/10e Tu Fawning Gand, Cafe Video, 21h, nc

Jeu 17.02 Verone + Laetitia Sheriff

CaVe CaNeM Lille, Le Biplan, 22h, 2e Yvan + Fernando Wax Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat

Ven 18.02 D’Hiver Rock : Red Soul + Peter Pan Speedrock + Bang Bang Bazooka + Lucie Carton + Rue des Pêcheries + Dead Elvis + Troba Kungfu + Dubioza Kolektiv +The Caroloregians Tournai, Maison de la Culture de

Isobel Campbell and Mark Lanegan Charleroi, Centre Culturel Eden, 20h, 23/20e Motek + White Noise Sound Diksmuide, Muziekclub 4AD, 20h, 11/7e Souad Massi Roubaix, Le Colisée, 20h, 25/22e Climaxx + missNoa Lille, Kiosk, 22h, 5e Rebel Up Dj’s Bruxelles, Recyclart, 22h, grat, Mano Sinistra + Magachi Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat

agenda |

95


concerts Sam 19.02 D’Hiver Rock : Hurra Torpedo + Tagada Jones + Chapelier Fou + Perils of Penelope + Willis Drummond +The Irradiates + Showtar + Random Hands + Black Sheep + Daau + Chevreuil + Alek et les Japonaises + Monotonix + Thee Vicars + Inspector Cluzo + Château Bourneville + Frank Shinobi + Markunkl Tournai, Maison de la Culture de Tournai, 15h, 17/13e Pj Harvey Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 43/39e Undertones Leuven, Het Depot, 20h, 12/10e Hoax Lille, La Rumeur, 20h, nc, Arid Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 30/27e Stereo Grand +The Big Hat Band + Surprises Bruxelles, Le Botanique, 20h, 7e Anathema Lille, Splendid, 20h, 25,3e White Noise Sound Anvers, Trix, 20h, 11/9e Amiina Leuven, Stuk, 20h, 12e Château Brutal + Roken is Dodelijk + Ed Wood Jr + Woodish + Shiko Shiko Lille, L’Aéronef, 20h, 8/4e Lady Angelina Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 12e Merzin + Noom Hénin-Beaumont, L’Escapade, 20h, 10/8e Arno Charleroi, Coliseum, 20h, 27/23e

Pierre Vaiana and Salvatore Bonafede Mouscron, Centre Culturel Marius Staquet, 20h, 12/8e Lindstrøm Leuven, Stuk, 20h, 12e Wagner + Cercueil Acoustique Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/4e Jérémie Ternoy Trio Lille, La Malterie, 20h, 7/5e James Blake Louvain, Silo, 21h, nc, Club Cheval + Sam Tiba + Canblaster + Panteros 66 + Mustang + Social Disco Club Bruxelles, Libertine Supersport, 22h, nc

Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16/13e The Sisters Of Mercy Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 39/36e The Pains of being pure at heart + Tu Fawning Lille, L’Aéronef, 20h, 12/6e Willow Gand, Cafe Video, 21h, nc,

Mar 22.02 Tony Joe White Leuven, Het Depot, 20h, 22/19e Junip Courtrai, De Kreun, 20h, 16/14e

Alex Play + Red Out Bruxelles, The Wax Club, 22h, grat

CW Stoneking + Timber Timbre Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 10/7e

Steve Bug + Magda + Mathias Kaden Bruxelles, Fuse, 23h, 10e

The Sisters Of Mercy Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 39/36e

Dim 20.02

Absynthe Minded Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 25/21e

Sexteto Tanguedia Gand, Culturel Centrum Vooruit, 15h, grat Puta Madre Brothers Lille, La Péniche, 18h, 10e Lee Fields and The Expressions Gand, Culturel Centrum Vooruit, 19h, 21/19,50e Janelle Monae Bruxelles, Le Botanique, 20h, 21/18e

The Bony King Of Nowhere Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 19/16e The Black Atlantic Gand, Cafe Video, 21h, nc

Mer 23.02 Ward Weis Bruxelles, Recyclart, 17h, grat, Junip Anvers, Trix, 19h, 16/13e

Lun 21.02

Bloodshot Bill Lille, La Péniche, 20h, 18/12e

Monotonix Bruxelles, Magasin 4, 19h, 7e

Lucy Love + Winnie Who Bruxelles, Le Botanique, 20h, 15/12e

Lee Fields and The Expressions + Menahan Street Band + Charles Bradley

White Lies + Crocodiles Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16/13e


Retrouvez l’intégralité des concerts sur

Jonny Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e

The Vaccines Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e

Bruxelles, Recyclart, 20h, 15e

Mr Blackstone Lille, Le Biplan, 20h, 8/6e

CPEX Anvers, Trix, 20h, 20/17e

Jeu 24.02

Covenant + A Split Second Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 28/25,50e

Triggerfinger Leuven, Het Depot, 20h, 23/20e

CPEX Leuven, Het Depot, 20h, 20/17e

Ultrazeen + Masternova Lille, La Rumeur, 20h, 5e

Band of Horses Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h Skunk Anansie +The Virginmarys Lille, L’Aéronef, 20h, 27/22e Suuns Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e Olof Arnarlds +The Flying Horseman Gand, Culturel Centrum Vooruit, 20h, 13/9e The Wombats Anvers, Trix, 20h, 20/17e

H2O Mouscron, Centre Culturel Marius Staquet, 20h, 14/10e

Anamorphosis Liège, La Zone, 20h, nc,

An Pierle and White Velvet Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 18/15e Ben L’Oncle Soul Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 23/20e

Didier Super Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 12/9e

Montevideo + Great Mountain Fire + Adam Kesher Charleroi, Centre Culturel Eden, 20h, nc

Discobar Galaxie Leuven, Het Depot, 22h, 12/10e

Didier Super Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 12/9e

Igor Lille, Kiosk, 22h, 7e

Headman + Mickey + Mustang Bruxelles, Libertine Supersport, 22h, nc

Crackmind + Soul Manifest Lille, Le Biplan, 22h, 5e

Sam 26.02

Joris Voorn +Deg + Glimpse + Spirit Catcher Bruxelles, Fuse, 23h, 6e

Bobik ou Sacha Lille, Maison Folie Moulins, 17h, 5/3e

Dj Pohy + Ebola Aka Kick Ass + Mr Explicit +Dj Keutch Lille, Kiosk, 23h, nc,

Beat TRaffic Lille, Kiosk, 22h, 5e

Moonshine Reunion +The Baboons + Spellbound Anvers, Trix, 19h, nc,

Dim 27.02

Ven 25.02

The Bear + Superlijm + Horses Bruxelles, VK* Concerts, 19h, nc,

Joan As Police Woman Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13/10e Les Wackids Dunkerque, Les 4 Ecluses, 21h, 6/5e

Amaai mijn oren Diksmuide, Muziekclub 4AD, 18h, grat Resistance + Age of Torment + Now Voyager Bruxelles, Magasin 4, 18h, 8e Andreya Triana + Ghostpoet Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 13/10e Drums Are For Parades + Kapitan Korsakov Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 12/9e

Selecta Cab Lille, Le Modjo, 19h, grat, Allo Darlin’ + Young Michelin Lille, L’Aéronef, 20h, 8/4e

Symphony X + Nevermore + Psychotic WaltzAnvers, Trix, 18h, 28/26e Absynthe Minded Bruxelles, L’Ancienne Belgique, 20h, 23/20e Triggerfinger Leuven, Het Depot, 20h, e

Suuns Courtrai, De Kreun, 20h, 12/10e

Lun 28.02

Fallacious World + Fizzi Lille, La Rumeur, 20h, 3e

Yuck Bruxelles, Le Botanique, 20h, 13/10e

Moritz von Oswald Trio + Dj Mala + Dj Mark Ainley + Tikiman + Peverelist

Wild Moccasins Gand, Cafe Video, 21h, nc

agenda |

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le mot de la fin |

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Le retour de la philo

Martin Vidberg, dessinateur et scénariste, passe l'actualité au crible de son humour. Connu pour son blog « l'actu en patates » il nous fait le plaisir de clore le magazine par une planche qui n'arrondit pas forcément les angles. à visiter / vidberg.blog.lemonde.fr, www.martinvidberg.com - à lire / Perdus sur l'île déserte, éd. Diantre Eds




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